Language of document : ECLI:EU:T:2022:110

DOCUMENT DE TRAVAIL

ARRÊT DU TRIBUNAL (sixième chambre)

2 mars 2022 (*)

« Marque de l’Union européenne – Procédure de déchéance – Marque de l’Union européenne figurative apo-discounter.de – Déclaration partielle de déchéance – Usage sérieux de la marque – Article 58, paragraphe 1, sous a), du règlement (UE) 2017/1001 – Preuve de l’usage sérieux »

Dans l’affaire T‑140/21,

Apologistics GmbH, établie à Markkleeberg (Allemagne), représentée par Me H. Hug, avocat,

partie requérante,

contre

Office de l’Union européenne pour la propriété intellectuelle (EUIPO), représenté par M. A. Folliard-Monguiral, en qualité d’agent,

partie défenderesse,

l’autre partie à la procédure devant la chambre de recours de l’EUIPO, intervenant devant le Tribunal, étant

Markus Kerckhoff, demeurant à Bergisch Gladbach (Allemagne), représenté par Me M. Douglas, avocat,

ayant pour objet un recours formé contre la décision de la cinquième chambre de recours de l’EUIPO du 8 décembre 2020 (affaire R 1439/2019‑5), relative à une procédure de déchéance entre M. Kerckhoff et Apologistics,

LE TRIBUNAL (sixième chambre),

composé de Mme A. Marcoulli, présidente, MM. C. Iliopoulos et R. Norkus (rapporteur), juges,

greffier : M. E. Coulon,

vu la requête déposée au greffe du Tribunal le 5 mars 2021,

vu le mémoire en réponse de l’EUIPO déposé au greffe du Tribunal le 27 mai 2021,

vu le mémoire en réponse de l’intervenant déposé au greffe du Tribunal le 21 mai 2021,

vu l’absence de demande de fixation d’une audience présentée par les parties dans le délai de trois semaines à compter de la signification de la clôture de la phase écrite de la procédure et ayant décidé, en application de l’article 106, paragraphe 3, du règlement de procédure du Tribunal, de statuer sans phase orale de la procédure,

rend le présent

Arrêt

 Antécédents du litige

1        Le 11 octobre 2010, la requérante, Apologistics GmbH, a présenté une demande d’enregistrement de marque de l’Union européenne à l’Office de l’Union européenne pour la propriété intellectuelle (EUIPO), en vertu du règlement (CE) no 207/2009 du Conseil, du 26 février 2009, sur la marque de l’Union européenne (JO 2009, L 78, p. 1), tel que modifié [remplacé par le règlement (UE) 2017/1001 du Parlement européen et du Conseil, du 14 juin 2017, sur la marque de l’Union européenne (JO 2017, L 154, p. 1)].

2        La marque dont l’enregistrement a été demandé est le signe figuratif suivant :

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3        Les services pour lesquels l’enregistrement a été demandé relèvent de la classe 35 au sens de l’arrangement de Nice concernant la classification internationale des produits et des services aux fins de l’enregistrement des marques, du 15 juin 1957, tel que révisé et modifié, et correspondent, après limitation intervenue au cours de la procédure devant l’EUIPO, notamment à la description suivante : « Services de vente au détail des produits suivants : produits chimiques, produits de droguerie, produits cosmétiques et produits ménagers, produits du secteur de la santé ».

4        Le 18 mars 2011, ladite marque a été enregistrée en tant que marque de l’Union européenne sous le numéro 9435496, notamment pour les services mentionnés au point 3 ci-dessus. Cet enregistrement a été publié au Bulletin des marques communautaires no 2011/056, du 22 mars 2011.

5        Le 23 mars 2018, l’intervenant, M. Markus Kerckhoff, a présenté auprès de l’EUIPO une demande de déchéance, sur le fondement de l’article 58, paragraphe 1, sous a), du règlement 2017/1001, au motif que ladite marque n’avait pas fait l’objet d’un usage sérieux pendant une période ininterrompue de cinq ans. Cette demande concernait notamment l’ensemble des services visés au point 3 ci-dessus.

6        Le 28 juin 2019, la division d’annulation a prononcé la déchéance de la marque contestée notamment pour les services visés au point 3 ci-dessus.

7        Le 5 juillet 2019, la requérante a formé un recours auprès de l’EUIPO, au titre des articles 66 à 71 du règlement 2017/1001, contre la décision de la division d’annulation.

