Language of document : ECLI:EU:C:2010:601

Affaire C-45/09

Gisela Rosenbladt

contre

Oellerking Gebäudereinigungsges. mbH

(demande de décision préjudicielle, introduite par l'Arbeitsgericht Hamburg)

«Directive 2000/78/CE — Discriminations fondées sur l’âge — Cessation du contrat de travail pour cause d’âge de départ à la retraite»

Sommaire de l'arrêt

1.        Questions préjudicielles — Compétence de la Cour — Demande nouvelle sur une question tranchée par la Cour — Recevabilité

(Art. 267 TFUE)

2.        Politique sociale — Égalité de traitement en matière d'emploi et de travail — Directive 2000/78 — Interdiction de discrimination fondée sur l'âge

(Directive du Conseil 2000/78, art. 6, § 1)

3.        Politique sociale — Égalité de traitement en matière d'emploi et de travail — Directive 2000/78 — Interdiction de discrimination fondée sur l'âge

(Directive du Conseil 2000/78, art. 6, § 1)

4.        Politique sociale — Égalité de traitement en matière d'emploi et de travail — Directive 2000/78 — Interdiction de discrimination fondée sur l'âge

(Directive du Conseil 2000/78, art. 1er et 2)

1.        L'article 267 TFUE permet toujours à une juridiction nationale, si elle le juge opportun, de déférer à nouveau à la Cour des questions d’interprétation. Par ailleurs, dans le cadre de la procédure instituée à l’article 267 TFUE, il appartient au seul juge national, qui est saisi du litige et doit assumer la responsabilité de la décision juridictionnelle à intervenir, d’apprécier, au regard des particularités de l’affaire, tant la nécessité d’une décision préjudicielle pour être en mesure de rendre son jugement que la pertinence des questions qu’il pose à la Cour. En conséquence, dès lors que les questions posées portent sur l’interprétation du droit de l’Union, la Cour est, en principe, tenue de statuer. Tel est le cas lorsque la juridiction de renvoi s’interroge sur la compatibilité d’une réglementation nationale prévoyant une clause de cessation automatique des contrats de travail des salariés ayant atteint l’âge de 65 ans, pour cause d’admission à la retraite, avec la directive 2000/78. Une demande de décision préjudicielle portant sur le caractère éventuellement discriminatoire d'une telle clause est dès lors recevable.

(cf. points 31-32, 34-35)

2.        L’article 6, paragraphe 1, de la directive 2000/78, portant création d’un cadre général en faveur de l’égalité de traitement en matière d’emploi et de travail, doit être interprété en ce sens qu’il ne s’oppose pas à une disposition nationale en vertu de laquelle sont considérées comme valables les clauses de cessation automatique des contrats de travail en raison du fait que le salarié a atteint l’âge de départ à la retraite, dans la mesure où, d’une part, ladite disposition est objectivement et raisonnablement justifiée par un objectif légitime relatif à la politique de l’emploi et du marché du travail et, d’autre part, les moyens de réaliser cet objectif sont appropriés et nécessaires. La mise en œuvre de cette autorisation par la voie d’une convention collective n’est pas, en soi, exemptée de tout contrôle juridictionnel, mais, conformément aux exigences de l’article 6, paragraphe 1, de ladite directive, doit, elle aussi, poursuivre un tel objectif légitime d’une manière appropriée et nécessaire.

En effet, d'une part, au vu de la large marge d’appréciation dont disposent les États membres dans le choix non seulement de la poursuite d’un objectif déterminé en matière de politique sociale et de l’emploi, mais également dans la définition des mesures susceptibles de le réaliser, de telles clauses sont objectivement et raisonnablement justifiées dès lors que la cessation des contrats de travail des salariés ayant atteint l'âge de départ à la retraite bénéficierait directement aux jeunes travailleurs en favorisant leur insertion professionnelle rendue difficile dans un contexte de chômage persistant et que les droits des travailleurs les plus âgés seraient, par ailleurs, adéquatement protégés. Ce mécanisme repose sur un équilibre entre considérations d’ordre politique, économique, social, démographique et/ou budgétaire et dépend du choix d’allonger la durée de vie active des travailleurs ou, au contraire, de prévoir le départ à la retraite précoce de ces derniers.

