Language of document : ECLI:EU:F:2007:13

ARRÊT DU TRIBUNAL DE LA FONCTION PUBLIQUE DE L’UNION EUROPÉENNE (première chambre)

16 janvier 2007 (*)

« Fonctionnaires – Obligation d’assistance incombant à l’administration – Refus – Transfert des droits à pension acquis en Belgique »

Dans l’affaire F‑3/06,

ayant pour objet un recours introduit au titre des articles 236 CE et 152 EA,

Jacques Frankin, fonctionnaire de la Commission des Communautés européennes, demeurant à Sorée (Belgique), et les 482 autres fonctionnaires et agents temporaires dont les noms figurent en annexe, représentés par Mes G. Bouneou et F. Frabetti, avocats, ayant élu domicile à Luxembourg,

parties requérantes,

contre

Commission des Communautés européennes, représentée par Mme L. Lozano Palacios et M. D. Martin, en qualité d’agents, ayant élu domicile à Luxembourg,

partie défenderesse,

LE TRIBUNAL (première chambre),

composé de MM. H. Kreppel, président, H. Tagaras et S. Gervasoni, (rapporteur), juges,

greffier : M. S. Boni, administrateur,

vu la procédure écrite et à la suite de l’audience du 24 octobre 2006,

rend le présent

Arrêt

1        Par requête déposée au greffe du Tribunal le 6 janvier 2006, M. Frankin et 482 autres fonctionnaires et agents temporaires de la Commission des Communautés européennes demandent, d’une part, l’annulation du refus de la Commission en date du 10 juin 2005 de leur accorder son assistance en application des dispositions de l’article 24 du statut des fonctionnaires des Communautés européennes (ci-après le « statut ») et, d’autre part, la réparation des préjudices qu’ils estiment avoir subis du fait de ce refus.

 Cadre juridique

2        Aux termes de l’article 24 du statut :

« Les Communautés assistent le fonctionnaire, notamment dans toute poursuite contre les auteurs de menaces, outrages, injures, diffamations ou attentats contre la personne et les biens, dont il est, ou dont les membres de sa famille sont l’objet, en raison de sa qualité et de ses fonctions.

Elles réparent solidairement les dommages subis de ce fait par le fonctionnaire dans la mesure où celui-ci ne se trouve pas, intentionnellement ou par négligence grave, à l’origine de ces dommages et n’a pu obtenir réparation de leur auteur. »

3        L’article 11, paragraphe 2, de l’annexe VIII du statut, dans sa version antérieure à l’entrée en vigueur du règlement (CE, Euratom) n° 723/2004 du Conseil, du 22 mars 2004, modifiant ledit statut (JO L 124, p. 1) (ci-après le « règlement du 22 mars 2004 »), disposait :

« Le fonctionnaire qui entre au service des Communautés après avoir :

–         cessé ses activités auprès d’une administration, d’une organisation nationale ou internationale

ou

–         exercé une activité salariée ou non salariée,

a la faculté, au moment de sa titularisation, de faire verser aux Communautés, soit l’équivalent actuariel, soit le forfait de rachat des droits à pension d’ancienneté qu’il a acquis au titre des activités visées ci-dessus.

En pareil cas, l’institution où le fonctionnaire est en service détermine, compte tenu du grade de titularisation, le nombre des annuités qu’elle prend en compte d’après son propre régime au titre de la période de service antérieure sur la base du montant de l’équivalent actuariel ou du forfait de rachat. »

4        L’article 11, paragraphe 2, de l’annexe VIII du statut, dans sa rédaction issue du règlement du 22 mars 2004, lequel, en vertu de son article 2, est entré en vigueur le 1er mai 2004, dispose désormais :

« Le fonctionnaire qui entre au service des Communautés après avoir :

–        cessé ses activités auprès d’une administration, d’une organisation nationale ou internationale

ou

–        exercé une activité salariée ou non salariée,

a la faculté, entre le moment de sa titularisation et le moment où il obtient le droit à une pension d’ancienneté au sens de l’article 77 du statut, de faire verser aux Communautés le capital, actualisé jusqu’à la date du transfert effectif, représentant les droits à pension qu’il a acquis au titre des activités visées ci-dessus.

