Language of document : ECLI:EU:C:2024:303

Édition provisoire

CONCLUSIONS DE L’AVOCAT GÉNÉRAL

M. ANTHONY M. COLLINS

présentées le 11 avril 2024 (1)

Affaire C15/24 PPU [Stachev] (i) 

CH

contre

Sofiyska rayonna prokuratura

[demande de décision préjudicielle formée par le Sofiyski rayonen sad (tribunal d’arrondissement de Sofia, Bulgarie)]

« Renvoi préjudiciel – Procédure préjudicielle d’urgence – Coopération judiciaire en matière pénale – Directive 2013/48/UE – Droit d’accès à un avocat dans le cadre des procédures pénales – Renonciation à ce droit par une personne analphabète »






 I.      Introduction

1.        Le Sofiyski rayonen sad (tribunal d’arrondissement de Sofia, Bulgarie) pose à la Cour de justice six questions relatives à l’interprétation, à la lumière de l’article 47 de la charte des droits fondamentaux de l’Union européenne (ci-après la « Charte »), de la directive 2013/48/UE du Parlement européen et du Conseil, du 22 octobre 2013, relative au droit d’accès à un avocat dans le cadre des procédures pénales et des procédures relatives au mandat d’arrêt européen, au droit d’informer un tiers dès la privation de liberté et au droit des personnes privées de liberté de communiquer avec des tiers et avec les autorités consulaires (2).

 II.      Le litige au principal, les questions préjudicielles et la procédure devant la Cour

2.        CH est un ressortissant bulgare qui ne maîtrise pas la langue bulgare à l’écrit. Il a un casier judiciaire.

3.        Le 16 décembre 2022, CH a été arrêté pour suspicion de vols avec violence commis les 2 et 14 décembre 2022. Après avoir été conduit à un commissariat de police, il a signé une déclaration de renonciation à son droit de se faire représenter par un avocat. En vertu du droit bulgare, les signatures d’un officier de police et d’un témoin indépendant sont requises afin de prouver la renonciation d’une personne analphabète à ce droit. Il semble qu’aucune de ces conditions n’était remplie (3). Au cours de l’interrogatoire de police qui a suivi en l’absence d’avocat, CH a admis avoir commis le second vol avec violence et il a indiqué où se trouvaient les objets volés à cette occasion. Dans le cadre d’une séance d’identification en direct organisée plus tard le même jour, la victime du second vol avec violence a identifié CH en tant qu’auteur.

4.        Le 17 décembre 2022, la victime du premier vol avec violence a identifié CH en tant qu’auteur dans le cadre d’une seconde séance d’identification en direct organisée en l’absence d’avocat. Le Sofiyska rayonna prokuratura (parquet d’arrondissement de Sofia, Bulgarie) a, par la suite, inculpé CH des infractions de vol avec violence commises les 2 et 14 décembre 2022. Dès lors que le droit bulgare impose qu’une personne accusée d’avoir commis une infraction pénale soit légalement représentée, un avocat a été désigné pour le représenter.

5.        Le 19 décembre 2022, CH a comparu devant le Sofiyski rayonen sad (tribunal d’arrondissement de Sofia), qui a ordonné son placement en détention provisoire. Le 29 décembre 2022, le Sofiyski gradski sad (tribunal de la ville de Sofia) a confirmé cette décision.

6.        Le 13 juin 2023, le Sofiyski rayonen sad (tribunal d’arrondissement de Sofia) a rejeté la demande de CH visant à assouplir cette mesure privative de liberté. Le Sofiyski gradski sad (tribunal de la ville de Sofia) a confirmé cette décision le 22 juin 2023.

7.        Le 18 août 2023, le Sofiyski rayonen sad (tribunal d’arrondissement de Sofia) a décidé de remettre en liberté CH, à condition qu’il se présente périodiquement aux autorités de police de son lieu de résidence. Il a pris cette décision au motif qu’il était impossible de savoir si, au moment de son arrestation, CH avait renoncé volontairement et sciemment à son droit d’être représenté par un avocat, dès lors qu’il était analphabète et que sa renonciation alléguée n’avait pas été signée par un témoin. Dans ces circonstances, le Sofiyski rayonen sad (tribunal d’arrondissement de Sofia) a conclu à l’illégalité de l’enquête de police ultérieure, avec pour conséquence que les preuves obtenues dans le cadre de celle-ci ne pouvaient pas être utilisées pour poursuivre CH.

8.        Le 7 septembre 2023, le Sofiyski gradski sad (tribunal de la ville de Sofia) a annulé cette décision et jugé que CH devait rester en détention provisoire. Il a considéré que, bien qu’aucun avocat n’ait assisté CH entre le moment de son arrestation et celui de son inculpation, il n’apparaissait pas que les preuves recueillies par la police au cours de son enquête avaient été obtenues illégalement.

9.        Le 2 octobre 2023, le Sofiyski rayonen sad (tribunal d’arrondissement de Sofia) a de nouveau décidé de libérer CH, à condition qu’il se présente périodiquement aux autorités de police de son lieu de résidence. Le 7 novembre 2023, le Sofiyski gradski sad (tribunal de la ville de Sofia) a de nouveau annulé cette décision et a jugé que CH devait rester en détention provisoire.

