Language of document : ECLI:EU:T:2006:324

DOCUMENT DE TRAVAIL

ARRÊT DU TRIBUNAL (deuxième chambre)

17 octobre 2006 (*)

« Marque communautaire – Procédure d’opposition – Demande de marque communautaire verbale STENINGE SLOTT – Marque verbale antérieure STENINGE KERAMIK – Risque de confusion »

Dans l’affaire T‑499/04,

Hammarplast AB, établie à Tingsryd (Suède), représentée par Me R. Almaraz Palmero, avocat,

partie requérante,

contre

Office de l’harmonisation dans le marché intérieur (marques, dessins et modèles) (OHMI), représenté par M. A. Folliard-Monguiral, en qualité d’agent,

partie défenderesse,

l’autre partie à la procédure devant la chambre de recours de l’OHMI, intervenant devant le Tribunal, étant

Steninge Slott AB, établie à Märast (Suède), représentée par Me M. Björkenfeldt, avocat,

ayant pour objet un recours formé contre la décision de la deuxième chambre de recours de l’OHMI du 25 octobre 2004 (affaire R 394/2003‑2), concernant l’opposition introduite par le titulaire de la marque nationale STENINGE KERAMIK à l’encontre de l’enregistrement de la marque communautaire STENINGE SLOTT,

LE TRIBUNAL DE PREMIÈRE INSTANCE
DES COMMUNAUTÉS EUROPÉENNES (deuxième chambre),

composé de MM. J. Pirrung, président, N. J. Forwood et S. Papasavvas, juges,

greffier : M. J. Plingers, administrateur,

à la suite de l’audience du 21 mars 2006,

rend le présent

Arrêt

 Antécédents du litige

1        Le 5 janvier 2000, Steninge Slott AB, partie intervenante dans le présent recours (ci-après l’« intervenante »), a présenté une demande de marque communautaire à l’Office de l’harmonisation dans le marché intérieur (marques, dessins et modèles) (OHMI), en vertu du règlement (CE) n° 40/94 du Conseil, du 20 décembre 1993, sur la marque communautaire (JO 1994, L 11, p. 1), tel que modifié.

2        La marque dont l’enregistrement a été demandé est le signe verbal STENINGE SLOTT.

3        Les produits pour lesquels l’enregistrement a été demandé relèvent de la classe 21 au sens de l’arrangement de Nice concernant la classification internationale des produits et des services aux fins de l’enregistrement des marques, du 15 juin 1957, tel que révisé et modifié, et correspondent à la description suivante : « produits de style en verre, cristal ou porcelaine pour décoration domestique et intérieure ».

4        Le 14 novembre 2000, Hammarplast AB, partie requérante dans le présent recours (ci-après la « requérante »), a formé une opposition à l’encontre de l’enregistrement de la marque demandée pour tous les produits couverts par cette dernière, en se fondant sur sa marque verbale suédoise antérieure n° 209251, STENINGE KERAMIK, enregistrée pour les produits relevant de la classe 21 et correspondant à la description suivante : « pots de fleurs en céramique incluant tant les pots d’extérieur que d’intérieur ».

5        Par décision du 24 avril 2003, la division d’opposition de l’OHMI a accueilli l’opposition.

6        Le 18 juin 2003, l’intervenante a formé un recours à l’encontre de cette décision dans lequel elle a limité la liste des produits couverts par la marque demandée aux produits suivants : « produits de style en verre et cristal pour décoration domestique et intérieure ». Cette limitation visait ainsi à exclure les produits en porcelaine de la liste des produits couverts.

7        Par décision du 25 octobre 2004 (affaire R 394/2003-2) (ci‑après la « décision attaquée »), la deuxième chambre de recours de l’OHMI a pris note de la restriction de la liste des produits effectuée dans l’acte de recours, a accueilli celui-ci et a rejeté l’opposition. En substance, la chambre de recours a considéré que, pour le consommateur moyen suédois, compte tenu du fait que les produits visés par les marques opposées avaient un faible degré de similarité, les signes en conflit comportaient des différences visuelles, phonétiques et conceptuelles permettant d’écarter un risque de confusion entre les marques opposées.

