Language of document : ECLI:EU:T:2011:686

DOCUMENT DE TRAVAIL

ARRÊT DU TRIBUNAL (quatrième chambre)

23 novembre 2011(*)

« Traité CECA – Fourniture de charbon destiné à l’industrie de production d’électricité du Royaume-Uni – Rejet d’une plainte alléguant l’application de prix d’achat discriminatoires – Compétence de la Commission pour appliquer l’article 4, sous b), CA après l’expiration du traité CECA, sur la base du règlement CE n° 1/2003 – Appréciation de l’intérêt communautaire – Obligations en matière d’instruction d’une plainte – Erreur manifeste d’appréciation »

Dans l’affaire T‑320/07,

Daphne Jones, demeurant à Neath (Royaume-Uni),

Glen Jones, demeurant à Neath,

Fforch-Y-Garon Coal Co. Ltd, établie à Neath,

représentés par M.. D. Jeffreys et Mme S. Llewellyn Jones, solicitors,

parties requérantes,

contre

Commission européenne, représentée par M. V. Di Bucci et Mme J. Samnadda, en qualité d’agents,

partie défenderesse,

soutenue par

Royaume-Uni de Grande-Bretagne et d’Irlande du Nord, représenté initialement par Mme E. Jenkinson, puis Mmes C. Gibbs et V. Jackson, et enfin par M. S. Hathaway, en qualité d’agents, assistés de M. J. Flynn, QC,

par

E.ON UK plc, établie à Coventry (Royaume-Uni), représentée par Me P. Lomas, solicitor,

et par

International Power plc, établie à Londres (Royaume-Uni), représentée par MM. D. Anderson, QC, M. Chamberlain, barrister, S. Lister et D. Harrison, solicitors,

parties intervenantes,

ayant pour objet une demande d’annulation de la décision SG-Greffe (2007) D/203626 de la Commission, du 18 juin 2007, d’application de l’article 7 du règlement (CE) n° 773/2004 de la Commission, du 7 avril 2004, relatif aux procédures mises en œuvre par la Commission en application des articles 81 [CE] et 82 [CE] (JO L 123, p. 18), rejetant la plainte des requérants relative à des infractions au traité CECA (affaire COMP/37.037-SWSMA),

LE TRIBUNAL (quatrième chambre),

composé de Mmes I. Pelikánová, président, K. Jürimäe, et M. M. van der Woude (rapporteur), juges,

greffier : M. E. Coulon,

vu la procédure écrite,

rend le présent

Arrêt

 Antécédents du litige

1        Les requérants, Mme Daphne Jones, M. Glen Jones et Fforch-Y-Garon Coal Co. Ltd, sont des producteurs de charbon privés, établis dans le sud du pays de Galles. Par le présent recours, ils demandent l’annulation de la décision SG-Greffe (2007) D/203626 de la Commission, du 18 juin 2007, d’application de l’article 7 du règlement (CE) n° 773/2004 de la Commission, du 7 avril 2004, relatif aux procédures mises en œuvre par la Commission en application des articles 81 [CE] et 82 [CE] (JO L 123, p. 18) (affaire COMP/37.037-SWSMA) (ci-après la « décision attaquée »), par laquelle la Commission des Communautés européennes a rejeté une plainte déposée en leur nom contre une prétendue application de prix d’achat discriminatoires, avant le 1er avril 1990, à l’égard des producteurs de charbon privés, par le Central Electricity Generating Board (ci-après le « CEGB »), une entreprise publique exploitant des centrales électriques en Angleterre et au pays de Galles.

 Secteurs du charbon et de l’électricité au Royaume-Uni avant le 1er avril 1990

2        Au cours de la période considérée, les requérants exploitaient des mines de charbon souterraines en vertu de licences concédées par British Coal Corp., une entreprise publique créée par le Coal Industry Nationalisation Act (loi portant nationalisation de l’industrie houillère, Royaume-Uni) de 1946.

3        British Coal était propriétaire de la quasi-totalité des réserves houillères au Royaume-Uni, avant la privatisation de ses activités en 1994. Elle disposait du droit exclusif d’extraire ce charbon et était habilitée à concéder des licences d’extraction pour du charbon à des opérateurs privés. La production de charbon par des exploitants privés sous licence représentait environ 3 % du charbon extrait en Grande-Bretagne, selon les chiffres mentionnés dans la décision attaquée (considérant 23 de la décision attaquée).

4        Avant le 1er avril 1990, le CEGB était chargé d’assurer l’approvisionnement en électricité en Angleterre et au pays de Galles et détenait un monopole de fait dans le secteur de la production d’électricité en gros dans ces régions. Aux termes de l’article 2, paragraphe 5, de l’Electricity Act (loi sur l’électricité, Royaume-Uni) de 1957, le CEGB était tenu de développer et de maintenir un système performant, coordonné et économique d’approvisionnement en électricité en gros en tout lieu du territoire de l’Angleterre et du pays de Galles, et, à cet effet, de produire ou d’acquérir des volumes d’électricité et de fournir d’importants volumes d’électricité aux sociétés locales de distribution.

5        Le secteur des centrales électriques constituait le principal débouché de la production de charbon au Royaume-Uni. En effet, hormis au cours de l’exercice 1984/1985, affecté par la grève des mineurs, plus de 80 % de la production de charbon était écoulé auprès des centrales électriques, selon les données fournies par British Coal, reprises dans la décision attaquée (considérant 9 de la décision attaquée). Le CEGB occupait sur ce marché la position d’acheteur de référence (note en bas de page n° 34 au considérant 30 de la décision attaquée).

 Contrats d’approvisionnement du CEGB en charbon avant le 1er avril 1990

6        En 1979, puis en 1986, le CEGB a conclu avec British Coal des contrats d’approvisionnement en charbon d’une durée de cinq ans portant sur le prix, sur le volume et sur les autres conditions d’achat du charbon. Il ressort de la décision attaquée (considérant 34 de la décision attaquée) que le contrat conclu en 1986 (ci-après l’« accord conjoint de 1986 ») a introduit un système d’approvisionnement du CEGB en « trois tranches » :

–        les volumes livrés dans le cadre de la première tranche correspondaient aux besoins essentiels du CEGB en matière d’approvisionnement en charbon et devaient être obtenus auprès de British Coal ; le prix afférent à cette tranche était supérieur à celui du charbon importé ;

–        les volumes livrés dans le cadre de la deuxième tranche correspondaient également aux besoins essentiels du CEGB en matière de combustibles ; ils pouvaient être obtenus par l’achat soit de charbon à British Coal, soit de pétrole auprès de fournisseurs de pétrole ; le prix afférent à cette tranche était établi par référence au cours international du pétrole ;

–        la troisième tranche correspondait à du « charbon marginal », susceptible d’être remplacé sans difficulté à bref délai par du charbon importé ; ce charbon pouvait également être obtenu auprès de British Coal ou des producteurs privés ; son prix était aligné sur celui du charbon importé, à savoir le prix à la livraison aux centrales côtières.

7        Il ressort de la décision attaquée (considérant 35) que, selon l’accord conjoint de 1986, les quantités de charbon que British Coal s’engageait à fournir au CEGB correspondaient à 95 % des besoins en charbon de ce dernier. Les 5 % restants étaient couverts par les producteurs privés sous licence et les importations.

8        S’agissant du charbon fourni par les producteurs privés, le CEGB achetait ce charbon soit directement auprès des principaux producteurs privés, soit auprès de certains intermédiaires agréés dénommés « mélangeurs ». Ces derniers, afin de répondre aux exigences tant quantitatives que qualitatives, notamment pour assurer une teneur en substances volatiles en adéquation avec la consommation d’une centrale électrique, mélangeaient des charbons de diverses origines, dont celui des requérants.

9        Il ressort du tableau concernant les prix du charbon, repris au considérant 42 de la décision attaquée, que les prix versés aux mélangeurs du sud du pays de Galles étaient inférieurs de 23 % lors de l’exercice 1987/1988, de 27 % lors des exercices 1986/1987 et 1988/1989 et de 33 % lors de l’exercice 1989/1990, au prix moyen versé à British Coal, toutes tranches confondues.

 Libéralisation et/ou réforme des secteurs de l’électricité et du charbon et nouveaux contrats d’approvisionnement en charbon conclus par les producteurs d’électricité en 1990

10      Le 1er avril 1990, les activités du CEGB ont été scindées en vue de leur privatisation et reprises, notamment, par National Power plc et PowerGen plc, devenues respectivement International Power plc et E.ON UK plc. L’obligation de garantir la sécurité de l’approvisionnement en électricité en Angleterre et au pays de Galles n’a plus été imposée aux producteurs, mais aux sociétés de distribution d’électricité, situées en aval. Par ailleurs, dans le cadre du Coal Industry Act de 1990 (loi sur l’industrie charbonnière, Royaume-Uni), l’effectif pouvant être employé dans une des mines souterraines – qui, en vertu d’une clause de la licence standard concédée par le CEGB aux producteurs privés, ne devait pas dépasser 30 personnes, tandis que le nombre de salariés employés dans une mine souterraine de British Coal s’élevait en moyenne à 900 personnes – a été porté à 150 personnes. Enfin, au mois de mars 1991, l’interdiction communautaire de produire de l’électricité par combustion de gaz a été levée.

11      Dans le contexte de la libéralisation du secteur de la production d’électricité, l’accord conjoint de 1986 a été résilié à la fin du mois de mars 1990 et remplacé, à partir du 1er avril 1990, par de nouveaux contrats d’approvisionnement d’une durée de trois ans entre British Coal, d’une part, et International Power (anciennement National Power) et E.ON UK (anciennement PowerGen), d’autre part. Ces nouveaux contrats mettaient fin au régime d’approvisionnement en trois tranches et prévoyaient un prix unique et des volumes fixes d’achat de charbon à British Coal. De nouveaux contrats, avec effet rétroactif au 1er avril 1990, ont également été conclus par les deux producteurs d’électricité susvisés avec les mines privées sous licence et, au sud du pays de Galles, avec les mélangeurs (voir point 15 ci-après).

 Plainte

12      Le 5 juin 1990, la South Wales Small Mines Association (Association des petites exploitations minières du sud du pays de Galles, ci-après la «SWSMA») a déposé, auprès de la Commission, la plainte susmentionnée (voir point 1 ci-dessus) dénonçant l’application par le CEGB de prix discriminatoires, contraires, selon cette association, aux dispositions pertinentes du traité CECA ainsi qu’aux articles 81 CE et 82 CE, à l’égard de quatorze membres de cette association parmi lesquels figuraient les requérants. Cette plainte visait expressément l’accord conjoint de 1986, et en particulier le mécanisme des tranches d’approvisionnement en charbon assorties de prix différenciés (voir point 6 ci-dessus). Tout en reconnaissant que la fourniture de charbon en très grande quantité pouvait raisonnablement justifier un prix d’achat plus élevé que celui versé pour des quantités moindres, aux producteurs privés sous licence, les plaignants ont souligné en substance que les différences de prix en cause en l’espèce étaient disproportionnées. Par ailleurs, ils ont indiqué qu’ils entendaient engager une action en justice devant les juridictions nationales.

