Language of document : ECLI:EU:T:2000:47

ARRÊT DU TRIBUNAL (cinquième chambre)

22 février 2000 (1)

«Fonctionnaires - Refus de promotion - Guide de la promotion - Protection de la confiance légitime - Détournement de pouvoir - Examen comparatif des mérites»

Dans l'affaire T-22/99,

Gustave Rose, fonctionnaire de la Commission des Communautés européennes, demeurant à Goutroux (Belgique), représenté par Me L. Vogel, avocat au barreau de Bruxelles, ayant élu domicile à Luxembourg en l'étude de Me C. Kremer, 6, rue Heinrich Heine,

partie requérante,

contre

Commission des Communautés européennes, représentée par Mmes C. Berardis-Kayser et F. Duvieusart-Clotuche, membres du service juridique, en qualité d'agents, ayant élu domicile à Luxembourg auprès de M. C. Gómez de la Cruz, membre du service juridique, Centre Wagner, Kirchberg,

partie défenderesse,

ayant pour objet une demande d'annulation de la décision de la Commission de ne pas promouvoir le requérant au grade C 1 au titre de l'exercice de promotion 1998,

LE TRIBUNAL DE PREMIÈRE INSTANCE

DES COMMUNAUTÉS EUROPÉENNES (cinquième chambre),

composé de M. R. García-Valdecasas, président, Mme P. Lindh et M. J. D. Cooke, juges,

greffier: M. J. Palacio González, administrateur,

vu la procédure écrite et à la suite de la procédure orale du 26 octobre 1999,

rend le présent

Arrêt

Cadre juridique

1.
    L'article 45 du statut des fonctionnaires des Communautés européennes (ci-après le «statut») dispose, en son paragraphe 1:

«1. La promotion est attribuée par décision de l'autorité investie du pouvoir de nomination. Elle entraîne pour le fonctionnaire la nomination au grade supérieur de la catégorie ou du cadre auquel il appartient. Elle se fait exclusivement au choix, parmi les fonctionnaires justifiant d'un minimum d'ancienneté dans leur grade, après examen comparatif des mérites des fonctionnaires ayant vocation à la promotion ainsi que des rapports dont ils ont fait l'objet.

[...]»

2.
    Concrètement, la promotion annuelle des fonctionnaires de la Commission se déroule selon une procédure décrite dans le Guide pratique à la procédure de promotions des fonctionnaires à la Commission des CE (ci-après le «guide de la promotion»), publié par la direction générale «Personnel et administration» (DG IX) en novembre 1988. Cette procédure se déroule en cinq étapes.

3.
    La première consiste en la publication aux Informations administratives, par l'administration, de la liste des fonctionnaires susceptibles d'être promus. Cette publication vise à permettre aux intéressés de signaler à l'administration d'éventuelles erreurs ou omissions. Dans une deuxième étape, chaque directeur général procède, selon ses propres procédures internes, à l'examen comparatif des mérites des fonctionnaires de son service susceptibles d'être promus et communique au comité de promotion ses propositions de promotions en établissant un ordre de priorité. L'administration publie ces propositions aux Informations administratives.

4.
    Dans une troisième étape, le comité de promotion établit un projet de liste des fonctionnaires les plus méritants, en comparant les mérites des fonctionnaires susceptibles d'être promus selon une méthode d'appréciation adaptée au grade concerné. Ce projet de liste comporte généralement un nombre de fonctionnaires plus élevé que le permettent les disponibilités budgétaires. La quatrième étape consiste en l'entérinement de cette liste par l'autorité investie du pouvoir de nomination (ci-après l'«AIPN») et en sa publication, par ordre alphabétique, aux Informations administratives. Lors de la cinquième et dernière étape, l'AIPN décide, à partir de cette liste, les promotions et signe les décisions individuelles. L'administration publie ensuite la liste des fonctionnaires promus aux Informations administratives.

Faits à l'origine du litige

5.
    Le requérant est entré au service de la Commission en 1973. À l'époque des faits et depuis le 1er janvier 1989, il avait le grade C 2.

