Language of document : ECLI:EU:T:2010:449

ORDONNANCE DU PRÉSIDENT DU TRIBUNAL

25 octobre 2010 (*)

« Référé – Concours financier – Note de débit visant au recouvrement d’un concours financier – Demande de sursis à exécution – Méconnaissance des exigences de forme – Irrecevabilité »

Dans l’affaire T‑353/10 R,

Lito Maieftiko Gynaikologiko kai Cheirourgiko Kentro AE, établie à Athènes (Grèce), représentée parMe  E. Tzannini, avocat,

partie requérante,

contre

Commission européenne, représentée par MM. D. Triantafyllou et A. Sauka, en qualité d’agents,

partie défenderesse,

ayant pour objet une demande de sursis à l’exécution d’une note de débit émise par la Commission le 22 juillet 2010 en vue de récupérer la somme de 109 415,20 euros versée dans le cadre d’un concours financier au soutien d’un projet de recherches médicales,

LE PRÉSIDENT DU TRIBUNAL

rend la présente

Ordonnance

 Antécédents du litige

1        La requérante, Lito Maieftiko Gynaikologiko kai Cheirourgiko Kentro AE, est une maternité spécialisée dans les domaines de l’obstétrique, de la gynécologie et de la chirurgie. Fondée en 1969 sous la forme d’une société à responsabilité limitée, elle a été transformée en société anonyme en 1991. La requérante est membre d’un consortium qui, en 2003, a conclu avec la Commission des Communautés européennes un contrat concernant un projet de recherches médicales, aux termes duquel la Commission s’engageait à apporter sa contribution financière par le versement de plusieurs tranches. Le projet en cause s’est achevé le 30 juin 2006, mais le contrat dont il a fait l’objet est toujours en vigueur, la Commission n’ayant pas encore procédé au versement de la dernière tranche.

2        En avril 2009, la Commission a informé la requérante qu’elle ferait l’objet d’un contrôle, sous la forme d’un audit financier, en raison de sa participation audit projet. Il ressort de l’audit, qui a été effectué en août 2009, que la requérante n’avait pas remis les « fiches de présence » consignant les heures de travail de son personnel dont elle demandait le remboursement. En octobre 2009, la Commission a communiqué à la requérante le projet de rapport d’audit faisant état de l’absence des « fiches de présence » et l’a invitée à présenter ses observations. Les observations transmises par la requérante début novembre n’ayant pas convaincu la Commission, celle-ci a, par lettre du 23 décembre 2009, maintenu les conclusions qui avaient été formulées dans le rapport d’audit. Le 27 avril 2010, la Commission a adressé à la requérante une lettre d’information préalable à une procédure de recouvrement, l’invitant à lui rembourser la somme de 109 415,20 euros. Le 26 mai 2010, la requérante a demandé à la Commission que ses observations précédemment transmises soient à nouveau examinées et approuvées.

3        Considérant toutefois que la réponse de la requérante n’avait apporté aucun élément nouveau, la Commission lui a adressé, le 22 juillet 2010, une note de débit dans laquelle il était indiqué qu’elle devait payer la somme de 109 415,20 euros pour le 6 septembre 2010 et qu’elle risquait, d’une part, de se voir imposer des intérêts de retard si le remboursement réclamé n’était pas effectué à l’échéance fixée et, d’autre part, de faire l’objet d’une exécution forcée au titre de l’article 299 TFUE (ci-après la « note de débit »).

 Procédure et conclusions des parties

4        Par requête déposée au greffe du Tribunal le 31 août 2010, la requérante a introduit un recours visant, en substance, à l’annulation de la note de débit.

5        Par acte séparé, déposé au greffe du Tribunal le 3 septembre 2010, la requérante a introduit la présente demande en référé, dans laquelle elle conclut, en substance, à ce qu’il plaise au président du Tribunal :

–        surseoir à l’exécution de la note de débit jusqu’à ce que le Tribunal se soit prononcé sur le recours principal ;

–        condamner la Commission aux dépens.

6        Dans ses observations écrites déposées au greffe du Tribunal le 20 septembre 2010, la Commission conclut à ce qu’il plaise au président du Tribunal :

–        rejeter la demande en référé comme irrecevable ou, à titre subsidiaire, comme dénuée de fondement ;

–        condamner la requérante aux dépens.