8        Par décision du 8 décembre 2020 (ci-après la « décision attaquée »), la cinquième chambre de recours de l’EUIPO a partiellement annulé la décision de la division d’annulation. Après avoir constaté que les conditions relatives au lieu, à la durée et à l’importance de l’usage étaient remplies, ladite chambre a considéré que les éléments de preuve fournis par la requérante démontraient l’usage sérieux de la marque contestée, d’une part, pour les « services de vente au détail en relation avec des préparations pharmaceutiques », ces dernières constituant une sous-catégorie indépendante des catégories générales des produits chimiques, des produits de droguerie et des produits du secteur de la santé couverts par les services de vente au détail pour lesquels la marque contestée avait été enregistrée, et, d’autre part, pour les « services de vente au détail en relation avec les produits cosmétiques ». En revanche, elle a rejeté le recours en ce qui concerne les services de vente au détail portant sur les autres produits pour lesquels la marque contestée avait été enregistrée, en considérant, en substance, que les éléments de preuve produits par la requérante étaient insuffisants pour démontrer l’importance de l’usage de cette marque.

 Conclusions des parties

9        La requérante conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        annuler la décision attaquée dans la mesure où la déchéance de la marque contestée a été déclarée pour les services de vente au détail de produits chimiques, de produits de droguerie, de produits ménagers et de produits du secteur de la santé ;

–        condamner l’EUIPO aux dépens.

10      L’EUIPO et l’intervenant concluent à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        rejeter le recours ;

–        condamner la requérante aux dépens.

 En droit

11      À l’appui du recours, la requérante invoque un moyen unique, tiré de la violation de l’article 58, paragraphe 1, sous a), du règlement 2017/1001. Elle conteste, en substance, l’appréciation par la chambre de recours de la preuve de l’usage sérieux de la marque contestée pour les services de vente au détail de produits chimiques, de produits de droguerie, de produits ménagers et de produits du secteur de la santé (ci-après les « services de vente au détail de quatre catégories de produits »).

12      En s’appuyant, notamment, sur les factures produites devant l’EUIPO portant sur la période allant de 2012 à 2017, la requérante soutient que l’usage sérieux de la marque contestée pour lesdits services est démontré, indépendamment du fait de savoir si les préparations pharmaceutiques constituent ou non une sous-catégorie indépendante des produits sur lesquels portent ces services.

13      L’EUIPO et l’intervenant contestent les arguments de la requérante.

14      Aux termes de l’article 58, paragraphe 1, sous a), du règlement 2017/1001, le titulaire d’une marque de l’Union européenne est déclaré déchu de ses droits, sur demande présentée auprès de l’EUIPO, si, pendant une période ininterrompue de cinq ans, la marque n’a pas fait l’objet d’un usage sérieux dans l’Union européenne pour les produits ou les services pour lesquels elle est enregistrée et s’il n’existe pas de justes motifs pour le non-usage.

15      En ce qui concerne les critères d’appréciation de l’usage sérieux, en vertu de l’article 10, paragraphe 3, du règlement délégué (UE) 2018/625 de la Commission, du 5 mars 2018, complétant le règlement 2017/1001, et abrogeant le règlement délégué (UE) 2017/1430 (JO 2018, L 104, p. 1), applicable aux procédures de déchéance conformément à l’article 19, paragraphe 1 de ce même règlement, la preuve de l’usage doit porter sur le lieu, la durée, l’importance et la nature de l’usage qui a été fait de la marque contestée.

16      Il convient de rappeler que, dans le cadre d’une procédure de déchéance d’une marque, c’est au titulaire de cette dernière qu’il incombe, en principe, d’établir l’usage sérieux de ladite marque (voir arrêt du 23 janvier 2019, Klement/EUIPO, C‑698/17 P, non publié, EU:C:2019:48, point 57 et jurisprudence citée).

17      À cet égard, il ressort de la jurisprudence qu’une marque fait l’objet d’un usage sérieux lorsqu’elle est utilisée, conformément à sa fonction essentielle qui est de garantir l’identité d’origine des produits et des services pour lesquels elle a été enregistrée, aux fins de créer ou de conserver un débouché pour ces produits et services, à l’exclusion d’usages de caractère symbolique ayant pour seul objet le maintien des droits conférés par la marque [voir arrêt du 8 juillet 2004, Sunrider/OHMI – Espadafor Caba (VITAFRUIT), T‑203/02, EU:T:2004:225, point 39 et jurisprudence citée].

18      L’appréciation du caractère sérieux de l’usage de la marque doit reposer sur l’ensemble des faits et des circonstances propres à établir la réalité de l’exploitation commerciale de celle-ci, en particulier les usages considérés comme justifiés dans le secteur économique concerné pour maintenir ou créer des parts de marché au profit des produits ou des services protégés par la marque, la nature de ces produits ou de ces services, les caractéristiques du marché, l’étendue et la fréquence de l’usage de la marque.

