Language of document : ECLI:EU:T:2014:88

DOCUMENT DE TRAVAIL

ARRÊT DU TRIBUNAL (sixième chambre)

27 février 2014 (*) (1)

« Concurrence – Ententes – Marché mondial des écrans d’affichage à cristaux liquides (LCD) – Accords et pratiques concertées en matière de prix et de capacités de production – Ventes internes – Droits de la défense – Amendes – Immunité partielle d’amende – Infraction unique et continue – Principe ne bis in idem »

Dans l’affaire T‑128/11,

LG Display Co. Ltd, établie à Séoul (Corée du Sud),

LG Display Taiwan Co. Ltd, établie à Taipei (Taïwan),

représentées par Mes A. Winckler et F.-C. Laprévote, avocats,

parties requérantes,

contre

Commission européenne, représentée par MM. P. Van Nuffel et F. Ronkes Agerbeek, en qualité d’agents, assistés de Mme S. Kingston, barrister,

partie défenderesse,

ayant pour objet une demande d’annulation partielle de la décision C (2010) 8761 final de la Commission, du 8 décembre 2010, relative à une procédure d’application de l’article 101 [TFUE] et de l’article 53 de l’accord sur l’Espace économique européen (affaire COMP/39.309 – LCD), et de réduction du montant de l’amende infligée aux requérantes par cette décision,

LE TRIBUNAL (sixième chambre),

composé de MM. H. Kanninen, président, G. Berardis (rapporteur) et C. Wetter, juges,

greffier : M. N. Rosner, administrateur,

vu la procédure écrite et à la suite de l’audience du 26 avril 2013,

rend le présent

Arrêt

 Antécédents du litige

 Sociétés en cause dans la présente affaire

1        LG Display Co. Ltd (ci-après « LGD »), antérieurement dénommée LG Philips LCD Co. Ltd, est une société de droit coréen qui contrôle un groupe de sociétés établies dans le monde entier et actives dans la production d’écrans d’affichage à cristaux liquides à matrice active (ci-après les « LCD »).

2        LGD a été créée, le 26 juillet 1999, par un accord d’entreprise commune passé entre la société de droit coréen LG Electronics, Inc. (ci-après « LGE »), et la société de droit néerlandais Koninklijke Philips Electronics NV (ci-après « Philips »).

3        Pendant la période comprise entre le 26 juillet 1999 et le 23 juillet 2004, LGE et Philips détenaient chacune 50 % du capital de LGD. Ensuite, leurs participations respectives sont descendues à 37,9 % et à 32,87 %.

4        LG Display Taiwan Co. Ltd, antérieurement dénommée LG Philips LCD Taiwan (ci-après « LGDT »), est une société de droit taïwanais, filiale à 100 % de LGD, active dans la production et la fourniture de LCD.

 Procédure administrative

5        Au printemps de 2006, la société de droit coréen Samsung Electronics Co., Ltd (ci-après « Samsung »), a présenté à la Commission des Communautés européennes une demande visant à obtenir une immunité d’amende au titre de la communication de la Commission sur l’immunité d’amendes et la réduction de leur montant dans les affaires portant sur des ententes (JO 2002, C 45, p. 3, ci-après la « communication sur la clémence de 2002 »).

6        À cette occasion, Samsung a dénoncé l’existence d’une entente entre plusieurs entreprises, dont les requérantes, LGD et LGDT, concernant certains types de LCD.

7        Le 17 juillet 2006, LGD a, elle aussi, présenté à la Commission une demande d’immunité d’amende au titre de la communication sur la clémence de 2002.

8        Le 23 novembre 2006, la Commission a accordé à Samsung l’immunité conditionnelle, conformément au paragraphe 15 de la communication sur la clémence de 2002, alors qu’elle l’a refusée à LGD.

9        Le 27 mai 2009, la Commission a engagé la procédure administrative et adopté une communication des griefs, conformément à l’article 10 du règlement (CE) n° 773/2004 de la Commission, du 7 avril 2004, relatif aux procédures mises en œuvre par la Commission en application des articles 81 [CE] et 82 [CE] (JO L 123, p. 18). Cette communication des griefs était adressée à seize sociétés, dont les requérantes ainsi que LGE et Philips. À cet égard, aux considérants 281 à 285 de la communication des griefs, la Commission a notamment rappelé que, selon la jurisprudence, premièrement, les dispositions du droit de l’Union européenne relatives à la concurrence reconnaissaient que différentes sociétés appartenant à un même groupe constituaient une entité économique, et donc une entreprise au sens des articles 81 CE et 82 CE, si les sociétés concernées ne déterminaient pas de façon autonome leur comportement sur le marché (arrêt du Tribunal du 30 septembre 2003, Michelin/Commission, T‑203/01, Rec. p. II‑4071, point 290), deuxièmement, il suffisait que la Commission prouvât que la totalité du capital d’une filiale était détenue par sa société mère pour que la présomption que cette dernière exerçait une influence déterminante sur le comportement de la filiale sur le marché fût établie (arrêt du Tribunal du 31 mars 2009, ArcelorMittal Luxembourg e.a./Commission, T‑405/06, Rec. p. II‑771, point 91) et, troisièmement, que cette présomption pouvait valoir même dans l’hypothèse où le capital d’une société était détenu à concurrence de 50 % par deux autres sociétés (voir, en ce sens, arrêt du Tribunal du 27 septembre 2006, Avebe/Commission, T‑314/01, Rec. p. II‑3085, point 138). Ensuite, aux considérants 311 à 319 de la communication des griefs, la Commission a expliqué les raisons pour lesquelles, en application de la jurisprudence susmentionnée, LGE et Philips devaient être tenues pour solidairement responsables des infractions commises par les requérantes.

10      À la communication des griefs était annexé un CD-Rom, qui contenait les parties accessibles du dossier de la Commission. Les destinataires de la communication des griefs ont fait usage de leur droit d’accès aux parties du dossier de la Commission qui n’étaient disponibles que dans les locaux de la Commission.

11      Les destinataires de la communication des griefs ont fait connaître à la Commission, par écrit, leur point de vue sur les objections soulevées à leur égard dans le délai prescrit.

12      LGD a contesté le fait que l’exercice de l’accès au dossier garantissait adéquatement la protection de ses droits de la défense, au motif qu’elle ne disposait pas d’informations complètes, ni sur l’identité de la partie qui avait soumis chaque document ni sur la date de son dépôt. Elle a également affirmé que, en acceptant de façon disproportionnée des revendications de confidentialité, la Commission avait appliqué des limitations excessives à l’égard des documents de Samsung. Par ailleurs, LGD a fait observer que des documents manquaient dans le dossier.

13      Plusieurs destinataires de la communication des griefs, dont les requérantes, ont exercé leur droit d’être entendus oralement, lors de l’audition tenue les 22 et 23 septembre 2009.

14      À cette occasion, LGD a annoncé son intention d’introduire une demande au titre du paragraphe 23, sous b), dernier alinéa, de la communication sur la clémence de 2002, pour laquelle elle avait besoin d’autres informations se trouvant dans le dossier. Grâce à l’intervention du conseiller-auditeur, LGD a obtenu d’autres renseignements et a présenté, le 1er février 2010, une demande, fondée sur ladite disposition de la communication sur la clémence de 2002, par laquelle elle sollicitait l’immunité partielle pour sa participation à l’entente en 2005 et 2006 (ci-après la « demande d’immunité partielle »).

15      Par demande de renseignements du 4 mars 2010 (ci-après la « demande de renseignements » et par un courrier du 6 avril 2010 complémentaire à celle-ci (ci-après le « courrier complémentaire »), les parties ont été notamment invitées à soumettre les données relatives à la valeur des ventes qui seraient prises en considération pour le calcul du montant de base des amendes et à présenter leurs observations sur cette question.

16      LGD a fourni les données la concernant par lettre du 21 avril 2010.

 Décision attaquée

17      Le 8 décembre 2010, la Commission a adopté la décision C (2010) 8761 final, relative à une procédure d’application de l’article 101 [TFUE] et de l’article 53 de l’accord sur l’Espace économique européen (affaire COMP/39.309 – LCD) (ci-après la « décision attaquée »), dont un résumé est publié au Journal officiel de l’Union européenne du 7 octobre 2011 (JO C 295, p. 8).

18      La décision attaquée est adressée à six des seize sociétés destinataires de la communication des griefs, dont les requérantes ainsi que Samsung. En revanche, LGE et Philips ne sont plus visées.

19      Dans la décision attaquée, la Commission a constaté l’existence d’une entente parmi six grands fabricants internationaux de LCD, dont les requérantes, en ce qui concerne les deux catégories suivantes de ces produits, de taille égale ou supérieure à douze pouces : les LCD pour les technologies de l’information, tels que ceux pour les ordinateurs portables compacts et les moniteurs d’ordinateurs, et les LCD pour les téléviseurs (ci-après, pris ensemble, les « LCD cartellisés »).

20      Selon la décision attaquée, cette entente a pris la forme d’une infraction unique et continue à l’article 101 TFUE et à l’article 53 de l’accord sur l’Espace économique européen (EEE), laquelle s’est déroulée entre le 5 octobre 2001 et le 1er février 2006 (ci-après la « période infractionnelle »), à tout le moins. Pendant cette période, les participants à l’entente ont tenu de nombreuses réunions multilatérales, qu’ils appelaient « réunions Cristal », principalement dans des hôtels de Taïwan. Ces réunions avaient un objet clairement anticoncurrentiel, dès lors qu’elles étaient l’occasion pour les participants, notamment, de fixer des prix minimaux pour les LCD cartellisés, de discuter de leurs projections de prix pour en éviter la diminution et de coordonner les augmentations de prix ainsi que les niveaux de production. Au cours de la période infractionnelle, les participants à l’entente se sont également rencontrés de manière bilatérale et se sont fréquemment échangé des informations sur les sujets traités lors des « réunions Cristal ». Ils ont par ailleurs pris des mesures afin de vérifier si les décisions adoptées lors de ces réunions étaient appliquées (considérants 70 à 74 de la décision attaquée).

21      Pour la fixation des amendes infligées par la décision attaquée, la Commission a utilisé les lignes directrices pour le calcul des amendes infligées en application de l’article 23, paragraphe 2, sous a), du règlement (CE) n° 1/2003 (JO 2006, C 210, p. 2, ci-après les « lignes directrices de 2006 »).

22      En application des lignes directrices de 2006, premièrement, la Commission a défini la valeur des ventes de LCD cartellisés directement ou indirectement concernées par l’infraction. À cette fin, elle a établi les trois catégories suivantes de ventes effectuées par les participants à l’entente :

–        « ventes EEE directes », à savoir ventes de LCD cartellisés à une autre entreprise au sein de l’EEE ;

–        « ventes EEE directes par l’intermédiaire de produits transformés », à savoir ventes de LCD cartellisés intégrés, au sein du groupe dont relève le producteur, dans des produits finis qui sont vendus à une autre entreprise au sein de l’EEE ;

–        « ventes indirectes », à savoir ventes de LCD cartellisés à une autre entreprise située en dehors de l’EEE, laquelle incorpore ensuite les écrans dans des produits finis qu’elle vend dans l’EEE (considérant 380 de la décision attaquée).

23      Cependant, la Commission a estimé qu’elle pouvait se limiter à prendre en compte les deux premières catégories mentionnées au point 22 ci-dessus, l’inclusion de la troisième catégorie n’étant pas nécessaire pour que les amendes infligées pussent atteindre un niveau dissuasif suffisant (considérant 381 de la décision attaquée).

24      Au lieu d’utiliser la valeur des ventes réalisées par une entreprise au cours de la dernière année complète de sa participation à l’infraction, comme cela est normalement prévu au paragraphe 13 des lignes directrices de 2006, la Commission a considéré comme plus adéquat d’utiliser, en l’espèce, la valeur annuelle moyenne des ventes pendant la durée complète de l’infraction, compte tenu notamment de la croissance exponentielle des ventes de la plupart des entreprises concernées au cours des années visées par la décision attaquée (considérant 384 de la décision attaquée).

25      S’agissant des requérantes, la Commission, malgré les objections de celles-ci, a considéré que la valeur des ventes pertinentes devait être calculée en tenant compte également de leurs ventes à LGE et à Philips. En effet, d’une part, les ventes à ces dernières sociétés auraient été elles aussi visées par les discussions entre les participants à l’entente en cause et, d’autre part, le prix concernant ces ventes aurait été influencé par les circonstances qui caractérisaient le marché, à savoir l’existence de prix cartellisés. Ainsi, pour les requérantes, le total des ventes pertinentes effectuées pendant la période infractionnelle a été fixé à 2 296 240 479 euros, dont la moyenne annuelle, obtenue en divisant ledit montant par la durée de l’entente égale à 4,33 ans, équivalait à 530 309 579 euros (considérants 386 et 396 ainsi que tableau n° 4 de la décision attaquée).

26      Deuxièmement, la Commission a observé que, compte tenu de la gravité de l’infraction commise, il convenait de fixer à 16 % la proportion de la valeur des ventes des produits en cause à retenir pour le calcul du montant de base de l’amende, et ce pour tous les participants à l’entente (considérant 416 de la décision attaquée).

27      Troisièmement, la Commission a appliqué aux requérantes un facteur de multiplication relatif à la durée de l’infraction égal à 4,16, au motif que la participation à l’infraction de ces deux sociétés devait être considérée comme s’étant arrêtée le 31 décembre 2005, en raison de l’immunité partielle que la Commission avait l’intention de leur accorder pour l’année 2006 (considérants 417 et 418 ainsi que le tableau n° 5 de la décision attaquée).

28      Quatrièmement, la Commission a estimé que les circonstances de l’espèce justifiaient d’inclure dans le montant de base de l’amende une majoration égale à 16 % de la valeur moyenne des ventes pertinentes, pour en assurer l’effet dissuasif, conformément au paragraphe 25 des lignes directrices de 2006, et ce pour tous les participants à l’entente. La Commission a ainsi rejeté les arguments des requérantes à l’encontre de cette majoration, relatifs notamment au fait que leurs ventes à LGE et à Philips, d’une part, n’engendraient aucun bénéfice illicite, en raison de leur caractère captif, et, d’autre part, n’étaient pas influencées par l’entente, ainsi que l’aurait démontré l’étude économétrique qu’elles avaient produite (considérants 419 à 424 de la décision attaquée).

29      Cinquièmement, la Commission n’a retenu de circonstances aggravantes ou atténuantes à l’égard d’aucun des participants à l’entente. Ainsi, la Commission a notamment rejeté les arguments des requérantes relatifs au fait que leur coopération devait être prise en compte non seulement dans le cadre de l’application de la communication sur la clémence de 2002, mais également en tant que circonstance atténuante au sens des lignes directrices de 2006 (considérants 426 à 428, 440 et 441 de la décision attaquée).

30      Sixièmement, en application de la communication sur la clémence de 2002, la Commission a, tout d’abord, confirmé l’immunité totale accordée à Samsung. Ensuite, elle a réduit de 50 % le montant de l’amende à infliger aux requérantes, en raison des éléments de preuve qu’elles avaient apportés et qui avaient une valeur ajoutée significative par rapport à ceux dont la Commission disposait déjà, conformément au paragraphe 21 et au paragraphe 23, sous b), premier tiret, de la communication sur la clémence de 2002. Enfin, elle a accueilli la demande d’immunité partielle des requérantes, mais uniquement en ce qui concernait l’année 2006. En effet, selon la Commission, ce n’était que par rapport à cette dernière année que les informations fournies par les requérantes constituaient des éléments de preuve de faits précédemment ignorés par la Commission. En revanche, s’agissant de l’année 2005, les informations fournies par les requérantes s’ajoutaient à celles que la Commission avait déjà reçues de Samsung et n’avaient donc pas trait à des faits que cette institution ignorait précédemment (considérants 455 à 467 de la décision attaquée).

31      Sur la base de ces considérations, la Commission, à l’article 2 de la décision attaquée, a condamné solidairement les requérantes au paiement d’une amende de 215 000 000 euros.

