Language of document : ECLI:EU:T:2021:205

DOCUMENT DE TRAVAIL

ARRÊT DU TRIBUNAL (troisième chambre)

21 avril 2021 (*)

« Marque de l’Union européenne – Demande de marque de l’Union européenne verbale HELL – Motifs absolus de refus – Absence de caractère distinctif – Caractère descriptif – Article 7, paragraphe 1, sous b) et c), du règlement (UE) 2017/1001 »

Dans l’affaire T‑323/20,

Hell Energy Magyarország Kft., établie à Budapest (Hongrie), représentée par Mes Á. László et B. Mező, avocats,

partie requérante,

contre

Office de l’Union européenne pour la propriété intellectuelle (EUIPO), représenté par Mme M. Kondás et M. P. Sipos, en qualité d’agents,

partie défenderesse,

ayant pour objet un recours formé contre la décision de la deuxième chambre de recours de l’EUIPO du 25 mars 2020 (affaire R 1712/2019-2), concernant une demande d’enregistrement du signe verbal HELL comme marque de l’Union européenne,

LE TRIBUNAL (troisième chambre),

composé de MM. A. M. Collins, président, V. Kreuschitz et Z. Csehi (rapporteur), juges,

greffier : M. E. Coulon,

vu la requête déposée au greffe du Tribunal le 27 mai 2020,

vu le mémoire en réponse déposé au greffe du Tribunal le 6 août 2020,

vu l’absence de demande de fixation d’une audience présentée par les parties dans le délai de trois semaines à compter de la signification de la clôture de la phase écrite de la procédure et ayant décidé, en application de l’article 106, paragraphe 3, du règlement de procédure du Tribunal, de statuer sans phase orale de la procédure,

rend le présent

Arrêt

 Antécédents du litige

1        Le 19 décembre 2018, la requérante, Hell Energy Magyarország Kft., a présenté une demande d’enregistrement de marque de l’Union européenne à l’Office de l’Union européenne pour la propriété intellectuelle (EUIPO), en vertu du règlement (UE) 2017/1001 du Parlement européen et du Conseil, du 14 juin 2017, sur la marque de l’Union européenne (JO 2017, L 154, p. 1).

2        La marque dont l’enregistrement a été demandé est le signe verbal HELL.

3        Les produits pour lesquels l’enregistrement a été demandé relèvent de la classe 30 au sens de l’arrangement de Nice concernant la classification internationale des produits et des services aux fins de l’enregistrement des marques, du 15 juin 1957, tel que révisé et modifié, et correspondent à la description suivante : « Café ; arômes de café ; boissons au café ; extraits de café ; essences de café ; concentrés de café ; boissons au café lactées ; café au lait ; café décaféiné ; cafés parfumés ; café sous forme de distillat ; extraits de café au malt ; cafés glacés ».

4        Par décision du 7 juin 2019, l’examinateur a rejeté la demande d’enregistrement pour les produits compris dans la classe 30 et mentionnés au point 3 ci-dessus, à l’exception des « extraits de café au malt », sur le fondement de l’article 7, paragraphe 1, sous b) et c), du règlement 2017/1001.

5        Le 3 août 2019, la requérante a formé un recours auprès de l’EUIPO, au titre des articles 66 à 71 du règlement 2017/1001, contre la décision de l’examinateur.

6        Par décision du 25 mars 2020 (ci-après la « décision attaquée »), la deuxième chambre de recours de l’EUIPO a rejeté le recours et a confirmé la décision relative au refus partiel de l’enregistrement. En particulier, en premier lieu, la chambre de recours a constaté que les produits en cause, dont l’enregistrement avait été refusé par l’examinateur, étaient tous des préparations à base de café. Lesdits produits étant des produits de consommation courante, elle a considéré que le public pertinent était le consommateur moyen, normalement informé et raisonnablement attentif et avisé, d’une part, ainsi que les commerçants et les professionnels de la restauration ayant un niveau d’attention élevé, d’autre part. Elle a ajouté que, la marque demandée étant un terme de la langue allemande, il convenait de se fonder sur le public germanophone de l’Union européenne.