13      Il ressort des pièces du dossier et de la décision attaquée (considérants 78 et 79) qu’une plainte complémentaire, relative à la période comprise entre 1984 et 1986, a été déposée par la SWSMA, par lettre du 18 juillet 1996, à la suite du prononcé de l’arrêt de la Cour du 2 mai 1996, Hopkins e.a. (C‑18/94, Rec. p. I‑2281 ; voir points 17 et 18 ci-après).

 Décision de la Commission du 23 mai 1991, relative à la période postérieure au 1er avril 1990

14      Par décision du 23 mai 1991, la Commission a rejeté la plainte susmentionnée de la SWSMA, ainsi que la plainte parallèle déposée le 29 mars 1990 notamment par la National Association of Licensed Open Cast Operators (association nationale d’exploitants de mines à ciel ouvert sous licence, ci-après la « NALOO »), en ce que ces plaintes visaient la période postérieure au 1er avril 1990. L’examen de la situation antérieure à cette date a été expressément exclu de cette décision. Le recours formé par la NALOO contre cette décision, en ce qu’elle visait les redevances imposées par British Coal aux mines sous licence, a été rejeté par l’arrêt du Tribunal du 24 septembre 1996, NALOO/Commission (T‑57/91, Rec. p. II‑1019).

15      Il ressort de cette décision du 23 mai 1991 (considérants 32, 56 et 81 de ladite décision) que, lors de l’entrée en vigueur le 1er avril 1990 des nouveaux contrats d’approvisionnement (voir point 11 ci-dessus) qui fixaient un prix de base de 170 livres sterling (GBP) par gigajoule (GJ) brut et de 177,9 GBP/GJ net en faveur de British Coal, National Power et PowerGen avaient dans un premier temps offert aux producteurs privés sous licence des prix compris entre 122 GBP/GJ et 139 GBP/GJ, lesquels avaient été considérés par la Commission comme présentant un caractère discriminatoire. À la suite d’un échange de correspondance et de réunions entre la Commission et les autorités du Royaume-Uni, qui a débouché, au mois de novembre 1990, sur la présentation d’une offre à la SWSMA concernant les conditions d’achat du charbon auprès des producteurs privés, National Power et PowerGen ont conclu avec les producteurs privés des contrats individuels d’une durée de trois ans, avec effet rétroactif au 1er avril 1990. Ces nouveaux contrats prévoyaient notamment, en ce qui concerne le sud du pays de Galles, où les petites mines vendaient leur production à des mélangeurs, l’organisation et la gestion par les petites mines elles-mêmes de l’activité de mélange. Lesdits contrats garantissaient aux mélangeurs l’achat de volumes fixes ainsi que le paiement d’un prix de 157 GBP/GJ et prévoyaient le paiement par les mélangeurs d’un prix minimal de 147GBP/GJ aux mines sous licence (considérants 38, 41, 58 et 67 de la décision du 23 mai 1991).

16      Dans ladite décision (considérants 58 et 61), la Commission a considéré que la nouvelle différence de 12 % entre les prix offerts pour le charbon fourni par les mines privées ou, au sud du pays de Galles, par les mélangeurs, et celui fourni par British Coal n’était pas suffisamment importante pour constituer une discrimination. À cet égard, elle a estimé que la nouvelle différence de prix reflétait l’incapacité des plaignants à fournir le même volume que British Coal, ainsi que les frais supplémentaires liés au traitement d’un grand nombre de petites transactions.

 Arrêt Hopkins e.a.

17      Sur renvoi préjudiciel de la High Court of Justice (England and Wales) (Haute Cour de justice, Angleterre et pays de Galles, Royaume-Uni), qui avait été saisie d’une action en responsabilité par des membres de la SWSMA, la Cour de justice a jugé, dans son arrêt Hopkins e.a., point 13 supra, notamment que les discriminations par les prix exercées par les acheteurs à l’égard de producteurs de charbon relevaient de l’application combinée de l’article 4, sous b), CA et de l’article 63, paragraphe 1, CA et ne tombaient dès lors pas sous le coup de l’application de l’article 82 CE (points 15 à 22). Elle a précisé à cet égard que les pouvoirs conférés à la Commission par l’article 63, paragraphe 1, CA lui permettaient non seulement de faire cesser pour le futur les discriminations systématiques constatées, mais encore de tirer de cette constatation toutes les conséquences en ce qui concernait les effets que ces discriminations avaient pu produire dans les rapports entre acheteurs et producteurs au sens de l’article 4, sous b), CA, même avant l’intervention de la Commission (point 19). En outre, la Cour a constaté l’absence d’effet direct de l’article 4, sous b), CA, dans la mesure où, sous l’égide du traité CECA, cet article n’était pas d’application autonome, et de l’article 63, paragraphe 1, CA, dans la mesure où il conférait compétence à la Commission pour adresser aux gouvernements intéressés les recommandations nécessaires (points 26 et 27).

18      À la lumière de cet arrêt, la SWSMA a, par lettre du 18 juillet 1996, invité la Commission à poursuivre l’examen de sa plainte et à se prononcer sur la discrimination alléguée au cours de la période comprise entre 1984 et 1990.

 Décision de la Commission du 30 juillet 1998, relative à la période antérieure au 1er avril 1990

19      Par décision du 30 juillet 1998, la Commission a rejeté la plainte, au motif qu’elle ne s’estimait pas compétente pour adopter des recommandations au titre de l’article 63, paragraphe l, CA, en ce qui concernait des infractions ayant déjà cessé.

20      Avant la notification de cette décision, les requérants avaient informé la Commission qu’ils n’étaient plus représentés par la SWSMA et qu’ils souhaitaient participer à l’instruction de la plainte déposée notamment en leur nom par cette association.

21      Par requêtes déposées au greffe du Tribunal respectivement le 21 septembre 1998 et le 6 octobre 1998, les entreprises plaignantes dont les requérants, d’une part, et la SWSMA, d’autre part, ont formé des recours fondés sur l’article 33, deuxième alinéa, CA et l’article 35 CA, contre la décision susmentionnée du 30 juillet 1998 (affaires T-148/98 et T-162/98).

22      Par ordonnance du 29 septembre 1999, Evans e.a./Commission (T‑148/98 et T‑162/98, Rec. p. II‑2837), le Tribunal a rejeté ces deux recours comme irrecevables au motif qu’ils avaient été introduits hors délais.

23      Par arrêt du 10 janvier 2002, Plant e.a./Commission et South Wales Small Mines (C‑480/99 P, Rec. p. I‑265), la Cour a annulé cette ordonnance notamment en tant qu’elle avait rejeté le recours dans l’affaire T-148/98 comme irrecevable, car hors délai, et joint les affaires T-148/98 et T‑162/98. Elle a par ailleurs jugé que l’ordonnance attaquée revêtait un caractère définitif à l’égard du recours dans l’affaire T‑162/98. Elle a renvoyé l’affaire T-148/98 devant le Tribunal afin qu’il statue au fond.

24      Dans une procédure parallèle, la Commission avait, par décision du 27 avril 1998, rejeté la plainte complémentaire à la plainte parallèle déposée par la NALOO (voir point 14 ci-dessus). La NALOO avait déposé cette plainte complémentaire le 15 juin 1994, après le rejet de son action en responsabilité devant la High Court of Justice (England and Wales) à la suite de l’arrêt sur renvoi préjudiciel de la Cour du 13 avril 1994, Banks, dit « arrêt Banks I » (C‑128/92, Rec. p. I‑1209). Le rejet de cette plainte complémentaire se fondait, tout comme le rejet de la plainte de la SWSMA dans la décision du 30 juillet 1998, en cause dans l’affaire T-148/98, susvisée, sur l’incompétence alléguée de la Commission pour connaître des infractions ayant déjà cessé. Par arrêt du 2 octobre 2003, International Power e.a./NALOO (C‑172/01 P, C‑175/01 P, C‑176/01 P et C‑180/01 P, Rec. p. I‑11421), la Cour a partiellement confirmé l’arrêt du Tribunal du 7 février 2001, NALOO/Commission (T‑89/98, Rec. p. II‑515), qui avait annulé cette décision du 27 avril 1998 rejetant la plainte complémentaire de la NALOO. Elle a en particulier confirmé que, contrairement aux allégations de la Commission, l’article 63, paragraphe 1, CA conférait compétence à cette institution pour agir en ce qui concerne des discriminations systématiques ayant déjà cessé (points 80 et 91).

 Adoption de la décision attaquée

25      À la suite de cet arrêt, par décision du 8 mars 2004, la Commission a retiré, en tant qu’elle concernait les requérants, la décision du 30 juillet 1998.

26      En conséquence, par ordonnance du 28 septembre 2005, Evans e.a./Commission (T‑148/98, non publiée au Recueil), le Tribunal a constaté que le recours formé contre cette décision du 30 juillet 1998 était devenu sans objet et qu’il n’y avait dès lors plus lieu de statuer.

27      À la suite du retrait de la décision du 30 juillet 1998, susvisée, une réunion s’est tenue le 7 mai 2004 entre la Commission et les requérants. Par lettres du 16 juin 2006, ainsi que du 8 et du 26 février et du 15 mars 2007, les requérants ont présenté leurs observations sur les lettres de la Commission en date respectivement du 4 mai 2006 et du 17 janvier 2007 les informant que, en application de l’article 7 du règlement n° 773/2004, elle considérait qu’il n’existait pas de motifs suffisants pour donner suite à leur plainte.

28      Le 18 juin 2007, la Commission a adopté la décision attaquée rejetant la plainte.

 Contenu de la décision attaquée

29      En ce qui concerne les règles matérielles applicables et la base juridique de sa compétence, la Commission, se référant au point 31 de la communication du 26 juin 2002 sur certains aspects du traitement des affaires de concurrence résultant de l’expiration du traité CECA (JO C 152, p. 5), rappelle que, dans le cadre du traité CECA, la discrimination par les prix visée dans la plainte relevait de l’application combinée des dispositions matérielles de l’article 4, sous b), CA et de l’article 63, paragraphe 1, CA. Elle souligne à cet égard que, si l’acheteur pratiquant des prix d’achat discriminatoires occupe une position dominante, l’article 82 CE peut, depuis l’expiration du traité CECA, imposer des obligations correspondant matériellement à celles qu’imposaient les dispositions combinées de l’article 4, sous b), CA et de l’article 63, paragraphe 1, CA, ainsi que l’article 66, paragraphe 7, CA. En conséquence, la Commission examine, dans la décision attaquée, la discrimination par les prix alléguée au regard des dispositions matérielles de l’article 4, sous b), CA, en se fondant sur les règles procédurales d’application des articles 81 CE et 82 CE, énoncées dans le règlement (CE) n° 1/2003 du Conseil, du 16 décembre 2002, relatif à la mise en œuvre des règles de concurrence prévues aux articles 81 [CE] et 82 [CE] (JO 2003, L 1, p. 1), et le règlement n° 773/2004 (considérants 70 et 71 de la décision attaquée).

