Language of document : ECLI:EU:T:2023:2

DOCUMENT DE TRAVAIL

ARRÊT DU TRIBUNAL (cinquième chambre)

11 janvier 2023 (*) (1)

« Marque de l’Union européenne – Procédure de déchéance – Marque de l’Union européenne verbale Gufic – Usage sérieux de la marque – Article 58, paragraphe 1, sous a), du règlement (UE) 2017/1001 – Utilisation publique et vers l’extérieur – Importance de l’usage – Nature et forme de l’usage – Usage pour les produits pour lesquels la marque est enregistrée »

Dans l’affaire T‑346/21,

Hecht Pharma GmbH, établie à Bremervörde (Allemagne), représentée par Mes C. Sachs et J. Sachs, avocats,

partie requérante,

contre

Office de l’Union européenne pour la propriété intellectuelle (EUIPO), représenté par Mme J. Schäfer, MM. D. Hanf et A. Ringelhann, en qualité d’agents,

partie défenderesse,

l’autre partie à la procédure devant la chambre de recours de l’EUIPO, intervenant devant le Tribunal, étant

Gufic BioSciences Ltd, établie à Mumbai (Inde), représentée par Mes A. Wehlau et T. Uhlenhut, avocats,

LE TRIBUNAL (cinquième chambre),

composé, lors des délibérations, de M. D. Spielmann, président, Mme M. Brkan et M. I. Gâlea (rapporteur), juges,

greffier : Mme R. Ūkelytė, administratrice,

vu la phase écrite de la procédure,

à la suite de l’audience du 13 juillet 2022,

rend le présent

Arrêt

1        Par son recours fondé sur l’article 263 TFUE, la requérante, Hecht Pharma GmbH, demande l’annulation partielle et la réformation de la décision de la deuxième chambre de recours de l’Office de l’Union européenne pour la propriété intellectuelle (EUIPO) du 3 juin 2021 (affaire R 2738/2019-2) (ci-après la « décision attaquée »).

 Antécédents du litige

2        Le 21 septembre 2009, l’intervenante, Gufic BioSciences Ltd, a présenté une demande d’enregistrement de marque de l’Union européenne à l’EUIPO, en vertu du règlement (CE) no 207/2009 du Conseil, du 26 février 2009, sur la marque de l’Union européenne (JO 2009, L 78, p. 1), tel que modifié [remplacé par le règlement (UE) 2017/1001 du Parlement européen et du Conseil, du 14 juin 2017, sur la marque de l’Union européenne (JO 2017, L 154, p. 1)].

3        La marque dont l’enregistrement a été demandé est le signe verbal Gufic.

4        Les produits pour lesquels l’enregistrement a été demandé relèvent des classes 3, 5 et 29 au sens de l’arrangement de Nice concernant la classification internationale des produits et des services aux fins de l’enregistrement des marques, du 15 juin 1957, tel que révisé et modifié, et correspondent, pour chacune de ces classes, à la description suivante :

–        classe 3 : « Encens ; produits cosméceutiques ; articles de parfumerie, produits de soins de santé comme produits pour les soins corporels et esthétiques » ;

–        classe 5 : « Produits à l’encens pour repousser les insectes ; médicaments ; produits médicaux à ingérer ou à appliquer sur le corps humain dont l’effet produit n’est ni pharmacologique, ni immunologique, ni métabolique et compris dans la classe 5 ; produits diététiques à usage médical ; compléments alimentaires à usage médical ou non » ;

–        classe 29 : « Compléments alimentaires non à usage médical à base de protéines ».

5        La demande de marque a été publiée au Bulletin des marques communautaires no 44/2010, du 8 mars 2010, et la marque a été enregistrée le 21 juin 2010.

6        Le 9 octobre 2017, la requérante a présenté à l’EUIPO une demande de déchéance de la marque contestée sur le fondement de l’article 58, paragraphe 1, sous a), du règlement 2017/1001, pour l’ensemble des produits visés au point 4 ci-dessus.

7        Le 12 mars 2018, le 20 juin 2018 et le 18 juillet 2019, l’intervenante a produit devant l’EUIPO divers documents en vue de prouver l’usage sérieux de la marque contestée.

8        Le 3 octobre 2019, la division d’annulation a fait droit à la demande en déchéance dans son intégralité, au motif que l’importance de l’usage n’avait pas été suffisamment démontrée, et a prononcé la déchéance intégrale de la marque contestée avec effet au 9 octobre 2017 pour tous les produits visés par ladite marque.

9        Le 2 décembre 2019, l’intervenante a formé un recours auprès de l’EUIPO contre la décision de la division d’annulation. Le 3 février 2020, le mémoire exposant les motifs du recours est parvenu à l’EUIPO, contenant de nouveaux éléments de preuve relatifs à l’usage. Le 8 septembre 2020, l’EUIPO a demandé à l’intervenante la production des factures figurant aux annexes AG 20 et AG 21 sans noircissements. Lesdites factures ont été produites devant l’EUIPO le 17 septembre 2020.

10      Par la décision attaquée, la chambre de recours a partiellement accueilli le recours en ce qui concerne les « médicaments » compris dans la classe 5 et a déclaré la déchéance de la marque contestée pour les autres produits compris dans les classes 3, 5 et 29.

11      Premièrement, d’une part, la chambre de recours a considéré que les nouveaux éléments de preuve produits devant elle, à savoir des factures, étaient recevables et pertinents et prouvaient que les produits concernés avaient été vendus à des pharmacies en Allemagne. Les factures démontraient ainsi une utilisation publique et vers l’extérieur de la marque contestée. D’autre part, elle a estimé que les déclarations sous serment avaient été émises par des personnes neutres et indépendantes, de sorte qu’elles avaient une valeur probante normale. En outre, elles étaient importantes afin de comprendre le système de vente de l’intervenante sur le marché allemand par le biais d’importateurs spécialisés. Partant, l’examen de l’ensemble des éléments de preuve démontrait que l’importance de l’usage était suffisante.

12      Deuxièmement, la chambre de recours a relevé que le signe Gufic était visible tant sur les préparations H 15 Gufic que Sallaki. S’agissant de ces dernières, elle a constaté que ledit signe était utilisé sous deux formes différentes, à la fois comme dénomination sociale et comme marque propre. Ainsi, dans la mesure où il était usuel, en particulier dans le domaine des médicaments, d’utiliser, à côté de sa marque propre, des marques spéciales pour certains produits, le signe Gufic était bien une marque propre.

13      Troisièmement, la chambre de recours a constaté que la marque contestée avait été utilisée sous sa forme enregistrée, que les éléments supplémentaires n’altéraient pas son caractère distinctif et que le signe Gufic conservait une position autonome, bien qu’il apparût dans un sceau à l’intérieur d’une forme semi-ovale jaune.

14      Enfin, outre le constat que les éléments de preuve concernaient la période et le territoire pertinents, la chambre de recours a considéré que lesdits éléments ne démontraient l’usage de la marque contestée que pour les « médicaments » relevant de la classe 5 et non pour les autres produits relevant des classes 3, 5 et 29. Elle a estimé que les produits à l’encens H 15 et Sallaki étaient des médicaments agréés en Inde, qui étaient importés en Allemagne, conformément à l’article 73, paragraphe 3, de l’Arzneimittelgesetz (loi sur les médicaments, ci-après l’« AMG »). Par ailleurs, la chambre de recours a considéré qu’il ressortait de plusieurs éléments de preuve que ces produits devaient être classés en tant que médicaments. Elle a précisé que la question de savoir si la commercialisation de ces produits était illégale était dénuée de pertinence, étant donné que l’usage d’une marque pouvait être sérieux même si l’utilisateur agissait en violation du droit.

