Language of document : ECLI:EU:T:2014:564

DOCUMENT DE TRAVAIL

ORDONNANCE DU PRÉSIDENT DU TRIBUNAL

20 juin 2014 (*)

« Référé – Parlement européen – Acte portant élection des membres du Parlement européen au suffrage universel direct – Incompatibilité de la qualité de membre du Parlement européen avec celle de membre d’un parlement national (interdiction du double mandat) – Demande de mesures provisoires – Méconnaissance des exigences de forme – Irrecevabilité manifeste du recours principal – Irrecevabilité »

Dans l’affaire T‑410/14 R,

Geert Wilders, représenté par Mes G. Knoops et C. Hamburger, avocats,

partie requérante,

contre

Parlement européen,

et

Conseil de l’Union européenne,

parties défenderesses,

ayant pour objet une demande de mesures provisoires visant, en substance, à permettre au requérant de prêter serment en tant que membre du Parlement européen, tout en continuant d’exercer son mandat de membre du parlement néerlandais,

LE PRÉSIDENT DU TRIBUNAL

rend la présente

Ordonnance

 Antécédents du litige et procédure

1        Ainsi qu’il ressort du texte de la demande en référé, le requérant, M. Geert Wilders, est le dirigeant du Partij voor de Vrijheid (PVV, parti pour la liberté) et le chef de groupe pour ce parti à la seconde chambre du parlement néerlandais. Le 22 mai 2014, il a été élu député européen.

2        Dans sa demande en référé, le requérant souligne que, avant le 24 juin 2014, il doit signer un formulaire comme le prévoit l’article 3, paragraphe 2, du règlement intérieur du Parlement européen (JO 2011, L 116, p. 1), par lequel il déclarerait au Parlement européen ne pas occuper de fonction incompatible avec la qualité de membre du Parlement européen, au sens de l’article 7, paragraphes 1 et 2, de l’acte portant élection des membres du Parlement européen au suffrage universel direct annexé à la décision 76/787/CECA, CEE, Euratom du Conseil, du 20 septembre 1976 (JO L 278, p. 1), tel que modifié et renuméroté par la décision 2002/772/CE, Euratom du Conseil du 25 juin 2002 et du 23 septembre 2002 (JO L 283, p. 1) (ci-après l’« acte de 1976 »).

3        Le requérant expose qu’il n’est pas en mesure de signer le formulaire en cause, étant donné que l’acte de 1976 a été modifié par la décision 2002/772 en ce sens que, à partir de l’élection au Parlement européen en 2004, la fonction de député européen est incompatible avec celle de membre d’un parlement national (ci-après l’« interdiction du double mandat »). Selon le requérant, le 1er juillet 2014 aura lieu la réunion constitutive du Parlement européen, au cours de laquelle les futurs membres élus prêteront serment. Or, s’il ne peut pas signer le formulaire en cause, sa prestation de serment ne pourra pas avoir lieu. Il soutient que l’interdiction du double mandat est contraire aux traités internationaux et européens (relatifs aux droits de l’homme) et affirme que son droit et celui de ses électeurs à disposer d’un siège au Parlement européen doit être sauvegardé aussi longtemps qu’il n’a pas été statué au fond.

4        Par requête déposée au greffe du Tribunal le 11 juin 2014, le requérant a introduit un recours visant, en substance, à l’annulation de l’interdiction du double mandat. En outre, il demande au Tribunal de déclarer l’interdiction du double mandat incompatible avec des dispositions de rang supérieur et de décider qu’il est autorisé à siéger au Parlement européen tout en conservant son siège au parlement néerlandais.

