Language of document : ECLI:EU:T:2006:291

ARRÊT DU TRIBUNAL (troisième chambre)

4 octobre 2006 (*)

« Marque communautaire – Forme d’une bouteille émerisée blanche – Motif absolu de refus – Article 7, paragraphe 1, sous b), du règlement (CE) n° 40/94 – Absence de caractère distinctif – Violation des droits de la défense – Article 73 du règlement n° 40/94 »

Dans l’affaire T‑190/04,

Freixenet SA, établie à Sant Sadurní d’Anoia (Espagne), représentée par Mes F. de Visscher, E. Cornu, É. De Gryse et D. Moreau, avocats,

partie requérante,

contre

Office de l’harmonisation dans le marché intérieur (marques, dessins et modèles) (OHMI), représenté par M. I. de Medrano Caballero, en qualité d’agent,

partie défenderesse,

ayant pour objet un recours formé contre la décision de la quatrième chambre de recours de l’OHMI du 11 février 2004 (affaire R 97/2001‑4), concernant l’enregistrement d’une marque se présentant sous la forme d’une bouteille émerisée blanche comme marque communautaire,

LE TRIBUNAL DE PREMIÈRE INSTANCE
DES COMMUNAUTÉS EUROPÉENNES (troisième chambre),

composé de MM. M. Jaeger, président, J. Azizi et Mme E. Cremona, juges,

greffier : Mme B. Pastor, greffier adjoint,

vu la requête déposée au greffe du Tribunal le 24 mai 2004,

vu le mémoire en réponse déposé au greffe du Tribunal le 18 août 2004,

à la suite de l’audience du 7 avril 2005,

rend le présent

Arrêt

 Antécédents du litige

1        Le 1er avril 1996, la requérante a présenté une demande de marque communautaire à l’Office de l’harmonisation dans le marché intérieur (marques, dessins et modèles) (OHMI), en vertu du règlement (CE) n° 40/94 du Conseil, du 20 décembre 1993, sur la marque communautaire (JO 1994, L 11, p. 1), tel que modifié.

2        La demande d’enregistrement porte sur une marque identifiée dans le formulaire ad hoc comme « autre » et consiste « en la forme de présentation d’un produit ». La marque dont l’enregistrement a été demandé y est décrite comme une « bouteille émerisée blanche qui, lorsqu’elle est remplie de vin mousseux, prend une apparence dorée mate comme si elle était givrée » et, ainsi qu’il a été précisé par la requérante, ne vise pas à obtenir la protection privative et exclusive de la forme de la bouteille, mais bien de l’aspect spécifique de sa surface.

3        L’enregistrement a été demandé pour les « vins mousseux », relevant de la classe 33 de l’arrangement de Nice concernant la classification internationale des produits et des services aux fins de l’enregistrement des marques du 15 juin 1957, tel que révisé et modifié.

4        Par décision du 29 novembre 2000, l’examinatrice a rejeté la demande d’enregistrement au motif que la marque demandée était dépourvue de caractère distinctif et que les preuves rapportées par la requérante ne permettaient pas de conclure à l’existence d’un caractère distinctif de la marque acquis par l’usage, au sens de l’article 7, paragraphe 3, du règlement n° 40/94.

5        Le 22 janvier 2001, la requérante a formé un recours auprès de l’OHMI, au titre des articles 57 à 62 du règlement n° 40/94, contre la décision de l’examinatrice.

6        Par décision du 11 février 2004, rendue dans l’affaire R 97/2001‑4 (ci‑après la « décision attaquée »), la quatrième chambre de recours de l’OHMI a rejeté le recours. Dans cette décision, la chambre de recours a considéré, en substance, que le signe demandé était dépourvu de caractère distinctif au sens de l’article 7, paragraphe 1, sous b), du règlement n° 40/94, au motif que le verre émerisé blanc qui, lorsque la bouteille est remplie de vin mousseux, prendrait une apparence dorée mate semblable à celle d’une bouteille givrée ne constituait pas une caractéristique suffisamment spécifique et frappante pour différencier clairement la bouteille à propos de laquelle l’enregistrement avait été demandé des autres bouteilles commercialisées sur le marché. À l’égard du caractère distinctif acquis par l’usage, la chambre de recours a estimé, en particulier, que cet usage n’était pas établi pour l’ensemble de la Communauté.