 Conclusions des parties

15      À la suite des clarifications apportées lors de l’audience, la requérante conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        annuler partiellement la décision attaquée et prononcer la déchéance de la marque contestée également pour les « médicaments » compris dans la classe 5 ;

–        condamner l’EUIPO aux dépens de la présente procédure ainsi qu’à ceux des procédures antérieures.

16      L’EUIPO conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        rejeter le recours ;

–        condamner la requérante aux dépens.

17      L’intervenante conclut à ce qu’il plaise au Tribunal de rejeter le recours.

 En droit

18      Compte tenu de la date d’introduction de la demande de déchéance en cause, en l’occurrence le 9 octobre 2017, qui est déterminante aux fins de l’identification du droit matériel applicable, le présent litige est régi par les dispositions matérielles du règlement 2017/1001 (voir, en ce sens, arrêts du 6 juin 2019, Deichmann/EUIPO, C‑223/18 P, non publié, EU:C:2019:471, point 2 et du 3 juillet 2019, Viridis Pharmaceutical/EUIPO, C‑668/17 P, EU:C:2019:557, point 3). Par ailleurs, dans la mesure où, selon une jurisprudence constante, les règles de procédure sont généralement censées s’appliquer à la date à laquelle elles entrent en vigueur (voir arrêt du 11 décembre 2012, Commission/Espagne, C‑610/10, EU:C:2012:781, point 45 et jurisprudence citée), le litige est régi par les dispositions procédurales du règlement délégué (UE) 2018/625 de la Commission, du 5 mars 2018, complétant le règlement 2017/1001, et abrogeant le règlement délégué (UE) 2017/1430 (JO 2018, L 104, p. 1).

19      La requérante invoque, en substance, un moyen unique, tiré de la violation de l’article 58, paragraphe 1, sous a), du règlement 2017/1001, en ce que l’intervenante n’aurait apporté ni la preuve de l’usage sérieux de la marque contestée, ni celle de justes motifs pour le non-usage de celle-ci. En outre, elle reproche à la chambre de recours d’avoir méconnu la jurisprudence ainsi que des faits et des déclarations substantiels.

20      Ce moyen se divise en trois griefs, tirés, le premier, d’une erreur dans l’appréciation du critère de l’utilisation publique et vers l’extérieur ainsi que de l’importance suffisante de l’usage, le deuxième, d’une erreur dans l’appréciation des critères de la nature et de la forme de l’usage et, le troisième, d’une erreur dans l’appréciation de l’usage pour les produits enregistrés, en ce qu’ils ne répondraient pas à la définition de « médicaments » compris dans la classe 5 et qu’ils auraient été classés erronément dans ladite classe.

 Observations liminaires

21      Aux termes de l’article 58, paragraphe 1, sous a), du règlement 2017/1001, le titulaire d’une marque de l’Union européenne est déclaré déchu de ses droits, sur demande présentée auprès de l’EUIPO, si, pendant une période ininterrompue de cinq ans, la marque n’a pas fait l’objet d’un usage sérieux dans l’Union pour les produits ou les services pour lesquels elle est enregistrée et qu’il n’existe pas de juste motif pour son non-usage.

22      Une marque fait l’objet d’un usage sérieux lorsqu’elle est utilisée, conformément à sa fonction essentielle qui est de garantir l’identité de l’origine des produits ou des services pour lesquels elle a été enregistrée, aux fins de créer ou de conserver un débouché pour ces produits et ces services, à l’exclusion d’usages de caractère symbolique ayant pour seul objet le maintien des droits conférés par la marque (voir, par analogie, arrêt du 11 mars 2003, Ansul, C‑40/01, EU:C:2003:145, point 43). De plus, la condition relative à l’usage sérieux de la marque exige que celle-ci, telle qu’elle est protégée sur le territoire pertinent, soit utilisée publiquement et vers l’extérieur [arrêt du 8 juillet 2004, Sunrider/OHMI – Espadafor Caba (VITAFRUIT), T‑203/02, EU:T:2004:225, point 39 ; voir également, en ce sens et par analogie, arrêt du 11 mars 2003, Ansul, C‑40/01, EU:C:2003:145, point 37].

23      L’appréciation du caractère sérieux de l’usage de la marque doit reposer sur l’ensemble des faits et des circonstances propres à établir la réalité de l’exploitation commerciale de celle-ci, en particulier les usages considérés comme justifiés dans le secteur économique concerné pour maintenir ou créer des parts de marché au profit des produits ou des services protégés par la marque, la nature de ces produits ou de ces services, les caractéristiques du marché, l’étendue et la fréquence de l’usage de la marque (arrêt du 8 juillet 2004, VITAFRUIT, T‑203/02, EU:T:2004:225, point 40 ; voir également, par analogie, arrêt du 11 mars 2003, Ansul, C‑40/01, EU:C:2003:145, point 43).

24      En outre, lusage sérieux d’une marque ne peut pas être démontré par des probabilités ou des présomptions, mais doit reposer sur des éléments concrets et objectifs qui prouvent une utilisation effective et suffisante de la marque sur le marché concerné [arrêts du 12 décembre 2002, Kabushiki Kaisha Fernandes/OHMI – Harrison (HIWATT), T‑39/01, EU:T:2002:316, point 47, et du 6 octobre 2004, Vitakraft-Werke Wührmann/OHMI – Krafft (VITAKRAFT), T‑356/02, EU:T:2004:292, point 28].

25      À cet égard, en vertu de l’article 10, paragraphes 3 et 4, du règlement délégué 2018/625, applicable aux procédures de déchéance conformément à l’article 19, paragraphe 1, de ce même règlement, la preuve de l’usage d’une marque doit porter sur le lieu, la durée, l’importance et la nature de l’usage qui a été fait de la marque et se limite, en principe, à la production de pièces justificatives, comme des emballages, des étiquettes, des barèmes de prix, des catalogues, des factures, des photographies, des annonces dans les journaux, ainsi qu’aux déclarations écrites visées à l’article 97, paragraphe 1, sous f), du règlement 2017/1001.

26      En l’espèce, il convient de relever que la marque contestée a été enregistrée le 21 juin 2010 et que la demande en déchéance a été introduite le 9 octobre 2017. Par conséquent, la période pertinente au cours de laquelle l’intervenante devait prouver l’usage sérieux de la marque contestée s’étend du 9 octobre 2012 au 8 octobre 2017 inclus, ainsi que l’a considéré à juste titre la chambre de recours et ce qui est au demeurant non contesté par les parties.

27      En outre, les parties ne contestent pas le fait que les produits pour lesquels la marque contestée a été enregistrée ne disposent pas d’une autorisation de mise sur le marché en tant que médicaments en Allemagne et qu’ils sont importés dans cet État membre sur la base de l’exception prévue à l’article 73, paragraphe 3, de l’AMG.

28      Il s’ensuit que le présent recours porte uniquement sur l’appréciation de l’usage de la marque contestée pour les « médicaments » relevant de la classe 5.