10.      La procédure pénale contre CH est pendante devant le Sofiyski rayonen sad (tribunal d’arrondissement de Sofia). Cette juridiction a des doutes sur le point de savoir si les autorités de police ont respecté le droit d’accès à un avocat de CH au cours de la période entre son arrestation et son inculpation pour les deux vols avec violence. Elle se demande si la directive 2013/48 permet à une juridiction nationale, lorsqu’elle statue sur des mesures de contrainte au cours de la phase préalable au procès, d’apprécier si les éléments de preuve retenus contre une personne poursuivie ont été obtenus en violation de son droit d’accès à un avocat. Le Sofiyski rayonen sad (tribunal d’arrondissement de Sofia) a des doutes sur le point de savoir si l’article 3, paragraphe 6, sous b), de la directive 2013/48, qui autorise les États membres à déroger temporairement au droit d’accès à un avocat dans des circonstances exceptionnelles au cours de la phase préalable au procès, mais qui n’a pas été transposé en droit bulgare, a un effet direct. Il se demande également si la directive 2013/48 est respectée lorsqu’un suspect, qui est analphabète et qui affirme qu’il ignorait le contenu du document qu’il a signé, renonce par écrit à son droit d’accès à un avocat. Enfin, le Sofiyski rayonen sad (tribunal d’arrondissement de Sofia) souhaite savoir si la renonciation au droit d’être assisté d’un avocat effectuée au moment de l’arrestation d’un suspect soustrait les autorités de police à l’obligation de l’informer de son droit d’accès à un avocat avant de procéder à des actes d’enquête supplémentaires.

11.      Le Sofiyski rayonen sad (tribunal d’arrondissement de Sofia) a donc décidé de surseoir à statuer et de poser à la Cour de justice les questions préjudicielles suivantes :

« 1.      Une réglementation et une jurisprudence nationales, sont-elles conformes à la disposition de l’article 12, paragraphe 2, de la [directive 2013/48], lue en combinaison avec l’article 47, paragraphe 1, de la [Charte], lorsque, sur la base de cette réglementation et de cette jurisprudence nationales, la juridiction qui examine la question de l’existence de raisons fondées de supposer que le prévenu est impliqué dans l’infraction pénale qui lui a été imputée, en vue de prendre ou d’exécuter la mesure de sûreté adéquate, est privée de la possibilité d’apprécier si les preuves ont été obtenues en violation du droit d’accès à un avocat de ce prévenu, découlant de ladite directive, lorsque ce prévenu a été suspecté et que son droit de circuler librement a été limité par les autorités de police ?

2.      L’exigence de respect des droits de la défense et de l’équité de la procédure, au sens de l’article 12, paragraphe 2, de la [directive 2013/48], est-elle respectée lorsque la juridiction qui examine la question du caractère adéquat de la mesure de sûreté utilise, pour former son intime conviction, des éléments de preuve obtenus en violation des exigences de ladite directive, lorsque ce prévenu a été suspecté et que son droit de circuler librement a été limité par les autorités de police ?

3.      L’exclusion d’éléments de preuve obtenus en violation de la [directive 2013/48] par la juridiction examinant la question du caractère adéquat de la mesure de sûreté, malgré les instructions contraires données par l’instance supérieure, a-t-elle une incidence négative sur les exigences d’équité de la procédure de l’article 12, paragraphe 2, de [la directive 2013/48], lu en combinaison avec l’article 47, paragraphes 1 et 2, de la [Charte], et suscite-t-elle des doutes quant à l’impartialité de la juridiction ?

4.      La disposition de l’article 3, paragraphe 6, sous b), de la [directive 2013/48], prévoyant la possibilité d’une dérogation temporaire au droit d’accès à un avocat dans des circonstances exceptionnelles au cours de la phase préalable au procès pénal, lorsqu’il est impératif que les autorités qui procèdent à l’enquête agissent immédiatement pour éviter de compromettre sérieusement une procédure pénale, a-t-elle un effet direct dans l’État membre concerné de l’Union, dans la mesure où elle n’a pas été transposée dans la législation nationale de celui-ci ?

5.      Les garanties prévues à l’article 9, paragraphe 1, sous a) et b), lu en combinaison avec le considérant 39, de la [directive 2013/48], sont-elles respectées en cas de renonciation écrite au droit d’accès à un avocat d’un suspect analphabète, auquel n’ont pas été expliquées les conséquences possibles de cette renonciation, et qui soutient ensuite devant la juridiction qu’il n’était pas informé du contenu du document qu’il a signé au moment de la limitation de son droit de circuler librement par les autorités de police ?

6.      La renonciation d’un suspect, lors de son arrestation, [au droit] à être défendu par un avocat découlant de la [directive 2013/48] exclut-elle l’obligation des autorités publiques de lui expliquer le droit d’accès à un avocat et les conséquences d’une éventuelle renonciation, immédiatement avant de procéder à tout acte d’enquête ultérieur impliquant sa participation ? »

12.      CH se trouvant en détention depuis le 16 décembre 2022 et la demande de décision préjudicielle soulevant des questions dans un domaine couvert par le titre V de la troisième partie du traité FUE, le Sofiyski rayonen sad (tribunal d’arrondissement de Sofia) a également demandé à la Cour, dans sa décision de renvoi du 11 janvier 2024, de statuer sur son renvoi préjudiciel selon la procédure préjudicielle d’urgence prévue à l’article 107 du règlement de procédure de la Cour.

13.      Par décision du 25 janvier 2024, la Cour a fait droit à cette demande.

14.      Les observations écrites déposées au nom de CH indiquent qu’il n’a rien à ajouter à la décision de renvoi. La Commission européenne a déposé des observations écrites, a été entendue en ses plaidoiries et a répondu aux questions posées par la Cour lors de l’audience du 11 mars 2024.

 III.      Analyse

15.      L’article 82, paragraphe 2, sous b), TFUE constitue la base juridique de la directive 2013/48. Cette disposition habilite l’Union à adopter des directives établissant des règles minimales concernant les droits des personnes dans les procédures pénales, nonobstant les différences entre les traditions et systèmes juridiques des États membres. L’article 1er de la directive 2013/48 édicte ainsi des règles minimales concernant les droits dont bénéficient les suspects et les personnes poursuivies dans le cadre des procédures pénales, notamment le droit d’accès à un avocat, sans préjudice des principes de subsidiarité et de proportionnalité (4). Les États membres peuvent prévoir un niveau de protection plus élevé (5).

