Language of document : ECLI:EU:T:2015:861


ARRÊT DU TRIBUNAL (quatrième chambre)

18 novembre 2015 (*)

« Marque communautaire – Procédure d’opposition – Demande de marque communautaire figurative HALAL MALAYSIA – Marque figurative antérieure non enregistrée HALAL MALAYSIA – Motif relatif de refus – Absence de droits au signe antérieur ayant été acquis conformément au droit de l’État membre avant la date de dépôt de la demande de marque communautaire – Article 8, paragraphe 4, du règlement (CE) nº 207/2009 – Utilisation de la marque antérieure en tant que label – Régime de l’action de common law en usurpation d’appellation (action for passing off) – Absence d’un ‘goodwill’»

Dans l’affaire T‑508/13,

Government of Malaysia, représenté initialement par MM. R. Volterra, solicitor, R. Miller, barrister, Mes V. von Bomhard et T. Heitmann, avocats, puis par MM. Volterra, Miller et Me von Bomhard,

partie requérante,

contre

Office de l’harmonisation dans le marché intérieur (marques, dessins et modèles) (OHMI), représenté par MM. P. Bullock et N. Bambara, en qualité d’agents,

partie défenderesse,

l’autre partie à la procédure devant la chambre de recours de l’OHMI ayant été

Paola Vergamini, demeurant à Castelnuovo di Garfagnana (Italie),

ayant pour objet un recours formé contre la décision de la première chambre de recours de l’OHMI du 27 juin 2013 (affaire R 326/2012‑1), relative à une procédure d’opposition entre Government of Malaysia et Mme Paola Vergamini,

LE TRIBUNAL (quatrième chambre),

composé de M. M. Prek, président, Mme I. Labucka (rapporteur) et M. V. Kreuschitz, juges,

greffier : M. I. Dragan, administrateur,

vu la requête déposée au greffe du Tribunal le 20 septembre 2013,

vu le mémoire en réponse déposé au greffe du Tribunal le 17 décembre 2013,

vu le mémoire en réplique déposé au greffe du Tribunal la 16 avril 2014,

à la suite de l’audience du 6 février 2015,

rend le présent

Arrêt

 Antécédents du litige

1        Le 25 mai 2010, Mme Paola Vergamini, l’autre partie à la procédure devant la chambre de recours de l’OHMI, a présenté une demande de marque communautaire à l’Office de l’harmonisation dans le marché intérieur (marques, dessins et modèles) (OHMI), en vertu du règlement (CE) nº 207/2009 du Conseil, du 26 février 2009, sur la marque communautaire (JO L 78, p. 1).

2        La marque dont l’enregistrement a été demandé est le signe figuratif suivant :

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3        Les produits et les services pour lesquels l’enregistrement a été demandé relèvent des classes 5, 18, 25, 29, 30, 31, 32 et 43 au sens de l’arrangement de Nice concernant la classification internationale des produits et des services aux fins de l’enregistrement des marques, du 15 juin 1957, tel que révisé et modifié, et correspondent, pour chacune de ces classes à la description suivante :

–        classe 5 : « Produits pharmaceutiques et vétérinaires ; produits hygiéniques pour la médecine ; substances diététiques à usage médical, aliments pour bébé ; emplâtres ; matériel pour pansements ; désinfectants ; produits pour la destruction des animaux nuisibles ; fongicides, herbicides » ;

–        classe 18 : « Cuir et imitations du cuir, produits en ces matières non compris dans d’autres classes ; peaux d’animaux, malles et valises ; parapluies, parasols et cannes ; fouets et sellerie » ;

–        classe 25 : « Vêtements, chaussures, chapellerie » ;

–        classe 29 : « Viande, poisson, volaille et gibier ; extraits de viande ; fruits et légumes conservés, congelés, séchés et cuits ; gelées, confitures, compotes ; œufs, lait et produits laitiers ; graisses et huiles comestibles » ;

–        classe 30 : « Café, thé, cacao, sucre, riz, tapioca, sagou, succédanés du café ; farines et préparations faites de céréales, pain, pâtisserie et confiserie, glaces comestibles ; miel, sirop de mélasse ; levure, poudre pour faire lever ; sel, moutarde ; vinaigre, sauces (condiments) ; épices ; glace à rafraîchir » ;

–        classe 31 : « Produits agricoles, horticoles, forestiers et graines, non compris dans d’autres classes ; animaux vivants ; fruits et légumes frais ; semences, plantes et fleurs naturelles ; aliments pour animaux ; malt » ;

–        classe 32 : « Bières ; eau minérale ; eaux minérales et gazeuses et autres boissons non alcooliques ; boissons de fruits et jus de fruits ; sirops et autres préparations pour faire des boissons » ;

–        classe 43 : « Restauration (alimentation) ; hébergement temporaire ».

4        La demande de marque communautaire a été publiée au Bulletin des marques communautaires nº 127/2010, du 13 juillet 2010.

5        Le 13 octobre 2010, le requérant, Government of Malaysia, a formé opposition, au titre de l’article 41 du règlement nº 207/2009, à l’enregistrement de la marque demandée dans son intégralité.

6        Les motifs invoqués à l’appui de l’opposition étaient ceux visés à l’article 8, paragraphe 1, sous a) et b), et paragraphe 4, du règlement nº 207/2009.

7        L’opposition était fondée sur le signe figuratif, reproduit ci-après, qui, aux fins de l’article 8, paragraphe 1, sous a) et b), du règlement nº 207/2009, est, selon le requérant, notoirement connu au sens de l’article 8, paragraphe 2, sous c), dudit règlement lu en combinaison avec l’article 6 bis de la convention de Paris pour la protection de la propriété industrielle, du 20 mars 1883, telle que révisée et modifiée, et, aux fins de l’article 8, paragraphe 4, de ce règlement, est une marque non enregistrée au Royaume-Uni pour laquelle le requérant revendique l’usage pour une gamme de produits et de services, dont les aliments :

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8        Le 16 décembre 2011, la division d’opposition a rejeté l’opposition dans son ensemble. Dans un premier temps, elle a estimé que la notoriété du signe antérieur au sens de l’article 8, paragraphe 2, sous c), du règlement nº 207/2009 n’a été prouvée dans aucun État membre de l’Union européenne. Dans un second temps, en appréciant les critères d’application de l’article 8, paragraphe 4, dudit règlement, elle a considéré que les preuves soumises par le requérant n’étaient pas suffisantes pour conclure que, à la date de dépôt de la marque demandée, la marque non enregistrée du requérant avait acquis le « goodwill » (force d’attraction de la clientèle) nécessaire au Royaume‑Uni.