 Sur le premier grief, tiré d’une erreur dans l’appréciation du critère de l’utilisation publique et vers l’extérieur ainsi que de l’importance suffisante de l’usage

29      La chambre de recours a indiqué que les annexes AG 20 et AG 21, produites pour la première fois devant elle, étaient recevables et pertinentes en ce qu’elles consistaient, respectivement, en 72 factures émises par un intermédiaire à des pharmacies en Allemagne pour les préparations Sallaki et en 46 factures du même importateur pour les préparations H 15 Gufic. Elle a constaté que lesdites annexes, dont des copies complètes et non noircies lui avaient été transmises à sa demande par l’intervenante, constituaient des factures adressées à des pharmacies en Allemagne, conformément à l’exception prévue à l’article 73, paragraphe 3, de l’AMG, prouvant ainsi une utilisation publique et vers l’extérieur de la marque contestée. S’agissant des déclarations sous serment des intermédiaires, la chambre de recours a considéré qu’elles provenaient de clients objectifs de l’intervenante, chargés d’importer les produits en Allemagne, puis de les livrer aux pharmacies qui en ont fait la commande, sans qu’il puisse être présumé une relation de subordination entre eux. Sur le fondement d’un examen global des factures et des déclarations sous serment, la chambre de recours a conclu que l’importance de l’usage de la marque contestée pour les médicaments était suffisante.

30      La requérante conteste la conclusion de la chambre de recours selon laquelle l’intervenante aurait apporté la preuve d’une utilisation publique et vers l’extérieur ainsi que d’une importance suffisante de l’usage de la marque contestée.

31      Premièrement, la requérante fait valoir que, en vertu de l’article 73, paragraphe 3, de l’AMG, l’importation et la mise sur le marché des médicaments en Allemagne ne peuvent se faire que par l’intermédiaire des pharmacies et ne peuvent être prouvées qu’au moyen des factures correspondantes desdites pharmacies adressées aux consommateurs finaux. Par conséquent, un usage propre à assurer le maintien des droits ne pourrait pas être démontré par la preuve des activités logistiques et des factures afférentes d’un grossiste qui n’interviendrait qu’en qualité d’intermédiaire du processus technique et qui ne procéderait pas lui-même à la mise sur le marché des médicaments.

32      Deuxièmement, la requérante soutient que les livraisons de l’intervenante à une entité participant à son système de distribution exclusive ou sélective ne constituent pas une mise sur le marché effectuée par un tiers. Ainsi, selon la requérante, en vertu de l’article 73, paragraphe 3, de l’AMG, une mise sur le marché des médicaments ne peut être prouvée qu’au moyen d’une facture émise par une pharmacie ou que s’il est établi que l’entreprise de logistique chargée de l’importation agissait pour le compte de ladite pharmacie, ce qui serait exclu en l’espèce, au vu de la clause de réserve figurant sur les factures des annexes AG 20 et AG 21. Dès lors, les intermédiaires feraient sans conteste partie d’un système de distribution sélective et, de ce fait, ne sauraient être considérés comme des tiers indépendants auxquels seraient vendus les médicaments. En outre, ce fait ne saurait rendre leurs déclarations sous serment objectives, étant donné qu’ils se trouveraient dans une situation de dépendance par rapport à l’intervenante. Par ailleurs, elle considère que les factures, en tant que documents non publics, ne constituent pas un acte d’usage public.

33      Troisièmement, la requérante fait valoir que le seul fait que l’intervenante n’est pas autorisée à faire la promotion de ses produits en vertu de l’article 8 du Heilmittelwerbegesetz (loi sur la publicité dans le secteur de la santé, ci-après l’« HWG ») permet de conclure à l’inexistence de l’usage, étant donné que, conformément à la jurisprudence de la Cour, la marque contestée devrait être utilisée par des entreprises en vue de la conquête d’une clientèle, notamment dans le cadre de campagnes publicitaires.

34      L’EUIPO et l’intervenante contestent les arguments de la requérante.

35      À titre liminaire, il convient de répondre à l’argumentation de l’intervenante par laquelle cette dernière soulève l’irrecevabilité de l’argument de la requérante tiré du fait que la titulaire de la marque contestée vendrait les produits en cause au sein d’un système de distribution exclusive ou sélective.

36      Force est de constater que l’argument tiré du fait que la titulaire de la marque contestée vendrait les produits en cause au sein d’un système de distribution exclusive ou sélective ne vise qu’à réfuter les constatations que la chambre de recours a tirées, dans la décision attaquée, des nouveaux éléments de preuve figurant dans les annexes AG 20 et AG 21, celles-ci, produites pour la première fois devant elle, ayant été déclarées recevables et essentielles au regard de l’activité de vente de l’intervenante.

37      En outre, il ne saurait être reproché à la requérante de ne pas avoir soulevé cet argument devant la chambre de recours, car, ainsi qu’il ressort du point 9 ci-dessus, les annexes AG 20 et AG 21 ont été produites, à la demande de l’EUIPO, sans noircissements le 17 septembre 2020, soit postérieurement au dépôt de ses observations le 2 mars 2020.

38      Partant, l’argument de la requérante relatif au système de distribution exclusive ou sélective, en ce qu’il vise à contester la légalité des constatations de la chambre de recours à cet égard, ne constitue pas un argument tardif et doit, par conséquent, être déclaré recevable.

39      En premier lieu, il suffit de rappeler, ainsi que le relèvent l’EUIPO et l’intervenante, que le caractère prétendument illégal du modèle de vente ne fait pas obstacle à l’usage sérieux de la marque contestée. En effet, l’EUIPO n’est pas compétent pour statuer sur le respect de l’AMG. De même, l’article 18 du règlement 2017/1001 ne prévoit aucune obligation de légalité des produits ou de bonne foi dans l’utilisation de la marque [voir, en ce sens et par analogie, arrêt du 13 avril 2011, Alder Capital/OHMI – Gimv Nederland (ALDER CAPITAL), T‑209/09, non publié, EU:T:2011:169, point 64]. Ainsi, une commercialisation illégale au regard du droit national n’empêche pas qu’il puisse exister un usage réel et sérieux au regard du droit des marques.

40      Il s’ensuit que, contrairement à ce que fait valoir la requérante, les factures produites par les intermédiaires peuvent constituer des éléments de preuve de l’usage sérieux de la marque contestée.

41      En deuxième lieu, selon une jurisprudence constante, l’usage sérieux de la marque suppose que celle-ci soit utilisée publiquement et vers l’extérieur, et pas seulement au sein de l’entreprise concernée. Cependant, l’usage extérieur d’une marque n’équivaut pas nécessairement à un usage orienté vers les consommateurs finaux. L’usage effectif de la marque se rapporte au marché sur lequel le titulaire de celle-ci exerce ses activités commerciales et sur lequel il espère exploiter sa marque. Ainsi, considérer que l’usage extérieur d’une marque, au sens de la jurisprudence, consiste nécessairement en un usage orienté vers les consommateurs finaux reviendrait à exclure les marques utilisées dans les seuls rapports entre sociétés de la protection du règlement 2017/1001. En effet, le public pertinent auquel les marques ont vocation à s’adresser ne comprend pas uniquement les consommateurs finaux, mais également les spécialistes, des clients industriels et d’autres utilisateurs professionnels [voir arrêts du 23 octobre 2017, Galletas Gullón/EUIPO – O2 Holdings (Forme d’un paquet de biscuits), T‑404/16, non publié, EU:T:2017:745, point 62 et jurisprudence citée, et du 10 novembre 2021, AC Milan/EUIPO – InterES (ACM 1899 AC MILAN), T‑353/20, non publié, EU:T:2021:773, point 26 et jurisprudence citée].

42      Il ressort donc de la jurisprudence que, pour prouver l’usage sérieux de la marque contestée, l’utilisation publique et vers l’extérieur ne doit pas être exclusivement démontrée au moyen d’éléments de preuve provenant des commerçants, en l’espèce des pharmacies, adressés aux consommateurs finaux. Partant, l’argument de la requérante selon lequel la preuve de l’utilisation publique et vers l’extérieur d’une marque doit être apportée uniquement au regard des consommateurs finaux n’est pas fondé.