 A.      Sur la recevabilité

16.      Les première, deuxième et troisième questions préjudicielles visent à obtenir une interprétation de la directive 2013/48 à la lumière de l’article 47 de la Charte dans le contexte de la détention provisoire de CH ordonnée par le Sofiyski gradski sad (tribunal de la ville de Sofia).

17.      L’article 267 TFUE dispose qu’une décision préjudicielle doit être « nécessaire » pour permettre à la juridiction de renvoi de « rendre son jugement » dans l’affaire dont elle se trouve saisie (6). Il doit donc exister entre le litige porté devant le juge national et l’interprétation du droit de l’Union sollicitée un lien de rattachement tel que cette interprétation soit objectivement requise pour permettre à la juridiction de renvoi de trancher ce litige (7).

18.      Les juridictions nationales définissent le cadre factuel et juridique dans lequel elles posent à la Cour des questions relatives à l’interprétation du droit de l’Union. La Cour ne vérifie pas l’exactitude de ces constatations, de sorte que les questions d’interprétation posées bénéficient d’une présomption de pertinence. Le refus de la Cour de statuer sur une demande de décision préjudicielle n’est possible que s’il apparaît de manière manifeste que l’interprétation du droit de l’Union sollicitée par la juridiction nationale n’a aucun rapport avec la réalité ou l’objet du litige au principal, lorsque le problème est de nature hypothétique ou encore lorsque la Cour ne dispose pas des éléments de fait et de droit nécessaires pour répondre de façon utile à cette demande. La fonction confiée à la Cour dans le cadre de la procédure préjudicielle consiste, en effet, à contribuer à l’administration de la justice dans les États membres, et non à formuler des opinions consultatives sur des questions générales ou hypothétiques (8).

19.      Il ressort du dossier de la Cour que, à la suite de la décision du Sofiyski gradski sad (tribunal de la ville de Sofia) du 7 novembre 2023 de maintenir CH en détention provisoire, la juridiction de renvoi a décidé, le 20 novembre 2023, de poser d’office des questions préjudicielles à la Cour (9). Tant le procès-verbal de l’audience qui s’est tenue à cette date que la décision de renvoi laissent entendre que, lorsque la juridiction de renvoi a pris cette décision, elle n’était pas saisie d’une demande de modification de la mesure de contrainte que le Sofiyski gradski sad (tribunal de la ville de Sofia) avait prise à l’égard de CH. Bien que l’article 270, paragraphe 1, du Nakazatelno‑protsesualen kodeks (10) (code de procédure pénale) dispose que la modification d’une mesure de contrainte peut être soulevée à tout moment avant le jugement, en l’absence d’une demande formée au nom d’une personne poursuivie, le juge national n’est pas compétent pour modifier d’office une mesure de contrainte (11). Au moment de statuer définitivement sur le bien-fondé des allégations, la juridiction nationale est néanmoins compétente pour prendre les décisions appropriées à l’égard de toute mesure de contrainte adoptée à l’égard de la personne poursuivie (12).

20.      J’observe en outre que de nouvelles demandes de modification des mesures de contraintes ne peuvent être formées au titre de l’article 270, paragraphe 1, du code de procédure pénale que si la personne poursuivie est en mesure de démontrer que sa situation a changé (13). La décision de renvoi ne contient aucune indication quant à l’existence d’une quelconque modification de la situation de CH dans les 13 jours qui se sont écoulés entre le prononcé de la décision du Sofiyski gradski sad (tribunal de la ville de Sofia) et la décision de la juridiction de renvoi de procéder au présent renvoi préjudiciel. Il semble donc que, au moyen de cette décision de renvoi, le Sofiyski rayonen sad (tribunal d’arrondissement de Sofia) cherche à inviter la Cour à contrôler la compatibilité avec le droit de l’Union d’une décision d’une juridiction d’appel dans des circonstances où la juridiction de renvoi n’est pas compétente, en droit national, pour modifier ou réviser cette décision.

21.      La juridiction de renvoi n’étant pas saisie d’une demande de modification, en raison d’un changement des circonstances, de la mesure de contrainte adoptée par le Sofiyski gradski sad (tribunal de la ville de Sofia), les première, deuxième et troisième questions préjudicielles sont manifestement hypothétiques. Pour cette raison, je suggère à la Cour de rejeter les première, deuxième et troisième questions préjudicielles comme étant irrecevables. Je propose cependant de les examiner dans les présentes conclusions afin d’éclairer la Cour dans l’hypothèse où elle statuerait autrement.

 B.      Sur le fond

 1      Les première, deuxième et troisième questions préjudicielles

22.      Par ses première, deuxième et troisième questions préjudicielles, la juridiction de renvoi demande, en substance, si l’article 12, paragraphe 2, de la directive 2013/48, lu à la lumière de l’article 47 de la Charte, exige qu’une juridiction nationale saisie d’une demande de modification d’une mesure de contrainte au cours de la phase préalable au procès pénal soit compétente pour apprécier si des preuves ont été obtenues en violation du droit d’accès à un avocat, nonobstant toute instruction contraire émanant d’une juridiction d’appel.

23.      La Commission rappelle que la directive 2013/48 établit des règles minimales. En vertu de l’article 12, paragraphe 1, de cette directive, les suspects ou les personnes poursuivies doivent disposer d’une voie de recours effective conformément au droit national en cas de violation de leurs droits au titre de ladite directive. En l’absence de règles détaillées au niveau de l’Union, il appartient à l’ordre juridique interne de chaque État membre d’établir de telles règles, pour autant que les principes d’équivalence et d’effectivité soient respectés. La Commission considère donc que la directive 2013/48 ne permet pas à une juridiction de rejeter d’office les éléments de preuve litigieux comme étant irrecevables et suggère qu’elle procède à une mise en balance.