6.
    Dans le cadre de l'exercice de promotion 1997, le requérant a été inscrit sur la liste des fonctionnaires jugés les plus méritants pour obtenir une promotion au grade C 1, sans avoir été proposé par sa direction générale. Il n'a, toutefois, pas été promu au titre de cet exercice.

7.
    Dans le cadre de l'exercice de promotion 1998, le requérant n'a, de nouveau, pas été proposé par sa direction générale pour une promotion au grade C 1.

8.
    Le 20 janvier 1998, le requérant a adressé une note à Mme Deshayes, président du comité de promotion, dans laquelle il s'étonnait de ne pas avoir été proposé par sa direction générale alors qu'il avait été inscrit sur la liste des plus méritants au titre de l'exercice de promotion 1997.

9.
    À la suite des réunions du comité de promotion des 10 février, 3 et 4 mars 1998, le requérant a été inscrit sur la liste des fonctionnaires les plus méritants pour la promotion au grade C 1 au titre de l'exercice 1998 publiée aux Informations administratives n° 1033 du 16 mars 1998, qui reprenait les noms de 108 fonctionnaires.

10.
    Toutefois, le nom du requérant n'a pas été repris sur la liste des fonctionnaires promus par l'AIPN au grade C 1 au titre de l'exercice de promotion 1998, publiée aux Informations administratives n° 1036 du 6 avril 1998. Cette liste comprenait les noms de 99 fonctionnaires.

11.
    Par note du 2 juin 1998, enregistrée au secrétariat général de la Commission le 4 juin 1998, le requérant a introduit une réclamation au titre de l'article 90, paragraphe 2, du statut contre la décision de ne pas le promouvoir au grade C 1 au titre de l'exercice de promotion 1998.

12.
    La Commission a rejeté la réclamation du requérant, d'abord implicitement, en omettant de se prononcer dans le délai de quatre mois fixé à l'article 90, paragraphe 2, du statut et, ensuite explicitement, par décision du 9 octobre 1998, notifiée au requérant le 20 octobre 1998.

13.
    Le requérant a été promu au grade C 1 au titre de l'exercice de promotion 1999.

Procédure

14.
    C'est dans ces circonstances que, par requête déposée au greffe du Tribunal le 21 janvier 1999, le requérant a introduit le présent recours.

15.
    Dans sa réplique, il a demandé que soient ordonnés la production de tous les comptes-rendus des travaux du comité de promotion C au cours de l'exercice de promotion 1998 ainsi que l'audition des représentants du personnel qui ont participé aux travaux de ce comité au cours de cet exercice de promotion.

16.
    Sur rapport du juge rapporteur, le Tribunal (cinquième chambre) a décidé d'ouvrir la procédure orale. Dans le cadre des mesures d'organisation de la procédure, il a invité la Commission à produire certains documents avant l'audience, ce qui a été fait dans le délai imparti.

17.
    Les parties ont été entendues en leurs plaidoiries et en leurs réponses aux questions du Tribunal lors de l'audience publique qui s'est déroulée le 26 octobre 1999.

Conclusions des parties

18.
    Le requérant conclut à ce qu'il plaise au Tribunal:

-    annuler la décision de la Commission du 9 octobre 1998 portant rejet explicite de sa réclamation contre la décision publiée aux Informations administratives n° 1036 du 6 avril 1998, en ce qu'elle refuse de le promouvoir au grade C 1 dans le cadre de l'exercice de promotion 1998;

-    condamner la Commission aux dépens.

19.
    La Commission conclut à ce qu'il plaise au Tribunal:

-    rejeter le recours comme non fondé;

-    statuer sur les dépens comme de droit.

Sur l'objet du litige

20.
    La demande du requérant tend à l'annulation de la décision de la Commission du 9 octobre 1998 portant rejet explicite de sa réclamation du 2 juin 1998.

21.
    Il est de jurisprudence constante qu'un recours en annulation formellement dirigé contre le rejet d'une réclamation a pour effet de saisir le juge communautaire d'une contestation de l'acte faisant grief contre lequel la réclamation a été présentée (arrêts de la Cour du 17 janvier 1989, Vainker/Parlement, 293/87, Rec. p. 23, point 8, et du Tribunal du 27 juin 1991, Valverde Mordt/Cour de justice, T-156/89, Rec. p. II-407, point 26; ordonnance du Tribunal du 15 décembre 1998, de Compte/Parlement, T-25/98, RecFP p. I-A-629 et II-1903, point 48).

