Language of document : ECLI:EU:T:2006:293

DOCUMENT DE TRAVAIL

ARRÊT DU TRIBUNAL (troisième chambre)

4 octobre 2006 (*)

« Marque communautaire – Procédure d’opposition – Demande de marque communautaire figurative Valle della Luna – Marque nationale figurative antérieure VALLE DE LA LUNA – Preuve de l’usage de la marque antérieure – Article 15, paragraphe 2, sous a), et article 43, paragraphes 2 et 3, du règlement (CE) n° 40/94 »

Dans l’affaire T-96/05,

Monte di Massima SAS di Pruneddu Leonardo & C., établie à Viddalba (Italie), représentée par Me E. Masu et P. Pittalis, avocats,

partie requérante,

contre

Office de l’harmonisation dans le marché intérieur (marques, dessins et modèles) (OHMI), représenté par Mme M. L. Capostagno, en qualité d’agent,

partie défenderesse,

l’autre partie à la procédure devant la chambre de recours de l’OHMI, intervenant devant le Tribunal, étant

J. M. Höfferle Internationale Handelsgesellschaft mbH, établie à Hambourg (Allemagne), représentée par Me G. Brugmann, avocat,

ayant pour objet un recours formé contre la décision de la première chambre de recours de l’OHMI du 24 novembre 2004 (affaire R 269/2004-1), relative à une procédure d’opposition entre Monte di Massima SAS di Pruneddu Leonardo & C. et J. M. Höfferle Internationale Handelsgesellschaft mbH,

LE TRIBUNAL DE PREMIÈRE INSTANCE
DES COMMUNAUTÉS EUROPÉENNES (troisième chambre),

composé de MM. M. Jaeger, président, J. Azizi et Mme E. Cremona, juges,

greffier : M. J. Palacio González, administrateur principal,

vu la requête déposée au greffe du Tribunal le 16 février 2005,

vu le mémoire en réponse de l’OHMI déposé au greffe du Tribunal le 21 juillet 2005,

vu le mémoire en réponse de l’intervenante déposé au greffe du Tribunal le 13 juillet 2005,

à la suite de l’audience du 22 février 2006,

rend le présent

Arrêt

 Antécédents du litige

1        Le 8 janvier 2001, la requérante a présenté, auprès de l’Office de l’harmonisation dans le marché intérieur (marques, dessins et modèles) (OHMI), au titre du règlement (CE) n° 40/94 du Conseil, du 20 décembre 1993, sur la marque communautaire (JO 1994, L 11, p. 1), tel que modifié, une demande d’enregistrement en tant que marque communautaire.

2        La marque dont l’enregistrement a été demandé (ci‑après la « marque demandée ») est un signe figuratif et verbal qui se présente tel qu’il suit :

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3        Les produits pour lesquels l’enregistrement de la marque a été demandé relèvent de la classe 32 au sens de l’arrangement de Nice concernant la classification internationale des produits et des services aux fins de l’enregistrement des marques, du 15 juin 1957, tel que révisé et modifié, et correspondent à la description suivante :

–        classe 32 : « Bières ; eaux minérales et gazeuses et autres boissons non alcooliques ; boissons et sirops de fruits ; sirops et autres préparations pour faire des boissons ».

4        Cette demande a été publiée au Bulletin des marques communautaires nº 64/2001, du 23 juillet 2001.

5        Le 19 octobre 2001, l’intervenante a formé une opposition au titre de l’article 42, paragraphe 1, du règlement n° 40/94, à l’encontre de l’enregistrement de la marque demandée.

6        L’opposition était fondée sur l’existence d’un risque de confusion, au sens de l’article 8, paragraphe 1, sous a) et b), du règlement n° 40/94, avec la marque figurative allemande (ci‑après la « marque nationale antérieure ») composée de l’expression « valle de la luna », en caractères typographiques d’imprimerie, telle qu’elle est reproduite ci‑après :

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7        La marque nationale antérieure a été déposée le 10 juillet 1993 et enregistrée le 4 avril 1996 sous le n° 2 099 789 en Allemagne, pour désigner certains produits relevant de la classe 33 au sens de l’arrangement de Nice, à savoir les « vins ; vins pétillants ».