 Procédure et conclusions des parties

8        Par requête déposée au greffe du Tribunal le 23 décembre 2004, la requérante a introduit le présent recours. L’OHMI et l’intervenante ont déposé leur mémoire en réponse, respectivement, le 5 et le 20 avril 2005.

9        Sur rapport du juge rapporteur, le Tribunal (deuxième chambre) a décidé d’ouvrir la procédure orale et, dans le cadre des mesures d’organisation de la procédure prévues à l’article 64 du règlement de procédure du Tribunal, a posé par écrit à l’OHMI, en l’invitant à y répondre lors de l’audience, la question de savoir quel était le statut juridique exact de la limitation de la liste des produits couverts par la marque demandée, effectuée par l’intervenante dans son acte d’appel devant la chambre de recours, et figurant au dispositif de la décision attaquée (voir points 6 et 7 ci-dessus).

10      Les parties ont été entendues en leurs plaidoiries et en leurs réponses aux questions écrites et orales posées par le Tribunal lors de l’audience du 21 mars 2006.

11      Lors de cette audience, la requérante a expressément renoncé à son deuxième chef de conclusions visant à voir ordonner à l’OHMI de refuser l’enregistrement de la marque demandée, ce dont il a été pris acte.

12      La requérante conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        annuler la décision attaquée ;

–        condamner l’OHMI et l’intervenante aux dépens relatifs à la procédure devant le Tribunal et devant la chambre de recours.

13      L’OHMI et l’intervenante concluent à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        rejeter le recours ;

–        condamner la requérante aux dépens.

 En droit

 Sur la recevabilité

 Arguments des parties

14      L’OHMI et l’intervenante exposent que la requérante invoque pour la première fois devant le Tribunal, d’une part, le caractère distinctif de la marque antérieure du fait de son usage depuis 1986 et, d’autre part, un élément de preuve constitué par une publicité pour un pot de fleurs en verre. Ils estiment que de tels éléments sont irrecevables, soit en raison du fait que l’invocation du caractère distinctif acquis constitue une modification de l’objet du litige contraire à l’article 135, paragraphe 4, du règlement de procédure [arrêt du Tribunal du 1er février 2005, SPAG/OHMI – Dann et Backer (HOOLIGAN), T‑57/03, Rec. p. II-287, points 30 et 31], soit en raison du fait que l’élément de preuve a été fourni hors délais [arrêt du Tribunal du 16 mars 2005, L’Oréal/OHMI – Revlon (FLEXI AIR), T‑112/03, Rec. p. II-949, points 28 à 33].

15      La requérante a fait valoir, lors de l’audience, que la publicité pour un pot de fleurs en verre, annexée à sa requête, est d’ordre informatif et qu’il n’est pas nécessaire, en toute hypothèse, de prouver un fait notoire tel que l’existence de pot de fleurs en cette matière.

 Appréciation du Tribunal

16      En premier lieu, il apparaît, après vérification du dossier de procédure devant l’OHMI, que l’annexe 6 de la requête, constituée par une publicité pour un pot de fleurs en verre, n’a pas été soumise à l’OHMI.

17      Or, selon une jurisprudence constante, des éléments de fait invoqués devant le Tribunal sans avoir été portés auparavant devant l’une des instances de l’OHMI doivent être écartés (voir arrêt HOOLIGAN, point 14 supra, point 20, et la nombreuse jurisprudence citée).

18      Il en résulte, en l’espèce, que l’annexe 6 de la requête est irrecevable devant le Tribunal. En revanche, rien ne s’oppose à ce que la requérante invoque, comme fait notoire, la circonstance que les pots de fleurs peuvent être en verre.