22.
    Dans le cas d'espèce, l'acte faisant grief contre lequel la réclamation a été présentée est la décision de la Commission de ne pas promouvoir le requérant au grade C 1 au titre de l'exercice 1998, implicitement rendue par la publication de la liste des promus aux Informations administratives n° 1036 du 6 avril 1998.

23.
    Le recours doit donc être considéré comme dirigé contre cette décision.

Sur le fond

24.
    Le requérant invoque deux moyens au soutien de son recours. Le premier moyen est tiré de la violation du guide de la promotion, du principe d'égalité de traitement, du principe de protection de la confiance légitime et du devoir de sollicitude, ainsi que d'un détournement de pouvoir. Le second moyen est pris de la violation de l'article 45, paragraphe 1, du statut.

Sur le premier moyen, tiré de la violation du guide de la promotion, du principe d'égalité de traitement, du principe de protection de la confiance légitime et du devoir de sollicitude, ainsi que d'un détournement de pouvoir

Arguments des parties

25.
    Le requérant soutient que, selon le guide de la promotion et la pratique constante de la Commission, les fonctionnaires inscrits, lors d'un exercice de promotion, sur la liste des plus méritants entérinée par l'AIPN, mais qui ne sont pas promus à l'issue de celui-ci, sont, lors de l'exercice de promotion suivant, automatiquement repris sur cette liste et promus, sauf s'ils ont démérité.

26.
    Il fait observer que, bien qu'il ait été inscrit sur la liste des plus méritants au titre de l'exercice de promotion 1997 sans avoir, ensuite, bénéficié d'une promotion, il n'a pas non plus été promu au titre de l'exercice de promotion 1998. Il ajoute qu'il n'a pas démérité, son rapport de notation 1995/1997 démontrant, au contraire, qu'il possède des «mérites considérables».

27.
    Dans ces conditions, la Commission aurait méconnu le guide de la promotion en s'abstenant de le promouvoir au grade C 1 au titre de l'exercice de promotion 1998.

28.
    Ce faisant, la Commission aurait également porté atteinte au principe d'égalité de traitement, qui oblige l'AIPN à appliquer les mêmes principes à l'ensemble des fonctionnaires susceptibles d'être promus et à mettre en oeuvre des règles semblables au cours de chacun des exercices de promotion successifs, ainsi qu'au devoir de sollicitude, qui serait consacré par l'article 24 du statut.

29.
    En réalité, la Commission aurait refusé de promouvoir le requérant en raison de ses activités syndicales. La décision attaquée serait donc entachée d'un détournement de pouvoir.

30.
    La Commission explique que quatre fonctionnaires de grade C 2, MM. B., D., V.1 et V.2, de la même unité que le requérant, avaient introduit une réclamation en vertu de l'article 90, paragraphe 2, du statut contre la décision de l'AIPN d'inscrire ce dernier sur la liste des fonctionnaires les plus méritants au titre de l'exercice de promotion 1997 alors qu'il n'avait été proposé ni par leur direction ni par leur direction générale. À la suite de ces réclamations, elle se serait engagée à réexaminer la situation de ces quatre fonctionnaires lors de l'exercice de promotion 1998 «en gardant à l'esprit la situation créée lors [de l'exercice de promotion 1997]». La Commission précise que, dans le cadre de l'exercice de promotion 1998, ces fonctionnaires ont d'abord été proposés par leur direction pour une promotion au grade C 1, puis MM. D., V.1 et V.2 l'ont également été par leur direction générale et, enfin, MM. D. et V.1 ont été promus. S'agissant du requérant, celui-ci aurait été inscrit, par le comité de promotion, sur le projet de liste des plus méritants au titre de cet exercice de promotion, afin qu'il ne soit pas supposé qu'il avait démérité, bien que, de nouveau, il n'ait été proposé ni par sa direction ni par sa direction générale. Il n'aurait, toutefois, pas été promu par l'AIPN, dès lors que ses mérites n'étaient pas supérieurs à ceux des quatre autres fonctionnaires susvisés. Ainsi, le dernier rapport de notation du requérant contiendrait cinq appréciations de niveau «supérieur» et cinq de niveau «normal», comme celui de M. B., tandis que ceux de MM. D. et V.1 feraient apparaître six appréciations de niveau «supérieur» et quatre de niveau «normal» et celui de M. V.2 sept appréciations de niveau «supérieur» et trois de niveau «normal».