 Conclusions des parties

7        La requérante conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        à titre principal, annuler la décision attaquée et, faisant ce que la quatrième chambre de recours aurait dû faire, décider que la demande de marque communautaire n° 32532 sera publiée conformément à l’article 40 du règlement n° 40/94 ;

–        à titre subsidiaire, annuler la décision attaquée ;

–        en tout état de cause, condamner l’OHMI aux dépens.

8        L’OHMI conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        rejeter le recours ;

–        condamner la requérante aux dépens.

9        Lors de l’audience, la requérante, invitée par le Tribunal à expliquer la signification de la demande contenue dans la seconde partie de son premier chef de conclusions, a précisé que ses conclusions devaient être comprises en ce sens qu’elle demande, à titre principal, d’annuler la décision attaquée et de la réformer conformément à l’article 63, paragraphe 3, du règlement n° 40/94.

 En droit

 Sur la recevabilité

 Arguments des parties

10      L’OHMI fait valoir, au préalable, une exception d’irrecevabilité concernant la seconde partie du premier chef de conclusions du recours tendant à obtenir du Tribunal qu’il décide que la demande contestée soit publiée conformément à l’article 40 du règlement n° 40/94.

11      L’OHMI estime que le fait de lui ordonner de publier une demande de marque communautaire, conformément à l’article 40 du règlement n° 40/94, constitue une injonction qui ne fait pas partie du pouvoir de réformation du Tribunal. Il invoque, à cet égard, la jurisprudence selon laquelle il n’appartient pas au Tribunal de lui adresser des injonctions, mais il incombe à l’OHMI lui-même de prendre les mesures que comporte l’exécution de l’arrêt du Tribunal, conformément à l’article 63, paragraphe 6, du règlement n° 40/94 [arrêts du Tribunal du 8 juillet 1999, Procter & Gamble/OHMI (BABY-DRY), T‑163/98, Rec. p. II‑2383, point 53 ; du 23 octobre 2002, Institut für Lernsysteme/OHMI – Educational Services (ELS), T‑388/00, Rec. p. II‑4301, point 19, et du 12 décembre 2002, eCopy/OHMI (ECOPY), T‑247/01, Rec. p. II‑5301, point 13]. En tout état de cause, il serait d’usage que, lorsque le Tribunal annule une décision des chambres de recours sur le fond, la marque demandée soit publiée conformément à l’article 40 du règlement n° 40/94, sans qu’il soit nécessaire que les chambres de recours rendent une nouvelle décision.

12      La requérante demande que le Tribunal, après avoir analysé le fond de l’affaire, décide que la marque puisse être publiée conformément à l’article 40 du règlement n° 40/94. À cet égard, elle précise qu’il ne s’agit pas d’une injonction adressée à l’OHMI, cela ne relevant pas de la compétence du Tribunal, mais bien d’une réformation au sens du terme repris dans le règlement n° 40/94, en ce que le Tribunal devrait prendre la décision que l’OHMI aurait dû prendre, à savoir décider que la marque demandée puisse être publiée.

13      Au cours de l’audience, la requérante a précisé qu’elle demandait au Tribunal d’appliquer l’article 63, paragraphe 3, du règlement n° 40/94 qui lui confère une compétence d’annulation et de réformation, en estimant que l’affaire était en état d’être jugée.

