Language of document : ECLI:EU:T:2022:561

DOCUMENT DE TRAVAIL

ARRÊT DU TRIBUNAL (neuvième chambre)

14 septembre 2022 (*)

« Marque de l’Union européenne – Procédure d’opposition – Demande de marque de l’Union européenne figurative ITINERANT – Marque de l’Union européenne figurative antérieure représentant un canard chantant dans un cercle – Motif relatif de refus – Article 8, paragraphe 5, du règlement (UE) 2017/1001 – Similitude – Renommée – Lien – Profit indu – Absence de juste motif – Article 95, paragraphe 2, du règlement 2017/1001 – Article 27, paragraphe 4, du règlement délégué (UE) 2018/625 – Document produit pour la première fois devant la chambre de recours – Irrecevabilité »

Dans l’affaire T‑417/21,

Itinerant Show Room Srl, établie à San Giorgio in Bosco (Italie), représentée par Me E. Montelione, avocat,

partie requérante,

contre

Office de l’Union européenne pour la propriété intellectuelle (EUIPO), représenté par M. J. Crespo Carrillo, en qualité d’agent,

partie défenderesse,

l’autre partie à la procédure devant la chambre de recours de l’EUIPO, intervenant devant le Tribunal, étant

Save the Duck SpA, établie à Milan (Italie), représentée par Me M. De Vietro, avocate,

LE TRIBUNAL (neuvième chambre),

composé de Mmes M. J. Costeira (rapporteure), présidente, M. Kancheva et M. P. Zilgalvis, juges,

greffier : M. E. Coulon,

vu la phase écrite de la procédure,

vu l’absence de demande de fixation d’une audience présentée par les parties dans le délai de trois semaines à compter de la signification de la clôture de la phase écrite de la procédure et ayant décidé, en application de l’article 106, paragraphe 3, du règlement de procédure du Tribunal, de statuer sans phase orale de la procédure,

rend le présent

Arrêt

1        Par son recours fondé sur l’article 263 TFUE, la requérante, Itinerant Show Room Srl, demande l’annulation de la décision de la cinquième chambre de recours de l’Office de l’Union européenne pour la propriété intellectuelle (EUIPO) du 12 mai 2021 (affaire R 1017/2020-5) concernant une procédure d’opposition entre l’intervenante, Save the Duck SpA, et la requérante (ci-après la « décision attaquée »).

 Antécédents du litige

2        Le 23 août 2018, la requérante a présenté une demande d’enregistrement de marque de l’Union européenne à l’EUIPO en vertu du règlement (UE) 2017/1001 du Parlement européen et du Conseil, du 14 juin 2017, sur la marque de l’Union européenne (JO 2017, L 154, p. 1).

3        La marque dont l’enregistrement a été demandé est le signe figuratif suivant :

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4        Les produits pour lesquels l’enregistrement a été demandé relèvent des classes 18 et 25 au sens de l’arrangement de Nice concernant la classification internationale des produits et des services aux fins de l’enregistrement des marques, du 15 juin 1957, tel que révisé et modifié, et correspondent, pour chacune de ces classes, à la description suivante :

–        classe 18 : « Cuir brut ou mi-ouvré ; fourrures [peaux d’animaux] ; peaux d’animaux de boucherie ; peaux d’animaux ; malles et valises ; parapluies et parasols ; cannes ; fouets ; articles de sellerie ; portefeuilles ; petits sacs ; porte-cartes de crédit [portefeuilles] ; sacs de tous les jours ; coffrets destinés à contenir des articles de toilette dits “vanity cases” ; colliers pour animaux ; habits pour animaux de compagnie » ;

–        classe 25 : « Vêtements, chapellerie ; vestes ; coupe-vent ; parkas ; vestes chemises ; vestes, manteaux, pantalons et gilets pour hommes et femmes ; vestes réfléchissantes ; vestes à manches ; manteaux de costume ; vestes de bûcheron ; vestes de chasse ; liseuses (vêtements) ; vestes d’équitation ; blousons de moto ; vestes de pêche ; vestes pour safaris ; smokings [vestons de cérémonie] ; vestes de smoking ; jaquettes ; grosses vestes courtes, à boutons et en laine ; vestes à fermeture à glissière ; manteaux en peau de mouton ; vestes en cuir ; anoraks de snowboard ; vestes de ski ; manteaux courts ; fourrures (vêtements) ; gants (habillement) ; chemises ; pantalons ; ceintures (habillement) ; foulards ; cravates ; bonneterie ; chaussettes ; chaussons ; chaussures de plage ; vêtements pour le ski ; combinaisons pour ski nautique ; après-skis ; chaussettes de sport ; chaussures de training ; chaussettes de sport ; sous-vêtements ; chaussures ; vêtements de gymnastique ; chaussures pour hommes ; caoutchoucs (chaussures) ; bottines ; baskets ; bottes ».

5        La demande de marque a été publiée au Bulletin des marques de l’Union européenne le 2 octobre 2018.

6        Le 22 décembre 2018, l’intervenante a formé opposition, au titre de l’article 46 du règlement 2017/1001, à l’enregistrement de la marque demandée pour l’ensemble des produits visés au point 4 ci-dessus.

7        L’opposition était notamment fondée sur la marque de l’Union européenne figurative reproduite ci-après, enregistrée le 6 juillet 2016 sous le numéro 15154164 pour les produits relevant des classes 18 et 25, et correspondant, pour chacune de ces classes, à la description suivante :

–        classe 18 : « Peaux et autres cuirs travaillés ou semi-travaillés ; mallettes ; malles ; housses à vêtements de voyage ; sacs de tous les jours ; bagages de voyage ; sacs à dos ; sacs à dos de promenade ; coffrets destinés à contenir des articles de toilette dits ʽvanity casesʼ; parapluies et parasols ; parapluies-cannes ; fouets ; articles de sellerie » ;

–        classe 25 : « Vêtements pour hommes ; vêtements pour dames ; vêtements pour garçons ; vêtements pour filles ; vêtements pour enfants ; sous-vêtements ; chaussures ; chapeaux ».

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8        Les motifs invoqués à l’appui de l’opposition étaient ceux visés à l’article 8, paragraphe 1, sous b), et paragraphe 5, du règlement 2017/1001.

9        Par décision du 23 mars 2020, la division d’opposition a rejeté l’opposition dans son intégralité. En particulier, au regard de la marque antérieure mentionnée au point 7 ci-dessus, la division d’opposition a considéré que les similitudes entre les signes en conflit n’étaient pas suffisantes aux fins de l’application de l’article 8, paragraphe 5, du règlement 2017/1001. Elle a considéré subséquemment que si ces similitudes étaient insuffisantes aux fins de l’application de l’article 8, paragraphe 5, elles le seraient a fortiori aux fins de l’application de l’article 8, paragraphe 1, sous b), du règlement 2017/1001.

10      Le 22 mai 2020, l’intervenante a formé un recours contre cette décision de la division d’opposition, au titre des articles 66 à 71 du règlement 2017/1001.

