Language of document : ECLI:EU:T:2022:551

DOCUMENT DE TRAVAIL

ARRÊT DU TRIBUNAL (cinquième chambre)

14 septembre 2022 (*)

« Directive 2014/25/UE – Procédures de passation des marchés dans les secteurs de l’eau, de l’énergie, des transports et des services postaux – Décision d’exécution relative à l’applicabilité de l’article 34 de la directive 2014/25 au transport de fret par chemin de fer en Slovénie – Exposition directe à la concurrence – Définition du marché de produits – Définition du marché géographique – Évaluation de l’exposition directe à la concurrence – Principe de bonne administration – Obligation de motivation »

Dans l’affaire T‑575/20,

 – Tovorni promet d.o.o., établie à Ljubljana (Slovénie), représentée par Me V. Cukrov, avocate,

partie requérante,

contre

Commission européenne, représentée par Mmes K. Talabér-Ritz, L. Wildpanner et M. P. Ondrůšek, en qualité d’agents, assistés de Me M. Menard, avocate,

partie défenderesse,

LE TRIBUNAL (cinquième chambre),

composé de MM. D. Spielmann (rapporteur), président, R. Mastroianni et I. Gâlea, juges,

greffier : Mme R. Ūkelytė, administratrice,

vu la phase écrite de la procédure,

à la suite de l’audience du 22 février 2022,

rend le présent

Arrêt

1        Par son recours fondé sur l’article 263 TFUE, la requérante, SŽ – Tovorni promet d.o.o., demande l’annulation de la décision d’exécution (UE) 2020/1025 de la Commission, du 13 juillet 2020, concernant l’applicabilité de l’article 34 de la directive 2014/25/UE du Parlement européen et du Conseil au transport de fret par chemin de fer en Slovénie (JO 2020, L 226, p. 5, ci-après la « décision attaquée »).

 Antécédents du litige

2        La requérante est une société de droit slovène fournissant des services de transport de fret par chemin de fer notamment sur le territoire de la République de Slovénie, détenue à 100 % par Slovenske železnice, elle-même détenue à 100 % par la République de Slovénie. 

3        Par lettre du 19 septembre 2019, la requérante a soumis à la Commission européenne une demande au titre de l’article 35, paragraphe 1, de la directive 2014/25/UE du Parlement européen et du Conseil, du 26 février 2014, relative à la passation de marchés par des entités opérant dans les secteurs de l’eau, de l’énergie, des transports et des services postaux et abrogeant la directive 2004/17/CE (JO 2014, L 94, p. 243), visant à faire établir que ladite directive ne s’appliquait pas à la passation de marchés en ce qui concernait les services de transport de fret par chemin de fer fournis par ses soins sur le territoire de la Slovénie (ci-après la « demande d’exemption »).

4        Cette demande était accompagnée d’une position motivée adoptée le 12 juin 2019 par la Javna agencija Republike Slovenije za varstvo konkurence [agence publique pour la protection de la concurrence, Slovénie (ci-après l’« AVK »)], compétente pour les activités concernées. Dans sa position motivée, l’AVK avait notamment considéré que l’activité de transport de fret par chemin de fer en Slovénie était directement exposée à la concurrence. L’analyse effectuée par l’AVK s’appuyait sur des renseignements recueillis auprès des opérateurs de services de transport de fret par chemin de fer titulaires d’une licence et de leurs clients et, également, auprès de l’Agencija za komunikacijska omrežja in storitve Republike Slovenije (agence des réseaux et services de communication, Slovénie), organisme de réglementation, et de la Javna agencija za železniški promet Republike Slovenije (agence publique pour le transport ferroviaire, Slovénie).

5        Le 6 décembre 2019, la Commission a adressé à la requérante une demande d’informations supplémentaires, à laquelle la requérante a répondu le 17 décembre 2019. En outre, cette dernière a présenté des observations complémentaires les 31 janvier et 18 mars 2020. Par ailleurs, le 16 décembre 2019, la Commission a adressé une demande d’informations supplémentaires aux autorités slovènes, qui y ont répondu le 25 mai 2020.

6        Par la décision attaquée, la Commission a rejeté la demande de la requérante, en décidant que la directive 2014/25 continuait de s’appliquer aux marchés attribués par les entités adjudicatrices et visant à permettre la prestation de services de transport de fret par chemin de fer sur le territoire de la Slovénie.

7        En premier lieu, concernant la condition relative à l’accès non limité au marché, prévue à l’article 34, paragraphe 1, de la directive 2014/25, à l’instar de l’AVK, la Commission a considéré que, dès lors que la République de Slovénie avait transposé en droit national la directive 2012/34/UE du Parlement européen et du Conseil, du 21 novembre 2012, établissant un espace ferroviaire unique européen (JO 2012, L 343, p. 32), ledit accès était réputé non limité, conformément à l’article 34, paragraphe 3, de la directive 2014/25.

8        En deuxième lieu, la Commission a identifié le marché de produits comme étant celui du transport de fret par chemin de fer.

9        En troisième lieu, dans la mesure où elle a considéré qu’aucun élément significatif ne permettait d’étayer que le marché englobait l’ensemble du territoire de l’Union européenne, rejoignant en cela les constatations effectuées par l’AVK, la Commission a défini le marché géographique comme étant celui du territoire de la Slovénie.

10      En quatrième lieu, la Commission a considéré que la condition de l’exposition directe à la concurrence n’était pas remplie. En effet, d’une part, les parts de marché détenues par la requérante, douze ans après la libéralisation du marché en cause, démontrent qu’elle jouissait d’une position extrêmement forte sur le marché et, d’autre part, la situation concurrentielle du marché slovène du fret ferroviaire aurait été pratiquement inchangée en raison d’un accroissement jugé limité des parts de marché des concurrents. En outre, la Commission a relevé que, en dépit d’une diminution des parts de marché de la requérante au cours des années précédant l’adoption de la décision attaquée, du fait de l’augmentation du volume total du marché, cette dernière avait transporté plus de fret. De plus, la Commission a estimé que son évaluation devait se fonder sur la situation actuelle du marché, et non sur les prévisions concernant l’évolution du marché pour les années à venir.

 Conclusions des parties

11      La requérante conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        annuler la décision attaquée ;

–        condamner la Commission aux dépens.

12      La Commission conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        rejeter le recours ;

–        condamner la requérante aux dépens.

 En droit

13      À l’appui de son recours, la requérante soulève, en substance, cinq moyens, tirés, le premier, d’une erreur dans la désignation des destinataires de la décision attaquée, le deuxième, d’une violation du principe de bonne administration ainsi que de l’obligation de motivation, le troisième, d’une définition erronée du marché de produits ainsi que d’une violation des principes d’égalité de traitement et de non-discrimination, le quatrième, d’une définition erronée du marché géographique et, le cinquième, d’une erreur dans l’évaluation de l’exposition directe à la concurrence.

 Sur les preuves supplémentaires

14      Le 15 février 2022, la requérante, invoquant l’article 85, paragraphe 3, du règlement de procédure du Tribunal, a déposé au greffe du Tribunal des éléments de preuve dont elle n’aurait pas eu connaissance auparavant. Ces éléments de preuve se composent, d’une part, d’un document faisant état de l’évolution récente des parts de marché de la requérante et, d’autre part, de documents qui avaient été transmis à la Commission dans le cadre de la procédure relative à la demande d’exemption. Il s’avère que ces documents correspondent, pour l’essentiel, à ceux transmis par la requérante le 4 février 2022 en réponse à des mesures d’organisation de la procédure au titre de l’article 89 du règlement de procédure et qui n’ont pas été versés au dossier en raison du caractère particulièrement tardif et injustifié de leur dépôt.

15      Il y a lieu de rappeler que, selon l’article 85, paragraphe 3, du règlement de procédure, à titre exceptionnel, les parties principales peuvent encore produire des preuves ou faire des offres de preuve avant la clôture de la phase orale de la procédure ou avant la décision du Tribunal de statuer sans phase orale de la procédure, à condition que le retard dans la présentation de celles-ci soit justifié.

16      En l’espèce, s’agissant des preuves correspondant aux documents qui avaient été transmis par la requérante à la Commission au cours de la procédure administrative, la requérante ne saurait faire valoir qu’elle n’a pas eu connaissance de ces documents avant le mois de février 2022. Ces preuves supplémentaires doivent donc être considérées comme irrecevables. À cet égard, il convient de préciser que la possibilité offerte aux parties de produire des éléments de preuve sur le fondement de l’article 85, paragraphe 3, du règlement de procédure ne saurait constituer un fondement pour pallier le caractère particulièrement tardif et injustifié du dépôt de pièces sollicitées dans le cadre de mesures d’organisation de la procédure au titre de l’article 89 du règlement de procédure.

17      S’agissant du document faisant état de l’évolution des parts de marché de la requérante après l’adoption de la décision attaquée, il ne saurait être pris en considération dans le cadre du contrôle de la légalité de ladite décision, dès lors que, dans le cadre d’un recours en annulation fondé sur l’article 263 TFUE, la légalité des actes de l’Union contestés doit être appréciée en fonction des éléments de fait et de droit existant à la date où ces actes ont été adoptés (voir arrêt du 20 septembre 2019, PlasticsEurope/ECHA, T‑636/17, EU:T:2019:639, point 217 et jurisprudence citée).

 Sur le premier moyen, tiré d’une erreur de droit dans la désignation des destinataires de la décision attaquée

18      La requérante fait valoir que la décision attaquée est entachée d’illégalité au motif que cette décision a uniquement été adressée à la République de Slovénie, alors qu’elle avait introduit la demande d’exemption au titre de l’article 35 de la directive 2014/25, qu’elle avait participé seule à la procédure devant la Commission et qu’elle avait demandé à ce que la décision lui soit adressée.

19      La Commission conteste les arguments de la requérante.

20      Conformément à l’article 110 de la directive 2014/25, seuls les États membres sont destinataires de ladite directive. Ainsi, comme le relève à juste titre la Commission, une décision d’exécution de cette directive, telle que la décision attaquée, est adressée à l’État membre dès lors que, conformément à l’article 288, troisième alinéa, TFUE, il incombe à celui-ci d’en assurer le respect. Or, une telle obligation n’incombe pas à la requérante et cette dernière n’a identifié aucune disposition obligeant la Commission à lui adresser la décision attaquée.