30      À cet égard, la Commission fait valoir qu’il y a uniquement lieu de vérifier si, après l’expiration du traité CECA, elle demeure compétente, dans certaines circonstances, pour appliquer l’article 4, sous b), CA. Dans la mesure où il ne ressortirait pas de son examen du bien-fondé de la plainte que les plaignants ont subi une discrimination, elle estime qu’il n’est pas nécessaire qu’elle se prononce notamment sur la question de savoir si le CEGB occupait une position dominante sur le marché de l’acquisition du charbon au cours de la période considérée (considérant 71 de la décision attaquée).

31      Lors de son examen de la plainte, la Commission effectue une distinction entre, d’une part, la période comprise entre 1984 et 1986 et, d’autre part, celle comprise entre 1986 et 1990. S’agissant de la première période, la Commission rejette la plainte pour deux motifs. Premièrement, elle estime en substance que la plainte, déposée en 1990, ne couvrait pas cette période et que les requérants ne justifiaient pas d’un intérêt légitime à déposer une nouvelle plainte en 1996, étendant la plainte initiale à la période antérieure à 1986 (considérants 78 et 79 de la décision attaquée). Deuxièmement, elle considère que la plainte doit également être rejetée pour défaut d’intérêt communautaire (considérants 80 à 86 de la décision attaquée).

32      En ce qui concerne la seconde période, comprise entre le 1er avril 1986 et le 31 mars 1990, la Commission estime que les prix majorés versés par le CEGB à British Coal, en ce qui concerne la première et la deuxième tranche de charbon visées dans l’accord conjoint de 1986, étaient justifiés par le fait que seul British Coal était en mesure de garantir au CEGB la fourniture de quantités significatives à moyen terme et de couvrir ainsi ses besoins essentiels en charbon pour lui permettre de remplir son obligation légale d’approvisionner de manière adéquate l’Angleterre et le pays de Galles en électricité (considérants 88 à 90 de la décision attaquée).

33      La Commission explique que, durant la période considérée, la forte dépendance du CEGB à l’égard du charbon résultait en particulier de ce qu’il ne pouvait pas substituer à long terme d’autres combustibles au charbon, en raison, premièrement, de l’insuffisance de la substitution par le pétrole et du risque de volatilité des prix internationaux de ce combustible, surtout à la suite des chocs pétroliers de 1970, deuxièmement, de l’interdiction d’utiliser le gaz comme combustible dans les centrales électriques jusqu’au début des années 1990 et, troisièmement, des difficultés à faire agréer les calendriers pour de nouvelles centrales nucléaires. En outre, il aurait été impossible d’ériger à court et à moyen terme de nouvelles liaisons d’interconnexion électrique entre le Royaume-Uni et la France, pour augmenter la capacité d’importation d’électricité. Par ailleurs, au cours de la période considérée, le niveau des importations de charbon aurait été limité notamment en raison de l’insuffisance ou de l’inadaptation des infrastructures portuaires (considérants 91 à 96 de la décision attaquée).

34      Quant aux producteurs de charbon privés, ils n’auraient pu assurer que des livraisons marginales et à court terme, parce que, dans le cadre du Coal Industry Nationalisation Act de 1946, le régime des licences ne leur permettait pas de développer leurs exploitations à grande échelle. De plus, rien ne prouverait que les mélangeurs étaient liés à leurs fournisseurs par des accords contraignants. Exposés aux variations de production des mines privées et à la concurrence entre eux sur le marché au comptant, les mélangeurs n’auraient pas été en mesure de proposer des livraisons à moyen ou à long terme, lorsque British Coal s’est engagée par l’accord conjoint de 1986 à approvisionner le CEGB pour la période de cinq ans à venir. Les prix versés aux producteurs privés, en l’occurrence aux mélangeurs, auraient dès lors été déterminés en fonction des quantités disponibles au regard tant des besoins essentiels du CEGB que des coûts de négociation et de transaction, de la durée de fourniture de charbon et du risque de fluctuation à la baisse du prix du charbon (considérants 98 à 104 de la décision attaquée).

35      Dans ces conditions, la Commission estime que le prix de référence pertinent est celui versé à British Coal pour les livraisons de charbon effectuées dans le cadre de la troisième tranche visée par l’accord conjoint de 1986.

36      La Commission ajoute que la politique tarifaire du CEGB devait prendre en considération le risque, en cas de conditions défavorables, de réduction irréversible de la capacité de production de British Coal. Elle conclut que les prix plus élevés versés pour les deux premières tranches doivent être considérés comme une majoration justifiée rémunérant la contribution de British Coal au maintien de la sécurité d’approvisionnement en électricité à moyen terme, dans la mesure où les écarts de prix représentent une réponse proportionnée à l’ensemble des conditions du marché susmentionnées et où le bien-être du consommateur n’a pas été affecté (considérants 106 à 108 et 127 à 130 de la décision attaquée).

37      Enfin, la Commission rejette l’argument avancé par les plaignants dans leur réponse à sa lettre du 4 mai 2006 au titre de l’article 7 du règlement n° 773/2004, selon lequel sa conclusion relative à l’absence en l’espèce de discrimination par les prix ne serait pas conforme à sa décision du 23 mai 1991, dans laquelle elle avait considéré qu’il existait un indice de discrimination par les prix avant l’offre du gouvernement du Royaume-Uni visant à améliorer les conditions d’achat auprès des petites exploitations minières (voir point 15 ci-dessus). La Commission souligne que les conditions du marché au cours des périodes antérieure et postérieure au 1er avril 1990 différaient substantiellement, eu égard notamment à la libéralisation du secteur de l’électricité et à la refonte du régime des concessions de licences (considérants 117 à 126 de la décision attaquée).

 Procédure et conclusions des parties

38      Par requête déposée au greffe du Tribunal le 24 août 2007, les requérants ont introduit le présent recours.

39      Par actes déposés au greffe du Tribunal respectivement les 27, 28 et 29 novembre 2007, E. ON UK, International Power et le Royaume-Uni de Grande-Bretagne et d’Irlande du Nord ont demandé à intervenir au soutien des conclusions de la Commission. Par ordonnances du 10 mars 2008, le président de la sixième chambre a admis ces interventions.

40      La procédure écrite a été close le 17 août 2008. Par lettres déposées au greffe du Tribunal respectivement les 6 et 21 novembre 2008, les deux premiers requérants, M. Glen Jones et Mme Daphne Jones, ont présenté une demande d’assistance judiciaire. Par ordonnance du 28 avril 2009, Jones e.a./Commission (T‑320/07 AJ, non publiée au Recueil), le président de la sixième chambre du Tribunal a fait droit à cette demande à concurrence d’un montant n’excédant pas 4 000 euros, hors taxe sur la valeur ajoutée (TVA).

41      La composition des chambres du Tribunal ayant été modifiée, le juge rapporteur a été affecté à la quatrième chambre, à laquelle la présente affaire a, par conséquent, été attribuée.

42      Dans le cadre des mesures d’organisation de la procédure, le Tribunal a posé un ensemble de questions écrites aux parties, auxquelles celles-ci ont répondu par écrit dans le délai imparti, ainsi que des questions écrites pour réponses lors de l’audience.

43      Par actes déposés au greffe du Tribunal le 14 février 2011, M. Glen Jones et Mme Daphne Jones ont présenté une demande d’aide judiciaire supplémentaire. Par ordonnance du 10 mars 2011, Jones e.a./Commission (T‑320/07 AJ II, non publiée au Recueil), le président de la quatrième chambre du Tribunal a fait droit à cette demande à concurrence d’un montant supplémentaire n’excédant pas 2 000 euros, portant ainsi le plafond de l’aide judiciaire accordée à 6 000 euros.

44      Sur rapport du juge rapporteur, le Tribunal (quatrième chambre) a décidé d’ouvrir la procédure orale sans procéder à des mesures d’instruction préalable.

45      Les parties ne se sont pas présentées à l’audience fixée au 22 mars 2011. La Commission et les entreprises intervenantes ont été invitées à répondre par écrit à des questions écrites qui leur avaient été posées initialement en vue d’une réponse orale. Elles ont déféré à cette demande dans le délai imparti. La procédure orale a été clôturée le 15 avril 2011.

46      Les requérants concluent à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        annuler la décision attaquée ;

–        condamner la Commission aux dépens.

47      La Commission, ainsi que E.ON UK et International Power, intervenant à son soutien, concluent à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        rejeter le recours ;

–        condamner les requérants aux dépens. 

48      Le Royaume-Uni de Grande-Bretagne et d’Irlande du Nord conclut à ce qu’il plaise au Tribunal de rejeter le recours.

  En droit

1.     Sur la recevabilité

49      La Commission soutient qu’il n’y a aucune preuve que l’un des requérants, à savoir Fforch-Y-Garon Coal, a valablement mandaté ses avocats pour former le présent recours. Par ailleurs, la réplique déposée par les requérants serait irrecevable.

 Sur les mandats donnés par Fforch-Y-Garon Coal

50      La Commission fait valoir que, en l’absence de preuve que la société Fforch-Y-Garon Coal a donné mandat à ses représentants pour former le présent recours, celui-ci est irrecevable, en vertu de l’article 44, paragraphe 5, du règlement de procédure du Tribunal, en tant qu’il a été introduit par cette société.

51      Elle allègue que le mandat du 3 mars 2003, donné par Fforch-Y-Garon Coal à Mme S. Llewellyn Jones, et celui du 5 septembre 2007 donné par cette même société à M. I. Jeffreys, visaient uniquement un recours contre la décision du 30 juillet 1998. Or, la décision attaquée rejetterait la plainte pour des motifs différents de ceux énoncés dans la décision susmentionnée du 30 juillet 1998 et ne pourrait dès lors pas être considérée comme une procédure liée aux procédures de 1998.

52      Il convient de rappeler que, aux termes de l’article 44, paragraphe 5, du règlement de procédure, « [s]i le requérant est une personne morale de droit privé, il joint à sa requête : […] b) la preuve que le mandat donné a été régulièrement établi par un représentant qualifié à cet effet ».

53      En l’espèce, la requête signée par les représentants des requérants, Mme  Llewellyn Jones et M. Jeffreys, a été enregistrée au greffe du Tribunal le 24 août 2007.

54      La société Fforch-Y-Garon Coal a complété les documents joints à la requête en déposant au greffe du Tribunal, le 29 août 2007, le mandat daté du 3 mars 2003, donné à Mme Llewellyn Jones par le directeur de cette société, en sa qualité de représentant légal de cette société. Aux termes de ce mandat, « [l]’avocat est mandaté en Angleterre et au pays de Galles ainsi qu’au Luxembourg, pour introduire, au nom et pour le compte de la société et selon les termes et conditions qu’il jugera appropriés, toute action ou autre procédure judiciaire ou pour assurer la défense de la société, et notamment pour conduire l’action contre la Commission européenne concernant le recours formé devant le Tribunal […] afin d’obtenir l’annulation de la décision de la Commission du 30 juillet 1998 dans l’affaire IV/E3/SWSMA et toutes les autres actions liées à la même affaire et menées par suite de cette action ».