5        Par acte séparé, déposé au greffe du Tribunal le même jour, le requérant a introduit la présente demande en référé, dans laquelle il conclut, en substance, à ce qu’il plaise au président du Tribunal :

–        à titre principal, décider qu’il peut provisoirement, pendant que la procédure au fond est pendante devant le Tribunal, prêter serment en tant que membre du Parlement européen et ainsi être nommé ;

–        à titre subsidiaire, dans l’hypothèse où la demande principale ne devrait pas être accueillie, décider que la personne (éligible) figurant après lui sur la liste des membres du PVV élus au Parlement européen (en l’occurrence le quatrième candidat) sera nommée et prêtera serment en tant que membre du Parlement européen, étant entendu qu’il s’agira d’une nomination provisoire de sorte que, si le Tribunal devait lui donner raison dans la procédure au fond, il puisse encore occuper ce poste au Parlement européen à la place de la personne précitée ;

–        à tout le moins, prendre une décision lui permettant de siéger au Parlement européen sans remettre en cause son siège au parlement néerlandais.

 En droit

6        Il ressort d’une lecture combinée des articles 278 TFUE et 279 TFUE, d’une part, et de l’article 256, paragraphe 1, TFUE, d’autre part, que le juge des référés peut, s’il estime que les circonstances l’exigent, ordonner le sursis à l’exécution d’un acte attaqué devant le Tribunal ou prescrire les mesures provisoires nécessaires, et ce dans le respect des règles de recevabilité prévues par l’article 104 du règlement de procédure du Tribunal.

7        Dès lors que le non-respect du règlement de procédure constitue une fin de non-recevoir d’ordre public, il appartient au juge des référés d’examiner d’office, in limine litis, si les dispositions applicables de ce règlement ont été respectées (voir ordonnance du 29 juillet 2010, Cross Czech/Commission, T‑252/10 R, EU:T:2010:323, point 7 et jurisprudence citée).

8        En vertu de l’article 104, paragraphe 2, du règlement de procédure, les demandes en référé doivent spécifier l’objet du litige, les circonstances établissant l’urgence, ainsi que les moyens de fait et de droit justifiant à première vue l’octroi de la mesure provisoire à laquelle elles concluent. Ainsi, le sursis à exécution et les autres mesures provisoires peuvent être accordés par le juge des référés s’il est établi que leur octroi est justifié à première vue en fait et en droit (fumus boni juris) et qu’ils sont urgents, en ce sens qu’il est nécessaire, pour éviter un préjudice grave et irréparable aux intérêts de la partie qui les sollicite, qu’ils soient édictés et produisent leurs effets dès avant la décision sur le recours principal. Ces conditions sont cumulatives, de sorte que les mesures provisoires doivent être rejetées dès lors que l’une d’elles fait défaut [ordonnances du 14 octobre 1996, SCK et FNK/Commission, C‑268/96 P(R), Rec, EU:C:1996:381, point 30, et du 12 mai 2010, Torresan/OHMI, C‑5/10 P‑R, EU:C:2010:269, points 14 et 15].

9        En outre, en vertu de l’article 104, paragraphe 3, et de l’article 44, paragraphe 1, sous c), du règlement de procédure, la demande en référé doit notamment être présentée par acte séparé, indiquer l’objet du litige et contenir un exposé sommaire des moyens invoqués.

10      Il découle d’une lecture combinée de ces dispositions du règlement de procédure qu’une demande relative à des mesures provisoires doit, à elle seule, permettre à la partie défenderesse de préparer ses observations et au juge des référés de statuer sur la demande, le cas échéant, sans autres informations à l’appui. Afin de garantir la sécurité juridique et une bonne administration de la justice, il faut, pour qu’une telle demande soit recevable, que les éléments essentiels de fait et de droit sur lesquels celle-ci se fonde ressortent d’une façon cohérente et compréhensible du texte même de la demande en référé. Si ce texte peut être étayé et complété sur des points spécifiques par des renvois à des passages déterminés de pièces qui y sont annexées, un renvoi global à d’autres écrits, même annexés à la demande en référé, ne saurait pallier l’absence des éléments essentiels dans celle-ci [voir ordonnance Cross Czech/Commission, EU:T:2010:323, point 10, et la jurisprudence citée ; voir également, en ce sens, ordonnance du 30 avril 2010, Ziegler/Commission, C‑113/09 P(R), EU:C:2010:242, point 13].