21      En outre, contrairement à ce que fait valoir la requérante, la circonstance selon laquelle une entité adjudicatrice est autorisée, par la réglementation nationale, à soumettre elle-même une demande au titre de l’article 35, paragraphe 1, de la directive 2014/25 n’a aucune incidence sur le fait que seul l’État membre est responsable de l’application correcte des dispositions de cette directive sur son territoire. Dès lors, la Commission n’a pas commis d’erreur de droit en ne désignant pas la requérante en tant que destinataire de la décision attaquée.

22      Il y a donc lieu de rejeter le premier moyen.

 Sur le deuxième moyen, tiré d’une violation du principe de bonne administration et de l’obligation de motivation

23      Le deuxième moyen s’articule en deux branches tirées, d’une part, d’une violation du principe de bonne administration et, d’autre part, d’une violation de l’obligation de motivation.

 Sur la première branche du deuxième moyen, tirée d’une violation du principe de bonne administration

24      La requérante soutient que, en traitant de manière inéquitable sa demande, la Commission a violé le principe de bonne administration consacré à l’article 41 de la charte des droits fondamentaux de l’Union européenne (ci-après la « Charte »), dans la mesure où elle ne lui a pas demandé de fournir des données supposées manquantes, alors qu’elle s’était montrée disposée à transmettre toute information supplémentaire. Ce faisant, la Commission ne lui aurait pas donné la possibilité d’être entendue sur lesdites données. En particulier, la requérante estimait avoir transmis à la Commission tous les éléments pertinents concernant la conformité aux conditions énoncées à l’article 34, paragraphe 1, de la directive 2014/25. Dès lors qu’il n’existerait pas de disposition claire quant à l’obligation de transmettre des données, telles que les résultats et les montants d’appels d’offres évoqués au considérant 19 de la décision attaquée, la requérante considère que la Commission aurait dû l’inviter à fournir ces données.

25      La Commission conteste les arguments de la requérante.

26      Il convient de considérer que, par sa première branche, tirée d’une violation du principe de bonne administration, garanti par l’article 41 de la Charte, en ce qu’elle n’aurait pas traité sa demande de manière équitable en ne lui demandant pas de fournir de prétendues informations manquantes, la requérante reproche à la Commission, en substance, un manquement à son obligation de diligence, c’est-à-dire l’obligation pour l’institution compétente d’examiner, avec soin et impartialité, tous les éléments pertinents du cas d’espèce (arrêts du 21 novembre 1991, Technische Universität München, C‑269/90, EU:C:1991:438, point 14, et du 17 mars 2021, FMC/Commission, T‑719/17, EU:T:2021:143, point 234).

27      Dans les circonstances de la présente affaire, le respect du principe de bonne administration, et en particulier de l’obligation de diligence, doit être examiné en tenant compte des spécificités de la procédure prévue à l’article 35 de la directive 2014/25.

28      À cet égard, il ressort de l’article 34, paragraphe 1, de la directive 2014/25 que l’État membre ou l’entité adjudicatrice qui introduit une demande conformément à l’article 35 de ladite directive doit démontrer que, dans l’État membre où l’activité est exercée, celle-ci est directement exposée à la concurrence sur des marchés dont l’accès n’est pas limité. En outre, l’article 1er de la décision d’exécution (UE) 2016/1804 de la Commission, du 10 octobre 2016, relative aux modalités d’application des articles 34 et 35 de la directive 2014/25 (JO 2016, L 275, p. 39), dispose que les demandes introduites au titre de l’article 35 de la directive 2014/25 doivent contenir les renseignements énumérés à l’annexe I de cette décision. Selon la section 3 de ladite annexe, le demandeur doit, aux fins de la définition du marché de produits et du marché géographique, fournir des renseignements concernant certains facteurs. Plus particulièrement, les estimations et les conclusions du demandeur doivent être dûment étayées par des éléments de preuve empiriques et le demandeur doit expliquer comment ces facteurs ont été pris en compte.

29      Il résulte de ces dispositions que, dans le cadre de la procédure visant à obtenir une exemption de l’application de la directive 2014/25, la charge de la preuve incombe au demandeur de ladite exemption (voir, en ce sens et par analogie, arrêt du 27 avril 2016, Österreichische Post/Commission, T‑463/14, EU:T:2016:243, point 40). Par conséquent, ainsi que le fait valoir à juste titre la Commission, l’obligation de diligence qui lui incombe ne saurait renverser la répartition de la charge de la preuve ni modifier la valeur probante des documents fournis par la requérante.

30      Dès lors, il y a lieu de considérer qu’il n’incombait pas à la Commission d’indiquer à la requérante les informations susceptibles d’étayer les estimations et les conclusions de cette dernière, et ce d’autant plus que, contrairement à ce que fait valoir la requérante, la décision d’exécution 2016/1804 précise les éléments devant figurer dans une demande visant à obtenir une exemption. Ainsi, dans le cadre de la procédure d’évaluation de l’exposition directe à la concurrence de son activité, il revenait à la requérante de transmettre à la Commission toutes les informations pertinentes relatives aux appels d’offres qu’elle invoquait au soutien de sa définition alternative du marché de produits, telles que les montants en jeu ou les résultats des adjudications.

31      Certes, il ressort de l’annexe IV, point 2, de la directive 2014/25 que la Commission peut demander à l’État membre, à l’entité adjudicatrice concernée, à l’autorité nationale indépendante ou à toute autre autorité nationale compétente de fournir toutes les informations nécessaires pour compléter ou clarifier les informations fournies dans des délais appropriés. Toutefois, cette disposition ne saurait être interprétée comme obligeant la Commission à demander des informations complémentaires dans le cadre de l’examen d’une demande introduite sur le fondement de l’article 35 de la directive 2014/25.

32      En effet, une interprétation de l’annexe IV, point 2, de la directive 2014/25 qui aboutirait à ce que la Commission soit tenue de demander des informations complémentaires, notamment auprès de l’entité adjudicatrice concernée, serait non seulement contraire au libellé de cette disposition, qui prévoit uniquement une faculté de demander de telles informations, mais également aux spécificités de la procédure prévue à l’article 35 de la directive 2014/25.

33      D’une part, il convient de relever que la Commission est tenue d’adopter une décision d’exécution sur l’applicabilité de la directive 2014/25 dans les brefs délais prévus à l’annexe IV de cette directive, afin d’assurer, tel que cela ressort du considérant 43 de ladite directive, une application uniforme du droit de l’Union en la matière. Ainsi, conformément à l’article 35, paragraphe 3, de la directive 2014/25, lu conjointement avec l’annexe IV, point 1, de celle-ci, dans des circonstances telles que celles de la présente affaire, où le marché est présumé libre sur le fondement de la présomption établie à l’article 34, paragraphe 3, premier alinéa, de cette directive, en principe, le délai pour l’adoption d’une décision d’exécution est de 90 jours à compter du jour ouvrable suivant la date à laquelle la Commission reçoit la demande visée à l’article 35, paragraphe 1, de ladite directive ou, si les informations devant être fournies avec la demande sont incomplètes, à compter du jour ouvrable suivant la réception des informations complètes.

34      D’autre part, pour évaluer l’exposition directe à la concurrence d’une ou de plusieurs activités, la Commission ne dispose que de pouvoirs limités au regard des vastes pouvoirs d’enquête qui lui sont confiés dans le cadre de l’application du droit de la concurrence de l’Union (voir, par analogie, arrêt du 27 avril 2016, Österreichische Post/Commission, T‑463/14, EU:T:2016:243, point 41). En effet, tel que cela ressort du considérant 44 de la directive 2014/25, cette évaluation est limitée par la brièveté des délais applicables et par la nécessité pour la Commission de se fonder sur les informations provenant de sources déjà disponibles ou obtenues dans le cadre de l’application de l’article 35 de cette directive et qui ne peuvent être complétées en recourant à des méthodes exigeant plus de temps, y compris, en particulier, des enquêtes publiques auprès des opérateurs économiques concernés.

35      Compte tenu de la brièveté des délais applicables et des pouvoirs d’investigation limités de la Commission pour évaluer l’exposition directe d’une activité à la concurrence, il découle du considérant 48 de la directive 2014/25 que les avis ou les positions motivés d’autorités nationales indépendantes compétentes, qui disposent d’un savoir-faire spécialisé, constituent une source d’information importante pour l’évaluation de l’exposition directe à la concurrence, de sorte qu’il est souhaitable que les demandes d’exemption soient assorties d’un avis récemment adopté par une autorité nationale indépendante, compétente dans le champ d’activité concerné, concernant la situation de la concurrence dans le secteur en question, ou qu’elles comportent un tel avis.

36      Or, dans la présente affaire, la demande d’exemption était accompagnée d’une position motivée d’une autorité nationale indépendante, à savoir l’AVK.

37      Comme cela est indiqué au considérant 3 de la décision attaquée, il ressort de ladite position motivée que l’AVK a procédé à une analyse approfondie des conditions d’applicabilité de l’article 34, paragraphe 1, de la directive 2014/25, effectuée, tel que cela ressort du considérant 4 de la décision attaquée, sur la base de renseignements recueillis non seulement auprès des opérateurs de services de transport de fret par chemin de fer titulaires d’une licence et de leurs clients, mais également auprès de l’organisme de réglementation slovène et de l’agence publique pour le transport ferroviaire.

38      Dans ces conditions, la Commission pouvait valablement considérer, au considérant 1 de la décision attaquée, que la demande d’exemption satisfaisait aux exigences de l’article 1er de la décision d’exécution 2016/1804 et qu’elle disposait des informations suffisantes pour statuer sur cette demande.

39      S’agissant de la définition du marché de produits, ainsi que le relève à juste titre la Commission, l’AVK avait défini ce marché sur la base d’une analyse détaillée de ses caractéristiques en utilisant les facteurs pertinents mentionnés à l’annexe I, section 3, de la décision d’exécution 2016/1804. Ainsi, dès lors que la demande d’exemption était accompagnée de la position motivée de l’AVK, la Commission pouvait à juste titre estimer qu’il n’était pas nécessaire de demander à la requérante des informations additionnelles pour la définition du marché en cause.