D'autre part, ce mécanisme, distinct du licenciement et de la démission, repose sur un fondement conventionnel. Celui-ci ouvre non seulement aux salariés et aux employeurs, au moyen d’accords individuels, mais également aux partenaires sociaux la faculté de faire usage, par voie de conventions collectives - et dès lors avec une flexibilité non négligeable -, de son application, en sorte qu’il peut être dûment tenu compte non seulement de la situation globale du marché de travail concerné, mais également des caractéristiques propres aux emplois en cause. Compte tenu de ces éléments, il n’apparaît pas déraisonnable pour les autorités d’un État membre d’estimer qu’une mesure telle que l’autorisation des clauses de cessation automatique des contrats de travail en raison du fait que le salarié a atteint l’âge d’admission au bénéfice d’une pension de retraite puisse être appropriée et nécessaire pour atteindre des objectifs légitimes relevant de la politique nationale du travail et de l’emploi

(cf. points 41, 43-44, 49, 51, 53, disp. 1)

3.        L’article 6, paragraphe 1, de la directive 2000/78, portant création d’un cadre général en faveur de l’égalité de traitement en matière d’emploi et de travail, doit être interprété en ce sens qu’il ne s’oppose pas à une mesure telle que la clause de cessation automatique des contrats de travail des salariés ayant atteint l’âge de départ à la retraite fixé à 65 ans, prévue dans la convention collective d'application générale aux travailleurs salariés dans le secteur du nettoyage industriel.

En effet, d'une part, en garantissant aux travailleurs une certaine stabilité de l’emploi et, à long terme, la promesse d’un départ à la retraite prévisible, tout en offrant aux employeurs une certaine flexibilité dans la gestion de leur personnel, la clause de cessation automatique des contrats de travail est le reflet d’un équilibre entre des intérêts divergents mais légitimes, s’inscrivant dans un contexte complexe de relations de travail, étroitement lié aux choix politiques en matière de retraite et d’emploi.

D'autre part, étant donné que la réglementation nationale de l'État membre concerné n’interdit pas à une personne ayant atteint un âge lui permettant d’obtenir la liquidation de ses droits à pension de poursuivre une activité professionnelle et que, en outre, un travailleur se trouvant dans une telle situation continue de bénéficier de la protection contre les discriminations fondées sur l’âge, la cessation de plein droit du contrat de travail n’a pas pour effet automatique de contraindre les personnes visées à se retirer définitivement du marché du travail. Ladite réglementation n’instaure, par conséquent, pas un régime impératif de mise à la retraite d’office. Elle ne s’oppose pas à ce qu’un travailleur qui le souhaiterait, par exemple pour des raisons financières, poursuive son activité professionnelle au-delà de l’âge de départ à la retraite et ne prive pas de la protection contre les discriminations fondées sur l’âge les salariés ayant atteint l’âge de la retraite lorsque ces derniers souhaitent demeurer actifs et cherchent un nouvel emploi. Compte tenu de ces éléments, la réglementation nationale ne va pas au-delà de ce qui est nécessaire pour atteindre les objectifs poursuivis, compte tenu de la large marge d’appréciation reconnue aux États membres et aux partenaires sociaux en matière de politique sociale et de l’emploi.

(cf. points 68, 74-77, disp. 2)

4.        Les articles 1er et 2 de la directive 2000/78, portant création d’un cadre général en faveur de l’égalité de traitement en matière d’emploi et de travail, doivent être interprétés en ce sens qu’ils ne s’opposent pas à ce qu’un État membre déclare d’application générale une convention collective contenant une clause de cessation automatique des contrats de travail des travailleurs salariés dans le secteur du nettoyage industriel, pour autant que celle-ci ne prive pas les travailleurs relevant du champ d’application de cette convention collective de la protection qui leur est conférée par ces dispositions contre les discriminations fondées sur l’âge.

En effet, la directive 2000/78 ne régit pas, en tant que telle, les conditions dans lesquelles les États membres peuvent déclarer d’application générale une convention collective même si les États membres sont tenus d’assurer, par des mesures législatives, réglementaires ou administratives appropriées, que tous les travailleurs puissent bénéficier, dans toute son étendue, de la protection qui leur est conférée par la directive 2000/78 contre les discriminations fondées sur l’âge.

(cf. points 79-80, disp. 3)