 Procédure et conclusions des parties

32      Par requête déposée au greffe du Tribunal le 23 février 2011, les requérantes ont introduit le présent recours.

33      Après que la Commission a déposé sa duplique, le 8 décembre 2011, les requérantes ont présenté une offre de preuve supplémentaire, sur le fondement de l’article 48, paragraphe 1, du règlement de procédure du Tribunal, à l’appui du quatrième moyen soulevé dans leur requête (ci-après l’« offre de preuve supplémentaire »).

34      La Commission a déposé ses observations sur l’offre de preuve supplémentaire le 26 janvier 2012.

35      Sur rapport du juge rapporteur, le Tribunal (sixième chambre) a décidé d’ouvrir la procédure orale et, dans le cadre des mesures d’organisation de la procédure prévues à l’article 64 du règlement de procédure, a posé par écrit des questions aux parties, lesquelles y ont répondu dans le délai imparti.

36      Les parties ont été entendues en leurs plaidoiries et en leurs réponses aux questions orales posées par le Tribunal lors de l’audience du 26 avril 2013.

37      À la suite de celle-ci, la procédure orale ayant été laissée ouverte, le Tribunal a posé par écrit d’autres questions aux parties, lesquelles y ont répondu dans les délais impartis.

38      La procédure orale a été clôturée par décision du président de la sixième chambre du Tribunal du 12 juillet 2013.

39      Les requérantes concluent à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        annuler partiellement la décision attaquée et réduire substantiellement le montant de l’amende qui leur a été infligée en vertu de cette décision ;

–        condamner la Commission aux dépens ;

–        décider de toute autre mesure qu’il considérera comme appropriée.

40      La Commission conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        rejeter le recours ;

–        condamner les requérantes aux dépens.

 En droit

41      Les requérantes ne remettent pas en cause les constatations de fait effectuées par la Commission dans la décision attaquée. En revanche, elles soutiennent que la Commission a commis un certain nombre d’erreurs juridiques graves, en raison desquelles le montant de l’amende qui leur a été imposée est inique et injustifié.

42      À l’appui de leur recours, les requérantes invoquent quatre moyens, tirés :

–        le premier, du fait que la Commission aurait, à tort et en violation de leurs droits de la défense, inclus leurs ventes internes dans le calcul du montant de l’amende ;

–        le deuxième, du fait que la Commission aurait à tort refusé de leur accorder une immunité d’amende pour l’année 2005 ;

–        le troisième, du fait que la Commission aurait à tort refusé de considérer leur coopération comme une circonstance atténuante aux fins du calcul du montant de l’amende ;

–        le quatrième, de l’exclusion de la procédure des fournisseurs japonais de LCD.

43      À titre liminaire, en ce qui concerne le troisième chef de conclusions de la requérante, le Tribunal estime que l’instruction du dossier ne nécessite l’adoption d’aucune mesure autre que celles indiquées aux points 35 et 37 ci-dessus.

 Sur le premier moyen, tiré du fait que la Commission aurait, à tort et en violation des droits de la défense des requérantes, inclus leurs ventes internes dans le calcul du montant de l’amende

44      Par leur premier moyen, les requérantes contestent, sous plusieurs aspects, le fait que la Commission a inclus, dans le calcul de la valeur des ventes pertinentes aux fins de la fixation du montant de l’amende les concernant, les ventes qu’elles ont faites à LGE et à Philips. À cet égard, les requérantes font remarquer que, par ce biais, la Commission a augmenté d’environ 500 % le montant de l’amende qu’elle leur a infligée, dès lors que les ventes des requérantes auxdites sociétés représentaient 81 % de la valeur utilisée par la Commission pour le calcul du montant de base de l’amende, au sens des lignes directrices de 2006.

45      Le présent moyen se compose, en substance, de quatre branches, relatives :

–        la première, à la violation des lignes directrices de 2006 ;

–        la deuxième, à la violation des droits de la défense ;

–        la troisième, à la violation du principe d’égalité de traitement ;

–        la quatrième, invoquée à titre subsidiaire, à l’absence de preuve apportée au soutien du fait que les ventes des requérantes à LGE ont été visées par l’infraction.

 Sur la première branche, relative à la violation des lignes directrices de 2006

46      Dans le cadre de la première branche du premier moyen, les requérantes critiquent, d’une part, le manque de cohérence des définitions des ventes contenues dans la décision attaquée (voir point 22 ci-dessus) et, d’autre part, le bien-fondé de la prise en compte par la Commission des ventes aux entreprises liées aux requérantes.

–       Sur le prétendu manque de cohérence des définitions des ventes contenues dans la décision attaquée

47      Les requérantes font valoir que les définitions des ventes pertinentes contenues dans la décision attaquée manquent de clarté et sont contradictoires. Par ailleurs, ces définitions ne correspondraient pas à celles utilisées pendant la procédure administrative, même pas à celles contenues dans la demande de renseignements et dans le courrier complémentaire (voir point 15 ci-dessus). En outre, les requérantes soutiennent que, conformément à la pratique antérieure de la Commission, seules les ventes aux clients indépendants ont un lien avec l’infraction et doivent ainsi être prises en compte, en application des lignes directrices de 2006.

48      Il convient de rappeler que, selon le paragraphe 13 des lignes directrices de 2006, « en vue de déterminer le montant de base de l’amende à infliger, la Commission utilise la valeur des ventes de biens ou services, réalisées par l’entreprise, en relation directe ou indirecte avec l’infraction, dans le secteur géographique concerné à l’intérieur du territoire de l’EEE ».

49      Il doit être observé que, au considérant 380 de la décision attaquée, la Commission a défini les catégories de ventes exposées au point 22 ci-dessus.

50      Bien que les dénominations de ces catégories diffèrent partiellement de celles contenues dans la demande de renseignements et dans le courrier complémentaire, il n’en demeure pas moins que le contenu de ces définitions est resté le même.

51      En effet, il y a lieu de relever que, dans la demande de renseignements, les « ventes EEE directes » étaient définies comme toutes les ventes de LCD cartellisés faites à des tiers indépendants dans l’EEE par l’une des entités juridiques directement ou indirectement contrôlées par LGD.

52      Cette même demande de renseignements définissait également les « ventes EEE indirectes », qui sont devenues, dans la décision attaquée, les « ventes EEE directes par l’intermédiaire de produits transformés », comme étant les ventes dans lesquelles, d’une part, les LCD cartellisés étaient transférés à d’autres sociétés du groupe dont relevaient les requérantes pour être transformés en un autre produit, tel qu’un ordinateur portable, un écran pour un ordinateur fixe ou un téléviseur, et, d’autre part, la première vente des produits transformés, intégrant les LCD cartellisés, à une société tierce indépendante, était faite dans l’EEE par n’importe quelle entité directement ou indirectement contrôlée par un participant à l’entente.

53      Le but poursuivi par la Commission avec l’emploi de ces catégories était de tenir compte tant des ventes effectuées par les entreprises verticalement intégrées que de celles effectuées par les autres entreprises.

54      À cet égard, il convient de rappeler que, selon une jurisprudence constante, la notion d’entreprise désigne, dans le contexte du droit de la concurrence, toute entité exerçant une activité économique, indépendamment du statut juridique de cette entité et de son mode de financement. Cette notion doit être comprise comme désignant une unité économique, même si, du point de vue juridique, cette unité économique est constituée de plusieurs personnes physiques ou morales (arrêts de la Cour du 12 juillet 1984, Hydrotherm Gerätebau, 170/83, Rec. p. 2999, point 11, et du 29 mars 2011, ArcelorMittal Luxembourg/Commission et Commission/ArcelorMittal Luxembourg e.a., C‑201/09 P et C‑216/09 P, Rec. p. I‑2239, point 95).

55      C’est à la lumière de cette notion qu’il convient de comprendre le concept de « vente réelle », qui sous-tend les catégories de ventes utilisées par la Commission dans la décision attaquée.

56      Ainsi qu’il ressort notamment des considérants 9 et 381 de la décision attaquée, le concept de « vente réelle » vise, en premier lieu, la situation dans laquelle les LCD cartellisés fabriqués par l’un des participants à l’entente ont été vendus en tant que tels à des tiers indépendants dans l’EEE et, en second lieu, celle dans laquelle les LCD cartellisés fabriqués par l’un des participants à l’entente ont d’abord été transférés à des sociétés, le cas échéant des filiales, faisant partie de la même entreprise que celle participant à l’entente, lesquelles ont intégré les LCD cartellisés dans des produits finis qu’elles ont finalement vendus dans l’EEE à des tiers indépendants. En ce qui concerne cette seconde situation, la Commission a relevé à bon droit que ce n’est qu’au moment de la vente à un tiers indépendant du produit fini contenant un LCD cartellisé qu’il peut être considéré qu’une « vente réelle » de ce LCD a eu lieu. En revanche, aucun rôle ne peut être attribué au fait que, au sein de la même entreprise, plusieurs sociétés interviennent dans les opérations qui se terminent par la vente à un tiers indépendant d’un produit fini qui contient un LCD cartellisé.

57      Enfin, au vu du concept de « vente réelle », contrairement à ce que prétendent les requérantes, les définitions mentionnées au considérant 380 de la décision attaquée ne sont pas en contradiction avec les affirmations figurant à d’autres considérants de celle-ci. En effet, si le considérant 50 de la décision attaquée mentionne les ventes de produits finis, intégrant les LCD cartellisés, faites dans l’EEE par des filiales des participants à l’entente, cette mention est compatible avec les définitions contenues au considérant 380 de ladite décision, lues à la lumière du concept de « vente réelle », qui a été expliqué aux considérants 9 et 381 de la décision attaquée et dont il convient de confirmer le bien-fondé.

58      Il ressort de ce qui précède que les arguments des requérantes concernant les définitions des ventes énoncées au considérant 380 de la décision attaquée ne sont pas fondés.

59      Dans ces circonstances, il n’est pas nécessaire de se prononcer sur la question de savoir si, comme le soutient la Commission, le fait que, selon le considérant 16 de la décision attaquée, la catégorie des « ventes EEE directes par l’intermédiaire de produits transformés » n’a pas été appliquée aux requérantes rend ces dernières irrecevables à contester le bien-fondé de cette catégorie [voir, par analogie, arrêts de la Cour du 26 février 2002, Conseil/Boehringer, C‑23/00 P, Rec. p. I‑1873, point 52 ; du 23 mars 2004, France/Commission, C‑233/02, Rec. p. I‑2759, point 26, et du Tribunal du 11 juin 2009, Guedes – Indústria e Comércio/OHMI – Espai Rural de Gallecs (Gallecs), T‑151/08, non publié au Recueil, point 70].

–       Sur la prise en compte des ventes aux entreprises liées aux requérantes

60      Les requérantes font valoir, en substance, que le fait qu’elles ne forment pas une entreprise unique avec LGE et Philips au sens de la jurisprudence rappelée au point 54 ci-dessus, s’il a pour conséquence que ces dernières ne peuvent pas être considérées comme étant solidairement et conjointement responsables de l’infraction commise par les requérantes, est dépourvu de pertinence afin d’établir si les LCD cartellisés que les requérantes ont vendus à LGE et à Philips relevaient des ventes en relation avec l’infraction constatée dans la décision attaquée, au sens du paragraphe 13 des lignes directrices de 2006.

61      À cet égard, il y a lieu d’observer que la Commission n’a pas prétendu que les ventes des requérantes à LGE et à Philips étaient concernées par l’infraction du simple fait qu’il ne s’agissait pas de ventes entre des sociétés faisant partie d’une entreprise unique, au sens de la jurisprudence rappelée au point 54 ci-dessus.

62      En effet, le fait que, dans la décision attaquée, la Commission n’a pas constaté que les requérantes, LGE et Philips formaient une entreprise unique était une condition nécessaire pour inclure les ventes des requérantes à LGE et à Philips dans la catégorie des « ventes EEE directes », laquelle présuppose que les ventes en question se fassent à des tiers indépendants. Cependant, la Commission n’en était pas moins tenue d’expliquer quel était le lien des ventes des requérantes à LGE et à Philips avec l’entente.

63      À ce sujet, la Commission, au considérant 396 de la décision attaquée, a estimé que ce lien consistait dans le fait que, premièrement les ventes de LCD cartellisés aux clients, tels que LGE et Philips, qui étaient liés aux participants à l’entente, faisaient partie des discussions entre ceux-ci et, deuxièmement, le prix des ventes à ces clients était influencé par les circonstances qui caractérisaient le marché, à savoir l’existence de prix cartellisés.

64      Il convient de vérifier si cette explication est fondée, en commençant par son second volet.

65      À cet égard, il convient d’observer, tout d’abord, qu’il ne ressort pas du paragraphe 13 des lignes directrices de 2006 que seule la valeur des ventes résultant des transactions réellement affectées par les pratiques infractionnelles peut être prise en considération pour calculer la valeur des ventes pertinente (voir, en ce sens, arrêt du Tribunal du 16 juin 2011, Putters International/Commission, T‑211/08, Rec. p. II‑3729, point 58).

66      La formulation de cette disposition vise, en effet, les ventes réalisées sur le marché pertinent, concerné par l’infraction. A fortiori, ledit point ne vise pas que les cas pour lesquels la Commission dispose de preuves documentaires de l’infraction (voir, en ce sens, arrêt Putters International/Commission, précité, point 59).

67      Cette interprétation est confortée par l’objectif des règles de concurrence de l’Union. En effet, l’interprétation proposée par les requérantes signifierait que, pour déterminer le montant de base des amendes à infliger dans les affaires portant sur des ententes, la Commission serait obligée dans chaque cas d’établir quelles sont les ventes individuelles qui ont été affectées par l’entente. Une telle obligation n’a jamais été imposée par les juridictions de l’Union et rien n’indique que la Commission avait l’intention de s’imposer une telle obligation dans les lignes directrices de 2006 (arrêt Putters International/Commission, précité, point 60).

68      En outre, il résulte d’une jurisprudence constante que la part du chiffre d’affaires provenant des marchandises faisant l’objet de l’infraction est de nature à donner une juste indication de l’ampleur d’une infraction sur le marché concerné. En particulier, le chiffre d’affaires réalisé sur les produits ayant fait l’objet d’une pratique restrictive constitue un élément objectif qui donne une juste mesure de la nocivité de cette pratique pour le jeu normal de la concurrence (arrêt Putters International/Commission, précité, point 61 ; voir également, en ce sens, arrêt de la Cour du 7 juin 1983, Musique Diffusion française e.a./Commission, 100/80 à 103/80, Rec. p. 1825, point 121, et arrêt du Tribunal du 11 mars 1999, British Steel/Commission, T‑151/94, Rec. p. II‑629, point 643).

69      En l’espèce, il est évident que les ventes de LCD cartellisés que les requérantes ont faites à LGE et à Philips ont été réalisées sur le marché concerné par l’infraction.

70      Dès lors qu’un produit faisant l’objet d’une entente est vendu dans le marché intérieur, le jeu de la concurrence au sein de celui-ci est faussé et la Commission doit en tenir compte dans le calcul du montant de l’amende qu’elle inflige à l’entreprise qui a tiré un bénéfice de cette vente. À cet égard, il importe de souligner que l’article 101 TFUE vise, à l’instar des autres règles de concurrence énoncées dans les traités, à protéger non pas uniquement les intérêts des concurrents ou des consommateurs, mais la structure du marché et, ce faisant, la concurrence en tant que telle (arrêts de la Cour du 4 juin 2009, T-Mobile Netherlands e.a., C‑8/08, Rec. p. I‑4529, point 38, et du 6 octobre 2009, GlaxoSmithKline Services e.a./Commission e.a., C‑501/06 P, C‑513/06 P, C‑515/06 P et C‑519/06 P, Rec. p. I‑9291, point 63). En l’espèce, l’origine de la distorsion de la concurrence dans le marché intérieur se trouve dans la vente des requérantes à LGE et à Philips.

71      Il s’ensuit que, contrairement à ce que prétendent les requérantes, il importe peu de savoir si LGE et Philips leur ont effectivement payé des prix majorés en raison de l’entente et si elles ont répercuté cette éventuelle majoration sur le prix des produits finis, intégrant les LCD cartellisés, qu’elles ont vendus au consommateur européen.

