Language of document : ECLI:EU:T:2006:288

ARRÊT DU TRIBUNAL (deuxième chambre)

3 octobre 2006 (*)

« Fonctionnaires – Promotion – Exercice de promotion 2003 – Rapport d’évaluation – Attribution des points de mérite – Décision de ne pas promouvoir le requérant au grade de traducteur-réviseur »

Dans l’affaire T‑171/05,

Bart Nijs, fonctionnaire de la Cour des comptes des Communautés européennes, demeurant à Bereldange (Luxembourg), représenté par Me F. Rollinger, avocat,

partie requérante,

contre

Cour des comptes des Communautés européennes, représentée par MM. T. Kennedy, J.-M. Stenier et G. Corstens, en qualité d’agents,

partie défenderesse,

ayant pour objet, d’une part, l’annulation de la décision portant établissement définitif du rapport d’évaluation du requérant pour l’exercice 2003, de la décision portant attribution des points de mérite du requérant au titre de l’exercice 2003 et de la décision de ne pas le promouvoir en 2004 ainsi que de la décision de rejet de la réclamation introduite contre ces décisions et, d’autre part, une demande de dommages-intérêts,

LE TRIBUNAL DE PREMIÈRE INSTANCE
DES COMMUNAUTÉS EUROPÉENNES (deuxième chambre),

composé de MM. J. Pirrung, président, A. W. H. Meij et Mme I. Pelikánová, juges,

greffier : Mme K. Pocheć, administrateur,

vu la procédure écrite et à la suite de l’audience du 1er février 2006,

rend le présent

Arrêt

 Faits à l’origine du litige

1        Le requérant, fonctionnaire de la Cour des comptes, est traducteur à l’unité néerlandaise du service de traduction de cette institution. Au début de l’année 2004, il était classé au grade LA 6, prévu à l’article 5, paragraphe 2, du statut des fonctionnaires des Communautés européennes dans sa rédaction applicable à la date des faits du litige (ci-après le « statut »).

2        Par décision du 4 mars 2004, la Cour des comptes a adopté des dispositions générales d’exécution de l’article 43 du statut (ci-après les « DGE 43 »). La Cour des comptes s’est ainsi dotée d’un nouveau système d’évaluation périodique de son personnel, dit « système Compass ». Ce système utilise un support informatique sur lequel sont enregistrées les informations de base concernant le fonctionnaire évalué puis, successivement, son autoévaluation pour la période de référence et les commentaires sur celle-ci par l’évaluateur ainsi que les évaluations de ce dernier. Le fonctionnaire a la faculté de commenter les évaluations de l’évaluateur avant que l’évaluation ne soit transmise à l’évaluateur de contrôle qui apporte ses propres observations qui peuvent à leur tour faire l’objet de commentaires par l’intéressé. À chaque étape, l’acteur concerné doit valider le rapport afin de lui permettre de passer à l’étape suivante. Après validation il n’est plus possible de faire marche arrière afin de corriger ou de modifier un élément de l’une des étapes précédentes, sauf intervention de l’administrateur du système. Après validation par le fonctionnaire évalué de ses commentaires éventuels sur l’évaluation de contrôle et sous réserve d’un appel introduit par le fonctionnaire évalué, le rapport d’évaluation est considéré comme définitif et inséré par l’administration dans le dossier individuel de l’agent évalué.

3        Selon le calendrier envisagé pour la mise en œuvre du système Compass en 2004, pour la période de référence 2003, les rapports d’évaluation devaient être établis et revus respectivement pour les 30 avril et 15 juin 2004. Le délai pour la formation des appels étant prévu pour le 15 juillet, les décisions concernant les appels devaient être adoptées avant le 15 septembre.

4        Il ressort du texte du rapport final du requérant, validé le 29 juillet 2004, ainsi que du point 18 de la requête, que la procédure d’évaluation en ce qui le concerne s’est déroulée comme suit : après que le requérant a validé, le 27 mars 2004, son autoévaluation, il a eu, le 2 avril 2004, l’entretien d’évaluation avec son évaluateur, et a reçu, le 30 avril 2004, le rapport d’évaluation rédigé par ce dernier, auquel il devait ajouter ses commentaires éventuels au plus tard le 7 mai 2004. L’appel du requérant contre son rapport, introduit le 26 août 2004, a été rejeté, le 26 octobre 2004, par décision n° 6/2004 du comité d’appel de la Cour des comptes (ci‑après la « décision portant établissement définitif du rapport ») à la suite d’entretiens entre le comité d’appel, le requérant et les évaluateurs intervenus le 8 octobre 2004.

5        L’allocation de points de mérite aux fonctionnaires constitue le lien entre la procédure d’évaluation, fondée sur l’article 43 du statut, et la procédure de promotion, fondée sur l’article 45 du statut. À cet égard, le point 3, sous a) et e), du guide Compass indique ce qui suit :

« La vocation d’un fonctionnaire à la promotion est appréciée sur plusieurs années, sur la base d’une évaluation comparative par grade de son développement professionnel. C’est le mérite du fonctionnaire, accumulé au fil des années, qui justifie le fait qu’il soit pris en considération en vue d’une promotion au grade supérieur. En vertu de l’article 45 du statut, une procédure d’attribution de points de mérite a été instaurée à cet effet. [...]

Le collège de mérite attribue des points individuellement sur la base du mérite en se fondant sur un examen comparatif des rapports d’évaluation de l’ensemble des agents évalués relevant de son domaine de compétence. »

6        Le 29 septembre 2004, le secrétaire général a publié la communication au personnel n° 54-2004 portant, notamment, communication de la liste des fonctionnaires promouvables de la Cour des comptes, dans laquelle figuraient, parmi les fonctionnaires éligibles pour une promotion au grade LA 5, les noms du requérant et de Mme Y. La communication au personnel n° 62-2004, du 28 octobre 2004, annonçait que le nombre de postes disponibles pour une promotion du grade LA 6 au grade LA 5 était de treize.

7        Lors de sa réunion du 8 novembre 2004, le collège de mérite pour les cadres LA du service de traduction a arrêté la liste des points de mérite en conférant au requérant 1,5 points (ci‑après la « décision accordant les points de mérite »).

8        Par l’avis de vacance d’emploi CC/LA/1/04, daté du 18 novembre 2004, le directeur des ressources humaines et de l’informatique de la Cour des comptes a annoncé que treize « emplois de traducteur principal-réviseur (F/M) (carrière LA 5-4) » étaient à pourvoir selon les possibilités budgétaires. Sous la rubrique « Unité », l’avis spécifiait « [t]ous services confondus ». Le délai pour l’introduction des candidatures était le 25 novembre 2004. Le requérant a introduit sa candidature pour un de ces postes dans les délais.

9        Par communication au personnel n° 68-2004, du 19 novembre 2004, le secrétaire général a diffusé la liste par grade et par ordre de mérite des recommandations de la commission paritaire des promotions. Celle-ci contenait, pour le grade LA 5, les noms de six fonctionnaires, parmi lesquels celui de Mme Y, mais non celui du requérant. Par communication au personnel n° 71-2004, du 25 novembre 2004, l’autorité investie du pouvoir de nomination (ci-après l’« AIPN ») a diffusé la liste des promus pour l’exercice 2004. Conformément aux recommandations de la commission paritaire des promotions, cette liste contenait, pour les promotions du grade LA 6 au grade LA 5, le nom de Mme Y, mais pas celui du requérant.

10      Par une note datée du 28 décembre 2004, parvenue à la Cour des comptes le 30 décembre 2004, le requérant a introduit une réclamation dirigée contre « la procédure d’évaluation afférant à l’exercice 2003 ; la [décision accordant les points de mérite], dont [il] demand[ait] l’annulation ; [les] décisions [du secrétaire général] sur les promotions en ce qui concern[ait] le pourvoi au poste de réviseur vacant dans l’unité néerlandaise en 2004, dont l’annulation, [qu’il] réclam[ait], dev[ait] découler de la révision de [ses] points de mérite ».