19      Pour examiner le caractère sérieux de l’usage d’une marque contestée, il convient de procéder à une appréciation globale en tenant compte de tous les facteurs pertinents du cas d’espèce (voir arrêt du 8 juillet 2004, VITAFRUIT, T‑203/02, EU:T:2004:225, point 42 et jurisprudence citée).

20      L’usage sérieux d’une marque ne peut être démontré par des probabilités ou des présomptions, mais doit reposer sur des éléments concrets et objectifs qui prouvent une utilisation effective et suffisante de la marque sur le marché concerné [voir arrêt du 6 octobre 2004, Vitakraft-Werke Wührmann/OHMI – Krafft (VITAKRAFT), T‑356/02, EU:T:2004:292, point 28  et jurisprudence citée].

21      En outre, si une marque a été enregistrée pour une catégorie de produits ou de services suffisamment large pour que puissent être distinguées, en son sein, plusieurs sous-catégories susceptibles d’être envisagées de manière autonome, la preuve de l’usage sérieux de la marque pour une partie de ces produits ou services n’emporte protection que pour la ou les sous-catégories dont relèvent les produits ou services pour lesquels la marque a été effectivement utilisée [voir, en ce sens, arrêt du 14 juillet 2005, Reckitt Benckiser (España)/OHMI – Aladin (ALADIN), T‑126/03, EU:T:2005:288, point 45].

22      En ce qui concerne des produits ou des services rassemblés au sein d’une catégorie large, susceptible d’être subdivisée en plusieurs sous-catégories autonomes, il est nécessaire d’exiger du titulaire de la marque contestée d’apporter la preuve de l’usage sérieux de cette marque pour chacune de ces sous-catégories autonomes. Dans ce contexte, l’étendue des catégories de produits ou de services pour lesquels la marque contestée a été enregistrée est un élément déterminant de l’équilibre entre, d’une part, le maintien et la préservation des droits exclusifs conférés au titulaire de la marque contestée et, d’autre part, leur limitation afin d’éviter qu’une marque utilisée de manière partielle jouisse d’une protection étendue au seul motif qu’elle a été enregistrée pour une large gamme de produits ou de services (arrêt du 16 juillet 2020, ACTC/EUIPO, C‑714/18 P, EU:C:2020:573, points 39 et 43).

23      Il ressort également de la jurisprudence que le critère de finalité ou de destination est un critère primordial dans la définition d’une sous‑catégorie de produits ou de services dans la mesure où le consommateur recherche avant tout un produit ou un service qui pourra répondre à ses besoins spécifiques [arrêt du 13 février 2007, Mundipharma/OHMI – Altana Pharma (RESPICUR), T‑256/04, EU:T:2007:46, point 29].

24      En revanche, si une marque a été enregistrée pour des produits ou des services définis de façon tellement précise et circonscrite qu’il n’est pas possible d’opérer des divisions significatives à l’intérieur de la catégorie concernée, alors, la preuve de l’usage sérieux de la marque pour lesdits produits ou services couvre nécessairement toute cette catégorie (arrêt du 14 juillet 2005, ALADIN, T‑126/03, EU:T:2005:288, point 45).

25      C’est à la lumière de ce qui précède qu’il y a lieu d’examiner le moyen unique de la requérante.

26      À titre liminaire, il importe de rappeler que la marque contestée a été enregistrée le 18 mars 2011 et que la demande en déchéance a été déposée le 23 mars 2018. Par conséquent, la marque contestée étant enregistrée depuis plus de cinq ans à la date de dépôt de ladite demande, la requérante devait prouver l’usage sérieux de cette marque pour les services de quatre catégories des produits au cours des cinq années précédant la date de ce dépôt, à savoir du 23 mars 2013 au 22 mars 2018 inclus (ci-après la « période pertinente »).

27      Il convient également de rappeler que, à l’appui de son recours, la requérante se réfère à des factures portant sur la période allant de 2012 à 2017 qu’elle a produites pendant la procédure administrative aux fins de la démonstration de l’usage sérieux de la marque contestée notamment pour les services de vente au détail de quatre catégories de produits. À cet égard, il y a lieu de constater, à l’instar de la chambre de recours, que la prise en compte des factures portant sur l’année 2012, antérieure à la période pertinente, n’est pas dépourvue de pertinence. En effet, il ressort de la jurisprudence que la prise en considération de tels éléments de preuve portant sur un usage fait avant ou après la période pertinente est possible, en ce qu’elle permet de confirmer ou de mieux apprécier la portée de l’utilisation de la marque contestée ainsi que les intentions réelles du titulaire de celle-ci au cours de cette période. Cependant, de tels éléments de preuve ne peuvent être pris en considération que si d’autres éléments de preuve portant, eux, sur la période pertinente ont été produits [arrêt du 30 janvier 2020, Grupo Textil Brownie/EUIPO – The Guide Association (BROWNIE), T‑598/18, EU:T:2020:22, point 41]. Or, tel est le cas en l’espèce.