19      En second lieu, il apparaît, après vérification du dossier de procédure devant l’OHMI, que le caractère distinctif acquis par l’usage de la marque antérieure n’a pas été invoqué devant l’OHMI.

20      Or, selon une jurisprudence désormais bien établie, des éléments de droit invoqués devant le Tribunal sans avoir été portés auparavant devant les instances de l’OHMI, et pour autant qu’un examen de ces éléments par ces instances n’était pas obligatoire pour résoudre le litige porté devant elles, sont irrecevables [arrêt HOOLIGAN, point 14 supra, points 21 et 22 ; voir également, en ce sens, arrêt du Tribunal du 22 octobre 2003, Éditions Albert René/OHMI – Trucco (Starix), T‑311/01, Rec. p. II‑4625, point 72].

21      À cet égard, il doit être relevé que l’invocation, tant dans une procédure ex parte que dans une procédure inter partes, du caractère distinctif acquis par l’usage constitue une question de droit autonome par rapport à celle du caractère distinctif intrinsèque de la marque en cause (arrêt HOOLIGAN, point 14 supra, point 30, et la jurisprudence citée). Dès lors, en l’absence d’invocation, par l’une des parties devant l’OHMI, du caractère distinctif acquis par sa marque, l’OHMI n’est pas tenu d’examiner d’office l’existence de ce caractère.

22      Il en résulte, en l’espèce, que l’invocation du caractère distinctif acquis par l’usage de la marque antérieure est irrecevable devant le Tribunal.

 Sur le fond

23      La requérante considère que la chambre de recours a violé l’article 8, paragraphe 1, sous b), du règlement n° 40/94 en concluant à l’absence de similitude des produits visés par les marques opposées, à l’absence de similitude des signes en conflit et, partant, à l’absence d’un risque de confusion entre les marques en conflit.

24      Aux termes de l’article 8, paragraphe 1, sous b), du règlement n° 40/94, sur opposition du titulaire d’une marque antérieure, une marque est refusée à l’enregistrement lorsque, en raison de son identité ou de sa similitude avec une marque antérieure et en raison de l’identité ou de la similitude des produits ou des services que les deux marques désignent, il existe un risque de confusion dans l’esprit du public du territoire sur lequel la marque antérieure est protégée.

25      Selon une jurisprudence constante, le risque de confusion quant à l’origine commerciale des produits ou des services doit être apprécié globalement selon la perception que le public pertinent a des signes et des produits ou services en cause et en tenant compte de tous les facteurs caractérisant le cas d’espèce, notamment de l’interdépendance de la similitude des signes et de celle des produits ou services désignés [voir arrêt du Tribunal du 9 juillet 2003, Laboratorios RTB/OHMI – Giorgio Beverly Hills (GIORGIO BEVERLY HILLS), T‑162/01, Rec. p. II‑2821, points 29 à 33, et la jurisprudence citée].

26      S’agissant du public pertinent, la chambre de recours l’a défini comme étant le consommateur moyen suédois (décision attaquée, points 16 et 29). Cette définition est reprise et employée par la requérante. En conséquence, cette définition n’est pas contestée et doit donc être retenue.

27      En revanche, les parties s’opposent tant sur le degré de similitude entre les produits que sur le degré de similitude entre les signes en conflit et sur les conclusions qu’il convient d’en tirer quant au risque de confusion.

 Sur la similitude entre les produits

–       Arguments des parties

28      La requérante prétend que les produits visés par les marques opposées sont similaires. Contrairement à l’opinion de la chambre de recours (point 21 de la décision attaquée), les pots de fleurs pourraient être en verre et seraient alors très analogues à des pots en céramique. Les pots de fleurs pourraient être des produits de style en verre, cristal ou porcelaine et seraient alors presque identiques à des pots de style en céramique destinés à la décoration d’intérieur. Ces produits pourraient être vendus dans les mêmes magasins. Ils relèveraient tous de la classe 21.