11      Par la décision attaquée, la cinquième chambre de recours de l’EUIPO a accueilli le recours de l’intervenante, annulé la décision de la division d’opposition et rejeté la demande d’enregistrement. La chambre de recours a estimé que l’opposition devait être accueillie sur le fondement de l’article 8, paragraphe 5, du règlement 2017/1001 au motif que la marque demandée tirerait indûment profit de la renommée en Italie de la marque antérieure pour les « doudounes ».

 Conclusions des parties

12      La requérante conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        annuler la décision attaquée ;

–        enjoindre à l’EUIPO d’autoriser l’enregistrement de la marque demandée ;

–        condamner l’EUIPO aux dépens.

13      L’EUIPO et l’intervenante concluent, en substance, à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        rejeter le recours ;

–        condamner la requérante aux dépens.

 En droit

14      À l’appui du recours, la requérante invoque, en substance, trois moyens tirés, le premier, de la recevabilité des preuves présentées pour la première fois devant la chambre de recours, le deuxième, de la violation de l’article 8, paragraphe 5, du règlement 2017/1001 et, le troisième, de la violation de l’article 8, paragraphe 1, sous b), du règlement 2017/1001.

 Sur le premier moyen, tiré de la recevabilité des preuves présentées pour la première fois devant la chambre de recours

15      La requérante soutient que les documents qu’elle a produits devant la chambre de recours ont été à tort déclarés irrecevables. À cet égard, elle fait valoir, premièrement, que le document 28 était nécessaire à la validité du recours, deuxièmement, les documents 1 à 19 complétaient et clarifiaient des faits notoires concernant l’usage ample et très répandu sur le marché de la figure de l’oison et, troisièmement, les documents 20 à 27.2 étayaient le caractère trompeur du message véhiculé par la marque antérieure, qui suscite des attentes en matière de respect de l’environnement qu’un produit entièrement en plastique ne peut pas satisfaire.

16      L’EUIPO et l’intervenante contestent les arguments de la requérante.

17      Conformément à l’article 95, paragraphe 2, du règlement 2017/1001, l’EUIPO peut ne pas tenir compte des preuves que les parties n’ont pas produites en temps utile.

18      Selon la jurisprudence, en précisant que l’EUIPO « peut », en pareil cas, décider de ne pas tenir compte des preuves qui n’ont pas été produites en temps utile, l’article 95, paragraphe 2, du règlement 2017/1001 l’investit d’un large pouvoir d’appréciation à l’effet de décider, tout en motivant sa décision sur ce point, s’il y a lieu ou non de prendre celles-ci en compte [voir arrêt du 2 juin 2021, Franz Schröder/EUIPO – RDS Design (MONTANA), T‑854/19, EU:T:2021:309, point 25 et jurisprudence citée].

19      L’exercice de ce pouvoir d’appréciation de l’EUIPO est, toutefois, encadré par l’article 27, paragraphe 4, du règlement délégué (UE) 2018/625 de la Commission, du 5 mars 2018, complétant le règlement 2017/1001 et abrogeant le règlement délégué (UE) 2017/1430 (JO 2018, L 104, p. 1).

20      En effet, selon cet article, la chambre de recours peut accepter des preuves produites pour la première fois devant elle uniquement si ces preuves satisfont à deux conditions. Premièrement, si elles semblent, à première vue, pertinentes pour l’issue de l’affaire. Deuxièmement, si elles n’ont pas été présentées en temps utile pour des raisons valables, en particulier lorsqu’elles viennent uniquement compléter des faits et preuves pertinents qui avaient déjà été soumis en temps utile, ou sont déposées pour contester les conclusions tirées ou examinées d’office par la première instance dans la décision objet du recours.

21      Il convient de préciser, en ce qui concerne cette dernière condition, que selon la jurisprudence, une preuve complémentaire est celle qui se caractérise par un lien avec d’autres preuves déjà présentées au préalable dans le délai imparti et qui vient s’ajouter à ces dernières preuves [voir arrêt du 9 septembre 2020, Kludi/EUIPO – Adlon Brand (ADLON), T‑144/19, non publié, EU:T:2020:404, point 56 et jurisprudence citée].

22      En l’espèce, s’agissant, d’une part, des documents 1 à 19, qui visent à démontrer le faible caractère distinctif de l’image de l’oison, et des documents 20 à 27.2, qui visent à démontrer le caractère trompeur du message véhiculé par la marque antérieure, la chambre de recours a, tout d’abord, constaté que la requérante n’avait pas produit de preuve à cet égard devant la division d’opposition, si bien qu’ils ne sauraient être considérés comme complémentaires ou destinés à renforcer ou à clarifier le contenu de preuves initiales inexistantes.

23      Ensuite, la chambre de recours a relevé que ces documents auraient pu être présentés au moment de la procédure devant la division d’opposition, étant donné que les documents 1 à 19 et 23 à 26 étaient facilement accessibles sur Internet à cette date et que les documents 20, 22, 27, 27.1 et 27.2 étaient déjà en possession de la requérante à cette même date.

24      Enfin, en ce qui concerne plus particulièrement les documents 20 à 27.2, la chambre de recours a indiqué douter sérieusement de leur pertinence pour l’issue de la procédure.

25      S’agissant, d’autre part, du document 28, consistant en un extrait du registre de la chambre de commerce de Padoue, la chambre de recours a considéré que ce document aurait pu être présenté au moment de la procédure devant la division d’opposition, étant donné qu’il était facilement accessible à cette date pour la requérante. En outre, la chambre de recours a indiqué douter sérieusement de sa pertinence pour l’issue de la procédure.

26      Eu égard à ce qui précède, la chambre de recours a conclu à l’irrecevabilité de ces documents.

27      À cet égard, s’agissant, d’une part, des documents 1 à 27.2, il convient de relever, à l’instar de l’EUIPO, que, dans ses observations en réponse à l’opposition formée par l’intervenante, la requérante n’a fait valoir, au soutien de ses conclusions, ni le faible caractère distinctif de l’image de l’oison ni le caractère trompeur du message véhiculé par la marque antérieure. Elle n’a pas non plus présenté d’éléments de preuve en ce sens.

28      Dans ces circonstances, et compte tenu des considérations rappelées notamment aux points 20 et 21 ci-dessus, les documents 1 à 27.2 ne sauraient être considérés, contrairement à ce que soutient la requérante, comme des preuves complémentaires ou comme des preuves destinées à renforcer ou à clarifier le contenu d’arguments ou preuves initialement soumis en temps utile.

29      Il convient également de constater que la requérante ne conteste pas l’allégation de la chambre de recours selon laquelle ces documents auraient déjà pu être produits au moment de la procédure devant la division d’opposition. Par ailleurs, la requérante n’a argué d’aucune raison pour justifier cette production tardive. En outre, ces documents ne visaient pas à répondre à une appréciation de la division d’opposition.