En pareil cas, l’institution où le fonctionnaire est en service détermine, par voie de dispositions générales d’exécution, compte tenu du traitement de base, de l’âge et du taux de change à la date de la demande de transfert, le nombre d’annuités qu’elle prend en compte d’après le régime de pension communautaire au titre de la période de service antérieur sur la base du capital transféré, déduction faite du montant qui représente la revalorisation du capital entre la date de la demande de transfert et celle du transfert effectif.

De cette faculté le fonctionnaire ne pourra faire usage qu’une seule fois par État membre et par fonds de pension. »

5        La loi belge du 21 mai 1991 établissant certaines relations entre des régimes belges de pension et ceux d’institutions de droit international public, publiée au Moniteur belge du 20 juin 1991, p. 13871 (ci-après la « loi de 1991 ») prévoyait, dans son article 3, que « [t]out fonctionnaire peut, avec l’accord de l’institution, demander que soit versé à l’institution le montant de pension de retraite afférent aux services et périodes antérieures à son entrée au service de l’institution ». L’article 9 de la loi de 1991 disposait que « [t]ant que la subrogation prévue à l’article 11 n’est pas devenue effective, le fonctionnaire peut, moyennant l’accord de l’institution, retirer sa demande de transfert. Ce retrait est définitif ». Dès lors que le fonctionnaire avait demandé le transfert de ses droits à pension acquis dans un régime belge de pension et que cette demande avait été acceptée, l’institution communautaire, se trouvait, en vertu de l’article 11 de la même loi, subrogée dans les droits du fonctionnaire. Compte tenu du mécanisme de subrogation ainsi institué, aucun versement n’était effectué au bénéfice de l’institution par le régime belge de pension avant la date d’obtention d’une pension communautaire par le fonctionnaire intéressé.

6        La loi belge du 10 février 2003 réglant le transfert de droits à pension entre des régimes belges de pensions et ceux d’institutions de droit international public, publiée au Moniteur belge du 27 mars 2003, p. 14747 (ci-après la « loi de 2003 »), a modifié la législation belge relative au transfert aux Communautés de droits à pension acquis dans les régimes belges. Applicable, en vertu de son article 29, aux demandes de transfert introduites à partir du 1er janvier 2002, cette loi institue un système de forfait de rachat des cotisations versées dans un régime belge de pension, majorées d’intérêts composés.

7        L’article 4, paragraphe 1, premier alinéa, de la loi de 2003 dispose :

« Le fonctionnaire ou l’agent temporaire qui, après s’être constitué des droits à une ou plusieurs pensions visées à l’article 3, [paragraphe] 1, 1° à 4°, est entré au service d’une institution peut, avec l’accord de celle-ci, demander que soient transférés à cette institution ou à son fonds de pension, au titre de son affiliation à ces régimes de pensions pour la période antérieure à son entrée au service de l’institution, les montants fixés conformément à l’article 7 ».

8        Selon la nouvelle législation, le transfert des droits à pension donne lieu au versement immédiat d’un capital au régime de pension communautaire.

9        L’article 9, paragraphe 1, de ladite loi dispose :

« La demande de transfert devient irrévocable à la date à laquelle l’Office [national des pensions] reçoit de l’institution la confirmation définitive de la demande de transfert introduite par le fonctionnaire ou l’agent temporaire. »

 Faits à l’origine du litige

10      La loi de 2003 a modifié les conditions de transfert des droits à pension acquis en Belgique vers le régime de pension communautaire pour les demandes présentées à compter du 1er janvier 2002. Sous l’empire de la nouvelle législation, le calcul des droits transférés est, dans nombre de cas, plus avantageux pour les fonctionnaires et agents concernés.

11      M. Frankin et 482 autres fonctionnaires et agents temporaires de la Commission ont obtenu, avant l’entrée en vigueur de la nouvelle législation belge, la prise en compte, dans le régime communautaire, de leurs droits à pension acquis auprès d’organismes belges de pension.

12      Par trois courriers identiques adressés à la Commission le 7 mars 2005, les requérants ont présenté :

–        à titre principal, une réclamation tendant, d’une part, à l’annulation du refus de la Commission de leur apporter spontanément son assistance et, d’autre part, à la réparation des dommages que leur a causés ce refus ;

–        à titre subsidiaire, une demande tendant à obtenir l’assistance de la Commission au titre de l’article 24 du statut.

13      La Commission a rejeté la réclamation et la demande susmentionnées par une décision du 10 juin 2005 (ci-après la « décision attaquée »).