29      L’OHMI estime que les conclusions de la chambre de recours selon lesquelles la similarité entre ces produits existe, mais à un faible degré, sont justifiées.

30      En réponse à une question du Tribunal, l’OHMI a confirmé, lors de l’audience, que la limitation de la liste des produits couverts par la marque demandée avait été effectuée de manière régulière, c’est-à-dire par écrit et sans réserve, et que cette limitation avait donné lieu à une nouvelle publication de la demande de marque. À cet égard, la désignation de produits en porcelaine au point 20 de la décision attaquée correspondrait à une erreur de plume.

31      L’intervenante fait valoir que la requérante avance, à tort, que la demande de marque couvre encore la définition originale des produits alors que l’élément « porcelaine » a été abandonné. De plus, il y aurait une différence considérable, d’un point de vue technique et industriel, entre la céramique ou la porcelaine, d’une part, et le verre ou le cristal, d’autre part. Les pots de fleurs normaux en céramique seraient des produits bon marché, fabriqués en masse, qui ne pourraient être comparés aux produits de grande qualité vendus sous la marque demandée.

–       Appréciation du Tribunal

32      Selon une jurisprudence constante, pour apprécier la similitude entre les produits ou les services en cause, il y a lieu de tenir compte de tous les facteurs pertinents qui caractérisent le rapport entre les produits ou les services. Ces facteurs incluent, en particulier, leur nature, leur destination, leur utilisation ainsi que leur caractère concurrent ou complémentaire [arrêt du Tribunal du 24 novembre 2005, Sadas/OHMI – LTJ Diffusion (ARTHUR ET FELICIE), T‑346/04, non encore publié au Recueil, point 33 ; voir également, par analogie, arrêt de la Cour du 29 septembre 1998, Canon, C‑39/97, Rec. p. I‑5507, point 23].

33      Au préalable, il convient de constater que, au vu des réponses de l’OHMI aux questions du Tribunal, la limitation de la liste des produits couverts par la marque demandée, effectuée par l’intervenante dans son acte d’appel devant la chambre de recours, est régulière et définitive. D’une part, la requérante a eu connaissance immédiate de cette limitation par la notification de cet acte d’appel. Ainsi, l’obligation du contradictoire applicable dans une procédure inter partes a été respectée, de sorte que cette limitation était opposable à la requérante. D’autre part, cette limitation a été actée par la chambre de recours dans le dispositif de la décision attaquée, dont découle la force obligatoire de cette limitation. De plus, cette limitation a fait l’objet d’une publication, conformément à l’article 44, paragraphe 1, du règlement n° 40/94, ce qui empêche définitivement l’intervenante de se prévaloir de l’enregistrement éventuel de sa marque à l’égard des produits en porcelaine.

34      À cet égard, il y a lieu d’admettre que la chambre de recours, en mentionnant, au point 20 de la décision attaquée, les produits en porcelaine parmi les produits devant être comparés en l’espèce, a commis une simple erreur de plume. En effet, d’une part, son raisonnement ne prend pas en compte les produits en porcelaine et, d’autre part, le dispositif de la décision attaquée mentionne expressément la limitation effectuée par l’intervenante.

35      S’agissant plus précisément de la similitude entre les produits en cause, dans la décision attaquée, la chambre de recours a estimé que, d’une part, les produits de style en verre ou en cristal pour la décoration domestique et intérieure et, d’autre part, les pots de fleurs en céramique incluant les pots tant d’extérieur que d’intérieur présentaient un faible degré de similitude. Elle a considéré que, si tous ces produits peuvent être utilisés pour la décoration, la fonction première des pots de fleurs est de contenir des plantes et seuls certains pots comportant un élément artistique peuvent servir de décoration, en association avec ces plantes ou ces fleurs. En revanche, la fonction première des produits de style en verre ou en cristal est de décorer, sans qu’il y ait besoin d’ajouter des plantes. De plus, selon la chambre de recours, les pots de fleurs en verre sont rares. Enfin, les deux catégories de produits sont généralement vendues dans des magasins différents ou dans des sections de grands magasins différentes (décision attaquée, point 21).