 En droit

7        Il ressort d’une lecture combinée des articles 278 TFUE et 279 TFUE, d’une part, et de l’article 256, paragraphe 1, TFUE, d’autre part, que le juge des référés peut, s’il estime que les circonstances l’exigent, ordonner le sursis à l’exécution d’un acte attaqué devant le Tribunal ou prescrire les mesures provisoires nécessaires, et ce en application de l’article 104 du règlement de procédure du Tribunal.

8        Dès lors que le non-respect du règlement de procédure constitue une fin de non-recevoir d’ordre public, il appartient au juge des référés d’examiner d’office, in limine litis, si les dispositions applicables de ce règlement ont été respectées (voir ordonnance du président du Tribunal du 29 juillet 2010, Cross Czech/Commission, T‑252/10 R, non publiée au Recueil, point 7, et la jurisprudence citée).

9        À cet égard, l’article 104, paragraphe 2, du règlement de procédure dispose que les demandes en référé doivent spécifier l’objet du litige, les circonstances établissant l’urgence, ainsi que les moyens de fait et de droit justifiant à première vue l’octroi de la mesure provisoire à laquelle elles concluent. Ainsi, le sursis à exécution et les autres mesures provisoires peuvent être accordés par le juge des référés s’il est établi que leur octroi est justifié à première vue en fait et en droit (fumus boni juris) et qu’ils sont urgents en ce sens qu’il est nécessaire, pour éviter un préjudice grave et irréparable aux intérêts de la partie qui les sollicite, qu’ils soient édictés et produisent leurs effets dès avant la décision sur le recours principal. Ces conditions sont cumulatives, de sorte que les mesures provisoires doivent être rejetées dès lors que l’une d’elles fait défaut [ordonnances du président de la Cour du 14 octobre 1996, SCK et FNK/Commission, C‑268/96 P(R), Rec. p. I‑4971, point 30, et du 12 mai 2010, Torresan/OHMI, C‑5/10 P‑R, non publiée au Recueil, points 14 et 15].

10      En outre, en vertu de l’article 104, paragraphe 3, et de l’article 44, paragraphe 1, sous c), du règlement de procédure, la demande doit notamment être présentée par acte séparé, indiquer l’objet du litige et contenir un exposé sommaire des moyens invoqués.

11      Il découle d’une lecture combinée de ces dispositions du règlement de procédure qu’une demande relative à des mesures provisoires doit, à elle seule, permettre à la partie défenderesse de préparer ses observations et au juge des référés de statuer sur la demande, le cas échéant, sans autres informations à l’appui. Afin de garantir la sécurité juridique et une bonne administration de la justice, il faut, pour qu’une telle demande soit recevable, que les éléments essentiels de fait et de droit sur lesquels celle-ci se fonde ressortent d’une façon cohérente et compréhensible du texte même de la demande en référé. Si ce texte peut être étayé et complété sur des points spécifiques par des renvois à des passages déterminés de pièces qui y sont annexées, un renvoi global à d’autres écrits, même annexés à la demande en référé, ne saurait pallier l’absence des éléments essentiels dans celle-ci [voir ordonnance Cross Czech/Commission, précitée, point 10, et la jurisprudence citée ; voir, également, ordonnance du président de la Cour du 30 avril 2010, Ziegler/Commission, C‑113/09 P(R), non publiée au Recueil, point 13].

12      Dans les circonstances du cas d’espèce, il convient de vérifier si la demande en référé est recevable en ce qu’elle contient un exposé suffisamment précis des éléments permettant l’examen de la condition relative à l’urgence.

13      À cet égard, il y a lieu de rappeler que, selon une jurisprudence constante, l’urgence doit s’apprécier par rapport à la nécessité de statuer provisoirement, afin d’éviter qu’un préjudice grave et irréparable ne soit occasionné à la partie qui sollicite les mesures provisoires, étant précisé qu’un préjudice de caractère purement financier – tel que celui qui serait causé, en l’espèce, par le remboursement de la somme de 109 415,20 euros –, n’est normalement pas irréparable, dès lors qu’il peut faire l’objet d’une compensation financière ultérieure, à moins qu’il apparaisse que, en l’absence de ces mesures, ladite partie se trouverait dans une situation susceptible de mettre en péril son existence avant l’intervention de l’arrêt mettant fin à la procédure principale (voir, en ce sens, ordonnance du président du Tribunal du 16 novembre 2007, Dimos Peramatos/Commission, T‑312/07 R, non publiée au Recueil, points 34 et 35, et la jurisprudence citée).