72      Il ressort de ce qui précède que la Commission était en droit de tenir compte des ventes des requérantes à LGE et à Philips, si bien que la première branche du premier moyen doit déjà être regardée comme non fondée, pour les raisons susmentionnées.

73      En tout état de cause, ainsi qu’il sera démontré ci-dessous, il résulte du dossier que les ventes de LCD cartellisés aux clients liés aux participants à l’entente avaient bien fait l’objet de discussions dans le cadre de celle-ci.

–       Sur la preuve du fait que les ventes aux clients liés aux participants à l’entente relevaient de l’objet de celle-ci

74      Il convient de rappeler que, au considérant 396 de la décision attaquée, la Commission a mentionné l’existence de règles générales relatives aux ventes aux clients liés et s’est référée aux documents mentionnés aux considérants 76 et 107 de cette décision.

75      Ainsi, en premier lieu, selon les notes prises par l’un des participants à l’entente, une société de droit taïwanais, lors d’une réunion s’étant tenue le 14 septembre 2001, il a été convenu de fixer la limite maximale des rabais sur les ventes internes aux groupes dont relevaient ces participants (considérant 76 de la décision attaquée).

76      En second lieu, il ressort des notes de ce même participant à l’entente relatives à la réunion ayant eu lieu le 15 novembre 2001 que, à cette occasion, plusieurs suggestions ont été formulées pour éviter la concurrence sur les prix, parmi lesquelles figurait l’invitation à réduire les cas exceptionnels, à savoir notamment ceux dus aux ventes aux clients stratégiques et aux clients internes de chaque participant (considérant 107 de la décision attaquée).

77      D’autres éléments prouvant que les prix des ventes aux clients liés étaient influencés par l’entente et discutés dans le cadre de celle-ci figurent à plusieurs endroits de la décision attaquée.

78      Premièrement, il ressort du tableau n° 2 ainsi que des considérants 88 et 89 de la décision attaquée que, entre les mois de janvier et de juin 2002, les ventes, par les requérantes, de certains LCD cartellisés se sont faites en très grande partie à des prix influencés par l’entente. Or, puisque les requérantes elles-mêmes ont admis qu’elles fournissaient plus de 50 % des achats de LGE et de Philips, voire presque 100 % pour certains produits, et que ces sociétés drainaient à elles deux environ 80 à 85 % des ventes des requérantes dans l’EEE, il doit être conclu que ces ventes se faisaient largement aux prix influencés par l’entente. Bien que, ainsi que les requérantes l’ont fait observer dans leur réponse écrite à une question du Tribunal, les prix appliqués par elles n’aient pas coïncidé exactement avec ceux décidés dans le cadre de l’entente, il y a lieu de constater que les prix appliqués par les requérantes ont suivi les mêmes tendances à la hausse que celles des prix décidés dans ledit cadre.

79      Deuxièmement, les notes de la réunion du 13 juin 2002 entre les requérantes et un autre participant à l’entente, mentionnées au considérant 132 de la décision attaquée et produites par la Commission à la demande du Tribunal, démontrent que les parties ont spécifiquement discuté du client Philips.

80      Troisièmement, un compte rendu, rédigé par les requérantes, de la « réunion Cristal » du 6 septembre 2005 mentionne Philips dans la liste des clients, après les informations sur les prix convenus (considérant 214 de la décision attaquée). Il en va de même pour deux comptes rendus de la « réunion Cristal » du 6 octobre 2005, le premier émanant vraisemblablement des requérantes et le second du participant à l’entente visé au point 75 ci-dessus (considérants 217 et 218 de la décision attaquée). Par ailleurs, les ventes d’un autre participant à l’entente à une société faisant partie de son groupe sont également mentionnées comme ayant été discutées lors de cette réunion.

81      Quatrièmement, le compte rendu de la « réunion Cristal » du 6 janvier 2006, présenté par le participant à l’entente visé au point 75 ci-dessus, mentionne Philips parmi les clients destinataires de ventes faites à des prix ayant été discutés entre les participants à l’entente, ainsi que l’affirme le considérant 226 de la décision attaquée. À cet égard, il convient de noter qu’il ressort de ce compte rendu que les ventes des requérantes à ce client se faisaient à des prix comparables à ceux pratiqués par d’autres participants. Il en va de même pour les ventes intragroupes d’un autre participant.

82      Il y a lieu de vérifier si les éléments de preuve décrits ci-dessus permettent de considérer que la Commission a établi que les ventes des requérantes à LGE et à Philips étaient influencées par l’infraction, ce que les requérantes contestent.

83      En ce qui concerne les notes relatives à la réunion du 14 septembre 2001, il convient d’observer, à l’instar des requérantes, que celle-ci se situe en dehors de la période infractionnelle, qui n’a débuté que le 5 octobre 2001. Dans ces circonstances, la Commission ne saurait se fonder sur ce document. Toutefois, cette circonstance n’est pas déterminante, pourvu que les autres éléments de preuve figurant dans la décision attaquée, qui ont trait à la période infractionnelle, soient suffisants pour étayer la conclusion de la Commission selon laquelle les ventes à des clients faisant partie de groupes dont relevaient les participants à l’entente étaient couvertes par celle-ci.

84      Quant aux comptes rendus, mentionnés ci-dessus, émanant du participant à l’entente visé au point 75 ci-dessus, la tentative des requérantes d’en réduire l’importance au motif qu’ils émanent d’un participant mineur à l’entente est vaine, dans la mesure où cette circonstance n’a aucune incidence sur la fiabilité de ces documents. Ainsi, ces comptes rendus permettent effectivement de corroborer la thèse de l’existence d’une règle selon laquelle les ventes internes aux groupes étaient affectées par l’entente, qu’il se fût agi des ventes des requérantes à LGE et à Philips ou d’autres ventes intragroupe.

85      Quant au fait, invoqué par les requérantes, que le compte rendu de la réunion du 15 novembre 2001 se réfère à une suggestion et non à une règle, il convient de rappeler que les participants contrôlaient si les décisions prises dans le cadre de l’entente étaient respectées et, dans la négative, réagissaient (voir considérants 103, 104, 106 et 107 de la décision attaquée). En outre et surtout, les données figurant au tableau n° 2 de la décision attaquée démontrent que ces prétendues simples suggestions ont été suivies.

86      Il est vrai que, comme le font remarquer les requérantes, la Commission ne dispose pas de preuve concernant spécifiquement les ventes internes effectuées pendant la période allant de juillet 2002 à septembre 2005. Cependant, par cet argument, les requérantes ne contestent pas que la Commission ait prouvé, à suffisance de droit, que l’entente avait duré pendant toute la période infractionnelle, mais se limitent à invoquer que, pour une partie de la durée totale de l’entente, la preuve n’a pas été apportée du fait que leurs ventes à LGE et à Philips étaient également visées. Or, la Commission n’était pas tenue d’apporter de preuves relatives à toutes les actions relevant de l’infraction pour toute la période retenue, pour autant que les différentes actions qui faisaient partie de cette infraction poursuivaient une seule finalité et s’inscrivaient dans le cadre d’une infraction à caractère unique et continu (voir, en ce sens, arrêt de la Cour du 21 septembre 2006, Technische Unie/Commission, C‑113/04 P, Rec. p. I‑8831, point 169), ce qui était le cas en l’espèce.

87      En ce qui concerne le compte rendu de la réunion du 6 janvier 2006, il y a lieu de rejeter l’allégation des requérantes selon laquelle ce document ne leur serait pas opposable au motif qu’elles ont obtenu l’immunité partielle pour l’année 2006. En effet, l’octroi de l’immunité partielle signifie que la Commission ne peut pas tenir compte de cette année pour fixer le montant de l’amende à infliger aux requérantes, et non également que les éléments de preuve attestant que les discussions de l’entente durant cette période ont porté notamment sur les prix facturés à Philips ne doivent pas être pris en compte afin d’établir quelles étaient les ventes concernées par l’entente pendant toute la période infractionnelle.

88      En ce qui concerne l’étude économétrique produite par les requérantes devant la Commission, qui démontrerait que les prix moyens de leurs ventes à LGE et à Philips étaient en moyenne inférieurs de 9 % à ceux demandés à leurs autres clients, il doit être observé que la Commission, notamment dans l’annexe II de la décision attaquée, a expliqué les raisons pour lesquelles les résultats de cette étude n’étaient pas fiables, sans que les requérantes invoquent le moindre argument pour démentir la thèse de la Commission.

89      Il ressort de ce qui précède que la Commission a prouvé à suffisance de droit que l’entente affectait également les ventes internes aux groupes, et donc celles des requérantes à LGE et à Philips.

90      Sur la base des considérations susmentionnées, la première branche du premier moyen doit être rejetée.

 Sur la deuxième branche, relative à la violation des droits de la défense

91      Les requérantes soutiennent que la Commission a violé leurs droits de la défense, au motif que la communication des griefs ne permettait pas de comprendre que leurs ventes vers LGE et Philips seraient incluses dans le calcul du montant de l’amende. Au vu de ses importantes conséquences sur le montant de l’amende, cette inclusion serait un paramètre essentiel du calcul effectué par la Commission, lequel aurait dû figurer dans la communication des griefs. En outre, la thèse même de la Commission, selon laquelle l’entente portait également sur les ventes faites par les participants à cette entente aux sociétés faisant partie de leurs groupes respectifs, démontrerait que ces ventes étaient un élément fondamental de l’infraction, qui aurait dû être mis en avant dans la communication des griefs. Cela serait d’autant plus vrai pour les requérantes, qui vendaient la plupart de leurs LCD au sein de leur groupe.

–       Observations liminaires

92      Il convient de rappeler que, selon une jurisprudence constante, la communication des griefs doit contenir un exposé des griefs libellés dans des termes suffisamment clairs, seraient-ils sommaires, pour permettre aux intéressés de prendre effectivement connaissance des comportements qui leur sont reprochés par la Commission et de faire valoir utilement leur défense avant que la Commission n’adopte une décision définitive. Cette exigence est respectée dès lors que ladite décision ne met pas à la charge des intéressés des infractions différentes de celles visées dans la communication des griefs et ne retient que des faits sur lesquels les intéressés ont eu l’occasion de s’expliquer (arrêt de la Cour du 31 mars 1993, Ahlström Osakeyhtiö e.a./Commission, C‑89/85, C‑104/85, C‑114/85, C‑116/85, C‑117/85 et C‑125/85 à C‑129/85, Rec. p. I‑1307, point 42 ; arrêts du Tribunal du 19 mars 2003, CMA CGM e.a./Commission, T‑213/00, Rec. p. II‑913, point 109, et du 14 avril 2011, Visa Europe et Visa International Service/Commission, T‑461/07, Rec. p. II‑1729, point 56).

93      S’agissant plus particulièrement du calcul du montant des amendes, il est également de jurisprudence constante que la Commission remplit son obligation de respecter le droit des entreprises d’être entendues, dès lors qu’elle indique expressément, dans la communication des griefs, qu’elle va examiner s’il convient d’infliger des amendes aux entreprises concernées et qu’elle énonce les principaux éléments de fait et de droit susceptibles d’entraîner une amende, tels que la gravité et la durée de l’infraction supposée et le fait d’avoir commis celle-ci « de propos délibéré ou par négligence ». Ce faisant, elle leur donne les éléments nécessaires pour se défendre non seulement contre la constatation d’une infraction, mais également contre le fait de se voir infliger une amende (arrêts de la Cour Musique Diffusion française e.a./Commission, précité, point 21, et du 24 septembre 2009, Erste Group Bank e.a./Commission, C‑125/07 P, C‑133/07 P, C‑135/07 P et C‑137/07 P, Rec. p. I‑8681, point 181 ; arrêt du Tribunal du 17 mai 2011, Arkema France/Commission, T‑343/08, Rec. p. II‑2287, point 54).

94      Il s’ensuit que, en ce qui concerne la détermination du montant des amendes, les droits de la défense des entreprises concernées sont garantis devant la Commission à travers la possibilité de faire des observations sur la durée, la gravité et la prévisibilité du caractère anticoncurrentiel de l’infraction (arrêts du Tribunal du 6 octobre 1994, Tetra Pak/Commission, T‑83/91, Rec. p. II‑755, point 235, et du 1er juillet 2009, ThyssenKrupp Stainless/Commission, T‑24/07, Rec. p. II‑2309, point 282).

95      En revanche, la Commission n’est pas obligée, dès lors qu’elle a indiqué les éléments de fait et de droit sur lesquels elle fonderait son calcul du montant des amendes, de préciser la manière dont elle se servirait de chacun de ces éléments pour la détermination du niveau de l’amende. En effet, donner des indications concernant le niveau des amendes envisagées, aussi longtemps que les entreprises n’ont pas été mises en mesure de faire valoir leurs observations sur les griefs retenus contre elles, reviendrait à anticiper de façon inappropriée la décision de la Commission (arrêts du Tribunal du 22 octobre 2002, Schneider Electric/Commission, T‑310/01, Rec. p. II‑4071, point 438 ; du 15 juin 2005, Tokai Carbon e.a./Commission, T‑71/03, T‑74/03, T‑87/03 et T‑91/03, non publié au Recueil, point 141, et du 14 décembre 2006, Raiffeisen Zentralbank Österreich e.a./Commission, T‑259/02 à T‑264/02 et T‑271/02, Rec. p. II‑5169, point 369).

–       Application au cas d’espèce

96      Les requérantes ne contestent pas que la communication des griefs a suffisamment décrit les produits faisant l’objet de l’entente, les acteurs du marché ainsi que le secteur concerné, ni qu’elle a précisé tant les principaux éléments de preuve sur lesquels la Commission envisageait de se fonder que la qualification juridique de ces éléments. En outre, la communication des griefs indiquait l’intention de la Commission d’infliger des amendes aux participants à l’entente (considérant 345 de la communication des griefs) et contenait ses avis sur la question de savoir si l’infraction avait été commise de propos délibéré ou par négligence (considérant 344 de la communication des griefs), sur la durée de l’infraction (considérants 336 à 339 de la communication des griefs) ainsi que sur les facteurs susceptibles d’être retenus pour évaluer la gravité de l’infraction. Conformément aux lignes directrices de 2006, ces facteurs englobaient la nature de l’infraction, la part de marché cumulée de toutes les entreprises concernées, l’étendue géographique de l’infraction ou la mise en œuvre ou non de celle-ci. À cet égard, la communication des griefs précisait notamment que les accords de fixation des prix comptaient, par leur nature même, parmi les infractions les plus graves à l’article 101 TFUE et à l’article 53 de l’accord EEE et que les participants s’étaient concertés pour mettre au point un projet secret et institutionnalisé destiné à restreindre la concurrence dans le secteur économique en cause, que l’entente concernait une part importante du secteur et était conçue, dirigée et encouragée aux plus hauts niveaux de chaque entreprise concernée et que l’entente avait une portée mondiale (considérants 347 et 348 de la communication des griefs).

97      En outre, il y a lieu d’observer, à titre principal, que, conformément à ce qui a été relevé aux points 65 à 72 ci-dessus, la possibilité pour la Commission d’inclure dans la valeur des ventes pertinentes aux fins du calcul du montant de l’amende les ventes de LCD cartellisés faites par les requérantes à LGE et à Philips ne dépend pas de la question de savoir si ces ventes se faisaient à des prix influencés par l’entente, mais du simple fait que celles-ci étaient réalisées sur un marché affecté par l’existence d’une entente à laquelle les requérantes participaient.

98      Dès lors, la Commission n’était pas tenue de préciser dans la communication des griefs qu’elle tiendrait compte desdites ventes aux fins du calcul du montant de l’amende, puisque celles-ci se faisaient à des prix influencés par l’entente.

99      À titre surabondant, il convient de constater que, s’il est vrai que la communication des griefs n’affirmait pas explicitement que les ventes des requérantes à LGE et à Philips étaient affectées par l’entente, rien ne permet de penser que la Commission, à ce stade de la procédure, excluait ces ventes de l’application de l’entente.