30      S’agissant, d’autre part, du document 28, il doit être relevé, à l’instar de la chambre de recours et de l’EUIPO, que ce document, consistant en un extrait du registre de la chambre de commerce de Padoue de la requérante, ne semble, à première vue, revêtir aucune pertinence pour la solution du litige tenant à une procédure d’opposition. En tout état de cause, contrairement à ce que soutient la requérante, ce document n’était pas nécessaire pour satisfaire aux conditions de validité du recours devant la chambre de recours. Il ne figure pas parmi la liste des renseignements requis par l’article 21 du règlement délégué 2018/625.

31      Par suite, eu égard à l’ensemble de ce qui précède, la chambre de recours a estimé, à bon droit, que les conditions énoncées à l’article 27, paragraphe 4, du règlement délégué 2018/625 n’étaient pas remplies en l’espèce, de sorte que ces documents produits pour la première fois devant elle n’étaient pas recevables.

32      Le présent moyen doit donc être écarté comme non fondé.

 Sur le deuxième moyen, tiré de la violation de l’article 8, paragraphe 5, du règlement 2017/1001

33      La requérante conteste, en substance, les conclusions de la chambre de recours tenant à la comparaison des signes en conflit, à la renommée de la marque antérieure, à l’existence d’un lien entre ces signes et d’un profit indu.

34      L’EUIPO et l’intervenante contestent les arguments de la requérante.

35      Aux termes de l’article 8, paragraphe 5, du règlement 2017/1001, sur opposition du titulaire d’une marque antérieure enregistrée au sens du paragraphe 2, la marque demandée est refusée à l’enregistrement si elle est identique ou similaire à une marque antérieure, indépendamment du fait que les produits ou services pour lesquels elle est demandée sont identiques, similaires ou non similaires à ceux pour lesquels la marque antérieure est enregistrée, lorsque cette marque antérieure est une marque de l’Union européenne qui jouit d’une renommée dans l’Union européenne ou une marque nationale qui jouit d’une renommée dans l’État membre concerné, et que l’usage sans juste motif de la marque demandée tirerait indûment profit du caractère distinctif ou de la renommée de cette marque antérieure ou leur porterait préjudice.

36      La protection élargie accordée à la marque antérieure par l’article 8, paragraphe 5, du règlement 2017/1001 présuppose donc la réunion de plusieurs conditions. Premièrement, la marque antérieure prétendument renommée doit être enregistrée. Deuxièmement, cette dernière et celle dont l’enregistrement est demandé doivent être identiques ou similaires. Troisièmement, elle doit jouir d’une renommée dans l’Union, dans le cas d’une marque de l’Union européenne antérieure, ou dans l’État membre concerné, dans le cas d’une marque nationale antérieure. Quatrièmement, l’usage sans juste motif de la marque demandée doit conduire au risque qu’un profit puisse être indûment tiré du caractère distinctif ou de la renommée de la marque antérieure ou qu’un préjudice puisse être porté au caractère distinctif ou à la renommée de la marque antérieure. Ces conditions étant cumulatives, l’absence de l’une d’entre elles suffit à rendre inapplicable ladite disposition [voir arrêt du 31 mai 2017, Alma-The Soul of Italian Wine/EUIPO – Miguel Torres (SOTTO IL SOLE ITALIANO SOTTO il SOLE), T‑637/15, EU:T:2017:371, point 29 et jurisprudence citée].

37      S’agissant, plus particulièrement, de la quatrième des conditions d’application de l’article 8, paragraphe 5, du règlement 2017/1001, celle-ci vise trois types de risques distincts et alternatifs, à savoir que l’usage sans juste motif de la marque demandée, premièrement, porte préjudice au caractère distinctif de la marque antérieure, deuxièmement, porte préjudice à la renommée de la marque antérieure ou, troisièmement, tire indûment profit du caractère distinctif ou de la renommée de la marque antérieure. Le premier type de risque visé par cette disposition est caractérisé lorsque la marque antérieure n’est plus en mesure de susciter une association immédiate avec les produits pour lesquels elle est enregistrée et employée. Il vise la dilution de la marque antérieure à travers la dispersion de son identité et de son emprise sur l’esprit du public. Le deuxième type de risque visé est constitué lorsque les produits ou les services visés par la marque demandée peuvent être perçus par le public d’une manière telle que la force d’attraction de la marque antérieure s’en trouve diminuée. Le troisième type de risque visé est celui que l’image de la marque renommée ou les caractéristiques projetées par cette dernière soient transférées aux produits désignés par la marque demandée, de sorte que leur commercialisation puisse être facilitée par cette association avec la marque antérieure renommée. Il convient cependant de souligner que, dans aucun de ces cas, l’existence d’un risque de confusion entre les marques en conflit n’est requise, le public pertinent devant seulement pouvoir établir un lien entre elles sans toutefois devoir forcément les confondre [voir arrêt du 22 mars 2007, Sigla/OHMI – Elleni Holding (VIPS), T‑215/03, EU:T:2007:93, points 36 à 42 et jurisprudence citée].

 Sur le public pertinent

38      La chambre de recours a considéré, au point 23 de la décision attaquée, que le public pertinent était constitué, au regard des produits en cause, du grand public de l’Union doté d’un niveau d’attention moyen.

39      Elle a, toutefois, précisé, aux points 20 à 22 de la décision attaquée, que, étant donné que la requérante et l’intervenante étaient italiennes et opéraient, entre autres, sur le marché italien, l’opposition sera appréciée à la lumière du grand public italien.

40      Ces appréciations, qui ne sont pas au demeurant contestées par la requérante, doivent être approuvées.

 Sur la comparaison des signes en conflit

41      Selon la jurisprudence, deux marques sont similaires lorsque, du point de vue du public pertinent, il existe entre elles une égalité au moins partielle en ce qui concerne un ou plusieurs aspects pertinents [voir, en ce sens, arrêt du 23 mars 2017, Vignerons de la Méditerranée/EUIPO – Bodegas Grupo Yllera (LE VAL FRANCE), T‑216/16, non publié, EU:T:2017:201, point 23 et jurisprudence citée].

42      Les marques à comparer se présentent comme suit :

–        la marque demandée, reproduite ci-après, est une marque complexe, composée d’un élément verbal, « itinerant », et d’un élément figuratif représentant un canard :

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–        la marque antérieure, reproduite ci-après, est une marque purement figurative représentant un canard dans un cercle de couleur orange orné d’un liseré noir :

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–       Sur l’élément dominant et distinctif de la marque demandée

43      La requérante reproche, en substance, à la chambre de recours d’avoir considéré que l’élément dominant de la marque demandée était l’élément figuratif plutôt que l’élément verbal. La requérante fait valoir, à cet égard, que, d’une part, l’image de l’oison est faiblement distinctive, eu égard à sa fréquence élevée sur le marché dans de très nombreuses catégories de produits, si bien que le public pertinent ne le percevra que comme un élément décoratif. D’autre part, l’élément verbal « itinerant », qui reproduirait le « cœur » de sa dénomination sociale et qui apparaitrait sur toutes les pièces de la procédure, serait hautement distinctif.