14      Pour pouvoir apprécier si le préjudice allégué présente un caractère grave et irréparable, le juge des référés doit disposer d’indications concrètes et précises, étayées par des documents détaillés qui démontrent la situation financière de la partie qui sollicite les mesures provisoires et permettent d’apprécier les conséquences qui résulteraient de l’absence des mesures demandées. Il s’ensuit que ladite partie doit produire, pièces à l’appui, une image fidèle et globale de sa situation financière [voir, en ce sens, ordonnance du président du Tribunal du 27 avril 2010, Parlement/U, T‑103/10 P (R), non publiée au Recueil, points 37 et 39].

15      En l’espèce, la requérante – après avoir indiqué qu’elle avait fusionné « avec les entreprises du groupe MIG » et que les salaires du personnel employé sur le projet avaient été financés par des fonds propres – affirme, aux points 45 à 47 de la demande en référé, que l’exécution de la note de débit lui causerait un préjudice, étant donné que

–        « la dernière tranche du projet […] n’a toujours pas été versée, ce qui aggrave [son] préjudice financier » ;

–        « le fait que, dans un contexte économique difficile et sans que la dernière tranche du programme n’ait été versée, alors [qu’elle avait] achevé désormais le projet, la Commission [lui] demande, par le biais d’une note de débit et la menace d’une procédure d’exécution forcée, de verser la somme de 109 415,20 euros, constitue un traitement préjudiciable qui aggrave [sa] situation financière » ;

–        « la note de débit […] constitue un préjudice pour [elle] et, par conséquent, une raison urgente pour prononcer le sursis à exécution de [cette] note » ;

–        « il y a urgence pour [elle] de ne pas exécuter la note de débit attaquée jusqu’à ce que le Tribunal statue sur [le] recours [principal] ».

16      Or, force est de constater que si ces allégations présentent un certain lien avec les intérêts financiers de la requérante, elles ne sauraient en aucun cas être considérées comme fournissant une image fidèle et globale de la situation financière de cette dernière, d’autant qu’elles ne sont étayées par aucune preuve documentaire. À défaut d’indications relatives à son chiffre d’affaires, la requérante ne permet, notamment, pas au juge des référés d’apprécier si le préjudice allégué peut être qualifié de grave, en ce que l’exécution de la note de débit menacerait son existence.

17      De plus, la requérante omet de se prononcer sur le caractère irréparable du préjudice financier allégué. Elle n’expose, notamment, pas ce qui l’empêcherait, en cas d’annulation de la note de débit, d’obtenir une compensation financière ultérieure par la voie d’un recours en indemnité au titre des articles 268 TFUE et 340 TFUE, la seule possibilité de former un tel recours étant suffisante pour attester du caractère en principe réparable d’un tel préjudice (voir, en ce sens, ordonnance du président du Tribunal du 31 août 2010, Babcock Noell/Entreprise commune Fusion for Energy, T‑299/10 R, non publiée au Recueil, point 51, et la jurisprudence citée).

18      En conséquence, la simple affirmation, par la requérante, de l’imminence d’un préjudice grave et irréparable n’est manifestement pas conforme aux exigences de l’article 104, paragraphe 2, du règlement de procédure et ne satisfait pas au critère de clarté et de précision établi par la jurisprudence mentionnée au point 11 ci-dessus. En effet, la présente demande en référé ne permet pas, à elle seule, au juge des référés de se prononcer sur la condition relative à l’urgence.

19      Il s’ensuit que la présente demande en référé doit être rejetée comme irrecevable, sans qu’il soit besoin d’examiner le point de savoir si le recours principal, sur lequel elle se greffe, peut être déclaré recevable en ce qu’il vise à l’annulation d’une note de débit, dont le caractère d’acte attaquable a été remis en question par la Commission.

Par ces motifs,

LE PRÉSIDENT DU TRIBUNAL

ordonne :

1)      La demande en référé est rejetée.

2)      Les dépens sont réservés

Fait à Luxembourg, le 25 octobre 2010.

Le greffier

 

       Le président

E. Coulon

 

       M. Jaeger


* Langue de procédure : le grec.