100    En effet, d’une part, si la Commission avait entendu opérer une telle exclusion, elle l’aurait explicitement mentionnée, dès lors que lesdites ventes représentaient un pourcentage très important de l’ensemble des ventes des requérantes, tout au long de la période infractionnelle.

101    D’autre part et surtout, il ressort de la réponse des requérantes à la communication des griefs que celles-ci avaient interprété cette communication en ce sens que la Commission estimait que leurs ventes à LGE et à Philips étaient affectées par l’entente. En effet, dans la partie V de leur réponse, les requérantes ont cherché à démontrer que ces ventes se faisaient à des conditions spéciales, en raison des relations existant entre elles et lesdites sociétés. En particulier, elles se sont référées aux conditions de vente prévues par l’accord d’entreprise commune qui a créé LGD (voir point 2 ci-dessus), lesquelles auraient empêché de considérer qu’il s’agissait de ventes faites sur le libre marché.

102    De même, les requérantes ont mentionné le fait que l’exclusion de leurs ventes à LGE et à Philips aurait été conforme à la pratique de la Commission et à celle d’autres autorités de la concurrence. Cette mention montre elle aussi que les requérantes avaient bien compris que la Commission considérait que ces ventes étaient affectées par l’entente.

103    Par ailleurs, les requérantes se sont référées au fait que la communication des griefs semblait avoir exclu les ventes internes d’autres destinataires de celle-ci, alors que les leurs avaient été incluses. Elles ont également cité un mémorandum qu’elles avaient déjà envoyé à la Commission pour expliquer que leurs ventes à LGE et à Philips devaient être exclues, motif pris notamment de la prétendue absence de preuve du fait que ces ventes se faisaient à des prix établis en application de l’entente.

104    Or, tous les efforts accomplis par les requérantes afin d’expliquer, à la suite de la communication des griefs, pour quelles raisons leurs ventes à LGE et à Philips devaient être considérées comme n’étant pas affectées par l’entente seraient dépourvus de sens si, à la lecture de ladite communication, les requérantes en avaient conclu que les ventes en cause étaient exclues de l’infraction dont la Commission les soupçonnait et ne seraient pas prises en compte pour le calcul du montant de l’amende.

105    Certes, ainsi que le font valoir les requérantes, il est vrai que l’un des différents arguments invoqués par celles-ci dans leur réponse à la communication des griefs était fondé sur la prétendue incompatibilité entre le fait que la communication des griefs était adressée également à LGE et à Philips, qui auraient formé avec les requérantes une entreprise unique, et le fait que ces sociétés acceptaient de payer des prix plus élevés, affectés par l’entente.

106    Cependant, bien que cet argument ait pu perdre de sa pertinence une fois que la Commission, dans la décision attaquée, a abandonné la thèse selon laquelle il s’agissait d’une entreprise unique, il n’en reste pas moins que les requérantes, à la lecture de la communication des griefs, avaient bien compris que leurs ventes à LGE et à Philips avaient été considérées comme relevant de l’entente.

107    Par ailleurs, il convient de noter que le fait que la Commission a changé sa position quant à l’appartenance des requérantes à une seule entreprise avec LGE et Philips n’affecte pas, en tant que tel, la légalité de la décision attaquée.

108    S’agissant de l’argument des requérantes selon lequel la communication des griefs, à la différence de la décision attaquée, ne classifiait pas les ventes affectées par l’entente dans différentes catégories (voir point 22 ci-dessus), il y a lieu de relever que cette circonstance n’a pas d’incidence sur le fait que la communication des griefs permettait de comprendre quelle était l’infraction que la Commission reprochait aux requérantes d’avoir commise.

109    La classification des ventes en plusieurs catégories ne représente pas une caractéristique de l’infraction, ou un grief supplémentaire, mais seulement une question relative au calcul du montant de l’amende, sur laquelle les requérantes devaient certes pouvoir se prononcer, mais sur laquelle la Commission n’était pas tenue de prendre position dès la communication des griefs ou par l’envoi d’une communication des griefs complémentaire.

110    À cet égard, il y a lieu de rappeler que, pour respecter les droits de la défense des destinataires d’une décision en matière de concurrence, la Commission est tenue de notifier une seconde communication des griefs lorsqu’elle a l’intention, dans la décision qu’elle adoptera, de retenir un grief qui n’avait pas été visé par la première communication des griefs (voir, en ce sens, arrêt du Tribunal du 22 octobre 1997, SCK et FNK/Commission, T‑213/95 et T‑18/96, Rec. p. II‑1739, point 65).

111    Or, puisque le grief concernant les ventes des requérantes à LGE et à Philips ressortait déjà de la communication des griefs, d’après la lecture que les requérantes elles-mêmes en ont faite (voir points 101 à 104 ci-dessus), la Commission n’était pas tenue d’adopter une communication des griefs complémentaire.

112    Par ailleurs, le fait qu’il ne s’agissait pas d’un nouveau grief est confirmé par la circonstance selon laquelle, tant en réponse à la communication des griefs (voir points 101 à 104 ci-dessus) que dans la suite de la procédure administrative et dans la procédure devant le Tribunal, les requérantes ont toujours fait valoir que ces ventes auraient dû être exclues au motif qu’elles ne se faisaient pas à des prix calculés en fonction de l’entente.

113    Enfin, il convient d’écarter la thèse des requérantes selon laquelle, quand bien même il pourrait être considéré que la communication des griefs contenait des références à tous les éléments de fait sur lesquels la décision attaquée est fondée, la Commission n’en aurait pas moins violé leurs droits de la défense, puisqu’elle aurait omis de qualifier ces éléments de fait ou les aurait utilisés à des fins différentes de celles visées dans ladite communication. À cet égard, il convient de noter que, contrairement à ce que soutiennent les requérantes, la prétendue majoration de l’amende qui leur a été appliquée en l’espèce n’est pas comparable à celle qui était en cause dans l’affaire ayant donné lieu à l’arrêt du Tribunal du 18 juin 2008, Hoechst/Commission (T‑410/03, Rec. p. II‑881, points 424 à 438). En effet, dans ledit arrêt, le Tribunal a constaté une violation des droits de la défense de la requérante au motif que celle-ci s’était vu appliquer, par une décision de la Commission, la circonstance aggravante d’avoir été le meneur de l’entente visée dans ladite affaire, alors que, dans la communication des griefs ayant précédé la décision en cause, la Commission avait simplement abordé certains faits qui pouvaient être pertinents afin d’établir ledit rôle, mais ne les avait pas qualifiés de circonstance aggravante à la charge de cette requérante.

114    Rien de comparable n’a eu lieu en l’espèce, dès lors que la définition de la valeur des ventes pertinentes aux fins du calcul du montant de l’amende n’est pas une circonstance aggravante, qui résulterait de faits que la Commission aurait dû qualifier dès la communication des griefs.

115    Ainsi, conformément à la jurisprudence rappelée aux points 92 à 95 ci-dessus, la Commission était en droit, postérieurement à la communication des griefs, d’établir les définitions des différentes catégories de ventes sur lesquelles elle avait l’intention de se fonder, pourvu que les requérantes puissent s’exprimer sur ce point.

116    Puisqu’il peut être conclu que l’inclusion dans l’infraction des ventes des requérantes à LGE et à Philips n’est pas un grief nouveau, nécessitant l’adoption d’une communication des griefs complémentaire, mais que les requérantes devaient néanmoins pouvoir se prononcer sur les modalités selon lesquelles ces ventes seraient prises en compte, il convient d’examiner si, après la communication des griefs, la Commission a permis aux requérantes de s’exprimer sur cette question.

117    À cet égard, il y a lieu d’observer que, en plus d’avoir envoyé la demande de renseignements (voir points 51 et 52 ci-dessus), la Commission, dans le courrier complémentaire, a spécifiquement demandé à LGD de donner son avis sur la question de la valeur des ventes à prendre en compte pour le calcul du montant de base de l’amende. Ce courrier indiquait expressément que, pour le calcul des « ventes EEE directes », toutes les entreprises non couvertes par la définition donnée au sujet des « ventes EEE indirectes » seraient prises en compte en tant que tiers indépendants.

118    À cette même date, les requérantes ont reçu un courriel de la Commission leur rappelant de communiquer les chiffres correspondant à leurs ventes à LGE et à Philips.

119    En réponse aux demandes susmentionnées, les requérantes ont présenté, notamment par lettre du 21 avril 2010, des arguments indiquant leur position sur la question de savoir si les ventes à LGE et à Philips devaient être comptabilisées dans la valeur des ventes pertinentes et concluant à l’exclusion de ces ventes.

120    Cette lettre a été suivie d’une visioconférence, le 27 avril 2010, entre la Commission et les représentants coréens des requérantes, en présence de leur avocat externe dans les bureaux de la Commission. La note interne de la Commission sur cette conférence précise que son équipe chargée de l’affaire a expliqué qu’elle estimait que LGE et Philips ne seraient pas considérées comme conjointement et solidairement responsables de l’infraction, à la différence de ce qui avait été envisagé dans la communication des griefs, et que les ventes des requérantes à ces sociétés seraient systématiquement considérées comme des ventes à des tiers indépendants. Ladite note précise également que l’équipe chargée de l’affaire a attiré l’attention des requérantes sur des éléments de preuve démontrant que les ventes à LGE et à Philips pouvaient être considérées comme faisant partie de l’entente.

121    Les requérantes ont réagi à cette visioconférence par lettre du 30 avril 2010, où elles ont fait valoir que, pour les raisons exposées dans les documents déjà soumis à la Commission et en dépit des explications fournies par l’équipe de cette dernière jusqu’alors, elles considéraient que leurs ventes à LGE et à Philips devaient être exclues de la valeur des ventes aux fins du calcul du montant de l’amende.

122    En outre, par lettre du 19 novembre 2010, les requérantes ont à nouveau expliqué les raisons pour lesquelles les ventes en question auraient dû être exclues.

123    Au vu des nombreux échanges entre la Commission et les requérantes à l’occasion desquelles la question des ventes de ces dernières à LGE et à Philips a été débattue, il ne saurait être soutenu que les droits de la défense des requérantes n’ont pas été respectés à cet égard.

124    Enfin, quant à la question de savoir si la Commission disposait de preuves suffisantes pour considérer que les ventes en cause étaient affectées par l’infraction, il s’agit d’une question différente, qui a été examinée aux points 65 à 89 ci-dessus et qui n’a pas trait à une violation des droits de la défense.

125    Sur la base de ce qui précède, la deuxième branche du premier moyen doit être rejetée.

 Sur la troisième branche, relative à la violation du principe d’égalité de traitement

126    Les requérantes soutiennent que, parmi les participants à l’entente, ceux qui, comme elles, relèvent de groupes verticalement intégrés se sont vu infliger une amende plus lourde, en violation du principe d’égalité de traitement.

127    En outre, la Commission aurait à tort traité de manière différente les produits finis vendus dans l’EEE, qui incluaient des LCD cartellisés, selon que ces derniers aient été incorporés dans lesdits produits par des sociétés appartenant au même groupe (« ventes EEE directes par l’intermédiaire de produits transformés », comptabilisées par la Commission) ou par des entreprises tierces non établies dans l’EEE (« ventes indirectes », non comptabilisées par la Commission).

128    Une autre discrimination découlerait également du fait que la Commission aurait comptabilisé les ventes de LCD cartellisés à des sociétés mères, telles que les ventes effectuées par les requérantes à LGE et à Philips, tout en excluant les ventes faites par les participants à l’entente à des filiales d’un même groupe.

129    Par ailleurs, la Commission n’aurait pas respecté sa pratique antérieure, consistant à tenir compte uniquement des ventes à des clients indépendants.

130    Il y a lieu de rappeler que le principe d’égalité de traitement constitue un principe général du droit de l’Union, consacré par les articles 20 et 21 de la charte des droits fondamentaux de l’Union européenne.

131    Il ressort d’une jurisprudence constante que ledit principe exige que des situations comparables ne soient pas traitées de manière différente et que des situations différentes ne soient pas traitées de manière égale, à moins qu’un tel traitement ne soit objectivement justifié (voir arrêt de la Cour du 14 septembre 2010, Akzo Nobel Chemicals et Akcros Chemicals/Commission e.a., C‑550/07 P, Rec. p. I‑8301, point 55, et la jurisprudence citée).

132    S’agissant de la détermination du montant de l’amende, le principe en cause s’oppose à ce que la Commission opère, par l’application de méthodes de calcul différentes, une discrimination entre les entreprises qui ont participé à un accord ou à une pratique concertée contraire à l’article 101, paragraphe 1, TFUE (voir arrêt de la Cour du 19 juillet 2012, Alliance One International et Standard Commercial Tobacco/Commission et Commission/Alliance One International e.a., C‑628/10 P et C‑14/11 P, non encore publié au Recueil, point 58, et la jurisprudence citée).

133    En l’espèce, il s’agit de vérifier si le fait que la Commission a pris en compte les ventes des requérantes à LGE et à Philips en tant que « ventes EEE directes » constitue un traitement discriminatoire.

134    À cet égard, il y a lieu d’observer que la Commission, afin de ne pas traiter différemment les participants à l’entente selon qu’ils constituaient ou non des entreprises verticalement intégrées, a décidé de tenir compte de la première « vente réelle » dans l’EEE des LCD cartellisés. Une vente a été considérée comme étant « réelle » lorsque soit un LCD cartellisé en tant que tel, soit un LCD cartellisé intégré au sein de la même entreprise dans un produit fini était vendu dans l’EEE, par l’entreprise participant à l’entente, à un tiers indépendant. Dans cette perspective, la Commission a classifié les ventes des participants à l’entente dans les catégories rappelées au point 22 ci-dessus.

135    En substance, la Commission a considéré que les participants à l’entente qui étaient des entreprises verticalement intégrées ne devaient pas recevoir un traitement plus favorable que celui appliqué aux autres participants.

136    En ce qui concerne les requérantes, la Commission a finalement considéré qu’elles ne formaient pas, avec LGE et Philips, une entreprise unique. À cet égard, il y a lieu de relever que les requérantes n’ont pas fourni le moindre élément remettant en cause cette conclusion de la Commission.

137    Ainsi, les ventes des requérantes à LGE et à Philips ont été incluses dans la catégorie des « ventes EEE directes ».

138    Si la Commission n’avait pas procédé de la sorte, elle aurait permis aux requérantes de bénéficier d’un avantage par rapport aux autres participants à l’entente qui, comme elles, n’étaient pas verticalement intégrées, dans la mesure où elles ne formaient pas une entreprise unique avec les sociétés auxquelles elles vendaient leurs LCD cartellisés.

139    Le fait que, à l’égard des participants à l’entente qui, contrairement aux requérantes, avaient été considérés comme étant des entreprises uniques verticalement intégrées, la Commission a inclus les ventes pertinentes dans la catégorie des « ventes EEE directes par l’intermédiaire de produits transformés » ne saurait être critiqué du point de vue du respect du principe d’égalité de traitement, dès lors que l’existence d’une entreprise unique donne lieu à une situation différente, qui justifie d’avoir appliqué auxdits participants cette autre catégorie.

140    S’agissant de l’argument des requérantes relatif à la prétendue discrimination opérée selon que les ventes internes à un groupe aient visé des sociétés filiales ou des sociétés mères, il suffit de relever que la Commission a, à juste titre, appliqué la notion d’entreprise unique. Ainsi, les sociétés filiales à 100 % ont été considérées comme relevant de la même entreprise que les participants à l’entente, alors que les sociétés ayant une participation actionnaire dans celles qui faisaient partie de l’entente n’ont pas été considérées comme étant des sociétés mères dans la mesure où il n’était pas démontré que les conditions prévues à cette fin par la jurisprudence étaient remplies. Or, la Commission a considéré que tel n’était pas le cas pour LGE et pour Philips à l’égard des requérantes, lesquelles ne remettent pas en cause ce constat. En revanche, lorsqu’une des entreprises participant à l’entente a effectué des ventes dans l’EEE à des tiers indépendants, ces ventes ont été prises en compte par la Commission, quelle que fût la société (filiale ou mère), relevant de cette entreprise, qui avait matériellement vendu les LCD cartellisés.