7        En deuxième lieu, s’agissant du caractère descriptif de la marque demandée, la chambre de recours a d’abord relevé que le signe HELL était un adjectif signifiant « clair » en allemand. Ensuite, elle a estimé que ce signe ferait référence aux préparations à base de café à torréfaction claire, même en l’absence du substantif allemand « Röstung » signifiant « torréfaction », et informerait directement et clairement le public pertinent du fait que les produits en cause étaient à base de café à torréfaction claire. Elle a ajouté que l’interprétation de ce simple terme allemand et l’établissement d’un rapport avec une caractéristique importante des produits en cause ne nécessitaient aucune conclusion logique ou analyse intellectuelle particulière de la part du public pertinent. Elle a conclu que, eu égard à l’existence d’un rapport suffisamment direct et concret, du point de vue du public pertinent, entre le signe et les produits en cause, la marque demandée revêtait un caractère descriptif.

8        Enfin, en troisième lieu, s’agissant de l’absence de caractère distinctif de la marque demandée, la chambre de recours a considéré que, compte tenu du caractère descriptif de ladite marque, celle-ci était également dépourvue de caractère distinctif. Par ailleurs, la chambre de recours a écarté l’invocation par la requérante d’une autre marque enregistrée qui est, en substance, identique à la marque demandée.

 Conclusions des parties

9        La requérante conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        annuler la décision attaquée ;

–        enjoindre à l’EUIPO de poursuivre la procédure d’enregistrement en ce qui concerne les produits refusés.

10      L’EUIPO conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        rejeter le recours ;

–        condamner la requérante aux dépens.

 En droit

 Sur la recevabilité

11      Par son second chef de conclusions, la requérante tend à ce que le Tribunal enjoigne à l’EUIPO de poursuivre la procédure d’enregistrement en ce qui concerne les produits refusés.

12      Or, dans le cadre d’un recours introduit devant le juge de l’Union contre la décision d’une chambre de recours de l’EUIPO, ce dernier est tenu, conformément à l’article 72, paragraphe 6, du règlement 2017/1001, de prendre les mesures que comporte l’exécution de l’arrêt de ce juge. Dès lors, il n’appartient pas au Tribunal d’adresser des injonctions à l’EUIPO, auquel il incombe de tirer les conséquences du dispositif et des motifs des arrêts du juge de l’Union [voir arrêt du 11 juillet 2007, El Corte Inglés/OHMI – Bolaños Sabri (PiraÑAM diseño original Juan Bolaños), T‑443/05, EU:T:2007:219, point 20 et jurisprudence citée].

13      Partant, le second chef de conclusions de la requérante doit être rejeté comme irrecevable.

 Sur le fond

14      La requérante invoque, en substance, trois moyens, tirés, le premier, de la violation de l’article 7, paragraphe 1, sous c), du règlement 2017/1001, lu conjointement avec l’article 7, paragraphe 2, de ce même règlement, le deuxième, de la violation de l’article 7, paragraphe 1, sous b), du règlement 2017/1001, lu conjointement avec l’article 7, paragraphe 2, du même règlement et, le troisième, de la violation des principes d’égalité de traitement et de bonne administration.

 Sur le premier moyen, tiré de la violation de l’article 7, paragraphe 1, sous c), du règlement 2017/1001, lu conjointement avec l’article 7, paragraphe 2, du même règlement

15      Par le premier moyen, la requérante soutient, en substance, que la chambre de recours a violé l’article 7, paragraphe 1, sous c), du règlement 2017/1001 en concluant que la marque demandée était descriptive. En premier lieu, étant donné que les produits en cause, couverts par la demande de marque de l’Union européenne, sont des articles de consommation courante, la requérante considère que le public pertinent est le consommateur moyen généralement bien informé et raisonnablement attentif et avisé. À cet égard, elle fait valoir que la chambre de recours a commis une erreur en considérant que le public pertinent englobait également les consommateurs professionnels. Par ailleurs, elle fait observer que les consommateurs moyens ne savent pas qu’une torréfaction claire est possible, puisqu’il s’agit d’un mode de torréfaction peu habituel.