40      Il s’ensuit que, en ne demandant pas d’informations additionnelles sur les appels d’offres évoqués au considérant 19 de la décision attaquée, la Commission n’a pas violé son obligation de diligence.

41      Par ailleurs, pour autant que, dans la réplique, la requérante ait également entendu reprocher à la Commission de ne pas lui avoir demandé des informations additionnelles concernant d’autres aspects de la définition du marché de produits ou concernant la définition du marché géographique, un tel grief devrait être rejeté comme non fondé pour les mêmes motifs que ceux exposés aux points 27 à 39 ci-dessus. En effet, tout comme pour la définition du marché de produits, dans sa position motivée, l’AVK avait défini le marché géographique sur la base d’une analyse détaillée des caractéristiques du marché en utilisant les facteurs pertinents mentionnés à l’annexe I, section 3, de la décision d’exécution 2016/1804, de sorte que la Commission pouvait valablement considérer qu’il n’était pas nécessaire de demander à la requérante des informations additionnelles pour la définition du marché géographique.

42      S’agissant du grief relatif à la méconnaissance du droit de la requérante d’être entendue, il doit être écarté, dans la mesure où il ressort des éléments du dossier que, au cours de la procédure administrative, la requérante a été en mesure de prendre position, aussi bien sur la définition du marché de produits que sur la définition du marché géographique que la Commission envisageait de retenir. À cet égard, il convient de rappeler que le droit d’être entendu n’équivaut pas au droit, pour le requérant, de voir sa thèse prévaloir [voir, en ce sens, arrêt du 7 décembre 2018, Edison/EUIPO (EDISON), T‑471/17, non publié, EU:T:2018:887, point 72].

43      Eu égard aux considérations qui précèdent, la première branche du deuxième moyen doit être écartée.

 Sur la seconde branche du deuxième moyen, tirée d’une violation de l’obligation de motivation

44      Par la seconde branche de son deuxième moyen, la requérante fait valoir une violation de l’article 296 TFUE. Au soutien de cette branche, la requérante expose trois griefs.

–       Sur l’absence de prise en considération de la décision d’exécution 2017/132

45      Par son premier grief, la requérante reproche à la Commission d’avoir insuffisamment expliqué les raisons pour lesquelles, dans le cadre de la définition du marché de produits, elle n’avait pas tenu compte de la décision d’exécution (UE) 2017/132 de la Commission, du 24 janvier 2017, relative à l’applicabilité de l’article 34 de la directive 2014/25 aux marchés attribués pour la mise à disposition d’infrastructures aéroportuaires pour le fret en Autriche (JO 2017, L 21, p. 105). Selon la requérante, dès lors qu’elle avait invoqué ladite décision au cours de la procédure administrative, la Commission aurait dû expliciter les raisons pour lesquelles elle s’était écartée de la définition du marché de produits retenue dans cette décision, laquelle caractérisait ledit marché plus largement, comme incluant des modes alternatifs de transport de fret.

46      La Commission conteste cette argumentation de la requérante.

47      À cet égard, il convient de rappeler que, selon une jurisprudence constante, la motivation exigée par l’article 296 TFUE doit être adaptée à la nature de l’acte en cause et doit faire apparaître de façon claire et non équivoque le raisonnement de l’institution, auteure de l’acte, de manière à permettre aux intéressés de connaître les justifications de la mesure prise et à la juridiction compétente d’exercer son contrôle. L’exigence de motivation doit être appréciée en fonction des circonstances de l’espèce, notamment du contenu de l’acte, de la nature des motifs invoqués et de l’intérêt que les destinataires de l’acte ou d’autres personnes concernées directement et individuellement par celui-ci peuvent avoir à recevoir des explications. Il n’est pas exigé que la motivation spécifie tous les éléments de fait et de droit pertinents, dans la mesure où la question de savoir si la motivation d’un acte satisfait aux exigences de l’article 296 TFUE doit être appréciée au regard non seulement de son libellé, mais aussi de son contexte ainsi que de l’ensemble des règles juridiques régissant la matière concernée (voir arrêt du 10 juillet 2008, Bertelsmann et Sony Corporation of America/Impala, C‑413/06 P, EU:C:2008:392, point 166 et jurisprudence citée ; arrêt du 27 janvier 2021, KPN/Commission, T‑691/18, non publié, EU:T:2021:43, point 161).

48      Il ressort également d’une jurisprudence bien établie que la Commission n’est pas obligée, dans la motivation de ses décisions, de prendre position sur tous les arguments invoqués par les intéressés pendant la procédure administrative. Il suffit, en effet, à la Commission d’exposer les faits et les considérations juridiques revêtant une importance essentielle dans l’économie de la décision (arrêt du 9 juin 2021, Iniciativa « Derecho de la UE, derechos de las minorías y democratización de las instituciones españolas »/Commission, T‑611/19, non publié, EU:T:2021:340, point 26 ; voir également, en ce sens, arrêt du 10 juillet 2008, Bertelsmann et Sony Corporation of America/Impala, C‑413/06 P, EU:C:2008:392, point 169). De plus, le degré de précision de la motivation d’une décision doit être proportionné aux possibilités matérielles et aux conditions techniques ou de délai dans lesquelles elle doit intervenir (arrêts du 14 février 1990, Delacre e.a./Commission, C‑350/88, EU:C:1990:71, point 16, et du 27 janvier 2021, KPN/Commission, T‑691/18, non publié, EU:T:2021:43, point 162).

49      Enfin, dans le cadre de l’appréciation du respect de l’obligation de motivation, il y a lieu de tenir compte du fait que, comme indiqué au point 33 ci-dessus, la Commission était tenue d’adopter une décision définitive dans un délai déterminé relativement bref (voir, en ce sens, arrêt du 27 avril 2016, Österreichische Post/Commission, T‑463/14, EU:T:2016:243, point 83).

50      C’est à la lumière de ces considérations qu’il y a lieu d’examiner le grief présenté par la requérante.

51      Dans les motifs de la décision attaquée relatifs à la définition du marché de produits, tout d’abord, la Commission a exposé, au considérant 14, que le marché de produits devait être défini comme celui du transport de fret par chemin de fer, lequel est susceptible d’être segmenté en quatre catégories, à savoir le transport national de fret par chemin de fer, le transport international de fret par chemin de fer, le transport de fret par chemin de fer dans des wagons isolés et le transport de fret par chemin de fer dans des trains complets. À cet égard, la Commission a renvoyé à des décisions antérieures en matière de concentration dans le secteur ferroviaire. Ensuite, au considérant 15 de la décision attaquée, la Commission a corroboré cette considération par une analyse de l’interchangeabilité des services de transport de fret par chemin de fer avec d’autres services de transport de fret, en particulier ceux par voie routière. À cet égard, elle a fait état des constatations de l’AVK selon lesquelles les services de transport de fret par chemin de fer ne sont pas interchangeables avec d’autres formes de services de transport, de sorte qu’ils doivent être considérés comme un marché distinct. Pour parvenir à la conclusion que les services de transport de fret par chemin de fer et par route sont des services complémentaires, la Commission a exposé les principales caractéristiques de ces deux modes de transport de fret tendant à établir que ces services ne sont pas interchangeables. Elle a précisé que, d’une part, le transport de fret par route était plus flexible et mieux adapté aux courtes distances et que, d’autre part, le transport de fret par chemin de fer était considéré comme étant mieux adapté aux marchandises volumineuses en vrac, en particulier lorsque de grandes quantités étaient transportées en même temps.

52      De surcroît, au considérant 20 de la décision attaquée, pour justifier le fait que le marché de produits ne s’étendait pas au-delà du fret ferroviaire, par référence à une décision antérieure en matière de concentration dans le secteur ferroviaire, la Commission a également utilisé le critère de la situation géographique des clients afin de fonder la constatation selon laquelle les différents modes de transport de fret n’étaient pas substituables entre eux.

53      Par ailleurs, s’agissant des décisions en matière de concurrence dans le secteur ferroviaire, auxquelles il est renvoyé aux considérants 14 et 20 de la décision attaquée pour fonder la définition du marché de produits, même si dans certaines d’entre elles il était indiqué que la définition du marché pouvait rester ouverte, lesdites décisions permettaient de dégager l’existence d’une pratique décisionnelle selon laquelle le transport de fret par chemin de fer constituait un marché à part entière. Ainsi, l’ensemble des considérations visées aux points 51 et 52 ci-dessus constitue une motivation suffisante de la décision attaquée, eu égard à la jurisprudence citée aux points 47 et 48 ci-dessus.

54      Dès lors, il y a lieu de considérer que les motifs de la décision attaquée exposent les faits et les considérations juridiques revêtant une importance essentielle dans l’économie de la décision attaquée en ce qui concerne la définition du marché de produits.

55      Cette conclusion n’est pas susceptible d’être remise en cause par l’argumentation de la requérante selon laquelle la Commission n’aurait pas explicité les raisons pour lesquelles elle n’avait pas pris en considération la définition plus large du marché de produits qui avait été retenue dans la décision d’exécution 2017/132.

56      D’emblée, il convient de relever que, au vu des éléments disponibles dans le dossier, ladite décision a été invoquée par la requérante au cours de la procédure administrative uniquement au soutien de sa définition alternative du marché géographique, et non au soutien de sa définition alternative du marché de produits. Dans ces conditions, il ne saurait être reproché à la Commission de ne pas avoir exposé, dans les motifs de la décision attaquée, les raisons pour lesquelles ladite décision d’exécution n’avait pas été prise en considération aux fins de la définition du marché de produits.

57      En outre, il ressort du considérant 14 de la décision attaquée ainsi que des éléments du dossier que, au cours de la procédure administrative, la requérante avait uniquement fait valoir que le marché de produits ne devrait pas être limité au transport de fret par chemin de fer, mais devrait être étendu au transport de fret par route. Ainsi, dans la mesure où la motivation de la décision attaquée relative à la définition du marché de produits porte, en particulier, sur les raisons pour lesquelles ledit marché ne pouvait inclure le transport de fret par route, la requérante ne saurait valablement reprocher à la Commission d’avoir manqué à son obligation de motivation.

