Language of document : ECLI:EU:F:2011:23

ARRÊT DU TRIBUNAL DE LA FONCTION PUBLIQUE
DE L’UNION EUROPÉENNE (deuxième chambre)

15 mars 2011 (*)(i)

« Fonction publique — Agents contractuels — Rémunération — Indemnité de dépaysement — Conditions prévues à l’article 4 de l’annexe VII du statut — Résidence habituelle antérieurement à l’entrée en fonctions »

Dans l’affaire F‑28/10,

ayant pour objet un recours introduit au titre de l’article 270 TFUE, applicable au traité CEEA en vertu de son article 106 bis,

VE, agent contractuel de la Commission européenne, demeurant à [donnée personnelle], représenté par Me L. Vogel, avocat,

partie requérante,

contre

Commission européenne, représentée par M. D. Martin et Mme B. Eggers, en qualité d’agents,

partie défenderesse,

LE TRIBUNAL DE LA FONCTION PUBLIQUE
(deuxième chambre),

composé de M. H. Tagaras (rapporteur), président, M. S. Van Raepenbusch et Mme M. I. Rofes i Pujol, juges,

greffier : M. R. Schiano, administrateur,

vu la procédure écrite et à la suite de l’audience du 14 octobre 2010,

rend le présent

Arrêt

1        Par requête déposée au greffe du Tribunal le 7 mai 2010, VE demande en substance l’annulation de la décision de la Commission des Communautés européennes du 18 juin 2009 lui supprimant, à compter du 1er juillet 2009, le bénéfice de l’indemnité de dépaysement  qu’il percevait depuis son entrée en fonctions le 1er juillet 2005.

 Cadre juridique

2        L’article 92 du régime applicable aux autres agents de l’Union européenne (ci‑après le « RAA ») dispose, s’agissant des agents contractuels de l’Union européenne :

« Les articles 19 à 27 s’appliquent par analogie sous réserve des modifications prévues aux articles 90 et 94. »

3        Aux termes de l’article 21 du RAA, faisant partie du titre II du RAA, applicable aux agents temporaires :

« Les dispositions des articles 1er, 2, 3 et 4 de l’annexe VII du statut [des fonctionnaires de l’Union européenne] concernant les modalités d’attribution des allocations familiales et de l’indemnité de dépaysement sont applicables par analogie. »

4        Selon l’article 4, paragraphe 1, de l’annexe VII du statut des fonctionnaires de l’Union européenne (ci-après le « statut ») :

« L’indemnité de dépaysement égale à 16 % du montant total du traitement de base ainsi que de l’allocation de foyer et de l’allocation pour enfant à charge versées au fonctionnaire est accordée :

a)      Au fonctionnaire :

–        qui n’a pas et n’a jamais eu la nationalité de l’État sur le territoire duquel est situé le lieu de son affectation et,

–        qui n’a pas, de façon habituelle, pendant la période de cinq années expirant six mois avant son entrée en fonctions, habité ou exercé son activité professionnelle principale sur le territoire européen dudit État. [...] »

 Faits à l’origine du litige

5        Né en France [donnée personnelle], le requérant, de nationalité française [donnée personnelle], est arrivé à Bruxelles (Belgique) en 1987, à la suite de la mutation professionnelle de son père, alors affecté en [donnée personnelle], et ce depuis 1981. À cette occasion, la mère du requérant [donnée personnelle] a également obtenu une affectation à Bruxelles. Le requérant est resté à Bruxelles sans interruption jusqu’à l’obtention de son baccalauréat à la fin de sa scolarité en juin 1999.

6        Entre-temps, à la suite d’une nouvelle mutation professionnelle, cette fois à [donnée personnelle], le père du requérant avait quitté Bruxelles (en septembre 1997), tandis qu’en janvier 1998 et août 2000, respectivement, la sœur et la mère du requérant avaient elles aussi quitté Bruxelles et s’étaient installées en France.

7        Pendant l’année universitaire 1999/2000, le requérant s’est rendu à Paris (France) [donnée personnelle]. N’ayant pas été reçu à ces concours, le requérant est revenu à Bruxelles, où il a entrepris en novembre 2000 des études universitaires qui se sont poursuivies jusqu’au mois de juin 2004 et ont été entrecoupées, d’une part, de deux stages en entreprise à Bruxelles, respectivement, de juillet à août 2002 et de septembre à octobre 2003, d’autre part, de cinq mois de cours à Madrid (Espagne) [donnée personnelle], du 1er mars au 31 juillet 2003.