9        Le 14 février 2012, le requérant a formé un recours auprès de l’OHMI au titre des articles 58 à 64 du règlement nº 207/2009 contre la décision de la division d’opposition.

10      Par décision du 27 juin 2013 (ci-après la « décision attaquée »), la première chambre de recours de l’OHMI a rejeté le recours.

11      S’agissant du motif d’opposition visé à l’article 8, paragraphe 4, du règlement nº 207/2009, tout d’abord, la chambre de recours a considéré qu’il n’avait pas été établi que le délit d’usurpation d’appellation au Royaume-Uni s’appliquait aux signes fonctionnant en tant que labels. Cependant, elle a indiqué que, au regard de la forme dite « extensive » de l’action en usurpation d’appellation, reconnue par la jurisprudence nationale et permettant à plusieurs opérateurs de disposer des droits sur un signe ayant une réputation sur le marché, ledit délit pouvait être invoqué pour ce qui est du « goodwill » acquis concernant un signe fonctionnant en tant que label. Ensuite, elle a estimé que les éléments de preuve fournis par le requérant étaient insuffisants pour permettre, dans les circonstances du cas d’espèce, de conclure, sans risque d’erreur, que les activités de commercialisation avaient engendré le « goodwill » requis auprès du public pertinent. Enfin, elle a conclu que, en l’absence de preuve dudit « goodwill », qui est une des conditions cumulatives de ce délit, l’opposition fondée sur ladite disposition ne pouvait pas être accueillie.

12      S’agissant des motifs d’opposition visés à l’article 8, paragraphe 1, sous a) et b), du règlement nº 207/2009, la chambre de recours a considéré, en substance, que le requérant n’avait pas établi la notoriété du signe antérieur au sein de l’Union et, tout particulièrement, qu’aucun des éléments de preuve présentés ne prouvait, d’une manière suffisante, que le public pertinent reconnaissait ce signe à la date pertinente, à savoir le 25 mai 2010.

 Conclusions des parties

13      Le requérant conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        annuler la décision attaquée ;

–        condamner l’OHMI aux dépens.

14      L’OHMI conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        rejeter le recours ;

–        condamner le requérant aux dépens.

 En droit

 Sur la recevabilité des arguments de l’OHMI

15      Dans le mémoire en réplique, le requérant fait valoir que les nouveaux points soulevés par l’OHMI dans le mémoire en réponse sont irrecevables au regard de l’article 135, paragraphe 4, du règlement de procédure du Tribunal du 2 mai 1991 ainsi que de la jurisprudence. Il vise, en particulier, les affirmations suivantes :

–        l’usage du signe antérieur par lui ne répond pas aux exigences de l’article 8, paragraphe 4, du règlement nº 207/2009 ;

–        le « goodwill » requis par le droit du Royaume-Uni en ce qui concerne le délit d’usurpation d’appellation ne peut exister que s’il constitue un bien d’entreprise et appartient, en l’espèce, aux importateurs, aux distributeurs et aux détaillants ;

–        la jurisprudence de 1984 a prévu un seuil minimal de ventes pour générer le « goodwill » requis par le droit du Royaume-Uni en ce qui concerne l’action en usurpation d’appellation.

16      À cet égard, il convient de rappeler que le recours porté devant le Tribunal vise au contrôle de la légalité des décisions des chambres de recours de l’OHMI, au sens de l’article 65 du règlement nº 207/2009. En outre, l’article 135, paragraphe 4, du règlement de procédure du 2 mai 1991 prévoit que les mémoires des parties ne peuvent pas modifier l’objet du litige devant la chambre de recours.

17      En l’espèce, la chambre de recours, dans la décision attaquée, s’est limitée à constater que le signe antérieur n’avait pas acquis le « goodwill » requis par le droit du Royaume-Uni en ce qui concerne l’action en usurpation d’appellation avant la date de dépôt de la demande de marque communautaire et n’a pas examiné les autres conditions prévues par l’article 8, paragraphe 4, du règlement nº 207/2009. Dès lors que la question de savoir si le signe antérieur avait été utilisé dans la vie des affaires dont la portée n’était pas seulement locale n’a pas été examinée au fond par la chambre de recours, il n’appartient pas au Tribunal de l’examiner, pour la première fois, dans le cadre de son contrôle de légalité de la décision attaquée [voir, en ce sens, arrêt du 14 décembre 2011, Völkl/OHMI – Marker Völkl (VÖLKL), T‑504/09, Rec, EU:T:2011:739, point 63 et jurisprudence citée]. Il s’ensuit que cet argument est irrecevable.

18      Quant aux autres arguments de l’OHMI, relatifs aux conditions de l’action en usurpation d’appellation au Royaume-Uni, il y a lieu de constater qu’ils visent à compléter les questions examinées par la chambre de recours et doivent, dès lors, être déclarés recevables.

 Sur le fond

19      À l’appui du recours, le requérant soulève un moyen unique, tiré de la violation de l’article 8, paragraphe 4, du règlement nº 207/2009. Ce moyen s’articule en deux branches.