141    Quant au fait que la Commission a décidé de ne pas tenir compte, aux fins du calcul du montant de l’amende, de la troisième catégorie de ventes définie au considérant 380 de la décision attaquée, à savoir les « ventes indirectes » (voir point 22 ci-dessus), il convient d’observer que, s’il est vrai que certains LCD cartellisés fournis par les participants à l’entente à des tiers implantés en dehors de l’EEE ont pu se retrouver dans des produits finis vendus dans l’EEE, il ne saurait être nié que le lien entre l’entente et le territoire de l’EEE, au sens du paragraphe 13 des lignes directrices de 2006, était plus faible que celui qui existait s’agissant des deux catégories de ventes dont la décision attaquée a tenu compte.

142    En outre, puisque l’exclusion des « ventes indirectes » a été appliquée à tous les participants à l’entente, aucune discrimination ne saurait être constatée à cet égard.

143    En ce qui concerne l’invocation par les requérantes de la décision C (2007) 5791 final de la Commission, du 28 novembre 2007, relative à une procédure d’application de l’article 81 [CE] et de l’article 53 de l’accord EEE (affaire COMP/39165 – Verre plat) (résumé au JO 2008, C 127, p. 9), il y a lieu de rappeler, tout d’abord, que, selon une jurisprudence constante, la pratique décisionnelle antérieure de la Commission ne sert pas de cadre juridique applicable aux amendes en matière de droit de la concurrence et que des décisions concernant d’autres affaires n’ont qu’un caractère indicatif en ce qui concerne l’existence de discriminations (voir arrêt de la Cour du 19 avril 2012, Tomra Systems e.a./Commission, C‑549/10 P, non encore publié au Recueil, point 104, et la jurisprudence citée).

144    Il importe de souligner que la Commission est tenue d’examiner chaque affaire à la lumière des circonstances qui la caractérisent. À cet égard, dans la présente affaire, la Commission n’a pas considéré que LGE et Philips formaient une entreprise unique avec les requérantes et, par conséquent, a comptabilisé toutes les ventes de LCD cartellisés que ces dernières ont faites à ces deux sociétés dans l’EEE. Par cette manière de procéder, la Commission a suivi, à l’égard des requérantes, la même méthode que celle utilisée dans la décision qu’elles invoquent, dans laquelle elle avait tenu compte des ventes que les participants à l’entente dont il s’agissait avaient faites à d’autres entreprises.

145    En tout état de cause, la Commission était tenue d’appliquer le principe de légalité. Ainsi, conformément à ce qui a été exposé aux points 65 à 72 ci-dessus, elle était en droit de tenir compte de l’ensemble des ventes réalisées par les requérantes sur le marché affecté par l’entente, pourvu qu’elles présentent un lien avec le marché intérieur.

146    Sur la base des considérations qui précèdent, il y a lieu de rejeter la troisième branche du premier moyen.

 Sur la quatrième branche, relative à l’absence de preuve du fait que les ventes des requérantes à LGE étaient visées par l’infraction

147    À titre subsidiaire, les requérantes font valoir que, à supposer même que des ventes à des clients liés aux participants à l’entente puissent être considérées comme relevant des « ventes EEE directes », les éléments de preuve utilisés dans la décision attaquée pour démontrer que ces ventes étaient également visées par l’entente ne font jamais allusion à LGE, mais uniquement à Philips.

148    Ainsi, le Tribunal devrait exclure la valeur des ventes des requérantes à LGE du montant sur la base duquel l’amende infligée aux requérantes a été fixée.

149    Il y a lieu de rappeler, à titre principal, que la prise en compte des ventes des requérantes à Philips est conforme aux principes rappelés aux points 65 à 72 ci-dessus.

150    En tout état de cause, la Commission a raison de soutenir que, dès lors qu’elle a prouvé l’existence d’une règle générale selon laquelle l’entente concernait également les ventes internes à des groupes, il n’était pas nécessaire, afin de pouvoir tenir compte aussi des ventes des requérantes à LGE, de disposer de preuves spécifiques sur les ventes à cette société.

151    Ensuite, il y a lieu de rappeler que les considérations exposées au point 78 ci-dessus, au sujet de l’interprétation du tableau n° 2 de la décision attaquée, permettent de confirmer que les ventes à LGE étaient elles aussi visées par l’entente.

152    Par ailleurs, il doit être rappelé que, pour une partie de la période infractionnelle, LGE et Philips ont détenu chacune 50 % du capital de LGD. Par la suite, leurs participations respectives se sont réduites à 37,9 % et à 32,87 %. Dans ces circonstances, à défaut d’explications de la part des requérantes, il n’est pas crédible que ces dernières aient appliqué à Philips les prix établis en fonction de l’entente alors que LGE aurait bénéficié de prix indépendants de celle-ci.

153    Il s’ensuit que la quatrième branche du premier moyen n’est pas fondée.

154    Sur la base de tout ce qui précède, il y a lieu de rejeter le premier moyen dans son ensemble.

 Sur le deuxième moyen, tiré du fait que la Commission aurait à tort refusé d’accorder aux requérantes une immunité d’amende pour l’année 2005

155    Les requérantes estiment que la Commission aurait dû leur reconnaître une immunité partielle, au titre du paragraphe 23, sous b), dernier alinéa, de la communication sur la clémence de 2002, non seulement pour l’année 2006, mais également pour l’année 2005. En effet, par leur demande orale de clémence du 17 juillet 2006 ainsi que par leur déclaration orale complémentaire du 20 juillet 2006, assortie de nombreux documents probatoires, les requérantes auraient été les premières à apprendre à la Commission des faits qu’elle ignorait précédemment, à savoir que l’entente sur les LCD s’était poursuivie en 2005. À cet égard, les requérantes soutiennent que les documents produits par Samsung le 18 juillet 2006, postérieurs à leur demande orale, ne permettaient pas d’établir l’organisation de « réunions Cristal » au cours de l’année 2005 et que la déclaration orale complémentaire de Samsung du 20 juillet 2006, tout en décrivant des contacts entre concurrents en 2005, n’était pas accompagnée de documents probatoires.

156    Par ailleurs, d’une part, les requérantes font valoir que, ainsi que l’aurait confirmé le conseiller-auditeur de la Commission, leur accès au dossier a été déficient. Ainsi, elles n’auraient pas été en mesure de savoir quelles informations Samsung avait déjà fournies à la Commission. D’autre part, les requérantes soutiennent que la Commission a violé leurs droits de la défense, dans la mesure où elle ne s’est pas prononcée sur l’issue de leur demande d’immunité partielle avant l’adoption de la décision attaquée.

157    Il convient de rappeler que, aux termes du paragraphe 23 de la communication sur la clémence de 2002, est prévu ce qui suit :

« 23      Dans toute décision finale arrêtée au terme de la procédure administrative, la Commission déterminera :

a)       si les éléments de preuve fournis par une entreprise ont représenté une valeur ajoutée significative par rapport aux éléments déjà en possession de la Commission ;

b)       le niveau de réduction dont l’entreprise bénéficiera, qui s’établira comme suit par rapport au montant de l’amende qu’à défaut la Commission aurait infligée :

–        [p]remière entreprise à remplir la condition énoncée au point 21: réduction comprise entre 30 et 50 % ;

–        […]

En outre, si une entreprise fournit des éléments de preuve de faits précédemment ignorés de la Commission qui ont une incidence directe sur la gravité ou la durée de l’entente présumée, la Commission ne tiendra pas compte de ces faits pour fixer le montant de l’amende infligée à l’entreprise qui les a fournis .»

158    À titre liminaire, il y a lieu d’écarter l’argument des requérantes tiré du fait que la Commission n’a répondu à leur demande d’immunité partielle que dans la décision attaquée. En effet, cette manière de procéder correspond à ce qui est prévu par le paragraphe 23 de la communication sur la clémence de 2002, duquel il ressort que la Commission se prononce sur les réductions du montant des amendes et sur les demandes d’immunité partielle dans la décision finale arrêtée au terme de la procédure administrative. Ce n’est qu’en ce qui concerne les demandes d’immunité totale que, conformément aux paragraphes 15 et 19 de ladite communication, les demandeurs obtiennent d’abord une immunité conditionnelle au cours de la procédure, l’immunité inconditionnelle étant accordée au terme de la procédure administrative, si les conditions requises sont satisfaites.

159    Ensuite, il convient de rejeter également l’argument des requérantes relatif aux prétendues difficultés en ce qui concerne l’accès au dossier. En effet, cet argument est inopérant dans le cadre du présent moyen, puisque une entreprise, lorsqu’elle cherche à bénéficier de la communication sur la clémence de 2002, doit fournir à la Commission toutes les informations pertinentes dont elle dispose, sans que le droit d’accéder au dossier joue un rôle à cet égard. Pour autant que l’argument des requérantes puisse être interprété en ce sens qu’elles se plaignent de ne pas avoir pu vérifier, aux fins de la préparation de leur recours, si les informations fournies par Samsung avaient appris à la Commission que l’infraction s’était poursuivie en 2005, il doit être observé que les requérantes ne remettent pas en cause la constatation du conseiller-auditeur selon laquelle, en substance, malgré une série de difficultés au cours de la procédure, leurs droits de la défense ont finalement été respectés.

160    En tout état de cause, il doit être rappelé que, selon la jurisprudence, il y a violation des droits de la défense lorsqu’il existe une possibilité que, en raison d’une irrégularité commise par la Commission, la procédure administrative menée par elle aurait pu aboutir à un résultat différent. Une entreprise requérante établit qu’une telle violation a eu lieu lorsqu’elle démontre à suffisance non pas que la décision de la Commission aurait eu un contenu différent, mais bien qu’elle aurait pu mieux assurer sa défense en l’absence d’irrégularité, par exemple en raison du fait qu’elle aurait pu utiliser pour sa défense des documents dont l’accès lui a été refusé lors de la procédure administrative (arrêts de la Cour du 2 octobre 2003, Thyssen Stahl/Commission, C‑194/99 P, Rec. p. I‑10821, point 31, et du 1er juillet 2010, Knauf Gips/Commission, C‑407/08 P, Rec. p. I‑6375, point 28). Or, en l’espèce, les requérantes n’expliquent pas en quoi la prétendue violation de leurs droits de la défense, pendant une phase de la procédure administrative, aurait affecté leurs possibilités de se défendre.

161    Ces arguments ayant été écartés, il convient, premièrement, de rappeler les principes concernant la communication sur la clémence de 2002, notamment la portée du paragraphe 23, sous b), dernier alinéa, de celle-ci, et, deuxièmement, de vérifier si, dans l’application de cette disposition, la Commission aurait dû considérer que l’année 2005 était également couverte par l’immunité partielle accordée aux requérantes.

 Rappel des principes généraux

162    Il ressort du préambule de la communication sur la clémence de 2002 que la logique de cette communication est d’encourager les entreprises participant à des ententes illégales à coopérer avec la Commission dans le cadre de la lutte contre les cartels, au motif que les ententes de ce type constituent des pratiques qui font partie des restrictions de concurrence les plus graves. Dans ce contexte, afin de favoriser cette coopération, la Commission envisage un système visant à octroyer aux entreprises qui coopèrent avec elle soit l’immunité, soit la réduction du montant des amendes qu’elles risquent de se voir infliger (arrêt du Tribunal du 5 octobre 2011, Transcatab/Commission, T‑39/06, Rec. p. II‑6831, point 378).

163    Or, il est inhérent à cette logique que l’effet recherché par la communication sur la clémence de 2002 est de créer un climat d’incertitude au sein des ententes en encourageant leur dénonciation auprès de la Commission. Cette incertitude résulte précisément du fait que les participants à l’entente savent que seul l’un d’entre eux pourra bénéficier d’une immunité d’amende en dénonçant les autres participants à l’infraction, les exposant ainsi au risque qu’ils se voient infliger des amendes. Dans le cadre de ce système, et selon la même logique, les entreprises les plus rapides à fournir leur coopération sont censées bénéficier de réductions plus importantes du montant des amendes auxquelles elles seraient autrement assujetties que celles accordées aux entreprises moins rapides à coopérer (arrêt Transcatab/Commission, précité, point 379).

164    L’ordre chronologique et la rapidité de la coopération offerte par les membres du cartel constituent donc des éléments fondamentaux du système mis en place par la communication sur la clémence de 2002 (arrêt Transcatab/Commission, précité, point 380).

165    En outre, l’interprétation de la finalité d’une disposition de la communication sur la clémence de 2002 doit être conforme à la logique propre de cette communication. Dans cette perspective, le paragraphe 23, sous b), dernier alinéa, de cette communication doit être interprété comme visant à récompenser une entreprise, même si elle n’a pas été la première à présenter la demande d’immunité concernant l’entente en cause, si elle est la première à fournir à la Commission des éléments de preuve concernant des faits ignorés de celle-ci qui ont une incidence directe sur la gravité ou la durée de l’entente. En d’autres termes, si les éléments de preuve fournis par une entreprise concernent des faits qui permettent à la Commission de modifier l’appréciation qu’elle a, à ce moment-là, de la gravité ou de la durée de l’entente, l’entreprise qui fournit ces éléments de preuve est récompensée par l’immunité concernant l’appréciation des faits que ces éléments de preuve sont en mesure de démontrer (arrêt Transcatab/Commission, précité, point 381).

166    Ainsi, le paragraphe 23, sous b), dernier alinéa, de la communication sur la clémence de 2002 ne concerne pas les cas dans lesquels une entreprise a simplement présenté des éléments de preuve nouveaux ou plus complets au regard de faits dont la Commission avait déjà connaissance. Ledit alinéa ne s’applique pas non plus aux cas dans lesquels une entreprise porte à la connaissance de la Commission des faits nouveaux qui, toutefois, ne sont pas en mesure de modifier l’appréciation de la Commission sur la gravité ou la durée de l’entente. Cette disposition s’applique, en revanche, exclusivement aux cas dans lesquels deux conditions sont remplies : premièrement, l’entreprise en cause est la première à prouver des faits précédemment ignorés par la Commission et, deuxièmement, ces faits, ayant une incidence directe sur la gravité ou la durée de l’entente présumée, permettent à la Commission de parvenir à de nouvelles conclusions sur l’infraction (arrêt Transcatab/Commission, précité, point 382).

167    Il convient de retenir une interprétation restrictive des conditions prévues pour l’application du paragraphe 23, sous b), dernier alinéa, de la communication sur la clémence de 2002, en la limitant aux cas où une société partie à une entente fournit une information nouvelle à la Commission, relative à la gravité ou à la durée de l’infraction, et en excluant les cas où la société n’a fait que fournir des éléments permettant de renforcer les preuves relatives à l’existence de l’infraction. À cet égard, il y a lieu de rappeler que, la procédure de clémence constituant une exception au principe selon lequel une entreprise doit être sanctionnée pour toute violation au droit de la concurrence, les règles qui s’y rapportent doivent dès lors être interprétées strictement. Par ailleurs, il convient de souligner que l’efficacité des programmes de clémence serait affectée si les entreprises n’étaient plus incitées à être les premières à soumettre des informations dénonçant une entente à la Commission.

168    Enfin, il ressort de la jurisprudence que des déclarations unilatérales, qui ne sont accompagnées d’aucune preuve documentaire précise et concordante de l’infraction, ne constituent pas des éléments de preuve qui ont une incidence directe sur la gravité ou la durée de l’entente au sens du paragraphe 23, sous b), de la communication sur la clémence de 2002. En effet, les éléments fournis par une entreprise au titre du paragraphe 23, sous b), de ladite communication doivent être suffisamment précis et étayés, afin de permettre à la Commission de les utiliser, après vérification, dans sa décision finale (ordonnance de la Cour du 15 juin 2012, Otis Luxembourg e.a./Commission, C‑494/11 P, non publiée au Recueil, point 89).

169    C’est à la lumière de ces considérations qu’il y a lieu de vérifier si la Commission a commis une erreur en sanctionnant les requérantes pour leurs comportements durant l’année 2005.