44      L’EUIPO et l’intervenante contestent les arguments de la requérante.

45      À titre liminaire, d’une part, il convient de rappeler que l’appréciation de la similitude entre deux marques ne peut se limiter à prendre en considération uniquement un composant d’une marque complexe et à le comparer avec une autre marque. Il y a lieu, au contraire, d’opérer la comparaison en examinant les marques en cause, considérées chacune dans son ensemble, ce qui n’exclut pas que l’impression d’ensemble produite dans la mémoire du public pertinent par une marque complexe puisse, dans certaines circonstances, être dominée par un ou plusieurs de ses composants. Ce n’est que si tous les autres composants de la marque sont négligeables que l’appréciation de la similitude pourra se faire sur la seule base de l’élément dominant. Tel pourrait notamment être le cas lorsque ce composant est susceptible de dominer à lui seul l’image de cette marque que le public pertinent garde en mémoire, de telle sorte que tous les autres composants de la marque sont négligeables dans l’impression d’ensemble produite par celle-ci [voir, en ce sens, arrêt du 19 septembre 2018, Eddy’s Snack Company/EUIPO – Chocoladefabriken Lindt & Sprüngli (Eddy’s Snackcompany), T‑652/17, non publié, EU:T:2018:564, point 39 et jurisprudence citée].

46      Il convient également de rappeler qu’il ressort de la jurisprudence que, lorsqu’un signe consiste à la fois en des éléments figuratifs et en des éléments verbaux, il ne s’ensuit pas automatiquement que c’est l’élément verbal qui doit toujours être considéré comme dominant [voir, en ce sens, arrêt du 24 novembre 2005, Simonds Farsons Cisk/OHMI – Spa Monopole (KINJI by SPA), T‑3/04, EU:T:2005:418, point 45].

47      D’autre part, il convient de relever que la requérante ne conteste pas la conclusion de la chambre de recours selon laquelle la représentation d’un canard est l’élément dominant de la marque antérieure.

48      En l’espèce, la chambre de recours a considéré, en substance, au point 59 de la décision attaquée, que l’élément dominant de la marque demandée était l’élément figuratif représentant un canard. Elle a, par ailleurs, précisé que l’élément verbal « itinerant » n’était pas de nature à détourner l’attention du public de cet élément figuratif dominant.

49      À cet égard, premièrement, l’élément figuratif dans la marque demandée, en raison de sa représentation, de sa taille, de sa position dans le signe et de sa couleur, est visuellement prédominant. Tout d’abord, il est visuellement frappant, en raison de l’expression renfrognée du canard, de sa silhouette dynamique et de sa stylisation de couleurs noire et orange. Ensuite, il est placé au-dessus de l’élément verbal « itinerant », dans une position centrale, et occupe la surface la plus importante du signe. Enfin, il est distinctif, puisqu’un canard n’a aucun rapport avec les produits en cause ou de signification concrète au regard de ceux-ci.

50      Deuxièmement, l’élément verbal « itinerant », en raison de sa taille, de sa position dans le signe et de sa stylisation simple et ordinaire, n’est pas de nature à concurrencer, voire à supplanter, l’élément figuratif, comme le soutient la requérante. S’il est vrai que ce terme n’a également aucun rapport avec les produits en cause, il n’est toutefois pas visuellement prédominant. Il est, en effet, placé en dessous de l’élément figuratif et occupe, comparativement à ce dernier, peu de surface du signe. Il n’est pas non plus visuellement frappant. Il est, en effet, écrit dans une police de caractères standard et ne présente aucun effet de stylisation.

51      Dans ces circonstances, c’est à juste titre que la chambre de recours a considéré que l’élément figuratif était l’élément dominant de la marque demandée et que l’élément verbal n’était pas de nature à détourner l’attention du public de celui-ci.

52      Cette conclusion n’est pas remise en cause par l’allégation de la requérante selon laquelle l’image du canard aurait un caractère distinctif faible, en raison de son utilisation fréquente en tant qu’élément d’autres marques.

53      En effet, outre le fait de n’être étayée par aucun élément de preuve, cette allégation est dénuée de pertinence en l’espèce, étant donné que, lors de l’appréciation du caractère dominant d’un ou de plusieurs composants déterminés d’une marque complexe, il convient de prendre en compte, notamment, les qualités intrinsèques de chacun de ces composants en les comparant à celles des autres composants [voir arrêt du 23 novembre 2010, Codorniu Napa/OHMI – Bodegas Ontañon (ARTESA NAPA VALLEY), T‑35/08, EU:T:2010:476, point 35 et jurisprudence citée].

54      Pour les mêmes raisons, il convient d’écarter l’argument de la requérante tiré de ce que l’élément verbal reprendrait le « cœur » de sa dénomination sociale, lui conférant ainsi un caractère hautement distinctif.

–       Sur la similitude visuelle des signes en conflit

55      La requérante soutient, en substance, que les signes en conflit ne sont pas visuellement similaires, compte tenu des nombreuses différences caractérisant les éléments figuratifs, et reproche à la chambre de recours d’avoir fondé son appréciation de la similitude des signes sur l’arrêt du 15 juillet 2020, Itinerant Show Room/EUIPO – Save the Duck (FAKE DUCK) (T‑371/19, non publié, EU:T:2020:339), étant donné que les marques en cause dans cette affaire seraient sensiblement différentes.

56      L’EUIPO et l’intervenante contestent les arguments de la requérante.

57      La chambre de recours, se fondant sur le point 38 de l’arrêt du 15 juillet 2020, FAKE DUCK (T‑371/19, non publié, EU:T:2020:339), a considéré, aux points 59 et 60 de la décision attaquée, que, d’une part, les signes en conflit coïncidaient sur le plan visuel par leur élément dominant commun représentant un canard et, d’autre part, les différences concernant l’orientation du canard, son humeur et la couleur de ses pattes n’avaient pas une influence décisive sur l’impression globale de similitude entre les signes. Elle a encore considéré que l’élément verbal « itinerant » de la marque demandée n’avait pas un impact visuel de nature à détourner l’attention du public de l’élément dominant. La chambre de recours a ainsi conclu que les signes en conflit étaient moyennement similaires sur le plan visuel.

58      À cet égard, il convient de relever d’emblée que, contrairement à ce que soutient la requérante, les éléments figuratifs des signes en conflit examinés dans l’arrêt du 15 juillet 2020, FAKE DUCK (T‑371/19, non publié, EU:T:2020:339), sont quasi identiques aux éléments figuratifs examinés dans la présente affaire.