28      Toujours à titre liminaire, il convient de relever que la notion de « produits pharmaceutiques » visée aux points 75 et 77 à 82 de la décision attaquée doit être considérée, dans les circonstances particulières de l’espèce, comme étant analogue à la notion de « préparations pharmaceutiques ».

29      Cela étant précisé, il convient d’examiner si, comme le prétend la requérante, les éléments de preuve qu’elle avait produits étaient suffisants, s’agissant des services de vente au détail de quatre catégories de produits, pour démontrer un usage sérieux de la marque contestée durant la période pertinente, propre à assurer le maintien des droits sur celle-ci.

 Sur l’usage sérieux de la marque contestée pour les services de vente au détail de produits chimiques

30      En s’appuyant sur une série de factures sur lesquelles figurent, notamment, les produits « Inneov homme Dichtes Haar Maenner Tabletten », « Elmex Sensitive Professional Zahnpasta », « Eucerin Th 3 % Urea Lotio[n] O/w mit Carnitin », « Eucerin pH5 Lip Repair Crème », « Roche Posay Effaclar Waschcreme », « Lactrase 12.000 Fcc Kapseln », « Magnesium Verla N Dragees » ou encore « Bullrich Salz Tabletten » et « Doppelherz Sport direct Vitamine+mineralien », la requérante fait, en substance, valoir qu’elle a apporté la preuve de l’usage sérieux de la marque contestée pour les services de vente au détail de produits chimiques. Par ailleurs, elle soutient que le produit « Frontline », qui figure sur ces factures, constitue à la fois un produit chimique, du fait qu’il contient la substance fipronil, qui est un insecticide, et un produit ménager en raison de sa destination, à savoir le traitement des animaux contre les parasites.

31      L’EUIPO et l’intervenant contestent cette argumentation.

32      Il convient de rappeler que, au point 75 de la décision attaquée, la chambre de recours a tout d’abord constaté que la grande majorité des éléments de preuve, notamment, le matériel publicitaire, les captures d’écran et les factures, concernaient des produits pharmaceutiques. Ensuite, au point 77 de la décision attaquée, en se référant au dictionnaire en ligne Merriam Webster, elle a défini les produits chimiques comme des substances obtenues par un processus chimique ou produisant un effet chimique. Ladite chambre a, enfin, considéré que les produits pharmaceutiques, qui sont ou contiennent des substances chimiques, constituent une sous-catégorie indépendante de la catégorie générale des produits chimiques en raison de leur finalité médicale spécifique et a estimé que l’usage sérieux de la marque contestée avait été démontré pour les services de vente au détail de cette dernière sous-catégorie des produits.

33      À cet égard, il convient de constater, premièrement, ainsi qu’il résulte de la définition de la notion de produit chimique mentionnée au point 32 ci-dessus, non contestée par la requérante, que la catégorie des produits chimiques, sur lesquels portent les services de vente au détail pour lesquels la marque contestée a été enregistrée, est suffisamment large pour qu’il puisse être distingué, en son sein, plusieurs sous-catégories susceptibles d’être envisagées de manière autonome, outre la sous-catégorie des produits pharmaceutiques. Ainsi que le relève l’EUIPO dans son mémoire en réponse, les produits chimiques peuvent avoir des destinations différentes et notamment être utilisés dans l’industrie, les sciences, la photographie ou l’agriculture.

34      Dès lors, il convient de considérer, au regard des principes énoncés aux points 21 à 23 ci-dessus, qu’une démonstration de l’usage de la marque contestée pour les services de vente au détail portant sur des produits tels qu’un produit cosmétique pour stimuler la pousse des cheveux chez l’homme, une pâte dentifrice, une lotion corporelle, un baume à lèvres réparateur, une crème lavante, un aliment à base de lactase, une supplémentation en magnésium ou encore des compléments nutritionnels, visés au point 30 ci-dessus, ne permet pas d’étendre la protection conférée par la marque contestée à la totalité de la catégorie large des produits chimiques sur lesquels portent les services de vente au détail au seul motif que les produits qui viennent d’être listés seraient des produits chimiques. Par ailleurs, bien qu’elle ne conteste pas que la catégorie des produits chimiques sur lesquels portent les services de vente au détail comporte plusieurs sous-catégories, la requérante n’avance toutefois aucun argument permettant de déterminer si ceux-ci appartiennent à l’une des sous-catégories des produits chimiques autres que celle des produits pharmaceutiques.