55      En outre, le 6 septembre 2007, la société requérante a produit le mandat daté du 5 septembre 2007 donné par le représentant légal de cette société à M. Jeffreys. Ce mandat était libellé dans des termes strictement identiques à ceux du mandat donné en 2003 à Mme Llewellyn Jones.

56      Dans ces conditions, il suffit de constater que, en l’espèce, Mme Llewellyn Jones a été régulièrement mandatée, avant l’introduction du présent recours le 24 août 2007, par la société Fforch-Y-Garon Coal pour la représenter en justice dans le cadre du litige opposant cette société à la Commission en ce qui concerne la suite donnée à la plainte initiale. Il n’est pas nécessaire, pour considérer que le mandat est en l’occurrence conforme aux dispositions de l’article 44, paragraphe 5, du règlement de procédure, invoqué par la Commission, qu’il mentionne expressément la décision attaquée.

57      Certes, ainsi que le fait valoir la Commission, le mandat susmentionné donné à Mme Llewellyn Jones se réfère en particulier à la décision du 30 juillet 1998. En effet, ce mandat a été établi en 2003, après l’annulation par la Cour de l’ordonnance du Tribunal rejetant comme irrecevable le recours des requérants contre cette décision du 30 juillet 1998 (affaire T-148/98) et renvoyant cette affaire devant le Tribunal afin qu’il statue au fond (arrêt Plant e.a./Commission et South Wales Small Mines, point 23 supra).

58      Toutefois, comme en atteste en particulier l’emploi du terme « notamment », il ressort de manière explicite de la formulation dudit mandat qu’il ne concernait pas exclusivement la poursuite de la procédure tendant à l’annulation de la décision du 30 juillet 1998, par laquelle la Commission avait rejeté la plainte (affaire T‑148/98), mais visait également l’introduction notamment devant les juridictions de l’Union européenne de « toute action » tendant à assurer la défense des droits de la société concernée dans le litige l’opposant à la Commission, en ce qui concerne la suite à donner à la plainte initiale. Or, le retrait par la Commission, en 2004, de la décision susvisée du 30 juillet 1998 n’a pas mis fin à ce litige, dès lors que l’examen de la plainte initiale s’est poursuivi et a en définitive débouché, en 2007, sur le rejet de celle-ci dans la décision attaquée (voir points 25 à 28 ci-dessus).

59      Il en résulte que le présent recours contre cette dernière décision est couvert par le mandat susmentionné, dans la mesure où il se situe dans le prolongement des actions précédentes. À cet égard, la circonstance, invoquée par la Commission, que la décision attaquée soit fondée sur d’autres motifs que celle du 30 juillet 1998 et ait été adoptée après l’expiration du traité CECA est privée de pertinence, dès lors que la décision attaquée s’inscrit dans le cadre du litige opposant la société Fforch-Y-Garon Coal à la Commission en ce qui concerne la suite donnée par cette institution à la plainte initiale.

60      Au surplus, il convient d’ajouter que, bien que le second mandat susmentionné, daté du 5 septembre 2007, ait été donné à M. Jeffreys quelques jours après l’introduction du présent recours, ce mandat – établi plusieurs années après le retrait de la décision du 30 juillet 1998 et le non-lieu à statuer consécutif prononcé dans l’affaire T-148/98 – confirme, par son libellé strictement identique à celui donné à Mme Llewellyn Jones, que les deux mandats susmentionnés, même s’ils se réfèrent notamment à la décision du 30 juillet 1998, peuvent uniquement être compris dans le sens qu’ils couvrent l’ensemble des actions se rapportant au litige opposant la société Fforch-Y-Garon Coal à la Commission en ce qui concerne la suite donnée à la plainte.

61      Pour l’ensemble de ces raisons, le moyen d’irrecevabilité fondé sur l’article 44, paragraphe 5, du règlement de procédure doit être rejeté. Le présent recours ne saurait dès lors être déclaré irrecevable en ce qu’il a été formé par Fforch-Y-Garon Coal.

 Sur la recevabilité de la réplique

62      La Commission soutient que la réplique est irrecevable, car elle n’a pas été rédigée par un avocat et méconnaît de ce fait les dispositions de l’article 43, paragraphe 1, du règlement de procédure.

63      Il résulte de l’article 19, troisième et quatrième alinéas, du statut de la Cour, applicable à la procédure devant le Tribunal en vertu de l’article 53 du même statut, que seul un avocat habilité à exercer devant une juridiction d’un État membre ou d’un autre État partie à l’accord sur l’Espace économique européen (EEE) peut valablement accomplir des actes de procédure devant le Tribunal pour le compte des parties autres que les États et les institutions visés aux premier et deuxième alinéas de l’article 19 susvisé.

64      En outre, l’article 43, paragraphe 1, du règlement de procédure exige que l’original de tout acte de procédure soit signé par l’agent ou l’avocat de la partie.

65      En l’espèce, les requérants ont déposé, à titre de réplique, une lettre, datée du 1er avril 2008, émanant du cabinet d’avocats auquel appartiennent leurs représentants, à laquelle étaient annexées trois lettres adressées au Tribunal, datées du 17 janvier 2008. La première de ces trois lettres était adressée au Tribunal par le président de la SWSMA au nom de Fforch-Y-Garon Coal, la deuxième émanait de M. Glen Jones et de Mme Josy Jones et la troisième émanait de deux requérants qui se sont depuis désistés.

66      Ces trois lettres étaient contresignées par un avocat des requérants. Toutefois, il résulte explicitement de la lettre du 1er avril 2008 que les trois lettres susmentionnées ont été rédigées par leurs auteurs respectifs, sans l’assistance d’un avocat, dans la mesure où elles ont été initialement transmises au Tribunal directement par les requérants, avant même que leurs avocats ne prennent connaissance de leur contenu.

67      Dans ces conditions, la seule circonstance qu’un avocat des requérants ait ultérieurement contresigné ces lettres ne permet pas de considérer qu’il assume la responsabilité de l’accomplissement et du contenu de ces actes, conformément aux dispositions de l’article 19 du statut de la Cour et de l’article 43, paragraphe 1, du règlement de procédure.

68      Pour l’ensemble de ces raisons, le document constitué par la lettre du 1er avril 2008 et les trois lettres qui y sont annexées ne saurait se voir reconnaître les effets d’une réplique et doit dès lors être déclaré irrecevable.

2.     Sur le fond

69      Les requérants contestent les divers motifs pour lesquels la Commission a rejeté la plainte en ce qui concerne, d’une part, la période comprise entre 1984 et 1986 et, d’autre part, la période comprise entre 1986 et 1990.

70      Avant d’examiner le bien-fondé de la décision attaquée en ce qui concerne ces deux périodes, il y a lieu de rappeler que la Commission s’est estimée compétente pour adopter la décision attaquée sur la base du règlement n° 1/2003 (voir points 29 et 30 ci-dessus). Aucune des parties ne met en cause cette compétence.

 Sur la période comprise entre 1984 et 1986

71      Les requérants contestent les deux motifs alternatifs de rejet de la plainte en ce qui concerne les exercices 1984/1985 et 1985/1986, fondés, d’une part, sur l’irrecevabilité de cette plainte devant la Commission pour défaut d’intérêt légitime des plaignants (voir point 31 ci-dessus) et, d’autre part, sur l’absence d’intérêt communautaire.

72      Le Tribunal estime opportun d’examiner d’abord le moyen tiré de l’erreur manifeste d’appréciation de l’intérêt communautaire.

73      Il convient de rappeler, à titre liminaire, que, selon une jurisprudence bien établie (voir, notamment, arrêt de la Cour du 17 mai 2001, IECC/Commission, C‑449/98 P, Rec. p. I‑3875, points 45 et 46), entérinée par la communication de la Commission du 27 avril 2004 relative au traitement par cette institution des plaintes déposées au titre des articles 81 [CE] et 82 [CE] (JO C 101, p. 65, ci‑après la « communication du 27 avril 2004 ») (points 41 à 44), si la Commission dispose du pouvoir discrétionnaire d’accorder des degrés de priorité différents aux plaintes dont elle est saisie, elle est tenue, pour apprécier l’intérêt communautaire qu’il y a à poursuivre l’examen d’une affaire, d’examiner attentivement les éléments de fait et de droit qui sont portés à sa connaissance par les plaignants.

74      En outre, étant donné que l’évaluation de l’intérêt communautaire présenté par une plainte est fonction des circonstances de chaque espèce, il ne convient ni de limiter le nombre des critères d’appréciation auxquels la Commission peut se référer ni, à l’inverse, de lui imposer le recours exclusif à certains critères (arrêt de la Cour du 4 mars 1999, Ufex e.a./Commission, C‑119/97 P, Rec. p. I‑1341, point 79, et communication du 27 avril 2004, point 43).

75      Le contrôle du juge de l’Union sur l’exercice, par la Commission, du pouvoir discrétionnaire qui lui est reconnu en la matière ne doit pas le conduire à substituer son appréciation de l’intérêt communautaire à celle de la Commission, mais vise à vérifier que la décision litigieuse ne repose pas sur des faits matériellement inexacts et qu’elle n’est entachée d’aucune erreur de droit ni d’aucune erreur manifeste d’appréciation ou de détournement de pouvoir (arrêt du Tribunal du 26 janvier 2005, Piau/Commission, T‑193/02, Rec. p. II‑209, point 81).

76      Dans la décision attaquée (considérant 80), la Commission conclut à l’absence d’intérêt communautaire à instruire la plainte en ce qui concerne la période comprise entre 1984 et 1986, pour trois raisons. Elle allègue en premier lieu que, depuis l’expiration du traité CECA, les dispositions matérielles pertinentes de ce traité sont d’effet direct, de sorte que les plaignants peuvent faire valoir leurs droits devant les juridictions nationales. En deuxième lieu, l’infraction alléguée serait ancienne. Elle ne produirait plus d’effets anticoncurrentiels et les entreprises concernées auraient modifié leur comportement depuis le 1er avril 1990. En troisième lieu, l’instruction de la plainte ne serait pas avancée en ce qui concerne la période susvisée, les plaignants n’y ayant fait référence que dans la lettre de la SWSMA du 18 juillet 1996.

77      Les requérants contestent les trois motifs susmentionnés. Il convient dès lors d’examiner successivement l’argumentation des parties se rapportant à chacun d’entre eux.