11      Par ailleurs, le point 81 des instructions pratiques aux parties devant le Tribunal du 24 janvier 2012 (JO L 68, p. 23) prévoit expressément que « [l]a demande […] doit être compréhensible par elle-même, sans qu’il soit nécessaire de se référer à la requête dans l’affaire au principal ».

12      Dans les circonstances du cas d’espèce, il convient de vérifier si la demande en référé est recevable en ce qu’elle contient un exposé suffisamment précis des éléments permettant l’examen de la condition relative au fumus boni juris.

13      À cet égard, il y a lieu de rappeler que le requérant, afin d’établir un fumus boni juris, se borne à affirmer, dans la demande en référé, qui ne comporte que 3 pages, que « l’interdiction du double mandat est contraire aux traités internationaux et européens (relatifs aux droits de l’homme) » et que « [son] droit […] et [celui] de ses électeurs à avoir un siège au Parlement européen doit être sauvegardé aussi longtemps qu’il n’a pas été statué au fond ». Il ajoute que sa demande « fait partie d’une demande détaillée tendant à introduire un recours direct, dont le Tribunal a à ce jour été saisi et dont le contenu doit être considéré comme reproduit et inséré ici » et que, « vu la nature des points de droit soulevés dans la requête annexée et la nécessité d’obtenir une décision du Tribunal avant la réunion constitutive du 1er juillet 2014, ainsi que l’intérêt majeur que revêt une telle décision pour le requérant et l’électorat néerlandais (et européen), il existe en l’espèce un droit et un intérêt à une mesure provisoire ».

14      Force est de constater que, à l’évidence, ces affirmations laconiques ne suffisent pas à établir un fumus boni juris susceptible de justifier l’octroi des mesures provisoires sollicitées, de telles mesures ne pouvant être ordonnées qu’à titre exceptionnel, étant donné que l’article 278 TFUE pose le principe du caractère non suspensif des recours et que les actes adoptés par les institutions de l’Union européenne bénéficient d’une présomption de légalité (voir, en ce sens, ordonnance du 17 décembre 2009, Vereniging Milieudefensie et Stichting Stop Luchtverontreiniging Utrecht/Commission, T‑396/09 R, EU:T:2009:526, point 31 et jurisprudence citée).

15      Par ailleurs, l’absence d’explication suffisante, dans la demande en référé, des éléments constitutifs d’un fumus boni juris ne saurait être compensée par la référence du requérant à la requête dans l’affaire au principal qu’il a déposée au greffe du Tribunal (voir ordonnance Cross Czech/Commission, EU:T:2010:323, point 14 et jurisprudence citée).

16      En effet, si la demande en référé peut être complétée sur des points spécifiques par des renvois à des pièces qui y sont annexées, ces dernières ne sauraient pallier l’absence des éléments essentiels dans ladite demande (voir point 10 ci-dessus). Il n’incombe pas au juge des référés de rechercher, en lieu et place de la partie concernée, les éléments contenus dans les annexes ou dans la requête principale qui seraient de nature à corroborer la demande en référé. Une telle obligation mise à la charge du juge des référés serait d’ailleurs de nature à priver d’effet la disposition du règlement de procédure qui prévoit que la demande relative à des mesures provisoires doit être présentée par acte séparé (voir ordonnance Cross Czech/Commission, EU:T:2010:323, point 15 et jurisprudence citée).

17      Il résulte de tout ce qui précède que la présente demande en référé doit être rejetée comme irrecevable en ce que l’exposé des motifs qu’elle contient n’est pas conforme aux exigences de l’article 104, paragraphes 2 et 3, du règlement de procédure.

18      Il convient d’ajouter que, en vertu des dispositions de l’article 104, paragraphe 1, du règlement de procédure, une demande en référé n’est recevable que si elle émane d’une partie à une affaire dont le Tribunal est saisi. Cette règle implique que le recours principal, sur lequel se greffe la demande en référé, puisse être effectivement examiné par le juge du fond (voir ordonnance du 17 juillet 2013, Borghezio/Parlement, T‑336/13 R, EU:T:2013:385, point 23 et jurisprudence citée).