 Considérations liminaires

20      En vertu de l’article 8, paragraphe 4, du règlement nº 207/2009, le titulaire d’un signe peut s’opposer à l’enregistrement d’une marque communautaire si celui-ci remplit quatre conditions. Le signe invoqué doit être utilisé dans la vie des affaires, il doit avoir une portée qui n’est pas seulement locale, le droit à ce signe doit avoir été acquis conformément au droit de l’État membre où le signe était utilisé avant la date de dépôt de la demande de marque communautaire et, enfin, ce signe doit reconnaître à son titulaire la faculté d’interdire l’utilisation d’une marque plus récente. Ces quatre conditions limitent le nombre des signes autres que des marques qui peuvent être invoqués pour empêcher l’enregistrement d’une marque communautaire valable dans l’ensemble du territoire de l’Union, conformément à l’article 1er, paragraphe 2, du règlement nº 207/2009 [voir, en ce sens, arrêt du 24 mars 2009, Moreira da Fonseca/OHMI – General Óptica (GENERAL OPTICA), T‑318/06 à T‑321/06, Rec, EU:T:2009:77, point 32]. Ces conditions sont cumulatives, de sorte que, lorsqu’un signe ne remplit pas l’une de ces conditions, l’opposition fondée sur l’existence d’une marque non enregistrée ou d’autres signes utilisés dans la vie des affaires, au sens de l’article 8, paragraphe 4, du règlement nº 207/2009, ne peut aboutir [arrêt du 30 juin 2009, Danjaq/OHMI – Mission Productions (Dr. No), T‑435/05, Rec, EU:T:2009:226, point 35].

21      Les deux premières, c’est-à-dire celles relatives à l’usage et à la portée non seulement locale du signe antérieur, résultent du libellé même de l’article 8, paragraphe 4, du règlement nº 207/2009 et doivent donc être interprétées à la lumière du droit de l’Union. Ainsi, le règlement nº 207/2009 établit des standards uniformes, relatifs à l’usage des signes et à leur portée, qui sont cohérents avec les principes qui inspirent le système mis en place par ce règlement (arrêt GENERAL OPTICA, point 20 supra, EU:T:2009:77, point 33).

22      En revanche, il résulte du membre de phrase « lorsque et dans la mesure où, selon [...] le droit de l’État membre qui est applicable à ce signe » que les deux autres conditions, énoncées ensuite à l’article 8, paragraphe 4, sous a) et b), du règlement nº 207/2009, constituent des conditions fixées par ledit règlement qui, à la différence des précédentes, s’apprécient au regard des critères fixés par le droit qui régit le signe invoqué. Ce renvoi au droit qui régit le signe invoqué est tout à fait justifié, étant donné que le règlement nº 207/2009 reconnaît à des signes étrangers au système de marque communautaire la possibilité d’être invoqués à l’encontre d’une marque communautaire. Dès lors, seul le droit de l’État membre qui régit le signe invoqué permet d’établir si celui-ci est antérieur à la marque communautaire et s’il peut justifier d’interdire l’utilisation d’une marque plus récente (arrêt GENERAL OPTICA, point 20 supra, EU:T:2009:77, point 34).

23      L’opposant doit démontrer que le signe en cause entre dans le champ d’application du droit de l’État membre invoqué et qu’il permettrait d’interdire l’utilisation d’une marque plus récente [voir, par analogie, arrêt du 12 juin 2007, Budějovický Budvar/OHMI – Anheuser-Busch (BUDWEISER), T‑53/04 à T‑56/04, T‑58/04 et T‑59/04, EU:T:2007:167, point 74].

 Sur la première branche du moyen unique, portant sur l’interprétation erronée des conditions du délit d’usurpation d’appellation au Royaume‑Uni

24      Cette première branche, s’articule en trois griefs.

25      En ce qui concerne le premier grief, selon lequel la chambre de recours a interprété et appliqué de manière erronée les conditions du délit d’usurpation d’appellation au Royaume-Uni en ne reconnaissant pas que la marque antérieure relevait de la forme « classique » dudit délit, le requérant fait valoir, d’une part, que la chambre de recours n’a pas admis qu’il avait établi que ce délit s’appliquait aux signes fonctionnant en tant que labels et, d’autre part, qu’elle a apprécié l’opposition au regard de l’hypothèse que celle-ci était fondée sur le même délit dans sa forme « extensive », ce qui a eu des répercussions négatives sur l’appréciation des faits et des preuves de l’espèce.

26      De surcroît, le requérant précise que, dans la forme « classique » du délit d’usurpation d’appellation au Royaume-Uni, la réputation et le « goodwill » concernant la marque en cause appartiennent exclusivement au demandeur. En revanche, dans la forme « extensive » dudit délit, la réputation et le « goodwill » concernant la marque en cause ne sont pas détenus exclusivement par un demandeur, mais sont partagés entre plusieurs opérateurs indépendants d’un secteur, chacun d’entre eux étant en droit de faire valoir pleinement ses droits contre des tiers.

27      Le requérant ajoute que l’opposition était fondée sur la forme « classique » du délit d’usurpation d’appellation au Royaume-Uni, puisque les trois éléments constitutifs dudit délit dans cette forme, à savoir, le « goodwill » acquis, la présentation trompeuse et le préjudice causé au « goodwill », étaient réunis. En outre, il ne ferait aucun doute que ce délit s’appliquait aux labels.

28      L’OHMI conteste cette argumentation.

29      À titre liminaire, il convient de relever que le requérant a déclaré lors de l’audience que, entre-temps, il avait enregistré et communiqué son label en vertu de l’article 6 ter de la convention de Paris pour la protection de la propriété industrielle.

30      À cet égard, il y a lieu d’observer, d’une part, que, l’OHMI ne pouvant prendre en considération des faits qui n’avaient pas été avancés devant lui par les parties, la légalité de ses décisions ne saurait être contestée sur la base de tels faits. Dès lors, le Tribunal ne peut, de même, prendre en compte des preuves visant à démontrer ces faits (arrêt du 18 juillet 2006 Rossi/OHMI, C‑214/05 P, Rec, EU:C:2006:494, point 52). Il y a lieu d’observer, d’autre part, que, selon le libellé de l’article 8, paragraphe 4, du règlement nº 207/2009, cet article ne peut être appliqué que sur opposition du titulaire d’une marque non enregistrée ou d’un autre signe utilisé dans la vie des affaires dont la portée n’est pas seulement locale.