36      Ce raisonnement doit être approuvé. Ainsi que le souligne à juste titre l’OHMI, les produits en cause sont de différente nature, sont destinés à des usages différents, ne sont ni interchangeables ni en concurrence et ne sont pas complémentaires. Même s’ils peuvent, occasionnellement, être destinés au même usage ou être vendus à travers les mêmes canaux de distribution, ces produits sont, en règle générale, effectivement recherchés pour des usages différents ou vendus dans des magasins différents. En outre, des produits de style visent un public différent de celui concerné par les pots de fleurs, ou un public ayant des besoins différents.

37      S’il ne peut être exclu qu’il existe des pots de fleurs en verre, cette éventualité n’en demeure pas moins l’exception et non la règle. Elle est ainsi inapte à faire disparaître les forts éléments de dissimilitude entre les catégories de produits couverts par chacune des marques opposées.

38      En conséquence, l’appréciation de la chambre de recours selon laquelle les produits en cause présentent un faible degré de similitude est fondée.

 Sur les signes en conflit

–       Arguments des parties

39      La requérante avance, en substance, que l’élément « Steninge », commun aux deux marques, est l’élément dominant de la marque antérieure. D’une part, les consommateurs auraient tendance à attacher plus d’importance au début des signes et à retenir celui-ci. De plus, ce premier élément serait l’élément dominant, ainsi que le confirmerait la pratique du « Swedish Patent Office » (Office des brevets et des enregistrements suédois) à l’égard des appellations géographiques. D’autre part, les mots « keramik » et « slott » seraient perçus comme secondaires, l’élément « keramik » (céramique) étant purement descriptif. Dès lors, les éléments similaires l’emporteraient sur les éléments différents.

40      Selon la requérante, la chambre de recours ne peut se baser sur des déductions non claires et non documentées en considérant que le consommateur suédois saura ou pensera que les termes « steninge slott » renvoient à un château particulier.

41      L’OHMI relève que le territoire pertinent est la Suède, que le mot « Steninge » fait référence à une localité suédoise connue pour son château, que le mot « slott » signifie château en suédois, que le mot « keramik » signifie céramique et qu’il n’est pas contesté que les mots « slott » et « keramik » sont entièrement dissemblables. L’image de la marque demandée, évoquant celle d’un château dans la localité de Steninge, serait totalement différente de celle induite par la marque antérieure, évoquant de la céramique provenant de cette localité ou en lien avec celle-ci.

42      L’OHMI estime, en substance, que l’élément commun « Steninge », en tant que nom géographique, a un très faible caractère distinctif, s’il en a (arrêt de la Cour du 4 mai 1999, Windsurfing Chiemsee, C‑108/97 et C‑109/97, Rec. p. I‑2779, points 29 et 30). En conséquence, le minimum de caractère distinctif requis pour l’enregistrement de la marque antérieure résiderait dans l’association des deux mots la composant et non pas dans le seul mot « Steninge ». La chambre de recours pourrait prendre en compte le fait que le mot « Steninge » est un nom géographique en tant que fait notoire (arrêt HOOLIGAN, point 14 supra, point 59).

43      L’intervenante fait valoir que la marque demandée donne au consommateur une impression générale de produit de grande qualité, car le mot « slott » signifie palace, et non château. Le palace Steninge Slott existerait depuis le XVIIe siècle, il aurait joué un rôle important dans l’histoire de la Suède et serait, de nos jours, un centre culturel. Si le consommateur ne comprenait pas cette signification, alors le mot « slott » serait complètement différent du mot « keramik » sous tous ses aspects, visuel, phonétique et conceptuel.