35      Quoi qu’il en soit, la requérante se limite à affirmer, d’une manière très sommaire, qu’elle a apporté la preuve de l’usage sérieux de la marque contestée pour les services de vente au détail de produits chimiques, ainsi que cela résulterait d’un nombre considérable de factures afférentes aux années 2012 à 2017. Or, une simple indication « produit chimique » figurant sur les relevés de factures à côté de chaque produit mentionné au point 30 ci-dessus s’avère insuffisante pour établir qu’il s’agit des produits chimiques. Tel est, à plus forte raison, le cas des autres éléments du dossier, tels que les captures d’écran en relation seulement avec certains de ces produits, lesquels ne contiennent pas d’informations suffisantes permettant d’établir que les produits auxquels se réfère la requérante constituent des produits relevant de la catégorie large des produits chimiques faisant l’objet des services de vente au détail. La requérante reste donc en défaut de démontrer que les éléments de preuve relatifs à ces produits établiraient l’usage sérieux de la marque contestée pour les services de vente au détail portant sur l’ensemble de la catégorie large des produits chimiques.

36      Deuxièmement, en ce qui concerne le produit « Frontline », qui serait à la fois un produit chimique, du fait qu’il contient une substance insecticide, à savoir le fipronil, et un produit ménager, en ce qu’il est destiné à traiter les animaux contre les parasites, il convient de constater que, à supposer qu’il constitue un produit chimique, les éléments de preuve produits par la requérante font état d’un volume relativement faible de la vente de ce produit sous la marque contestée pendant seulement une partie de la période pertinente, à savoir de 2013 à 2015 et une seule vente en 2016. Dès lors, le volume de vente du produit de consommation courante « Frontline », sur une période limitée, ne permet pas de démontrer un usage sérieux de la marque contestée pour les services de vente au détail de ce produit.

37      En tout état de cause, au regard de la catégorie large des produits chimiques sur laquelle portent les services de vente au détail, les éléments de preuve attestant de l’usage de la marque contestée pour les services de vente au détail du produit « Frontline » ne permettent pas de maintenir la protection conférée par cette marque pour la totalité de ladite catégorie.

38      Il s’ensuit que l’argumentation de la requérante ne permet pas de considérer que la chambre de recours a estimé à tort que la preuve de l’usage sérieux de la marque contestée n’avait pas été apportée pour les services de vente au détail de produits chimiques, à l’exception des produits relevant de la sous-catégorie des produits pharmaceutiques.

 Sur l’usage sérieux de la marque contestée pour les services de vente au détail de produits ménagers

39      La requérante fait valoir qu’elle a apporté la preuve de l’usage sérieux de la marque contestée pour les services de vente au détail de produits ménagers. Elle appuie sa démonstration sur les relevés de factures portant sur la période allant de 2012 à 2017 et, notamment, sur le produit « Frontline », figurant sur ces derniers documents, lequel serait non seulement un produit chimique, mais également un produit ménager en raison de sa destination au traitement des animaux contre les parasites.

40      L’EUIPO et l’intervenant contestent cette argumentation.

41      Il convient de rappeler que, aux points 56, 84 et 85 de la décision attaquée, la chambre de recours a considéré que les éléments de preuve produits par la requérante n’étaient pas suffisants pour démontrer l’usage sérieux de la marque contestée pour les services de vente au détail portant sur la catégorie générale des produits ménagers.

42      À cet égard, il y a lieu de relever que la requérante n’avance aucun argument permettant d’assimiler les produits figurant sur les relevés de factures à la catégorie des produits ménagers, qui englobe une large gamme de produits comprenant les objets domestiques et les produits concernant l’entretien de la maison, ne serait-ce qu’en ce qui concerne le produit « Frontline », qui serait un produit ménager en raison de sa destination, à savoir le traitement des animaux contre les parasites. Toutefois, compte tenu des explications présentées par la requérante, il ne saurait être considéré que ce produit a la même destination que les objets domestiques ou est destiné à l’entretien de la maison.