8        Le 1er juillet 2005, le requérant, qui avait continué à habiter Bruxelles à la fin de ses études universitaires en juin 2004, est entré en fonctions à la Commission à Bruxelles, en qualité d’agent contractuel.

9        Lors de la fixation de ses droits statutaires, le bénéfice de l’indemnité de dépaysement a été reconnu au requérant. Son dossier a fait l’objet de plusieurs contrôles, les 11 et 23 août 2005, le 4 septembre 2007 et le 16 octobre 2007, sans que l’octroi de l’indemnité de dépaysement ne soit remis en cause.

10      Néanmoins, dans le cadre d’un contrôle général des dossiers des bénéficiaires de l’indemnité de dépaysement, celui du requérant a été réexaminé en juin 2009, soit presque deux ans après le dernier contrôle mentionné au point précédent. À la suite de ce réexamen, la Commission a, par décision du 18 juin 2009, supprimé, à compter du 1er juillet 2009, l’indemnité de dépaysement  que le requérant percevait depuis son entrée en fonctions au motif que le requérant avait sa résidence habituelle sur le territoire de l’État de son affectation, à savoir la Belgique, pendant la période de cinq années expirant six mois avant son entrée en fonctions (ci-après la « période de référence »). Toutefois, reconnaissant que le versement de l’indemnité de dépaysement depuis l’entrée en fonctions le 1er juillet 2005, soit pendant quatre ans, avait pu créer dans le chef du requérant une confiance légitime, la Commission n’a pas procédé à la répétition de l’indu au titre de l’article 85 du statut.

11      Le 2 octobre 2009, le requérant a introduit une réclamation, au titre de l’article 90, paragraphe 2, du statut, contre la décision de la Commission du 18 juin 2009. Sa réclamation a été rejetée par décision de la Commission, du 28 janvier 2010, pour le même motif que celui de la décision du 18 juin 2009.

 Conclusions des parties et procédure

12      Le requérant conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        annuler la décision de la Commission du 18 juin 2009 ;

–        annuler la décision de la Commission du 28 janvier 2010, rejetant sa réclamation, et

–        condamner la partie défenderesse aux dépens.

13      La Commission conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        rejeter le recours comme non-fondé, et

–        condamner le requérant aux dépens.

 Sur l’objet du recours

14      Outre l’annulation de la décision de la Commission du 18 juin 2009, le requérant sollicite l’annulation de la décision de la Commission, du 28 janvier 2010, portant rejet de sa réclamation contre la décision du 18 juin 2009.

15      À cet égard, il convient de constater, au vu de la jurisprudence (arrêt de la Cour du 17 janvier 1989, Vainker/Parlement, 293/87, point 8 ; arrêt du Tribunal de première instance du 10 juin 2004, Liakoura/Conseil, T‑330/03, point 13 ; arrêt du Tribunal de la fonction publique du 23 février 2010, Faria/OHMI, F‑7/09, point 30) et de la portée de la décision du 28 janvier 2010 portant rejet de la réclamation, décision qui ne fait que confirmer en substance la décision du 18 juin 2009, que les conclusions en annulation de la décision de la Commission du 28 janvier 2010 sont, comme telles, dépourvues de contenu autonome et se confondent en réalité avec les conclusions en annulation de la décision de la Commission du 18 juin 2009.

16      Il y a lieu, dès lors, de considérer que les conclusions en annulation sont dirigées uniquement contre la décision de la Commission du 18 juin 2009 (ci-après la « décision attaquée »).

 Sur les conclusions aux fins d’annulation de la décision attaquée

17      À l’appui de son recours, le requérant invoque deux moyens tirés, le premier, de la violation de l’article 4 de l’annexe VII du statut et d’une erreur manifeste d’appréciation, le second, de la violation du principe de protection de la confiance légitime.