14      Le 14 juillet 2005, les requérants ont, au titre de l’article 90, paragraphe 2, du statut, introduit une réclamation à l’encontre du rejet de leur demande d’assistance.

15      Le 22 septembre 2005, l’autorité investie du pouvoir de nomination (ci-après, l’« AIPN ») a adopté une décision de rejet de cette réclamation.

 Conclusions des parties

16      Les requérants concluent à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        annuler la décision attaquée ;

–        condamner la Commission à la réparation solidaire du dommage qu’ils estiment avoir subi ;

–        condamner la Commission au paiement des frais, dépens et honoraires.

17      La Commission conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        déclarer le recours irrecevable ;

–        à titre subsidiaire, déclarer le recours non fondé ;

–        condamner les requérants à supporter les dépens de la Commission.

 En droit

 Sur la recevabilité de la requête

18      Ainsi que l’a jugé la Cour (voir, en ce sens, arrêt du 26 février 2002, Conseil/Boehringer, C‑23/00 P, Rec. p. I‑1873, points 51 et 52), le juge communautaire peut apprécier si, dans l’intérêt d’une bonne administration de la justice, un recours doit, en tout état de cause, être rejeté au fond, sans qu’il soit besoin de statuer sur sa recevabilité. En l’espèce, il y a lieu d’examiner d’abord les moyens du recours et de réserver l’examen de l’exception d’irrecevabilité soulevée par la Commission.

 Sur les conclusions en annulation

 Sur le premier moyen, tiré de la violation de l’article 24 du statut et du devoir de sollicitude

–       Sur la première branche du moyen, relative à la violation de l’article 24 du statut


 Arguments des parties

19      En premier lieu, les requérants soutiennent que les conditions d’application de l’article 24 du statut sont, en l’espèce, réunies. C’est leur qualité de fonctionnaire ou d’agent temporaire des Communautés qui serait à l’origine du transfert de leurs droits à pension acquis en Belgique vers le régime communautaire et, par conséquent, de la discrimination qu’ils subiraient par l’effet de la nouvelle législation belge modifiant, à compter du 1er janvier 2002, les conditions de transfert des droits à pension à ce régime dans un sens généralement plus favorable aux demandeurs.

20      En deuxième lieu, l’assistance de l’institution serait particulièrement nécessaire aux requérants, compte tenu de la technicité du contentieux des droits à pension qui « implique inéluctablement la prise en considération de calculs actuariels impossibles à réaliser par le fonctionnaire individuel qui ne dispose pas des données et des moyens indispensables pour les résoudre » (arrêt de la Cour du 14 février 1990, Schneemann e.a./Commission, C‑137/88, Rec. p. I‑369, point 9).

21      En troisième lieu, la discrimination créée par la modification de la législation belge relative au transfert des droits à pension au régime communautaire justifierait l’assistance de l’institution En effet, les conditions de transfert prévues par la loi de 2003 seraient nettement plus favorables que celles résultant de la loi de 1991. Or, pour des droits acquis au cours d’une même période, la loi de 1991 serait applicable, dans l’hypothèse d’une demande introduite avant le 1er janvier 2002, alors que la loi de 2003 serait applicable dans l’hypothèse d’une demande introduite après cette date. Cette situation serait constitutive d’une discrimination entre les fonctionnaires et agents temporaires selon la date à laquelle ils auraient présenté leur demande de transfert.

22      Les requérants soutiennent, en dernier lieu, que la Commission n’a pas justifié son refus d’assistance.

23      La Commission fait valoir que l’article 24 du statut n’est, en l’espèce, pas applicable. Cette disposition viserait la défense des fonctionnaires, par l’institution, contre des agissements de tiers et non contre les actes émanant de l’institution même, dont le contrôle relève d’autres dispositions du statut (arrêt du Tribunal de première instance du 23 novembre 1995, Benecos/Commission, T‑64/94, RecFP p. I‑A‑257 et II‑769, point 65). Or, les requérants demanderaient à la Commission de procéder à une analyse individuelle de leur situation pour vérifier leur intérêt à obtenir le transfert de leurs droits à pension acquis en Belgique dans les conditions de la loi de 2003. Cette demande dépasserait ainsi l’objet de l’article 24 du statut.