31.
    Au vu de ces éléments, la Commission considère qu'elle n'aurait pu, sans violer l'article 45 du statut, appliquer au requérant sa pratique consistant normalementà promouvoir les fonctionnaires qui figuraient l'année précédente sur la liste des plus méritants mais n'avaient pas été promus.

32.
    Elle ajoute que, pour ce motif, le requérant ne saurait invoquer une violation du principe de protection de la confiance légitime.

33.
    La Commission conteste également avoir porté atteinte au principe d'égalité de traitement, la situation des fonctionnaires promus étant différente de celle du requérant puisqu'ils justifiaient de mérites supérieurs à ceux de ce dernier.

34.
    Par ailleurs, elle estime ne pas avoir manqué à son devoir de sollicitude et relève que la référence faite par le requérant à l'article 24 du statut est dépourvue de toute pertinence à cet égard.

35.
    Enfin, la Commission fait observer qu'elle n'a jamais dénié au requérant le droit d'exercer en toute liberté ses activités syndicales et que, en tout état de cause, celui-ci ne rapporte pas le moindre indice de nature à établir que la décision de ne pas le promouvoir au grade C 1 aurait été prise en raison de celles-ci.

Appréciation du Tribunal

36.
    Il y a lieu de constater que, ainsi que la Commission l'a souligné à juste titre lors de l'audience, une pratique consistant à promouvoir automatiquement, sauf s'ils ont démérité, les fonctionnaires qui, au titre de l'exercice de promotion précédent, figuraient sur la liste des plus méritants mais n'avaient pas été promus méconnaîtrait manifestement l'article 45, paragraphe 1, du statut (voir arrêt du Tribunal du 25 mars 1999, Hamptaux/Commission, T-76/98, RecFP p. I-A-59 et II-303, point 44). D'une part, en effet, les décisions de promotion présupposent un examen comparatif, par l'AIPN, des mérites des fonctionnaires ayant vocation à la promotion ainsi que des rapports dont ils ont fait l'objet. D'autre part, un tel examen comparatif doit être réalisé dans le cadre de la procédure de chaque promotion (arrêt Hamptaux/Commission, précité, point 46).

37.
    En outre, il importe de rappeler que le statut ne confère aucun droit à une promotion, même aux fonctionnaires qui réunissent toutes les conditions pour pouvoir être promus (arrêts du Tribunal du 9 février 1994, Latham/Commission, T-3/92, RecFP p. I-A-23 et II-83, point 50, et Hamptaux/Commission, précité, point 49).

38.
    Le requérant ne saurait, dès lors, utilement invoquer la violation du guide de la promotion, dans la mesure où celui-ci consacrerait la pratique susvisée. La première branche du premier moyen doit, par conséquent, être écartée.

39.
    S'agissant de la deuxième branche du premier moyen, tirée de la violation du principe d'égalité de traitement, il y a lieu de constater, d'une part, que lerequérant ne rapporte nullement la preuve que, dans le cadre de l'exercice de promotion 1998, l'AIPN aurait appliqué à d'autres fonctionnaires promouvables au grade C 1 la pratique de la promotion automatique qu'il invoque. D'autre part, à supposer même que cette pratique ait été appliquée dans le passé, il ne saurait être reproché à la Commission de l'avoir abandonnée dans le cadre de l'exercice de promotion 1998, une telle pratique n'étant pas conforme à l'article 45, paragraphe 1, du statut, ainsi que le Tribunal l'a relevé au point 36 ci-dessus. Pour ce motif, le requérant ne saurait, en tout état de cause, se prévaloir de cette pratique, nul ne pouvant invoquer à son profit une illégalité commise en faveur d'autrui (arrêt du Tribunal du 14 mai 1991, Zoder/Parlement, T-30/90, Rec. p. II-207, point 26). Cette deuxième branche doit donc également être rejetée.