24.      Il ressort de ses considérants 4 et 6 que la directive 2013/48 vise à mettre en œuvre le principe de reconnaissance mutuelle des décisions pénales, principe fondé sur la confiance que les États membres ont dans leurs systèmes respectifs de justice pénale. Cette directive tend à favoriser notamment le droit de se faire conseiller, défendre et représenter énoncé à l’article 47, deuxième alinéa, de la Charte, ainsi que les droits de la défense garantis par l’article 48, paragraphe 2, de celle-ci (14). La directive 2013/48 définit néanmoins des règles minimales permettant aux suspects et aux personnes poursuivies de faire valoir leur droit d’accès à un avocat dans le cadre des procédures pénales (15). Cette situation découle du fait que, en l’état actuel du droit de l’Union, les procédures pénales relèvent principalement de la compétence des États membres (16).

25.      L’article 12, paragraphe 1, de la directive 2013/48 impose aux États membres de prévoir des voies de recours effectives conformément au droit national en cas de violation des droits conférés par cette directive. Compte tenu de ses termes clairs, inconditionnels et précis, cette disposition semble également s’opposer à toute mesure nationale qui ferait obstacle à l’accès à un recours effectif en cas de violation de ces droits (17). L’article 12, paragraphe 1, de la directive 2013/48 prévoit néanmoins que le droit de faire constater une éventuelle violation des droits conférés par cette directive doit être accordé conformément aux procédures nationales. Par conséquent, cette disposition ne vise à déterminer ni les modalités selon lesquelles une telle violation doit être alléguée ou prouvée, ni le moment auquel la réalité de telles allégations doit être établie (18).

26.      L’article 12, paragraphe 2, de la directive 2013/48 dispose que les États membres doivent veiller à ce que, lors de l’appréciation des éléments de preuve obtenus en violation du droit à un avocat dans la procédure pénale, les droits de la défense et l’équité de cette procédure soient respectés. Dans la mesure où l’article 2, paragraphe 4, de la directive 2013/48 indique que cette directive s’applique lorsqu’un suspect ou une personne poursuivie est privé de liberté à quelque stade que ce soit de la procédure pénale, force est de conclure que l’article 12, paragraphe 2, de cette directive peut être invoqué pendant toute la durée d’une procédure pénale.

27.      Le considérant 50 de la directive 2013/48 énonce que l’obligation de veiller à ce que les droits de la défense et l’équité de la procédure soient respectés est sans préjudice des dispositifs ou des régimes nationaux concernant l’admissibilité des preuves. Cette obligation n’empêche pas les États membres de conserver un système en vertu duquel tous les éléments de preuve existants peuvent être produits devant une juridiction « sans qu’il y ait une appréciation distincte ou préalable quant à leur admissibilité » (19). Ce considérant confirme donc l’intention du législateur de l’Union de reconnaître aux États membres une marge d’appréciation pour adopter des procédures spécifiques à cet effet.

28.      Il s’ensuit que le principe d’autonomie procédurale des États membres s’applique, sans préjudice des limites fixées par le droit de l’Union (20). En l’absence de réglementation de l’Union, il appartient à l’ordre juridique interne de chaque État membre de délimiter les compétences des juridictions et de fixer les modalités procédurales des recours destinés à assurer la sauvegarde des droits que les justiciables tirent du droit de l’Union. Les modalités procédurales à cet effet ne doivent pas être moins favorables que celles concernant des recours similaires de nature interne (principe d’équivalence) et ne doivent pas rendre impossible en pratique ou excessivement difficile l’exercice des droits conférés par le droit de l’Union (principe d’effectivité) (21).

29.      Pour ce qui concerne le principe d’effectivité, le droit de l’Union n’impose pas aux États membres d’instituer des voies de recours autres que celles qui existent en droit interne, à moins, toutefois qu’il ne ressorte de l’économie d’un ordre juridique national qu’il n’existe aucune voie de recours juridictionnelle permettant d’assurer, fût-ce de manière incidente, le respect des droits que les justiciables tirent du droit de l’Union (22).

30.      Il s’ensuit que le droit de l’Union ne s’oppose pas à ce qu’un État membre limite le contrôle juridictionnel des éléments de preuve invoqués à l’appui de l’adoption de mesures de contrainte lors de la phase préalable au procès si, par la suite, la juridiction saisie du fond de l’accusation est en mesure de vérifier que les droits de la personne poursuivie, visés par la directive 2013/48, lue à la lumière de l’article 47 et de l’article 48, paragraphe 2, de la Charte, ont été respectés (23).

31.      La décision de renvoi suggère que, selon le Sofiyski gradski sad (tribunal de la ville de Sofia), en droit bulgare, la juridiction de renvoi, lorsqu’elle a été saisie de la demande de modification des mesures de contrainte adoptées au cours de la phase préalable au procès fondée sur l’article 270, paragraphe 1, du code de procédure pénale, n’était pas compétente pour examiner les circonstances dans lesquelles les éléments de preuve retenus contre la personne poursuivie avaient été obtenus. Compte tenu de la conclusion à laquelle je suis parvenu au point 30 des présentes conclusions, l’article 12 de la directive 2013/48 ne s’oppose pas à une réglementation et à une jurisprudence nationale en ce sens, pour autant qu’une juridiction statuant sur le fond des accusations portées contre une personne poursuivie soit en mesure d’apprécier l’existence d’une violation des droits protégés par la directive 2013/48 et puisse tirer les conséquences susceptibles de résulter d’une telle violation, en particulier en ce qui concerne la recevabilité ou la valeur probante des éléments de preuve obtenus dans de telles conditions (24).

32.      À supposer, au contraire, que, en droit bulgare, la juridiction de renvoi, lorsqu’elle est saisie d’une demande au titre de l’article 270 du code de procédure pénale, soit compétente pour examiner les circonstances dans lesquelles les éléments de preuve contre la personne poursuivie ont été obtenus, elle doit exercer cette compétence dans le respect de l’article 12 de la directive 2013/48, de manière à garantir les droits de la défense.