 Sur l’effet direct des dispositions matérielles pertinentes du traité CECA et la possibilité pour les requérants de faire valoir leurs droits devant les juridictions nationales

78      Se fondant notamment sur l’arrêt Hopkins e.a., point 13 supra, les requérants ont invoqué, dans la requête, l’absence d’effet direct des dispositions pertinentes du traité CECA, à l’appui de leur contestation de la conclusion de la Commission relative à l’absence d’intérêt communautaire. La Commission ainsi que le Royaume-Uni intervenant au soutien des conclusions de cette institution ont au contraire soutenu que ces dispositions pouvaient être directement invoquées par les particuliers devant le juge national depuis l’expiration du traité CECA.

79      Cependant, dans leur réponse à une question écrite du Tribunal – relative à l’effet direct des dispositions pertinentes du traité CECA à la suite de l’expiration de ce traité, le 23 juillet 2002, et à la compétence de la Commission et du juge national pour appliquer ces dispositions en l’espèce – les requérants ont reconnu que, depuis cette date, l’article 4, sous b), CA était d’effet direct et que la Commission et les juridictions nationales disposaient d’une compétence partagée pour sa mise en œuvre.

80      Les requérants ont toutefois ajouté qu’ils seraient probablement forclos à agir devant le juge national et qu’ils devraient dès lors s’en remettre au pouvoir discrétionnaire des juridictions nationales, habilitées, en vertu des dispositions de l’article 32 du Limitation Act 1980 (loi de 1980 relative à la forclusion, Royaume-Uni), à reporter, en cas de fraude, de dissimulation ou d’erreur, le point de départ du délai de forclusion.

81      À cet égard, il y a lieu de distinguer, aux fins de l’appréciation de l’intérêt communautaire, entre, d’une part, la question de savoir si une disposition du traité CECA est d’effet direct et, d’autre part, celle de savoir si, concrètement, les plaignants disposent effectivement d’une voie de recours devant le juge national.

82      Premièrement, s’agissant du critère de l’effet direct, le Tribunal relève que la Commission ne saurait, sans méconnaître les droits des plaignants et excéder les limites de son pouvoir d’appréciation, rejeter pour défaut d’intérêt communautaire, sur la base des dispositions du règlement n° 1/2003, une plainte visant une infraction à une disposition du traité CECA contribuant, à l’instar des articles 81 CE et 82 CE, à la poursuite de l’objectif d’une concurrence saine et efficace, si cette disposition du traité CECA, initialement privée d’effet direct, restait dépourvue d’effet direct après l’expiration de ce traité. À cet égard, il importe de rappeler que, dans le cadre du règlement n° 17 du Conseil, du 6 février 1962, premier règlement d’application des articles [81 CE] et [82 CE] (JO 1962, 13, p. 204), la Commission était tenue d’instruire les plaintes qui relevaient de sa compétence exclusive (voir arrêt du Tribunal du 27 juin 1995, Guérin automobiles/Commission, T‑186/94, Rec. p. II‑1753, point 23, et la jurisprudence citée). À la suite de l’expiration du traité CECA, cette solution est transposable au traitement par la Commission, sur la base du règlement n° 17 ou, depuis le 1er mai 2004, du règlement n° 1/2003, d’une plainte ayant pour objet une infraction à une disposition matérielle du traité CECA dont l’application continuerait de relever de la compétence exclusive de la Commission.

83      En l’espèce, il convient dès lors de vérifier, à la lumière du raisonnement adopté par la Cour notamment dans l’arrêt Hopkins e.a., point 13 supra, si, à la suite de l’expiration du traité CECA, le 23 juillet 2002, les dispositions matérielles pertinentes de ce traité sont devenues d’effet direct.

84      Sous l’égide du traité CECA, les pratiques visées dans la plainte relevaient des dispositions combinées de l’article 4, sous b), CA et de l’article 63, paragraphe 1, CA, qui pouvaient, dans certaines circonstances, être interprétées comme renfermant des règles spéciales par rapport aux dispositions de l’article 82 CE (arrêt Hopkins e.a., point 13 supra, points 14 et 22).

85      Il convient de souligner que l’article 63, paragraphe 1, CA, mettant en œuvre l’article 4, sous b), CA (arrêt Hopkins e.a., point 13 supra, point 17), contenait des dispositions procédurales qui, en présence de discriminations systématiques exercées par les acheteurs, conféraient à la Commission le pouvoir d’appliquer, au moyen de recommandations adressées aux gouvernements intéressés, l’interdiction des conditions de prix discriminatoires énoncée de manière plus large à l’article 4, sous b), CA.

86      Conformément aux principes régissant l’application de la loi dans le temps, en l’absence dans les traités CECA et CE de dispositions transitoires prévoyant l’application des règles matérielles du traité CE en ce qui concerne des situations acquises avant l’expiration du traité CECA, les dispositions matérielles de l’article 4, sous b), CA restent applicables, après l’expiration de ce traité, aux pratiques discriminatoires antérieures au 1er avril 1990, alléguées dans la plainte.

87      En revanche, les dispositions d’ordre procédural de l’article 63, paragraphe 1, CA, qui conféraient compétence à la Commission pour appliquer les dispositions matérielles susmentionnées de l’article 4, sous b), CA, ont cessé d’être en vigueur à la suite de l’expiration du traité CECA.

88      En ce qui concerne la situation antérieure à l’expiration du traité CECA, la Cour a jugé, dans l’arrêt Hopkins e.a., point 13 supra, que, en raison des règles plus spécifiques de l’article 63, paragraphe 1, CA, qui mettait en œuvre l’article 4, sous b), CA et conférait une compétence exclusive à la Commission pour appliquer l’article 4, sous b), CA, ce dernier devait faire l’objet d’une application combinée à l’article 63, paragraphe 1, CA (points 15 à 18 de l’arrêt ; voir, également, arrêt Banks I, point 24 supra, point 11, dans lequel la Cour a relevé que les dispositions de l’article 4 CA n’étaient d’application autonome qu’en l’absence de règles plus spécifiques). La Cour s’est fondée sur cette absence d’applicabilité autonome de l’article 4, sous b), CA, pour conclure qu’il ne pouvait pas être d’effet direct [arrêt Hopkins e.a., point 13 supra, point 26 ; voir également, par analogie, en ce qui concerne l’article 4, sous d), CA, arrêt Banks I, point 24 supra, point 16].

89      Il découle de ce raisonnement que, dans la mesure où, à la suite de l’expiration du traité CECA, les dispositions procédurales de l’article 63, paragraphe 1, CA ne sont plus en vigueur, les dispositions matérielles de l’article 4, sous b), CA sont désormais d’application autonome. L’obstacle à la reconnaissance de l’effet direct, qui était constitué par les dispositions procédurales de l’article 63, paragraphe 1, CA, lesquelles attribuaient compétence exclusive à la Commission, est ainsi levé (voir, en ce sens, conclusions de l’avocat général M. Fennelly sous l’arrêt de la Cour du 20 septembre 2001, Banks, C‑390/98, Rec. p. I‑6117, I‑6122, points 35 et 36).

90      En conséquence, les dispositions matérielles de l’article 4, sous b), CA étant inconditionnelles et suffisamment précises, elles peuvent être directement invoquées par les particuliers devant le juge national, depuis l’expiration du traité CECA.

91      Il s’ensuit que, en l’absence de compétence exclusive de la Commission, à la suite de l’expiration du traité CECA, les requérants n’étaient pas en droit d’obtenir de cette institution une décision sur l’existence ou non de l’infraction alléguée à l’article 4, sous b), CA (voir point 82 ci-dessus).

92      Deuxièmement, s’agissant du critère relatif à l’accès effectif des plaignants au juge national, il convient de rappeler que l’absence de possibilité réelle de recours devant le juge national ne constitue que l’un des critères susceptibles d’être pris en considération par la Commission lors de l’appréciation de l’intérêt communautaire (voir points 73 à 75 ci-dessus), et ne prive dès lors pas la Commission de son droit de déterminer le degré de priorité de la plainte (voir, en ce sens, arrêt du Tribunal du 9 janvier 1996, Koelman/Commission, T‑575/93, Rec. p. II‑1, point 79).

93      En l’espèce, la Commission a dès lors relevé à bon droit, dans la décision attaquée (considérant 85), que, contrairement aux allégations des plaignants au cours de la procédure administrative, leur forclusion devant les juridictions nationales ne suffirait pas à établir l’existence d’un intérêt communautaire.

94      En outre, il incombe aux requérants de démontrer qu’ils seraient privés d’une possibilité réelle de recours devant le juge national (arrêts du Tribunal Koelman/Commission, point 91 supra, points 78 et 79, et du 3 juillet 2007, Au Lys de France/Commission, T‑458/04, non publié au Recueil, point 84).

95      En l’espèce, il y a lieu de constater que les requérants ne contestent pas, dans leurs écritures et dans leur réponse à une question écrite du Tribunal (voir point 80 ci-dessus), l’affirmation de la Commission, dans la décision attaquée (considérant 85), selon laquelle, lors de la procédure administrative, ils n’ont pas démontré que leurs actions devant le juge national seraient forcloses, eu égard au pouvoir discrétionnaire dont les juridictions nationales disposeraient en présence des circonstances particulières de l’espèce.

96      Il résulte de l’ensemble des considérations qui précèdent que les requérants n’ont pas établi que la Commission a commis une erreur manifeste d’appréciation en prenant en considération le premier motif susmentionné aux fins d’apprécier l’intérêt communautaire à instruire la plainte, malgré les allégations non étayées des plaignants relatives à leur forclusion devant les juridictions nationales.

 Sur l’ancienneté et l’absence d’effets anticoncurrentiels persistants des pratiques visées par la plainte

97      Dans la décision attaquée (considérant 86), la Commission écarte l’argument relatif à la persistance des effets préjudiciables de la discrimination alléguée, invoqué par les plaignants au cours de la procédure administrative. Elle allègue que la situation concurrentielle sur le marché du charbon au Royaume-Uni a radicalement changé, à la suite de la succession de trois sociétés à British Coal. En tout état de cause, aucun lien ne pourrait être démontré entre, d’une part, des effets anticoncurrentiels persistants ou la faillite de producteurs de charbon privés et, d’autre part, les discriminations par les prix alléguées.

98      Selon la jurisprudence entérinée par la communication du 27 avril 2004 (point 44), la Commission peut décider qu’il n’est pas opportun de donner suite à une plainte dénonçant des pratiques qui ont ultérieurement cessé. Toutefois, elle ne peut pas se fonder sur le seul fait que des pratiques prétendument contraires au traité ont cessé pour décider de classer sans suite pour défaut d’intérêt communautaire une plainte dénonçant ces pratiques, sans avoir vérifié que des effets anticoncurrentiels ne persistaient pas et que, le cas échéant, la gravité des atteintes alléguées à la concurrence ou la persistance de leurs effets n’étaient pas de nature à conférer à cette plainte un intérêt communautaire (arrêt Ufex e.a./Commission, point 73 supra, point 95, et arrêt du Tribunal du 14 février 2001, SEP/Commission, T‑115/99, Rec. p. II‑691, points 33 et 42).