43      En tout état de cause, à supposer que le produit « Frontline » constitue un produit ménager, d’une part, la requérante n’a pas démontré que l’usage de la marque contestée pour les services de vente au détail dudit produit puisse être qualifié de sérieux, ainsi que cela a été constaté au point 36 ci-dessus. D’autre part, alors que la chambre de recours a considéré que les produits ménagers constituaient une catégorie générale – et donc, implicitement, large –, la requérante n’a pas contesté cette appréciation. Elle n’a pas non plus démontré, au regard de la jurisprudence citée au point 24 ci-dessus, que la catégorie des produits ménagers est une catégorie précise et circonscrite, de sorte que les éléments de preuve de l’usage de la marque contestée pour les services de vente du produit « Frontline » puisse couvrir l’usage de ladite marque pour l’ensemble de la catégorie des produits ménagers sur laquelle porte les services de vente au détail. Or, ainsi qu’il a été constaté au point 42 ci-dessus, la catégorie des produits ménagers sur lesquels portent les services de vente au détail constitue une catégorie large, et dès lors susceptible d’être subdivisée en plusieurs catégories, envisagées de manière autonome, au sens de la jurisprudence rappelée au point 21 ci-dessus. Dans ces circonstances, en tout état de cause, la démonstration de l’usage de la marque contestée pour le seul produit « Frontline » ne permettrait pas de maintenir la protection conférée par cette marque pour la totalité de la catégorie large des produits ménagers sur lesquels portent les services de vente au détail.

44      Partant, la chambre de recours n’a pas commis d’erreur d’appréciation en considérant que les preuves produites par la requérante ne suffisaient pas pour établir l’usage sérieux de la marque contestée pour les services de vente au détail de produits ménagers.

 Sur l’usage sérieux de la marque contestée pour les services de vente au détail de produits de droguerie et de produits du secteur de la santé

45      La requérante soutient, premièrement, que les produits mentionnés dans les factures qu’elle a produites sont des produits de droguerie en raison de leur vente sur un site de pharmacie en ligne ainsi que dans d’autres pharmacies, drogueries et parapharmacies. Deuxièmement, la requérante considère que l’usage de la marque contestée est prouvé non seulement pour les préparations pharmaceutiques, mais aussi pour les articles d’hygiène, les produits cosmétiques, les compléments alimentaires et les substances diététiques. Ainsi, à la lumière de la définition des produits de droguerie et des produits du secteur de la santé figurant aux points 78 et 79 de la décision attaquée, la chambre de recours aurait dû constater que la preuve de l’usage sérieux de la marque contestée avait été également apportée pour les services de vente au détail de produits de droguerie et de produits du secteur de la santé dans leur ensemble, et pas seulement pour la sous-catégorie des produits pharmaceutiques. En tout état de cause, selon la requérante, dès lors que la chambre de recours a constaté que l’usage sérieux de la marque contestée avait été prouvé pour les services de vente au détail de produits cosmétiques et de produits pharmaceutiques, lesquels font partie des produits de droguerie et des produits du secteur de la santé, c’est à tort que ladite chambre a admis la déchéance des droits de la requérante sur la marque contestée pour les services de vente au détail de produits de droguerie et de produits du secteur de la santé.

46      L’EUIPO et l’intervenant contestent l’argumentation de la requérante.

47      Il convient de rappeler que, aux points 78 et 79 de la décision attaquée, la chambre de recours a défini, respectivement, les produits de droguerie et les produits du secteur de la santé. Ainsi, elle a considéré que les produits de droguerie sont des produits proposés en pharmacie, en droguerie ou en parapharmacie et qui comprennent une large gamme de produits tels que les produits pharmaceutiques, les produits cosmétiques, les compléments alimentaires, les substances diététiques, les accessoires et les dispositifs médicaux ou les articles d’hygiène. En ce qui concerne les « produits du secteur de la santé », elle a considéré que cette description en des termes très larges peut inclure une large gamme de produits différents tels que les produits pharmaceutiques, les compléments alimentaires, les substances diététiques ainsi que les appareils, les instruments et les articles médicaux. Enfin, d’une part, elle a considéré que l’usage sérieux de la marque contestée avait été démontré pour les services de vente au détail de produits pharmaceutiques, lesquels constituaient une sous-catégorie des deux catégories générales de produits susmentionnées, en raison de leur destination différente de celles des autres produits proposés dans les mêmes lieux de commercialisation. D’autre part, au point 72 de la décision attaquée, après avoir constaté que les produits tels que les gels de douche, les déodorants à bille ou les lotions nettoyantes constituaient des produits cosmétiques, ladite chambre a considéré que l’usage sérieux de la marque contestée avait également été démontré pour les services de vente au détail de produits cosmétiques.

48      Aux points 84 et 85 de la décision attaquée, la chambre de recours a considéré que les éléments de preuve produits n’étaient pas suffisants pour établir l’usage sérieux de la marque contestée pour les services de vente au détail de produits de droguerie et de produits du secteur de la santé ainsi que de leurs sous-catégories, à l’exception des préparations pharmaceutiques. Elle a également considéré que les éléments de preuve relatifs à l’usage de cette marque en lien avec des compléments nutritionnels étaient insuffisants pour démontrer l’importance de cet usage.