 Appréciation du Tribunal

14      À titre liminaire, il convient de rappeler que, en vertu de l’article 63, paragraphes 2 et 3, du règlement n° 40/94, tant l’annulation que la réformation d’une décision des chambres de recours ne sont possibles que si celle-ci est entachée d’une illégalité de fond ou de forme [voir arrêt du Tribunal du 23 novembre 2004, Frischpack/OHMI (Forme d’une boîte de fromage), T‑360/03, non encore publié au Recueil, point 25, et la jurisprudence citée].

15      Il convient également de rappeler que, en vertu de l’article 63, paragraphe 6, du règlement n° 40/94, l’OHMI est tenu de prendre les mesures que comporte l’exécution de l’arrêt du juge communautaire. Dès lors, il n’appartient pas au Tribunal d’adresser d’injonction à l’OHMI. Il incombe, en effet, à ce dernier de tirer les conséquences du dispositif et des motifs de l’arrêt du Tribunal, lorsque celui-ci estime les moyens de la partie requérante fondés. Il s’ensuit qu’une demande visant à ce qu’il soit ordonné à l’OHMI de procéder à la publication de la demande de marque doit être considérée comme irrecevable [voir, en ce sens, arrêts du Tribunal BABY-DRY, point 11 supra, point 53 ; du 31 janvier 2001, Mitsubishi HiTec Paper Bielefeld/OHMI (Giroform), T‑331/99, Rec. p. II‑433, point 33, et du 27 février 2002, Eurocool Logistik/OHMI (EUROCOOL), T‑34/00, Rec. p. II‑683, point 12].

16      En l’espèce, dans son premier chef de conclusions, la requérante demande au Tribunal, d’une part, l’annulation de la décision attaquée et, d’autre part, d’adopter la décision que l’OHMI aurait dû prendre, à savoir une décision constatant que les conditions pour la publication de la marque demandée sont remplies, de sorte que l’OHMI exécutera cette décision en publiant la marque demandée.

17      Il y a donc lieu de considérer que, par la seconde partie de son premier chef de conclusions, la requérante demande la réformation de la décision attaquée. En effet, cette demande ne consiste pas à solliciter du Tribunal qu’il condamne l’OHMI à une quelconque obligation de faire ou de ne pas faire, ce qui constituerait une injonction adressée au défendeur. Elle vise, au contraire, à ce que le Tribunal décide, au même titre que la chambre de recours, que la marque peut être publiée conformément à l’article 40 du règlement n° 40/94.

18      C’est, dès lors, à tort que le défendeur qualifie la demande de réformation présentée par la requérante de demande d’injonction. Il s’ensuit que la fin de non-recevoir opposée par celui‑ci doit être rejetée.

 Sur la demande en annulation

19      À l’appui de son recours, la requérante invoque trois moyens. Le premier moyen est tiré d’une violation de l’article 73 du règlement n° 40/94 et du principe de respect des droits de la défense. Les deuxième et troisième moyens sont tirés d’une violation, respectivement, de l’article 7, paragraphe 1, sous b), et de l’article 7, paragraphe 3, du règlement n° 40/94.

 Sur le premier moyen, tiré du non-respect des droits de la défense et de la violation de l’article 73 du règlement n° 40/94

–       Arguments des parties

20      La requérante rappelle, de façon liminaire, la jurisprudence selon laquelle l’équité procédurale ainsi que le principe général de protection de la confiance légitime exigent d’interpréter l’article 73, deuxième phrase, du règlement n° 40/94 dans le sens que la chambre de recours est obligée d’indiquer au préalable à la partie concernée son intention de prendre en compte un certain fait afin que cette partie soit en mesure d’évaluer l’utilité éventuelle de présenter des observations quant au fond concernant ce fait [arrêts du Tribunal du 16 février 2000, Procter & Gamble/OHMI (Forme d’un savon), T‑122/99, Rec. p. II‑265, points 40 à 47 ; du 27 février 2002, Rewe-Zentral/OHMI (LITE), T‑79/00, Rec. p. II‑705, points 13 à 21, et du 12 mars 2003, Goulbourn/OHMI – Redcats (Silk Cocoon), T‑174/01, Rec. p. II‑789, point 51].