33.      La décision de renvoi n’est malheureusement pas claire sur ce point du droit bulgare. Elle semble affirmer que, dans sa décision du 7 septembre 2023, le Sofiyski gradski sad (tribunal de la ville de Sofia) a jugé que la juridiction de renvoi n’était pas compétente pour connaître de la question de l’existence d’une éventuelle violation du droit d’accès à un avocat. Il est intéressant de relever que la juridiction de renvoi ne formule pas la même affirmation s’agissant de l’ordonnance du Sofiyski gradski sad (tribunal de la ville de Sofia) du 7 novembre 2023, qui semble avoir statué sur le bien-fondé de la demande de modification de la mesure de contrainte, admettant ainsi implicitement la compétence de la juridiction de renvoi pour rendre sa décision.

34.      Compte tenu de ce qui précède, je propose à la Cour de répondre aux première, deuxième et troisième questions préjudicielles en ce sens que l’article 12, paragraphe 2, de la directive 2013/48, lu à la lumière de l’article 47 de la Charte, n’impose pas qu’une juridiction nationale saisie d’une demande de modification d’une mesure de contrainte lors de la phase préalable au procès pénal soit compétente pour apprécier si des preuves ont été obtenues en violation du droit d’accès à un avocat, pour autant que la juridiction saisie du fond de l’accusation soit en mesure d’apprécier l’existence d’une telle violation et de tirer toutes les conséquences susceptibles d’en résulter, en particulier en ce qui concerne la recevabilité ou la valeur probante de tout élément de preuve obtenu dans de telles conditions. Dans l’exercice d’une éventuelle compétence pour procéder à cette appréciation lors de la phase préalable au procès pénal, le juge national doit respecter l’article 12 de la directive 2013/48.

 2      Sur la quatrième question préjudicielle

35.      Par sa quatrième question, la juridiction de renvoi demande si l’article 3, paragraphe 6, sous b), de la directive 2013/48 a un effet direct.

36.      La Commission estime que cette question appelle une réponse négative.

37.      Selon une jurisprudence bien établie, dans tous les cas où les dispositions d’une directive apparaissent, du point de vue de leur contenu, inconditionnelles et suffisamment précises, les particuliers sont fondés à les invoquer devant les juridictions nationales à l’encontre de l’État, soit lorsque celui-ci s’est abstenu de transposer dans les délais la directive en droit national, soit lorsqu’il en a fait une transposition incorrecte (25). Il s’ensuit que l’invocation d’une disposition d’une directive qui n’est pas suffisamment claire, précise et inconditionnelle pour se voir reconnaître un effet direct ne peut aboutir, sur le seul fondement du droit de l’Union, à ce qu’une juridiction d’un État membre écarte l’application d’une disposition de droit national (26). Il est également de jurisprudence constante qu’une directive ne peut pas, par elle-même, créer d’obligations à l’égard d’un particulier, et ne peut être invoquée en tant que telle à l’encontre de celui-ci devant une juridiction nationale (27).

38.      L’article 3, paragraphe 6, sous b), de la directive 2013/48 dispose que, dans des circonstances exceptionnelles et au cours de la phase préalable au procès uniquement, les États membres peuvent déroger temporairement au droit d’accès à un avocat lorsqu’il est impératif que les autorités qui procèdent à l’enquête agissent immédiatement pour éviter qu’une procédure pénale ne soit sérieusement compromise dans la mesure où cela est justifié dans les circonstances particulières du cas d’espèce.

39.      Le considérant 38 de la directive 2013/48 oblige les États membres à énoncer clairement, dans leur droit national, les motifs et les critères leur permettant d’appliquer de telles dérogations temporaires et à en faire un usage limité. L’article 8 de la directive 2013/48 énonce les conditions générales de l’application des dérogations temporaires visées à l’article 3, paragraphe 6, de cette directive. De telles dérogations temporaires doivent être proportionnées et avoir une durée strictement limitée. Elles ne peuvent être autorisées que par une décision dûment motivée, prise au cas par cas par une autorité judiciaire ou par une autre autorité compétente, pour autant que cette décision puisse faire l’objet d’un recours judiciaire.

40.      Il s’ensuit que les États membres ne sauraient recourir à une dérogation temporaire au droit d’accès à un avocat au détriment d’un particulier lorsqu’ils n’ont pas adopté de règles détaillées afin de faire usage de la faculté offerte par l’article 3, paragraphe 6, de la directive 2013/48 (28).

41.      Partant, je propose à la Cour de répondre à la quatrième question préjudicielle en ce sens que l’article 3, paragraphe 6, sous b), de la directive 2013/48 est dépourvu d’effet direct.

42.      Bien que cette question relève de l’appréciation de la juridiction de renvoi, j’observe que cette dernière estime que l’article 3, paragraphe 6, sous b), de la directive 2013/48 n’a pas été transposé en droit bulgare. Dans ces circonstances, les juridictions nationales ne sauraient invoquer cette disposition pour limiter les droits conférés aux particuliers par la directive 2013/48. J’ajoute que, en tout état de cause, rien dans le dossier de la Cour n’indique l’existence de quelconques circonstances exceptionnelles nécessitant une action immédiate des autorités de police.

 3      Sur la cinquième question préjudicielle

43.      Par sa cinquième question, la juridiction de renvoi cherche à savoir si l’article 9 de la directive 2013/48 doit être interprété en ce sens qu’un suspect analphabète peut renoncer à son droit d’accès à un avocat pour autant qu’il reçoive des informations claires et suffisantes sur la teneur de ce droit et les conséquences éventuelles d’une renonciation à celui-ci, d’une manière qu’il est en mesure de comprendre compte tenu de sa situation personnelle.