49      À titre liminaire, il convient de relever que la requérante ne conteste pas la constatation contenue dans la décision attaquée selon laquelle les catégories des produits de droguerie et des produits du secteur de la santé regroupent en leur sein plusieurs sous-catégories.

50      Il convient de relever, premièrement, que, à l’appui de son argument selon lequel l’usage sérieux de la marque contestée pour les services de vente au détail de produits de droguerie serait établi par les éléments de preuve d’un tel usage pour les services de vente au détail de produits cosmétiques et d’articles d’hygiène, la requérante renvoie à certaines factures. Or, sur celles-ci figurent, notamment, des produits tels que des sprays antitranspirants, des déodorants à bille, des gels douche, des lotions corporelles, des baumes à lèvres ou encore des crèmes lavantes, que la requérante désigne comme des produits cosmétiques et des articles d’hygiène. Toutefois, s’il ne peut pas être exclu que ces produits puissent constituer à la fois des produits cosmétiques et des articles d’hygiène, au regard de la catégorie large des produits de droguerie sur laquelle portent les services de vente au détail, les éléments de preuve attestant de l’usage de la marque contestée pour les services de vente au détail des produits susmentionnés ne permettent pas de maintenir la protection conférée par cette marque pour la totalité de la catégorie des produits de droguerie sur lesquels portent les services de vente au détail.

51      Deuxièmement, en ce qui concerne l’appréciation des éléments de preuve de l’usage sérieux de la marque contestée pour des services de vente au détail de compléments alimentaires et de substances diététiques, il ressort du dossier que les produits auxquels se réfère la requérante à l’appui de son argumentation à cet égard sont désignés comme un « complément de l’alimentation », un « aliment protidique », un « aliment à base de vitamine B », un « produit de droguerie contribuant à une alimentation équilibrée », un « aliment à base de magnésium », un « aliment à base de lactase », un « aliment protidique biologique à base de plantes », une « supplémentation en magnésium », une « tisane pour répondre à des besoins accrus en vitamine C et en zinc », un « complément alimentaire qui améliore le bien-être physique », un « complément alimentaire à base d’ingrédients d’origine végétale [pour une meilleure tonicité des vaisseaux et de la circulation sanguine] », un « aliment diététique utilisé par les femmes à la ménopause » et un « complément diététique ».

52      Or, si certains éléments de preuve laissent entrevoir que ces produits sont destinés à compléter les besoins alimentaires, d’autres éléments de preuve décrivent simplement la nature et les caractéristiques desdits produits, qui ne sont pas pertinentes pour déterminer à laquelle des deux sous-catégories, à savoir les compléments alimentaires ou les substances diététiques, les produits mentionnés au point 51 ci-dessus appartiennent [voir, en ce sens et par analogie, arrêt du 18 octobre 2016, August Storck/EUIPO – Chiquita Brands (Fruitfuls), T‑367/14, non publié, EU:T:2016:615, point 32]. Dès lors, il est impossible de déterminer si l’usage sérieux de la marque contestée a été démontré pour l’une ou l’autre de ces deux sous-catégories de produits sur lesquels porteraient les services de vente au détail.

53      En tout état de cause, il résulte des éléments de preuve produits par la requérante que les produits mentionnés au point 51 ci-dessus ont fait l’objet de services de vente au détail en faible quantité, voire ont fait l’objet d’une vente unique. S’il n’est pas nécessaire que l’usage de la marque soit toujours quantitativement important pour être qualifié de sérieux (arrêt du 11 mars 2003, Ansul, C‑40/01, EU:C:2003:145, point 39), la requérante ne démontre toutefois pas que cette faible quantité puisse être compensée par une forte intensité ou une grande constance dans le temps de l’usage, l’usage de la marque contestée pour les services de vente au détail desdits produits n’ayant eu lieu qu’à quelques reprises au cours de chaque année de la période pertinente. Partant, l’argument selon lequel la requérante aurait apporté la preuve de l’usage sérieux de la marque contestée pour les services de vente au détail de compléments alimentaires et de substances diététiques doit être rejeté comme non fondé, de sorte qu’il n’est pas nécessaire de se prononcer sur l’argument selon lequel l’usage sérieux de la marque contestée pour ces produits permettrait de démontrer l’usage sérieux de ladite marque pour les services de vente au détail portant sur les catégories générales des produits de droguerie et des produits du secteur de la santé.

54      Troisièmement, ne saurait pas non plus prospérer l’argument de la requérante selon lequel l’usage de la marque contestée pour les services de vente au détail de produits de droguerie et de produits du secteur de la santé est établi dès lors qu’un tel usage a été constaté par la chambre de recours pour les services de vente au détail de produits cosmétiques et de produits pharmaceutiques, lesquels font partie des produits de droguerie et des produits du secteur de la santé.