8        Sur requête du titulaire de la marque demandée et au titre de l’article 43, paragraphes 2 et 3, du règlement n° 40/94, l’intervenante a été invitée à apporter la preuve de l’usage sérieux de la marque nationale antérieure avant le 14 juillet 2002.

9        Le 10 juillet 2002, l’intervenante a présenté devant la division d’opposition certaines pièces visant à étayer l’usage sérieux de sa marque, et notamment, deux attestations sous serment, rédigées en allemand, émises par le gérant de l’entreprise, accompagnées d’une traduction en anglais, et quatre étiquettes de bouteilles de vin montrant la marque nationale antérieure, telle qu’elle a été utilisée.

10      Le 20 septembre 2002, la requérante a objecté que les éléments de preuve étaient insuffisants pour étayer l’usage sérieux de la marque nationale antérieure en Allemagne. Elle reprochait, en outre, à l’intervenante de ne pas avoir présenté d’autres éléments de preuve plus pertinents, tels que des factures.

11      Par décision du 19 février 2004, la division d’opposition de l’OHMI a rejeté l’opposition à l’enregistrement de la marque demandée au motif que l’intervenante n’avait pas réussi à démontrer que la marque nationale antérieure avait fait l’objet d’un usage sérieux. La division d’opposition a considéré comme insuffisants les éléments de preuve qui avaient été produits à cette fin, notamment, quant à l’importance et à l’étendue géographique de l’usage de la marque antérieure. La division d’opposition a également constaté que, sur l’étiquette de la bouteille de vin qui était datée de 1999, il avait été procédé à l’insertion d’un dessin entre les termes « valle de » et les termes « la luna » et a estimé que ledit dessin constituait une différence substantielle altérant le caractère distinctif de la marque antérieure telle qu’enregistrée.

12      Le 14 avril 2004, l’intervenante a formé un recours contre la décision de la division d’opposition. À l’appui du mémoire exposant les motifs de son recours, elle a versé de nouvelles preuves, à savoir des factures, des listes de prix, une déclaration sur l’honneur du gérant de l’entreprise et des étiquettes de bouteilles de vin l’identifiant comme importateur.

13      Par décision du 24 novembre 2004 (ci‑après la « décision attaquée »), la première chambre de recours a fait droit au recours de l’intervenante en considérant que les nouveaux éléments de preuve présentés par celle‑ci au cours de la procédure d’appel, appréciés conjointement avec ceux produits devant la division d’opposition, permettaient de conclure à un usage sérieux de la marque antérieure. Par ailleurs, elle a estimé, à la différence de la division d’opposition, que l’élément figuratif qui avait été ajouté, en 1999, à la marque nationale antérieure n’altérait pas le caractère distinctif de celle-ci. À cet égard, elle faisait observer qu’il s’agissait d’un dessin représentant une formation géologique stylisée qui constitue la principale attraction touristique de la région de provenance des produits désignés par la marque nationale antérieure en Argentine, ce qui ne faisait que confirmer le concept exprimé par la marque. Par ailleurs, selon la chambre de recours, le caractère typographique en majuscules des lettres formant l’expression « valle de la luna » était resté inchangé. La chambre de recours a, par conséquent, annulé la décision de la division d’opposition et renvoyé le dossier devant celle‑ci.

 Conclusions des parties

14      La requérante conclut, en substance, à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        déclarer que la décision attaquée a été prise en violation de l’article 15, paragraphe 2, du règlement n° 40/94 et que, en conséquence, elle doit être annulée ;

–        condamner l’intervenante aux dépens.

15      Dans ses conclusions, la requérante a désigné l’intervenante comme partie défenderesse, alors que l’OHMI agit devant le Tribunal comme seule partie défenderesse. Cependant, le Tribunal estime qu’il y a lieu d’interpréter la requête en ce sens qu’elle désigne l’OHMI comme partie défenderesse, dès lors que la requérante a expressément indiqué que le recours était dirigé contre la décision attaquée (affaire R 269/2004-1). Par ailleurs, l’OHMI a indiqué, lors de l’audience, ne pas s’attacher à la présentation formelle du recours, lequel vise la décision attaquée, et a précisé qu’il n’avait pas souhaité soulever d’exception d’irrecevabilité.