44      Selon l’intervenante, la requérante ne peut s’appuyer sur « la pratique stricte, bien connue, de l’Office des brevets et des enregistrements suédois concernant les indications géographiques » au vu de la composition de la chambre de recours, réunissant l’ancien chef du département des brevets de cet office puis juge à la « Swedish Court of Patent Appeals » (cour d’appel des brevets suédoise) et un membre de cette chambre ayant servi pendant 17 ans à la Cour de justice des Communautés européennes.

–       Appréciation du Tribunal

45      Selon une jurisprudence constante, l’appréciation globale du risque de confusion, en ce qui concerne la similitude visuelle, auditive ou conceptuelle des signes en cause, doit être fondée sur l’impression d’ensemble produite par ceux‑ci, en tenant compte, notamment, de leurs éléments distinctifs et dominants (arrêts de la Cour du 11 novembre 1997, SABEL, C‑251/95, Rec. p. I‑6191, point 23, et du 22 juin 1999, Lloyd Schuhfabrik Meyer, C‑342/97, Rec. p. I‑3819, point 25 ; arrêt HOOLIGAN, point 14 supra, point 54). Il y a lieu également, lors de la détermination de leur degré de similitude visuelle, auditive et conceptuelle, d’évaluer, le cas échéant, l’importance qu’il convient d’attacher à ces différents éléments, en tenant compte de la catégorie de produits ou services en cause et des conditions dans lesquelles ils sont commercialisés (arrêt Lloyd Schuhfabrik Meyer, précité, point 27 ; arrêt HOOLIGAN, point 14 supra, point 54).

46      Dans la décision attaquée, la chambre de recours a d’abord constaté que « Steninge » était un nom géographique, mais sans lien avec la céramique. Les noms géographiques pourraient faire partie d’une marque ou être une marque, mais leur distinctivité intrinsèque serait généralement peu élevée (point 22). Au principal, les signes en conflit offriraient un certain degré de similitude visuelle (point 23) et phonétique (point 24) basé sur l’élément commun « Steninge ». Selon la chambre de recours, l’impression conceptuelle est néanmoins différente : STENINGE KERAMIK évoque l’idée de céramiques provenant de Steninge ou vendues dans cette localité et STENINGE SLOTT évoque le château de Steninge bien connu (point 25) pour un consommateur suédois (point 29). La chambre de recours n’offre pas de conclusion formelle de son analyse des signes en conflit, mais s’appuie sur leurs différences pour conclure sur le risque de confusion (point 30).

47      Il y a lieu de constater que les marques en conflit possèdent un élément commun, « Steninge », qui est nécessairement identique pour les deux marques, tant d’un point de vue visuel que phonétique ou conceptuel. Il est constant que ce mot fait référence à une localisation géographique suédoise, sans, toutefois, que les parties s’accordent sur la signification précise de cette localisation, selon qu’on retienne l’un des lieux-dits portant ce nom en Suède ou le lieu où est implanté un bâtiment historique. Ces marques possèdent également un élément totalement dissemblable, soit l’élément « keramik » (céramique) pour la marque antérieure, soit l’élément « slott » (palace ; traduction non contestée par la requérante) pour la marque demandée. En conséquence, d’un point de vue visuel, phonétique et conceptuel, ces marques présentent des ressemblances et des différences.

48      Les parties s’opposent quant au poids à accorder à chacun des éléments des marques en cause. Selon la requérante, la position première de l’élément commun « Steninge » et l’absence totale de caractère distinctif du second élément de sa marque « keramik » confèrent à ce premier élément un caractère dominant. Il en résulte que les ressemblances entre les marques opposées sont plus importantes que leurs différences. À l’inverse, selon l’OHMI, la nature d’appellation géographique du premier élément le rend non distinctif, ou, à tout le moins, selon la chambre de recours, peu distinctif, ce qui oblige à analyser les deux termes de chaque marque de façon globale.