99      En l’espèce, les requérants se limitent à invoquer l’imputabilité à la Commission du retard dans le traitement de la plainte, ainsi que l’absence d’effet direct de l’article 63, paragraphe 1, CA. Ces deux arguments d’ordre procédural n’ont aucun rapport avec le critère d’appréciation de l’intérêt communautaire, relatif à la persistance éventuelle d’effets anticoncurrentiels résultant des discriminations par les prix alléguées.

100    En l’occurrence, les requérants n’avancent aucun élément de preuve concret permettant de présumer que les discriminations par les prix alléguées ont affecté de manière persistante leur situation concurrentielle ou leur viabilité, après la cessation de ces pratiques.

101    Dans ces conditions, à défaut de fournir des indices concrets d’une modification permanente de la structure du marché consécutive aux pratiques litigieuses, les requérants n’ont pas établi que la prise en considération par la Commission de l’ancienneté des pratiques litigieuses, pour apprécier l’intérêt communautaire et décider s’il était opportun de donner suite à la plainte, était entachée d’une erreur manifeste d’appréciation.

 Sur l’absence d’avancement de l’instruction de la plainte

102    Dans la décision attaquée (considérant 80), la Commission fait valoir que, tandis que l’instruction de la plainte est très avancée en ce qui concerne les pratiques postérieures à 1986 visées dans la plainte initiale du 5 juin 1990, tel n’est pas le cas pour les pratiques antérieures à 1986, parce que les plaignants ne s’y sont référés que dans la lettre de la SWSMA du 18 juillet 1996.

103    Selon la jurisprudence entérinée par la communication du 27 avril 2004 (point 44), l’existence du pouvoir discrétionnaire de la Commission pour déterminer le degré de priorité d’une plainte n’est pas fonction du caractère plus ou moins avancé de l’instruction d’une affaire. En revanche, cet élément fait partie des circonstances de l’espèce que la Commission est tenue de prendre en considération dans l’exercice de son pouvoir discrétionnaire (arrêt IECC/Commission, point 73 supra, point 37).

104    En l’espèce, il n’est pas contesté que l’instruction effectuée par la Commission a uniquement porté sur la période comprise entre 1986 et 1990, au cours de laquelle l’accord conjoint de 1986 était en vigueur, et non sur la période antérieure, régie par l’accord d’approvisionnement conclu entre le CEGB et British Coal en 1979. En particulier, la Commission n’a entamé aucun examen de la situation antérieure à 1986, car il n’avait pas été soutenu que cette situation était identique à celle introduite par l’accord conjoint de 1986. En effet, les requérants n’allèguent pas qu’un mécanisme de fixation de prix différenciés, en fonction de tranches d’approvisionnement, semblable au mécanisme incriminé dans la plainte initiale, qui avait été introduit par l’accord conjoint de 1986, était déjà pratiqué au cours de la période comprise entre 1984 et 1986.

105    Dans ces conditions, la Commission n’a commis aucune erreur manifeste d’appréciation en tenant compte de l’absence d’avancement de l’instruction, pour ce qui est de la période comprise entre 1984 et 1986, aux fins de l’appréciation de l’intérêt communautaire.

106    Au vu de l’ensemble des considérations qui précèdent, relatives à l’examen des trois critères pris en considération par la Commission pour conclure à l’absence d’intérêt communautaire en ce qui concerne la période antérieure à 1986, il y a lieu de constater que les requérants n’ont pas établi que cette conclusion de la Commission était entachée d’une erreur manifeste d’appréciation.

107    Il s’ensuit que la Commission était en droit de rejeter la plainte pour défaut d’intérêt communautaire en ce qui concerne la période comprise entre 1984 et 1986, même si cette plainte était recevable.

108    Le présent recours doit dès lors être rejeté comme non fondé, en ce qu’il tend à l’annulation de la décision attaquée pour autant qu’elle rejette la plainte en ce qui concerne la période susvisée, sans qu’il soit nécessaire d’examiner l’argumentation avancée par les requérants contre le second motif alternatif de rejet de cette plainte (voir point 71 ci-dessus), relatif à l’irrecevabilité de celle-ci pour défaut d’intérêt légitime des plaignants en raison de la tardiveté alléguée de la plainte complémentaire visant cette période (voir, en ce sens, arrêt du Tribunal du 12 juillet 2007, AEPI/Commission, T‑229/05, non publié au Recueil, points 24 à 26).

 Sur la période comprise entre 1986 et 1990

109    En ce qui concerne les exercices 1986/1987 à 1989/1990, la Commission a rejeté la plainte des requérants au motif, en substance, que les différences entre les prix d’achat du charbon appliqués par le CEGB à l’égard, d’une part, de British Coal et, d’autre part, des mélangeurs transformant le charbon produit par les exploitants de mines privées sous licence, auraient été objectivement justifiées par la circonstance que seule British Coal était en mesure de satisfaire aux besoins essentiels du CEGB en charbon brut.

110    Les requérants invoquent deux moyens à l’encontre de cette motivation. En premier lieu, la Commission aurait commis une erreur manifeste d’appréciation, lors de son examen de la discrimination alléguée, en se référant au marché national du charbon, tandis que les plaignants opéraient sur le marché local du sud du pays de Galles. En second lieu, les requérants contestent que les mines privées sous licence du sud du pays de Galles ne pouvaient fournir que des quantités limitées de charbon pour une brève période.

 Observations liminaires

111    Avant d’examiner les deux moyens susmentionnés, il convient d’apporter certaines précisions liminaires en ce qui concerne, tout d’abord, le cadre juridique applicable au rejet au fond d’une plainte, puis l’identification des pratiques litigieuses dans le contexte des rapports entre les plaignants et les mélangeurs, et, enfin, l’objet de la controverse juridique.

–       Cadre juridique applicable au rejet au fond d’une plainte

112    Les règlements n°s 1/2003 et 773/2004 ne contiennent pas de dispositions expresses concernant la suite à réserver, au fond, à une plainte et les obligations d’investigation de la Commission en ce qui concerne l’instruction de celle-ci. L’article 7 du règlement n° 773/2004 se limite en effet à prévoir la procédure à suivre en vue de rejeter une plainte, en consacrant le droit du plaignant à faire connaître par écrit son point de vue sur les raisons pour lesquelles la Commission estime qu’il n’y a pas de motifs suffisants pour donner suite à sa plainte.

113    Selon une jurisprudence constante, entérinée par la communication du 27 avril 2004 (point 41), la Commission n’est pas tenue de prendre une décision définitive au sens de l’article 249 CE quant à l’existence ou à l’inexistence de l’infraction alléguée (arrêt Ufex e.a./Commission, point 74 supra, point 87).

114    En particulier, ainsi que l’a rappelé la Commission dans la communication du 27 avril 2004 (point 79), une décision de rejet de la plainte ne statue pas définitivement sur la question de l’existence ou de l’inexistence d’une infraction aux dispositions des articles 81 CE ou 82 CE, même lorsque la Commission a apprécié les faits au regard de ces articles.

115    C’est sur la base de ces principes que la jurisprudence a reconnu que, dès lors que la Commission n’a pas l’obligation de se prononcer sur l’existence ou non d’une infraction, elle ne saurait être contrainte de mener une instruction, puisque cette dernière ne pourrait avoir d’autre objet que de rechercher les éléments de preuve relatifs à l’existence ou non d’une infraction qu’elle n’est pas tenue de constater (voir arrêt du Tribunal du 27 septembre 2006, Haladjian Frères/Commission, T‑204/03, Rec. p. II‑3779, point 28, et la jurisprudence citée).

116    Il en résulte que, pour rejeter une plainte au motif que le comportement dénoncé ne viole pas les règles de concurrence ou n’entre pas dans leur champ d’application, la Commission n’est en principe pas obligée de tenir compte de circonstances qui n’ont pas été portées à son attention par le plaignant et qu’elle n’aurait pu découvrir que par l’instruction de l’affaire (communication du 27 avril 2004, point 47 ; arrêts du Tribunal du 4 mars 2003, FENIN/Commission, T‑319/99, Rec. p. II‑357, point 43, et du 12 mai 2010, EMC Development/Commission, T‑432/05, non encore publié au Recueil, point 59).

117    Cependant, il incombe à la Commission d’examiner attentivement les éléments de fait et de droit portés à sa connaissance par le plaignant (ordonnance de la Cour du 16 septembre 1997, Koelman/Commission, C‑59/96 P, Rec. p. I‑4809, point 42, et arrêt du Tribunal du 21 mars 2001, Métropole télévision/Commission, T‑206/99, Rec. p. II‑1057, point 58).

118    Lorsque la plainte vise, comme en l’espèce, une discrimination par les prix, il appartient au plaignant de fournir des indices concrets permettant de considérer que les différences de prix litigieuses ne s’expliquent pas par le rapport entre le prix et la valeur économique de la prestation fournie [voir, s’agissant d’une plainte dans laquelle il était allégué que les prix différenciés payés par des sociétés de télévision pour l’achat de droits de diffusion de films n’étaient pas équitables au sens de l’article 82, deuxième alinéa, sous a), CE, arrêt de la Cour du 28 mars 1985, CICCE/Commission, 298/83, Rec. p. 1105, points 22 et 25].

–       Identification des pratiques litigieuses dans le contexte des rapports entre les plaignants et les mélangeurs

119    Il découle de la plainte déposée par la SWSMA au nom notamment des requérants, le 5 juin 1990, ainsi que de la décision attaquée et de l’argumentation des parties, que les pratiques litigieuses consistent dans les différences de prix appliquées par le CEGB à l’égard de British Coal, d’une part, et des mélangeurs du sud du pays de Galles, d’autre part, en application de l’accord conjoint de 1986.

120    En effet, il ressort du dossier que, dans le sud du pays de Galles, au cours de la période considérée, c’est-à-dire avant le 1er avril 1990, la plupart des petites mines privées ne vendaient pas directement leur charbon au CEGB, mais à des intermédiaires agréés appelés « mélangeurs » (voir point 8 ci-dessus). Tel était le cas des plaignants parmi lesquels figuraient les requérants. Les appels d’offres aux fournisseurs nationaux de charbon autres que British Coal étaient ouverts aux mélangeurs, lesquels achetaient à leur tour du charbon au comptant notamment auprès des mines privées ou auprès de fournisseurs de charbon de terril ou de récupération (considérant 39 de la décision attaquée).

121    Le CEGB a appliqué aux mélangeurs du sud du pays de Galles les prix prévus au niveau national par l’accord conjoint de 1986, pour la troisième tranche de son approvisionnement en charbon (voir point 6 ci-dessus).