 Appréciation du Tribunal

24      Aux termes de l’article 24, paragraphe 1, du statut, « [l]es Communautés assistent le fonctionnaire, notamment dans toute poursuite contre les auteurs de menaces, outrages, injures, diffamations ou attentats contre la personne et les biens, dont il est, ou dont les membres de sa famille sont l’objet, en raison de sa qualité et de ses fonctions ».

25      Ces dispositions illustrent, plus qu’elles ne définissent, l’étendue du devoir d’assistance des Communautés vis-à-vis de leurs fonctionnaires. La jurisprudence de la Cour et du Tribunal de première instance a précisé le champ d’application de cette obligation d’assistance au-delà des hypothèses expressément visées par l’article 24, paragraphe 1, du statut.

26      En vertu d’une jurisprudence bien établie, l’obligation d’assistance énoncée par l’article 24 du statut vise, de manière générale, la défense des fonctionnaires, par l’institution, « contre des agissements de tiers » (arrêts de la Cour du 17 décembre 1981, Bellardi-Ricci e.a./Commission, 178/80, Rec. p. 3187, point 23 ; du Tribunal de première instance du 30 juin 1992, Arto Hijos/Conseil, T‑25/91, Rec. p. II‑1907, point 58) ou même seulement « à l’occasion d’agissements de la part de tiers » (arrêts de la Cour du 5 octobre 1988, Hamill/Commission, 180/87, Rec. p. 6141, point 15 ; du Tribunal de première instance du 27 juin 2000, K/Commission, T‑67/99, RecFP p. I‑A‑127 et II‑579, point 32).

27      La Commission fait valoir à juste titre, au vu de cette définition, que les dispositions de l’article 24 du statut prévoient la défense des fonctionnaires contre des agissements de tiers et non contre les actes de l’institution même.

28      Il est vrai que la demande d’assistance des requérants n’a pas été formellement dirigée contre un acte de la Commission. Les requérants sollicitent l’assistance technique et financière de l’institution afin de vérifier d’abord qu’ils ont individuellement intérêt à demander un nouveau transfert de leurs droits dans les conditions de la nouvelle législation belge, puis d’obtenir, le cas échéant, ce nouveau transfert.

29      Toutefois, il convient de rappeler que le transfert des droits à pension s’analyse comme une opération comprenant deux décisions prises, à la demande de l’intéressé, successivement, par l’organisme national gestionnaire du régime de pension qui établit le décompte des droits acquis, puis par l’institution communautaire qui fixe, compte tenu de ces droits, le nombre d’annuités pris en compte dans le régime de pension communautaire au titre des droits transférés. Ainsi, le transfert de droits à pension au régime communautaire comporte effectivement une décision de l’institution, dont l’objet de la demande d’assistance est notamment, le cas échéant, d’obtenir le retrait.

30      Certes, le fait que la réalisation du but en vue duquel la demande d’assistance est présentée puisse supposer le retrait d’un acte de l’institution n’implique pas nécessairement que l’assistance soit demandée contre un acte de l’institution, notamment si cette dernière est disposée audit retrait.

31      Tel est en revanche le cas si l’institution a fait connaître sans ambiguïté son refus de retirer l’acte en question.

32      Or, dans la décision attaquée, la Commission a clairement exprimé son refus d’envisager le retrait des décisions initiales de transfert des droits à pension acquis en Belgique par les requérants.

33      Dans ces conditions, la demande d’assistance ne pouvait qu’être interprétée comme ayant pour effet la remise en cause d’un acte de la Commission, dont celle-ci refusait le retrait.

34      Il résulte de ce qui précède que la Commission pouvait à bon droit regarder la demande d’assistance en cause comme dirigée contre une de ses décisions et considérer que, à ce titre, la demande n’entrait pas dans le champ d’application de l’article 24 du statut. La première branche du premier moyen, tirée de la violation de l’obligation d’assistance énoncée à l’article 24 du statut, doit, dès lors, être écartée.

–       Sur la seconde branche du moyen, relative à la violation du devoir de sollicitude


 Arguments des parties

35      Les requérants soutiennent que l’obligation d’assistance de l’administration à l’égard de ses agents est strictement liée au devoir de sollicitude et qu’elle reflète l’équilibre des droits et obligations réciproques que le statut a créé dans les relations entre l’autorité publique et ses agents. Cet équilibre impliquerait notamment que, lorsqu’elle statue à propos de la situation d’un fonctionnaire ou d’un agent temporaire, l’autorité tienne compte non seulement de l’intérêt du service, mais aussi de celui du fonctionnaire ou de l’agent temporaire concerné.