58      Partant, il convient de rejeter le premier grief de la seconde branche du deuxième moyen.

–       Sur l’absence de prise en considération de la pratique décisionnelle relative aux corridors internationaux et de certains éléments relatifs aux activités de transport international de la requérante

59      Par son deuxième grief, la requérante fait valoir que la Commission n’a pas suffisamment explicité les raisons pour lesquelles elle n’avait pas pris en considération sa pratique décisionnelle relative aux corridors internationaux pour définir le marché géographique. En outre, elle reproche également à la Commission de ne pas avoir explicité les raisons pour lesquelles des faits et des preuves qui établiraient qu’elle exerçait des activités principalement dans un environnement international n’auraient pas été pris en considération.

60      La Commission conteste l’argumentation de la requérante.

61      À cet égard, il convient de relever que, dans les motifs de la décision attaquée relatifs à la définition du marché géographique, au considérant 21 de cette décision, la Commission a fait référence à la pratique décisionnelle antérieure selon laquelle, eu égard aux différentes exigences techniques et réglementaires, les marchés des services de fret ferroviaire avaient plutôt une dimension nationale, mais pouvaient devenir internationaux sur certains itinéraires faisant partie de l’un des corridors de fret ferroviaire qui ont été établis par le règlement (UE) no 913/2010 du Parlement européen et du Conseil, du 22 septembre 2010, relatif au réseau ferroviaire européen pour un fret compétitif (JO 2010, L 276, p. 22).

62      Pour écarter les arguments de la requérante en faveur d’une définition plus large du marché géographique englobant l’ensemble de l’Union ou, à défaut, les zones liées à des corridors, la décision attaquée mentionne plusieurs facteurs justifiant que la définition du marché géographique devait être limitée au territoire national.

63      Tout d’abord, au considérant 24 de la décision attaquée, la Commission reprend une constatation de l’AVK selon laquelle les entreprises de chemin de fer fournissent leurs services principalement en Slovénie, par l’intermédiaire de sociétés enregistrées en Slovénie, avec des conducteurs de trains slovènes et des locomotives utilisées sur le territoire slovène, dont le changement s’effectue généralement à la frontière avec un autre pays. Ensuite, au considérant 25 de la décision attaquée, il est fait état de la persistance de divergences significatives d’un État membre à un autre en ce qui concerne les exigences techniques et réglementaires. À cet égard, il est fait référence au rapport spécial no 08/2016 de la Cour des comptes européenne, du 24 mai 2016, intitulé « Le transport ferroviaire de marchandises dans l’[Union] : toujours pas sur la bonne voie », selon lequel le réseau ferroviaire de l’Union reste un système composé de réseaux ferroviaires distincts qui ne sont pas pleinement interopérables.

64      Il s’ensuit que, en reprenant les constatations de l’AVK sur le caractère essentiellement interne des activités de fret ferroviaire en Slovénie et en faisant état de l’absence de réseaux ferroviaires pleinement interopérables, la Commission a exposé à suffisance de droit les raisons pour lesquelles le marché géographique était limité au territoire national.

65      Les arguments avancés par la requérante ne sont pas de nature à remettre en cause cette conclusion.

66      En premier lieu, s’agissant de l’argument relatif à l’absence d’explications quant aux raisons pour lesquelles la pratique décisionnelle relative aux corridors internationaux n’a pas été appliquée pour définir le marché géographique, il convient de relever que, au considérant 21 de la décision attaquée, il est précisé que ce n’est que dans « certaines situations particulières » que ces corridors sont susceptibles de mieux refléter la situation concurrentielle. Ainsi, il convient de considérer que, pour définir un marché géographique, le recours aux corridors internationaux est considéré comme plutôt inhabituel, car tributaire de circonstances spécifiques qui, selon la Commission, n’étaient pas réunies dans le cas d’espèce. En effet, la Commission a mis en évidence, d’une part, le fait que les activités de fret ferroviaire en Slovénie sont essentiellement internes et, d’autre part, l’absence de réseaux ferroviaires pleinement interopérables. Dès lors, il ne saurait lui être reproché d’avoir insuffisamment motivé les raisons pour lesquelles elle n’a pas appliqué les raisonnements tirés de sa pratique décisionnelle relative aux corridors internationaux.

67      En second lieu, s’agissant de l’argument relatif à l’absence d’explications quant aux raisons pour lesquelles des faits et des preuves présentés par la requérante concernant l’exercice supposé d’activités de transport international par celle-ci n’ont pas été pris en considération, il suffit de relever que, au considérant 24 de la décision attaquée, il est fait référence à une constatation de l’AVK selon laquelle, en dépit d’une présence accrue de la requérante en Autriche et en Croatie, l’essentiel de ses activités – soit 97,5 % de ses activités exprimées en tonnes-kilomètres (t.km) nettes ou 98 % de ses recettes brutes provenant des services de transport – sont exercées sur le territoire de la Slovénie. Il convient de considérer que, par cette référence, la Commission a fait siennes ces constatations et, partant, a implicitement mais nécessairement motivé les raisons pour lesquelles elle a écarté lesdits faits et lesdites preuves.

68      En tout état de cause, ainsi que cela ressort de la jurisprudence citée au point 48 ci-dessus, la Commission n’était pas tenue de prendre expressément position sur tous les arguments invoqués par la requérante au cours de la procédure administrative. Par conséquent, il ne saurait lui être reproché de ne pas avoir explicitement exposé les raisons pour lesquelles, dans le cadre de la définition du marché géographique, elle n’a pris en considération ni sa pratique décisionnelle sur les corridors internationaux, ni les faits et les preuves relatifs à la prétendue activité internationale de la requérante.

69      Partant, il convient de rejeter le deuxième grief de la seconde branche du deuxième moyen.

–       Sur l’importance accordée au critère des parts de marché dans l’analyse de l’exposition directe à la concurrence et la non-prise en compte de décisions antérieures

70      Par son troisième grief, la requérante fait valoir que la Commission n’a pas explicité les raisons pour lesquelles elle a accordé une place importante au critère des parts de marché, ni celles pour lesquelles sa situation serait différente de celles des entreprises en cause dans la décision 2006/422/CE de la Commission, du 19 juin 2006, établissant que l’article 30, paragraphe 1, de la directive 2004/17/CE du Parlement européen et du Conseil portant coordination des procédures de passation des marchés dans les secteurs de l’eau, de l’énergie, des transports et des services postaux s’applique à la production et à la vente d’électricité en Finlande, à l’exclusion des Îles Åland (JO 2006, L 168 p. 33), et dans la décision 2007/706/CE de la Commission, du 29 octobre 2007, exemptant la production et la vente d’électricité en Suède de l’application de la directive 2004/17/CE du Parlement européen et du Conseil portant coordination des procédures de passation des marchés dans les secteurs de l’eau, de l’énergie, des transports et des services postaux (JO 2007, L 287, p. 18).

71      La Commission conteste les arguments de la requérante.

72      En premier lieu, s’agissant de l’argument selon lequel la Commission aurait insuffisamment explicité les raisons pour lesquelles la part de marché a été un critère important pour évaluer l’exposition directe à la concurrence de l’activité de la requérante, il convient de rappeler que, lorsque l’intéressé a été étroitement associé au processus d’élaboration de la décision attaquée et connaît donc les raisons pour lesquelles l’administration a estimé ne pas devoir faire droit à sa demande, les exigences de la jurisprudence en matière de motivation sont atténuées (arrêt du 12 juin 1997, Tiercé Ladbroke/Commission, T‑504/93, EU:T:1997:84, point 52 ; voir également, en ce sens, arrêt du 16 mars 2016, Hydrex/Commission, T‑45/15, non publié, EU:T:2016:151, point 31).

73      En l’espèce, il ressort du considérant 10 de la décision attaquée que, compte tenu des marchés concernés par ladite décision, la part de marché des principaux acteurs du marché constituait un critère devant être pris en considération. De plus, il ressort implicitement des considérants 33 à 35 de la décision attaquée que, dans les circonstances de la présente affaire, les parts de marché qualifiées d’« extrêmement fortes », à savoir de 85,21 %, détenues par la requérante sur le marché en cause en 2018, soit douze ans après la libéralisation dudit marché, justifiaient que le critère de la part de marché constituât un élément important pour évaluer l’exposition directe de l’activité de la requérante à la concurrence.

74      Toutefois, tel que cela ressort du considérant 5 de la décision attaquée, la requérante a été associée à la procédure administrative, au cours de laquelle elle a transmis à plusieurs reprises des observations écrites à la Commission. En outre, il ressort des éléments du dossier que des échanges téléphoniques ont eu lieu pendant la procédure administrative, notamment le 14 novembre 2021. À cet égard, selon la réponse écrite de la Commission à une question posée par le Tribunal dans le cadre de mesures d’organisation de la procédure, la requérante a été informée, au cours de la procédure administrative, que le niveau très élevé de ses parts de marché constituait une source de préoccupation et qu’aucune exemption n’avait été accordée en présence de parts de marché aussi élevées. En réponse à une question du Tribunal posée au cours de l’audience, la requérante a affirmé que, au cours de la procédure administrative, notamment lors de la conversation téléphonique du 14 novembre 2020, la Commission ne lui avait pas fourni de telles indications. 18 mars 2020, la requérante avait, déjà, indiqué que le fonctionnaire de la Commission chargé de la demande d’exemption avait exprimé des inquiétudes quant au niveau élevé de ses parts de marché et indiqué qu’aucune exemption n’avait été accordée à une entité détenant une part de marché aussi importante. De plus, dans ce mémoire, la requérante faisait également valoir que ses parts de marché n’étaient pas, en soi, l’unique indicateur à prendre en considération pour évaluer la concurrence sur le marché pertinent. Dès lors, il convient de considérer que la requérante avait été informée, au cours de la procédure administrative, du fait que, de l’avis de la Commission, le niveau très élevé de ses parts de marché constituait un élément important pour évaluer l’exposition directe de son activité à la concurrence.

75      Il s’ensuit que, dans les circonstances de la présente affaire, caractérisée notamment par l’obligation d’adopter une décision définitive dans un délai déterminé relativement bref, la Commission n’a pas violé l’obligation de motivation prévue à l’article 296 TFUE en ce qui concerne la prise en considération du critère tiré des parts de marché pour évaluer l’exposition directe à la concurrence des activités de la requérante.