122    La Commission a précisé dans la décision attaquée (note en bas de page n° 81) que, dans leurs observations du 4 mai 2006, les plaignants avaient fait valoir que la comparaison des prix devait être effectuée entre les prix versés par le CEGB à British Coal et ceux versés par les mélangeurs aux mines privées. La Commission a écarté à juste titre cette méthode de calcul au motif que la comparaison des prix devait être réalisée entre des entreprises opérant au même niveau de marché. En outre, dans la mesure où la plainte visait les différences de prix pratiquées par le CEGB en exécution de l’accord conjoint de 1986, seules les différences de prix pratiquées par le CEGB étaient en cause. À cet égard, la Commission a estimé à bon droit que la responsabilité de l’action des mélangeurs à l’égard des petites mines privées, en matière de prix, ne pouvait pas être imputée au CEGB (note en bas de page n° 81, in fine, de la décision attaquée).

123    Par ailleurs, il convient de relever que les mélangeurs n’ont pas déposé de plainte auprès de la Commission. En l’espèce, la Commission a admis, dans la décision attaquée (note en bas de page n° 81), l’intérêt des plaignants à déposer une plainte directement contre le CEGB parce que « les prix payés aux mélangeurs ont eu une importance cruciale pour déterminer ensuite les prix qui ont ensuite été versés aux petites exploitations minières privées ».

–       Objet de la controverse juridique

124    Selon une jurisprudence constante, le principe de non-discrimination s’oppose à ce que des situations comparables soient traitées de manière différente, ou que des situations différentes soient traitées de manière identique, à moins qu’un tel traitement ne soit objectivement justifié (arrêt du Tribunal du 11 mars 1999, Aristrain/Commission, T‑156/94, Rec. p. II‑645, point 143 ; voir également, en ce qui concerne l’interdiction des pratiques discriminatoires appliquées par les vendeurs, énoncée à l’article 60, paragraphe 1, CA, arrêt de la Cour du 11 juin 1968, de Wendel/Commission, 29/67, Rec. p. 387).

125    Dans la plainte (voir point 12 ci-dessus), les plaignants ont invoqué le caractère disproportionné des différences de prix d’achat du charbon pratiqués par le CEGB entre British Coal et les producteurs privés (en l’occurrence les mélangeurs).

126    La discrimination réside, selon les requérants, dans le fait que les mélangeurs du sud du pays de Galles ont perçu des prix inférieurs de 23 à 33 % au prix moyen payé par le CEGB à British Coal dans le cadre du système des trois tranches (voir point 9 ci-dessus).

127    L’accord conjoint de 1986 (voir points 6 et 7 ci-dessus) prévoyait l’approvisionnement du CEGB exclusivement auprès de British Coal à concurrence de 95 % de ses besoins en charbon, dans le cadre des deux premières tranches. Ces deux premières tranches couvraient les besoins essentiels en charbon du CEGB au niveau national pour lui permettre de remplir son obligation légale d’approvisionner de manière adéquate l’Angleterre et le pays de Galles en électricité. La troisième tranche, couvrant les 5 % restants des besoins du CEGB, était constituée par l’achat de charbon auprès de British Coal, auprès des producteurs privés sous licence (en l’occurrence des mélangeurs du sud du pays de Galles), et auprès des importateurs.

128    Chaque tranche était assortie de prix différents. En ce qui concerne la troisième tranche, correspondant à du « charbon marginal », l’accord conjoint de 1986 fixait un prix aligné sur celui du charbon importé. Le prix payé aux producteurs privés – en l’occurrence aux mélangeurs du sud du pays de Galles – était établi par référence au prix versé à British Coal au titre de cette troisième tranche. Au cours des trois premiers exercices de la période considérée le prix versé aux mélangeurs était supérieur successivement de 2, de 11 puis de 10 % à celui versé à British Coal. Il était inférieur de 1 % à ce prix au cours de l’exercice 1989/1990 (voir considérant 42 de la décision attaquée).

129    Dans la décision attaquée, la Commission a estimé que British Coal et les mélangeurs du sud du pays de Galles relevaient de catégories de fournisseurs de charbon différentes. La controverse entre les parties résulte en l’occurrence du choix par la Commission, en tant que prix de référence pour apprécier l’existence d’une discrimination par les prix, des prix versés à British Coal dans le cadre de la troisième tranche.

130    Il ressort de la décision attaquée que la Commission a conclu que les conditions d’approvisionnement offertes par British Coal, d’une part, et les mélangeurs du sud du pays de Galles, d’autre part, n’étaient pas comparables, pour deux raisons. D’une part, même au niveau local, les mélangeurs du sud du pays de Galles n’auraient pas été en mesure de garantir à l’avance, en 1986, un approvisionnement à moyen terme stable et en quantités suffisantes (considérants 98 à 104 de la décision attaquée). D’autre part, seule British Coal aurait été capable de garantir la sécurité de l’approvisionnement en charbon du CEGB au niveau national et de lui permettre ainsi de remplir ses obligations de service public (considérants 105 à 108 de la décision attaquée).

131    En l’espèce, les requérants reprochent à la Commission une insuffisance de l’instruction en ce qui concerne les questions de savoir si, d’une part, les conditions de vente offertes respectivement par British Coal et par les producteurs privés ne devaient pas être comparées au niveau local (voir points 132 à 144 ci-après) et si, d’autre part, ces conditions n’étaient pas comparables dans le sud du pays de Galles (voir points 145 à 152 ci-après).

 Sur le marché géographique pertinent

132    Les requérants, tout en reconnaissant que le CEGB était tenu par une obligation de service public de gérer l’ensemble du réseau électrique d’Angleterre et du pays de Galles, soutiennent que la Commission a commis une erreur manifeste d’appréciation en comparant les conditions d’approvisionnement en charbon proposées respectivement par British Coal et par les producteurs privés sous licence, au niveau national.

133    Cette erreur manifeste d’appréciation trouverait son origine dans l’insuffisance de l’instruction. En effet, les requérants ne soutiennent pas de manière circonstanciée que le marché géographique pertinent était celui du sud du pays de Galles. Ils reprochent uniquement à la Commission l’absence d’enquête visant à établir si le réseau électrique d’Angleterre et du pays de Galles pouvait être exploité par le CEGB comme une entité, ou si au contraire, afin de s’acquitter de son obligation de service public susmentionnée, le CEGB devait en pratique exploiter séparément les différents sous-systèmes géographiques et assurer le bon fonctionnement de chacun d’entre eux, en raison par exemple de contraintes ou de charges liées à la distribution de l’électricité.

134    Selon les requérants, si, comme ils l’estiment, la totalité du réseau électrique d’Angleterre et du pays de Galles ne pouvait pas être gérée de manière unitaire, la Commission aurait été tenue d’examiner si, sur le marché local du sud du pays de Galles, sur lequel opéraient les plaignants, les conditions d’approvisionnement offertes respectivement par les producteurs privés et par British Coal étaient comparables. Les requérants admettent cependant que, en cas de conditions d’approvisionnement comparables dans le sud du pays de Galles, la Commission aurait en outre dû vérifier si la capacité de British Coal de fournir du charbon sur d’autres marchés locaux était affectée par ses relations avec le CEGB dans le sud du pays de Galles.

135    Il convient de souligner à titre liminaire que l’accord conjoint de 1986 ne pouvait, à lui seul, justifier une pratique de prix discriminatoires au sens de l’article 4, sous b), CA. Cet accord n’est dès lors pas décisif pour déterminer la dimension géographique du marché d’approvisionnement en charbon sur lequel opère le CEGB.

136    Au vu de l’argumentation avancée par les requérants, il y a lieu de vérifier si, compte tenu des éléments qui lui ont été soumis par les plaignants au cours de la procédure administrative, il incombait à la Commission de poursuivre son instruction, sur la base des règlements n°s 1/2003 et 773/2004, en vue d’établir si les conditions d’approvisionnement en charbon offertes au CEGB par British Coal, d’une part, et par les producteurs privés, d’autre part, devaient être comparées au niveau local, c’est-à-dire sur le marché du sud du pays de Galles où opéraient les plaignants, plutôt qu’au niveau national, afin d’établir si les différences de prix d’achat du charbon pratiquées par le CEGB présentaient un caractère discriminatoire au sens de l’article 4, sous b), CA.

137    Dans la décision attaquée (note en bas de page n° 27 au considérant 26), la Commission a contesté l’argument des plaignants, selon lequel les chiffres relatifs aux quantités de charbon fournies par le secteur privé aux centrales électriques du sud du pays de Galles, auxquels ils se référaient, devaient être comparés aux quantités de charbon fournies par British Coal à ces centrales électriques du sud du pays de Galles. Elle a fait valoir que la comparaison des conditions d’approvisionnement devrait être effectuée au niveau national, parce que la politique d’achat du CEGB était subordonnée à son obligation de service public d’assurer la sécurité de l’approvisionnement en électricité de l’Angleterre et du pays de Galles. En particulier, la Commission a relevé à cet égard que le CEGB, légalement responsable de la production et de la fourniture d’électricité en gros en Angleterre et au pays de Galles, et British Coal, qui détenait le monopole de la production de charbon en Grande-Bretagne, étaient liés par des contrats d’approvisionnement au niveau national, comme en atteste l’accord conjoint de 1986, visé dans la plainte. Elle a souligné que la politique d’achat du CEGB était subordonnée à son obligation légale de faire fonctionner l’ensemble du réseau électrique d’Angleterre et du pays de Galles, ce qui devrait être distingué de l’exploitation de centrales électriques individuelles sans lien avec le reste du système.

138    Il ressort en particulier de l’explication susmentionnée, figurant à la note en bas de page n° 27 de la décision attaquée, que la Commission s’est essentiellement fondée sur l’idée que la sécurité de l’approvisionnement en charbon du CEGB, en vue de lui permettre de s’acquitter de ses obligations de service public, devait être garantie au niveau national, au moyen d’une politique d’achat et de fixation des prix du charbon également définie à l’échelle nationale (voir également points 32, 33 et 36 ci-dessus). En outre, la Commission a souligné que les données relatives à l’exploitation des centrales électriques au niveau local n’étaient pas pertinentes pour déterminer si les conditions d’approvisionnement offertes par British Coal étaient comparables à celles offertes par les mélangeurs du sud du pays de Galles.

139    Devant le Tribunal, les requérants ne contestent pas que seul British Coal était en mesure de répondre aux besoins essentiels d’approvisionnement en charbon du CEGB, au niveau national. Par ailleurs, ils n’invoquent pas le caractère disproportionné des différences de prix litigieuses, même dans le cas dans lequel la politique d’achat du charbon aurait dû être définie par le CEGB à l’échelle nationale, afin d’assurer la sécurité de son approvisionnement.

140    Les requérants se limitent à faire valoir que la Commission a omis de vérifier si le CEGB devait en pratique gérer séparément les différents sous-systèmes locaux constituant le réseau d’approvisionnement en électricité d’Angleterre et du pays de Galles, compte tenu notamment des contraintes et des charges liées à la distribution de l’électricité.