59      En effet, les marques à comparer dans l’arrêt du 15 juillet 2020, FAKE DUCK (T‑371/19, non publié, EU:T:2020:339), se présentaient comme suit :

–        la marque demandée, reproduite ci-après, était une marque complexe, composée d’un élément verbal, « fake duck », et d’un élément figuratif représentant un oison de couleur noire :

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–        la marque antérieure, reproduite ci-après, était une marque complexe, composée d’un élément verbal, « save the duck », et d’un élément figuratif représentant un carré gris intégrant un cercle de couleur blanche orné d’un liseré noir à l’intérieur duquel est représenté un oison de couleur noire :

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60      Il s’ensuit que ces éléments figuratifs, également considérés comme dominants, sont quasi identiques aux éléments dominants de la présente espèce, comme reproduits au point 42 ci-dessus. Ainsi, c’est à juste titre que la chambre de recours s’est fondée pour la présente affaire sur les considérations exposées par le Tribunal dans l’arrêt du 15 juillet 2020, FAKE DUCK (T‑371/19, non publié, EU:T:2020:339), concernant la similitude visuelle des signes en conflit.

61      Dans ces conditions, dans la mesure où l’argumentation de la requérante repose sur la prémisse erronée selon laquelle la chambre de recours ne pouvait pas fonder son appréciation de la similitude des signes en conflit sur l’arrêt du 15 juillet 2020, FAKE DUCK (T‑371/19, non publié, EU:T:2020:339), l’argumentation de la requérante doit être écartée.

62      Par ailleurs, il convient d’observer, en l’espèce, que les signes en conflit ont en commun un élément figuratif dominant représentant un canard. Ce canard est présenté dans la marque demandée de profil et dans la marque antérieure de profil et à l’intérieur d’une forme géométrique : ronde au fond orange, cerclé de noir. Dans la marque antérieure, le canard est tourné vers la droite, alors que, dans la marque demandée, il est tourné vers la gauche. Dans la marque demandée, le canard est de couleur noire, à l’exception, de son bec et de ses pattes qui sont de couleur orange et de son œil qui est de couleur blanche. Dans la marque antérieure, le canard est de couleur noire, à l’exception, des trois gouttes représentées sur sa tête qui sont de couleur orange. Dans la marque demandée, le canard est représenté le bec fermé, les ailes ouvertes et avec une expression renfrognée. Dans la marque antérieure, le canard est représenté les ailes fermées et le bec ouvert, duquel sortent des notes de musique.

63      Par suite, s’il est vrai que les signes en conflit présentent des différences, toutefois, ces dernières, qui concernent, pour l’élément figuratif, l’orientation du canard, son expression, la forme géométrique dans laquelle il est inséré, les couleurs de son bec, de ses pattes et de son œil, ne permettent pas d’aboutir à la conclusion, comme le soutient la requérante, que les signes sont différents. Ces différences sont, en effet, difficilement perceptibles, si bien qu’elles sont négligeables (voir, par analogie, arrêt du 15 juillet 2020, FAKE DUCK, T‑371/19, non publié, EU:T:2020:339, point 38). Par ailleurs, l’élément verbal de la marque demandée, dont est certes dépourvue la marque antérieure, en raison de sa taille, de sa position dans le signe et de sa stylisation simple et ordinaire, n’est pas de nature à différencier les signes. Il y a lieu, au contraire, de considérer, à l’instar de la chambre de recours, que les signes en conflit sont similaires à un degré moyen, compte tenu de la représentation commune du canard, de profil et dans une taille similaire.

64      C’est donc sans commettre d’erreur d’appréciation que la chambre de recours a considéré que les signes en conflit étaient moyennement similaires sur le plan visuel.

–       Sur les similitudes phonétique et conceptuelle des signes en conflit

65      Au point 61 de la décision attaquée, la chambre de recours a considéré que, dans la mesure où la marque antérieure était purement figurative, elle ne serait pas soumise à une comparaison phonétique et que, en conséquence, les signes en conflit n’étaient pas similaires sur le plan phonétique.

66      Aux points 62 à 65 de la décision attaquée, la chambre de recours a considéré, en substance, que les signes en conflit véhiculaient le même concept, à savoir celui d’un canard, et que, partant, ils étaient identiques sur le plan conceptuel, nonobstant les différences de dessin et l’élément verbal « itinerant » de la marque demandée, dont l’impact serait très limité sur la comparaison conceptuelle.

67      Ces appréciations, qui ne sont pas au demeurant contestées par la requérante, doivent être approuvées.

68      Il s’ensuit que, eu égard à l’ensemble de ce qui précède, la chambre de recours a considéré, à juste titre, que, globalement, les signes en conflit étaient conceptuellement identiques, visuellement moyennement similaires et phonétiquement non similaires.

 Sur la renommée de la marque antérieure

69      La requérante soutient, en substance, que la renommée en Italie de la marque antérieure pour des vêtements matelassés n’est pas établie, au regard des éléments de preuve produits par l’intervenante.

70      L’EUIPO et l’intervenante contestent les arguments de la requérante.

71      Selon la jurisprudence, pour satisfaire à la condition relative à la renommée, une marque doit être connue d’une partie significative du public concerné par les produits ou les services couverts par celle-ci. Dans l’examen de cette condition, il convient de prendre en considération tous les éléments pertinents de la cause, à savoir, notamment, la part de marché détenue par la marque antérieure, l’intensité, l’étendue géographique et la durée de son usage, ainsi que l’importance des investissements réalisés par l’entreprise pour la promouvoir, sans qu’il soit exigé que cette marque soit connue d’un pourcentage déterminé du public ainsi défini ou que sa renommée s’étende à la totalité du territoire concerné, dès lors que la renommée existe dans une partie substantielle de celui-ci [voir arrêt du 12 février 2015, Compagnie des montres Longines, Francillon/OHMI – Staccata (QUARTODIMIGLIO QM), T‑76/13, non publié, EU:T:2015:94, point 87 et jurisprudence citée].

72      La renommée d’une marque antérieure doit être établie à la date de dépôt de la demande de marque contestée [voir arrêt du 16 octobre 2018, VF International/EUIPO – Virmani (ANOKHI), T‑548/17, non publié, EU:T:2018:686, point 103 et jurisprudence citée].

73      Aux fins d’étayer la renommée de la marque antérieure, l’intervenante a notamment produit les éléments suivants :

–        copie d’extraits d’articles et de revues de presse ;

–        copie d’extraits de prix et de récompenses ;

–        copie des certificats d’enregistrement des marques antérieures fondant l’opposition ;

–        copie de factures de ventes ;

–        copie de captures d’écran de pages Facebook ;

–        copie d’une demande d’enregistrement de marque de l’Union européenne ;

–        copie d’un rapport d’analyse concernant la présence de la marque antérieure sur les réseaux sociaux ;

–        copie d’un tableau reprenant les dépenses publicitaires dans divers journaux pour la marque antérieure en 2016 ;

–        copie de factures concernant les investissements publicitaires réalisés en Italie et en Allemagne ;

–        copie d’extraits de magazines et de captures d’écran de personnes célèbres portant des « doudounes ».