11      Le 30 avril 2005 est intervenue une décision implicite rejetant cette réclamation.

 Procédure et conclusions des parties

12      Le 2 mai 2005, le requérant a déposé au greffe du Tribunal, prétendument en application de l’article 91, paragraphe 4, du statut, la requête dans la présente affaire, ainsi qu’une demande en référé visant au sursis à l’exécution de la décision de promouvoir Mme Y. La demande en référé a été rejetée comme irrecevable par ordonnance du président du Tribunal du 22 juin 2005.

13      Par lettre du 12 mai 2005, notifiée au requérant le 13 mai 2005, l’AIPN a rejeté la réclamation du 28 décembre 2004 en sa totalité.

14      Le 21 juillet 2005, la Cour des comptes a déposé un mémoire en défense.

15      Par décision du 21 septembre 2005, sur rapport du juge rapporteur, la deuxième chambre du Tribunal a décidé d’ouvrir la procédure orale sans procéder à un deuxième tour de mémoires et, sous réserve des observations des parties, d’attribuer la présente affaire au juge rapporteur statuant en tant que juge unique, conformément à l’article 14, paragraphe 2, point 1, sous a), et à l’article 51, paragraphe 2, premier alinéa, du règlement de procédure du Tribunal.

16      La Cour des comptes n’a pas déposé d’observations. Par quatre lettres déposées au greffe du Tribunal le 11 octobre 2005, le requérant a demandé à déposer un mémoire en réplique, l’adoption d’une mesure d’instruction et la jonction de la présente affaire à l’affaire T‑377/04, close par ordonnance du 26 mai 2005 et actuellement sous pourvoi devant la Cour de justice. Il s’est par ailleurs opposé à l’attribution au juge unique et a demandé que l’affaire soit renvoyée à la formation plénière.

17      Par décision du 26 octobre 2005, la deuxième chambre a décidé de maintenir l’affaire devant la chambre composée de trois juges et de rejeter la demande du requérant de pouvoir déposer un mémoire en réplique, eu égard aux articles 47 et 48 du règlement de procédure.

18      Par un mémoire du 20 décembre 2005, le requérant a soulevé des faits nouveaux et introduit une seconde requête en référé visant au sursis à l’exécution de la décision de promouvoir Mme Y. Cette requête a été rejetée comme irrecevable par ordonnance du président du Tribunal du 17 février 2006.

19      Les parties ont été entendues en leurs plaidoiries et en leurs réponses aux questions posées par le Tribunal lors de l’audience du 1er février 2006. À la demande du Tribunal, le requérant a en outre apporté quelques clarifications à ses conclusions initiales et la Cour des comptes s’est désistée des exceptions d’irrecevabilité qu’elle avait soulevées. Par ailleurs, le requérant a demandé au Tribunal que son mémoire du 20 décembre 2005 soit considéré, en application de la jurisprudence illustrée par l’arrêt de la Cour du 3 mars 1982, Alpha Steel/Commission (14/81, Rec. p. 749), comme un moyen dirigé contre la décision explicite de rejet du 12 mai 2005. Les parties ont demandé à pouvoir déposer ultérieurement des documents relatifs à la procédure de référé aux fins de leur prise en compte dans la présente affaire. Il a été pris acte de ces déclarations et demandes dans le procès-verbal de l’audience.

20      La Cour des comptes a déposé une copie de ses observations sur la seconde requête en référé (ci‑après le « mémoire complémentaire ») le 1er février 2006. Le requérant a déposé une copie de sa seconde requête en référé le 28 février 2006.

21      À la suite des modifications intervenues lors de l’audience, le requérant conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        annuler le rapport d’évaluation le concernant, afférent à l’exercice 2003, et la décision portant établissement définitif du rapport ;

–        annuler la décision accordant les points de mérite ;

–        annuler la décision de l’AIPN compétente de ne pas le promouvoir au grade de réviseur en 2004 (ci‑après la « décision de non-promotion ») ;

–        réparer le préjudice subi et condamner la Cour des comptes aux dépens.

22      La Cour des comptes conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        rejeter le recours ;

–        condamner le requérant à l’ensemble des dépens.

 En droit

1.     Sur le mémoire déposé par le requérant le 20 décembre 2005

23      Il y a lieu de constater que, la procédure écrite ayant été close le 21 juillet 2005, tout mémoire ultérieur est, en principe, irrecevable en vertu de l’article 48, paragraphe 2, premier alinéa, du règlement de procédure, à moins que les moyens nouveaux soulevés dans ledit mémoire ne se fondent sur des éléments de droit ou de fait qui se seraient révélés pendant la procédure. Il y a donc lieu d’examiner si tel est le cas en l’espèce.

 Sur le premier fait nouveau invoqué par le requérant

24      Le requérant fait valoir que le rejet explicite de sa réclamation du 28 décembre 2004 par la décision du 12 mai 2005 constitue un fait nouveau. Or, il y a lieu de constater que cette argumentation ne saurait être retenue, puisque l’intervention de la décision explicite n’a pas changé la situation de droit ou de fait qui prévalait au moment de l’introduction de la requête. En effet, la réclamation du 28 décembre 2004 ayant été reçue par la Cour des comptes le 30 décembre 2004, le délai de réponse prévu par l’article 90, paragraphe 2, deuxième alinéa, du statut a expiré le 30 avril 2005, date à laquelle, conformément à cette même disposition, est réputée être intervenue une décision implicite de rejet. Toute décision adoptée après cette date était tardive et ne saurait influencer, en fait ou en droit, le cadre du présent litige.

25      Par conséquent, il y a lieu d’écarter le mémoire du requérant du 20 décembre 2005 dans la mesure où il invoque comme fait nouveau la décision du 12 mai 2005 rejetant tardivement la réclamation.

 Sur le second fait nouveau invoqué par le requérant

26      Le requérant fait valoir, dans son mémoire du 20 décembre 2005, que sa collègue, Mme Y, a été appelée, en vertu de l’article 7, paragraphe 2, du statut, à exercer par intérim les fonctions de réviseur au sein de l’unité néerlandaise du service de traduction. Cette décision, secrète et non notifiée au requérant, constituerait le rejet d’une demande de sa part du 31 juillet 2003, par laquelle il avait demandé l’organisation d’un concours pour pourvoir au poste de réviseur au sein de l’unité néerlandaise du service de traduction. Dans ses développements afférents à ce point, le requérant allègue, en substance, que l’AIPN, le service juridique de la Cour des comptes, le directeur des ressources humaines, le chef du service de traduction, Mme Z, son supérieur, M. X, ainsi que sa collègue, Mme Y, auraient conçu une sorte de complot visant à promouvoir cette dernière au poste de réviseur à son détriment. L’attribution par intérim à Mme Y des fonctions de réviseur aurait servi ce but, puisque l’exercice de telles fonctions supérieures pourrait constituer un élément à retenir en vue d’une promotion.

27      Lors de l’audience, la Cour des comptes a fait valoir que ce prétendu fait nouveau est dénué de tout fondement. En particulier, il serait inexact que Mme Y ait été appelée à exercer par intérim, au sens de l’article 7, paragraphe 2, du statut, les fonctions de réviseur. Le requérant n’avancerait aucun moyen de preuve à cet égard. Selon la Cour des comptes, si Mme Y s’est bien vu confier certaines tâches de révision à partir du mois de mars 2003, ce qui était connu du requérant, il n’y a pas eu application de l’article 7, paragraphe 2, du statut.

28      Il y a lieu de constater que le requérant n’a apporté aucun élément susceptible de démontrer l’exactitude de son allégation selon laquelle Mme Y a été appelée à exercer par intérim, au sens de l’article 7, paragraphe 2, du statut, les fonctions de réviseur, ni même de rendre plausible cette allégation, qui reste ainsi purement spéculative. Certes, il est avéré que Mme Y s’est vu confier, à partir du mois de mars 2003, certaines tâches de révision. Cependant, la Cour des comptes n’avait nullement besoin, pour ce faire, de recourir à l’instrument de l’intérim, puisque cela pouvait aussi se faire par une attribution de ces tâches cas par cas. Par ailleurs, il ressort de différents écrits du requérant faisant partie du dossier, et notamment de sa lettre du 31 juillet 2003 adressée au secrétaire général, qu’il avait été informé dès le mois de mars 2003 de cette mesure, qui ne saurait donc être considérée comme un fait nouveau.