21      En l’espèce, la requérante reproche à la chambre de recours d’avoir fait appel, dans la décision attaquée, à des éléments de fait non invoqués par l’examinatrice et sur lesquels elle n’aurait pas été invitée à présenter ses observations. En particulier, au point 23 de la décision attaquée, la chambre de recours aurait fait référence, pour la première fois dans le cadre de la procédure devant l’OHMI, à des marques de vins mousseux dont les bouteilles présenteraient des caractéristiques semblables à celles de la marque dont l’enregistrement est demandé, en déduisant que celle‑ci ne se distinguerait pas suffisamment de la forme de présentation des bouteilles utilisées sur le marché pour ce type de produit et serait, de ce fait, dénuée de pouvoir distinctif. En réponse à une question écrite posée par le Tribunal dans le cadre des mesures d’organisation de la procédure, la requérante a, en outre, précisé que ses droits de la défense avaient été violés tant par l’examinatrice, en ayant fait référence à des sites Internet qu’elle n’avait pas pu consulter, que par la chambre de recours, en ayant fait référence, dans la décision attaquée, à une liste de bouteilles qui ne lui avait pas été préalablement soumise. D’après la requérante, si la chambre de recours lui avait laissé l’opportunité de présenter ses observations sur ces faits, celle‑ci aurait dû admettre le caractère distinctif de la marque demandée.

22      La requérante en conclut que la chambre de recours a, dès lors, violé l’article 73 du règlement n° 40/94, ainsi que le principe général de respect des droits de la défense.

23      L’OHMI fait observer que l’examinatrice et la chambre de recours ont fondé leur décision respective, quant au point de considérer que la marque demandée n’était pas susceptible d’être enregistrée, en vertu de l’article 7, paragraphe 1, sous b), du règlement n° 40/94, sur les mêmes arguments de fait et de droit. En effet, selon ces deux instances, le signe litigieux serait dépourvu de caractère distinctif au motif qu’il ne présenterait pas une apparence inhabituelle par rapport à celle des autres bouteilles de vin mousseux existant sur le marché concerné.

24      À cet égard, l’examinatrice aurait fait valoir, à la page 5 de sa décision du 29 novembre 2000, qu’il existait sur le marché des bouteilles qui n’étaient pas dissemblables de celle de la requérante et aurait, à titre illustratif, fait référence à certains sites Internet où apparaissaient de telles bouteilles.

25      La chambre de recours, de son côté, se serait limitée, au point 23 de la décision attaquée, à illustrer la décision de l’examinatrice, en donnant une liste d’exemples de bouteilles existant sur le marché européen, analogues à celle constituant l’objet de la marque demandée, sans ajouter aucun élément factuel ou aucun argument juridique nouveau sur ce point. Elle aurait, par ailleurs, offert à la requérante, à plusieurs reprises, la possibilité de prendre position sur le raisonnement suivi par l’examinatrice dans sa décision du 29 novembre 2000.

26      À l’audience, l’OHMI a, en outre, précisé que, en tout état de cause, les références faites par ces deux instances aux sites Internet concernant les bouteilles commercialisées sur le marché étaient surabondantes et qu’elles ne constituaient pas un élément sur lequel la chambre de recours s’était fondée.

27      L’OHMI estime, dès lors, que la chambre de recours n’a pas méconnu le droit d’être entendu de la requérante, ni violé ses droits de la défense. Il en conclut que le premier moyen doit être rejeté comme manifestement infondé.

–       Appréciation du Tribunal

28      Le principe de respect des droits de la défense est consacré par l’article 73 du règlement n° 40/94, selon lequel les décisions de l’OHMI ne peuvent être fondées que sur des motifs sur lesquels les parties ont pu prendre position. Cette disposition porte tant sur les motifs de fait que sur ceux de droit, ainsi que sur les éléments de preuve.