49      À cet égard, il convient de rejeter l’argument de la requérante selon lequel l’Office des brevets et des enregistrements suédois, malgré sa pratique « stricte » concernant les indications géographiques, aurait nécessairement reconnu, lors de l’enregistrement de la marque antérieure, le caractère distinctif de l’élément « Steninge », puisque l’élément « keramik » serait totalement descriptif. Premièrement, selon une jurisprudence constante, les enregistrements d’ores et déjà effectués dans des États membres ne constituent que des éléments qui, sans être déterminants, peuvent seulement être pris en considération aux fins de l’enregistrement d’une marque communautaire. Il convient d’ajouter qu’aucune disposition du règlement n° 40/94 n’oblige l’OHMI ou, sur recours, le Tribunal à parvenir à des résultats identiques à ceux atteints par les administrations nationales dans une situation similaire (arrêt de la Cour du 12 janvier 2006, Deutsche SiSi‑Werke/OHMI, C‑173/04 P, Rec. p. I‑551, point 49 ; arrêt du Tribunal du 27 février 2002, Streamserve/OHMI (STREAMSERVE), T‑106/00, Rec. p. II‑723, point 47). Deuxièmement, même si, selon la même jurisprudence, cette pratique alléguée constitue certainement un indice pertinent d’analyse, non seulement rien n’étaye l’exposé de cette pratique dans le dossier, mais, de plus, rien n’indique que, dans un conflit semblable à celui de l’espèce, cet office national aurait agi dans le sens souhaité par la requérante.

50      D’un point de vue communautaire, il est effectivement nécessaire, d’après la jurisprudence, d’accorder un poids supérieur à l’élément dominant d’une marque composée lors de l’analyse du risque de confusion. Toutefois, il apparaît, en l’espèce, notamment en raison du caractère géographique de l’élément « Steninge », que ce terme n’acquiert une véritable signification qu’en raison de sa liaison avec le second terme des marques en conflit.

51      En effet, ainsi que l’a constaté la chambre de recours (décision attaquée, point 25), la marque demandée fait directement référence à un bâtiment dont il n’est pas contesté qu’il corresponde à un bâtiment historique situé en Suède, même si la célébrité de cet endroit est niée par la requérante. En conséquence, cette marque demandée n’a de signification que par rapport à ce bâtiment. De même, l’élément « keramik » de la marque antérieure n’acquiert une signification permettant d’indiquer une origine commerciale des produits visés qu’en liaison avec l’élément « Steninge », signifiant alors céramiques de Steninge. Dès lors, l’analyse, notamment conceptuelle, des marques opposées doit se faire au regard de leur expression entière.

52      À cet égard, la requérante conteste, en raison de l’absence de preuve de cette assertion, l’appréciation de la chambre de recours selon laquelle, pour le consommateur moyen suédois, STENINGE SLOTT ferait référence au palace historique bien connu de Steninge.

53      Il convient de rappeler que les chambres de recours ont la charge de déterminer, y compris en l’absence de preuves scientifiquement démontrables, pouvant être apportées par les parties, la perception que le public pertinent aura des marques en conflit. Les chambres de recours peuvent être ainsi amenées à supputer quelle sera cette perception. Pour ce faire, elles peuvent s’appuyer sur des faits notoires et/ou sur les connaissances particulières de ces faits notoires par leurs membres (arrêt HOOLIGAN, point 14 supra, point 59), sous réserve de la démonstration, par la partie à laquelle cette appréciation fait grief, d’une erreur d’appréciation au regard du caractère notoire de ces faits.

54      En l’espèce, il ressort du dossier que le palace de Steninge a une dimension historique nationale qui lui octroie une réelle notoriété au sein du public suédois. Même en tenant compte de la difficulté d’en apporter la preuve contraire, la requérante n’a fourni aucun indice que ce château ne bénéficiait pas d’une notoriété particulière au sein de ce public. Par ailleurs, il n’est pas prétendu que Steninge désignerait un lieu connu en Suède pour sa céramique.