29      Il s’ensuit que le mémoire du requérant du 20 décembre 2005 est à écarter également dans la mesure où il se fonde sur l’allégation selon laquelle Mme Y a été appelée, en 2003, à exercer par intérim les fonctions de réviseur au sein de l’unité néerlandaise du service de traduction.

 Sur le moyen tiré d’une absence de motivation des décisions attaquées

30      Dans son mémoire du 20 décembre 2005, le requérant a en outre soulevé un nouveau moyen, tiré d’une absence totale de motivation des décisions attaquées.

31      Ce moyen apparaît pour la première fois dans ledit mémoire du 20 décembre, sans qu’il y ait, ni dans la requête ni dans les autres écrits du requérant, la moindre allusion à ce sujet, et sans même qu’il soit identifié, par ce dernier, comme un moyen à proprement parler. Cependant, le Tribunal rappelle qu’il importe peu que le défaut de motivation d’un acte d’une institution ait été soulevé tardivement par un requérant, dès lors que, en tant que moyen d’ordre public, il peut et même doit, en tout état de cause, être examiné d’office par le juge communautaire (arrêt de la Cour du 20 février 1997, Commission/Daffix, C‑166/95 P, Rec. p. I‑983, point 24 ; arrêts du Tribunal du 13 décembre 1990, González Holguera/Parlement, T‑115/89, Rec. p. II‑831, publication par extraits, point 37, et du 23 novembre 1999, Sabbioni/Commission, T‑129/98, RecFP p. I‑A‑223 et II‑1139, point 25).

32      Il s’ensuit que le requérant ne saurait être forclos à se prévaloir de ce moyen au seul motif qu’il ne l’a pas soulevé à un stade antérieur (voir, en ce sens, arrêt du Tribunal du 21 mai 1996, Kaps/Cour de justice, T‑153/95, RecFP p. I‑A‑233 et II‑663, point 75).

33      Il découle de ce qui précède qu’il y a lieu d’examiner quant au fond le moyen tiré d’une absence de motivation. Puisque ce moyen est le seul qui se rapporte à l’ensemble des demandes d’annulation du requérant, le Tribunal estime opportun de l’examiner préalablement aux autres moyens d’annulation.

 Arguments des parties

34      Le requérant fait valoir, dans son mémoire du 20 décembre 2005, que les trois décisions attaquées n’ont pas été motivées pendant la procédure précontentieuse et qu’il y a, de ce fait, une absence totale de motivation, qui ne peut pas être couverte après l’introduction du recours. Il pourrait certes être admis, s’agissant d’un rejet implicite d’une réclamation concernant un refus de promotion, que, dans le cas où le requérant disposait d’éléments constituant un début de motivation avant l’introduction de son recours, des précisions complémentaires apportées en cours d’instance puissent pallier l’insuffisance initiale de la motivation. Toutefois, les informations fournies au requérant au cours de la procédure d’évaluation auraient toutes été entachées d’erreurs.

35      La Cour des comptes a reconnu, lors de l’audience, que la décision accordant les points de mérite n’a pas été motivée lors de sa notification au requérant. Il en irait de même pour la décision de non-promotion, puisqu’il s’agissait d’une décision implicite découlant du fait que le nom du requérant ne figurait pas sur la liste des fonctionnaires promus en 2004. La Cour des comptes affirme cependant que la motivation de cette dernière décision est contenue dans son mémoire en défense.

 Appréciation du Tribunal

36      Il convient de relever, à titre liminaire, que, selon une jurisprudence constante, l’obligation de motivation prescrite par l’article 25, deuxième alinéa, du statut, qui ne constitue que la reprise de l’obligation générale édictée à l’article 253 CE, s’applique également aux décisions prises à la suite d’une réclamation, en vertu de l’article 90, paragraphe 2, deuxième alinéa, du statut. Elle a pour objet, d’une part, de fournir à l’intéressé une indication suffisante pour apprécier le bien-fondé de l’acte lui faisant grief et l’opportunité d’introduire un recours devant le Tribunal et, d’autre part, de permettre à ce dernier d’exercer son contrôle sur la légalité de l’acte. Il s’ensuit que l’obligation de motivation ainsi édictée constitue un principe essentiel du droit communautaire, auquel il ne saurait être dérogé qu’en raison de considérations impérieuses (voir arrêt du Tribunal du 6 juillet 2004, Huygens/Commission, T‑281/01, RecFP p. I‑A‑203 et II‑903, point 105, et la jurisprudence citée).

37      Puisque le requérant demande l’annulation de trois décisions différentes, il y a lieu pour le Tribunal d’apprécier séparément l’existence d’une motivation pour chacune d’entre elles.

–       Rapport d’évaluation relatif à l’exercice 2003 et décision portant établissement définitif du rapport

38      S’agissant de la décision portant établissement définitif du rapport, le Tribunal estime que, au vu du déroulement de la procédure d’évaluation et de la procédure d’appel, décrit ci‑dessus (point 4), une motivation permettant, d’une part, au requérant d’apprécier le bien-fondé de la décision et, d’autre part, au Tribunal d’exercer son contrôle, a été fournie au requérant. En particulier, le rapport définitif du requérant et la décision du comité d’appel portant rejet de l’appel contre ledit rapport contiennent en détail la motivation du rapport ainsi que de la décision portant établissement définitif du rapport.

39      En ce qui concerne le rapport d’évaluation, celui‑ci contient, tant dans la partie analytique que dans les commentaires descriptifs, des mentions qui expliquent, pour les notes supérieures ou inférieures à la note « meets expectations » (« satisfaisant », correspondant au troisième degré de l’échelle de six), les raisons qui ont conduit à une telle note. S’agissant de la décision portant établissement définitif du rapport, celle-ci se réfère de manière détaillée à chacun des points développés par le requérant, en expliquant à chaque fois pourquoi les griefs de ce dernier ne peuvent être retenus.

40      Par conséquent, il y a lieu de rejeter ce moyen, pour autant qu’il se rapporte au rapport d’évaluation pour l’exercice 2003 le concernant et à la décision portant établissement définitif du rapport.

–       Décision accordant les points de mérite et décision de non-promotion

41      La Cour des comptes a reconnu que ces décisions n’ont pas été motivées initialement. Cependant, il est de jurisprudence constante que le caractère suffisant de la motivation doit être apprécié au regard non seulement de son libellé, mais aussi du contexte factuel et juridique dans lequel s’inscrit l’adoption de l’acte attaqué (arrêt de la Cour du 14 février 1990, Delacre e.a./Commission, C‑350/88, Rec. p. I‑395, point 16). En ce qui concerne les promotions, il a été décidé que, celles‑ci se faisant au choix, conformément à l’article 45 du statut, il suffit que la motivation du rejet de la réclamation se rapporte à l’application des conditions légales et statutaires de promotion qui a été faite à la situation individuelle du fonctionnaire (arrêt du Tribunal du 20 février 2002, Roman Parra/Commission, T‑117/01, RecFP p. I‑A‑27 et II‑121, point 27 ; voir également, en ce sens, arrêt du Tribunal du 3 mars 1993, Vela Palacios/CES, T‑25/92, Rec. p. II‑201, point 22).