36      La Commission considère que ce moyen n’est pas fondé.

 Appréciation du Tribunal

37      Comme l’a jugé à plusieurs reprises le Tribunal de première instance, notamment dans l’arrêt du 1er juin 1999, Rodríguez Pérez e.a./Commission (T‑114/98 et T‑115/98, RecFP p. I‑A‑97 et II‑529, point 32), le devoir d’assistance et le devoir de sollicitude incombant à l’administration à l’égard de ses agents ne sont pas des concepts parfaitement identiques. Le premier est consacré à l’article 24 du statut et impose à l’administration d’assister le fonctionnaire dans toute attaque ou menace dont celui-ci fait l’objet en raison de sa qualité et de ses fonctions. Le second, tout en n’étant pas mentionné dans le statut, reflète l’équilibre des droits et obligations réciproques que le statut a créé dans les relations entre l’autorité publique et ses agents, ce qui implique notamment que, lorsque ladite autorité statue à propos de la situation d’un fonctionnaire, elle prenne en considération l’ensemble des éléments qui sont susceptibles de déterminer sa décision et que, ce faisant, elle tienne compte non seulement de l’intérêt du service, mais aussi de celui du fonctionnaire concerné.

38      En l’espèce, ainsi qu’il ressort de la réponse à la première branche du moyen, la Commission était dans l’obligation de rejeter la demande d’assistance des requérants, dans la mesure où elle était dirigée contre un acte de l’institution. Les requérants ne peuvent valablement invoquer le devoir de sollicitude dans un tel contexte, devoir qui ne pourrait contraindre la Commission à écarter les conditions auxquelles le statut subordonne l’assistance de l’institution (voir, en ce sens, arrêt du Tribunal de première instance du 10 juillet 1997, Apostolidis e.a./Commission, T‑81/96, RecFP p. I‑A‑207 et II‑607, point 90, et la jurisprudence citée).

39      Dès lors, la seconde branche du premier moyen doit également être écartée.

 Sur le deuxième moyen, tiré de la violation du principe de non-discrimination

–       Arguments des parties

40      Les requérants soutiennent que les conditions de transfert des droits à pension au régime communautaire, prévues par les lois de 1991 et de 2003 diffèrent trop profondément pour que le respect du principe de non-discrimination soit assuré.

41      En vertu de la loi de 1991, l’institution serait subrogée dans les droits à la pension afférente aux services et périodes antérieurs à l’entrée du fonctionnaire ou de l’agent temporaire à son service. En d’autres termes, le Royaume de Belgique, à partir du moment où le fonctionnaire ou l’agent temporaire serait à la retraite, verserait à l’institution un montant mensuel correspondant aux droits à pension à transférer. Ce montant serait adapté à l’indice des prix à la consommation applicable à la date du début de la subrogation. La pension serait quant à elle versée en totalité par l’institution. Jusqu’à l’entrée en jouissance de la pension, l’institution se contenterait de transformer le montant mensuel de la pension dû par l’organisme belge en droits à pension acquis virtuellement dans le régime de pensions des Communautés. Ainsi, en vertu de la loi de 1991, aucun capital ne serait transféré vers ledit régime de pensions. En revanche, la loi de 2003 prévoirait le transfert effectif d’un capital correspondant aux droits accumulés par le fonctionnaire ou l’agent temporaire des Communautés dans les régimes belges de pension.

42      La discrimination résulterait en outre du fait que, pour des droits acquis au cours d’une même période, la loi de 1991 s’applique si la demande a été introduite avant le 1er janvier 2002, alors que la loi de 2003 est applicable dans le cas où la demande a été introduite après cette date.

43      Compte tenu du risque très sérieux de discrimination, l’assistance de l’institution serait justifiée, s’agissant de questions exigeant, de surcroît, des calculs compliqués, généralement hors de portée des fonctionnaires.

44      Selon la Commission, les requérants ne se compareraient pas avec d’autres fonctionnaires, mais à eux-mêmes en se plaçant dans l’hypothèse où la loi de 2003 leur serait appliquée et non celle de 1991. Or, une différence de traitement, au surplus hypothétique, selon la législation applicable, qui serait constatée à propos d’une seule et même personne, ne constituerait pas une violation du principe d’égalité de traitement. L’objet de la demande des requérants serait de déterminer la loi qui leur est individuellement la plus favorable et non de mettre fin à une supposée discrimination.