31      En l’espèce, le droit de l’État membre applicable à la marque antérieure non enregistrée est le Trade Marks Act 1994 (loi du Royaume-Uni sur les marques), dont l’article 5, paragraphe 4, dispose :

« Une marque ne peut être enregistrée si, ou dans la mesure où, son usage au Royaume-Uni est susceptible d’être empêché :

a)      en raison de toute règle de droit [notamment en vertu du droit relatif à l’usurpation d’appellation (law of passing off)] protégeant une marque non enregistrée ou tout autre signe utilisé dans la vie des affaires […] »

32      Il résulte de l’article 5, paragraphe 4, du Trade Marks Act 1994, tel qu’interprété par les juridictions nationales, que le requérant doit rapporter la preuve que, conformément au régime juridique de l’action en usurpation d’appellation prévue par le droit du Royaume-Uni, trois conditions sont satisfaites, à savoir le « goodwill » acquis, la présentation trompeuse et le préjudice causé au « goodwill » [arrêt du 18 janvier 2012, Tilda Riceland Private/OHMI – Siam Grains (BASmALI), T‑304/09, Rec, EU:T:2012:13, point 19].

33      Il convient donc, en l’espèce, d’examiner, dans un premier temps, si le signe antérieur, présenté comme un label par le requérant, qui distinguerait les produits certifiés de ceux qui ne le seraient pas, peut servir de base pour une action en usurpation d’appellation au Royaume-Uni. Selon la chambre de recours, le requérant n’a pas prouvé que le délit d’usurpation d’appellation au Royaume-Uni s’appliquait aux signes fonctionnant en tant que labels, comme il le lui incombait.

34      À cet égard, le Tribunal a déjà considéré qu’il résultait de la jurisprudence nationale qu’un signe servant à désigner des biens ou des services peut avoir acquis une réputation sur le marché, au sens du droit applicable à l’action en usurpation d’appellation [arrêts du 11 juin 2009, Last Minute Network/OHMI – Last Minute Tour (LAST MINUTE TOUR), T‑114/07 et T‑115/07, Rec, EU:T:2009:196, point 84, et BASmALI, point 32 supra, EU:T:2012:13, point 28].

35      En outre, il a déjà été jugé qu’il résultait de la jurisprudence nationale, notamment de celle mentionnée au point 34 ci-dessus, qu’un signe servant à désigner des biens ou des services pouvait avoir acquis une réputation sur le marché, au sens du droit applicable à l’action en usurpation d’appellation, alors même qu’il était utilisé par plusieurs opérateurs. Il en découle que ces opérateurs peuvent disposer de leurs droits sur un signe ayant acquis une réputation sur le marché, selon une forme « extensive » de cette action reconnue par la jurisprudence nationale (arrêt BASmALI, point 32 supra, EU:T:2012:13, point 28).

36      Partant, il y a lieu de considérer en l’espèce que, dans la mesure où le signe antérieur sert à désigner des biens ou des services certifiés par lui, il est susceptible, en tant que label, d’avoir acquis le « goodwill » requis par le droit du Royaume-Uni en ce qui concerne le délit d’usurpation d’appellation.

37      Cela étant, se pose encore la question de savoir si le requérant, en sa qualité d’administrateur d’un système de certification, doit être le seul titulaire du « goodwill » lié à la commercialisation des produits et des services portant le label en cause.

38      Le Tribunal estime que les organismes publics peuvent eux aussi être protégés par l’action en usurpation d’appellation dans la mesure où leurs activités peuvent générer un goodwill. En effet, si lesdits organismes font usage d’un certain signe qui leur appartient à titre exclusif, ils peuvent invoquer le « goodwill » lié à la commercialisation des produits et des services portant ce signe. De même, si ces organismes partagent l’usage d’un signe quelconque avec d’autres opérateurs, le « goodwill » pourra être invoqué par les mêmes organismes publics et par les opérateurs concernés. En tout état de cause, en l’espèce, un « goodwill » a pu être généré.

39      Dans les cas où un signe antérieur est utilisé par plusieurs opérateurs, la propriété du « goodwill » doit être appréciée à la lumière des circonstances de l’affaire. En conséquence, pour déterminer si le requérant est le seul titulaire du « goodwill », il y a lieu d’apprécier la force d’attraction de la clientèle du label.

40      À cet égard, il y a lieu de constater que le requérant a expliqué en détail le fonctionnement de son système de certification concernant la conformité des produits concernés avec la charia, sa fonction visant à examiner les procédés de fabrication développés par les parties désireuses de devenir des utilisateurs autorisés de sa marque et sa fonction de surveillance de son usage par ceux-ci afin de s’assurer que les normes de qualité de son système sont respectées. Ces explications doivent conduire, selon lui, à considérer que l’autorisation qu’il donne aux utilisateurs concernant l’usage de sa marque et son système de certification correspond, d’un point de vue juridique, à une licence d’utilisation. Il estime que ces utilisateurs n’étaient que les preneurs de cette licence et n’acquéraient ni de droits de propriété sur la marque ni de droits sur la réputation ou le « goodwill » liés à celle-ci. Lors de l’audience, le requérant a insisté sur le fait concernant l’absence de partage tant du « goodwill » que de la renommée de la marque.

41      Ainsi, selon le requérant, la chambre de recours a donc commis une erreur en considérant que le « goodwill » concernant la marque antérieure était partagé entre lui et les utilisateurs autorisés et que l’opposition devrait se fonder sur la forme « extensive » du délit d’usurpation d’appellation. Ce faisant, la chambre de recours se serait trompée dans l’identification de l’activité correcte concernée par le « goodwill ».

42      Le Tribunal estime que, en l’espèce, au regard du système de certification du requérant concernant la conformité des produits avec la charia, de sa fonction visant à examiner les procédés de fabrication développés par des tierces parties désireuses de devenir des utilisateurs autorisés de son label et au regard de sa fonction de surveillance de l’usage du label par ces utilisateurs autorisés afin de s’assurer que les normes de qualité qu’il a établies sont respectées, c’est le requérant qui doit être considéré comme étant le propriétaire du « goodwill ».

43      En effet, les consommateurs des produits et les utilisateurs des services, dès qu’ils aperçoivent le label attribué par le requérant, sont informés de leur conformité avec le régime halal selon le système de contrôle garanti en Malaisie. Par ailleurs, le label est susceptible d’indiquer un profil public, de provenance gouvernementale, qui en informe les consommateurs, ce que renforce sa titularité exclusive par le requérant et non une titularité partagée avec d’autres opérateurs, même ceux qui sont autorisés à l’utiliser.