43      En effet, dans la mesure où, ainsi que cela a été rappelé au point 39 ci-dessus, le caractère prétendument illégal du modèle de vente ne fait pas obstacle à l’usage sérieux de la marque contestée, les factures adressées à des intermédiaires par l’intervenante (annexes AG 6, AG 7.1, AG 7.2, AG 8.2, annexe 2.1 de l’AG 9) suffisent pour prouver une utilisation publique et vers l’extérieur.

44      En outre, ainsi que le relève l’EUIPO, l’intervenante a également fourni de nombreuses factures adressées aux pharmacies par ces intermédiaires (AG 20 et AG 21), supposant dès lors la vente ultérieure des médicaments aux consommateurs finaux.

45      Il convient également de souligner que, contrairement à ce que prétend la requérante, les factures produites par l’intervenante ne constituent pas des documents internes au motif qu’elles ne seraient pas accessibles au public. En l’occurrence, elles ont été adressées à des destinataires différents, ce qui démontre que l’usage de la marque contestée s’est fait publiquement et vers l’extérieur [voir, en ce sens, arrêt du 8 juillet 2020, Euroapotheca/EUIPO – General Nutrition Investment (GNC LIVE WELL), T‑686/19, non publié, EU:T:2020:320, point 70 et jurisprudence citée].

46      Par ailleurs, la requérante reproche à la chambre de recours de ne pas avoir tenu compte des points 47 et 48 de l’arrêt du 3 juin 2010, Coty Prestige Lancaster Group (C‑127/09, EU:C:2010:313), selon lesquels les livraisons du titulaire de la marque à une entité participant à son système de distribution sélective ne constitueraient pas une mise sur le marché au sens du droit des marques. Force est de constater que cet arrêt n’est pas pertinent, étant donné qu’il porte sur une question différente, celle de l’épuisement des droits conférés par une marque au sens de l’article 15 du règlement 2017/1001, prévoyant la mise sur le marché et la commercialisation ultérieure de produits avec le consentement du titulaire de la marque. Or, dans le cas d’espèce, il n’est contesté par aucune des parties que les médicaments ont été mis sur le marché allemand avec le consentement de l’intervenante.

47      Par conséquent, les factures produites et adressées tant aux intermédiaires qu’aux pharmacies ne constituent pas des factures internes et c’est à bon droit que la chambre de recours les a considérées comme étant recevables et pertinentes pour prouver l’utilisation publique et vers l’extérieur de la marque.

48      En troisième lieu, s’agissant des déclarations sous serment des intermédiaires, il ressort de la jurisprudence que, pour apprécier la valeur probante d’un tel document, il y a lieu de vérifier la vraisemblance de l’information qui y figure. Il faut alors tenir compte, notamment, de l’origine du document, des circonstances de son élaboration, de son destinataire, et se demander si, d’après son contenu, il semble sensé et fiable [voir arrêt du 7 juin 2005, Lidl Stiftung/OHMI – REWE-Zentral (Salvita), T‑303/03, EU:T:2005:200, point 42 et jurisprudence citée].

49      En l’espèce, il n’est pas contesté que les déclarants sont des importateurs spécialisés qui, d’une part, achètent les médicaments en cause auprès de l’intervenante et, d’autre part, les vendent et les fournissent aux pharmacies en Allemagne. Ces importateurs sont des intermédiaires entre l’intervenante et les pharmacies allemandes et ainsi des clients de l’intervenante.

50      À cet égard, il a déjà été jugé que l’existence de liens contractuels entre deux entités distinctes, comme c’est le cas en l’espèce, ne permet pas, à elle seule, de considérer que la déclaration sous serment émanant d’une de ces entités ne serait pas celle d’un tiers, mais celle d’une personne ayant des liens étroits avec la partie concernée, de sorte que la valeur probante d’une telle déclaration serait moindre [arrêt du 15 février 2017, M. I. Industries/EUIPO – Natural Instinct (Natural Instinct Dog and Cat food as nature intended), T‑30/16, non publié, EU:T:2017:77, point 42].

51      Par ailleurs, la requérante ne démontre pas en quoi les déclarants feraient partie du système de distribution interne de l’intervenante, ce qui les priverait de la qualité de tiers indépendant et rendrait leurs déclarations sous serment moins probantes.

52      Partant, c’est à bon droit que la chambre de recours a considéré les déclarants comme étant des tiers et a accordé une valeur probante à leurs déclarations sous serment.

53      En quatrième lieu, s’agissant de l’argument de la requérante selon lequel la seule absence de publicité des médicaments en cause permettrait d’exclure l’usage de la marque contestée, celui-ci doit être écarté.

54      À cet égard, il ressort de la jurisprudence que l’usage d’une marque doit porter sur des produits et des services qui sont déjà commercialisés ou dont la commercialisation, préparée par l’entreprise en vue de la conquête d’une clientèle, notamment dans le cadre de campagnes publicitaires, est imminente (voir, par analogie, arrêt du 11 mars 2003, Ansul, C‑40/01, EU:C:2003:145, point 37). Il en résulte que, si la publicité réalisée aux fins de promouvoir une marque constitue un des facteurs à prendre en compte dans le cadre de l’appréciation de l’existence d’un usage sérieux de celle-ci [voir arrêt du 7 juillet 2016, Fruit of the Loom/EUIPO – Takko (FRUIT), T‑431/15, non publié, EU:T:2016:395, point 53 et jurisprudence citée], l’absence de publicité pour promouvoir une marque, pour des produits déjà commercialisés, ne saurait pour autant aboutir automatiquement au constat de l’absence de l’usage sérieux de ladite marque.

55      En particulier, dans les circonstances de l’espèce, dès lors que la requérante reconnaît que l’article 8 de l’HWG interdit la publicité pour des médicaments qui sont importés au titre de l’article 73, paragraphe 3, de l’AMG, il ne saurait être exigé de l’intervenante qu’elle viole une telle interdiction prévue par le droit national afin d’établir l’usage sérieux de la marque contestée.

56      Au vu de ce qui précède, la requérante n’a pas établi que la chambre de recours aurait commis une erreur d’appréciation dans l’application du critère de l’utilisation publique et vers l’extérieur ainsi que de l’importance suffisante de l’usage de la marque contestée. Par conséquent, il y a lieu de rejeter le premier grief comme étant non fondé.

 Sur le deuxième grief, tiré d’une erreur dans l’appréciation des critères de la nature et de la forme de l’usage

57      La requérante fait valoir, en substance, que le signe contesté n’a pas été utilisé en tant que marque sous la forme enregistrée, car les éléments ajoutés au signe Gufic font naître un nouveau signe autonome. En particulier, l’élément « h 15 » constituerait non pas un code alphanumérique comme l’a constaté la chambre de recours, mais une combinaison de lettres et de chiffres qui présenterait un caractère distinctif fort. La requérante indique à cet égard que l’intervenante a fait enregistrer H 15 en tant que marque verbale autonome en Allemagne pour les classes 3 et 5. Dès lors, elle considère que, en raison de cet élément dominant, aucune mention « h 15 gufic » ne fonde un usage propre à assurer le maintien des droits de la marque Gufic.

58      Par ailleurs, la requérante fait valoir que la marque verbale et figurative Gufic, en tant qu’elle est précédée de la mention « fabriquée en Inde par : » et suivie de la raison sociale complète Gufic BioSciences Limited et de l’adresse correspondante, permet au public pertinent de comprendre Gufic comme étant une dénomination commerciale faisant référence à l’entreprise, et non comme une indication de l’origine des produits.

59      L’EUIPO et l’intervenante contestent les arguments de la requérante.

60      Ainsi qu’il ressort de la jurisprudence citée au point 22 ci-dessus, un signe est utilisé en tant que marque lorsqu’il est utilisé conformément à sa fonction essentielle, qui est de garantir l’identité d’origine des produits ou des services pour lesquels il a été enregistré et que cet usage concerne la marque dans la forme sous laquelle elle a été enregistrée.