40.
    Quant à la troisième branche du premier moyen, tirée de la violation du principe de protection de la confiance légitime, il y a lieu de souligner que, en vertu de l'article 19, premier alinéa, du statut CE de la Cour, applicable au Tribunal en vertu de l'article 46, premier alinéa, du même statut, et de l'article 44, paragraphe 1, sous c), du règlement de procédure du Tribunal, la requête doit contenir un exposé sommaire des moyens invoqués. Elle doit, de ce fait, expliciter en quoi consiste le moyen sur lequel le recours est basé, de sorte que sa seule énonciation abstraite ne répond pas aux exigences du statut de la Cour et du règlement de procédure du Tribunal (arrêt du Tribunal du 12 janvier 1995, Viho/Commission, T-102/92, Rec. p. II-17, point 68). Or, en l'espèce, le requérant se borne à faire référence à la violation du principe de protection de la confiance légitime sans développer la moindre argumentation au soutien de sa thèse. Au vu des principes susvisés, cette référence ne saurait être considérée comme suffisante. Partant, la troisième branche du premier moyen doit être écartée.

41.
    À supposer qu'il faille considérer que, par cette troisième branche, le requérant entend faire valoir qu'il pouvait légitimement s'attendre à être promu au grade C 1 au titre de l'exercice de promotion 1998 en raison de la prétendue pratique de promotion automatique susvisée, cet argument devrait, en tout état de cause, être rejeté comme non fondé. En effet, les assurances que le requérant aurait cru pouvoir tirer d'une telle pratique ne pouvaient légitimement fonder sa confiance puisqu'elles n'auraient pas tenu compte des dispositions statutaires applicables, ainsi qu'il a été constaté au point 36 ci-dessus (arrêts de la Cour du 6 février 1986, Vlachou/Cour des comptes, 162/84, Rec. p. 481, point 6, et du Tribunal du 27 mars 1990, Chomel/Commission, T-123/89, Rec. p. II-131, point 30).

42.
    S'agissant de la quatrième branche, tirée de la violation du devoir de sollicitude, force est de constater que le requérant se borne à invoquer l'article 24 du statut. Or, la référence à cette disposition est dépourvue de toute pertinence dans le cadre de la présente affaire, qui met en cause un acte de la Commission. En effet, l'article 24 du statut consacre le devoir d'assistance de la Commission à l'égard de son personnel et impose à celle-ci d'assister le fonctionnaire dans toute attaque ou menace dont il fait l'objet en raison de sa qualité et de ses fonctions. L'obligation d'assistance ne vise pas la défense des fonctionnaires contre les actes de l'institutionelle-même (arrêt du Tribunal du 11 mars 1999, Herold/Commission, T-257/97, RecFP p. I-A-49 et II-251, point 100).

43.
    Enfin, s'agissant de la cinquième branche du premier moyen, tirée d'un détournement de pouvoir, il convient de rappeler que cette notion a une portée précise et se réfère au fait, pour une autorité administrative, d'avoir usé de ses pouvoirs dans un but autre que celui en vue duquel ils lui ont été conférés. Une décision n'est entachée de détournement de pouvoir que si elle apparaît, sur la base d'indices objectifs, pertinents et concordants, avoir été prise pour atteindre des fins autres que celles excipées (voir, notamment, l'arrêt du Tribunal du 14 mai 1998, Lucaccioni/Commission, T-165/95, RecFP p. I-A-203 et II-627, point 166). En l'espèce, le requérant n'a nullement rapporté la preuve d'un éventuel détournement de pouvoir. En particulier, il n'a produit aucun indice à l'appui de son allégation selon laquelle la Commission aurait refusé de le promouvoir au grade C 1 en raison de ses activités syndicales. Il s'ensuit que cette cinquième branche doit également être rejetée.

44.
    Il résulte de l'ensemble des éléments qui précèdent que le premier moyen doit être rejeté.

    Sur le second moyen, tiré de la violation de l'article 45, paragraphe 1, du statut

45.
    Le second moyen s'articule en deux branches. Dans la première branche, le requérant fait grief à l'AIPN d'avoir limité la comparaison de ses mérites à ceux des fonctionnaires promouvables de son unité. Dans la seconde branche, le requérant reproche à l'AIPN d'avoir apprécié de manière erronée ses mérites par rapport à ceux de certains fonctionnaires promus.