44      Cependant, il ressort du point 41 de la décision attaquée, ainsi que de l’appréciation de la chambre de recours, que l’existence du « goodwill » requis par le droit du Royaume-Uni en ce qui concerne le délit d’usurpation d’appellation, tant dans sa forme « extensive » que dans sa forme « classique », n’a pas été démontrée.

45      S’agissant du système de certification halal invoqué par le requérant, il convient d’ailleurs de remarquer que la chambre de recours n’a pas remis en cause son existence.

46      En effet, la chambre de recours a insisté sur le fait qu’aucune preuve, en elle-même ou combinée à d’autres, ne permettait de tirer des conclusions certaines et directes quant à la perception du label du requérant par le consommateur évoquée au Royaume-Uni et, par conséquent, sur l’acquisition du « goodwill » requis auprès du public pertinent qui achetait le produit certifié final.

47      En revanche, le requérant a souligné que l’OHMI avait admis que les preuves présentées devant la chambre de recours confirmaient un usage certain du signe, ce qui confirmerait l’existence d’un certain « goodwill ».

48      À cet égard, il y a lieu de constater que l’usage certain d’un signe, tel que constaté par la chambre de recours au point 41 de la décision attaquée, n’établit pas nécessairement l’existence d’un « goodwill », c’est-à-dire que l’usage certain d’un signe déterminé peut équivaloir à son usage, mais pas au point d’exercer une force d’attraction sur les clients qui, dans ce cas, feraient leurs choix en fonction de la bonne réputation que le requérant aurait éventuellement acquise. Partant, indépendamment de la forme « classique » ou « extensive » du délit d’usurpation d’appellation en l’espèce, le requérant n’a pas fait la preuve de l’existence du « goodwill », c’est-à-dire de la force d’attraction de la clientèle, de son label.

49      En effet, aucune des preuves apportées par le requérant ne démontre que le consommateur connaissait vraiment le label du requérant au point de le faire prévaloir sur les autres signes inscrits sur les produits sur lesquels il était apposé.

50      Il s’ensuit que le requérant n’a pas démontré un quelconque « goodwill » du label, qui constitue une des conditions cumulatives du délit d’usurpation d’appellation au Royaume-Uni. Partant, une éventuelle erreur commise par la chambre de recours, qui résiderait dans l’application de la forme « extensive » au lieu de la forme « classique » dudit délit, n’est, en tout état de cause, pas de nature à infirmer la décision attaquée.

51      Par conséquent, le premier grief doit être rejeté.

52      Dans le cadre du deuxième grief, le requérant soutient que la chambre de recours a exigé, à tort, un « goodwill » minimal « requis » ou « nécessaire » afin de remplir la première condition du délit d’usurpation d’appellation au Royaume-Uni.

53      En ce qui concerne l’appréciation de l’existence du « goodwill » de la marque antérieure non enregistrée et de son caractère suffisant, le requérant souligne que c’est au juge d’apprécier son étendue. Au cas où cette étendue serait considérée comme limitée, il pourrait se révéler plus difficile pour le demandeur en usurpation d’appellation de fournir la preuve que les autres conditions du délit en usurpation sont satisfaites.

54      Le requérant considère, en substance, que la chambre de recours aurait dû apprécier l’étendue de la réputation et du « goodwill » de la marque antérieure non enregistrée pour vérifier si la première condition du délit d’usurpation d’appellation était remplie et que, ensuite, elle aurait dû apprécier si les autres conditions du délit d’usurpation d’appellation au Royaume-Uni étaient remplies.

55      L’OHMI conteste cette argumentation.

56      S’agissant de l’exigence d’un seuil minimal de « goodwill », il y a lieu de constater que les juridictions du Royaume-Uni ont beaucoup de réticence à juger qu’une entreprise peut avoir des clients, mais pas de « goodwill » [arrêt du 9 décembre 2010, Tresplain Investments/OHMI – Hoo Hing (Golden Elephant Brand), T‑303/08, Rec, EU:T:2010:505, points 110 à 115].

57      Il y a également lieu de considérer, contrairement à ce que le requérant a allégué, que la chambre de recours n’a pas exigé un seuil minimal de « goodwill » de son label, lorsqu’elle a affirmé que la distribution des produits portant ce label était limitée et n’était pas appropriée, indépendamment d’un tel seuil minimal.

58      En effet, la chambre de recours s’est concentrée sur le fait que les preuves produites ne permettaient pas de conclure, sans risque d’erreur, que les activités de commercialisation du requérant avaient engendré le « goodwill » requis auprès du public pertinent. De surcroît, il y a lieu de considérer que, lorsque ladite chambre a fait référence, au point 37 de la décision attaquée, à un certain degré de « goodwill », à savoir « un ‘goodwill’ suffisant », elle a seulement voulu se rapporter au besoin de l’existence du « goodwill » du signe du requérant par rapport à ses clients pour que l’action en usurpation d’appellation soit accueillie.

59      Au surplus, il convient de constater que, lors de l’audience, l’OHMI a déclaré qu’il ne pensait pas que la règle de minimis était pertinente, en suivant, ainsi, le même raisonnement que celui de la chambre de recours, qui aurait écrit, au point 33 de la décision attaquée, « indépendamment d’un éventuel seuil minimal ». Partant, la chambre de recours a tout simplement considéré que l’étendue du « goodwill » prouvée était plutôt limitée et n’était pas appropriée, indépendamment d’un éventuel seuil minimal, pour permettre, dans les circonstances du cas d’espèce, de conclure sans risque d’erreur que les activités de commercialisation avaient engendré le « goodwill » requis auprès du public pertinent.

60      Il ressort de ce qui précède, contrairement à ce que soutient le requérant, que la chambre de recours n’a jamais exigé de celui-ci la démonstration d’un seuil minimal de « goodwill » de son label. En effet, la chambre de recours n’a exigé que la preuve de l’existence du « goodwill » comme première condition du délit en usurpation d’appellation, car l’absence de cette condition dispenserait, selon les juridictions du Royaume-Uni, de l’examen des autres conditions dudit délit et impliquerait le rejet d’emblée de la demande de l’action en usurpation d’appellation [affaire Assos of Switzerland Roger Maier v Asos Asos.com (2013) EWHC 2831 (ch)].