 Sur le premier moyen, tiré de la violation de l’article 4 de l’annexe VII du statut et d’une erreur manifeste d’appréciation

18      Le requérant fait valoir, en premier lieu, que sa scolarisation à Bruxelles ne traduisait pas sa volonté de développer des attaches durables avec la Belgique, où sa famille ne s’était installée que pour des raisons professionnelles. En deuxième lieu, il prétend que, de toute façon, il n’a pas eu sa résidence à Bruxelles durant toute la période de référence de manière ininterrompue, puisque pendant les onze premiers mois de cette période, c’est-à-dire du 1er janvier 2000 à la fin du mois de novembre 2000, il étudiait à Paris et que sa famille avait déjà quitté Bruxelles. En troisième lieu, il ne disposait plus de logement à Bruxelles de juillet jusqu’en novembre 2000 et ce serait par négligence qu’il ne se serait pas fait radier du registre belge de la population. En quatrième lieu, plusieurs indices, à savoir son inscription parallèle dans le département [donnée personnelle] (France), son affiliation au régime d’assurance maladie de la sécurité sociale française, son abonnement auprès d’un opérateur français de téléphonie mobile et ses démarches pour trouver un emploi en France démontreraient ses liens avec ce pays et son intention de ne pas se fixer de manière stable en Belgique.

19      L’argumentation du requérant ne saurait être retenue.

20      À titre liminaire, il importe de relever qu’il n’est pas contesté que la période de référence mentionnée à l’article 4, paragraphe 1, sous a), de l’annexe VII du statut s’étend, en l’espèce, du 1er janvier 2000 au 31 décembre 2004, le requérant étant entré en fonctions à la Commission à Bruxelles le 1er juillet 2005.

21      Il convient ensuite de rappeler que, même si la disposition susmentionnée se fonde, pour déterminer les cas de dépaysement, sur les critères alternatifs de résidence habituelle et d’activité professionnelle principale de l’intéressé avant son entrée en fonctions, elle doit être interprétée comme retenant pour critère principal, quant à l’octroi de l’indemnité de dépaysement, la résidence habituelle (voir arrêts du Tribunal de première instance du 8 avril 1992, Costacurta Gelabert/Commission, T‑18/91, point 42, et du 19 juin 2007, Asturias Cuerno/Commission, T‑473/04, point 73, et la jurisprudence citée).

22      Selon une jurisprudence constante en matière d’indemnité de dépaysement, la résidence habituelle, au sens de la disposition susmentionnée, est le lieu où le fonctionnaire ou agent concerné a fixé, avec la volonté de lui conférer un caractère stable, le centre permanent ou habituel de ses intérêts, étant entendu qu’aux fins de la détermination de la résidence habituelle il faut tenir compte de tous les éléments de fait constitutifs de celle-ci et, notamment, de la résidence effective de l’intéressé (arrêt du Tribunal de première instance du 13 septembre 2005, Recalde Langarica/Commission, T‑283/03, point 114 ; ordonnance du Tribunal de la fonction publique du 26 septembre 2007, Salvador Roldán/Commission, F‑129/06, point 48).

23      Par ailleurs, s’il est de jurisprudence constante que le fait d’avoir habité, avant la période de référence, sur le territoire de l’État où est situé son lieu d’affectation ne saurait jouer un rôle déterminant quant à la question de savoir si l’intéressé est en droit de bénéficier de l’indemnité de dépaysement (arrêt Costacurta Gelabert/Commission, précité, point 41), il n’en demeure pas moins que cette circonstance représente un élément de fait important qui doit être pris en considération avec d’autres faits pertinents (arrêt du Tribunal de première instance du 25 octobre 2005, Salvador García/Commission, T‑205/02, point 86).

24      En outre, la jurisprudence réaffirme de manière également constante que l’indemnité de dépaysement a pour objet de compenser les charges et désavantages particuliers résultant de la prise de fonctions auprès d’une des institutions de l’Union pour les fonctionnaires qui sont, de ce fait, obligés de transférer leur résidence de l’État de leur domicile à l’État d’affectation et de s’intégrer dans un nouveau milieu et que la notion de dépaysement dépend également de la situation subjective du fonctionnaire, à savoir de son degré d’intégration dans le nouveau milieu résultant, par exemple, de sa résidence habituelle ou de l’exercice d’une activité professionnelle principale (voir, à titre d’exemple, arrêt de la Cour du 29 novembre 2007, Salvador García/Commission, C‑7/06 P, point 43). Selon cette même jurisprudence, l’octroi de l’indemnité de dépaysement vise ainsi à remédier aux inégalités de fait survenant entre les fonctionnaires intégrés dans la société de l’État d’affectation et ceux qui ne le sont pas (arrêt de la Cour Salvador García/Commission, précité, point 44).