19      Dans ce contexte, il est de jurisprudence constante que la recevabilité du recours principal ne doit pas, en principe, être examinée dans le cadre d’une procédure de référé. Cependant, quand l’irrecevabilité manifeste du recours principal est soulevée, la partie sollicitant les mesures provisoires doit établir l’existence d’éléments permettant de conclure, à première vue, à la recevabilité de ce recours, sur lequel se greffe la demande en référé, afin d’éviter qu’elle puisse, par la voie du référé, obtenir le sursis à l’exécution d’un acte dont elle se verrait par la suite refuser l’annulation, son recours étant déclaré irrecevable lors de son examen au fond. Un tel examen, par le juge des référés, de la recevabilité du recours principal est nécessairement sommaire, compte tenu du caractère urgent de la procédure de référé (voir ordonnance Borghezio/Parlement, EU:T:2013:385, point 24 et jurisprudence citée).

20      Ainsi, dans le cadre d’une procédure de référé, la recevabilité du recours principal ne peut être appréciée que de prime abord et le juge des référés ne doit déclarer cette demande irrecevable que si la recevabilité du recours principal peut être totalement exclue. À défaut, statuer sur la recevabilité du recours principal au stade du référé lorsque celle-ci n’est pas prima facie totalement exclue reviendrait à préjuger la décision du Tribunal statuant dans l’affaire principale (voir ordonnance Borghezio/Parlement, EU:T:2013:385, point 25 et jurisprudence citée).

21      En l’espèce, le recours principal a été fondé par le requérant sur l’article 263 TFUE et vise principalement l’annulation de l’interdiction du double mandat figurant à l’article 7, paragraphe 2, premier alinéa, de l’acte de 1976, qui dispose que, à partir de l’élection au Parlement européen en 2004, la qualité de membre du Parlement européen est incompatible avec celle de membre d’un parlement national. Or, cette interdiction ayant été insérée dans ledit acte en 2002, le délai de recours prévu à l’article 263, sixième alinéa, TFUE a expiré depuis longtemps déjà.

22      S’agissant des autres conclusions du recours principal, le requérant demande au Tribunal, d’une part, de déclarer que l’interdiction du double mandat est contraire au droit de rang supérieur et, d’autre part, d’enjoindre au Parlement européen de l’admettre en tant que député européen tout en lui permettant de conserver son siège au parlement néerlandais. Or, selon une jurisprudence constante, dans le cadre du contrôle de légalité fondé sur l’article 263 TFUE, le Tribunal n’est manifestement pas compétent pour prononcer des arrêts déclaratoires ou pour adresser des injonctions aux institutions de l’Union (voir, en ce sens, arrêts du 8 juillet 1999, DSM/Commission, C‑5/93 P, Rec, EU:C:1999:364, point 36, du 24 février 2000, ADT Projekt/Commission, T‑145/98, Rec, EU:T:2000:54, point 83, et du 4 février 2009, Omya/Commission, T‑145/06, Rec, EU:T:2009:27, point 23).

23      Enfin, pour autant que le requérant entende contester la légalité d’une décision du Parlement européen de faire application de l’interdiction du double mandat à son égard, force est de constater qu’une telle décision n’a pas été adoptée à ce stade, de sorte qu’un recours dirigé contre celle-ci doit être considéré comme manifestement prématuré.

24      Il s’ensuit que la demande en référé doit également être déclarée irrecevable du fait que le recours principal sur lequel elle se greffe apparaît, à première vue, manifestement irrecevable.

Par ces motifs,

LE PRÉSIDENT DU TRIBUNAL

ordonne :

1)      La demande en référé est rejetée.

2)      Les dépens sont réservés.

Fait à Luxembourg, le 20 juin 2014.

Le greffier

 

       Le président

E. Coulon

 

       M. Jaeger


* Langue de procédure : le néerlandais.