61      Partant, le deuxième grief doit être rejeté.

62      En ce qui concerne le troisième grief, portant sur la prétendue définition erronée du public pertinent, le requérant signale que, dans le cadre d’une action en usurpation d’appellation, il convient de tenir compte de la réputation et du « goodwill » acquis auprès de tous ses clients, à savoir tant les professionnels que les consommateurs finals. Or, la chambre de recours aurait ignoré les clients professionnels concernés, qui, dans la présente affaire, comprenaient les détaillants, les grossistes et les importateurs situés au Royaume-Uni, puisqu’ils avaient acheté les produits portant la marque antérieure non enregistrée.

63      Le requérant fait valoir que la promotion et la publicité de son procédé de certification et les achats des produits par les détaillants et les grossistes de même que les importations réalisées par les entreprises situées au Royaume-Uni seraient une preuve de l’existence du « goodwill » de son label.

64      L’OHMI conteste cette argumentation.

65      Il y a lieu de rappeler, en ce qui concerne le public pertinent, qu’il résulte de la jurisprudence nationale que, dans les cas de délit d’usurpation d’appellation, le caractère trompeur de la présentation des produits et des services du défendeur à l’action en usurpation d’appellation devrait s’apprécier au regard des clients du demandeur à ladite action, c’est-à-dire les clients du requérant (arrêt LAST MINUTE TOUR, point 34 supra, EU:T:2009:196, point 60).

66      En effet, la propriété protégée par l’action en usurpation d’appellation ne porte pas sur un mot ou sur un nom dont l’usage par les tiers est restreint, mais sur la clientèle même à laquelle il est porté atteinte par l’usage litigieux, la réputation d’une marque étant la force d’attraction sur la clientèle et le critère permettant de distinguer une entreprise établie d’une entreprise nouvelle (arrêt LAST MINUTE TOUR, point 34 supra, EU:T:2009:196, point 61).

67      En l’espèce, la chambre de recours s’est référée, au point 33 de la décision attaquée, aux « clients de l’opposant qui achètent le produit certifié [comme étant] halal ». Force est de relever que la chambre de recours n’a jamais affirmé que le public pertinent était constitué uniquement des consommateurs finals. En effet, il doit être constaté que les agents intermédiaires, c’est-à-dire les détaillants, les grossistes et les importateurs, achetaient les produits portant le label du requérant et constituaient donc, au même titre que le sont les consommateurs finals, les « clients de l’opposant » et qu’ils n’étaient donc pas exclus de la notion de public pertinent.

68      De surcroît, le Tribunal relève que la chambre de recours a examiné les éléments de preuve présentés par le requérant, à savoir une liste des exportateurs malaisiens et des importateurs européens, les déclarations en douane d’une cargaison, une facture commerciale relative à cette dernière ainsi que des factures adressées à des détaillants. Il découle de ce qui précède, contrairement à ce que soutient le requérant, que la chambre de recours a pris également en considération les clients professionnels.

69      Le troisième grief doit, par conséquent, être rejeté.

 Sur la seconde branche du moyen unique, portant sur l’appréciation erronée des éléments de preuve soumis pour prouver la réputation et le « goodwill » de la marque antérieure au Royaume-Uni

70      Le requérant relève que, lors de l’appréciation des éléments de preuve qu’il a soumis à la chambre de recours, cette dernière n’a tenu compte ni de l’importance que les consommateurs professionnels et finaux, qu’ils soient musulmans ou non, attachent à sa marque, ni de l’étendue de celle-ci au Royaume-Uni, ni de son activité mondiale et internationale.

71      Selon le requérant, la chambre de recours a ignoré à tort la cible principale des consommateurs de sa marque et de son programme de certification, c’est-à-dire les consommateurs musulmans, et, de ce fait, la décision attaquée n’a envisagé à aucun moment le « goodwill » de son label auprès de ces consommateurs pour lesquels la nature halal d’un produit est le facteur déterminant et principal de la décision d’achat.

72      De surcroît, la chambre de recours aurait identifié de nombreuses publicités dans un journal, qui sont toutes antérieures à la date de la demande de marque communautaire, dont la plupart s’adressait au marché de l’exportation malaisien et qui auraient été publiées et diffusées au Royaume-Uni. Par conséquent, les publicités contenues dans ce journal auraient sûrement généré une forme quelconque de réputation et de « goodwill » du label en cause auprès du public pertinent et des opérateurs au Royaume-Uni.

73      L’OHMI conteste cette argumentation.

74      Il y a lieu de constater, comme la chambre de recours l’a relevé au point 29 de la décision attaquée, que l’existence d’un « goodwill » est en principe établi en apportant la preuve d’activités commerciales et publicitaires, de comptes clients, etc. La preuve d’activités commerciales sérieuses débouchant sur l’acquisition d’une réputation et le développement d’une clientèle serait généralement suffisante pour établir un « goodwill ».

75      À cet égard, en premier lieu, le Tribunal estime opportun d’examiner la façon dont les professionnels et les consommateurs finals, musulmans et non-musulmans, perçoivent le label du requérant. En second lieu, il conviendra d’opérer l’examen des éléments de preuve tels que des publications, des événements, des informations quant à son activité sur le plan international visant à démontrer l’étendue de la marque au Royaume-Uni.

76      En premier lieu, en ce qui concerne la perception par les consommateurs musulmans d’un signe, quel qu’il soit, qui identifie le respect de certains produits conformes à la charia, il convient de considérer que ce type de signe est susceptible d’attirer particulièrement l’attention desdits consommateurs. Cependant, ces derniers feront d’abord attention au produit en tant que tel et à la marque distinctive qui l’identifie et ce n’est qu’ensuite qu’ils s’assureront que le produit respecte le régime halal en cherchant le signe qui l’atteste, à savoir soit la marque antérieure non enregistrée, soit un autre signe équivalent. De ce fait, les mêmes consommateurs remarqueront le label du requérant, mais postérieurement à la perception des autres signes que le produit ou le service comportent.