141    À cet égard, il importe de relever que les pratiques litigieuses sont constituées par un comportement du CEGB sur le marché de l’achat du charbon. La manière dont cette entreprise gère en aval le réseau électrique d’Angleterre et du pays de Galles n’a aucun rapport avec les conditions de son approvisionnement sur le marché du charbon. Les requérants n’invoquent d’ailleurs aucun argument permettant de supposer que les modalités de la gestion du réseau électrique, de manière unitaire ou par sous-systèmes, sont susceptibles d’exercer une incidence sur les modalités d’approvisionnement en charbon du CEGB susceptibles de garantir la couverture de ses besoins essentiels en charbon, que ce soit au niveau national ou au niveau local. En conséquence, à supposer même que l’activité d’approvisionnement en électricité s’exerce sur des marchés locaux, ce qui n’est pas établi, une telle constatation ne permettrait pas de conclure que le marché de l’acquisition du charbon, situé en amont, présente la même dimension géographique.

142    Dans ce contexte, il y a lieu de considérer que les arguments des requérants relatifs aux modalités de gestion du réseau électrique sont privés de pertinence, en ce qui concerne la question de savoir si les conditions d’approvisionnement du CEGB sur le marché du charbon devaient être réglées au niveau national, en l’occurrence par l’accord conjoint de 1986 conclu entre le CEGB et British Coal, ou si elles pouvaient, sans porter atteinte à l’accomplissement par le CEGB de ses obligations de service public dans l’ensemble de l’Angleterre et du pays de Galles, être réglées au niveau local, dans l’hypothèse dans laquelle, dans le sud du pays de Galles, les conditions d’approvisionnement offertes par les mélangeurs auraient été comparables à celles offertes par British Coal sur ce marché local, ce qui n’est d’ailleurs pas établi (voir point 151 ci-après).

143    Dans ces conditions, il n’incombait pas à la Commission d’effectuer une instruction en ce qui concerne les modalités de gestion du réseau électrique.

144    Il y a dès lors lieu de rejeter comme non fondé le moyen tiré de l’erreur manifeste d’appréciation en ce qui concerne la définition du marché géographique pertinent.

 Sur la capacité de production des mines privées sous licence

145    Les requérants reprochent à la Commission de ne pas avoir procédé à une instruction suffisante et d’avoir ainsi commis une erreur manifeste d’appréciation, en fondant son analyse relative à la discrimination par les prix sur le postulat non étayé que les mines privées sous licence pouvaient uniquement fournir du charbon en quantité limitée et pour une brève période, en raison de la politique d’octroi de licences de British Coal. Sur ce point, la Commission se serait fondée, selon les requérants, sur l’article 37, paragraphe 2, de la licence de base, conférant à British Coal le droit de retirer la licence (voir le considérant 22 de la décision attaquée). La Commission en aurait déduit que les producteurs privés sous licence ne représentaient pas une source sûre d’approvisionnement, sans tenir compte du fait qu’il était hautement improbable que les conditions permettant le retrait soient réunies et que, en tout état de cause, British Coal exerce ce droit.

146    Premièrement, cette argumentation repose sur une lecture erronée de la décision attaquée.

147    En effet, il ressort explicitement de la décision attaquée que les conclusions de la Commission relatives à l’incapacité des producteurs privés de répondre aux besoins d’approvisionnement en charbon du CEGB n’étaient pas fondées sur la faculté de British Coal de révoquer leurs licences, mais sur les volumes de charbon fournis par l’ensemble du secteur privé en comparaison avec ceux fournis par British Coal, sur les fluctuations des livraisons des producteurs privés, la faiblesse de leur organisation et leur incapacité à assurer la continuité des ventes pendant une période de cinq ans (voir considérants 93 à 102 de la décision attaquée). Dans son appréciation juridique, la Commission ne s’est référée à aucun moment au droit de révocation des licences. Les conditions strictes imposées par le système de concession de licences, évoquées au considérant 98 de la décision attaquée, visaient en particulier les limitations, décrites au considérant 20 de la décision attaquée auquel renvoie le considérant 98 de ladite décision, imposées en ce qui concerne le nombre d’employés dans les exploitations souterraines et, par conséquent, le volume de la production. La circonstance que la Commission renvoie, au considérant 98 de la décision attaquée, indistinctement aux considérants 19 à 21 de celle-ci décrivant le régime des licences, n’infirme pas cette interprétation. Cette analyse est corroborée par le considérant 101 de la décision attaquée qui se réfère également à l’effectif restreint pouvant travailler dans chaque mine, pour expliquer la faiblesse et les fluctuations de la capacité de production des mines privées sous licence. De même, le considérant 108 de la décision attaquée énonce que le régime strict de concession de licences faisait obstacle à des opérations d’extraction de grande ampleur, en renvoyant au considérant 20 de ladite décision.

148    Deuxièmement, il convient de relever que les requérants ne contestent pas de manière étayée l’argument de la Commission, selon lequel il ne serait pas pertinent de vérifier si, en pratique, certains mélangeurs ont fourni de manière stable des quantités suffisantes de charbon de 1986 à 1990, dès lors que ces mélangeurs n’étaient pas à même de garantir, dès 1986, un approvisionnement à moyen terme stable et en volumes globaux comparables à ceux garantis par British Coal.

149    À cet égard, la Commission a affirmé, dans la décision attaquée (considérant 103), que, « [à] supposer qu’il soit possible de démontrer rétrospectivement que les mélangeurs individuels ont livré tout au long de la période considérée des quantités stables, cela ne changerait rien au fait qu’il n’y a pas eu de garantie [de livraisons stables à moyen ou à long terme] à l’époque à laquelle [British Coal] s’est engagée à approvisionner le CEGB pour les cinq années à venir ».

150    À l’appui de cette affirmation, la Commission a fait valoir en substance que, lors de la conclusion de l’accord conjoint de 1986 entre le CEGB et British Coal, les mélangeurs du sud du pays de Galles n’étaient pas en mesure d’assurer un approvisionnement stable du CEGB sur une période de cinq ans, car ils étaient exposés aux brusques variations de production des exploitations minières privées ainsi qu’à la concurrence entre eux sur le marché au comptant (considérant 102 de la décision attaquée ; voir point 34 ci-dessus).

151    Or, les requérants n’avancent aucun indice concret permettant de supposer que, sur le marché local du charbon du sud du pays de Galles, les mélangeurs, dont les requérants ne contestent pas qu’ils achetaient le charbon au comptant auprès des producteurs privés, étaient néanmoins en mesure de conclure avec le CEGB un contrat similaire, au niveau local, à l’accord conjoint de 1986, conclu au niveau national, et de lui garantir une sécurité d’approvisionnement à moyen terme sur ce marché local.

152    Il s’ensuit que le second moyen, tiré de l’erreur manifeste d’appréciation de la Commission, en ce qui concerne la capacité de production des mines privées sous licence du sud du pays de Galles, ne saurait être accueilli.

153    Il résulte de l’ensemble de ce qui précède que le présent recours doit être rejeté dans son intégralité.

 Sur les dépens

154    Aux termes de l’article 87, paragraphe 2, du règlement de procédure, toute partie qui succombe est condamnée aux dépens, s’il est conclu en ce sens.

155    Toutefois, l’article 87, paragraphe 3, du règlement de procédure prévoit que le Tribunal peut répartir les dépens ou décider que chaque partie supportera ses propres dépens si les parties succombent respectivement sur un ou plusieurs chefs, ou pour des motifs exceptionnels.

156    Selon l’article 87, paragraphe 4, du règlement de procédure, les États membres et les institutions qui sont intervenus au litige supportent leurs dépens.

157    En l’espèce, il convient de relever que le présent recours a été formé contre le rejet d’une plainte déposée au nom des requérants en 1990. La décision attaquée constitue l’aboutissement d’une procédure complexe dont la longueur s’explique d’abord par l’abstention de la Commission, en 1991, d’examiner la plainte en ce qui concerne la période antérieure au 1er avril 1990 (voir point 14 ci-dessus), pour des motifs avant tout d’opportunité (conclusions de l’avocat général M. Alber sous l’arrêt International Power e.a./NALOO, point 24 supra, Rec. p. I‑11425, points 92 et 100), puis par le retrait de la décision du 30 juillet 1998, car elle était entachée d’une erreur de droit (voir points 24 et 25 ci-dessus). Par ailleurs, les requérants avaient été déclarés irrecevables à faire valoir leurs droits directement devant le juge national, à la suite de l’arrêt Hopkins e.a./Commission, point 13 supra (voir point 17 ci-dessus).

158    Eu égard à ce concours de circonstances exceptionnelles, il sera fait une juste appréciation des circonstances de la cause en décidant que la Commission supportera ses propres dépens, ainsi que les dépens des requérants.

159    Le Royaume-Uni de Grande-Bretagne et d’Irlande du Nord ainsi que les deux entreprises intervenantes supporteront leurs propres dépens.

Par ces motifs,

LE TRIBUNAL (quatrième chambre)

déclare et arrête :

1)      Le recours est rejeté.

2)      La Commission européenne supportera, outre ses propres dépens, les dépens de M. Glen Jones et de Mme Daphne Jones, ainsi que ceux de Fforch-Y-Garon Coal Co. Ltd.

3)      Le Royaume-Uni de Grande-Bretagne et d’Irlande du Nord, E.ON UK plc et International Power plc supporteront chacun leurs propres dépens.

Pelikánová

Jürimäe

Van der Woude

Ainsi prononcé en audience publique à Luxembourg, le 23 novembre 2011.

Signatures


Table des matières

Antécédents du litige

Secteurs du charbon et de l’électricité au Royaume-Uni avant le 1er avril 1990

Contrats d’approvisionnement du CEGB en charbon avant le 1er avril 1990

Libéralisation et/ou réforme des secteurs de l’électricité et du charbon et nouveaux contrats d’approvisionnement en charbon conclus par les producteurs d’électricité en 1990

Plainte

Décision de la Commission du 23 mai 1991, relative à la période postérieure au 1er avril 1990

Arrêt Hopkins e.a.

Décision de la Commission du 30 juillet 1998, relative à la période antérieure au 1er avril 1990

Adoption de la décision attaquée

Contenu de la décision attaquée

Procédure et conclusions des parties

En droit

1.  Sur la recevabilité

Sur les mandats donnés par Fforch-Y-Garon Coal

Sur la recevabilité de la réplique

2.  Sur le fond

Sur la période comprise entre 1984 et 1986

Sur l’effet direct des dispositions matérielles pertinentes du traité CECA et la possibilité pour les requérants de faire valoir leurs droits devant les juridictions nationales

Sur l’ancienneté et l’absence d’effets anticoncurrentiels persistants des pratiques visées par la plainte

Sur l’absence d’avancement de l’instruction de la plainte

Sur la période comprise entre 1986 et 1990

Observations liminaires

–  Cadre juridique applicable au rejet au fond d’une plainte

–  Identification des pratiques litigieuses dans le contexte des rapports entre les plaignants et les mélangeurs

–  Objet de la controverse juridique

Sur le marché géographique pertinent

Sur la capacité de production des mines privées sous licence

Sur les dépens


** Langue de procédure : l’anglais.