 Application au cas d’espèce

170    Tout d’abord, il convient de constater que les requérantes ne contestent pas la chronologie des événements du mois de juillet 2006 retenue par la Commission. Ainsi, il est constant que :

–        les requérantes ont fait une déclaration orale le 17 juillet 2006 ;

–        Samsung a produit certains éléments de preuve le 18 juillet 2006 ;

–        Samsung a fait une déclaration orale le 20 juillet 2006, à 9 h 40 ;

–        les requérantes ont fait une déclaration orale et produit des éléments de preuve le 20 juillet 2006, à 15 h 30.

171    Il s’ensuit que, pour bénéficier de l’immunité partielle pour l’année 2005, les requérantes doivent démontrer que les informations qu’elles ont fournies le 17 juillet 2006 répondent aux conditions prévues par le paragraphe 23, sous b), dernier alinéa, de la communication sur la clémence de 2002, telles que résumées au point 166 ci-dessus. À défaut, les requérantes devraient démontrer, d’une part, que, malgré les informations révélées par Samsung les 18 et 20 juillet 2006, la Commission ignorait que l’infraction condamnée par la décision attaquée s’était poursuivie en 2005 et, d’autre part, que les informations qu’elles ont produites le 20 juillet 2006 répondaient aux conditions en cause.

172    Il convient de vérifier si, par les arguments invoqués au soutien du présent moyen, les requérantes ont réussi à démontrer qu’elles auraient dû bénéficier de l’immunité partielle pour 2005.

173    En premier lieu, selon les requérantes, la Commission a interprété de manière incorrecte le paragraphe 23, sous b), dernier alinéa, de la communication sur la clémence de 2002, en exigeant que, pour obtenir l’immunité partielle, elles fournissent des preuves suffisantes pour établir les faits en cause. En effet, le libellé de ladite communication, tel qu’interprété par la Commission dans d’autres affaires, se limiterait à prévoir que ces preuves soient pertinentes. Par ailleurs, la Commission aurait appliqué à Samsung un traitement de faveur, en lui accordant l’immunité sur la base d’informations qui n’avaient pas une qualité supérieure à celle des informations fournies par les requérantes.

174    À cet égard, il y a lieu d’observer que, conformément aux principes rappelés aux points 161 à 168 ci-dessus, la Commission a correctement considéré que les informations fournies par les requérantes le 17 juillet 2006 étaient trop vagues pour satisfaire aux conditions prévues par la disposition en cause, telle qu’interprétée par la jurisprudence.

175    En effet, la lecture de la déclaration des requérantes du 17 juillet 2006 permet de constater que la Commission, au considérant 467 de la décision attaquée, pouvait à bon droit relever ce qui suit :

« […] En l’espèce, les simples allégations faites oralement le 17 juillet 2006, selon lesquelles des réunions, semblables à celles du 5 et du 19 octobre 2001, ont continué jusqu’au début 2005 et que, après cette date, certains échanges d’informations se sont poursuivis pendant un certain temps ou que des prix minima[ux] et des lignes directrices de tarification étaient parfois discutés ou convenus, mais qu’autrement ces réunions se limitaient à des échanges d’informations sur les prix, les capacités et la production, ne suffisent pas pour établir que l’infraction a duré pendant toute l’année 2005. À l’époque où [LGD] a soumis ce type d’éléments de preuve concernant 2005 et également les deux premiers mois de 2006, notamment par sa déclaration du 20 juillet 2006, Samsung, en tant que demanderesse d’immunité, avait déjà, par ses déclarations du 18 et du 20 juillet 2006, suffisamment informé la Commission sur la continuation de l’infraction en 2005 […] »

176    À la différence de ce que prétendent les requérantes, leur déclaration ne saurait être considérée comme comportant des éléments de preuve précis et étayés, ayant une incidence directe sur la durée de l’infraction au sens de la jurisprudence rappelée au point 168 ci-dessus, que l’infraction s’est poursuivie tout au long de l’année 2005. En effet, même si la déclaration indique que des informations sur les prix, le marché et les conditions d’approvisionnement au niveau mondial ainsi que des informations concernant les relations avec certains clients ont été échangées lors de réunions s’étalant d’octobre 2001 au début de l’année 2005, il n’est ensuite question, après cette date, que de « certains échanges d’informations » pendant un « certain laps de temps », sans que soit précisé de quel type d’informations il s’agissait. Les références, contenues dans la déclaration, à des échanges d’informations sur les prix se rapportent aux réunions précitées tenues entre 2001 et le début de l’année 2005. Rien dans la déclaration n’évoque l’échange d’informations sur les prix pour la période postérieure au début de l’année 2005. La déclaration ne précise pas non plus à quelle date en 2005 la nature des réunions aurait changé, mais se limite à indiquer que ce changement s’est produit au début de l’année.

177    Il s’ensuit que les informations contenues dans la déclaration des requérantes en ce qui concerne l’année 2005 sont trop vagues pour avoir une incidence directe sur la durée de l’entente.

178    Quant au fait que la Commission a appliqué à Samsung des critères moins contraignants lorsqu’elle lui a reconnu l’immunité de toute amende, il suffit de constater que le test à appliquer à cette fin, décrit au paragraphe 8, sous b), de la communication sur la clémence de 2002, est différent de celui prévu au paragraphe 23, sous b), dernière alinéa, de celle-ci. En effet, la première desdites dispositions prévoit que l’immunité totale est accordée à l’entreprise qui est la première à fournir des éléments de preuve qui, de l’avis de la Commission, sont de nature à lui permettre de constater une entente.

179    Le fait qu’il s’agit de tests différents constitue une justification objective permettant à la Commission de ne pas traiter Samsung et les requérantes de la même manière, sans pour autant violer le principe d’égalité de traitement (voir la jurisprudence rappelée au point 131 ci-dessus).

180    En deuxième lieu, selon les requérantes, la Commission n’a pas expliqué en quoi les informations fournies par Samsung le 18 et le 20 juillet 2006 étaient pertinentes, ni comment ces informations privaient de valeur celles transmises par elles le 17 et le 20 juillet 2006. La plupart des documents transmis par Samsung le 18 juillet 2006 n’auraient pas permis de prouver que l’infraction s’était poursuivie en 2005, aux motifs qu’ils portaient sur des produits ou des producteurs non concernés par la décision attaquée, contenaient des informations ne provenant que de clients et manquaient de preuves précises relatives à des contacts multilatéraux entre concurrents et, en tout état de cause, à la participation des requérantes à l’entente. Le caractère insuffisant des preuves produites par Samsung le 18 juillet 2006 serait confirmé par le fait que la décision attaquée ne mentionnerait que trois des documents fournis par ladite entreprise à cette occasion, alors que les documents produits par les requérantes le 20 juillet 2006 auraient permis de prouver la tenue de onze des quinze « réunions Cristal », ayant eu lieu en 2005, citées dans la décision attaquée. Par ailleurs, la Commission n’aurait pas répondu aux arguments, avancés par les requérantes dans leur demande d’immunité partielle, relatifs au caractère insuffisant des éléments produits par Samsung le 18 juillet 2006. En tout état de cause, les preuves produites par Samsung ne porteraient que sur des contacts bilatéraux, dont aucun ne concernait les requérantes.

181    En ce qui concerne le fait que la Commission n’aurait pas expliqué les raisons pour lesquelles les informations fournies par Samsung le 18 et le 20 juillet 2006 étaient pertinentes, ni comment ces informations privaient de valeur celles transmises par les requérantes le 17 et le 20 juillet 2006, il importe de rappeler, tout d’abord, que l’obligation de motiver des décisions constitue une formalité substantielle qui doit être distinguée de la question du bien-fondé des motifs de ces décisions, celui-ci relevant de la légalité au fond de l’acte litigieux. En effet, la motivation d’une décision consiste à exprimer formellement les motifs sur lesquels repose cette décision. Cette motivation peut être suffisante tout en exprimant des motifs erronés (arrêt de la Cour du 10 juillet 2008, Bertelsmann et Sony Corporation of America/Impala, C‑413/06 P, Rec. p. I‑4951, point 181, et ordonnance de la Cour du 12 juillet 2012, Dover/Parlement, C‑278/11 P, non publiée au Recueil, point 36).

182    Or, la Commission, aux considérants 465 à 467 de la décision attaquée, a expliqué les raisons pour lesquelles la demande d’immunité partielle des requérantes ne pouvait être acceptée que pour 2006 et a ainsi respecté l’obligation de motivation. Le bien-fondé des explications avancées par la Commission constitue une question différente, qui doit être traitée dans le cadre de l’examen des autres arguments invoqués par les requérantes.

183    En ce qui concerne la pertinence des informations révélées par Samsung, premièrement, il convient d’observer qu’il n’est pas nécessaire d’opérer une distinction entre elles, selon que ces informations aient été fournies le 18 juillet 2006 ou le 20 juillet 2006, dès lors que la déclaration des requérantes faite à cette même dernière date, mais à 15 h 30, est en tout état de cause postérieure à celle de Samsung, qui a eu lieu à 9 h 40.

184    Deuxièmement, il doit être rappelé que, parmi les documents fournis par Samsung le 18 juillet 2006, figure un courriel du 4 janvier 2005, mentionné au considérant 191 de la décision attaquée, duquel il ressort que Samsung disposait de données relatives à la production d’un autre participant à l’infraction, lesquelles émanaient d’une source interne de ce dernier.

185    De même, Samsung a produit un autre courriel du 14 janvier 2005, mentionné au considérant 195 de la décision attaquée, qui comporte les prix pratiqués en ce qui concerne un client par un autre participant à l’infraction pour certains des LCD cartellisés. Ce courriel envisage également la possibilité que Samsung demande à d’autres participants à l’entente, dont les requérantes, les prix qu’ils avaient l’intention de proposer audit client.

186    Ensuite, un courriel du 26 août 2005, mentionné au considérant 212 de la décision attaquée, fait état des prévisions de l’un des participants à l’entente sur l’évolution de la demande et sur les intentions de ce participant quant aux prix qu’il pratiquerait.

187    En outre, Samsung a également révélé l’existence d’un courriel du 6 décembre 2005, rédigé par le directeur d’un participant à l’entente, ainsi que cela ressort de la réponse écrite de la Commission à une question du Tribunal, contenant des informations sur les prix de certains LCD cartellisés réalisés par l’un des participants à l’infraction et faisant état de l’impossibilité de joindre d’autres participants à ce moment-là.

188    Il y a lieu de constater que ces courriels concernent plusieurs catégories de LCD cartellisés.

189    Par ailleurs, il est, certes, vrai que le dernier élément de preuve fourni par Samsung, visé au point 187 ci-dessus, n’est pas mentionné dans la décision attaquée, laquelle s’appuie le plus souvent sur les preuves fournies par les requérantes en ce qui concerne l’année 2005. Cependant, l’absence de référence par la décision attaquée à chacune des preuves fournies par Samsung n’a pas d’incidence sur le fait que, au moment de la déclaration des requérantes du 20 juillet 2006, la Commission n’ignorait pas, en raison des éléments fournis par cette dernière entreprise, que des contacts bilatéraux entre certains participants à l’entente avaient continué en 2005.

190    La circonstance selon laquelle la Commission a souvent utilisé les informations fournies par les requérantes le 20 juillet 2006 confirme que celles-ci avaient effectivement une plus grande valeur probante que celle des éléments révélés antérieurement par Samsung. Toutefois, c’est précisément pour cette raison que la Commission a estimé que les éléments fournis par les requérantes présentaient une « valeur ajoutée significative » au sens des paragraphes 21 et 22 de la communication sur la clémence de 2002, justifiant une réduction de 50 % du montant de l’amende. À cet égard, il doit être souligné que les critères d’appréciation pour la concession de cette réduction sont différents de ceux, rappelés au point 166 ci-dessus, qui doivent être utilisés pour déterminer si la déclaration des requérantes du 20 juillet 2006 pouvait donner lieu à l’octroi de l’immunité partielle également pour l’année 2005.

191    Troisièmement, s’agissant de la déclaration orale de Samsung du 20 juillet 2006, elle contient un certain nombre de références à la continuation de l’infraction en 2005 ainsi que des précisions quant aux auteurs des courriels internes déposés par Samsung deux jours plus tôt. Ces précisions permettent de rejeter les affirmations des requérantes selon lesquelles les informations fournies par Samsung concerneraient des échanges seulement avec des clients et non également avec des concurrents.

192    Quatrièmement, en ce qui concerne le fait que les informations fournies par Samsung ne portent pas sur les « réunions Cristal », mais seulement sur des contacts bilatéraux, il convient de rappeler que la décision attaquée, notamment au considérant 70, définit l’infraction en cause comme s’étendant non seulement aux « réunions Cristal », mais également aux réunions et contacts bilatéraux entre les participants. Dès lors, des éléments de preuve concernant l’existence de ces contacts au cours de l’année 2005 sont pertinents pour prouver que l’infraction unique constatée dans la décision attaquée s’est poursuivie tout au long de cette année.

193    S’agissant du fait que les preuves produites par Samsung ne viseraient pas spécifiquement la participation des requérantes à l’entente en 2005, d’une part , il convient de rappeler que, ainsi qu’il a été observé au point 185 ci-dessus, l’un des courriels produits par Samsung évoque la possibilité de demander aux requérantes leurs intentions relatives à certains prix, ce qui montre qu’elles continuaient à participer à l’entente. D’autre part, selon la jurisprudence, dès lors qu’il s’agit d’une infraction unique et continue, une entreprise ayant participé à une infraction par des comportements qui lui étaient propres, qui relevaient des notions d’accord ou de pratique concertée tombant sous le coup de l’article 101, paragraphe 1, TFUE et qui visaient à contribuer à la réalisation de l’infraction dans son ensemble, peut être également responsable, pour toute la période de sa participation à ladite infraction, des comportements mis en œuvre par d’autres entreprises dans le cadre de la même infraction (arrêts du Tribunal du 12 décembre 2007, BASF et UCB/Commission, T‑101/05 et T‑111/05, Rec. p. II‑4949, point 160, et du 2 février 2012, Denki Kagaku Kogyo et Denka Chemicals/Commission, T‑83/08, non publié au Recueil, point 242).

194    Il ressort de ce qui précède que les arguments des requérantes visant à obtenir l’immunité partielle pour l’année 2005 ne sont pas fondés.

195    Dans ces circonstances, il convient d’examiner, en dernier lieu, l’argument des requérantes, présenté à titre subsidiaire, relatif au fait que l’immunité partielle que la Commission leur a reconnue pour le mois de janvier 2006 aurait impliqué d’exclure ce mois de toutes les étapes du calcul du montant de l’amende en ce qui les concerne.

196    À cet égard, il y a lieu de rappeler que, ainsi qu’il est indiqué au tableau n° 5 de la décision attaquée, la Commission a exclu le mois de janvier 2006 dans le calcul du coefficient relatif à la durée de l’infraction en ce qui concerne les requérantes. En effet, celles-ci se sont vu appliquer un coefficient égal à 4,16, alors que celui appliqué aux autres participants à l’entente était égal à 4,25, correspondant à la durée de la période infractionnelle entière, arrondie à la baisse.

197    Cependant, pour définir la valeur des ventes des biens en relation avec l’infraction, valeur à partir de laquelle est obtenu le montant de base pour le calcul de l’amende, la Commission, pour tous les participants à l’infraction, a calculé la moyenne de leurs ventes au cours de toute la période infractionnelle, y compris le mois de janvier 2006.

198    Dès lors, la Commission a pris en compte également pour les requérantes le total de leurs ventes pendant la période infractionnelle entière, y compris le mois de janvier 2006, et a divisé le montant obtenu par 4,33, durée de la période infractionnelle entière, arrondie à la hausse.

199    Il convient de rappeler que, ainsi que la Commission l’a reconnu au considérant 468 de la décision attaquée, le fait de reconnaître aux requérantes l’immunité partielle pour 2006 signifie que celles-ci doivent être traitées comme si elles avaient participé à l’infraction du 5 octobre 2001 au 31 décembre 2005 aux fins du calcul du montant de l’amende à leur infliger. Dans une formulation plus proche des termes du paragraphe 23, sous b), dernier alinéa, de la communication sur la clémence de 2002, il ne doit pas être tenu compte des faits postérieurs au 31 décembre 2005 pour fixer le montant de ladite amende.