61      S’agissant des marques individuelles, cette fonction essentielle consiste à garantir au consommateur ou à l’utilisateur final l’identité d’origine du produit ou du service désigné par la marque, en lui permettant de distinguer sans confusion possible ce produit ou ce service de ceux qui ont une autre provenance. En effet, pour que la marque puisse jouer son rôle d’élément essentiel du système de concurrence non faussé que le traité entend établir et maintenir, elle doit constituer la garantie que tous les produits ou les services qu’elle désigne ont été fabriqués ou fournis sous le contrôle d’une entreprise unique à laquelle peut être attribuée la responsabilité de leur qualité (voir arrêt du 17 octobre 2019, Landeskammer für Land- und Forstwirtschaft in Steiermark/Schmid, C‑514/18 P, non publié, EU:C:2019:878, point 37 et jurisprudence citée).

62      Aux termes de l’article 18, paragraphe 1, second alinéa, sous a), du règlement 2017/1001, la preuve de l’usage sérieux d’une marque comprend également la preuve de l’utilisation de celle-ci sous une forme qui diffère par des éléments n’altérant pas le caractère distinctif de cette marque dans la forme sous laquelle celle-ci a été enregistrée, et ce notamment en raison de leur position accessoire dans le signe ou de leur faible caractère distinctif (voir arrêt du 8 juillet 2020, GNC LIVE WELL, T‑686/19, non publié, EU:T:2020:320, point 52 et jurisprudence citée).

63      Il y a lieu de préciser que l’article 18, paragraphe 1, second alinéa, sous a), du règlement 2017/1001 vise l’hypothèse où la marque qui est contestée, qu’elle soit nationale ou de l’Union européenne, est utilisée dans le commerce sous une forme légèrement différente par rapport à la forme sous laquelle l’enregistrement a été effectué. L’objet de cette disposition, qui évite d’imposer une conformité stricte entre la forme utilisée de la marque et celle sous laquelle elle a été enregistrée, est de permettre au titulaire de cette dernière d’apporter au signe, à l’occasion de son exploitation commerciale, les variations qui, sans en altérer le caractère distinctif, permettent de mieux l’adapter aux exigences de commercialisation et de promotion des produits ou des services concernés. Conformément à son objet, le champ d’application matériel de cette disposition doit être considéré comme limité aux situations dans lesquelles le signe, concrètement utilisé par le titulaire d’une marque pour désigner les produits ou les services pour lesquels celle-ci a été enregistrée, constitue la forme sous laquelle cette même marque est commercialement exploitée. Dans de pareilles situations, lorsque la forme du signe utilisé dans le commerce diffère de la forme sous laquelle celui-ci a été enregistré uniquement par des éléments négligeables, de sorte que les deux signes peuvent être considérés comme globalement équivalents, la disposition susmentionnée prévoit que l’obligation d’usage de la marque contestée peut être remplie en rapportant la preuve de l’usage du signe qui en constitue la forme utilisée dans le commerce [voir arrêts du 13 septembre 2016, hyphen/EUIPO – Skylotec (Représentation d’un polygone), T‑146/15, EU:T:2016:469, point 27 et jurisprudence citée, et du 8 juillet 2020, GNC LIVE WELL, T‑686/19, non publié, EU:T:2020:320, point 53 et jurisprudence citée].

64      Ainsi, le constat d’une altération du caractère distinctif de la marque telle qu’enregistrée requiert un examen du caractère distinctif et dominant des éléments ajoutés en se fondant sur les qualités intrinsèques de chacun de ces éléments ainsi que sur la position relative des différents éléments dans la configuration de la marque [voir arrêt du 14 juillet 2021, Fashioneast et AM.VI./EUIPO – Moschillo (RICH JOHN RICHMOND), T‑297/20, non publié, EU:T:2021:432, point 23 et jurisprudence citée].

65      C’est à la lumière de ces considérations qu’il y a lieu d’examiner les arguments de la requérante relatifs à l’usage et à la forme de la marque contestée.

 Sur l’usage du signe contesté en tant que marque

66      S’agissant de la nature de l’usage de la marque contestée, il convient de constater que, en l’espèce, celle-ci est une marque verbale.

67      Selon la jurisprudence, une marque verbale est une marque constituée exclusivement de lettres, de mots ou d’associations de mots, écrits en caractères d’imprimerie dans une police normale, sans élément graphique spécifique. Par conséquent, la protection qui découle de l’enregistrement d’une marque verbale porte sur le mot indiqué dans la demande d’enregistrement et non sur les aspects graphiques ou stylistiques particuliers que cette marque pourrait éventuellement revêtir. Par ailleurs, il est de jurisprudence constante que la présentation précise d’une telle marque n’a aucune importance. En effet, la représentation concrète d’une marque verbale n’est généralement pas de nature à modifier le caractère distinctif de ladite marque telle qu’enregistrée [voir arrêts du 3 octobre 2019, 6Minutes Media/EUIPO – ad pepper media International (ADPepper), T‑668/18, non publié, EU:T:2019:719, points 54 et 55 et jurisprudence citée, et du 8 juillet 2020, GNC LIVE WELL, T‑686/19, non publié, EU:T:2020:320, point 54 et jurisprudence citée].

68      Aux points 50 et 51 de la décision attaquée, la chambre de recours, en se référant aux factures figurant dans l’annexe AG 21 et aux photographies d’emballages produites dans les annexes AG 2.1, AG 2.2, AG 3.1, AG 3.2 et AG 5, a reproduit trois représentations graphiques utilisées pour les préparations H 15 Gufic et Sallaki de la marque contestée. Elle a estimé que l’apposition du signe Gufic sur tous les emballages permettait de conclure qu’il s’agissait d’une marque propre, dans la mesure où ledit signe occupait une position autonome dans le signe figuratif correspondant et qu’il ne pouvait dès lors être une dénomination sociale. En outre, la chambre de recours a relevé que, dans le domaine des médicaments, il était usuel d’utiliser, à côté de sa propre marque, à savoir Gufic, des marques spéciales pour certains produits, à savoir Sallaki.

69      En l’espèce, il ressort du dossier que le signe Gufic est représenté sur les emballages des préparations Sallaki et H 15 Gufic sous plusieurs formes, soit, premièrement, sur le sceau d’emballage du produit, deuxièmement, en tant que signe verbal H 15 Gufic simple ou pouvant être entouré de deux demi-cercles, troisièmement, en tant que signe figuratif dans lequel le terme « gufic » est entouré d’un semi-ovale jaune en dessous duquel figurent un mortier et un pilon ainsi que les termes « ayurvedic medicine » et, enfin, quatrièmement en tant que partie des éléments « gufic biosciences limited » ou « gufic chem private limited », précédés de la mention « fabriquée en Inde par : » et suivis de l’adresse de la société correspondante.

70      Ces formes se présentent comme suit :

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71      Il convient de rappeler que, s’agissant de l’usage d’un signe à la fois comme une dénomination commerciale et en tant que marque, la Cour a déjà jugé qu’une dénomination sociale, un nom commercial ou une enseigne n’avait pas, en soi, pour finalité de distinguer des produits ou des services. En effet, une dénomination sociale a pour objet d’identifier une société, tandis qu’un nom commercial ou une enseigne a pour objet de signaler un fonds de commerce. Dès lors, lorsque l’usage d’une dénomination sociale, d’un nom commercial ou d’une enseigne se limite à identifier une société ou à signaler un fonds de commerce, il ne saurait être considéré comme étant fait « pour des produits ou des services » (voir, par analogie, arrêt du 11 septembre 2007, Céline, C‑17/06, EU:C:2007:497, point 21 et jurisprudence citée).