29      Par ailleurs, le respect des droits de la défense constitue un principe général du droit communautaire, en vertu duquel les destinataires des décisions des autorités publiques qui affectent de manière sensible leurs intérêts doivent être mis en mesure de faire connaître utilement leur point de vue (arrêts Forme d’un savon, point 20 supra, point 42 ; EUROCOOL, point 15 supra, point 21, et LITE, point 20 supra, point 14).

30      Conformément à ce principe, une chambre de recours de l’OHMI ne peut fonder sa décision que sur des éléments de fait ou de droit sur lesquels les parties ont pu présenter leurs observations. Par conséquent, dans le cas où la chambre de recours recueille d’office des éléments de fait destinés à servir de fondement à sa décision, elle doit obligatoirement les communiquer aux parties afin que celles-ci puissent faire connaître leurs observations (arrêt de la Cour du 21 octobre 2004, KWS Saat/OHMI, C‑447/02 P, Rec. p. I‑10107, points 42 et 43).

31      Or, en considérant les arguments avancés par la requérante dans ses écritures et lors de l’audience, il convient d’observer que, en substance, elle prétend que son droit à être entendu a été méconnu, dans la mesure où elle n’a pu présenter ses observations sur les éléments de fait justifiant, pour l’examinatrice et pour la chambre de recours, le rejet de la demande d’enregistrement de la marque demandée eu égard à son absence de caractère distinctif.

32       S’agissant des éléments de fait qui ont servi de base à la décision attaquée, il y a lieu de constater que, au point 23 de celle-ci, la chambre de recours relève que, outre la bouteille en verre transparent de couleur verte, les entreprises productrices de vins mousseux au sein de l’Union européenne « utilisent également des bouteilles en verre transparent blanches, qui, lorsqu’elles sont remplies de boisson, prennent une couleur différente, ou bien des bouteilles en verre opaque de différentes couleurs, ou en verre de couleur translucide, certains d’entre eux émerisés ». À ce propos, la chambre de recours fournit des exemples de bouteilles, qui ne seraient pas dissemblables de celle constituant l’objet de la marque demandée, les subdivisant en différentes catégories selon leurs caractéristiques. Elle a ainsi mentionné des bouteilles en verre transparent, en verre noir, en verre bleu clair translucide, en verre bleu foncé opaque, en verre bleu cobalt, en verre marron clair translucide, en verre de couleur argentée, en verre translucide et en verre opaque de couleur dorée.

33      La chambre de recours a ensuite déduit de cette énumération qu’elle ne pouvait pas parvenir à la conclusion que le « verre émerisé blanc qui, lorsqu’il est rempli de cava, prend une couleur dorée » constituait une caractéristique suffisamment spécifique et frappante pour différencier clairement la bouteille à propos de laquelle l’enregistrement était demandé des autres bouteilles commercialisées sur le marché concerné. Il y a, dès lors, lieu de conclure que, contrairement à ce que le défendeur a soutenu lors de l’audience, les bouteilles mentionnées par la chambre de recours dans la décision attaquée constituent les éléments factuels qui ont servi de fondement à celle‑ci.

34      Or, il ressort des éléments du dossier que la chambre de recours n’a pas soumis cette liste de bouteilles à la requérante afin qu’elle puisse lui faire connaître ses observations. Ce faisant, la chambre de recours a, dès lors, violé l’article 73, deuxième phrase, du règlement n° 40/94.