42      Il est également de jurisprudence constante que, si l’AIPN n’est tenue de motiver une décision de promotion ni à l’égard de son destinataire ni à l’égard des candidats non promus (arrêts du Tribunal du 6 juillet 1999, Séché/Commission, T‑112/96 et T‑115/96, RecFP p. I‑A‑115 et II‑623, point 76 ; du 12 décembre 2002, Morello/Commission, T‑338/00 et T‑376/00, RecFP p. I‑A‑301 et II‑1457, point 48, et Huygens/Commission, point 36 supra, point 106), elle a, en revanche, l’obligation de motiver sa décision portant rejet d’une réclamation introduite en vertu de l’article 90, paragraphe 2, du statut par un candidat non promu, la motivation de cette décision de rejet étant censée coïncider avec la motivation de la décision contre laquelle la réclamation était dirigée (arrêts du Tribunal du 12 février 1992, Volger/Parlement, T‑52/90, Rec. p. II‑121, point 36 ; du 18 septembre 2003, Callebaut/Commission, T‑241/02, RecFP p. I‑A‑215 et II‑1061, point 42, et du 3 février 2005, Heurtaux/Commission, T‑172/03, RecFP p. II‑63, point 42). Ainsi, la motivation doit intervenir, au plus tard, lors du rejet de la réclamation (arrêt Roman Parra/Commission, point 41 supra, point 26 ; voir également, en ce sens, arrêt Vela Palacios/CES, point 41 supra, point 25).

43      Cette jurisprudence a vocation à s’appliquer également en ce qui concerne les décisions relatives à l’attribution de points de mérite aux fonctionnaires de la Cour des comptes, puisque cette attribution repose également sur un examen comparatif des mérites de tous les fonctionnaires, comme il ressort des explications du guide Compass (voir point 5 ci-dessus).

44      En l’espèce, la décision rejetant la réclamation du requérant était implicite et ne pouvait donc contenir, à l’égard des deux décisions sous examen, une motivation suffisante au sens de la jurisprudence citée au point 41 ci‑dessus.

45      Or, s’il est de jurisprudence constante qu’une absence totale de motivation avant l’introduction d’un recours ne peut être couverte par des explications fournies par l’AIPN en cours d’instance (arrêt de la Cour du 23 septembre 2004, Hectors/Parlement, C‑150/03 P, Rec. p. I‑8691, point 50 ; arrêts Roman Parra/Commission, point 41 supra, point 32, et Huygens/Commission, point 36 supra, point 108), le Tribunal a néanmoins admis que l’insuffisance initiale de la motivation peut être palliée par des précisions complémentaires apportées, même en cours d’instance, lorsque, avant l’introduction de son recours, l’intéressé disposait déjà d’éléments constituant un début de motivation (arrêts Roman Parra/Commission, point 41 supra, point 30, et Heurtaux/Commission, point 42 supra, point 44 ; voir également, en ce sens, arrêt du 27 avril 1999, Thinus/Commission, T‑283/97, RecFP p. I‑A‑69 et II‑353, points 78 à 83). En outre, une décision est suffisamment motivée dès lors que l’acte qui fait l’objet du recours est intervenu dans un contexte connu du fonctionnaire concerné et lui permet de comprendre la portée de la mesure prise à son égard (arrêt de la Cour du 7 mars 1990, Hecq/Commission, C‑116/88 et C‑149/88, Rec. p. I‑599, point 26 ; arrêt du Tribunal du 14 juillet 1997, B/Parlement, T‑123/95, RecFP p. I‑A‑245 et II‑697, point 51 ; voir également, en ce sens, arrêt de la Cour du 29 octobre 1981, Arning/Commission, 125/80, Rec. p. 2539, points 12 à 14).

46      En l’espèce, il convient de relever que, comparée à la situation habituelle, dans laquelle les disponibilités budgétaires ne permettent pas à l’AIPN de retenir tous les fonctionnaires promouvables, la situation à l’origine du présent litige se présentait de manière fort différente. En effet, il ressort du dossier que, à la date du 30 avril 2004, étaient promouvables dix fonctionnaires de grade LA 6, parmi lesquels le requérant et Mme Y, tandis que le nombre de postes LA 5 disponibles était de treize. Il était donc théoriquement possible de promouvoir tous les fonctionnaires de grade LA 6 promouvables. Toutefois, il a été choisi, conformément à la recommandation du comité paritaire de promotion, de ne promouvoir que six fonctionnaires, parmi lesquels Mme Y, mais non le requérant. Cela implique qu’une motivation adéquate du rejet de la réclamation du requérant, en exposant l’application des conditions légales et statutaires de promotion qui a été faite à la situation individuelle du fonctionnaire, comme le requiert une jurisprudence constante (arrêt Roman Parra/Commission, point 41 supra, point 27, et arrêt du Tribunal du 2 juin 2005, Strohm/Commission, T‑177/03, non encore publié au Recueil, point 54), ne saurait se borner à indiquer que les fonctionnaires promus étaient plus méritants que le requérant, mais doit exposer pourquoi l’AIPN a estimé que le requérant ne méritait pas de promotion.

47      Toutefois, force est de constater que, en l’espèce, le dossier ne fait pas apparaître d’éléments qui pourraient être considérés comme constituant un début de motivation pour le requérant. Questionnée à se sujet à l’audience, la Cour des comptes n’a pas été en mesure de démontrer qu’un tel début de motivation avait été donné, mais s’est bornée, quant à l’attribution des points de mérite, à exposer les principes régissant la procédure d’attribution de ces points, telle qu’elle est décrite dans le guide Compass (voir point 5 ci‑dessus), et, quant à la décision de non-promotion, à indiquer qu’une motivation à cet égard était contenue dans le mémoire en défense. Or, comme il a été rappelé ci-dessus, et indépendamment de la question de savoir si les renseignements fournis par la Cour des comptes dans le mémoire en défense pouvaient satisfaire aux exigences de la jurisprudence quant à la motivation d’une décision, une absence totale de motivation avant l’introduction d’un recours ne peut être couverte par des explications fournies par l’AIPN en cours d’instance.

48      Il convient d’ajouter, par souci d’exhaustivité, que la Cour des comptes n’a pas non plus donné de motivation à la non-promotion du requérant au cours de la procédure devant le Tribunal, de sorte que, même dans le cas où il y aurait eu un début de motivation au cours de la procédure administrative, les précisions complémentaires apportées en cours d’instance ne seraient pas aptes à pallier l’insuffisance initiale de motivation. En effet, la Cour des comptes n’a fourni ni dans le mémoire en défense, ni dans son mémoire complémentaire produit le 1er février 2006, ni même en réponse aux questions du Tribunal posées à l’audience, une motivation expliquant pourquoi il a été choisi de ne pas promouvoir le requérant. En ce qui concerne un éventuel complément de motivation de la décision de non-promotion dans le mémoire en défense, force est de constater que celui‑ci se borne, aux points 68 à 70, à réfuter les arguments du requérant concernant sa demande d’annulation de ladite décision, mais ne contient aucune motivation de celle‑ci.

49      Dès lors, il y a lieu d’accueillir le moyen tiré d’une absence de motivation pour autant qu’il concerne la décision accordant les points de mérite et la décision de non-promotion et, par conséquent, d’annuler lesdites décisions.

50      Dans ces circonstances, il n’est pas nécessaire de se prononcer sur la recevabilité de la demande du requérant tendant à ce que son mémoire du 20 décembre 2005 soit considéré comme un moyen dirigé contre la décision explicite de rejet du 12 mai 2005, dans la mesure où celle‑ci annule et remplace la décision implicite intervenue le 30 avril 2005.

51      Il y a lieu, ensuite, d’examiner les autres moyens du requérant concernant la demande d’annulation de la décision portant établissement définitif du rapport.

2.     Sur les autres moyens dirigés contre la décision portant établissement définitif du rapport

52      Le requérant soulève, dans sa requête, onze moyens, qui ne font cependant pas toujours référence explicitement aux conclusions qu’ils sont censés étayer. Neuf de ces onze moyens peuvent être compris en ce sens qu’ils sont dirigés contre la décision portant établissement définitif du rapport. Certains de ces neuf moyens mettant en cause les mêmes articles et principes, ils seront ci‑après traités ensemble.