74      Après avoir analysé ces documents, la chambre de recours, reprenant les considérations de la division d’opposition, a estimé que, dans leur ensemble, les éléments de preuves présentés permettaient d’établir, à la date de la demande d’enregistrement de la marque demandée, le 23 août 2018, l’existence d’une renommée de la marque antérieure pour les « doudounes », auprès du grand public italien.

75      À cet égard, il convient de relever que l’intervenante a produit, premièrement, un grand nombre d’extraits d’articles de presse et de magazines, présentant, entre autres, les « doudounes » de la marque antérieure. Ces extraits, dont la date et le lieu de publication peuvent être identifiés, portent notamment sur les années 2016 à 2019 et ont été publiés en Italie, dans des journaux et dans des magazines, d’importance nationale ou internationale, aux tirages élevés, tels que Gioia, Il Giorno, Corriere della Sera, Repubblica, Vanity Fair, GQ, Vogue, comme le montre le tableau, reprenant pour l’année 2016, les chiffres de diffusion de ces derniers.

76      Deuxièmement, l’intervenante a produit de nombreuses factures correspondant aux investissements publicitaires qu’elle a réalisés, en 2015 et 2016, en Italie et en Allemagne, aux fins de la diffusion de la marque antérieure, ainsi qu’un tableau reprenant, pour l’année 2016, les dépenses qu’elle a réalisées à cette fin, en Italie, dans ces divers journaux et magazines.

77      Troisièmement, l’intervenante a produit un grand nombre de factures portant sur les ventes des produits couverts par la marque auprès de différents distributeurs en Italie, en Allemagne, en Espagne et en France, pour les années 2016 à 2019 notamment.

78      Quatrièmement, l’intervenante a produit des extraits des prix et récompenses qu’elle a obtenus en 2014, en 2016 et en 2017 pour ses « doudounes ». Ces prix et récompenses lui ont été attribués notamment par une organisation allemande à but non lucratif soutenant les droits des animaux.

79      Cinquièmement, l’intervenante a produit un document intitulé « Forest Social Media Analysis », daté du mois de juin 2017, qui met en exergue l’importance croissante et grandissante de la marque antérieure sur les réseaux sociaux au cours de la période 2015-2017.

80      Il résulte de ce qui précède que, pris dans leur ensemble, les éléments de preuve présentés par l’intervenante, dont la véracité et l’authenticité n’ont pas été contestées par la requérante, démontrent que cette dernière a développé d’importants efforts afin de promouvoir la marque antérieure auprès du grand public et notamment auprès du grand public italien.

81      Ces efforts se sont traduits par des dépenses publicitaires non négligeables, par une présence médiatique importante dans des journaux et magazines destinés au grand public et largement diffusés sur le territoire italien, ainsi que par une connaissance grandissante de la marque sur les réseaux sociaux. En outre, les factures de ventes présentées, qui portaient principalement sur les ventes de « doudounes » en Italie, mettent en exergue l’importance des ventes réalisées au sein de ce territoire pour ces produits et la grande couverture géographique de la marque sur ce territoire.

82      Ces documents, ainsi que les prix et récompenses obtenus par la requérante pour les « doudounes », permettent, à tout le moins, de postuler de la connaissance par le grand public italien de la marque antérieure pour ces produits, bien que, dans une grande partie des preuves produites, la marque antérieure n’apparaisse pas isolément, mais apparaisse conjointement avec l’élément verbal « save the duck » ou sous ce seul élément verbal, comme sur les factures et dans certains articles de presse.

83      À ce dernier égard, il y a lieu de rappeler que le titulaire d’une marque enregistrée peut, aux fins d’établir le caractère distinctif particulier et la renommée de celle-ci, se prévaloir de preuves de son utilisation, en tant que partie d’une autre marque enregistrée et renommée, pourvu que le public concerné continue à percevoir les produits en cause comme provenant de la même entreprise [arrêt du 5 mai 2015, Spa Monopole/OHMI – Orly International (SPARITUAL), T‑131/12, EU:T:2015:257, point 33]. Or, ainsi qu’il ressort du dossier, l’intervenante est également titulaire, pour les produits en cause, d’une marque de l’Union européenne figurative composée de l’élément verbal « save the duck » et du même élément figuratif que celui de la marque antérieure. De plus, il y a lieu relever que, dans les documents où l’élément figuratif de la marque antérieure est accompagné de l’élément verbal « save the duck », ce dernier est reproduit dans une petite taille et en dessous de celui-ci, si bien qu’il n’est pas visuellement dominant, au contraire de l’élément figuratif. Par suite, il y a lieu de conclure, à l’instar de la chambre de recours, qu’il est permis de considérer que le public italien est en mesure de reconnaitre la marque antérieure, en présence ou en l’absence de l’élément verbal « save the duck ». Dans ces conditions, le fait que de nombreux éléments de preuve présentent la marque antérieure, soit combinée avec l’élément verbal « save the duck », soit sous ce seul élément verbal, n’empêche pas la chambre de recours de constater, sur la base de ces éléments, la renommée de la marque antérieure.

84      C’est donc sans commettre d’erreur d’appréciation que la chambre de recours a considéré que, dans leur ensemble, les éléments de preuve produits par l’intervenante étaient suffisants pour démontrer, à la date pertinente, une renommée de la marque antérieure sur le territoire italien auprès du grand public pour les « doudounes », qui pouvait être qualifiée d’au moins « considérable ».

85      Par suite, contrairement à ce que soutient la requérante, la chambre de recours n’a pas procédé à un examen succinct de la renommée de la marque antérieure et ne l’a pas prise pour acquise.

86      En outre, le fait que l’intervenante n’ait fourni aucune indication chiffrée relative à la part de marché détenue par la marque antérieure pour ces produits n’est pas à lui seul de nature à remettre en cause cette conclusion. En effet, d’une part, la liste, rappelée au point 71 ci-dessus, des éléments à prendre en compte afin d’apprécier la renommée d’une marque antérieure n’a qu’un caractère d’exemple, l’ensemble des éléments pertinents de la cause devant être pris en compte [arrêt du 10 mai 2007, Antartica/OHMI – Nasdaq Stock Market (nasdaq), T‑47/06, non publié, EU:T:2007:131, point 52] et, d’autre part, les éléments circonstanciés et vérifiables produits par l’intervenante suffisent à eux seuls à établir de façon concluante la renommée de la marque antérieure au sens de l’article 8, paragraphe 5, du règlement 2017/1001.

87      Il s’ensuit que, eu égard à l’ensemble de ce qui précède, la chambre de recours a considéré, à juste titre, que la marque antérieure jouissait auprès du grand public italien d’une renommée considérable pour les « doudounes ».

 Sur l’absence de lien entre les marques

88      La requérante soutient, en substance, que la présence d’une faible similitude entre les signes en conflit et d’une certaine renommée de la marque antérieure ne suffit pas pour considérer comme probable que le public pertinent perçoive un lien entre ces signes. Les différences entre les signes seraient prépondérantes et de nature à exclure un éventuel lien mental entre eux, même en présence de produits identiques ou similaires.