55      En conséquence, la chambre de recours a correctement établi que, d’un point de vue conceptuel, les termes « Steninge slott » (palace de Steninge) comportent une signification tout à fait particulière pour le public pertinent par rapport à celle, sans réelle signification spécifique, de « Steninge keramik » (céramiques de Steninge) et que la marque demandée sera reconnue par le consommateur suédois comme se référant au palace de Steninge alors que la marque de l’opposante sera reconnue comme n’évoquant que des céramiques en relation avec Steninge (décision attaquée, point 29).

56      Cette différence conceptuelle entraîne une dissemblance réelle, en ce qui concerne les marques opposées prises dans leur ensemble, l’emportant largement sur leurs ressemblances visuelles ou phonétiques résultant de leur premier élément commun « Steninge ».

57      Il résulte de ce qui précède que la chambre de recours a estimé, à juste titre, que les signes en conflit présentaient des différences l’emportant sur leurs ressemblances.

 Sur le risque de confusion

–       Arguments des parties

58      Selon la requérante, le public pertinent est le consommateur moyen, c’est-à-dire le consommateur qui n’est pas très informé sur les marques, pas très observateur et circonspect sur les faibles différences entre les produits de la classe 21, spécialement au regard des produits couverts par les marques opposées. Au regard de la similitude des produits et des ressemblances entre les signes, le public pertinent pourrait raisonnablement croire que les produits proviennent, si ce n’est de la même entreprise, d’entreprises économiquement liées. L’impression globale donnée par les marques opposées serait que la marque demandée est une déclinaison de la marque antérieure et a la même origine commerciale. Il en résulterait un risque de confusion, comprenant un risque d’association pour le public pertinent.

59      Le degré de distinctivité ne serait pas d’un intérêt majeur en l’espèce en présence de deux marques enregistrables en elles-mêmes. La demande de marque STENINGE SLOTT devrait être rejetée, non pas pour manque de distinctivité, mais à cause de l’existence antérieure de la marque STENINGE KERAMIK.

60      Enfin, le fait que les mots « Steninge slott » constituent le nom commercial de l’intervenante ne serait pas pertinent dans le cadre de l’article 8, paragraphe 1, sous b), du règlement n° 40/94, dès lors que cette circonstance n’a pas d’impact sur l’appréciation du risque de confusion.

61      L’OHMI et l’intervenante estiment que, au vu des différences entre les produits couverts par les marques opposées, du degré limité de distinctivité de l’élément « Steninge » et des différences globales entre les signes, il n’existe pas de risque de confusion pour le public suédois.

–       Appréciation du Tribunal

62      La chambre de recours ayant constaté à juste titre que les produits en cause présentaient un faible degré de similitude et que les signes en conflit présentaient des différences importantes en raison de leur différence conceptuelle, elle en a conclu, tout aussi justement, qu’il n’existait pas de risque de confusion entre les marques opposées en Suède, pour le consommateur moyen (décision attaquée, points 29 et 30).

63      Cette conclusion de la chambre de recours doit être approuvée y compris au regard du risque d’association des marques opposées, allégué par la requérante, dans la mesure où les différences entre ces marques suffisent à écarter également le risque que le consommateur moyen considère l’une de ces marques comme étant une déclinaison de l’autre.

64      Au vu de tout ce qui précède, il convient de rejeter le présent recours.

 Sur les dépens

65      Aux termes de l’article 87, paragraphe 2, du règlement de procédure, toute partie qui succombe est condamnée aux dépens, s’il est conclu en ce sens. La requérante ayant succombé, il y a lieu de la condamner aux dépens, conformément aux conclusions de l’OHMI et de l’intervenante.

Par ces motifs,

LE TRIBUNAL (deuxième chambre)

déclare et arrête :

1)      Le recours est rejeté.

2)      La partie requérante est condamnée aux dépens.

Pirrung

Forwood

Papasavvas

Ainsi prononcé en audience publique à Luxembourg, le 17 octobre 2006.

Le greffier

 

       Le président

E. Coulon

 

       J. Pirrung


* Langue de procédure : l’anglais.