 Sur les premier, deuxième et huitième moyens, tirés du non-respect de l’article 11 bis, paragraphe 2, du statut, des principes de sollicitude, de bonne administration et d’égalité de traitement ainsi que d’une sanction déguisée

 Arguments des parties

53      En substance, le requérant allègue, premièrement, que son évaluateur, M. X, avait un intérêt financier considérable dans son évaluation, puisqu’il met en cause l’exercice légal de ses fonctions par M. X. Dès lors, celui‑ci aurait dû être déchargé de ses fonctions, conformément à l’article 11 bis, paragraphe 2, seconde phrase, du statut. De plus, d’après le requérant, son évaluateur de contrôle, Mme Z, n’était en fait pas en mesure de contrôler son évaluation, puisqu’elle ne parle pas la langue dans laquelle il travaille, à savoir le néerlandais. Mme Z aurait, par ailleurs, également un intérêt personnel dans l’évaluation du requérant, puisque celui-ci l’aurait mise en cause dans une autre affaire.

54      Le requérant fait valoir, deuxièmement, la possibilité pour M. X et Mme Z, découlant de leurs fonctions respectives d’évaluateur et d’évaluateur de contrôle, de lui infliger une sanction déguisée. À ce titre, il observe, d’une part, que son rapport est moins favorable que le précédent, alors qu’il aurait fait des efforts supplémentaires en matière de communication et que la qualité de son travail n’aurait pas baissé, et, d’autre part, que Mme Z a suggéré que son attitude n’était pas constructive.

55      Troisièmement, le requérant avance que Mme Y a été nommée membre du comité des rapports, ce qui lui a permis d’exercer une influence sur l’appréciation de ses mérites, et que cette nomination, tout comme la présence de Mme Y dans le comité paritaire des promotions, est entachée d’un détournement de pouvoir. Il y aurait eu, de ce fait, une « violation probable » de l’article 11 bis du statut.

56      La Cour des comptes fait observer, premièrement, que le simple fait qu’un fonctionnaire exprime des objections contre l’exercice de ses fonctions par son supérieur n’est pas susceptible de faire naître chez celui-ci un conflit d’intérêt au sens de l’article 11 bis du statut.

57      La Cour des comptes fait valoir, deuxièmement, que le requérant ne précise nullement en quoi la sanction alléguée aurait consisté ou si une sanction serait intervenue. Les observations concernant le rapport d’évaluation ne seraient que le reflet du dialogue inhérent au processus d’évaluation et ne pourraient pas être considérées comme une sanction.

58      La Cour des comptes fait observer, troisièmement, qu’un incident probable ne saurait être pris en considération dans le cadre de l’appréciation de la légalité d’une évaluation ou d’une non-promotion. Par ailleurs, les accusations formulées par le requérant seraient fondées sur une compréhension inexacte du rôle et du fonctionnement du comité des rapports et du comité paritaire des promotions.

 Appréciation du Tribunal

59      S’agissant, premièrement, du prétendu conflit d’intérêts auquel serait exposé l’évaluateur du requérant, M. X, il convient de constater que les allégations factuelles du requérant ne sont pas de nature à en démontrer l’existence. En effet, le requérant n’indique pas en quoi le fait qu’il « met en cause l’exercice légal de ses fonctions par M. X » pourrait conférer à ce dernier un « intérêt financier considérable » dans l’évaluation de l’intégrité, de l’aptitude à la communication et de la compétence professionnelle du requérant, comme le prétend celui-ci. En tout état de cause, même à supposer établie l’existence d’un conflit d’intérêt, le requérant ne précise pas en quoi ce conflit aurait influencé la manière dont M. X l’a évalué. Ces considérations sont également valables pour ce qui concerne le prétendu intérêt personnel de l’évaluateur de contrôle, Mme Z.

60      Quant à l’argument du requérant selon lequel Mme Z, puisqu’elle ne parle pas la langue dans laquelle travaille le requérant, n’était pas en mesure de remplir les fonctions de l’évaluateur de contrôle, il repose sur une méconnaissance des fonctions de l’évaluateur de contrôle. Le guide Compass, point 2.2.4, sous b), énonce, en effet :

« L’évaluateur de contrôle est chargé d’assurer un niveau standard de comparabilité, de cohérence et d’objectivité. Il doit également vérifier que la procédure d’évaluation s’est correctement déroulée […]

Le contrôle est effectué sur la base du rapport d’évaluation et du formulaire de définition des objectifs […] et tient compte, le cas échéant, de tous les commentaires formulés par l’agent évalué. L’évaluateur de contrôle ne peut modifier […] le rapport d’évaluation […] »

61      Il en découle que, en vertu du système d’évaluation arrêté par la Cour des comptes, la fonction de l’évaluateur de contrôle n’est pas d’évaluer à son tour le fonctionnaire évalué, tâche qui revient exclusivement à l’évaluateur, mais se limite à une vérification, sur la base du rapport d’évaluation et des éventuels commentaires du fonctionnaire, du respect de la procédure ainsi que de l’homogénéité et de la cohérence des notations. Il n’est donc nullement nécessaire, dans ce contexte, que l’évaluateur de contrôle maîtrise la langue de travail du fonctionnaire évalué.

62      En ce qui concerne, deuxièmement, la sanction déguisée alléguée, dont le requérant n’invoque d’ailleurs que la « possibilité », la requête ne précise pas en quoi elle aurait consisté ou si une sanction quelconque serait effectivement intervenue. Le requérant n’a pas apporté davantage de précisions à ce sujet lors de l’audience. Pour autant qu’il ait entendu suggérer que les remarques de l’évaluateur de contrôle dans son rapport d’évaluation, selon lesquelles l’attitude du requérant n’est pas constructive, « trahi[ssent] son souhait d[e le] sanctionner », force est de constater que, si ces remarques font apparaître une certaine critique du comportement du requérant, ce genre de remarques est approprié dans le cadre d’un rapport d’évaluation et ne saurait être qualifié de sanction déguisée.

63      S’agissant, troisièmement, de la « violation probable » de l’article 11 bis du statut du fait que Mme Y siégeait dans deux comités statutaires, il suffit d’observer, comme le fait la Cour des comptes, qu’un incident allégué comme « probable » ne saurait être pris en considération dans le cadre de l’appréciation de la légalité d’une évaluation.

64      Par ailleurs, il est de jurisprudence constante que les actes des institutions communautaires, dont ceux de l’AIPN, bénéficient, en l’absence de tout indice de nature à mettre en cause leur validité, d’une présomption de légalité. Un détournement de pouvoir n’est réputé exister que s’il est prouvé que, en adoptant l’acte litigieux, l’AIPN a poursuivi un but autre que celui visé par la réglementation en cause ou s’il apparaît, sur la base d’indices objectifs, pertinents et concordants, que les actes en question ont été pris pour atteindre des fins autres que celles excipées (voir arrêt du Tribunal du 25 février 1999, Giannini/Commission, T‑282/97 et T‑57/98, RecFP p. I‑A‑33 et II‑151, point 28, et la jurisprudence citée). Or, l’argumentation du requérant ne comporte pas d’indices objectifs, pertinents et concordants indiquant que la présence de Mme Y dans les comités en question aurait d’autres fins que celles excipées.

65      Dès lors, il convient de rejeter les premier, deuxième et huitième moyens comme non fondés.

 Sur les troisième, quatrième, sixième et septième moyens, tirés d’un détournement de pouvoir aux fins d’une infraction de droit commun et de la violation des principes de sécurité juridique et de bonne administration, du non-respect des délais de la procédure d’évaluation, du principe patere legem quam ipse fecisti, d’une discrimination, d’une absence d’examen comparatif des mérites du personnel, du caractère arbitraire de la gestion du service, ainsi que d’une violation de l’article 11 du statut

 Arguments des parties

66      En substance, premièrement, le requérant allègue, que les divers dysfonctionnements du système Compass, auxquels il a été remédié en dehors des délais initialement prévus, font apparaître une tentative de la part de certains fonctionnaires de falsifier son rapport d’évaluation. De plus, il fait valoir que les délais de validation du rapport d’évaluation ont été étendus pour certains fonctionnaires, ce qui traduit le souhait de masquer une tentative de le piéger, que le délai pour le contrôle du rapport a été dépassé de 38 jours par la faute de l’administration, retard qui résulte de tentatives de falsification de son rapport avec la complicité du service juridique et du secrétaire général et qui rend lesdits rapports irréguliers, que ledit retard traduit une volonté de discrimination à son égard et que la modification des délais pour certaines personnes viole le principe d’égalité de traitement.