89      L’EUIPO et l’intervenante contestent les arguments de la requérante.

90      À cet égard, il y a lieu de rappeler que, selon la jurisprudence, les atteintes visées à l’article 8, paragraphe 5, du règlement 2017/1001, lorsqu’elles se produisent, sont la conséquence d’un certain degré de similitude entre la marque antérieure et la marque demandée, en raison duquel le public concerné effectue un rapprochement entre ces deux marques, c’est-à-dire établit un lien entre celles-ci, alors même qu’il ne les confond pas. À défaut de l’existence d’un tel lien dans l’esprit du public, l’usage de la marque demandée n’est pas susceptible de tirer indûment profit du caractère distinctif ou de la renommée de la marque antérieure, ou de leur porter préjudice [voir arrêt du 4 octobre 2017, Gappol Marzena Porczyńska/EUIPO – Gap (ITM) (GAPPOL), T‑411/15, non publié, EU:T:2017:689, points 182 et 183 et jurisprudence citée].

91      L’existence d’un tel lien entre les marques en conflit doit être appréciée globalement, en tenant compte de tous les facteurs pertinents du cas d’espèce. Parmi ces facteurs peuvent être cités : le degré de similitude entre les marques en conflit, la nature des produits ou des services pour lesquels les marques en conflit sont respectivement enregistrées, y compris le degré de proximité ou de dissemblance de ces produits ou services ainsi que le public concerné, l’intensité de la renommée de la marque antérieure, le degré de caractère distinctif, intrinsèque ou acquis par l’usage, de la marque antérieure et l’existence d’un risque de confusion dans l’esprit du public [voir arrêt du 10 octobre 2019, McDreams Hotel/EUIPO – McDonald's International Property (mc dreams hotels Träumen zum kleinen Preis !), T‑428/18, non publié, EU:T:2019:738, point 30 et jurisprudence citée].

92      Si, à défaut d’un tel lien dans l’esprit du public, l’usage de la marque demandée n’est pas susceptible de tirer indûment profit du caractère distinctif ou de la renommée de la marque antérieure, ou de leur porter préjudice, l’existence de ce lien ne saurait toutefois suffire, à elle seule, à conclure à l’existence de l’une des atteintes visées à l’article 8, paragraphe 5, du règlement 2017/1001, lesquelles constituent la condition spécifique de la protection des marques renommées prévue à cette disposition (voir arrêt du 4 octobre 2017, GAPPOL, T‑411/15, non publié, EU:T:2017:689, point 185 et jurisprudence citée).

93      Au point 94 de la décision attaquée, la chambre de recours a considéré que le degré de similitude entre les signes en conflit et le degré de proximité entre les produits en cause étaient suffisants pour considérer que le public pertinent pouvait raisonnablement établir une association mentale entre la marque demandée et la marque antérieure, et ce même en présence d’une renommée non exceptionnelle de cette dernière.

94      La requérante conteste cette conclusion de la chambre de recours en soutenant, en substance, que les différences existantes entre les signes en conflit sont prépondérantes et de nature à exclure un éventuel lien mental entre ces derniers, même si les produits sont identiques ou similaires.

95      Or, premièrement, il a été considéré au point 63 ci-dessus que les différences alléguées entre les éléments figuratifs des signes en conflit étaient difficilement perceptibles, si bien qu’elles étaient négligeables, et que l’élément verbal de la marque demandée n’était pas de nature à différencier les signes. Ainsi, il a été conclu, au point 68 ci-dessus, que les signes en conflit étaient identiques sur le plan conceptuel et moyennement similaires sur le plan visuel. Par suite, l’argument de la requérante selon lequel ces différences sont de nature à exclure un éventuel lien mental entre les signes est non fondé.

96      Deuxièmement, il a été conclu au point 84 ci-dessus que la marque antérieure jouissait auprès du grand public italien d’une renommée au moins « considérable » pour les « doudounes » comprises dans la classe 25. Il importe par ailleurs de préciser que lorsque la renommée d’une marque est établie, il est dépourvu de pertinence d’établir le caractère distinctif intrinsèque de cette marque pour qu’elle soit considérée comme possédant un caractère distinctif [voir arrêt du 1er mars 2018, Shoe Branding Europe/EUIPO – adidas (Position de deux bandes parallèles sur une chaussure), T‑629/16, EU:T:2018:108, point 135 et jurisprudence citée].

97      Troisièmement, la requérante ne conteste pas l’appréciation de la chambre de recours, qui doit être approuvée, selon laquelle les « doudounes » présentent une certaine proximité avec une partie des produits visés par la marque demandée. En tout état de cause, il résulte des termes de l’article 8, paragraphe 5, du règlement 2017/1001 que son application n’est pas subordonnée à la condition que les produits et services visés par les signes en conflit soient identiques ou similaires.

98      Quatrièmement, il ressort des points 38 à 40 ci-dessus que le public concerné par les marques en conflit est le même, à savoir le grand public.

99      Eu égard aux considérations qui précèdent et à la jurisprudence rappelée au point 91 ci-dessus, l’existence d’un risque d’association entre les marques en conflit ne peut être exclue. C’est donc sans commettre d’erreur d’appréciation que la chambre de recours a pu considérer que le public pertinent était susceptible d’établir un lien entre ces marques.

 Sur l’absence de profit indu

100    La requérante soutient, en substance, que, à supposer même qu’un lien existe entre les signes, il n’y a pas de risque d’exploitation parasitaire de la marque antérieure, puisque l’image de qualité, de durabilité et de protection de l’environnement qu’elle véhicule n’est aucunement prouvée. Il ne s’agirait que d’une « vantardise » ne reposant sur aucune preuve.

101    L’EUIPO et l’intervenante contestent les arguments de la requérante.

102    À cet égard, il importe de rappeler, à titre liminaire, que la notion de profit indûment tiré de la renommée de la marque antérieure, désignée sous le terme de « parasitisme », ne s’attache pas au préjudice subi par celle-ci, mais à l’avantage tiré par le tiers de l’usage sans juste motif du signe similaire ou identique à celle-ci. Elle englobe notamment les cas où, grâce à un transfert de l’image de la marque ou des caractéristiques projetées par celle-ci vers les produits désignés par le signe identique ou similaire, il existe une exploitation manifeste dans le sillage de la marque renommée [voir arrêt du 27 octobre 2016, Spa Monopole/EUIPO – YTL Hotels & Properties (SPA VILLAGE), T‑625/15, non publié, EU:T:2016:631, point 61 et jurisprudence citée].

103    Le risque qu’un profit puisse être indûment tiré du caractère distinctif ou de la renommée de la marque antérieure se produit lorsque le public concerné, sans nécessairement confondre l’origine commerciale du produit ou du service en cause, est attiré par la marque demandée elle‑même et achètera le produit ou le service visé par celle-ci au motif qu’il porte cette marque semblable à une marque antérieure renommée (voir arrêt du 27 octobre 2016, SPA VILLAGE, T‑625/15, non publié, EU:T:2016:631, point 62 et jurisprudence citée).