–       Appréciation du Tribunal

45      Le principe d’égalité de traitement exige que des situations comparables ne soient pas traitées de manière différente, à moins qu’une telle différenciation ne soit objectivement justifiée (arrêts de la Cour du 19 octobre 1977, Ruckdeschel e.a., 117/76 et 16/77, Rec. p. 1753, point 7, et du 9 novembre 1995, Francovich, C‑479/93, Rec. p. I‑3843, point 23 ; du Tribunal de première instance du 4 mars 1998, De Abreu/Cour de justice, T‑146/96, RecFP p. I‑A‑109 et II‑281, point 53).

46      Les requérants soutiennent que la modification de la législation belge aurait créé une discrimination entre les fonctionnaires communautaires ayant transféré leurs droits à pension acquis en Belgique, selon qu’ils ont demandé le transfert desdits droits avant ou après le 1er janvier 2002. Cependant, un tel moyen, dirigé contre la législation belge, est inopérant à l’encontre du refus d’assistance opposé par l’institution. Le moyen tiré de la violation du principe d’égalité ne serait opérant que s’il était allégué que la Commission avait accordé son assistance à d’autres fonctionnaires et agents placés dans la même situation que les requérants.

47      Par ailleurs, si les requérants ont seulement entendu soutenir que la violation du principe d’égalité des fonctionnaires par la législation belge justifiait que la Commission leur accorde son assistance, ils n’étaient en tout état de cause pas fondés à obtenir ladite assistance, ainsi qu’il a été exposé au point 34.

48      Il résulte de ce qui précède que le deuxième moyen de la requête doit être écarté.

 Sur le troisième moyen, tiré du procédé arbitraire, de l’obligation de motivation et de l’abus de pouvoir

–       Arguments des parties

49      Selon les requérants, le fait que la Commission ait déjà été condamnée pour un cas analogue (arrêt Schneemann e.a./Commission, précité) démontre qu’elle n’a pas observé son obligation de motivation, qu’elle a agi d’une façon arbitraire et qu’elle a abusé de son pouvoir.

50      La Commission rétorque que les requérants ne démontrent ni comment elle aurait manqué à son obligation de motivation, ni où elle aurait agi de manière arbitraire, ni comment elle aurait abusé de son pouvoir et qu’elle ne saurait spéculer sur les raisons qui ont pu les conduire à invoquer ces moyens.

–       Appréciation du Tribunal

51      Aux termes de l’article 25, paragraphe 2, deuxième phrase, du statut, « [t]oute décision faisant grief doit être motivée ».

52      La décision attaquée expose, résumant ainsi une argumentation précédemment développée, qu’en « [t]enant compte du fait que la loi belge n’est pas discriminatoire, ni illégale au regard du droit communautaire et qu’elle est conforme au statut […], l’AIPN estime qu’il n’est pas opportun de donner une assistance aux fonctionnaires ».

53      Par conséquent, les requérants ne sont pas fondés à soutenir que le refus d’assistance qui leur a été opposé n’était pas motivé.

54      Par ailleurs, si les requérants allèguent que la Commission aurait agi de manière arbitraire ou abusé de son pouvoir, ils n’assortissent ces griefs d’aucune indication ou justification permettant d’en apprécier le bien-fondé. Lesdits griefs ne peuvent, dès lors, qu’être rejetés.

55      Il résulte de ce qui précède que le troisième moyen doit être rejeté dans ses différentes branches.

 Sur le quatrième moyen, tiré de la violation du principe de protection de la confiance légitime, du principe pacta sunt servanda et du principe patere legem quam ipse fecisti

–       Arguments des parties

56      Le requérant soutient qu’ayant méconnu son obligation d’assistance prévue par l’article 24 du statut, la Commission n’aurait pas respecté le principe patere legem quam ipse fecisti.

57      De plus, comme il serait légitime de s’attendre à ce que la Commission respecte le principe pacta sunt servanda, la Commission n’aurait pas non plus respecté le principe de protection de la confiance légitime.