72      Toutefois, il y a usage « pour des produits » lorsque le titulaire de la marque appose le signe constituant sa dénomination sociale, son nom commercial ou son enseigne sur les produits qu’il commercialise ou sur les emballages. En outre, même en l’absence d’apposition, il y a usage « pour des produits » lorsque le signe est utilisé de telle façon qu’il s’établit un lien entre le signe constituant la dénomination sociale, le nom commercial ou l’enseigne et les produits commercialisés. Dans la mesure où cette condition est remplie, le fait qu’un élément verbal soit utilisé en tant que nom commercial de l’entreprise n’exclut pas qu’il puisse être utilisé en tant que marque pour désigner des produits ou des services [voir arrêt du 5 mars 2020, Dekoback/EUIPO – DecoPac (DECOPAC), T‑80/19, non publié, EU:T:2020:81, point 61 et jurisprudence citée].

73      Par ailleurs, ainsi que le soulèvent l’EUIPO et l’intervenante, il est courant dans le secteur des médicaments que ceux-ci portent sur leurs emballages plusieurs marques différentes, à savoir la marque du produit ainsi que la marque désignant le fabricant. Tel est effectivement le cas des exemples d’emballages de médicaments produits par l’intervenante sur lesquels figurent des marques de produits. Ainsi, comme cela ressort de ces exemples, il n’est pas inhabituel que des marques de médicaments intègrent le nom du fabricant.

74      En l’espèce, il en est de même pour les préparations Sallaki et H 15 Gufic, sur lesquels figurent tant le terme désignant le produit, à savoir « sallaki » et « h 15 gufic », que la dénomination sociale Gufic BioSciences Limited ou Gufic Chem Private Limited. Il est à noter que le signe figuratif Gufic, visé aux points 69 et 70 ci-dessus, figure également sur les préparations Sallaki, alors que le sceau d’emballage présentant l’élément « gufic » figure tant sur les préparations Sallaki que sur les préparations H 15 Gufic.

75      En tenant compte de ces éléments de preuve, à l’instar de l’EUIPO et eu égard à la jurisprudence citée au point 72 ci-dessus, le fait que le signe Gufic constitue également le nom de l’entreprise ne saurait empêcher le public de percevoir ledit signe comme une marque permettant d’indiquer l’origine des produits en cause, notamment par le biais du sceau d’emballage, du signe figuratif ou du signe verbal H 15 Gufic.

76      Force est donc de constater que l’argument de la requérante selon lequel le signe Gufic ne serait pas utilisé en tant que marque, mais plutôt en tant qu’enseigne, ne saurait prospérer.

 Sur la prétendue altération du caractère distinctif de la marque contestée

77      S’agissant de la prétendue altération du caractère distinctif de la marque contestée résultant de l’ajout d’éléments verbaux ou figuratifs supplémentaires ainsi que de l’usage de ladite marque conjointement avec une autre, il y a lieu de rappeler que, au point 55 de la décision attaquée, la chambre de recours a considéré, d’une part, que l’ajout de l’élément « h 15 » ne serait pas perçu comme un élément distinctif, mais plutôt comme un code alphanumérique et, d’autre part, que la forme semi-ovale jaune dans laquelle apparaissait le terme « gufic » en position autonome et en lettres majuscules simples ne constituait pas une différence qui pourrait influencer de manière significative le caractère distinctif du signe Gufic.

78      Tout d’abord, il convient de relever que les différentes formes sous lesquelles se présente le signe Gufic, mentionnées aux points 69 et 70 ci-dessus, comprennent toujours l’élément verbal « gufic » avec un « G » majuscule suivi de lettres minuscules ou de lettres majuscules.

79      Ensuite, conformément à la jurisprudence citée aux points 62 à 64 ci-dessus, il y a lieu d’examiner le caractère distinctif et dominant des éléments ajoutés au signe verbal Gufic, en se fondant sur les qualités intrinsèques de chacun de ces éléments ainsi que sur la position relative des différents éléments dans la configuration de la marque.

80      À cet égard, il convient de constater que, concernant le signe Gufic en ce qu’il est représenté dans un signe figuratif, les éléments graphiques, à savoir le semi-ovale jaune ainsi que le mortier avec le pilon, sont dépourvus de caractère distinctif, dans la mesure où ils n’ont qu’un rôle décoratif. En outre, à l’instar de l’EUIPO, l’élément verbal « ayurvedic medicine » est descriptif des produits en cause, à savoir des médicaments provenant de la médecine ayurvédique. Dès lors, ces éléments supplémentaires ne sauraient altérer le caractère distinctif du signe Gufic.

81      Il y a également lieu de constater que l’élément « h 15 » ne saurait être perçu par le public pertinent comme suffisamment distinctif, permettant l’altération du caractère distinctif de l’élément verbal « gufic ». En effet, ledit public percevra cet élément supplémentaire comme une simple combinaison alphanumérique, sans pour autant qu’il détourne son attention du signe Gufic.

82      L’allégation de la requérante selon laquelle le signe H 15 serait enregistré par l’intervenante en tant que marque verbale ne saurait altérer le caractère distinctif de la marque contestée. En effet, selon la jurisprudence, la condition d’usage sérieux d’une marque peut être remplie même lorsqu’une marque est utilisée conjointement avec une autre marque, pour autant que la première marque continue d’être perçue comme une indication de l’origine du produit en cause [voir, en ce sens, arrêt du 23 mars 2022, Vetpharma Animal Health/EUIPO – Deltavit (DELTATIC), T‑146/21, non publié, EU:T:2022:159, point 58 et jurisprudence citée].

83      Or, en l’espèce, même si le public pouvait comprendre le signe H 15 comme une marque autonome, celui-ci pourrait toujours percevoir le signe Gufic en tant qu’indication de l’origine du produit en cause, de sorte que son usage accompagné du signe H 15 n’altère pas son caractère distinctif.

84      Au vu de ce qui précède, c’est à juste titre que la chambre de recours a considéré que le signe Gufic avait été utilisé en tant que marque et sous la forme enregistrée. Par conséquent, il y a lieu de rejeter le deuxième grief comme étant non fondé.

 Sur le troisième grief, tiré d’une erreur dans l’appréciation de l’usage de la marque contestée pour les produits enregistrés en tant que « médicaments »

85      La requérante reproche en substance à la chambre de recours d’avoir méconnu une partie essentielle de la demande en déchéance en ne s’étant pas penchée sur la question centrale de savoir si les produits pour lesquels la marque avait été enregistrée et sur lesquels était apposé le signe Gufic constituaient des « médicaments » au sens de la définition du droit de l’Union.

86      Premièrement, la requérante soutient que la commercialisation d’un médicament dans l’Union ne serait possible que s’il répond à la définition de médicament telle qu’interprétée de façon uniforme dans l’Union et s’il dispose d’une autorisation de mise sur le marché (AMM) dans un État membre ou pour l’ensemble de l’Union ou s’il dispose de documents probants établissant des effets pharmacologiques prouvés. Partant, pour qu’un produit puisse jouir de la protection du droit des marques pour les produits de la classe 5 comprenant les « médicaments », il serait nécessaire d’établir l’usage de la marque pour un médicament.