Arguments des parties

46.
    En premier lieu, le requérant soutient que l'AIPN, en violation de l'article 45, paragraphe 1, du statut, s'est bornée à comparer ses mérites avec ceux des fonctionnaires promouvables de son unité ou, tout au plus, de sa direction générale alors qu'elle aurait dû procéder à l'examen comparatif des mérites de l'ensemble des fonctionnaires promouvables, toutes unités et directions générales confondues. Il fait observer que c'est précisément parce que le comité de promotion, contrairement à l'AIPN, a pleinement respecté ce principe que, au titre des exercices de promotion 1997 et 1998, son nom a été inscrit sur la liste des plus méritants.

47.
    En second lieu, le requérant reproche à l'AIPN d'avoir commis une erreur dans l'appréciation de ses mérites par rapport à ceux de certains fonctionnaires promus au grade C 1 au titre de l'exercice de promotion 1998.

48.
    Il conteste les indications fournies par la Commission dans le mémoire en défense au sujet, d'une part, de ses mérites et de ceux des autres fonctionnaires de son unité qui avaient été proposés par leur direction et, d'autre part, des circonstances dans lesquelles, par deux fois, il avait été inscrit sur la liste des plus méritants. Il fait observer que son rapport de notation 1993/1995, pris en considération dans le cadre de l'exercice de promotion 1997, contenait neuf appréciations «excellent» et cinq appréciations «très bon», comme ceux de MM. V.1, V.2 et D., tandis que celui de M. B. contenait six appréciations «excellent» et sept appréciations «très bon». Il précise que, au titre de cet exercice de promotion, le comité de promotion l'avait inscrit sur le projet de liste des plus méritants au vu de renseignements obtenus à son sujet auprès du représentant de sa direction générale et des appréciations d'ordre général contenues dans son rapport de notation, et après avoir notamment constaté qu'il exerçait les responsabilités de chef d'équipe de «l'atelier de massicotage du secteur impression». Dans le cadre de l'exercice de promotion 1998, le comité de promotion, qui disposait des rapports de notation 1995/1997, aurait constaté que les appréciations analytiques portées à l'égard du requérant étaient devenues légèrement inférieures à celles concernant MM. D., V.1 et V.2. Le comité de promotion, craignant que la Commission ne cherche ainsi à respecter les engagements qu'elle avait pris au cours de l'exercice de promotion précédent envers ces trois fonctionnaires, aurait veillé à recueillir des informations complètes sur chacun d'eux et sur le requérant, avant de conclure, en pleine connaissance de cause, que l'inscription de ce dernier sur son projet de liste des plus méritants s'imposait de nouveau.

49.
    Par ailleurs, le requérant fait grief à la Commission d'avoir pris en considération le critère de l'ancienneté de service pour fonder la décision litigieuse. D'une part, en effet, ce ne serait qu'en présence de mérites égaux que l'AIPN pourrait prendre en considération, à titre subsidiaire, l'ancienneté. Or, en l'espèce, il existerait des différences entre les mérites du requérant et ceux des autres fonctionnaires promouvables de son unité. D'autre part, l'AIPN n'aurait, en toute hypothèse, pu tenir compte que du «profil de carrière» des fonctionnaires pouvant être promus, à savoir leur âge et leur ancienneté dans le grade. Il fait observer, à cet égard, qu'il était au grade C 2 depuis le 1er janvier 1989.

50.
    La Commission rétorque qu'il n'y a eu aucune violation de l'article 45, paragraphe 1, du statut.

51.
    En premier lieu, elle souligne que le requérant admet lui-même que le comité de promotion a procédé à un examen comparatif des mérites des fonctionnaires ayant vocation à la promotion au grade C 1. Elle précise que si, dans son mémoire en défense, elle s'est bornée à fournir des indications sur les mérites respectifs du requérant et des autres fonctionnaires promouvables de l'unité de celui-ci, c'est parce que cela permettait la comparaison la plus pertinente et la plus objective. En effet, d'une part, la notation de ces différents fonctionnaires aurait été effectuée par le même notateur. D'autre part, il ressortirait de ces indications que M. V.2, qui avait le meilleur rapport de notation de l'unité et qui avait été proposé par sadirection générale, n'a pas bénéficié d'une promotion. Or, si les mérites de M. V.2 ont ainsi été jugés inférieurs à ceux de tous les autres fonctionnaires promus au grade C 1, il en serait, a fortiori, de même pour ceux du requérant.