58      Selon la Commission, ces trois griefs seraient dénués de pertinence. Le principe patere legem quam ipse fecisti, selon lequel l’institution serait liée par les règles qu’elle s’est imposées à elle-même, serait manifestement étranger au présent litige. S’agissant du respect du principe pacta sunt servanda, la Commission ne voit pas quel contrat serait en cause en l’espèce. Enfin, quant au respect du principe de protection de la confiance légitime, la jurisprudence constante de la Cour et du Tribunal de première instance imposerait, comme première condition pour que ledit principe puisse être invoqué, que les pouvoirs publics aient eux-mêmes créé au préalable une situation susceptible d’engendrer une telle confiance légitime (voir, en ce sens, arrêt de la Cour du 15 janvier 2002, Weidacher, C‑179/00, Rec. p. I-501, point 31). Tel n’aurait pas été le cas en l’espèce.

–       Appréciation du Tribunal

59      En premier lieu, les requérants n’apportent pas le moindre élément de nature à établir que la Commission leur aurait fourni des assurances précises quant à une éventuelle assistance au titre de l’article 24 du statut ni, par suite, que la Commission aurait méconnu le principe de protection de la confiance légitime.

60      En second lieu, les requérants ne sont pas fondés à invoquer la violation du principe pacta sunt servanda, dès lors qu’ils ne font état d’aucun contrat ou accord que la Commission n’aurait pas respecté.

61      Enfin, il ne peut être soutenu que le refus de la Commission d’accorder l’assistance prévue par les dispositions de l’article 24 du statut soit contraire au principe patere legem quam ipse fecisti, puisque ledit statut n’est pas une règle édictée par la Commission en tant qu’AIPN, mais par le législateur communautaire.

62      Ainsi, le quatrième moyen, pris en ses différentes branches, doit également être rejeté.

63      Il résulte de tout ce qui précède que les conclusions à fin d’annulation de la requête doivent être rejetées, sans qu’il soit nécessaire de statuer sur leur recevabilité.

 Sur les conclusions indemnitaires

 Arguments des parties

64      Les requérants demandent la condamnation de la Commission à réparer les dommages qu’ils auraient subis du fait du refus d’assistance que leur a opposé l’institution.

65      La Commission considère que les conclusions indemnitaires sont irrecevables. Premièrement, la requête n’énoncerait pas un seul moyen à l’appui du recours en indemnité. Deuxièmement, la requête ne contiendrait aucun élément permettant d’établir l’existence et l’étendue du préjudice prétendument subi (arrêts du Tribunal de première instance du 9 janvier 1996, Koelman/Commission, T‑575/93, Rec. p. II‑1, point 97, et du 28 avril 1998, Dorsch Consult/Conseil et Commission, T‑184/95, Rec. p. II‑667, point 60 ; voir également, en ce sens, arrêt de la Cour du 21 mai 1976, Roquette Frères/Commission, 26/74, Rec. p. 677, points 22 à 24).

 Appréciation du Tribunal

66      Les requérants demandent réparation du préjudice que leur aurait causé le refus d’assistance litigieux de la Commission. C’est pourquoi le rejet des conclusions dirigées contre ledit refus entraîne également le rejet de ces conclusions indemnitaires, sans qu’il soit besoin de statuer sur la recevabilité de celles-ci.

 Sur les dépens

 Arguments des parties

67      La Commission estime que le présent recours lui a fait exposer des frais frustratoires. Elle fait valoir, premièrement, que le recours a été introduit au nom de nombreux fonctionnaires qui n’étaient pas signataires des courriers du 7 mars 2005, donc de manière manifestement irrecevable. Elle souligne, deuxièmement, que la requête est rédigée en des termes identiques à ceux de la réclamation, alors que la réponse à la réclamation avait soulevé, à titre principal, l’irrecevabilité de cette dernière. La partie défenderesse considère, troisièmement, que ladite requête est, en outre, manifestement mal fondée. Elle observe, enfin, que les requérants n’ont pas pris la peine d’annexer leur réclamation à leur requête. Ces éléments démontreraient le caractère manifestement peu sérieux du recours, et, par voie de conséquence, son caractère vexatoire.