87      Selon elle, les produits en cause ne sauraient être qualifiés de médicaments en raison du refus d’AMM, de l’interdiction de publicité des produits sans autorisation, de la prescription dans des cas exceptionnels uniquement, de l’absence de nouvelle demande d’AMM, de l’absence d’action pharmacologique, du non-respect de la définition de la notion de médicament avancée par la Cour de justice de l’Union européenne et de la référence sur l’emballage à la médecine ayurvédique et non à un médicament

88      Par ailleurs, la requérante considère que, contrairement au médicament par présentation, seul un médicament par fonction peut répondre à la définition de médicament au regard de l’AMG et de la directive 2001/83/CE du Parlement européen et du Conseil, du 6 novembre 2001, instituant un code communautaire relatif aux médicaments à usage humain (JO 2001, L 311, p. 67), et disposer d’une AMM, car il exerce une action pharmacologique. À cet égard, la requérante relève que la définition de la notion de médicament doit se fonder sur la perception du public allemand, qui ne considère pas un produit comme un médicament si le dosage recommandé n’a pas d’action pharmacologique.

89      Deuxièmement, la requérante soutient que, conformément à l’article 73, paragraphe 3, de l’AMG, il serait nécessaire que l’intervenante dispose d’une autorisation pour des produits ayurvédiques délivrés par une autorité nationale. Or, selon la requérante, cette condition n’est pas satisfaite, car l’intervenante n’a fourni qu’une autorisation relative à la fabrication délivrée par une entité fédérée en Inde (annexe AG 12). Elle ajoute que les produits provenant de la médecine ayurvédique ne sauraient être comparés ni à la médecine traditionnelle ni aux médicaments de l’Union.

90      Troisièmement, la requérante fait valoir que le produit doit aussi répondre aux caractéristiques de la classe de produits en cause, de sorte que le non-respect de la définition de la notion de médicament plaiderait à l’encontre de sa qualification de « médicaments » relevant de la classe 5. En effet, en l’absence d’action pharmacologique ou d’AMM, le produit ne saurait ni relever de la classe des produits « médicaments » ni fonder une utilisation sérieuse de la marque dans ladite classe, un usage pour des produits similaires n’étant pas suffisant.

91      Enfin, la requérante conteste la pertinence des arrêts de l’Oberlandesgericht München (tribunal régional supérieur de Munich, Allemagne) du 24 février 2011 (annexe AG 14) et du 16 mai 2013 (annexe AG 11), au motif qu’elles n’auraient pas examiné les produits et leurs caractéristiques en tant que médicaments et qu’elles ne traiteraient que de médicaments par présentation, qui ne répondent pas à la définition de médicament. Elle réfute également la pertinence de l’ordonnance du Regierungspräsidium Karlsruhe (conseil de district de Karlsruhe, Allemagne) du 8 janvier 2015 (annexe AG 13) ainsi que des avis du 20 mai 2014 du Chemisches Veterinäruntersuchungsamt Karlsruhe (office d’analyses chimiques vétérinaires de Karlsruhe, Allemagne) (annexes AG 23 et AG 24), qui ne se seraient prononcés que sur la nocivité des produits, mais pas sur la qualité de médicament de ceux-ci. À cet égard, elle considère qu’un médicament dont l’AMM a été refusée ne saurait être mis sur le marché en vertu de l’article 73, paragraphe 3, de l’AMG.

92      L’EUIPO et l’intervenante contestent les arguments de la requérante.

93      La chambre de recours a considéré que les éléments de preuve produits devant elle avaient démontré que la marque contestée avait été utilisée pour des « médicaments » compris dans la classe 5, au motif que les produits Sallaki et H 15 Gufic étaient des médicaments agréés en Inde et qui étaient importés en Allemagne conformément à l’article 73, paragraphe 3, de l’AMG. En particulier, elle a estimé que les éléments de preuve produits dans les annexes AG 11, AG 12, AG 13, AG 14, AG 23 et AG 24, faisant état de la qualité de médicament des produits en cause, de leur AMM en Inde et de leur non-nocivité, démontraient que lesdits produits avaient été utilisés et devaient être classés en tant que « médicaments ».

94      Il convient de rappeler que la classification des produits et des services au titre de l’arrangement de Nice vise essentiellement à refléter les besoins du marché et non à imposer une segmentation artificielle des produits. Ainsi, les intitulés des classes comportent des « indications générales » relatives au secteur dont relèvent, « en principe », les produits ou les services. De même, il convient de rappeler que la classification des produits et des services au titre de l’arrangement de Nice n’est elle-même effectuée qu’à des fins exclusivement administratives. Celle-ci ne vise en effet qu’à faciliter la rédaction et le traitement des demandes de marque, en proposant certaines classes et catégories de produits et de services. Au demeurant, la classification de Nice ne saurait déterminer en soi la nature et les caractéristiques des produits en cause [voir arrêt du 28 mai 2020, Korporaciya « Masternet »/EUIPO – Stayer Ibérica (STAYER), T‑681/18, non publié, EU:T:2020:222, point 40 et jurisprudence citée].

95      De plus, la classification d’un produit en application d’autres règles du droit de l’Union n’est en principe pas déterminante pour sa classification aux fins de l’enregistrement d’une marque de l’Union européenne. En effet, d’une part, il ressort, en substance, de l’article 33, paragraphe 1, du règlement 2017/1001 que, aux fins de l’enregistrement d’une marque de l’Union européenne, les produits et les services sont classés selon la classification de Nice. D’autre part, si les actes législatifs de l’Union cités par la requérante revêtent une importance primordiale pour le secteur en cause, étant donné qu’ils préservent le processus de fabrication, d’étiquetage et de distribution des médicaments, ils n’ont toutefois pas nécessairement une influence sur la manière dont les produits et les services sont classés dans la classification de Nice. À cet égard, il importe de ne pas confondre la fonction essentielle de la marque avec les autres fonctions que la marque peut aussi, le cas échéant, remplir, telles que celle consistant à garantir la qualité du produit en cause. Partant, la classification d’un produit en application d’autres règles du droit de l’Union, telles que la directive 2001/83, n’est en principe pas déterminante pour leur classification aux fins de l’enregistrement d’une marque de l’Union européenne [voir arrêt du 6 octobre 2021, Dermavita Company/EUIPO – Allergan Holdings France (JUVEDERM), T‑372/20, non publié, EU:T:2021:652, point 38 et jurisprudence citée].

96      À cet égard, la Cour a précisé qu’il découlait des termes « en principe » employés par le Tribunal que ce dernier n’excluait pas de manière générale et admettait que des dispositions du droit de l’Union puissent être prises en compte, lors de l’appréciation de l’usage sérieux d’une marque au sens de l’article 18 du règlement 2017/1001, et être déterminantes, eu égard aux circonstances particulières du cas examiné, pour le classement des produits en cause (voir, en ce sens, ordonnances du 3 décembre 2020, Dermavita/EUIPO, C‑400/20 P, non publiée, EU:C:2020:997, point 17, et du 4 mai 2021, Dermavita/EUIPO, C‑26/21 P, non publiée, EU:C:2021:355, point 17).

97      Toutefois, le simple fait d’affirmer que les produits en cause sont des « médicaments » relevant de la classe 5 ne suffit pas [voir, par analogie, arrêt du 14 février 2017, Pandalis/EUIPO – LR Health & Beauty Systems (Cystus), T‑15/16, non publié, EU:T:2017:75, point 57].

98      La question pertinente en l’espèce aux fins de l’appréciation de l’usage sérieux au regard du droit des marques est de savoir si les produits pour lesquels la marque est utilisée, à savoir les produits en cause, sont les mêmes que les produits pour lesquels la marque a été enregistrée dans la classe 5 [voir, par analogie, arrêt du 18 novembre 2020, Dermavita/EUIPO – Allergan Holdings France (JUVEDERM ULTRA), T‑643/19, non publié, EU:T:2020:549, point 29].