77      Il convient donc d’observer, à l’instar de la chambre de recours, que les éléments de preuve apportés par le requérant ne démontrent pas que les consommateurs musulmans connaissaient le label en cause et que celui-ci a pu influencer leurs décisions d’achat.

78      Lors de l’audience, l’OHMI a fait valoir que, en 2010, le marché halal au Royaume-Uni représentait un chiffre d’affaires très important en raison de la présence d’une communauté musulmane très significative. Cependant, les produits malaisiens portant le label du requérant ne sont pas les seuls produits halal fabriqués dans le monde et ne sont pas non plus les seuls produits halal commercialisés au Royaume-Uni. Pour cette raison, l’existence d’une preuve, notamment un chiffre d’affaires, que les consommateurs musulmans du Royaume-Uni connaissaient le label spécifique du requérant et le chercheraient activement dans les produits halal qui le portent était indispensable pour constater l’existence du « goodwill » dudit label.

79      S’agissant de la perception du label du requérant par les consommateurs non musulmans, il convient de remarquer que celui-ci a déclaré, lors de l’audience, que, en raison du fait que le Royaume-Uni était une société multiculturelle, tout le monde, y compris lesdits consommateurs, connaissait parfaitement la signification du mot « halal ».

80      Selon le requérant, son label est interprété par les consommateurs non musulmans comme un symbole de qualité et pas seulement comme un symbole de conformité avec la charia. Il se réfère, à cet égard, à des slogans publicitaires dans un journal, tels que « The mark of Quality, Hygiene & Safety », « Peace of mind for non-Muslims too » et « Besides the Brand, There’s One Symbol You Can Trust ». Lors de l’audience, il a précisé que ledit journal était disponible partout dans le monde en version papier et en version électronique et qu’il n’était pas seulement accessible aux abonnés, comme la chambre de recours l’avait erronément soutenu au point 38 de la décision attaquée. Par conséquent, ladite chambre aurait conclu à tort que la marque antérieure était ignorée par les consommateurs qui ne suivaient pas un régime halal et qu’il était dès lors plus difficile d’établir son « goodwill ». Le requérant fait également référence à de nombreux articles publiés dans ce journal ainsi que sur plusieurs sites Internet. Enfin, il indique avoir participé à deux événements, au Royaume-Uni, au cours desquels il a fait la promotion de son label.

81      À cet égard, il convient de rappeler que, selon la jurisprudence, l’article 8, paragraphe 4, du règlement nº 207/2009 ne vise pas l’utilisation « sérieuse » du signe invoqué au soutien de l’opposition et que rien dans le libellé de l’article 42, paragraphes 2 et 3, dudit règlement n’indique que l’exigence de la preuve de l’usage sérieux s’applique à un tel signe. Toutefois, pour pouvoir faire obstacle à l’enregistrement d’un nouveau signe sur le fondement de l’article susmentionné, le signe qui est invoqué à l’appui de l’opposition doit être effectivement utilisé d’une manière suffisamment significative dans la vie des affaires (arrêt du 29 mars 2011, Anheuser-Busch/Budějovický Budvar, C‑96/09 P, Rec, EU:C:2011:189, point 159].

82      En ce qui concerne le moment auquel le « goodwill » doit être établi, en vertu de l’article 8, paragraphe 4, du règlement nº 207/2009, la date pertinente est celle du dépôt de la demande de la marque communautaire contre laquelle l’opposition a été faite (arrêt Golden Elephant Brand, point 56 supra, EU:T:2010:505, point 99). Partant, la date pertinente est, dans le cas d’espèce, le 25 mai 2010. Or, le Tribunal constate que plusieurs éléments de preuve mentionnés par le requérant ne peuvent pas être pris en compte concernant la période pertinente.

83      En l’espèce, en tout état de cause, il y a lieu de constater que la chambre de recours a considéré à juste titre que le requérant n’avait pas apporté la preuve d’un usage significatif dudit label. En effet, les éléments de preuves présentés par le requérant ne suffisent pas à démontrer la force d’attraction sur la clientèle de son label et, par conséquent, le « goodwill » dudit label. Le requérant ne fournit pas de preuves permettant de comprendre la perception, par le public concerné, de ce label. Il démontre avoir assuré la publicité et la divulgation de son label, mais ne présente pas d’éléments relatifs à sa perception par les consommateurs musulmans et non musulmans.

84      Enfin, à cet égard, il convient de souligner, à l’instar de l’OHMI, que, de toutes les organisations halal approchées par le requérant pour confirmer leur sensibilisation à son label, il n’y a qu’une seule organisation qui a répondu, ce qui est clairement insuffisant pour démontrer le « goodwill » dudit label.

85      En second lieu, il convient de déterminer si la chambre de recours a examiné de façon correcte les éléments de preuve visant à démontrer l’étendue de la marque antérieure non enregistrée au Royaume-Uni.

86      Premièrement, il y a lieu d’observer que, en ce qui concerne les chiffres d’affaires concernant le « Global Halal food market » (le marché mondial de l’alimentation halal), le requérant a apporté les chiffres effectifs concernant les années 2004, 2005 et 2009 et ceux prévus pour l’année 2010 concernant notamment la France et le Royaume-Uni.

87      Cependant, ainsi que le souligne la chambre de recours au point 34 de la décision attaquée, ces chiffres ne présentent qu’une faible valeur probante, dans la mesure où ils ne permettent pas de savoir quel pourcentage de vente des produits a été réalisé par des produits portant le signe antérieur pendant la période pertinente. En effet, le document concerné indique que « la plupart des produits » comportent la marque antérieure, que le nombre des entreprises certifiées comme étant halal en Malaisie « continue d’augmenter chaque année (...) » et que le potentiel de ces entreprises qui exportent vers le monde, en particulier en Europe, est « énorme ». En raison de leur imprécision, il n’est donc pas possible d’en tenir compte, car, dans le cadre de l’article 8, paragraphe 4, du règlement nº 207/2009, la preuve de l’usage d’un signe antérieur ne peut être apportée par des probabilités et des présomptions [voir, en ce sens, arrêt du 23 octobre 2013, Dimian/OHMI – Bayer Design Fritz Bayer (Baby Bambolina), T‑581/11, EU:T:2013:553, point 29].