44.      La Commission fait valoir que l’article 9 de la directive 2013/48 contient un certain nombre de garanties afin que, consécutivement à sa renonciation au droit d’accès à un avocat, un suspect ou une personne poursuivie ne fasse pas involontairement des déclarations auto‑incriminantes ou ne fournisse pas des éléments de preuve auto‑incriminants. Le droit d’accès à un avocat est essentiel pour garantir l’égalité des armes, en particulier au moment de l’arrestation d’un suspect ou d’une personne poursuivie où, en raison de la nature complexe des procédures pénales, il est particulièrement vulnérable. L’analphabétisme de CH en fait une personne vulnérable au sens de l’article 13 de la directive 2013/48 (29).

45.      Sans préjudice du droit national qui requiert la présence ou l’assistance d’un avocat, l’article 9, paragraphe 1, de la directive 2013/48 prévoit la renonciation au droit d’accès à un avocat dans le cadre des procédures pénales. Dans ces circonstances, les États membres doivent veiller à ce que le suspect ou la personne poursuive ait reçu, oralement ou par écrit, des informations claires et suffisantes, dans un langage simple et compréhensible, sur la teneur de ce droit et les conséquences d’une telle renonciation. Toute renonciation doit être volontaire et formulée sans équivoque. Le considérant 39 de la directive 2013/48 indique que, lorsque les informations sur la teneur du droit d’accès à un avocat et sur les conséquences éventuelles d’une renonciation à ce droit sont communiquées, il devrait être tenu compte des conditions propres aux suspects et aux personnes poursuivies, notamment de leur âge et de leur état mental et physique. L’analphabétisme d’un suspect est donc une circonstance pertinente que les autorités nationales doivent prendre en compte lorsqu’elles communiquent les informations requises par l’article 9, paragraphe 1, de cette directive. L’article 13 de ladite directive conforte implicitement cette interprétation, dès lors qu’il impose la prise en compte des besoins des personnes vulnérables (30) sans les empêcher de décider de renoncer au droit d’accès à un avocat (31).

46.      Bien que le droit national doive offrir aux suspects et aux personnes poursuivies une possibilité concrète et effective d’avoir recours à un avocat, il n’est pas exclu, s’ils devaient renoncer à cette possibilité dans le respect des conditions énoncées à l’article 9 de la directive 2013/48, qu’il leur appartienne de supporter les éventuelles conséquences de cette renonciation (32).

47.      L’article 9, paragraphe 1, de la directive 2013/48 subordonne l’effectivité d’une renonciation à l’explication des conséquences éventuelles de celle-ci au suspect ou à la personne poursuivie dans un langage simple et compréhensible. Il s’ensuit que, en l’absence de communication des conséquences éventuelles, une renonciation effective ne saurait avoir lieu. Dans la présente affaire, il ressort de la décision de renvoi que, même si la juridiction de renvoi considère que CH n’a jamais été informé des conséquences d’une renonciation à son droit d’accès à un avocat, le Sofiyski gradski sad (tribunal de la ville de Sofia) estime le contraire. C’est en définitive aux juridictions nationales qu’il appartient de trancher cette question de fait apparemment controversée.

48.      L’article 9, paragraphe 2, de la directive 2013/48 dispose que la renonciation peut être effectuée par écrit ou oralement conformément aux procédures prévues par le droit de l’État membre concerné. La directive 2013/48 elle-même ne subordonne la formulation d’une renonciation à aucune condition de forme, la réglementation de telles conditions relevant du droit national. L’existence d’une violation d’une condition formelle de validité d’une renonciation imposée par le droit national, telle qu’une disposition selon laquelle un témoin atteste ou signe une renonciation, et les conséquences d’une telle violation sont des questions de droit national qu’il appartient aux juridictions nationales d’examiner.

49.      Je propose donc à la Cour de répondre à la cinquième question préjudicielle en interprétant l’article 9 de la directive 2013/48 en ce sens qu’un suspect ou une personne poursuivie analphabète peut renoncer à son droit d’accès à un avocat à condition qu’il reçoive des informations claires et suffisantes sur la teneur de ce droit et sur les conséquences éventuelles de la renonciation à celui-ci d’une manière qu’il est en mesure de comprendre compte tenu de sa situation personnelle.

 4      Sur la sixième question préjudicielle

50.      Par sa sixième question, la juridiction de renvoi demande si l’article 9, paragraphe 3, de la directive 2013/48 impose aux États membres d’informer un suspect ou une personne poursuivie qui renonce au droit d’accès à un avocat qu’il peut révoquer cette renonciation, avant tout acte d’enquête impliquant sa participation accompli par les autorités compétentes.

51.      La Commission propose de répondre à cette question par l’affirmative.

52.      L’article 9, paragraphe 3, de la directive 2013/48 dispose que les États membres veillent à ce que les suspects ou les personnes poursuivies puissent révoquer une renonciation à la suite de chaque étape de la procédure pénale et à ce qu’ils soient informés de cette possibilité. Cette révocation prend effet à partir du moment où elle est effectuée.

53.      L’exigence selon laquelle les suspects ou les personnes poursuivies doivent être informés de la possibilité de révoquer une renonciation ultérieurement, à tout moment de la procédure pénale, pourrait être satisfaite en les informant uniquement de cette faculté au moment où ils renoncent à ce droit. Une telle approche semble impliquer qu’une fois qu’un suspect ou une personne poursuivie a renoncé à son droit, il lui incombe, par la suite, de décider s’il entend faire valoir le droit de révoquer cette renonciation.