99      S’agissant de la catégorie de produits selon le droit des marques, l’apparence visuelle des produits en cause, par exemple à travers l’emballage ou l’étiquetage, revêt bel et bien une importance. En effet, c’est cette apparence visuelle qui détermine à quelle catégorie de produits le consommateur rattache le produit (conclusions de l’avocate générale Kokott dans l’affaire Pandalis/EUIPO, C‑194/17 P, EU:C:2018:725, point 33).

100    Il en résulte donc que la perception du public pertinent des produits pour lesquels la marque contestée a été enregistrée est déterminante aux fins de l’appréciation de l’usage sérieux de ladite marque.

101    D’ailleurs, la Cour a déjà jugé, en ce qui concerne en particulier la perception du public pertinent des médicaments visés par la directive 2001/83, qu’il fallait tenir compte de l’attitude d’un consommateur moyennement avisé auquel la forme donnée à un produit aurait pu inspirer une confiance particulière, du type de celle qu’inspiraient normalement les médicaments compte tenu des garanties qui entouraient leur fabrication comme leur commercialisation. Si la forme extérieure donnée audit produit pouvait constituer un indice sérieux en faveur de sa qualification de médicament par présentation, cette forme devait s’entendre non seulement de celle du produit lui-même, mais aussi de son conditionnement, qui pouvait tendre, pour des raisons de politique commerciale, à le faire ressembler à un médicament (voir arrêt du 15 novembre 2007, Commission/Allemagne, C‑319/05, EU:C:2007:678, point 47 et jurisprudence citée).

102    À cet égard, il convient de relever que les parties s’accordent dans leurs écritures et à l’audience sur le fait que l’appréciation du caractère sérieux de l’usage pour les produits pour lesquels la marque contestée a été enregistrée doit être fondée sur la perception du public pertinent, qui, en l’espèce, est composé tant des consommateurs finaux que des spécialistes.

103    C’est à la lumière de ces considérations qu’il convient de déterminer si, en l’espèce, le public pertinent percevra les produits en cause comme étant des « médicaments » relevant de la classe 5, pour lesquels la marque contestée a été utilisée.

104    Certes, le Tribunal a déjà jugé que la vente, même exclusive, de produits dans les pharmacies ne signifie pas pour autant qu’il s’agit nécessairement de médicaments [voir, en ce sens, arrêt du 17 novembre 2017, Endoceutics/EUIPO – Merck (FEMIBION), T‑802/16, non publié, EU:T:2017:818, point 38]. Toutefois, la circonstance, non contestée par la requérante, qu’un produit est uniquement délivré en pharmacie sur présentation d’une ordonnance médicale constitue un facteur pertinent à prendre en compte aux fins de la définition des produits en tant que médicaments.

105    Par ailleurs, pour conclure que la marque contestée a été utilisée pour des médicaments relevant de la classe 5, la chambre de recours s’est fondée sur des décisions judiciaires et administratives figurant dans les annexes AG 11, AG 13, AG 14, AG 23 et AG 24, qui indiquent en substance que les produits en cause constituent des médicaments « non nocifs » et que la marque contestée était réputée être utilisée pour des médicaments au sens de ladite classe. À cet égard, il ressort en particulier des arrêts de l’Oberlandsgericht München (tribunal régional supérieur de Munich) du 24 février 2011 et du 16 mai 2013 (annexes AG 11 et AG 14) que les produits en cause devaient être classés en tant que médicaments par présentation au sens de l’article 1er, point 2, de la directive 2001/83, au motif que, d’une part, sur les emballages figuraient la mention « ayurvedic medicine » et l’indication des maladies inflammatoires pour le traitement desquels les produits étaient destinés et que, d’autre part, en raison de l’exigence d’une ordonnance médicale, le consommateur aurait eu l’impression qu’il s’agissait d’un remède destiné à soigner des maladies humaines et donc d’un médicament.

106    Il s’ensuit que, compte tenu de l’importance de l’apparence visuelle au regard de la perception du public pertinent des produits en cause, comme cela est indiqué au point 99 ci-dessus, la chambre de recours, en se fondant sur les arrêts de l’Oberlandsgericht München (tribunal régional supérieur de Munich) mentionnés au point 105 ci-dessus et en prenant en compte, dans leur ensemble, le fait que ces produits étaient uniquement vendus en pharmacie sur présentation d’une ordonnance médicale ainsi que les mentions et indications figurant sur les emballages permettant au public pertinent de percevoir aisément les produits comme des médicaments, pouvait valablement considérer que lesdits produits devaient être classés en tant que médicaments, au sens de la classe 5 de la classification de Nice.

107    Les arguments de la requérante ne sauraient remettre en cause cette conclusion.

108    Il convient d’écarter l’argument de la requérante selon lequel seuls les médicaments par fonction possédant une action pharmacologique peuvent être considérés comme des médicaments au sens de la classe 5. En effet, ainsi que cela a été rappelé au point 101 ci-dessus, en ce qui concerne les médicaments visés par la directive 2001/83, ce qui importe c’est la perception du public pertinent. Il en résulte qu’un produit qui, du fait de sa présentation, est susceptible d’être perçu par le consommateur comme étant un médicament est également susceptible d’être qualifié de médicament au sens de la classe 5.

109    Par conséquent, doivent également être rejetés les autres arguments de la requérante selon lesquels les produits en cause seraient dépourvus d’AMM tant dans l’État membre d’importation (Allemagne) que dans l’État d’origine (Inde). En effet, l’absence d’AMM, à savoir une circonstance dont le consommateur n’a pas nécessairement connaissance, n’est pas susceptible de remettre en cause le constat selon lequel, au vu des éléments mentionnés au point 106 ci-dessus, le public pertinent pourra aisément percevoir ces produits comme étant des médicaments.

110    Au vu de ce qui précède, la requérante n’a pas établi que la chambre de recours aurait commis une erreur d’appréciation en tenant compte des éléments de preuve, présentés par l’intervenante et pris dans leur ensemble, pour conclure, au point 76 de la décision attaquée, que, sur le fondement de la perception du public pertinent, la marque contestée était utilisée pour des « médicaments » relevant de la classe 5 et, au point 78 de la même décision, que la violation du droit n’était quoi qu’il en soit pas pertinente dans le cadre de l’examen de l’usage sérieux de ladite marque. Par conséquent, il y a lieu de rejeter le troisième grief comme étant non fondé.

111    Au vu de tout ce qui précède, il convient de rejeter le recours dans son intégralité, sans qu’il y ait lieu de se prononcer sur la demande d’audience présentée par la requérante, laquelle, au demeurant, s’est tenue devant le Tribunal.

 Sur les dépens

112    Aux termes de l’article 134, paragraphe 1, du règlement de procédure du Tribunal, toute partie qui succombe est condamnée aux dépens, s’il est conclu en ce sens.

113    La requérante ayant succombé, il y a lieu de la condamner aux dépens, conformément aux conclusions de l’EUIPO.

114    L’intervenante n’ayant pas conclu à la condamnation aux dépens de la requérante, celle-ci supportera ses propres dépens.

Par ces motifs,

LE TRIBUNAL (cinquième chambre)

déclare et arrête :

1)      Le recours est rejeté.

2)      Hecht Pharma GmbH supportera ses propres dépens ainsi que ceux exposés par l’Office de l’Union européenne pour la propriété intellectuelle (EUIPO).

3)      Gufic BioSciences Ltd supportera ses propres dépens.

Spielmann

Brkan

Gâlea

Ainsi prononcé en audience publique à Luxembourg, le 11 janvier 2023.

Signatures


*      Langue de procédure : l’allemand.


1      Le présent arrêt fait l’objet d’une publication par extraits.