52.
    En second lieu, la Commission fait valoir que, pour évaluer les mérites à prendre en considération dans le cadre d'une décision de promotion au titre de l'article 45 du statut, l'AIPN dispose d'un large pouvoir d'appréciation et que le contrôle du juge communautaire doit se limiter à la question de savoir si celle-ci n'a pas usé de son pouvoir de manière manifestement erronée. Elle soutient que l'AIPN n'a pas commis une telle erreur en l'espèce. À l'appui de sa thèse, elle expose que les mérites du requérant étaient inférieurs à ceux des autres fonctionnaires promouvables de son unité et que, de plus, ces derniers étaient tous plus âgés que lui et possédaient une ancienneté de service plus importante. Le fait que le requérant soit responsable de l'atelier massicotage du secteur impression ne serait pas déterminant puisque les autres fonctionnaires promouvables de son unité assumeraient des responsabilités similaires, sinon plus importantes.

53.
    La Commission ajoute que les arguments du requérant ayant trait à l'exercice de promotion 1997 sont sans pertinence et que les appréciations portées par l'AIPN lors de cet exercice ne sauraient être mises en cause dans le cadre du présent recours.

Appréciation du Tribunal

54.
    Il convient de rappeler, à titre liminaire, que, selon une jurisprudence constante, aux fins de l'examen comparatif des mérites des fonctionnaires susceptibles d'être promus, prévu à l'article 45 du statut, l'AIPN dispose d'un large pouvoir d'appréciation et que, dans ce domaine, le contrôle du juge communautaire se limite à la question de savoir si l'administration s'est tenue dans des limites raisonnables et n'a pas usé de son pouvoir de manière manifestement erronée (voir, notamment, les arrêts du Tribunal du 13 juillet 1995, Rasmussen/Commission, T-557/93, RecFP. p. I-A-195 et II-603, point 19, et du 27 avril 1999, Thinus/Commission, T-283/97, RecFP p. I-A-69 et II-353, point 42).

55.
    Il ressort expressément des termes de l'article 45, paragraphe 1, premier alinéa, du statut que, dans le cadre d'une procédure de promotion, l'AIPN est tenue d'effectuer son choix sur la base d'un examen comparatif des rapports de notation et des mérites respectifs des fonctionnaires promouvables. À cette fin, elle dispose du pouvoir statutaire de procéder à un tel examen selon la procédure ou la méthode qu'elle estime la plus appropriée, conformément à une jurisprudence bien établie (voir, notamment, l'arrêt de la Cour du 1er juillet 1976, De Wind/Commission, 62/75, Rec. p. 1167, point 17, et l'arrêt Rasmussen/Commission, précité, point 20).

56.
    Le Tribunal a, par ailleurs, jugé qu'un examen préalable des dossiers des fonctionnaires promouvables, au sein de chaque direction générale, n'est pas susceptible de faire échec à un examen comparatif bien compris de leurs mérites et participe, au contraire, du principe de bonne administration (arrêts du Tribunal du 12 décembre 1996, X/Commission, T-130/95, RecFP p. I-A-603 et II-1609, point 67, et Rasmussen/Commission, précité, point 21).

57.
    Toutefois, le Tribunal a également jugé qu'un tel examen préalable au sein des directions générales ne saurait avoir pour effet de se substituer à l'examen comparatif qui doit ensuite être effectué par le comité de promotion. Chaque fonctionnaire susceptible d'être promu est donc en droit d'attendre que ses mérites soient comparés à ceux des autres fonctionnaires ayant vocation à la promotion au grade concerné, au sein du comité de promotion (arrêt du Tribunal du 16 septembre 1998, Rasmussen/Commission, T-234/97, RecFP p. I-A-507 et II-1533, point 24).