16      L’OHMI conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        rejeter le recours ;

–        condamner la requérante aux dépens.

17      L’intervenante conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        rejeter le recours ;

–        condamner la requérante aux dépens.

 En droit

18      À l’appui de son recours, la requérante invoque un moyen unique, tiré d’une violation de l’article 15, paragraphe 2, sous a), du règlement n° 40/94.

 Arguments des parties

19      La requérante fait valoir que la chambre de recours a violé l’article 15, paragraphe 2, sous a), du règlement n° 40/94, en considérant que les preuves de l’usage de la marque nationale antérieure établissaient un usage sérieux de celle-ci sous une forme qui ne diffère de celle sous laquelle elle a été enregistrée que par des éléments qui ne sont pas susceptibles d’en altérer le caractère distinctif. La chambre de recours aurait fait une mauvaise appréciation de l’importance des modifications figuratives qu’aurait subies, en 1999, la marque nationale antérieure.

20      À cet égard, la requérante indique que les caractères typographiques de la marque antérieure telle qu’utilisée en 1999 sont complètement différents de ceux qui apparaissent sur la marque enregistrée. Par ailleurs, la marque utilisée en 1999 comporterait, entre les termes « valle de » et les termes « la luna », l’ajout d’un dessin qui serait de nature à modifier fortement la forme sous laquelle la marque nationale antérieure avait été enregistrée.

21      La requérante en déduit que l’usage sérieux de la marque nationale antérieure a été interrompu pendant toute l’année 1999 et que, de ce fait, l’intervenante n’a pas prouvé un usage continu pendant les cinq ans précédant la publication de la demande d’enregistrement, ce qu’aurait exigé la réglementation.

22      L’OHMI et l’intervenante estiment que la chambre de recours a correctement appliqué l’article 15, paragraphe 2, sous a), et l’article 43, paragraphe 2, du règlement n° 40/94, car les modifications apportées à la marque figurative enregistrée n’auraient pas modifié son caractère distinctif, compte tenu, notamment, du caractère dominant de l’élément verbal par rapport au dessin ainsi que du maintien de l’utilisation de caractères d’imprimeries pour les termes « valle de la luna ». L’intervenante en déduit que la marque nationale antérieure a été utilisée de manière ininterrompue pendant la période pertinente.

23      Selon l’OHMI, les modifications apportées à la marque enregistrée n’étaient pas susceptibles d’en altérer de manière significative le caractère distinctif et, partant, l’article 15, paragraphe 2, sous a), du règlement n° 40/94 n’était pas applicable. Par ailleurs, le raisonnement suivi par la chambre de recours ne serait entaché d’aucun vice de logique ni d’insuffisance de motivation.

 Appréciation du Tribunal

24      Par son moyen unique, la requérante vise, en substance, une violation de l’article 15, paragraphe 2, sous a), du règlement n° 40/94, lu en combinaison avec l’article 43, paragraphes 2 et 3, du même règlement, puisque, en réalité, elle conteste l’appréciation par laquelle la chambre de recours a reconnu l’usage sérieux de la marque nationale antérieure telle qu’invoquée dans l’acte d’opposition, c’est-à-dire celle dans la forme sous laquelle elle a été enregistrée.

25      En vertu de l’application combinée de l’article 15, paragraphe 2, sous a), et de l’article 43, paragraphes 2 et 3, du règlement n° 40/94, la preuve de l’usage sérieux d’une marque antérieure, nationale ou communautaire, sur laquelle se fonde une opposition à l’encontre d’une demande de marque communautaire, comprend également la preuve de l’usage de la marque antérieure sous une forme qui diffère par des éléments n’altérant pas le caractère distinctif de cette marque dans la forme sous laquelle elle a été enregistrée [voir arrêt du Tribunal du 24 novembre 2005, GfK/OHMI – BUS (Online Bus), T‑135/04, non encore publié au Recueil, point 31, et la jurisprudence citée].