67      Deuxièmement, le requérant allègue que, en octobre 2004, M. X a confié la représentation de l’unité néerlandaise du service de traduction au sein du groupe interinstitutionnel responsable de la base de données terminologique interinstitutionnelle de l’Union européenne (IATE) à un agent temporaire dont le contrat était sur le point d’expirer, bien que le requérant, plus qualifié, se soit également porté candidat.

68      Troisièmement, le requérant fait valoir que Mme Y s’est fait élire au comité du personnel, ainsi qu’au comité des rapports et, comme membre suppléant, à la commission paritaire des promotions, en raison d’intérêts personnels, qu’elle a abusé de la confiance des électeurs en leur cachant des informations essentielles à la détermination de leur choix et qu’elle n’a pas informé l’AIPN des risques liés à sa fonction au sein du comité du personnel. L’AIPN, pour sa part, se serait abstenue de prendre les mesures correctrices nécessaires.

69      La Cour des comptes signale, premièrement, que, malgré les difficultés dont fait état le requérant, il a pu valider son rapport final le 29 juillet 2004 et qu’il ne présente aucun élément laissant croire que ces difficultés auraient nui à ses intérêts. Les délais intervenus dans la procédure d’évaluation seraient attribuables aux difficultés techniques inhérentes à la mise en route de tout nouveau système. Par ailleurs, une partie du retard serait attribuable à un manque de diligence de la part du requérant lui‑même. En tout cas, le retard non significatif intervenu dans l’établissement de son rapport d’évaluation n’aurait pas pu porter préjudice au requérant. La prolongation des délais n’aurait eu d’incidence ni sur le déroulement de la procédure d’évaluation du requérant ni sur la substance de son rapport en résultant.

70      La Cour des comptes fait observer, deuxièmement, que les événements présentés par le requérant datent des mois d’octobre et de novembre 2004 et qu’ils n’ont, dès lors, pas pu avoir la moindre influence sur la procédure d’évaluation pour 2003. Par ailleurs, ces éléments faisant également l’objet d’une procédure de réclamation actuellement en cours, il serait prématuré de les évoquer dans le présent contexte.

71      La Cour des comptes estime, troisièmement, que les accusations formulées par le requérant par rapport à ce moyen ne sont que de pures supputations fondées sur une compréhension inexacte du rôle et du fonctionnement des comités en question. En particulier, le comité des rapports n’aurait, dans le cadre de sa mission consistant à veiller à l’harmonisation de la notation du personnel, qu’une tâche générale visant à vérifier que la procédure mise en place permet d’assurer une telle harmonisation, et non pas à prendre des positions concernant des situations individuelles. D’après la Cour des comptes, ce comité ne s’est réuni ni pendant la période de référence ni pendant le déroulement de la procédure d’évaluation.

 Appréciation du Tribunal

72      Premièrement, s’agissant des diverses difficultés liées au système Compass rencontrées par le requérant ainsi que par l’administration lors de la procédure d’évaluation pour l’exercice 2003, il ressort des propres affirmations du requérant que, malgré les difficultés éprouvées dans la procédure de validation en ligne, il a pu valider son rapport final le 29 juillet 2004, et ce conformément aux délais modifiés applicables au service de traduction. Il ne présente aucun élément indiquant que lesdites difficultés auraient nui à ses intérêts et il ne prétend pas que le rapport final validé par lui contient des éléments qu’il n’aurait pas validés. En particulier, il n’indique pas en quoi aurait consisté la prétendue tentative de falsification de son rapport. Les éléments factuels présentés par le requérant font plutôt apparaître que l’administration faisait de son mieux pour pallier les difficultés liées à l’introduction du système Compass, difficultés qui, de toute évidence, n’ont pas touché uniquement le requérant, mais un grand nombre d’agents de la Cour des comptes. Notamment, l’administration a eu recours aux services de la permanence informatique d’aide aux utilisateurs (help desk) et a prolongé, pour les fonctionnaires qui n’avaient pas pu les respecter, certains délais. Force est donc de constater qu’une tentative de falsification n’est ni circonstanciée, ni même étayée, ni, a fortiori, démontrée. Dès lors, il n’existe aucun indice objectif, pertinent et concordant indiquant que les actes en question auraient été pris pour atteindre des fins autres que celles excipées, comme le requiert la jurisprudence relative au détournement de pouvoir (point 64 supra).

73      Quant au dépassement des délais initialement prévus pour la procédure d’évaluation, il convient de relever, tout d’abord, qu’un dépassement de 38 jours pour l’établissement du rapport d’évaluation final n’est pas de nature à porter préjudice au requérant ou à avoir créé une discrimination à son égard, et ce d’autant plus si l’on considère que les retards, comme il ressort du dossier, ont concerné l’ensemble des agents de la Cour des comptes, dont certains ont subi des retards plus importants que le requérant. Il ne saurait donc être question d’un traitement discriminatoire de celui-ci. Par ailleurs, le requérant lui-même ne fait pas valoir que la prolongation des délais aurait eu une incidence sur la substance de son rapport. Quant à la prétendue irrégularité du rapport d’évaluation du requérant du seul fait du retard enregistré, il suffit de rappeler la jurisprudence selon laquelle la longueur de la procédure de notation et les retards accumulés au cours de celle-ci ne sont pas de nature, par eux-mêmes, à affecter la légalité du rapport de notation (arrêts du Tribunal du 26 octobre 1994, Marcato/Commission, T‑18/93, RecFP p. I‑A‑215 et II‑681, point 36, et du 1er décembre 1994, Schneider/Commission, T‑54/92, RecFP p. I‑A‑281 et II‑887, point 27).

74      Deuxièmement, concernant la représentation de l’unité néerlandaise du service de traduction au sein d’un groupe interinstitutionnel, il y a lieu de constater que les éléments de fait présentés par le requérant dans ce contexte datent des mois d’octobre et de novembre 2004. Ils n’ont donc pu exercer aucune influence sur la procédure d’évaluation du requérant pour 2003, laquelle a été close le 29 juillet 2004 avec l’établissement définitif de son rapport d’évaluation. En tout état de cause, il ne ressort pas de la requête que ces faits pourraient être pertinents aux fins d’apprécier la légalité du rapport d’évaluation du requérant.

75      Troisièmement, s’agissant de l’élection de Mme Y à différents comités, les affirmations du requérant ne sont manifestement pas de nature à pouvoir fonder un grief à l’encontre de la décision portant établissement définitif du rapport.

76      Tout d’abord, c’est à Mme Y que le requérant reproche d’avoir détourné les élections au comité du personnel aux fins de ses intérêts personnels, et non à l’administration. Il n’explique pas comment il serait possible d’imputer le comportement de Mme Y – fût-il démontré – à l’administration, au titre d’un détournement de ces élections. De plus, le requérant n’apporte aucune preuve de ses allégations relatives à la prétendue motivation de Mme Y pour se présenter auxdites élections, ni aucun élément indiquant qu’elle ait cherché à profiter de sa position au sein du comité du personnel pour tenter d’influencer une quelconque décision en sa faveur. Enfin, dans ce contexte, il y a lieu de relever que l’intérêt d’un fonctionnaire à être promu ne saurait être admis comme constituant un intérêt personnel lui imposant une obligation au titre des articles 11 ou 11 bis du statut dans le cadre d’une candidature aux élections au comité du personnel. En effet, s’il en était autrement, aucun fonctionnaire ne pourrait se porter candidat à ces élections. Il s’ensuit que l’administration ne peut pas non plus être tenue, dans un tel cas, de prendre des mesures particulières au titre de l’article 11 bis, paragraphe 2, du statut.