54.      Il découle de l’article 3, paragraphe 1, de la directive 2013/48, lu conjointement avec l’article 2, paragraphe 1, de cette directive, que le droit d’accès à un avocat dans le cadre des procédures pénales vise à garantir qu’un suspect ou une personne poursuivie puisse exercer ses droits de la défense de manière concrète et effective jusqu’au terme de la procédure pénale. Si l’on tient compte de la nature volontaire d’une renonciation conformément à l’article 9, paragraphe 1, sous b), de la directive 2013/48, associée à la nécessité de protéger les besoins spécifiques des personnes vulnérables qui sont soupçonnées ou poursuivies requise par l’article 13 de cette directive, il est évident qu’une interprétation de l’article 9, paragraphe 3, de la même directive dans le sens indiqué au point 53 des présentes conclusions est contraire à l’objectif et à l’économie de cette disposition. Dans ces circonstances, il convient de privilégier une interprétation de l’article 9, paragraphe 3, de ladite directive qui impose aux États membres l’obligation de veiller à ce que les suspects et les personnes poursuivies, en particulier les personnes vulnérables, soient régulièrement informés de leur droit de révoquer la renonciation librement exprimée jusqu’au terme de la procédure pénale.

55.      Dès lors que la nécessité de fournir cette information existe pour permettre aux personnes poursuivies ou soupçonnées d’avoir commis des infractions d’exercer leurs droits de la défense de manière concrète et effective, cette exigence doit être satisfaite de manière pratique plutôt que formelle(33). Les États membres ne sauraient se limiter à informer un suspect ou une personne poursuivie de la possibilité de révoquer une renonciation au moment où il l’a exprimée, en particulier lorsque le suspect ou la personne poursuivie est une personne vulnérable. Il ne s’ensuit pas nécessairement que les États membres doivent rappeler à un suspect ou à une personne poursuivie la possibilité de révoquer une renonciation avant chaque acte d’enquête sur une infraction alléguée impliquant sa participation. La nécessité d’adresser un rappel à un suspect ou une personne poursuivie dépend de la nature et de l’importance objective de l’acte d’enquête envisagé, considérées à la lumière de l’ensemble des circonstances pertinentes. Je suggère donc à la Cour d’adopter le critère suivant pour interpréter l’article 9, paragraphe 3, de la directive 2013/48. Chaque fois qu’il existe des raisons objectives de croire qu’un suspect ou une personne poursuivie qui a renoncé au droit d’accès à un avocat est susceptible d’être substantiellement entravé dans sa défense en conséquence de cette renonciation, les États membres doivent prendre des mesures appropriées pour qu’il soit informé de son droit de révoquer cette renonciation.

56.      Je propose dès lors à la Cour de répondre à la sixième question préjudicielle que l’article 9, paragraphe 3, de la directive 2013/48 doit être interprété en ce sens que, lorsqu’un suspect ou une personne poursuivie renonce à son droit d’accès à un avocat, les États membres doivent prendre des mesures appropriées pour veiller à ce qu’il soit informé du droit de révoquer cette renonciation chaque fois que, en conséquence de cette renonciation, il existe des raisons objectives de croire qu’il est susceptible d’être entravé de manière substantielle dans sa défense.

 IV.      Conclusion

57.      Eu égard aux considérations qui précèdent, je propose à la Cour de répondre comme suit aux questions préjudicielles posées par le Sofiyski rayonen sad (tribunal d’arrondissement de Sofia, Bulgarie) par décision du 11 janvier 2024 :

1)      Les première, deuxième et troisième questions préjudicielles doivent être rejetées comme étant irrecevables.

2)      L’article 3, paragraphe 6, sous b), de la directive 2013/48/UE du Parlement européen et du Conseil, du 22 octobre 2013, relative au droit d’accès à un avocat dans le cadre des procédures pénales et des procédures relatives au mandat d’arrêt européen, au droit d’informer un tiers dès la privation de liberté et au droit des personnes privées de liberté de communiquer avec des tiers et avec les autorités consulaires est dépourvu d’effet direct.

3)      L’article 9 de la directive 2013/48 doit être interprété en ce sens qu’un suspect ou une personne poursuivie analphabète peut renoncer à son droit d’accès à un avocat à condition qu’il reçoive des informations claires et suffisantes sur la teneur de ce droit et sur les conséquences éventuelles de la renonciation à celui-ci d’une manière qu’il est en mesure de comprendre compte tenu de sa situation personnelle.

4)      L’article 9, paragraphe 3, de la directive 2013/48 doit être interprété en ce sens que, lorsqu’un suspect ou une personne poursuivie renonce à son droit d’accès à un avocat, les États membres doivent prendre des mesures appropriées pour veiller à ce qu’il soit informé du droit de révoquer cette renonciation chaque fois que, en conséquence de cette renonciation, il existe des raisons objectives de croire qu’il est susceptible d’être entravé de manière substantielle dans sa défense.


1      Langue originale : l’anglais.


ii      Le nom donné à la présente affaire est fictif et ne correspond au nom réel d’aucune partie à la procédure devant la juridiction de renvoi.


2      JO 2013, L 294, p. 1.


3      Bien que le Sofiyski rayonen sad (tribunal d’arrondissement de Sofia) suggère, au point 10 de la décision de renvoi, que CH n’a pas été informé des conséquences de la renonciation à son droit d’accès à un avocat, le Sofiyski gradski sad (tribunal de la ville de Sofia, Bulgarie) estime le contraire, comme l’indique le point 39 de la décision de renvoi.


4      Voir également considérants 7, 12 et 57 de la directive 2013/48.


5      Considérant 54 de la directive 2013/48.


6      Arrêt du 9 janvier 2024, G. e.a. (Nomination des juges de droit commun en Pologne) (C‑181/21 et C‑269/21, EU:C:2024:1, point 63).


7      Ibid., point 65.


8      Arrêt du 17 novembre 2022, Bayer Intellectual Property (C‑204/20, EU:C:2022:892, points 88 à 90 et jurisprudence citée).


9      Selon la décision de renvoi, la juridiction de renvoi a décidé de procéder au présent renvoi préjudiciel le 20 novembre 2023, même si elle a adressé ses questions à la Cour le 11 janvier 2024.