76      En second lieu, s’agissant de l’argument de la requérante selon lequel la Commission n’aurait pas exposé les raisons pour lesquelles sa situation a été considérée comme étant différente de celles des entreprises concernées par les décisions 2006/422 et 2007/706, il suffit de rappeler que, tel que cela ressort de la jurisprudence citée au point 48 ci-dessus, la Commission n’est pas obligée de prendre position sur tous les arguments invoqués par les intéressés pendant la procédure administrative dès lors qu’elle a exposé les faits et les considérations juridiques revêtant une importance essentielle dans l’économie de sa décision.

77      Partant, le troisième grief de la seconde branche du deuxième moyen doit être rejeté.

78      Par suite, il y a lieu de rejeter la seconde branche du deuxième moyen.

79      Eu égard aux considérations qui précèdent, le deuxième moyen doit être rejeté dans son ensemble.

 Sur le troisième moyen, tiré d’une définition erronée du marché de produits ainsi que d’une violation des principes d’égalité de traitement et de non-discrimination

80      Ce moyen est subdivisé en deux branches. D’une part, la requérante soutient que la Commission a défini erronément le marché de produits en le limitant au transport de fret par chemin de fer et, d’autre part, elle fait valoir que la Commission a violé les principes d’égalité de traitement et de non-discrimination en raison de la nationalité.

 Sur la première branche du troisième moyen, tirée d’une définition erronée du marché de produits

81      Dans le cadre de la première branche, la requérante reproche à la Commission d’avoir commis deux erreurs manifestes d’appréciation dans la définition du marché de produits. Elle lui reproche de ne pas y avoir inclus, d’une part, le transport de fret par voie routière et, d’autre part, le transport de fret par voie aérienne.

82      Tout d’abord, il convient de rappeler que la définition du marché en cause, dans la mesure où elle implique des appréciations économiques complexes de la part de la Commission, ne saurait faire l’objet que d’un contrôle restreint de la part du juge de l’Union (arrêts du 27 avril 2016, Österreichische Post/Commission, T‑463/14, EU:T:2016:243, point 38, et du 27 janvier 2021, KPN/Commission, T‑691/18, non publié, EU:T:2021:43, point 65).

83      Cependant, si la Commission dispose d’une marge d’appréciation en matière économique, cela n’implique pas que le juge de l’Union doit s’abstenir de contrôler l’interprétation, par la Commission, de données de nature économique. En effet, le juge de l’Union doit notamment non seulement vérifier l’exactitude matérielle des éléments de preuve invoqués, leur fiabilité et leur cohérence, mais également contrôler si ces éléments constituent l’ensemble des données pertinentes devant être prises en considération pour apprécier une situation complexe et s’ils sont de nature à étayer les conclusions qui en sont tirées (arrêt du 27 janvier 2021, KPN/Commission, T‑691/18, non publié, EU:T:2021:43, point 66 ; voir également, en ce sens, arrêt du 27 avril 2016, Österreichische Post/Commission, T‑463/14, EU:T:2016:243, point 39).

–       Sur le premier grief, tiré de la définition erronée du marché en cause en ce qu’elle n’inclut pas le transport de fret par route

84      La requérante soutient que la Commission a commis une erreur dans l’application des critères de délimitation du marché de produits, prévus à l’article 34 de la directive 2014/25, au motif que la définition dudit marché n’inclut pas le transport de fret par route.

85      En premier lieu, la requérante estime avoir démontré que son activité était, de manière évidente, en concurrence avec les transporteurs routiers, de sorte qu’il convenait d’inclure dans la définition du marché de produits en cause les services de transport de fret par voie routière. À cet égard, elle estime avoir fourni toutes les explications convaincantes dans son mémoire transmis à la Commission dans le courant du mois de janvier 2020.

86      En second lieu, la requérante considère que le fait que des transporteurs de fret par route participent à des appels d’offres auxquels elle-même participe suffit à établir l’existence d’un rapport de concurrence entre ces deux modes de transport de fret, et ce même si elle remporte la plupart, voire l’ensemble de ces appels d’offres.

87      La Commission conteste l’argumentation de la requérante.  

88      À cet égard, en ce qui concerne l’argument selon lequel la requérante aurait exposé, dans son mémoire transmis à la Commission dans le courant du mois de janvier 2020, produit en tant qu’annexe A.11 de la requête, les raisons pour lesquelles ses activités seraient en concurrence avec celles des transporteurs routiers, pour autant qu’il s’agisse d’un argument autonome, il y a lieu de constater que, dans la requête, ledit argument n’est pas étayé et la requérante effectue uniquement un renvoi général à une annexe. Or, il y a lieu de rappeler que, selon une jurisprudence constante, en vertu de l’article 21 du statut de la Cour de justice de l’Union européenne et de l’article 76, sous d), du règlement de procédure, toute requête doit indiquer l’objet du litige et l’exposé sommaire des moyens invoqués. Pour qu’un recours soit recevable, il faut que les éléments essentiels de fait et de droit sur lesquels celui-ci se fonde ressortent, à tout le moins sommairement, mais d’une façon cohérente et compréhensible, du texte de la requête elle-même. Si le corps de celle-ci peut être étayé et complété, sur des points spécifiques, par des renvois à des passages déterminés de pièces qui y sont annexées, un renvoi global à d’autres écrits, même annexés à la requête, ne saurait pallier l’absence des éléments essentiels de l’argumentation en droit, qui, en vertu des dispositions rappelées ci-dessus, doivent figurer dans la requête. Des exigences analogues s’imposent lorsqu’un argument est invoqué au soutien d’un moyen [arrêt du 13 juin 2013, Versalis/Commission, C‑511/11 P, EU:C:2013:386, point 115 ; voir également, en ce sens et par analogie, arrêt du 19 mai 2021, Müller/EUIPO (TIER SHOP), T‑535/20, non publié, EU:T:2021:283, point 28]. Il s’ensuit qu’un tel argument doit être rejeté comme irrecevable.

89      Quant à l’argument selon lequel un rapport de concurrence pourrait être établi à partir de la constatation que des transporteurs de fret par route participent à des appels d’offres auxquels participent également des transporteurs de fret par chemin de fer, il convient de considérer qu’un tel argument, au demeurant non étayé, ne saurait suffire pour établir que la Commission a commis une erreur manifeste d’appréciation en n’incluant pas le transport de fret par route dans le marché de produits. En effet, en l’absence de tout autre élément pertinent, tel que les résultats des procédures d’appels d’offres ou encore des spécifications techniques susceptibles d’établir la substituabilité des services de transport de fret par chemin de fer et des services de transport de fret par route, la seule circonstance selon laquelle des opérateurs participent à des procédure d’appels d’offres n’est pas suffisante pour démontrer l’interchangeabilité de ces services de transport de fret.

90      Il s’ensuit que la requérante n’a pas établi que la Commission a commis une erreur manifeste d’appréciation en n’incluant pas le transport de fret par route dans le marché de produits.

91      Partant, le premier grief de la première branche du troisième moyen doit être rejeté.

–       Sur le second grief, tiré de la définition erronée du marché en cause en ce qu’elle n’inclut pas le transport de fret par voie aérienne

92      La requérante fait valoir que la Commission a commis une erreur manifeste dans la définition du marché de produits, dans la mesure où celui-ci n’inclut pas le transport de fret par voie aérienne, contrairement, notamment, à sa pratique récente telle qu’elle ressortirait de la décision d’exécution 2017/132. À cet égard, la requérante reproche à la Commission de ne pas avoir tenu compte du considérant 43 de cette décision, duquel il découlerait que le transport de fret par voie aérienne aurait dû être inclus dans la définition du marché en cause. Elle estime également que la décision attaquée s’écarte de la définition du marché de produits retenue dans des décisions antérieures en matière de concentration dans le secteur aérien.

93      En outre, la requérante fait valoir que la Commission a commis une erreur en tenant compte des caractéristiques des marchandises transportées pour distinguer différents marchés de transport de fret. Selon elle, il ressortirait de la décision d’exécution 2017/132 que le marché du transport de fret aérien devrait comprendre des modes de transport alternatifs, tels que le transport de fret par chemin de fer, indépendamment du type de marchandises. De plus, la requérante estime qu’il est illogique de considérer dans certaines décisions que les transporteurs de fret par chemin de fer sont des concurrents des transporteurs de fret par voie aérienne alors que, dans d’autres décisions, les transporteurs de fret par voie aérienne ne sont pas considérés comme des concurrents des transporteurs de fret par chemin de fer.

94      La Commission conteste cette argumentation de la requérante.

95      À cet égard, il y a lieu de rappeler que, selon la jurisprudence, la Commission est tenue de procéder à une analyse individualisée des circonstances propres à chaque affaire, sans être liée par des décisions antérieures qui concernent d’autres opérateurs économiques, d’autres marchés de produits et de services ou d’autres marchés géographiques à des moments différents. Ainsi, la requérante n’est pas en droit de remettre en cause les constatations de la Commission au motif qu’elles diffèrent de celles faites antérieurement dans une autre affaire, à supposer même que les marchés en cause dans les deux affaires soient similaires, voire identiques (voir, par analogie, arrêts du 25 mars 2015, Slovenská pošta/Commission, T‑556/08, non publié, EU:T:2015:189, point 197, et du 23 mai 2019, KPN/Commission, T‑370/17, EU:T:2019:354, point 79).

96      Il s’ensuit que l’argumentation de la requérante selon laquelle la définition du marché de produits en l’espèce contredirait la décision d’exécution 2017/132 ainsi que des décisions en matière de concentration dans le secteur aérien n’est pas de nature à établir une erreur manifeste d’appréciation dans la définition de ce marché. En particulier, dans la présente affaire, la requérante ne saurait se limiter à invoquer des constatations générales et abstraites effectuées dans des décisions antérieures relatives à des secteurs économiques différents pour contester la définition du marché de produits retenue par la Commission dans la décision attaquée, établie à partir d’une analyse détaillée du marché slovène réalisée par l’AVK sur la base de facteurs pertinents mentionnés à l’annexe I, section 3, de la décision d’exécution 2016/1804.

97      En tout état de cause, premièrement, le considérant 43 de la décision d’exécution 2017/132, visé par la requérante, concerne non pas la définition du marché de produits, mais celle du marché géographique.