77      Par conséquent, il y a lieu de rejeter les troisième, quatrième, sixième et septième moyens comme non fondés.

 Sur le cinquième moyen, tiré d’une erreur manifeste d’appréciation, d’une violation des principes de sollicitude et de bonne administration, d’une violation de l’obligation de motivation et d’une composition irrégulière du comité d’appel

 Arguments des parties

78      Le requérant fait valoir que le comité d’appel s’est fondé, pour rejeter son appel, sur une traduction française de sa lettre d’appel, rédigée en néerlandais, qui contenait des erreurs. De plus, le président du comité du personnel siégeant au comité d’appel n’aurait pas bien pu remplir ses fonctions, puisqu’il était lui-même soumis à une évaluation. La décision du comité d’appel ne pourrait pas servir de base à l’AIPN pour décider de la carrière du requérant, parce que ce comité aurait ignoré ou déformé chacun de ses arguments.

79      La Cour des comptes fait observer que le requérant a lui‑même, par lettre datée du 11 septembre 2004, informé le comité d’appel de ces erreurs. Ce comité n’ayant adopté son rapport que le 26 octobre 2004, après l’audition du requérant et des évaluateurs intervenue le 8 octobre, il n’y aurait aucune raison de supposer qu’il n’aurait pas été tenu compte des corrections signalées.

 Appréciation du Tribunal

80      Concernant ce moyen, force est de constater que les éléments factuels allégués par le requérant ne sont pas de nature à pouvoir étayer les griefs qu’il formule. Premièrement, en ce qui concerne les erreurs alléguées dans la traduction de la lettre d’appel, le requérant affirme lui-même, pièce à l’appui, en avoir informé le comité d’appel par lettre du 11 septembre 2004. Même si l’on considère, comme le fait la Cour des comptes, que la date de cette lettre est erronée et devrait en fait être le 11 octobre 2004, rien ne permet de supposer que le comité d’appel, qui a rejeté l’appel du requérant par décision du 26 octobre 2004, n’ait pas pris en compte les remarques de celui-ci. D’ailleurs, le requérant ne précise pas en quoi les erreurs alléguées auraient pu affecter la décision portant établissement définitif du rapport de telle manière qu’il y aurait lieu de la considérer comme entachée d’une erreur manifeste d’appréciation.

81      Deuxièmement, s’agissant du fait que le président du comité du personnel siégeait au comité d’appel, le requérant ne précise pas en quoi ce fait aurait pu lui porter préjudice. En tout état de cause, le seul fait que cette personne soit elle-même soumise à une évaluation ne saurait constituer une raison suffisante pour douter de son indépendance et de son aptitude à remplir, au sein du comité d’appel, sa fonction, à savoir, représenter les intérêts du personnel.

82      Troisièmement, pour ce qui est du traitement par le comité d’appel du fond de l’appel du requérant, la requête ne concrétise pas les allégations selon lesquelles « chacun des arguments » du requérant aurait été ignoré ou déformé par ledit comité, mais se limite à une pure affirmation non étayée de preuves.

83      Par conséquent, il y a lieu de rejeter le cinquième moyen.

 Sur le neuvième moyen, tiré de l’exercice illégal de ses fonctions par M. X

 Arguments des parties

84      Le requérant affirme, comme il l’a déjà fait valoir dans le cadre de sa requête dans l’affaire T‑377/04, que M. X exerce illégalement ses fonctions, puisque l’article 14 du statut a été violé lors de son entrée en service. Cette illégalité entraînerait celle de tous les rapports d’évaluation signés par M. X, ainsi que celle du résultat d’un concours de 1999 pour un poste de réviseur à l’unité néerlandaise du service de traduction, concours qu’aucun des candidats, au nombre desquels figurait le requérant, n’avait réussi.

85      La Cour des comptes fait valoir que le requérant a déjà invoqué ces arguments dans une requête qui a été rejetée comme manifestement irrecevable par ordonnance du Tribunal du 26 mai 2005, Nijs/Cour des comptes (T‑377/04, non publiée au Recueil). Quant à une éventuelle illégalité dans l’organisation du concours de 1999, les délais de recours de trois mois seraient expirés depuis 1999. Ce moyen devrait dès lors être considéré comme irrecevable.

 Appréciation du Tribunal

86      À cet égard, il suffit de constater qu’une violation de l’article 14 du statut lors de l’entrée en service de M. X, à l’admettre démontrée, ne saurait être considérée comme étant de nature à pouvoir faire grief au requérant ni comme viciant les actes que M. X aurait été amené à accomplir dans l’exercice de ses fonctions prétendument acquises illégalement.

87      Par conséquent, ce moyen doit être rejeté comme inopérant.

88      Puisque les moyens du requérant dirigés contre la décision portant établissement définitif du rapport se sont tous avérés non pertinents ou non fondés, il y a lieu de rejeter ce chef de conclusions comme non fondé.

3.     Sur les autres moyens dirigés contre la décision de non-promotion et en ce qui concerne la décision de promotion de Mme Y

89      Dans le cadre de son pouvoir de contrôle, le Tribunal estime opportun d’examiner également, à titre surérogatoire, les moyens du requérant relatifs à la légalité interne de la décision de non-promotion.

90      Outre le moyen tiré du défaut de motivation analysé précédemment (voir points 41 à 49 ci‑dessus), le requérant invoque, au soutien de ses conclusions dirigées contre la décision de non-promotion, un moyen tiré de la violation des principes de sécurité juridique et de protection de la confiance légitime, d’un silence discriminatoire et d’un détournement de pouvoir ainsi que d’une violation de l’article 21 du statut.

 Arguments des parties

91      Le requérant fait valoir qu’il n’a pas reçu le courrier électronique de l’administration annonçant les postes LA 5 vacants en même temps que les autres membres du personnel le 19 novembre 2004, mais seulement le 25 novembre 2004. Selon lui, ce retard ne peut avoir été créé que dans le but de le priver de son droit de recours, ce qui constituerait une discrimination manifeste et un détournement de pouvoir.

92      La Cour des comptes fait observer que, selon le texte même de la requête, le requérant a pu introduire sa candidature dans les délais. Un éventuel retard dans la notification de la vacance du poste en cause ne lui aurait donc porté aucun préjudice.

 Appréciation du Tribunal

93      Il résulte du dossier, comme l’a fait remarquer la Cour des comptes, que le requérant a pu introduire sa candidature pour un des emplois vacants de traducteur principal-réviseur dans les délais. Or, si le retard dans la notification de l’avis de vacance, à le supposer démontré, pouvait porter préjudice au requérant dans la mesure où il réduisait le délai dans lequel il pouvait introduire sa candidature, ce retard, ladite candidature ayant été introduite dans les délais, n’était plus susceptible de porter préjudice au requérant s’agissant de sa promotion. En outre, en tout état de cause, le requérant ne fournit aucun élément de preuve apte à démontrer que, effectivement, le courrier électronique daté du 19 novembre 2004, dont il a produit la copie, ne lui serait pas, comme on pourrait s’y attendre, parvenu à cette même date, mais seulement le 25 novembre 2004.

94      Il s’ensuit que ce moyen doit être rejeté.

95      Par conséquent, la demande d’annulation de la décision de non-promotion du requérant n’est pas fondée pour autant qu’elle s’appuie sur d’autres moyens que l’absence de motivation.

96      À supposer, par ailleurs, que la remarque introductive au point 2 de la requête puisse être entendue en ce sens que le requérant demande l’annulation de la décision portant promotion de Mme Y, cette demande doit être déclarée irrecevable. En effet, selon une jurisprudence constante, constituent des actes ou décisions susceptibles de faire l’objet d’un recours en annulation les seules mesures produisant des effets juridiques obligatoires de nature à affecter directement et immédiatement les intérêts du requérant, en modifiant, de façon caractérisée, la situation juridique de celui-ci (arrêts du Tribunal du 19 octobre 1995, Obst/Commission, T‑562/93, RecFP p. I‑A‑247 et II‑737, point 23, et du 13 juillet 2000, Hendrickx/Cedefop, T‑87/99, RecFP p. I‑A‑147 et II‑679, point 37). Or, il résulte des pièces présentées par la Cour des comptes que la promotion de Mme Y n’excluait pas la promotion du requérant, puisque, d’une part, dans le cadre de l’exercice de promotion 2004, il n’a pas été pourvu aux treize postes de grade LA 5 disponibles, tous services confondus, et qu’il était possible, d’autre part, de procéder à plusieurs promotions dans une même unité. Dès lors, la décision de promouvoir Mme Y n’était pas de nature à modifier la situation juridique du requérant et ne constituait donc pas un acte lui faisant grief. Par conséquent, la demande visant son annulation est irrecevable. En outre, le requérant n’invoque aucun moyen ni aucun élément factuel de nature à justifier une demande d’annulation de cette décision. Une éventuelle demande en ce sens, à la supposer recevable, serait donc également non fondée.