200    Or, par sa manière de procéder à l’égard des requérantes, la Commission n’a pas respecté son propre engagement à ne pas tenir compte de la période couverte par l’immunité partielle, accordée en vertu du paragraphe 23, sous b), dernier alinéa, de la communication sur la clémence de 2002.

201    En effet, cette disposition ne prévoit pas que la Commission fasse abstraction des faits couverts par ladite immunité uniquement aux fins du calcul du coefficient relatif à la durée de l’infraction, mais doit se voir reconnaître une portée plus générale, ce qui exclut donc la prise en considération desdits faits pour tous les aspects concernant la fixation du montant de l’amende, y inclus le calcul de la moyenne de la valeur des ventes pertinentes. En substance, l’immunité partielle, telle qu’envisagée dans la communication sur la clémence de 2002, revient ainsi à une « fiction juridique » en vertu de laquelle, aux fins du calcul du montant de l’amende, la Commission doit raisonner comme si l’entreprise bénéficiant de cette immunité n’avait pas participé à l’infraction au cours de la période couverte par ce bénéfice.

202    Pour cette raison il y a lieu de rejeter la thèse de la Commission selon laquelle l’immunité partielle n’a aucune incidence sur le choix de l’année ou des années de référence utilisées pour calculer la valeur des ventes pertinentes dans le calcul du montant de base de l’amende, cette valeur servant uniquement pour estimer le pouvoir de nuisance du participant à l’entente.

203    Il ressort de ce qui précède que le présent moyen doit être partiellement accueilli, en ce que la Commission a tenu compte, à tort, du mois de janvier 2006 dans le calcul de la valeur des ventes des requérantes aux fins du calcul du montant de l’amende à leur infliger.

 Sur le troisième moyen, tiré du fait que la Commission aurait à tort refusé de considérer la coopération des requérantes comme une circonstance atténuante aux fins du calcul du montant de l’amende

204    Les requérantes font valoir que leur extraordinaire coopération avec la Commission, certes prise en compte dans le cadre de l’application de la communication sur la clémence de 2002, aurait dû donner lieu à une réduction ultérieure du montant de l’amende de 10 %, au motif qu’elle constituerait une circonstance atténuante, conformément au paragraphe 29, quatrième tiret, des lignes directrices de 2006.

205    Selon le paragraphe 29, quatrième tiret, des lignes directrices de 2006, peut constituer une circonstance atténuante, susceptible de donner lieu à une réduction du montant de l’amende, le fait que « l’entreprise concernée coopère effectivement avec la Commission, en dehors du champ d’application de la communication sur la clémence [de 2002] et au-delà de ses obligations juridiques de coopérer ».

206    À cet égard, il y a lieu de considérer que cette disposition doit être interprétée en ce sens qu’elle ne permet pas à une entreprise de bénéficier d’une double réduction du montant de l’amende, au titre de la communication sur la clémence de 2002 et au titre des lignes directrices de 2006, pour la même coopération avec la Commission.

207    En effet, il ressort de la jurisprudence que, s’agissant des infractions qui relèvent du champ d’application de la communication sur la clémence de 2002, en principe, l’intéressé ne peut valablement reprocher à la Commission de ne pas avoir pris en compte le degré de sa coopération en tant que circonstance atténuante, en dehors du cadre juridique de ladite communication (voir, en ce sens, arrêts du Tribunal du 15 mars 2006, BASF/Commission, T‑15/02, Rec. p. II‑497, point 586, et du 14 juillet 2011, Arkema France/Commission, T‑189/06, Rec. p. II‑5455, point 178). Dès lors que la Commission a pris en compte la coopération des requérantes, en réduisant le montant de l’amende en application de la communication sur la clémence de 2002, il ne saurait lui être valablement reproché de ne pas avoir appliqué une réduction supplémentaire du montant de l’amende infligée aux requérantes, en dehors du champ d’application de ladite communication.

208    Il s’ensuit que la jurisprudence selon laquelle, dans des situations exceptionnelles, la Commission est tenue d’octroyer une réduction du montant de l’amende à une entreprise sur la base du paragraphe 29, quatrième tiret, des lignes directrices de 2006 (voir, en ce sens, arrêt du 17 mai 2011, Arkema France/Commission, précité, point 170, et arrêt Transcatab/Commission, précité, point 330) doit être interprétée en ce sens que l’existence de telles situations présuppose que la coopération de l’entreprise concernée, tout en allant au-delà de son obligation légale de coopérer, ne lui donne toutefois pas droit à une réduction du montant de l’amende au titre de la communication sur la clémence de 2002.

209    En l’espèce, puisque la Commission reproche aux requérantes d’avoir participé à une entente, il est incontestable qu’il s’agit d’une infraction relevant bien du champ d’application de la communication sur la clémence de 2002 (voir, par analogie, arrêt de la Cour du 28 juin 2005, Dansk Rørindustri e.a./Commission, C‑189/02 P, C‑202/02 P, C‑205/02 P à C‑208/02 P et C‑213/02 P, Rec. p. I‑5425, point 381).

210    De même, il est constant que les requérantes ont bénéficié d’une réduction du montant de l’amende en application de ladite communication.

211    Dans ces circonstances, les requérantes ne pourraient bénéficier d’une réduction supplémentaire, à titre de circonstance atténuante, que sur la base d’une coopération différente de celle ayant déjà été prise en compte dans le cadre de la communication sur la clémence de 2002 et qui répondrait aux conditions requises pour l’application du paragraphe 29, quatrième tiret, des lignes directrices de 2006.

212    Or, aux considérants 461 à 463 de la décision attaquée, la Commission a accordé aux requérantes, en application de la communication sur la clémence de 2002, une réduction de 50 % du montant de l’amende, sur la base des documents relatifs aux « réunions Cristal » qu’elles ont fournis et des traductions relatives à ceux-ci. Dès lors, la Commission ne pouvait pas réduire ultérieurement le montant de l’amende infligée aux requérantes en raison de cette coopération de leur part.

213    Quant au fait que les requérantes ont produit des documents concernant les fournisseurs japonais de LCD, il suffit d’observer que ces fournisseurs ne sont pas visés par la décision attaquée. Par conséquent, il ne saurait être considéré qu’il s’agît là d’une collaboration effective des requérantes à la procédure administrative spécifique concernant l’infraction constatée dans la décision attaquée, mais, tout au plus, d’informations relatives à une autre infraction présumée (voir, en ce sens, arrêt du Tribunal du 28 avril 2010, Oxley Threads/Commission, T‑448/05, non publié au Recueil, points 129 et 130).

214    S’agissant de l’acceptation par les requérantes de l’emploi de l’anglais, au lieu de l’allemand, comme langue de la procédure administrative, il y a lieu de relever que cette circonstance, si elle peut avoir simplifié la charge administrative de la Commission, ne correspond manifestement pas aux conditions rappelées au point 211 ci-dessus (voir, en ce sens, arrêt du Tribunal du 12 décembre 2012, Ecka Granulate et non ferrum Metallpulver/Commission, T‑400/09, non encore publié au Recueil, point 67).

215    Enfin, la circonstance selon laquelle les requérantes se sont montrées disponibles pour régler l’affaire à l’amiable ne constitue par une forme de coopération qui aurait facilité la tâche de la Commission de prouver l’infraction constatée dans la décision attaquée.

216    Sur la base des considérations qui précèdent, il y a lieu de rejeter le troisième moyen.

 Sur le quatrième moyen, tiré de l’exclusion de la procédure des fournisseurs japonais de LCD

217    Dans le cadre du quatrième moyen, les requérantes reprochent à la Commission d’avoir exclu de l’infraction constatée dans la décision attaquée les fournisseurs japonais de LCD cartellisés. À cet égard, elles font valoir que la Commission a :

–        artificiellement scindé une infraction unique et continue ;

–        violé l’obligation de motivation ;

–        violé le principe de sécurité juridique et le principe ne bis in idem ;

–        violé le principe de proportionnalité.

 Sur le concept d’infraction unique et continue

218    Les requérantes font valoir que la Commission a artificiellement scindé l’infraction unique et continue constatée dans la décision attaquée, au motif que les fournisseurs japonais de LCD ne sont pas visés par cette décision, bien que la Commission disposât de nombreuses preuves, mentionnées par ailleurs dans la communication des griefs, démontrant la participation de ces fournisseurs à l’entente sanctionnée par la Commission. Elles précisent que d’autres autorités de la concurrence ont inclus lesdits fournisseurs dans leurs procédures concernant l’entente sur les LCD.

219    Selon les requérantes, s’il est vrai que les fournisseurs japonais n’ont pas directement participé aux « réunions Cristal », il n’en reste pas moins qu’ils ont été informés des résultats de ces réunions et qu’ils ont tenu des réunions parallèles à ces dernières, au cours desquelles des discussions très similaires ont eu lieu.

220    Il convient tout d’abord de rappeler que la notion d’infraction unique vise une situation dans laquelle plusieurs entreprises ont participé à une infraction constituée d’un comportement continu poursuivant un seul but économique visant à fausser la concurrence ou bien encore d’infractions individuelles liées entre elles par une identité d’objet (même finalité de l’ensemble des éléments) et de sujets (identité des entreprises concernées, conscientes de participer à l’objet commun) (voir arrêt du Tribunal du 28 avril 2010, Amann & Söhne et Cousin Filterie/Commission, T‑446/05, Rec. p. II‑1255, point 89, et la jurisprudence citée).

221    Ensuite, il y a lieu de relever qu’une violation de l’article 101, paragraphe 1, TFUE peut résulter non seulement d’un acte isolé, mais également d’une série d’actes ou bien encore d’un comportement continu. Cette interprétation ne saurait être contestée au motif qu’un ou plusieurs éléments de cette série d’actes ou de ce comportement continu pourraient également constituer en eux-mêmes et pris isolément une violation de ladite disposition. Lorsque les différentes actions s’inscrivent dans un plan global, en raison de leur objet identique faussant le jeu de la concurrence à l’intérieur du marché unique, la Commission est en droit d’imputer la responsabilité de ces actions aux entreprises en cause en fonction de leur participation à l’infraction considérée dans son ensemble (voir arrêt Amann & Söhne et Cousin Filterie/Commission, précité, point 90, et la jurisprudence citée).

222    À cet égard, en premier lieu, il convient d’observer que, si cette jurisprudence permet à la Commission de poursuivre, par une seule procédure et une seule décision, à la fois plusieurs comportements qui auraient pu être poursuivis individuellement, elle n’a pas pour conséquence d’obliger la Commission à procéder de la sorte. Ainsi, il ne saurait en principe être reproché à la Commission de poursuivre séparément différents comportements qu’elle aurait pu regrouper dans une infraction unique et continue. Par ailleurs, chacun de ces comportements pourrait contenir en son sein plusieurs infractions.

223    Il s’ensuit que la Commission dispose d’un pouvoir d’appréciation quant à la portée des procédures qu’elle engage. En effet, selon la jurisprudence, elle ne peut être obligée de constater et de sanctionner tout comportement anticoncurrentiel et les juridictions de l’Union ne pourraient – ne serait-ce qu’en vue d’une réduction du montant de l’amende – juger que la Commission, eu égard aux preuves à sa disposition, aurait dû établir l’existence d’une infraction pendant une période donnée et à l’encontre d’une entreprise donnée (voir, en ce sens, arrêt Tokai Carbon e.a./Commission, précité, points 369 et 370).

224    L’exercice de ce pouvoir est soumis au contrôle juridictionnel. Cependant, il ressort de la jurisprudence que ce n’est que s’il pouvait être démontré que la Commission avait engagé, sans motif objectif, deux procédures distinctes relatives à une situation de fait unique que son choix pourrait être considéré comme étant un détournement de pouvoir (voir, en ce sens, arrêt de la Cour du 29 juin 2010, Commission/Alrosa, C‑441/07 P, Rec. p. I‑5949, point 89).

225    En l’espèce, la Commission a considéré qu’elle ne disposait pas, ou pas encore, de preuves suffisantes à l’encontre des fournisseurs japonais et a ainsi choisi de ne pas les poursuivre en même temps que les requérantes et les autres destinataires de la décision attaquée. Or, cette circonstance constitue un motif objectif, qui justifie le choix de la Commission. Il va de soi que, dans le cadre de la procédure ouverte à l’encontre des fournisseurs japonais, la Commission est tenue de respecter notamment le principe ne bis in idem à l’égard des requérantes.

226    Par ailleurs, il convient de rappeler que, selon la jurisprudence, dès lors qu’une entreprise a, par son comportement, violé l’article 101, paragraphe 1, TFUE, elle ne saurait échapper à toute sanction au motif que d’autres opérateurs économiques ne se sont pas vu infliger d’amende, alors même que, comme en l’espèce, le juge de l’Union n’est pas saisi de la situation de ces derniers (arrêt Ahlström Osakeyhtiö e.a./Commission, précité, point 197, et arrêt du Tribunal du 16 décembre 2003, Nederlandse Federatieve Vereniging voor de Groothandel op Elektrotechnisch Gebied et Technische Unie/Commission, T‑5/00 et T‑6/00, Rec. p. II‑5761, point 430).

227    En second lieu, et en tout état de cause, il importe de préciser que l’objectif unique visé par le plan global qui caractérise une infraction unique et continue ne saurait être déterminé par une référence générale à l’existence d’une distorsion de concurrence dans le marché concerné par l’infraction, dès lors que l’atteinte portée à la concurrence constitue, en tant qu’objet ou effet, un élément consubstantiel à tout comportement relevant du champ d’application de l’article 101, paragraphe 1, TFUE. Une telle définition de la notion d’objectif unique risquerait de priver la notion d’infraction unique et continue d’une partie de son sens, dans la mesure où elle aurait comme conséquence que plusieurs comportements, concernant un secteur économique, interdits par l’article 101, paragraphe 1, TFUE, devraient systématiquement être qualifiés d’éléments constitutifs d’une infraction unique. Ainsi, aux fins de qualifier différents agissements d’infraction unique et continue, il y a lieu de vérifier s’ils présentent un lien de complémentarité en ce sens que chacun d’entre eux constitue une entrave au jeu normal de la concurrence et contribuent, par leur interaction, à la réalisation de l’ensemble des effets anticoncurrentiels voulus par leurs auteurs, dans le cadre d’un plan global visant un objectif unique. À cet égard, il y a lieu de tenir compte de toute circonstance susceptible d’établir ou de remettre en cause ledit lien, telle que la période d’application, le contenu (y compris les méthodes employées) et, corrélativement, l’objectif des divers agissements en question (voir, en ce sens, arrêt Amann & Söhne et Cousin Filterie/Commission, précité, point 92, et la jurisprudence citée).

228    En l’espèce, il convient d’observer, tout d’abord, que l’infraction que la Commission a reproché aux destinataires de la décision attaquée d’avoir commise consiste dans le fait qu’ils ont participé, d’une part, aux « réunions Cristal », au cours desquelles ils fixaient des prix minimaux pour les LCD cartellisés, discutaient des projections de prix pour en éviter la diminution et coordonnaient leurs augmentations de prix ainsi que leurs niveaux de production, et, d’autre part, à des réunions bilatérales ayant trait aux sujets discutés lors des « réunions Cristal » (voir point 20 ci-dessus).

229    Or, les requérantes admettent que les fournisseurs japonais n’ont pas participé aux « réunions Cristal », mais à d’autres réunions, auxquelles toutefois les destinataires de la décision attaquée n’ont pas participé.

230    À supposer même que les fournisseurs japonais aient eux aussi mis en œuvre, entre eux ou également avec les destinataires de la décision attaquée, une entente visant à fausser le jeu de la concurrence sur les prix des LCD, il ne saurait être considéré que leur stratégie à cette fin relève nécessairement du même plan global et emploie les mêmes méthodes que celles conçues par les destinataires de la décision attaquée.