26      Selon l’article 43, paragraphes 2 et 3, du règlement n° 40/94, une opposition formée à l’encontre de l’enregistrement d’une marque communautaire est rejetée si le titulaire de la marque antérieure en cause n’apporte pas la preuve que celle‑ci a fait, de sa part, l’objet d’un usage sérieux au cours des cinq années qui précèdent la publication de la demande de marque communautaire. Contrairement à ce que la requérante fait valoir, cette disposition n’exige pas que l’usage soit prouvé pendant une période continue et non interrompue de cinq ans. En effet, le libellé de l’article 43, paragraphes 2 et 3, du règlement nº 40/94 n’exige nullement un usage continu et interrompu pendant une période de cinq ans, mais uniquement un usage sérieux au cours des cinq années qui précèdent la publication de la demande de marque communautaire.

27      Par ailleurs, il ressort de l’article 15, paragraphe 1, du même règlement, que tombent sous le coup des sanctions prévues par celui-ci les seules marques qui, dans un délai de cinq ans à compter de l’enregistrement, n’ont pas fait l’objet par le titulaire d’un usage sérieux ou dont l’usage sérieux a été suspendu pendant un délai ininterrompu de cinq ans. Partant, il suffit qu’une marque ait fait l’objet d’un usage sérieux pendant une partie de la période pertinente pour échapper auxdites sanctions [arrêts du Tribunal du 8 juillet 2004, MFE Marienfelde/OHMI – Vétoquinol (HIPOVITON), T‑334/01, Rec. p. II‑2787, point 40, et Sunrider/OHMI – Espadafor Caba (VITAFRUIT), T‑203/02, Rec. p. II‑2811, point 45].

28      En l’espèce, la demande de marque communautaire ayant été publiée le 23 juillet 2001, la période de cinq ans visée à l’article 43, paragraphes 2 et 3, du règlement n° 40/94 s’étend du 23 juillet 1996 au 22 juillet 2001. Or, la requérante allègue uniquement que la marque utilisée en 1999 se différencie sensiblement de la marque enregistrée en 1996 et que l’usage de la marque antérieure a été interrompu pendant toute l’année 1999. Ce faisant, elle ne conteste pas que l’intervenante a démontré l’usage sérieux de la marque nationale antérieure dans la forme sous laquelle elle a été enregistrée pour tout le reste de la période pertinente, à savoir du 23 juillet 1996 au 31 décembre 1998 et du 1er janvier 2000 au 22 juillet 2001. Dès lors et conformément à la jurisprudence citée point 27 supra, elle ne peut prétendre qu’est applicable à la marque antérieure la sanction prévue à l’article 43, paragraphes 2 et 3, du règlement n° 40/94, à savoir le rejet de l’opposition.

29      Il en découle que, même à supposer que, lors de son appréciation de l’usage de la marque antérieure pour l’année 1999, la chambre de recours ait méconnu l’article 15, paragraphe 2, sous a), du règlement n° 40/94, une telle erreur ne serait pas susceptible de conduire à l’annulation de la décision attaquée. En effet, la suspension, pendant une année au cours de la période pertinente, de l’usage de la marque antérieure, à la supposer avérée, ne serait pas un élément suffisant pour remettre en cause la reconnaissance d’un usage sérieux de celle-ci.

30      Au regard de ce qui précède, le moyen unique tiré d’une violation de l’article 15, paragraphe 2, sous a), du règlement n° 40/94, lu en combinaison avec l’article 43, paragraphes 2 et 3, du même règlement n’est pas fondé et, partant, il convient de rejeter l’ensemble du recours.

 Sur les dépens

31      Aux termes de l’article 87, paragraphe 2, du règlement de procédure, toute partie qui succombe est condamnée aux dépens, s’il est conclu en ce sens. La requérante ayant succombé, il y a lieu de la condamner aux dépens, conformément aux conclusions de l’OHMI et de l’intervenante.

Par ces motifs,

LE TRIBUNAL (troisième chambre)

déclare et arrête :

1)      Le recours est rejeté.

2)      La requérante est condamnée aux dépens de l’Office de l’harmonisation dans le marché intérieur (marques, dessins et modèles) et de l’intervenante.

Jaeger

Azizi

Cremona

Ainsi prononcé en audience publique à Luxembourg, le 4 octobre 2006.

Le greffier

 

       Le président

E. Coulon

 

       M. Jaeger


* Langue de procédure : l’italien.