4.     Sur la demande en réparation

 Arguments des parties

97      À l’appui de cette demande, le requérant invoque un seul moyen, tiré du « caractère prémédité des erreurs ». Dans le cadre de ce moyen, il fait valoir la présence d’un large faisceau d’indices concordants du fait que les prétendues erreurs conduisant à sa non-promotion et à la promotion de Mme Y auraient été préparées à l’avance, avec la complicité consciente de celle-ci et des supérieurs du requérant. Partant, il incomberait à la Cour des comptes de prouver qu’il n’aurait pas été promu si sa non-promotion n’avait pas été organisée à l’avance. Le requérant fait valoir un dommage à hauteur de la perte de revenus subie par lui par rapport à la situation dans laquelle il se serait trouvé en cas de promotion.

98      La Cour des comptes rappelle que toute demande en indemnité nécessite la démonstration d’une faute dans le chef de l’institution, d’un préjudice dans le chef du requérant et d’un lien de causalité entre les deux. En l’espèce, les prétendues fautes de l’institution résulteraient seulement de suppositions du requérant. Par ailleurs, il résulterait d’une jurisprudence constante du Tribunal qu’un préjudice éventuel serait suffisamment réparé par l’annulation de la décision litigieuse. En l’absence de faute et de préjudice, il y aurait également défaut de lien de causalité. Enfin, la Cour des comptes souligne que ce n’est pas, comme semble le supposer le requérant, à elle de prouver qu’une conduite différente de sa part aurait abouti au même résultat pour le requérant, mais, au contraire, à celui‑ci de prouver son préjudice.

 Appréciation du Tribunal

99      Il y a lieu de rappeler que l’engagement de la responsabilité extracontractuelle d’une institution suppose que soient démontrées la réalité du dommage et l’existence d’un lien de causalité entre le comportement reproché et le préjudice invoqué (arrêt du Tribunal du 7 mai 2003, den Hamer/Commission, T‑278/01, RecFP p. I‑A‑139 et II‑665, point 81). En l’espèce, la seule illégalité qui a été constatée est l’absence de motivation de la décision accordant les points de mérite et de la décision de non-promotion. Or, le requérant n’a pas démontré, ni même allégué, qu’il aurait été promu si les décisions annulées avaient été correctement motivées. Sa demande de se voir attribuer, à titre d’indemnisation de son dommage matériel, la différence entre son salaire actuel et celui dont il aurait bénéficié en cas de promotion doit donc être rejetée.

100    Concernant un éventuel préjudice moral que le requérant aurait subi du fait des décisions annulées, il suffit de rappeler que l’annulation d’un acte de l’administration attaqué par un fonctionnaire constitue en elle‑même une réparation adéquate et, en principe, suffisante de tout préjudice moral que celui‑ci peut avoir subi (voir, en ce sens, arrêt de la Cour du 7 février 1990, Culin/Commission, C‑343/87, Rec. p. I‑225, points 25 à 29, et arrêt du Tribunal du 29 septembre 2005, Napoli Buzzanca/Commission, T‑218/02, non encore publié au Recueil, point 101).

101    Il s’ensuit que la demande en réparation doit être rejetée.

 Sur les dépens

102    Aux termes de l’article 87, paragraphe 2, du règlement de procédure, toute partie qui succombe est condamnée aux dépens, s’il est conclu en ce sens. Conformément à l’article 87, paragraphe 3, premier alinéa, du règlement de procédure, le Tribunal peut répartir les dépens ou décider que chaque partie supporte ses propres dépens si les parties succombent respectivement sur un ou plusieurs chefs, ou pour des motifs exceptionnels. Toutefois, en vertu de l’article 88 du règlement de procédure, dans les litiges entre les Communautés et leurs agents, les frais exposés par les institutions restent à la charge de celles-ci, sans préjudice des dispositions de l’article 87, paragraphe 3, deuxième alinéa, de ce même règlement. Aux termes de cette dernière disposition, le Tribunal peut condamner une partie à rembourser à l’autre partie les frais qu’elle lui a fait exposer et qui sont jugés frustratoires ou vexatoires.

103    En l’espèce, le requérant a succombé en l’une des trois demandes en annulation, ainsi qu’en ses conclusions en indemnité. La défenderesse, en revanche, a succombé en ses conclusions quant à deux des trois demandes en annulation. Il y a donc lieu de condamner la défenderesse à supporter la moitié des dépens du requérant au principal.

104    En ce qui concerne les procédures en référé introduites par le requérant (affaires T‑171/05 R et T‑171/05 R II) et rejetées comme irrecevables par le président du Tribunal par ordonnances du 22 juin 2005 et du 17 février 2006, les dépens ont été réservés. La Cour des comptes demande que le requérant soit condamné à payer l’ensemble des dépens relatifs à la procédure de référé, parce que l’ensemble du recours devrait être considéré comme étant frustratoire et vexatoire.

105    S’agissant de déterminer si un recours est abusif, il y a lieu de tenir compte, notamment, des éléments suivants : le caractère manifestement non fondé ou irrecevable du recours, le but dilatoire de celui-ci, la mise en avant par le requérant, dans la poursuite de son litige, de moyens d’attaque excessifs (arrêt du Tribunal du 12 juin 2002, B/Commission, T‑66/00, RecFP p. I‑A‑75 et II‑361, point 66).

106    À cet égard, il y a lieu de relever que le requérant a formulé, dans ses deux requêtes en référé, la seule demande d’ordonner le sursis à l’exécution de la décision de promouvoir Mme Y. Or, force est de constater que cette demande ne correspond à aucun des chefs de conclusion dans l’affaire au principal. Les deux recours en référé n’étaient donc pas de nature à pouvoir utilement servir le requérant dans les fins poursuivies par le recours au principal. En particulier, il a été relevé à plusieurs reprises que les promotions de Mme Y et du requérant ne sont pas mutuellement exclusives. Ce fait découle du nombre de fonctionnaires promouvables et de postes de promotion disponibles, ainsi qu’il résulte des différentes communications de la Cour des Compte ainsi que de l’avis de vacance du 18 novembre 2004, documents connus par le requérant avant même l’introduction de la requête. Il n’existe donc aucun lien entre la promotion de Mme Y et la non-promotion du requérant. Par conséquent, il a été constaté, ci‑dessus, qu’une telle demande aurait été irrecevable (voir point 96 ci-dessus). Malgré cela, ce dernier a introduit deux demandes en référé visant au sursis à l’exécution de la décision de promouvoir Mme Y. Ces moyens constituent, dès lors, des moyens d’attaque excessifs au sens de la jurisprudence citée au point précédent.

107    Dans ces circonstances, il y a lieu de condamner le requérant à supporter l’ensemble des dépens relatifs aux procédures en référé.

Par ces motifs,

LE TRIBUNAL (deuxième chambre)

déclare et arrête :

1)      Les décisions de la Cour des comptes portant attribution au requérant de ses points de mérite pour l’exercice 2003 et de ne pas le promouvoir en 2004 sont annulées.

2)      Le recours est rejeté pour le surplus.

3)      La Cour des comptes supportera ses propres dépens et la moitié des dépens exposés par le requérant.

4)      Le requérant supportera l’ensemble des dépens afférents aux procédures en référé.

Pirrung

Meij

Pelikánová

Ainsi prononcé en audience publique à Luxembourg, le 3 octobre 2006.

Le greffier

 

      Le président

E. Coulon

 

      J. Pirrung


* Langue de procédure : le français.