231    L’absence de preuve d’un plan global et de méthodes communes constitue un motif objectif permettant à la Commission de poursuivre l’infraction commise par les requérantes sans inclure dans la même procédure celle éventuellement commise par les fournisseurs japonais.

232    En ce qui concerne l’argument des requérantes tiré du fait que la communication des griefs mentionnait les fournisseurs japonais, qui ont, en revanche, disparu dans la décision attaquée, d’une part, il suffit d’observer que ces fournisseurs n’étaient pas, en tout état de cause, destinataires de la communication des griefs. Dès lors, il ne saurait être soutenu que la Commission a modifié la portée de l’infraction.

233    D’autre part, selon une jurisprudence constante, la Commission n’est pas tenue d’expliquer les différences éventuelles existant entre ses appréciations définitives contenues dans la décision finale de sanction et ses appréciations provisoires contenues dans la communication des griefs (voir arrêt Bertelsmann et Sony Corporation of America/Impala, précité, point 65, et la jurisprudence citée).

234    Par ailleurs, il convient d’écarter l’argument que les requérantes cherchent à tirer du fait que la Commission a soutenu, dans ses écritures devant le Tribunal, que c’est pour se conformer aux principes établis dans l’arrêt du Tribunal du 12 octobre 2007, Pergan Hilfsstoffe für industrielle Prozesse/Commission, (T‑474/04, Rec. p. II‑4225, points 72 à 81), qu’elle a omis toute référence aux fournisseurs japonais dans la décision attaquée, alors que ceux-ci avaient été mentionnés dans la communication des griefs, tout en n’en étant pas destinataires.

235    À cet égard, il convient de rappeler qu’il ressort, en effet, de l’arrêt Pergan Hilfsstoffe für industrielle Prozesse/Commission, précité, que, afin de respecter notamment la présomption d’innocence, la Commission doit éviter de publier, dans ses décisions, des références qui seraient simplement susceptibles d’accuser une entreprise d’une infraction, lorsque le dispositif de cette décision ne vise pas ladite entreprise. Cependant, le fait que, en application des principes établis dans ledit arrêt, la Commission n’a pas mentionné les fournisseurs japonais dans la décision attaquée signifie seulement qu’elle a respecté la présomption d’innocence à l’égard de ces fournisseurs. En revanche, cette absence de mention ne saurait être interprétée en ce sens que la Commission a pris position, ne fût-ce qu’implicitement, sur la participation des fournisseurs japonais à des pratiques anticoncurrentielles concernant les LCD cartellisés.

236    Il s’ensuit que la Commission n’a pas violé le concept d’infraction unique et continue.

 Sur la prétendue violation de l’obligation de motivation

237    Les requérantes reprochent à la Commission de ne pas avoir expliqué les raisons pour lesquelles les fournisseurs japonais ont été exclus de la décision attaquée. Or, cette exclusion, qui affecterait la définition de la portée de l’infraction, aurait dû être solidement motivée, la Commission ne pouvant pas tout simplement se retrancher derrière son pouvoir d’appréciation.

238    À cet égard, il y a lieu de rappeler que la Commission n’avait aucune obligation d’exposer, dans la décision attaquée, les raisons pour lesquelles les fournisseurs japonais n’avaient pas été poursuivis. En effet, l’obligation de motivation d’un acte ne saurait englober une obligation pour l’institution qui en est l’auteur de motiver le fait de ne pas avoir adopté d’autres actes similaires adressés à des parties tierces (arrêts du Tribunal du 8 juillet 2004, JFE Engineering e.a./Commission, T‑67/00, T‑68/00, T‑71/00 et T‑78/00, Rec. p. II‑2501, point 414, et du 4 juillet 2006, Hoek Loos/Commission, T‑304/02, Rec. p. II‑1887, point 63). L’argumentation soulevée par les requérantes doit donc être écartée.

 Sur les prétendues violations des principes de sécurité juridique et ne bis in idem

239    Selon les requérantes, l’exclusion des fournisseurs japonais viole le principe de sécurité juridique et le principe ne bis in idem, au motif qu’elles ont été laissées dans l’incertitude quant à d’éventuelles futures enquêtes de la Commission à l’égard desdits fournisseurs, lesquelles pourraient aboutir à des amendes supplémentaires pour les requérantes ou, en tout état de cause, engendrer des frais substantiels pour défendre leur position sur des questions identiques à celles ayant déjà fait l’objet de la décision attaquée. Par ailleurs, ladite exclusion augmenterait le risque que les requérantes fussent exposées à des actions en dommages et intérêts.

240    Il convient de relever que c’est précisément le principe ne bis in idem qui garantit la sécurité juridique des requérantes.

241    En effet, il y a lieu de rappeler que le principe ne bis in idem doit être respecté dans les procédures tendant à l’imposition d’amendes, relevant du droit de la concurrence. Ce principe interdit, en matière de concurrence, qu’une entreprise soit condamnée ou poursuivie une nouvelle fois du fait d’un comportement anticoncurrentiel pour lequel elle a été sanctionnée ou dont elle a été déclarée non responsable par une décision antérieure qui n’est plus susceptible de recours (voir arrêt de la Cour du 14 février 2012, Toshiba Corporation e.a., C‑17/10, non encore publié au Recueil, point 94, et la jurisprudence citée).

242    En l’espèce, les requérantes ne peuvent pas se prévaloir du principe ne bis in idem, dès lors que leur recours vise la décision qui met fin à la première procédure que la Commission a ouverte à leur égard en raison d’une infraction ayant trait aux LCD cartellisés. En effet, ce principe ne peut être invoqué qu’à l’encontre d’une décision clôturant une éventuelle seconde procédure, qui serait relative à la même infraction. En revanche, ce principe ne saurait jouer aucun rôle à l’égard de la décision attaquée, dont l’existence constitue une condition sine qua non pour que le principe en question puisse être invoqué à l’égard de la seconde procédure.

243    La sécurité juridique des requérantes est garantie par le fait que toute décision de la Commission qui les poursuivrait pour la même infraction que celle visée par la décision attaquée serait contraire au principe ne bis in idem. Le respect de ce principe n’est à l’évidence pas concevable de manière préventive, dans le cadre du présent recours, dirigé contre la décision attaquée.

244    Quant à la circonstance selon laquelle la Commission a ouvert une procédure à l’égard des fournisseurs japonais, dans le cadre de laquelle elle a sollicité des informations des requérantes, elle n’a aucune incidence sur la légalité de la décision attaquée ou sur le montant de l’amende infligée aux requérantes. En effet, le fait d’avoir été poursuivies en raison de l’infraction constatée dans la décision attaquée ne soustrait pas les requérantes à leur devoir de coopérer avec la Commission aux fins d’une procédure susceptible d’aboutir à la constatation d’une infraction commise par d’autres entreprises ou même par elles, pourvu que les faits retenus par la Commission à cette fin soient différents de ceux sur lesquels la décision attaquée est fondée, étant précisé que cette dernière ne concernait pas les fournisseurs japonais.

245    Il s’ensuit que l’offre de preuve supplémentaire des requérantes, dans laquelle celles-ci font état du fait que la Commission les a impliquées dans une nouvelle procédure concernant les LCD, qui est actuellement en cours, n’est pas pertinente aux fins du présent litige, dès lors que le comportement de la Commission à l’égard des requérantes dans le cadre d’une éventuelle seconde procédure relative à une entente sur les LCD ne saurait affecter le bien-fondé de la décision attaquée.

246    Sur la base de ce qui précède, il y a lieu de conclure que la Commission n’a violé ni le principe ne bis in idem, ni le principe de sécurité juridique.

 Sur la prétendue violation du principe de proportionnalité

247    Les requérantes font valoir que la Commission a violé le principe de proportionnalité, dès lors que, en raison des risques qu’entraîne, pour elles, l’exclusion des fournisseurs japonais, elle n’aurait pas tenu compte de l’ensemble des circonstances de l’infraction dans la détermination du montant de l’amende qu’elle leur a infligée. À cet égard, d’une part, les requérantes invoquent la jurisprudence selon laquelle une entreprise ayant commis une seule infraction ne saurait être condamnée à la même amende que celle infligée à des entreprises ayant participé à plusieurs infractions (arrêts du Tribunal du 11 décembre 2003, Ventouris/Commission, T‑59/99, Rec. p. II‑5257, points 217 à 220, et Adriatica di Navigazione/Commission, T‑61/99, Rec. p. II‑5349, points 189 à 192). D’autre part, elles se réfèrent à l’arrêt du Tribunal du 12 juillet 2011, Toshiba/Commission (T‑113/07, Rec. p. II‑3989, point 287), où une décision de la Commission a été invalidée au motif qu’elle avait réservé un traitement plus favorable à certains des participants à une entente.

248    Il convient d’observer que le caractère proportionné d’une amende doit être apprécié au regard de l’ensemble des circonstances de l’infraction (voir arrêt du Tribunal du 29 novembre 2005, SNCZ/Commission, T‑52/02, Rec. p. II‑5005, point 58, et la jurisprudence citée). Or, les risques, invoqués par les requérantes, de devoir supporter des dépenses supplémentaires à la suite d’une deuxième procédure ouverte par la Commission à l’égard notamment des fournisseurs japonais ne sauraient être considérés comme des circonstances relatives à l’infraction commise par les requérantes, constatée dans la décision attaquée.

249    De même, puisque les fournisseurs japonais ne sont pas visés par la décision attaquée, les requérantes n’ont pas expliqué en quoi leur situation serait comparable aux cas, visés par la jurisprudence invoquée par elles (voir point 247 ci-dessus), dans lesquels, d’une part, certaines entreprises avaient participé à une seule infraction et d’autres entreprises à plusieurs infractions, ou, d’autre part, des entreprises ayant participé à une même infraction se sont vu appliquer des critères différents pour le calcul du montant de leurs amendes respectives.

250    Il s’ensuit que la Commission n’a pas violé le principe de proportionnalité.

251    Sur la base de tout ce qui précède, il doit être constaté que les requérantes n’ont pas démontré que, par l’exclusion des fournisseurs japonais de la procédure, la Commission ait commis des erreurs dans la fixation de l’amende qu’elle leur a infligée, si bien que le quatrième moyen doit être rejeté dans son ensemble.

 Exercice de la compétence de pleine juridiction

252    En sus de l’annulation partielle de la décision attaquée, les requérantes demandent au Tribunal de réduire le montant de l’amende qui leur a été infligée par la Commission, se fondant sur le fait que cette dernière aurait commis les erreurs visées par les moyens examinés ci-dessus et, s’agissant de l’exclusion de la procédure des fournisseurs japonais de LCD, également sur la possibilité que l’ouverture d’une procédure visant ces fournisseurs cause un préjudice aux requérantes.

253    Il ressort de l’examen des moyens des requérantes que la seule erreur commise par la Commission dans la fixation de l’amende qu’elle leur a infligée est celle d’avoir tenu compte du mois de janvier 2006 dans le calcul de la moyenne de la valeur de leurs ventes (points 195 à 203 ci-dessus). Par ailleurs, pour les raisons expliquées au point 244 ci-dessus, l’ouverture par la Commission d’une procédure visant les fournisseurs japonais ne saurait être considérée comme ayant causé un préjudice aux requérantes. En tout état de cause, cette circonstance n’a pas eu d’incidence sur la gravité et la durée de l’infraction commise par les requérantes.

254    Dans ces circonstances, il y a lieu d’examiner la demande des requérantes tendant à ce que le Tribunal corrige l’erreur relative au mois de janvier 2006 et réduise par conséquent le montant de l’amende que la Commission leur a infligée.

255    Il convient de rappeler que le contrôle de légalité des décisions adoptées par la Commission est complété par la compétence de pleine juridiction, qui est reconnue au juge de l’Union par l’article 31 du règlement (CE) n° 1/2003 du Conseil, du 16 décembre 2002, relatif à la mise en œuvre des règles de concurrence prévues aux articles 81 [CE] et 82 [CE] (JO 2003, L 1, p. 1), conformément à l’article 261 TFUE. Cette compétence habilite le juge, au-delà du simple contrôle de légalité de la sanction, à substituer son appréciation à celle de la Commission et, en conséquence, à supprimer, à réduire ou à majorer le montant de l’amende ou de l’astreinte infligée.

256    Il appartient dès lors au Tribunal, dans le cadre de sa compétence de pleine juridiction, d’apprécier, à la date où il adopte sa décision, si les requérantes se sont vu infliger une amende dont le montant reflète correctement la gravité et la durée de l’infraction en cause (voir, en ce sens, arrêt du Tribunal du 27 septembre 2012, Shell Petroleum e.a./Commission, T‑343/06, non encore publié au Recueil, point 117, et la jurisprudence citée).

257    En l’espèce, il doit être observé que les parties s’accordent sur le fait que l’exclusion du mois de janvier 2006 du calcul de la moyenne de la valeur des ventes pertinentes des requérantes a pour conséquence que, en appliquant à ladite moyenne la même méthode que celle suivie dans la décision attaquée, le montant de l’amende à infliger aux requérantes s’élève à 210 000 000 euros.

258    Partant, en l’absence d’autres éléments susceptibles de justifier une révision plus importante du montant de l’amende infligée aux requérantes dans la décision attaquée et eu égard à l’ensemble des circonstances de l’espèce, ce montant doit être réduit à 210 000 000 euros.

259    Par ailleurs, compte tenu de l’ensemble de ce qui précède, le surplus des conclusions de la requête doit être rejeté. 

 Sur les dépens

 Sur les dépens récupérables

260    Les requérantes concluent à ce que la Commission soit condamnée non seulement aux dépens de l’instance, mais également à leur rembourser tout autre frais ou dépense engagé en vue de l’application de la décision attaquée, aux motifs que la Commission, d’une part, exigerait une garantie bancaire émise par une banque ayant reçu la notation AA, dont aucune banque coréenne et seulement peu de banques européennes disposent, et, d’autre part, appliquerait aux versements provisoires un taux d’intérêt inférieur au taux du marché.

261    À cet égard, il y a lieu de rappeler que, selon une jurisprudence constante, les frais occasionnés par la constitution d’une garantie bancaire pour éviter l’exécution forcée d’une décision ne constituent pas des frais exposés aux fins de la procédure, au sens de l’article 91, sous b), du règlement de procédure (voir, en ce sens, arrêts du Tribunal du 9 juillet 2003, Archer Daniels Midland et Archer Daniels Midland Ingredients/Commission, T‑224/00, Rec. p. II‑2597, point 356, et Shell Petroleum e.a./Commission, précité, point 282). Par conséquent, la demande des requérantes visant à ce que la Commission soit condamnée à supporter de tels frais doit être rejetée comme irrecevable.

 Sur les dépens de l’instance

262    Aux termes de l’article 87, paragraphe 3, du règlement de procédure, le Tribunal peut répartir les dépens ou décider que chaque partie supporte ses propres dépens si les parties succombent respectivement sur un ou plusieurs chefs ou pour des motifs exceptionnels.

263    Le recours ayant été partiellement accueilli, il sera fait une juste appréciation des circonstances de la cause en décidant que les requérantes supporteront leurs propres dépens ainsi que trois quarts de ceux exposés par la Commission et que cette dernière supportera un quart de ses propres dépens.

Par ces motifs,

LE TRIBUNAL (sixième chambre)

déclare et arrête :

1)      Le montant de l’amende infligée solidairement à LG Display Co. Ltd et à LG Display Taiwan Co. Ltd à l’article 2 de la décision C (2010) 8761 final de la Commission, du 8 décembre 2010, relative à une procédure d’application de l’article 101 [TFUE] et de l’article 53 de l’accord sur l’Espace économique européen (affaire COMP/39.309 – LCD), est fixé à 210 000 000 euros.

2)      Le recours est rejeté pour le surplus.

3)      LG Display et LG Display Taiwan supporteront leurs propres dépens ainsi que trois quarts de ceux exposés par la Commission européenne.

4)      La Commission supportera un quart de ses propres dépens.

Kanninen

Berardis

Wetter

Ainsi prononcé en audience publique à Luxembourg, le 27 février 2014.

Signatures


** Langue de procédure : l’anglais.


1 Le présent arrêt fait l’objet d’une publication par extraits.