25      En l’espèce, au vu des circonstances factuelles exposées aux points 5 à 7 du présent arrêt, il ne saurait être contesté qu’au début de l’année universitaire 1999/2000, lorsque le requérant s’est rendu à Paris pour préparer des concours universitaires, sa résidence habituelle, au sens de l’article 4, paragraphe 1, sous a), de l’annexe VII du statut, était fixée à Bruxelles, et ce depuis une date qu’il n’est pas nécessaire de déterminer avec précision pour les besoins de la présente affaire, mais laquelle, soit coïncide avec l’installation de sa famille à Bruxelles en 1987, soit est légèrement postérieure à celle-ci.

26      En effet, après une affectation professionnelle en [donnée personnelle], le père du requérant avait été muté à Bruxelles en 1987 et, la même année, la mère du requérant, [donnée personnelle], avait également obtenu une mutation à Bruxelles, apparemment afin d’assurer un foyer familial commun avec son époux et leurs [donnée personnelle] enfants, dont le requérant, installés eux aussi à Bruxelles.

27      En outre, la nouvelle affectation professionnelle du père du requérant à Bruxelles a duré jusqu’en septembre 1997, à savoir dix ans. Or, il n’a pas été allégué et encore moins prouvé que cette nouvelle affectation avait initialement été prévue pour une courte durée et que sa durée finale de dix ans avait été le résultat de prolongations successives. Si tel avait été le cas, le séjour en question aurait pu être caractérisé par une précarité difficilement compatible avec les éléments constitutifs de la notion de résidence habituelle.

28      Les arguments en sens contraire du requérant s’appuient sur la considération que la résidence habituelle de ses parents et donc de lui-même, mineur à l’époque, est toujours restée en France en raison de son intention de retourner dans ce pays. De tels arguments ne sauraient être accueillis.

29      En effet, l’approche du requérant accorde une importance excessive, sinon exclusive, à l’élément intentionnel de la notion de résidence habituelle, en ignorant son aspect matériel, constitué en l’espèce par le fait physique que constitue la présence ininterrompue du requérant à Bruxelles de 1987 jusqu’au début de l’année universitaire 1999/2000. Or, ainsi que relevé par la jurisprudence citée au point 22 du présent arrêt, la détermination du lieu de la résidence habituelle exige de prendre en considération, notamment, la résidence effective du fonctionnaire (voir également, arrêt du Tribunal de première instance du 3 mai 2001, Liaskou/Conseil, T‑60/00, point 53). Ainsi, dans la mesure où jusqu’au début de l’année universitaire 1999/2000 l’intention, voire l’espoir, du requérant (ou des membres de sa famille) de vivre en France n’ont pas été réalisés, l’existence d’une telle intention ou d’un tel espoir, à les supposer même établis, ne suffisent pas à remettre en question la résidence effective ininterrompue du requérant en Belgique depuis 1987 ou à une date légèrement postérieure mais en tout cas bien antérieure au début de la période de référence — voir points 20 et 25 du présent arrêt).

30      Cette résidence habituelle n’a pas été interrompue par le séjour que le requérant a effectué en France [donnée personnelle], séjour qui a eu lieu au cours de l’année universitaire 1999/2000, durant laquelle, et précisément en janvier 2000, a débuté la période de référence.

31      En effet, selon une jurisprudence constante, le fait de séjourner dans un pays, notamment pour y effectuer des études, par définition temporaires, ne présume pas, en principe, la volonté de déplacer le centre de ses intérêts dans ce pays (arrêt Asturias Cuerno/Commission, précité, point 74, et la jurisprudence citée) mais, tout au plus, une perspective encore incertaine de le faire (arrêt du Tribunal de la fonction publique du 9 mars 2010, Tzvetanova/Commission, F‑33/09, point 48).

32      Il pourrait en être autrement si le fait de séjourner dans un pays en tant qu’étudiant, pris en considération avec d’autres faits pertinents, démontrait l’existence de liens sociaux et professionnels durables de l’intéressé avec le pays en question (arrêts du Tribunal de première instance du 27 septembre 2000, Lemaître/Commission, T‑317/99, point 51, et arrêt Liaskou/Conseil, précité, point 55) ; dans ce contexte, il a été en particulier jugé qu’en cas de période d’études suivie d’une période de stage ou d’emploi au même endroit, la présence continue de l’intéressé dans le pays concerné peut créer la présomption, certes susceptible d’être renversée, d’une éventuelle volonté de sa part de déplacer le centre permanent ou habituel de ses intérêts, et ainsi sa résidence habituelle, vers ce pays (arrêts du Tribunal de première instance Salvador García/Commission, précité, point 72, et du 25 octobre 2005, Dedeu i Fontcuberta/Commission, T‑299/02, point 67).