88      Deuxièmement, en ce qui concerne la liste des exportateurs malaisiens et des importateurs européens, le requérant a mentionné, concernant le Royaume-Uni, trois entités. Il a également présenté une déclaration d’exportation de 1 892 emballages d’aliments émise à faveur d’un importateur datée du 10 mai 2008. Le label apparaît sur 1 600 emballages d’un produit. Il a en outre fourni une facture commerciale émise en faveur d’un autre importateur, datée du 5 mai 2010, concernant 14 produits différents, dont l’un portait le label sur 85 de ses emballages.

89      Tout d’abord, en ce qui concerne la facture commerciale émise en faveur d’un importateur, datée du 5 mai 2010, la chambre de recours a considéré à juste titre, au point 35 de la décision attaquée, que la date de celle-ci pose la question de savoir si les produits auxquelles il est fait référence étaient disponibles pour les consommateurs du Royaume-Uni avant la période pertinente, c’est-à-dire avant la date de la demande de marque communautaire. En tout état de cause, et même en prenant en compte cette facture commerciale, il n’y a lieu de prendre en considération que les 85 emballages du produit sur lequel apparaît le label du requérant. Or, un nombre de 85 emballages correspondent à une quantité manifestement insuffisante pour faire la preuve de la connaissance dudit label par le public pertinent.

90      Il en va de même pour les 1 600 emballages d’un produit importé par une autre société. En effet, le requérant n’a apporté la preuve de la vente au Royaume-Uni que d’un total de 1 685 produits ayant un emballage portant son label, au cours des années 2008 et 2010 – avec une incertitude sur la date s’agissant de la vente de 85 produits en 2010, comme la chambre de recours l’a, à juste titre, mentionné, au point 35 de la décision attaquée. Une telle quantité est en effet négligeable et ne saurait donc suffire à démontrer la connaissance dudit label par le public pertinent.

91      Troisièmement, en ce qui concerne la liste des détaillants, il y a lieu d’observer que le requérant a identifié des supermarchés à Birmingham (Royaume-Uni), à Manchester (Royaume-Uni), à Londres (Royaume-Uni), à Croydon (Royaume-Uni), à Romford (Royaume-Uni), à Enfield (Royaume-Uni), dans le Surrey (Royaume-Uni), des grands magasins à Londres, à Birmingham et à Manchester ainsi que des chaînes de supermarchés dans divers lieux au Royaume-Uni.

92      En ce qui concerne les grands magasins, le requérant mentionne la promotion de la cuisine malaisienne qui y a été faite par l’agence de promotion commerciale malaysienne entre les 11 et 19 septembre 2010. À cet égard, il cite un article intitulé « Our food a hit at Selfridges » (le succès de nos produits chez Selfridges) publié dans un journal le 15 septembre 2010, lequel mentionne explicitement que ladite promotion avait commencé le samedi, c’est-à-dire le 11 septembre 2010. Or, il y a lieu de constater, ainsi que le souligne la chambre de recours au point 36 de la décision attaquée, que cet article ne prouve pas l’ampleur des éventuelles ventes avant la période pertinente en l’espèce. Même dans l’hypothèse où ledit l’article ferait référence à la promotion de 22 000 produits alimentaires par seize sociétés, cela ne permettrait pas de déterminer s’ils avaient été commercialisés avant ou après la période pertinente.

93      De surcroît, en ce qui concerne une chaine de supermarchés, le requérant a mentionné l’existence d’une semaine d’événements promotionnels en 2007, relatifs une campagne publicitaire pour visiter la Malaisie. Or, il y a lieu de constater, comme la chambre de recours l’a souligné, à juste titre, au point 36 de la décision attaquée, que le requérant n’a apporté de preuves ni sur les produits promus ni sur le fait de savoir si ceux-ci concernaient son label, ce qui ne permet pas de déterminer si les ventes de ceux-ci ont effectivement eu lieu.

94      Il convient également de relever que la liste des détaillants et les images de quelques produits vendus par eux qui portaient le label du requérant ne permettent pas de percevoir la vraie portée de sa commercialisation et de sa connaissance par le public pertinent. En outre, cette liste ne permet pas non plus de percevoir la date de commercialisation desdits produits.

95      Quatrièmement, il y a lieu d’observer que, en ce qui concerne les deux événements, mentionnés au point 80 ci-dessus, auxquels le requérant a participé, ce dernier n’a présenté que deux images concernant, l’une, un prospectus intitulé « Malaysia – Your Reliable Trading Partner » (la Malaisie – votre partenaire commercial fiable) et, l’autre, son stand en 2007. Comme l’a souligné la chambre de recours au point 37 de la décision attaquée, ces images ne permettent pas de percevoir l’impact que la participation du requérant auxdits événements a eu sur les professionnels et les consommateurs finals au Royaume-Uni.

96      Dans le cadre de la seconde branche du moyen unique, ne sauraient donc prospérer les arguments avancés par le requérant afin de démontrer que la chambre de recours a erronément apprécié les éléments de preuve soumis pour prouver la réputation et le « goodwill » de la marque antérieure non enregistrée au Royaume-Uni.

97      Au vu de tout ce qui précède, force est de constater que c’est à bon droit que la chambre de recours a considéré que la preuve de l’existence d’un « goodwill » de la marque antérieure non enregistrée au Royaume-Uni n’avait pas été apportée en l’espèce. Il convient, dès lors, de rejeter le recours dans son ensemble.

 Sur les dépens

98      Aux termes de l’article 134, paragraphe 1, du règlement de procédure du Tribunal, toute partie qui succombe est condamnée aux dépens, s’il est conclu en ce sens. Le requérant ayant succombé, il y a lieu de le condamner aux dépens exposés par l’OHMI, conformément aux conclusions de celui-ci.

Par ces motifs,

LE TRIBUNAL (quatrième chambre)

déclare et arrête :

1)      Le recours est rejeté.

2)      Government of Malaysia est condamné aux dépens.

Prek

Labucka

Kreuschitz

Ainsi prononcé en audience publique à Luxembourg, le 18 novembre 2015.

Signatures


* Langue de procédure : lʼanglais.