35      Cette appréciation n’est pas infirmée par l’argument de l’OHMI selon lequel les éléments de fait et de droit sur lesquels la chambre de recours a fondé sa décision auraient déjà été présents dans la décision de l’examinatrice et, par conséquent, au point 23 de la décision attaquée, la chambre de recours aurait fait uniquement référence à des exemples de bouteilles existant sur le marché, ainsi que l’avait déjà fait l’examinatrice dans sa décision. De même, l’OHMI ne saurait faire valoir que la chambre de recours a donné à plusieurs reprises à la requérante la possibilité de prendre utilement position sur le raisonnement tenu pour la première fois dans la décision de l’examinatrice.

36      À cet égard, il y a lieu de constater, tout d’abord, que, dans le mémoire du 29 mars 2001 exposant les motifs de son recours devant la chambre de recours, la requérante avait déjà allégué qu’il lui avait été impossible d’accéder à deux des trois sites Internet évoqués dans la décision de l’examinatrice, sans que la chambre de recours ait eu le moindre souci de prendre position sur une telle allégation, susceptible d’entrer en ligne de compte à l’occasion de la procédure de recours.

37      En revanche, l’OHMI a admis, dans sa réponse du 16 mars 2005 aux questions écrites posées par le Tribunal dans le cadre des mesures d’organisation de la procédure, qu’« une erreur de frappe s’était glissée dans deux des sites cités, à savoir [que] le site www.eurogood‑drinks.com/KattusE.htm devait se lire www.eurofood‑drinks.com/kattusE.htm, de même [que] le site www.eurogood-drinks.com/MilleniumEhtm devait se lire www.eurofood-drinks.com/MilleniumE.htm ».

38      De surcroît, lors de l’audience, l’OHMI a également admis, en réponse à une question posée par le Tribunal, qu’il aurait dû faire le nécessaire pour rectifier l’erreur ayant empêché l’accès de la partie requérante aux sites Internet cités dans la décision de l’examinatrice dès que la requérante eut soulevé le problème de leur inaccessibilité.

39      Dès lors que le contenu de ces deux sites ne lui a pas été communiqué et qu’ils n’étaient pas consultables sur l’internet, l’on peut conclure que la requérante n’a pas pu en prendre connaissance au cours de la procédure qui s’est déroulée devant la chambre de recours et, de ce fait, faire valoir ses observations.

40      Premièrement, il y a lieu, en outre, de constater qu’il ressort du dossier que, parmi toutes les sortes de bouteilles citées au point 23 de la décision attaquée, aucune rubrique intitulée « les bouteilles émerisées blanches avec une apparence dorée mate », qui comprendrait les noms des bouteilles présentant les caractéristiques de la marque demandée, ne figure sous cette dénomination complète. Deuxièmement, la requérante fait observer que certaines assertions de la décision de la chambre de recours concernant les bouteilles en question seraient invérifiables ou fausses, en ce que celles‑ci n’auraient pas les caractéristiques que la chambre de recours leur a attribuées. De surcroît, ainsi que l’a fait valoir la requérante sans être contredite par le défendeur, certaines des bouteilles auxquelles il est fait référence dans la décision attaquée n’auraient pas pu être prises en considération au moment du dépôt de la demande d’enregistrement de la marque communautaire et, pour certaines d’entre elles, il n’aurait pas été possible d’en déceler une commercialisation sur le marché.

41      Il s’ensuit qu’il ne saurait être exclu que, si la requérante avait pu prendre utilement position sur tous les éléments de fait qui ont constitué le fondement de la décision attaquée en ce qui concerne le motif absolu de refus visé par l’article 7, paragraphe 1, sous b), du règlement n° 40/94, elle aurait pu mieux assurer sa défense et influencer, de quelque manière que ce soit, l’appréciation de la chambre de recours.

42      Au vu de l’ensemble de ce qui précède, le premier moyen, tiré de la violation de l’article 73 du règlement n° 40/94, ainsi que du principe de respect des droits de la défense, doit être accueilli. Dès lors, la décision attaquée doit être annulée, sans qu’il soit besoin pour le Tribunal de procéder à l’examen des autres moyens tirés d’une violation, respectivement, de l’article 7, paragraphe 1, sous b), et de l’article 7, paragraphe 3, du règlement n° 40/94.