104    Il a été reconnu par la jurisprudence que le titulaire de la marque antérieure n’était pas tenu de démontrer l’existence d’une atteinte effective et actuelle à sa marque. Il doit uniquement apporter des éléments permettant de conclure prima facie à un risque futur non hypothétique de profit indu ou de préjudice. Une telle conclusion peut être établie notamment sur la base de déductions logiques résultant d’une analyse des probabilités et en prenant en compte les pratiques habituelles dans le secteur commercial pertinent ainsi que toute autre circonstance de l’espèce [voir arrêt du 6 juillet 2012, Jackson International/OHMI – Royal Shakespeare (ROYAL SHAKESPEARE), T‑60/10, non publié, EU:T:2012:348, point 53 et jurisprudence citée].

105    Afin de déterminer si l’usage du signe contesté tire indûment profit du caractère distinctif ou de la renommée de la marque antérieure, il convient de procéder à une appréciation globale qui tienne compte de tous les facteurs pertinents du cas d’espèce, au nombre desquels figurent, notamment, l’intensité de la renommée et le degré de caractère distinctif de la marque, le degré de similitude entre les marques en conflit ainsi que la nature et le degré de proximité des produits ou des services concernés (voir arrêt du 6 juillet 2012, ROYAL SHAKESPEARE, T‑60/10, non publié, EU:T:2012:348, point 54 et jurisprudence citée).

106    Dans la décision attaquée, la chambre de recours a, tout d’abord, estimé que l’intervenante avait prouvé, par les éléments de preuve qu’elle avait fournis, et notamment par les prix et récompenses qu’elle avait obtenus pour la marque antérieure, l’image de qualité, de durabilité, de protection de l’environnement et de charité de la marque antérieure. Ensuite, tenant compte de l’identité conceptuelle et de la similitude visuelle moyenne des signes en conflit, de la proximité des produits en cause, du degré de notoriété de la marque antérieure en Italie et du degré d’attention du public pertinent, elle a considéré que l’image de qualité et de durabilité qui était associée par le consommateur aux « doudounes » de l’intervenante était susceptible d’être transférée aux produits de la requérante. Elle a, enfin, conclu que le transfert de cette image aux produits de la requérante faciliterait leur commercialisation et serait indu, étant donné que cette image était le résultat d’investissements promotionnels importants de l’intervenante.

107    La requérante ne conteste pas, en l’espèce, l’image véhiculée par la marque antérieure, ainsi que les investissements consentis par l’intervenante pour acquérir celle-ci et pour la promouvoir auprès du public. Elle conteste, en revanche, la véracité de cette image.

108    Toutefois, il a été rappelé au point 102 ci-dessus que la notion de profit indûment tiré de la renommée de la marque antérieure englobe notamment les cas où, grâce à un transfert de l’image de la marque ou des caractéristiques projetées par celle-ci vers les produits désignés par le signe identique ou similaire, il existe une exploitation manifeste dans le sillage de la marque renommée.

109    Par suite, la circonstance que l’image de la marque antérieure soit fondée ou non est inopérante, seul important le fait que la requérante puisse bénéficier de l’image de celle-ci ou des caractéristiques projetées par celle-ci, sans aucune compensation financière et sans devoir déployer des efforts propres à cet égard.

110    Or, tout d’abord, il ressort des éléments de preuve produits par l’intervenante, et notamment des prix et récompenses obtenues pour la marque antérieure, que cette dernière bénéficie d’une image de qualité, de durabilité, de protection de l’environnement et de charité, ce que la requérante ne conteste pas.

111    Ensuite, il a été relevé au point 80 ci-dessus, sans que cela soit également contesté par la requérante, que l’intervenante avait réalisé d’importants efforts commerciaux pour promouvoir la marque antérieure.

112    Enfin, il a été conclu au point 99 ci-dessus que la chambre de recours avait considéré, à juste titre, que le public pertinent était susceptible d’établir un lien entre les signes en conflit.

113    Il s’ensuit que c’est à juste titre que la chambre de recours a considéré qu’il existait, en l’espèce, prima facie un risque futur non hypothétique que la requérante tire un profit indu de la réputation de la marque antérieure, réputation qui résulte des activités, des efforts et des investissements réalisés par l’intervenante.

114    Du reste, la requérante n’a avancé aucun juste motif devant la chambre de recours sur lequel reposerait l’usage de la marque demandée, alors qu’il lui appartenait d’en établir un, ce qu’elle ne conteste pas.

115    C’est donc sans commettre d’erreur d’appréciation que la chambre de recours a considéré que l’opposition était fondée au sens de l’article 8, paragraphe 5, du règlement 2017/1001.

116    Le présent moyen doit donc être écarté comme non fondé.

 Sur le troisième moyen, tiré de la violation de l’article 8, paragraphe 1, sous b), du règlement 2017/1001

117    La requérante soutient que le fait que la chambre de recours ait fondé sa décision sur l’association des signes en conflit constitue, en soi, une admission de l’existence de différences qui ne justifient pas un risque de confusion.

118    L’EUIPO et l’intervenante contestent les arguments de la requérante.

119    À cet égard, il convient de rappeler que la légalité de la décision de la chambre de recours doit être appréciée uniquement sur la base des constatations factuelles et juridiques contenues dans la décision attaquée [arrêt du 8 septembre 2021, Qx World/EUIPO – Mandelay (EDUCTOR), T-84/20, non publié, EU:T:2021:555, point 31].

120    Or, la chambre de recours n’ayant pas examiné dans la décision attaquée l’opposition fondée sur l’article 8, paragraphe 1, sous b), du règlement 2017/1001, il y a lieu d’écarter ce moyen comme inopérant.

121    Au vu de l’ensemble des considérations qui précèdent, il y a lieu de rejeter le recours dans son intégralité, sans qu’il soit besoin de se prononcer sur la compétence du Tribunal pour connaître du deuxième chef de conclusions de la requérante.

 Sur les dépens

122    Aux termes de l’article 134, paragraphe 1, du règlement de procédure du Tribunal, toute partie qui succombe est condamnée aux dépens, s’il est conclu en ce sens.

123    La requérante ayant succombé, il y a lieu de la condamner aux dépens, conformément aux conclusions de l’EUIPO et de l’intervenante.

Par ces motifs,

LE TRIBUNAL (neuvième chambre)

déclare et arrête :

1)      Le recours est rejeté.

2)      Itinerant Show Room Srl est condamnée à supporter ses propres dépens, ainsi que ceux exposés par l’Office de l’Union européenne pour la propriété intellectuelle (EUIPO) et par Save the Duck SpA.

Costeira

Kancheva

Zilgalvis

Ainsi prononcé en audience publique à Luxembourg, le 14 septembre 2022.

Signatures


*      Langue de procédure : l’italien.