98      Deuxièmement, la requérante ne saurait utilement faire valoir que la Commission a commis une erreur manifeste d’appréciation dans la définition du marché de produits au motif qu’elle a tenu compte des caractéristiques des marchandises transportées pour distinguer différents marchés de transport de fret. À cet égard, il ressort du considérant 15 de la décision attaquée que, sur la base des constatations de l’AVK, la Commission a constaté que le transport de fret par chemin de fer était mieux adapté aux expéditions volumineuses en vrac, en particulier lorsque de grandes quantités de marchandises étaient transportées en même temps. Ce faisant, la Commission a procédé à l’évaluation de la substituabilité des services de transport de fret, nécessaire pour délimiter le marché de produits. Il ne saurait donc être reproché à la Commission de ne pas avoir pris en considération un facteur pertinent pour l’identification du marché de produits. En outre, contrairement à ce que fait valoir la requérante, aux considérants 37 et 38 de la décision d’exécution 2017/132, lorsqu’elle a comparé, aux fins de la définition du marché de produits pertinent dans cette procédure, les services et les caractéristiques spécifiques au transport de voyageurs et au transport de fret, la Commission a appliqué la même méthodologie que celle utilisée au considérant 15 de la décision attaquée.

99      Troisièmement, l’argument selon lequel il serait illogique de considérer, dans certaines décisions, les transporteurs de fret par chemin de fer comme des concurrents des transporteurs de fret par voie aérienne et, dans d’autres décisions, les seconds comme n’étant pas les concurrents des premiers, doit être écarté. En effet, la délimitation des marchés de produits effectuée dans les décisions en matière de concentration dans le secteur aérien concernait un secteur économique différent, à une période différente et avec des entreprises concernées différentes, dont la situation n’était pas nécessairement comparable à celle ayant donné lieu à la décision attaquée.

100    Il résulte de ce qui précède que la requérante n’a pas établi que la Commission avait commis une erreur manifeste d’appréciation en n’incluant pas le transport de fret par voie aérienne dans le marché de produits.

101    Partant, le deuxième grief de la première branche du troisième moyen doit être rejeté.

102    Par suite, la première branche du troisième moyen doit être rejetée.

 Sur la seconde branche du troisième moyen, tirée d’une violation des principes d’égalité de traitement et de non-discrimination en raison de la nationalité

103    La requérante soutient que la décision attaquée viole le principe d’égalité de traitement et le principe de non-discrimination en raison de la nationalité, consacrés respectivement aux articles 20 et 21 de la Charte, au motif qu’elle n’a pas obtenu d’exemption de l’application de la directive 2014/25, alors que le demandeur dans l’affaire ayant donné lieu à la décision d’exécution 2017/132 a obtenu une telle exemption. Elle fait également valoir que la non-inclusion du transport de fret par voie aérienne dans la définition du marché de produits, telle que la Commission l’aurait effectuée dans la décision d’exécution 2017/132, constitue une telle violation. En outre, elle considère que, dans la mesure où la Commission ne lui a pas demandé d’informations supplémentaires pendant la procédure administrative, elle a également violé les principes d’égalité de traitement et de non-discrimination, dès lors qu’elle avait demandé de telles informations dans le cadre de la procédure administrative ayant donné lieu à l’adoption de la décision d’exécution 2017/132.

104    La Commission conteste l’argumentation de la requérante.

105    Il y a lieu de rappeler que le principe d’égalité de traitement constitue un principe général du droit de l’Union, consacré à l’article 20 de la Charte, dont le principe de non-discrimination énoncé à l’article 21, paragraphe 1, de la Charte est une expression particulière (voir arrêt du 29 octobre 2020, Veselības ministrija, C‑243/19, EU:C:2020:872, point 35 et jurisprudence citée). Il ressort d’une jurisprudence constante que ce principe exige que des situations comparables ne soient pas traitées de manière différente et que des situations différentes ne soient pas traitées de manière égale, à moins qu’un tel traitement ne soit objectivement justifié (arrêts du 12 novembre 2014, Guardian Industries et Guardian Europe/Commission, C‑580/12 P, EU:C:2014:2363, point 51, et du 24 septembre 2020, Prysmian et Prysmian Cavi e Sistemi/Commission, C‑601/18 P, EU:C:2020:751, point 101).

106    La violation éventuelle du principe d’égalité de traitement du fait d’un traitement différencié présuppose ainsi que les situations visées sont comparables eu égard à l’ensemble des éléments qui les caractérisent (arrêts du 16 décembre 2008, Arcelor Atlantique et Lorraine e.a., C‑127/07, EU:C:2008:728, point 25, et du 16 décembre 2020, Conseil e.a./K. Chrysostomides & Co. e.a., C‑597/18 P, C‑598/18 P, C‑603/18 P et C‑604/18 P, EU:C:2020:1028, point 192).

107    C’est à la lumière de ces considérations qu’il convient d’examiner la seconde branche du troisième moyen de la requérante.

108    Premièrement, pour autant que la requérante fait valoir une violation du principe d’égalité de traitement au motif que, par rapport à l’affaire ayant donné lieu à la décision d’exécution 2017/132, elle n’a pas obtenu d’exemption ou que la Commission n’a pas inclus le transport de fret par voie aérienne dans la définition du marché de produits, il convient de constater que les éléments du dossier ne permettent pas d’établir que la requérante est dans une situation comparable à celle du demandeur de l’exemption dans cette affaire. En effet, les activités de transport de fret par chemin de fer de la requérante sont sensiblement différentes de celles relatives à la mise à disposition d’infrastructures de transports de fret d’un aéroport international. Il s’ensuit que, dès lors que la situation de la requérante n’est pas comparable à celle du demandeur dans ladite affaire, elle ne saurait utilement se prévaloir d’une violation du principe d’égalité de traitement au motif qu’elle n’a pas obtenu une exemption ou que le marché de produits dans la présente affaire n’inclut pas le transport de fret par voie aérienne.

109    Deuxièmement, s’agissant de la violation alléguée du principe d’égalité de traitement au motif que, dans le cadre de la procédure administrative, la Commission ne lui aurait pas demandé d’informations supplémentaires comme elle l’avait fait à l’égard du demandeur d’exemption dans l’affaire ayant donné lieu à la décision d’exécution 2017/132, il convient de relever que les éléments du dossier ne permettent pas d’établir que la requérante était dans une situation comparable à celle dudit demandeur d’exemption. Dès lors, la seule circonstance selon laquelle la Commission a sollicité des informations supplémentaires de ce dernier dans l’affaire en question n’est aucunement de nature à établir une violation du principe d’égalité de traitement dans la présente affaire. En outre, il convient de constater que, tel que cela ressort du considérant 5 de la décision attaquée, le 6 décembre 2019, la Commission a demandé des informations supplémentaires à la requérante, laquelle a déféré à cette demande par sa réponse du 17 décembre 2019. Dès lors, il ne saurait être considéré que la requérante a été traitée de manière différente par rapport au demandeur d’exemption dans l’affaire ayant abouti à la décision d’exécution 2017/132.

110    Il s’ensuit que la requérante n’est pas parvenue à établir que la Commission avait violé le principe d’égalité de traitement.

111    Partant, il convient de rejeter la seconde branche du troisième moyen.

112    Eu égard aux considérations qui précèdent, le troisième moyen doit être rejeté dans son ensemble.

 Sur le quatrième moyen, tiré d’une définition erronée du marché géographique

113    Ce moyen est subdivisé en deux branches. D’une part, la requérante reproche à la Commission de ne pas avoir défini le marché géographique comme étant celui du territoire de l’Union dans son ensemble. D’autre part, elle considère que la Commission a commis une erreur manifeste d’appréciation en ne tenant pas compte des corridors internationaux dans sa définition du marché géographique.

  Sur la première branche du quatrième moyen, tirée d’une définition erronée du marché géographique en ce qu’elle n’inclut pas le territoire de l’Union dans son ensemble

114    La requérante fait valoir que, dès lors qu’elle exerce son activité principalement dans un environnement international, la Commission aurait dû définir le marché géographique comme étant celui de l’Union dans son ensemble. En outre, elle considère que la Commission n’a pas tenu compte de sa pratique décisionnelle antérieure selon laquelle le marché du transport de fret par chemin de fer devrait être défini comme couvrant le territoire de l’Union dans son ensemble.

115    La Commission conteste les arguments de la requérante.

116    À cet égard, il y a lieu de rappeler que la conclusion de la Commission figurant au considérant 24 de la décision attaquée, selon laquelle le marché géographique correspond au territoire de la Slovénie, s’appuie sur des constatations de l’AVK. En effet, cette dernière a constaté que, bien que la requérante ait accru sa présence en Autriche et en Croatie, l’essentiel de son activité demeurait exercé en Slovénie, où la requérante réalisait 97,5 % de son activité mesurée en tonnes-kilomètres nettes et 98 % de ses recettes brutes provenant des services de transport. En outre, l’AVK a également constaté que, en Slovénie, les entreprises de chemin de fer fournissaient leurs services principalement par l’intermédiaire de sociétés enregistrées dans cet État membre, avec des conducteurs de trains slovènes et des locomotives utilisées sur le territoire slovène, dont le changement était généralement effectué à la frontière. De surcroît, sur le fondement du rapport spécial no 08/2016 de la Cour des comptes, la Commission a constaté que subsistaient des exigences techniques et réglementaires variant fortement d’un État membre à un autre.

117    Il convient de relever, d’emblée, que la circonstance, invoquée par la requérante, selon laquelle une entreprise exerce son activité principalement dans un environnement international ne figure pas parmi les facteurs pertinents pour définir un marché géographique, énumérés à l’annexe I, section 3, de la décision d’exécution 2016/1804, à savoir la nature et les caractéristiques des produits ou des services, l’existence de barrières à l’entrée, les préférences des consommateurs, les différences appréciables de parts de marché ou les écarts de prix substantiels dans des territoires limitrophes et les coûts de transport. Toutefois, il convient d’examiner si les éléments invoqués par la requérante au soutien de cette affirmation sont susceptibles de remettre en cause la définition du marché géographique retenue par la Commission.