33      Toutefois, en l’espèce, outre le fait qu’il ne s’agit pas d’études universitaires mais de cours préparatoires à celles-ci, et hormis une vague perspective de déplacement du centre permanent des intérêts du requérant en France que le Tribunal perçoit à travers ses démarches infructueuses pour trouver un emploi dans ce pays durant le dernier semestre de la période de référence, rien ne permet d’affirmer que celui-ci ait déplacé de Belgique en France sa résidence habituelle à l’occasion de son séjour dans ce dernier pays durant l’année universitaire 1999/2000, dans la mesure où ce séjour, ayant eu comme objet la préparation de concours universitaires, n’a été suivi ni de stages ni d’une quelconque activité professionnelle ni même de simples séjours à d’autres fins. Il en va de même, et à plus forte raison, s’agissant du séjour du requérant en Espagne [donnée personnelle].

34      Cette conclusion ne peut pas être tenue en échec par les indices dont se prévaut le requérant, mentionnés au point 18 du présent arrêt. Elle est de plus en parfaite adéquation avec la finalité de l’indemnité de dépaysement.

35      En effet, les indices mentionnés au point 18 du présent arrêt ne sont nullement incompatibles avec le maintien de la résidence habituelle du requérant en Belgique. Il en est, en particulier, ainsi de l’inscription parallèle dans des registres français, élément purement formel ne permettant pas d’établir la résidence effective de l’intéressé (arrêt Tzvetanova/Commission, précité, point 43), de l’abonnement auprès d’un opérateur de téléphonie mobile français, également non pertinent pour l’identification de la résidence effective du requérant (voir, en ce sens, au sujet de la résidence prise en considération pour la détermination de l’applicabilité ou non d’un coefficient correcteur aux pensions, arrêt du Tribunal de la fonction publique du 4 mai 2010, Petrilli/Commission, F‑100/08, point 40), de l’affiliation à un régime d’assurance maladie en France et du maintien de liens personnels, notamment familiaux, avec la France.

36      Au regard, par ailleurs, de la finalité de l’indemnité de dépaysement, il suffit de rappeler que le requérant résidait en Belgique pendant toute la période de référence et qu’il n’a interrompu sa résidence dans cet État que pendant deux intervalles de brève durée dont le plus long a été de dix mois, l’ensemble n’excédant pas quinze mois (voir points 5 à 7 du présent arrêt). En effet, c’est de janvier à octobre 2000 et de mars à juillet 2003 que le requérant s’est rendu à Paris et à Madrid, respectivement, pour y suivre des cours. Or, quinze mois sur une période de cinq ans, voire de 17 ans, si l’on prend en considération la résidence antérieure à la période de référence (voir point 23 du présent arrêt), ne sauraient être suffisants pour faire perdre au requérant son « degré d’intégration » (voir point 24 du présent arrêt) dans l’État où il a passé son enfance, été scolarisé, effectué la quasi-totalité de ses études universitaires et eu ses premiers contacts avec le monde professionnel. En effet, le degré d’intégration du requérant ne pouvait être que très élevé en Belgique où il vivait pratiquement de manière ininterrompue depuis l’âge de [donnée personnelle].

37      Au surplus, selon la jurisprudence, les dispositions du droit de l’Union qui ouvrent droit à des prestations financières doivent être interprétées strictement (arrêt du Tribunal de la fonction publique du 25 novembre 2008, Bosman/Conseil, F‑145/07, point 32, et la jurisprudence citée). Dans l’étape actuelle, avancée, de l’intégration européenne, et vu les moyens modernes de communication, y compris les nouvelles technologies, cette jurisprudence est encore plus justifiée s’agissant d’une prestation financière comme l’indemnité de dépaysement, en raison notamment de la finalité de cette indemnité, comparée à celle de l’indemnité d’expatriation que le requérant perçoit, destinée à compenser les désavantages que les fonctionnaires subissent en raison de leur statut d’étranger (à titre d’exemple, arrêt de la Cour du 16 octobre 1980, Hochstrass/Cour de justice, 147/79, point 12).