55      En effet, d’une part, il convient de rappeler que les deux catégories que constituent les produits de droguerie et les produits du secteur de la santé, sur lesquelles portent notamment les services de vente au détail pour lesquels la marque contestée a été enregistrée, à savoir les services de vente en détail des produits de droguerie et ceux du secteur de la santé, sont suffisamment larges pour qu’il puisse être distingué plusieurs sous-catégories en leur sein. D’autre part, compte tenu de la jurisprudence rappelée aux points 21 à 23 ci-dessus, au regard de l’étendue des catégories de produits sur lesquels portent les services de vente au détail en cause, la requérante n’est pas parvenue à démontrer que l’usage de la marque contestée pour les services de vente au détail portait sur les sous-catégories des produits de droguerie et des produits du secteur de la santé autres que celles pour lesquelles la chambre de recours a considéré qu’un tel usage avait été établi. Dès lors, les éléments de preuve de l’usage sérieux de la marque contestée pour les services de vente au détail de produits cosmétiques et de produits pharmaceutiques ne sauraient conduire à maintenir la protection conférée par ladite marque pour l’ensemble des catégories des produits de droguerie et des produits du secteur de la santé sur lesquels portent les services de vente au détail.

56      Par ailleurs, ainsi qu’il résulte du point 50 ci-dessus, un tel constat ne saurait être infirmé, eu égard à la jurisprudence rappelée aux points 21 à 23 ci-dessus, même à supposer que la requérante ait apporté la preuve de l’usage sérieux de la marque contestée pour les services de vente au détail d’articles d’hygiène, étant donné qu’il n’est pas contesté que les catégories larges des produits de droguerie et des produits du secteur de la santé sont susceptibles d’être subdivisées en plus de sous-catégories autonomes que celles des articles d’hygiène, des produits cosmétiques et des produits pharmaceutiques.

57      De surcroît, il convient de constater qu’admettre le contraire donnerait lieu à une extension de la protection conférée par la marque contestée à un ensemble disproportionné de produits sur lesquels portent les services de vente au détail en cause [voir, en ce sens et par analogie, arrêt du 24 avril 2018, Kabushiki Kaisha Zoom/EUIPO – Leedsworld (ZOOM), T‑831/16, non publié, EU:T:2018:218, point 49].

58      Quatrièmement, il y a lieu d’écarter également l’argument de la requérante selon lequel les lieux de commercialisation des produits indiqués sur les factures produites, à savoir le site de la pharmacie en ligne « apodiscounter.de » ainsi que d’autres pharmacies, drogueries et parapharmacies, permettraient de déterminer que tous ces produits sont des produits de droguerie. À cet égard, ainsi que l’a relevé la chambre de recours au point 80 de la décision attaquée, les produits de droguerie incluent une large gamme de produits qui peuvent, certes, être proposés dans les drogueries, les pharmacies ou les parapharmacies. Toutefois, la circonstance que ces produits sont disponibles dans lesdits lieux de vente ne signifie pas pour autant qu’ils ne pourraient pas être disponibles dans d’autres lieux de vente. En tout état de cause, la vente, même exclusive, de certains produits dans les pharmacies, drogueries et parapharmacies ne signifie pas pour autant qu’il s’agit nécessairement de produits de droguerie [voir, en ce sens et par analogie, arrêt du 17 novembre 2017, Endoceutics/EUIPO – Merck (FEMIBION), T‑802/16, non publié, EU:T:2017:818, point 38].

59      Il résulte de l’ensemble des développements qui précèdent que la requérante est restée en défaut de démontrer, dans le cadre de son moyen unique, que les appréciations de la chambre de recours concernant l’usage sérieux de la marque contestée pour les services de vente au détail des quatre catégories des produits, fondées sur les éléments de preuve produits pendant la procédure administrative, étaient entachées d’une erreur.

60      Partant, il y a lieu de rejeter le moyen unique et, par voie de conséquence, le recours dans son ensemble.

 Sur les dépens

61      Aux termes de l’article 134, paragraphe 1, du règlement de procédure du Tribunal, toute partie qui succombe est condamnée aux dépens, s’il est conclu en ce sens.

62      La requérante ayant succombé, il y a lieu de la condamner aux dépens, conformément aux conclusions de l’EUIPO et de l’intervenant.

Par ces motifs,

LE TRIBUNAL (sixième chambre)

déclare et arrête :

1)      Le recours est rejeté.

2)      Apologistics GmbH est condamnée aux dépens.

Marcoulli

Iliopoulos

Norkus

Ainsi prononcé en audience publique à Luxembourg, le 2 mars 2022.

Signatures


*      Langue de procédure : l’anglais.