58.
    De même, cet examen comparatif des mérites des fonctionnaires promouvables au sein du comité de promotion, qui conduit à une première sélection parmi lesdits fonctionnaires et à l'établissement de la liste des plus méritants, ne saurait dispenser l'AIPN de procéder elle-même à un examen comparatif des mérites de tous les fonctionnaires inscrits sur cette liste - laquelle comporte généralement un nombre de fonctionnaires plus élevé que le nombre d'emplois réservés aux promotions - pour déterminer lesquels d'entre eux doivent être promus.

59.
    En particulier, à moins de rendre sans objet l'examen comparatif des mérites de l'ensemble des fonctionnaires ayant vocation à la promotion au grade concerné par le comité de promotion, il ne saurait être admis que l'AIPN se contente d'examiner les mérites des fonctionnaires qui sont les mieux classés sur les listes établies par les différentes directions générales.

60.
    En l'espèce, si, dans ses écritures, la Commission avait soutenu que le requérant avait été inscrit sur la liste des plus méritants au titre de l'exercice de promotion 1998 afin de ne pas laisser supposer qu'il avait démérité, elle a admis, lors de l'audience, que cette inscription était intervenue à la suite d'un examen comparatif des mérites de l'ensemble des fonctionnaires promouvables au grade C 1. Le compte-rendu de la réunion du comité de promotion C des 10 février, 3 et 4 mars 1998, produit par la Commission, confirme d'ailleurs ce fait. Aucune irrégularité n'apparaît donc avoir entaché la procédure de promotion litigieuse au stade des travaux du comité de promotion.

61.
    En revanche, il ressort des éléments du dossier et des déclarations faites par la Commission lors de l'audience que, aux fins de déterminer quels fonctionnaires devaient, finalement, être promus au grade C 1, l'AIPN n'a pas comparé les mérites du requérant à ceux de l'ensemble des fonctionnaires inscrits sur la liste des plus méritants.

62.
    Ainsi, la Commission a expressément indiqué, au point 14 de son mémoire en défense, que l'AIPN n'a pas promu le requérant «au motif que ses mérites n'étaient pas supérieurs à ceux des autres fonctionnaires [de son unité], qui eux, en revanche, avaient été proposés par leur direction».

63.
    De même, lors de l'audience, la Commission a déclaré que l'AIPN avait limité sa comparaison des mérites aux fonctionnaires promouvables qui étaient les mieux classés dans chaque unité.

64.
    En outre, elle ne s'est référée qu'à la liste des fonctionnaires promouvables de l'unité du requérant proposés par leur direction à l'effet de démontrer que les mérites de ce dernier n'étaient pas du même niveau que ceux des fonctionnaires finalement promus au grade C 1. De même, s'agissant des critères qui auraient pu être pris en compte par l'AIPN à titre subsidiaire, elle s'est bornée à donner des indications sur l'âge et l'ancienneté de service respectifs du requérant et des fonctionnaires promouvables de son unité.

65.
    Il s'ensuit que l'examen comparatif des mérites du requérant n'a pas été effectué conformément aux exigences de l'article 45 du statut et que, par voie de conséquence, la décision de ne pas promouvoir le requérant est entachée d'une irrégularité constitutive d'un vice substantiel.

66.
    Il y a donc lieu d'annuler cette décision, sans qu'il soit besoin d'examiner le bien-fondé de la seconde branche du second moyen.

Sur les dépens

67.
    Aux termes de l'article 87, paragraphe 2, du règlement de procédure, toute partie qui succombe est condamnée aux dépens, s'il est conclu en ce sens. Le requérant ayant conclu en ce sens et la Commission ayant succombé en ses conclusions, il y a lieu de la condamner aux dépens.

Par ces motifs,

LE TRIBUNAL (cinquième chambre)

déclare et arrête:

1)    La décision de la Commission de ne pas promouvoir le requérant au grade C 1 au titre de l'exercice de promotion 1998 est annulée.

2)    La Commission est condamnée aux dépens.

García-Valdecasas

Lindh
Cooke

Ainsi prononcé en audience publique à Luxembourg, le 22 février 2000.

Le greffier

Le président

H. Jung

R. García-Valdecasas


1: Langue de procédure: le français.