38      Dès lors, le premier moyen du requérant est à écarter.

 Sur le second moyen, tiré de la violation du principe de protection de la confiance légitime

39      Selon le requérant, le fait que l’octroi de l’indemnité de dépaysement lui avait été confirmé par plusieurs décisions successives, sans jamais avoir été remis en cause, alors que tous les éléments factuels de son dossier étaient déjà connus de l’administration, a créé une confiance légitime dans son chef quant à son droit à cette indemnité. La Commission réfute le second moyen soulevé par le requérant, en expliquant, par ailleurs, la suppression tardive du bénéfice de l’indemnité de dépaysement par un malentendu concernant le lieu où le requérant avait obtenu son baccalauréat ; en effet, le requérant avait été scolarisé à l’école française de Bruxelles, mais son baccalauréat avait été délivré par [donnée personnelle] (France) dont dépendait l’établissement scolaire en question, ce qui avait amené la Commission à considérer que le lieu de résidence habituelle du requérant pouvait être situé en France.

40      Le second moyen du requérant ne saurait non plus prospérer, les conditions posées par la jurisprudence et donnant le droit de réclamer la protection de la confiance légitime (arrêts du Tribunal de première instance du 27 février 1996, Galtieri/Parlement, T‑235/94, points 63 et 65, et du 16 mars 2005, Ricci/Commission, T‑329/03, point 79 ; arrêts du Tribunal de la fonction publique du 21 février 2008, Skoulidi/Commission, F‑4/07, point 79, et du 4 novembre 2008, Van Beers/Commission, F‑126/07, point 70) n’étant pas remplies en l’espèce, faute d’assurances précises, inconditionnelles et concordantes fournies au requérant par l’administration.

41      En effet, le paiement à l’intéressé de prestations pécuniaires par l’administration, même pendant plusieurs années, ne peut en lui-même être considéré comme une assurance précise, inconditionnelle et concordante au sens de la jurisprudence citée au point précédent, car, si tel était le cas, toute décision de l’administration qui refuserait pour l’avenir, et éventuellement pour le passé, le paiement de telles prestations versées indûment à l’intéressé pendant plusieurs années serait systématiquement annulée par le juge de l’Union sur la base de la violation du principe de confiance légitime et aurait ainsi pour conséquence de faire perdre, en grande partie, notamment, l’effet utile de l’article 85 du statut relatif à la répétition de l’indu (arrêt du Tribunal de la fonction publique du 1er juillet 2010, Mandt/Parlement, F‑45/07, point 125).

42      Ainsi, le moyen tiré de la violation du principe de confiance légitime doit aussi être écarté, étant par ailleurs rappelé que la Commission a décidé de ne pas procéder à la répétition de l’indu pour les montants perçus par le requérant pendant quatre ans au titre de l’indemnité de dépaysement (voir point 10 du présent arrêt).

43      Au vu de tout ce qui précède, le recours doit être rejeté dans son ensemble.

 Sur les dépens

44      Aux termes de l’article 87, paragraphe 1, du règlement de procédure, sous réserve des autres dispositions du chapitre huitième du titre deuxième dudit règlement, toute partie qui succombe est condamnée aux dépens, s’il est conclu en ce sens. En vertu du paragraphe 2 du même article, le Tribunal peut décider, lorsque l’équité l’exige, qu’une partie qui succombe n’est condamnée que partiellement aux dépens, voire qu’elle ne doit pas être condamnée à ce titre.

45      Il résulte des motifs énoncés ci-dessus que le requérant a succombé en son recours. En outre, la Commission a, dans ses conclusions, expressément demandé que le requérant soit condamné aux dépens. Les circonstances de l’espèce ne justifiant pas l’application des dispositions de l’article 87, paragraphe 2, du règlement de procédure, il y a donc lieu de condamner le requérant à l’ensemble des dépens.

Par ces motifs,

LE TRIBUNAL DE LA FONCTION PUBLIQUE
(deuxième chambre)

déclare et arrête :

1)      Le recours de VE est rejeté.

2)      VE supporte l’ensemble des dépens.

Tagaras

Van Raepenbusch

Rofes i Pujol

Ainsi prononcé en audience publique à Luxembourg, le 15 mars 2011.

Le greffier

 

      Le président

W. Hakenberg

 

      H. Tagaras


* Langue de procédure : le français.


i      Conformément à la réglementation en matière de protection des données à caractère personnel dans le cadre des fonctions juridictionnelles du Tribunal, des données tenant notamment à l’identité d’une partie ont été occultées dans la version publique de l’arrêt par décision du greffier et remplacées notamment par la mention « [donnée personnelle] ».