68      Dans leur mémoire en réplique, les requérants ne répondent pas à ce chef de conclusions de la Commission.

 Appréciation du Tribunal

69      Ainsi que le Tribunal l’a jugé dans son arrêt du 26 avril 2006, Falcione/Commission, (F‑16/05, non encore publié au Recueil, points 77 à 86), aussi longtemps que le règlement de procédure du Tribunal et, notamment, les dispositions particulières relatives aux dépens ne sont pas entrés en vigueur, il y a lieu, dans l’intérêt d’une bonne administration de la justice et afin de garantir aux justiciables une prévisibilité suffisante quant aux règles relatives aux frais de l’instance, de faire seulement application du règlement de procédure du Tribunal de première instance.

70      Aux termes de l’article 87, paragraphe 2, du règlement de procédure dudit Tribunal, toute partie qui succombe est condamnée aux dépens, s’il est conclu en ce sens. Toutefois, en vertu de l’article 88 du même règlement, dans les litiges entre les Communautés et leurs agents, les frais exposés par les institutions restent à la charge de celles-ci. Néanmoins, en vertu de l’article 87, paragraphe 3, second alinéa, du même règlement, le Tribunal peut condamner une partie, même gagnante, à rembourser à l’autre partie les frais qu’elle lui a fait exposer et qui sont jugés frustratoires ou vexatoires.

71      Les conclusions de la Commission tendant à la condamnation des requérants à supporter l’intégralité des dépens, en application de l’article 87, paragraphe 3, second alinéa, du règlement de procédure du Tribunal de première instance, ne peuvent être accueillies.

72      En effet, en premier lieu, la requête ne présente pas un caractère manifestement irrecevable (arrêt de la Cour du 17 mars 1971, Kschwendt/Commission, 47/70, Rec. p. 251, points 23 et 24 ; ordonnance du Tribunal de première instance du 14 janvier 1998, Vela Palacios/CESE, T‑30/97, RecFP p. I‑A‑11 et II‑23, points 32 et 33). En particulier, la circonstance que certains des requérants n’aient pas été signataires d’une réclamation préalable n’est de nature à entacher la requête d’irrecevabilité manifeste qu’en ce qui les concerne. Par ailleurs, leur présence à l’instance n’est pas à l’origine de frais supplémentaires pour la Commission.

73      En deuxième lieu, l’introduction devant le Tribunal d’une demande que la réponse à la réclamation avait rejetée comme irrecevable ne suffit pas à caractériser comme frustratoires ou vexatoires les frais que les requérants ont obligé l’institution à exposer pour sa défense (ordonnance du Tribunal du 31 mai 2006, Frankin e.a./Commission, F‑91/05, non encore publiée au Recueil, point 35).

74      En troisième lieu, contrairement aux appréciations de la partie défenderesse, la requête n’est pas manifestement mal fondée (arrêt du Tribunal de première instance du 15 juillet 1994, Browet e.a./Commission, T‑576/93 à T‑582/93, RecFP p. I‑A‑191 et II‑619).

75      Enfin, la circonstance que les requérants aient omis d’annexer leur réclamation à leur requête ne démontre pas que cette dernière ait été introduite abusivement (arrêt de la Cour du 3 juillet 1980, Grassi/Conseil, 6/79 et 97/79, Rec. p. 2141).

76      Il résulte de ce qui précède que les conclusions de la partie défenderesse tendant à ce que les requérants soient condamnés à supporter ses dépens, en application des dispositions de l’article 87, paragraphe 3, second alinéa, du règlement de procédure du Tribunal de première instance, ne peuvent être accueillies.

77      Il y a lieu, en conséquence, de faire application des dispositions susmentionnées de l’article 87, paragraphe 2, et de l’article 88 du règlement de procédure du Tribunal de première instance et de décider, les requérants ayant succombé, que chaque partie supportera ses propres dépens.

Par ces motifs,

LE TRIBUNAL (première chambre)

déclare et arrête :

1)      Le recours est rejeté.

2)      Chaque partie supporte ses propres dépens.

Kreppel

Tagaras

Gervasoni

Ainsi prononcé en audience publique à Luxembourg, le 16 janvier 2007.

Le greffier

 

      Le président

W. Hakenberg

 

      H. Kreppel

Les textes de la présente décision ainsi que des décisions des juridictions communautaires citées dans celle-ci et non encore publiées au Recueil sont disponibles sur le site internet de la Cour de justice www.curia.europa.eu

ANNEXE

Compte tenu du nombre élevé de requérants dans cette affaire, leurs noms ne sont pas repris dans la présente annexe.


* Langue de procédure : le français.