10      DV no 86 du 28 octobre 2005. L’article 270, paragraphe 1, du code de procédure pénale dispose : « La question de la modification de la mesure de contrainte peut être posée à tout moment au cours de la procédure judiciaire. Une nouvelle demande relative à la mesure de sûreté peut être introduite devant la même instance si les circonstances ont changé. »


11      Voir, en ce sens, arrêt du 28 novembre 2019, Spetsializirana prokuratura (C‑653/19 PPU, EU:C:2019:1024, point 14).


12      Article 309, paragraphe 1, du code de procédure pénale.


13      Voir, en ce sens, arrêt du 28 novembre 2019, Spetsializirana prokuratura (C‑653/19 PPU, EU:C:2019:1024, point 14).


14      Arrêt du 12 mars 2020, VW (Droit d’accès à un avocat en cas de non‑comparution) (C‑659/18, EU:C:2020:201, point 44).


15      Arrêts du 5 juin 2018, Kolev e.a. (C‑612/15, EU:C:2018:392, point 103), du 19 septembre 2019, Rayonna prokuratura Lom (C‑467/18, EU:C:2019:765, point 36), et du 7 septembre 2023, Rayonna prokuratura Lovech, teritorialno otdelenie Lukovit (Fouille corporelle) (C‑209/22, EU:C:2023:634, point 34).


16      Conclusions de l’avocat général Ćapeta dans l’affaire M.S. e.a. (Droits procéduraux d’une personne mineure) (C‑603/22, EU:C:2024:157, points 1 et 26.)


17      Arrêts du 19 septembre 2019, Rayonna prokuratura Lom (C‑467/18, EU:C:2019:765, points 57 et 58), et du 7 septembre 2023, Rayonna prokuratura Lovech, teritorialno otdelenie Lukovit (Fouille corporelle) (C‑209/22, EU:C:2023:634, points 49 et 50).


18      Arrêt du 7 septembre 2023, Rayonna prokuratura Lovech, teritorialno otdelenie Lukovit (Fouille corporelle) (C‑209/22, EU:C:2023:634, points 51 et 52).


19      Ibid., point 53.


20      Conclusions de l’avocat général Pikamäe dans l’affaire Rayonna prokuratura Lovech, teritorialno otdelenie Lukovit (Fouille corporelle) (C‑209/22, EU:C:2023:249, point 63).


21      Arrêts du 12 février 2020, Kolev e.a. (C‑704/18, EU:C:2020:92, point 49), et du 21 octobre 2021, ZX (Régularisation de l’acte d’accusation) (C‑282/20, EU:C:2021:874, point 35). Voir, également, conclusions de l’avocat général Pikamäe dans l’affaire Rayonna prokuratura Lovech, teritorialno otdelenie Lukovit (Fouille corporelle) (C‑209/22, EU:C:2023:249, point 64).


22      Arrêts du 21 décembre 2021, Randstad Italia (C‑497/20, EU:C:2021:1037, point 62), et du 7 septembre 2023, Rayonna prokuratura Lovech, teritorialno otdelenie Lukovit (Fouille corporelle) (C‑209/22, EU:C:2023:634, point 54).


23      Ibid., point 55.


24      Ibid., point 58.


25      Arrêt du 5 octobre 2004, Pfeiffer e.a. (C‑397/01 à C‑403/01, EU:C:2004:584, point 103 et jurisprudence citée).


26      Arrêt du 24 juin 2019, Popławski (C‑573/17, EU:C:2019:530, point 64).


27      Arrêts du 3 mai 2005, Berlusconi e.a. (C‑387/02, C‑391/02 et C‑403/02, EU:C:2005:270, point 73), et du 24 juin 2019, Popławski (C‑573/17, EU:C:2019:530, point 65).


28      Voir, par analogie, arrêt du 3 mai 2005, Berlusconi e.a. (C‑387/02, C‑391/02 et C‑403/02, EU:C:2005:270, point 74).


29      Lors de l’audience, la Commission s’est référée à sa recommandation, du 27 novembre 2013, relative à des garanties procédurales en faveur des personnes vulnérables soupçonnées ou poursuivies dans le cadre des procédures pénales (JO 2013, C 378, p. 8, ci-après la « recommandation relative aux personnes vulnérables »).


30      Le point 7 de la recommandation relative aux personnes vulnérables indique qu’il existe une présomption de vulnérabilité en particulier pour les personnes qui présentent des incapacités psychologiques, intellectuelles, physiques ou sensorielles graves, ou encore qui souffrent de troubles psychiques ou cognitifs, qui les empêchent de comprendre et de participer effectivement à la procédure. Il n’est pas certain que l’analphabétisme puisse être considéré comme une « incapacité intellectuelle » qui empêche une personne poursuivie de comprendre et de participer effectivement à une procédure pénale.


31      Le point 11 de la recommandation relative aux personnes vulnérables précise que les personnes vulnérables ne devraient être dans l’impossibilité de renoncer à leur droit d’accès à un avocat que dans les cas où elles sont inaptes à comprendre et à suivre la procédure pénale.


32      Arrêt du 22 juin 2023, K.B. et F.S. (Relevé d’office dans le domaine pénal) (C‑660/21, EU:C:2023:498, point 46).


33      Voir, en ce sens et par analogie, arrêt du 7 septembre 2023, Rayonna prokuratura Lovech, teritorialno otdelenie Lukovit (Fouille corporelle) (C‑209/22, EU:C:2023:634, points 75 à 78), où la Cour a jugé qu’il appartient à la juridiction nationale, en tenant compte de toutes les circonstances pertinentes, de vérifier si la présence d’un avocat au moment de la fouille corporelle pratiquée sur le suspect et de la saisie de substances illicites qui s’en est suivie était objectivement nécessaire aux fins d’assurer effectivement les droits de la défense de ce suspect.