 Sur la demande tendant à la réformation de la décision attaquée

43      Dans le cadre de ses conclusions, la requérante demande, à titre principal, l’annulation et la réformation de la décision attaquée.

44      En vertu de l’article 63, paragraphes 2 et 3, du règlement n° 40/94, le Tribunal est compétent aussi bien pour annuler que pour réformer une décision des chambres de recours, à condition que, ainsi qu’il a été indiqué au point 14 du présent arrêt, celle-ci soit entachée d’une illégalité de fond ou de forme.

45      À cet égard, il y a lieu de rappeler, tout d’abord, qu’il existe une répartition précise des compétences entre l’OHMI et le Tribunal. L’OHMI est compétent, en tant qu’organe administratif, pour connaître des demandes d’enregistrement des marques et en apprécier le bien‑fondé au regard, notamment, des motifs de refus énoncés par le règlement n° 40/94, alors qu’il appartient au Tribunal, en tant qu’organe juridictionnel, de se prononcer sur la légalité des décisions des chambres de recours de l’OHMI. Ces décisions constituent ainsi à la fois une condition préalable à l’exercice, par le Tribunal, de sa compétence et une délimitation de celle‑ci. Cela implique, par conséquent, que l’appréciation du Tribunal doit se limiter aux éléments ayant fondé la décision de la chambre de recours [voir, en ce sens, arrêt du Tribunal du 22 octobre 2003, Éditions Albert René/OHMI – Trucco (Starix), T‑311/01, Rec. p. II‑4625, point 70, et la jurisprudence citée].  

46      Il en découle que le Tribunal ne saurait se substituer à l’OHMI lorsque, comme en l’espèce, l’OHMI a fondé sa décision sur des éléments qui n’ont pu être débattus par la requérante durant la procédure devant l’OHMI à la suite d’une violation de ses droits de la défense. En effet, dans une telle situation, l’OHMI n’a, par définition, pas pu prendre position sur les éléments que la requérante aurait pu avancer en l’absence de violation de ses droits de la défense.

47      Dans ces circonstances, le Tribunal considère qu’il n’y a pas lieu d’accéder à la demande de la requérante de réformer la décision attaquée, dès lors que cela impliquerait, en substance, l’exercice de fonctions administratives et d’investigation propres à l’OHMI et serait, de ce fait, contraire à l’équilibre institutionnel dont s’inspire le principe de répartition des compétences entre l’OHMI et le Tribunal.

48      Au vu de l’ensemble des considérations qui précèdent, il y a lieu de conclure que la décision attaquée doit être annulée en ce que la chambre de recours a violé l’article 73 du règlement n° 40/94 et le principe de respect des droits de la défense et que le recours doit être rejeté pour le surplus.

 Sur les dépens

49      Aux termes de l’article 87, paragraphe 2, du règlement de procédure du Tribunal, toute partie qui succombe est condamnée aux dépens, s’il est conclu en ce sens. L’OHMI ayant succombé, il y a lieu de le condamner à supporter ses propres dépens ainsi que ceux exposés par la requérante, conformément aux conclusions de celle-ci.

Par ces motifs,

LE TRIBUNAL (troisième chambre)

déclare et arrête :

1)      La décision de la quatrième chambre de recours de l’Office de l’harmonisation dans le marché intérieur (marques, dessins et modèles) (OHMI) du 11 février 2004 (affaire R 97/2001-4) est annulée.

2)      Le recours est rejeté pour le surplus.

3)      L’OHMI supportera ses propres dépens ainsi que ceux exposés par la requérante.

Jaeger

Azizi

Cremona

Ainsi prononcé en audience publique à Luxembourg, le 4 octobre 2006.

Le greffier

 

       Le président

E. Coulon

 

       M. Jaeger


* Langue de procédure : le français.