118    Tout d’abord, il y a lieu de constater que, bien que la requérante considère que le délai de transport de la marchandise et le prix constituent des facteurs essentiels pour évaluer la substituabilité entre des transporteurs de différents pays européens, elle n’expose que des considérations d’ordre général non étayées par des éléments de preuve. De plus, si la requérante affirme avoir été évincée de plusieurs marchés par d’autres transporteurs internationaux et invoque des procédures d’appel d’offres dans lesquelles elle aurait été en concurrence avec d’autres transporteurs internationaux, elle ne fournit aucune précision ni aucun élément de preuve susceptible d’étayer ces affirmations.

119    Ensuite, la requérante ne conteste pas les motifs fondant la définition du marché géographique. Alors qu’elle affirme que ses services de fret ferroviaire international auraient représenté, en 2017, la quasi-totalité du tonnage de fret transporté, elle reconnaît cependant qu’elle exerce son activité essentiellement sur le territoire de la Slovénie, en raison de l’absence d’interopérabilité des réseaux de chemin de fer. De surcroît, bien qu’elle soutienne que ses opérations sont de nature internationale au motif que la cargaison est reprise à la frontière par le transporteur d’un autre État membre, la requérante, ainsi qu’elle l’a réaffirmé lors de l’audience, reconnaît toutefois la nécessité de procéder à des transbordements ou à des changements de wagons lors du franchissement d’une frontière. Cependant, elle a affirmé que ces circonstances n’étaient pas pertinentes, dès lors que le marché était ouvert et qu’une société pouvait exercer son activité en dehors de la Slovénie.

120    Contrairement à ce que fait valoir la requérante, l’absence d’interopérabilité des réseaux de chemin de fer en raison de la persistance de différences réglementaires et techniques ainsi que de la nécessité pour les opérateurs de procéder, lors du franchissement d’une frontière, à un changement de locomotives, de wagons ou de personnel constituent des barrières à l’entrée. Or, ainsi qu’il ressort notamment de l’annexe I, section 3, de la décision d’exécution 2016/1804, l’existence de barrières à l’entrée est un élément pertinent à prendre en considération aux fins de la définition du marché géographique.

121    Il s’ensuit que les éléments invoqués par la requérante au soutien de son affirmation selon laquelle elle exerce son activité principalement dans un environnement international ne sont pas susceptibles de remettre en cause la conclusion de la Commission selon laquelle le marché géographique correspond au territoire de la Slovénie.

122    Par ailleurs, l’argument selon lequel la Commission se serait écartée de la définition du marché géographique retenue dans la décision d’exécution 2017/132 ainsi que des décisions adoptées dans le cadre du contrôle des concentrations dans le secteur aérien doit également être rejeté. En effet, tel que cela ressort de la jurisprudence citée au point 95 ci-dessus, la requérante n’est pas en droit de remettre en cause les constatations de la Commission au motif qu’elles diffèrent de celles faites antérieurement dans une autre affaire, à supposer même que les marchés en cause dans les deux affaires soient similaires, voire identiques.

123    Par conséquent, la requérante n’a pas établi que la Commission avait commis une erreur manifeste d’appréciation en ne définissant pas le marché géographique comme s’étendant au territoire de l’Union.

124    Partant, la première branche du quatrième moyen doit être rejetée.

 Sur la seconde branche du quatrième moyen, tirée d’une définition erronée du marché géographique en ce qu’il ne prend pas en considération les corridors internationaux

125    La requérante reproche à la Commission d’avoir commis une erreur dans la définition du marché géographique en n’ayant pas tenu compte de la circonstance selon laquelle le territoire de la Slovénie est traversé par les corridors internationaux Baltique-Adriatique (RFC 5) et Méditerranée (RFC 6).

126    La Commission conteste cette argumentation de la requérante.

127    Pour autant que la requérante reproche à la Commission de s’être écartée de sa pratique décisionnelle relative aux corridors internationaux, il y a lieu de considérer qu’une telle argumentation ne saurait prospérer, sur le fondement de la jurisprudence citée au point 95 ci-dessus.

128    Par ailleurs, il convient de considérer que, contrairement à ce que fait valoir la requérante, la circonstance selon laquelle le territoire de la Slovénie est traversé par des corridors internationaux ne saurait, à elle seule, suffire pour étendre le marché géographique à l’ensemble des États membres dont le territoire est traversé par lesdits corridors. Or, la requérante n’a pas étayé son argumentation relative aux corridors internationaux par des éléments de fait et des éléments de preuve probants. En effet, la requérante affirme être présente dans tous les pays traversés par ces corridors, mais ne fournit aucun élément de preuve susceptible d’étayer cette affirmation. De même, pour faire état de l’existence d’une concurrence, la requérante invoque cinq appels d’offres, mais n’indique pas quel corridor était concerné par ces derniers.

129    Force est donc de constater que l’argumentation de la requérante n’est pas susceptible d’établir que la Commission a commis une erreur manifeste d’appréciation en ne tenant pas compte des corridors internationaux dans la définition du marché géographique.

130    Partant, la seconde branche du quatrième moyen doit être rejetée.

131    Eu égard aux considérations qui précèdent, le quatrième moyen doit être rejeté dans son ensemble.

 Sur le cinquième moyen, tiré d’une erreur dans l’évaluation de l’exposition directe à la concurrence

132    Ce moyen se subdivise en deux branches. D’une part, la requérante soutient, en substance, que la Commission a erronément évalué l’exposition directe de son activité à la concurrence au motif qu’elle aurait uniquement tenu compte de ses parts de marché actuelles. D’autre part, la requérante considère que la décision attaquée s’écarte des décisions 2006/422 et 2007/706, par lesquelles des exemptions auraient été accordées en dépit de parts de marché importantes détenues par les opérateurs concernés.

 Sur la prise en considération erronée des seules parts de marché actuelles de la requérante

133    Dans le cadre de la première branche, la requérante reproche à la Commission, d’une part, d’avoir uniquement fondé son évaluation sur le critère des parts de marché et, d’autre part, de ne pas avoir pris en considération l’évolution du marché.

–       Sur l’application du seul critère des parts de marché

134    La requérante reproche à la Commission d’avoir apprécié l’exposition directe de son activité à la concurrence en appliquant uniquement le critère des parts de marché. Or, la requérante considère que ce critère est peu, voire non pertinent et que d’autres critères auraient dû être pris en considération, tels que la structure du marché concerné, la concurrence actuelle ou potentielle des entreprises établies à l’intérieur et à l’extérieur de l’Union et leur puissance financière, les autres possibilités à la disposition des utilisateurs, les obstacles juridiques ou autres à l’entrée ainsi que les tendances de la demande de services correspondants.

135    La Commission conteste l’argumentation de la requérante.

136    Selon le considérant 2 de la directive 2014/25, les dispositions édictées par ladite directive pour coordonner les procédures de passation des marchés passés notamment par des entités opérant dans le secteur des transports sont nécessaires pour mettre en œuvre les principes du traité FUE et notamment la libre circulation des marchandises, la liberté d’établissement et la libre prestation de services ainsi que les principes qui en découlent, comme l’égalité de traitement, la non-discrimination, la reconnaissance mutuelle, la proportionnalité et la transparence. Par conséquent, en tant que dérogation aux règles visant à garantir l’effectivité des droits reconnus par le traité FUE dans le secteur des marchés publics, l’article 34 de la directive 2014/25 doit faire l’objet d’une interprétation stricte, et c’est à celui qui entend s’en prévaloir qu’incombe la charge de la preuve que les circonstances justifiant la dérogation existent effectivement (voir, par analogie, arrêts du 10 avril 2003, Commission/Allemagne, C‑20/01 et C‑28/01, EU:C:2003:220, point 58, et du 27 octobre 2011, Commission/Grèce, C‑601/10, non publié, EU:C:2011:709, point 32).

137    Il y a également lieu de rappeler que l’évaluation de l’exposition directe d’une activité à la concurrence, au sens de l’article 34, paragraphe 1, de la directive 2014/25, dans la mesure où elle implique des appréciations économiques complexes de la part de la Commission, ne saurait faire l’objet que d’un contrôle restreint du juge de l’Union, qui se limite nécessairement à la vérification du respect des règles de procédure et de motivation, de l’exactitude matérielle des faits ainsi que de l’absence d’erreur manifeste d’appréciation et de détournement de pouvoir (voir, par analogie, arrêts du 11 juillet 1985, Remia e.a./Commission, 42/84, EU:C:1985:327, point 34 ; du 17 novembre 1987, British American Tobacco et Reynolds Industries/Commission, 142/84 et 156/84, EU:C:1987:490, point 62 ; du 10 avril 2008, Deutsche Telekom/Commission, T‑271/03, EU:T:2008:101, point 185, et du 27 avril 2016, Österreichische Post/Commission, T‑463/14, EU:T:2016:243, points 167, 171 et 205).

138    En outre, il ressort de l’article 34, paragraphe 2, premier alinéa, de la directive 2014/25 que, pour évaluer si une activité est directement exposée à la concurrence, parmi les critères conformes aux dispositions du traité FUE relatives à la concurrence figure « la présence, réelle ou potentielle, de plus d’un fournisseur des produits ou d’un prestataire des services en question », de sorte que la part de marché que détient une entité adjudicatrice sur un marché sur lequel elle exerce une activité constitue un critère pertinent pour déterminer si ladite activité est directement exposée à la concurrence.

139    C’est à la lumière de ces considérations qu’il convient d’examiner les arguments présentés par la requérante dans le cadre du présent grief.

140    Premièrement, la requérante reproche à la Commission d’avoir uniquement fait application du critère de la part de marché, lequel, dans les circonstances de la présente affaire, ne serait pas un critère pertinent.

141    À cet égard, il ressort du considérant 33 de la décision attaquée que la Commission a considéré que les parts de marché détenues par la requérante constituaient un élément important à prendre en considération aux fins de l’évaluation de l’exposition directe de son activité à la concurrence. Toutefois, dans le cadre de son évaluation, la Commission a également tenu compte d’autres critères pertinents.

142    En effet, la Commission a, tout d’abord, analysé la structure du marché, ainsi qu’il résulte des considérants 27 et 28 de la décision attaquée. Dans ce cadre, elle a constaté que six entreprises disposaient d’une licence pour offrir des services de transport de fret par chemin de fer en Slovénie et que quatre nouvelles entreprises émergeaient sur ce marché. Parmi ces entreprises, seules deux, à savoir Rail Cargo Carrier et Adria Transport, exerçaient une activité suffisante sur ce marché pour être considérées comme des concurrentes actuelles de la requérante. À cet égard, il ressort des données mentionnées dans le tableau figurant au considérant 27 de la décision attaquée que, entre 2014 et 2018, les parts de marchés cumulées de ces deux concurrents étaient largement minoritaires et ont progressé lentement.

143    Par ailleurs, sur la base des constatations effectuées par l’AVK, la Commission a identifié les raisons du caractère limité des parts de marché de ces concurrents et de leur faible croissance sur le marché du transport de fret par chemin de fer. Au considérant 29 de la décision attaquée, elle a relevé que les concurrents actuels exerçaient essentiellement leur activité de transport de marchandises à destination et en provenance du port de Koper, alors que la requérante exerçait son activité sur l’ensemble du territoire slovène. En outre, la Commission a constaté que des ressources limitées, des difficultés liées au recrutement de personnel et l’état de l’infrastructure ferroviaire en Slovénie entravaient le développement de la concurrence sur le marché du transport de fret par chemin de fer en Slovénie.

144    Il s’ensuit que c’est à tort que la requérante fait valoir que la Commission a évalué l’exposition de son activité à la concurrence uniquement en faisant application du critère de la part de marché.

145    En outre, à l’inverse de ce qu’allègue la requérante, il y a lieu de considérer que l’application du critère de la part de marché était pertinente. En effet, dès lors que, douze ans après la libéralisation du marché, la requérante détenait encore un pouvoir de marché important, caractérisé par des parts de marché de 85,21 %, la Commission pouvait, sans commettre d’erreur manifeste d’appréciation, considérer que le critère de la part de marché constituait un élément important pour évaluer l’exposition directe à la concurrence de son activité.

146    Deuxièmement, la requérante fait valoir que le critère de l’absence d’obstacle juridique à l’entrée sur le marché était le principal critère à appliquer pour évaluer l’exposition directe de son activité à la concurrence et que la Commission aurait dû le prendre davantage en considération. Or, il convient de relever qu’il ressort du libellé de l’article 34, paragraphe 1, de la directive 2014/25, lu conjointement avec le paragraphe 3 de cet article, que la condition du libre accès au marché constitue une condition distincte de celle relative à l’exposition directe d’une activité à la concurrence. En effet, le critère de l’absence d’obstacle juridique à l’entrée sur le marché est pertinent pour vérifier si la condition tenant à l’accès non limité au marché est remplie. Il s’ensuit que l’absence d’obstacle juridique à l’entrée sur le marché ne saurait être un élément pertinent pour évaluer l’exposition directe d’une activité à la concurrence.

147    Troisièmement, la requérante soutient que, pour évaluer l’exposition directe de son activité à la concurrence, la Commission aurait également dû recourir à d’autres critères, tels que la concurrence réelle ou potentielle des entreprises établies à l’intérieur et à l’extérieur de l’Union et leur puissance financière, les autres possibilités à la disposition des utilisateurs ou les tendances de la demande des services concernés. Force est cependant de constater que cette allégation n’est pas étayée. En effet, aucun élément du dossier ne met en évidence que la Commission aurait disposé, au cours de la procédure administrative, d’informations pertinentes pour faire application des critères invoqués par la requérante. Or, il convient de rappeler, tel que cela ressort des points 29 et 136 ci-dessus, que, dans le cadre de la procédure prévue à l’article 35 de la directive 2014/25, la charge de la preuve incombait à la requérante. Par conséquent, cette dernière ne saurait reprocher à la Commission de ne pas avoir fait application de tels critères.

148    Partant, le premier grief de la première branche du cinquième moyen doit être rejeté.

–       Sur l’absence de prise en considération de l’évolution du marché

149    La requérante fait valoir que, pour apprécier l’exposition directe de son activité à la concurrence, la Commission aurait dû analyser l’existence d’une concurrence potentielle. Selon la requérante, si elle avait procédé ainsi, la Commission aurait constaté une diminution future de ses parts de marché, qu’elle n’a, à tort, pas prise en considération. La requérante reproche également à la Commission ne pas avoir pris en considération les effets de l’arrivée sur le marché de nouveaux fournisseurs de services de transport de fret ferroviaire sur le territoire de la Slovénie.

150    La Commission conteste cette argumentation de la requérante.

151    En premier lieu, s’agissant de l’absence de prise en considération de la diminution future des parts de marché de la requérante, au considérant 37 de la décision attaquée, après avoir rappelé la position de l’AVK et l’argument de la requérante selon lequel ladite diminution aurait dû constituer un élément supplémentaire pour évaluer la compétitivité du marché, la Commission a indiqué que son évaluation devait se fonder sur la situation actuelle du marché, et non sur les prévisions concernant l’évolution du marché au cours des années à venir. Par conséquent, contrairement à la position adoptée par l’AVK, reprise par la requérante, la Commission a conclu que la condition d’exposition directe à la concurrence du marché de transport de fret par chemin de fer n’était pas remplie.

152    Il convient de relever que, ainsi que l’a justement fait valoir la Commission dans sa réponse écrite à une question posée par le Tribunal dans le cadre de mesures d’organisation de la procédure, la position motivée de l’AVK contient une analyse approfondie et circonstanciée du marché en ce qui concerne la délimitation du marché de produits et du marché géographique ainsi que des circonstances particulières du marché entravant le développement de la concurrence. Toutefois, la constatation de l’AVK relative à la diminution future des parts de marché de la requérante ne repose que sur des considérations d’ordre général et non étayées par des prévisions précises et fiables de l’évolution du marché. En particulier, la position motivée de l’AVK ne contient pas d’analyse prospective reposant sur des éléments de preuve fiables de l’évolution prévisible des parts de marché de la requérante, en ce qui concerne tant l’ampleur de leur diminution que la période qui s’écoulerait entre l’entrée sur le marché d’un nouvel opérateur et la diminution effective des parts de marché de la requérante.

153    Il s’ensuit que, nonobstant le fait que, dans la décision attaquée, la Commission n’a pas exposé en détail les raisons pour lesquelles elle n’a pas pris en considération les constatations de l’AVK concernant la diminution future des parts de marché de la requérante, elle pouvait, sans commettre d’erreur manifeste d’appréciation, considérer qu’il n’y avait pas lieu de prendre en considération une supposée diminution future des parts de marché de la requérante pour évaluer l’exposition directe de son activité à la concurrence.

154    En second lieu, en ce qui concerne l’argument selon lequel la Commission n’aurait pas pris en considération les effets de l’arrivée de nouveaux concurrents sur le marché, il convient de rappeler que, dans son analyse de la structure du marché, elle a pris en considération l’impact de concurrents potentiels. En effet, aux considérants 27 et 28 de la décision attaquée, il est fait état des entreprises disposant d’une licence pour le transport de fret par chemin de fer en Slovénie, mais qui n’étaient pas encore actives sur ce marché, ainsi que de nouvelles entreprises émergentes. En outre, il a été constaté, au considérant 29 de la décision attaquée, que des circonstances particulières sur le marché concerné entravaient le développement des concurrents.

155    Par ailleurs, force est de constater que ni la position motivée de l’AVK ni le dossier ne contiennent d’éléments suffisamment étayés susceptibles de faire état d’une diminution significative des parts de marché de la requérante à court et à moyen terme en raison de l’arrivée sur le marché de nouveaux opérateurs. Or, il convient de rappeler, tel que cela ressort des points 29 et 136 ci-dessus, que, dans le cadre de la procédure prévue à l’article 35 de la directive 2014/25, la charge de la preuve incombait à la requérante. Par conséquent, cette dernière ne saurait valablement reprocher à la Commission de ne pas avoir pris en considération les effets sur le marché de l’arrivée de nouveaux concurrents.

156    Partant, le second grief de la première branche du cinquième moyen doit être rejeté.

 Sur le défaut de prise en considération du niveau des parts de marché dans des affaires antérieures

157    La requérante fait valoir que la Commission a commis une erreur manifeste d’appréciation, dans la mesure où elle n’aurait pas pris en considération les décisions 2006/422 et 2007/706, dans lesquelles des exemptions de l’application de la directive 2004/17 avaient été accordées en dépit de parts de marché élevées.

158    La Commission conteste cette argumentation de la requérante.

159    À cet égard, il convient de rappeler que, tel que cela ressort de la jurisprudence citée au point 95 ci-dessus, la requérante n’est pas en droit de remettre en cause les constatations de la Commission au motif qu’elles diffèrent de celles faites antérieurement dans une autre affaire, à supposer même que les marchés en cause dans les deux affaires soient similaires, voire identiques. Dès lors, son argumentation tirée d’une méconnaissance des décisions 2006/422 et 2007/706 ne saurait prospérer.

160    En tout état de cause, la situation de la requérante dans le cas d’espèce n’est pas comparable aux situations concernées par les décisions 2006/422 et 2007/706. En particulier, outre le fait que lesdites décisions concernaient un secteur économique différent, à savoir celui de la fourniture d’énergie, il y a lieu de relever que les parts de marché élevées dont la requérante cherche à se prévaloir étaient non pas celles d’une seule entreprise, mais celles, cumulées, des principales entreprises actives sur le marché concerné.

161    Partant, la seconde branche du cinquième moyen doit être rejetée.

162    Il ressort des considération exposées ci-dessus que le cinquième moyen doit être intégralement rejeté.

163    Eu égard à l’ensemble des considérations qui précèdent, il convient de rejeter le recours dans son ensemble.

 Sur les dépens

164    Aux termes de l’article 134, paragraphe 1, du règlement de procédure, toute partie qui succombe est condamnée aux dépens, s’il est conclu en ce sens. La requérante ayant succombé, il convient de la condamner à supporter ses propres dépens ainsi que ceux de la Commission, conformément aux conclusions de cette dernière.

Par ces motifs,

LE TRIBUNAL (cinquième chambre)

déclare et arrête :

1)      Le recours est rejeté.

2)      SŽ – Tovorni promet d.o.o. est condamnée à supporter ses propres dépens ainsi que ceux exposés par la Commission européenne.

Spielmann

Mastroianni

Gâlea

Ainsi prononcé en audience publique à Luxembourg, le 14 septembre 2022.

Signatures


*      Langue de procédure : le slovène.