16      En deuxième lieu, la requérante estime qu’un lien direct entre la marque demandée et les produits en cause fait défaut en l’espèce. En effet, d’une part, elle soutient que ni les grains de café à torréfaction claire, ni le produit à consommer qui a été fait à base de ces grains n’ont de couleur claire au sens étroit du terme. D’autre part, elle relève que les expressions allemandes « hell Kaffee » et « hell Röstung » sont grammaticalement erronées.

17      En troisième lieu, la requérante allègue que le consommateur moyen allemand associera le signe HELL, écrit en majuscules, au mot « enfer », faisant partie du vocabulaire anglais de base. En effet, d’une part, elle met en évidence que, en allemand, la première lettre des substantifs est une majuscule, alors que la première lettre des adjectifs est une minuscule. D’autre part, elle met en relief l’élément figuratif représentant la tête d’un diable et des expressions anglaises figurant sur les cannettes de ses produits ainsi que la notoriété du nom de la société requérante, des slogans de marketing en anglais et des campagnes de marketing intensives, principalement en anglais.

18      L’EUIPO conteste les arguments de la requérante. En ce qui concerne le public pertinent, il fait valoir que les produits en cause sont certes des produits de consommation courante qui ciblent en premier lieu le consommateur moyen, mais qu’il ne saurait être exclu que ces produits pourraient également cibler un public professionnel. Toutefois, il ajoute qu’il est impossible de conclure formellement que les deux publics percevraient le signe d’une manière radicalement différente.

19      Quant à la signification du signe, l’EUIPO souligne que la demande d’enregistrement en question ne comporte ni la tête d’un diable, ni d’autres expressions anglaises, ni les slogans commerciaux en anglais invoqués par la requérante. Il ajoute qu’il n’est pas vraisemblable que, en l’absence d’une représentation figurative en ce sens, le consommateur germanophone penserait à la signification anglaise du terme « hell » au lieu de sa signification en allemand.

20      En ce qui concerne le caractère descriptif du signe, l’EUIPO soutient que, pour le consommateur germanophone, le terme « hell » ferait référence aux préparations à base de café à torréfaction claire. En outre, il estime que le grand public comporte également de nombreux amateurs de café, pour lesquels la qualité, l’origine et le mode de préparation du produit revêtent une importance particulière. Par ailleurs, l’EUIPO souligne le caractère notoire de la torréfaction claire sur le territoire pertinent en se référant, d’une part, à une capture d’écran d’un site Internet en hongrois, cité également par la requérante, comportant la phrase suivante : « en Allemagne, la torréfaction claire est de plus en plus populaire » et, d’autre part, à un article provenant d’un site Internet en allemand.

21      Aux termes de l’article 7, paragraphe 1, sous c), du règlement 2017/1001, sont refusées à l’enregistrement les marques qui sont composées exclusivement de signes ou d’indications pouvant servir, dans le commerce, pour désigner l’espèce, la qualité, la quantité, la destination, la valeur, la provenance géographique ou l’époque de la production du produit ou de la prestation du service, ou d’autres caractéristiques de ceux-ci. En vertu de l’article 7, paragraphe 2, du même règlement, le paragraphe 1 est applicable même si les motifs de refus n’existent que dans une partie de l’Union.

22      Le choix, fait par le législateur de l’Union, du terme « caractéristique » met en exergue le fait que les signes visés à l’article 7, paragraphe 1, sous c), du règlement 2017/1001 ne sont que ceux qui servent à désigner une propriété, facilement reconnaissable par le public pertinent, des produits ou des services pour lesquels l’enregistrement est demandé. Ainsi, un signe ne saurait être refusé à l’enregistrement sur le fondement de cette disposition que s’il est raisonnable d’envisager qu’il sera effectivement reconnu par le public pertinent comme une description de l’une desdites caractéristiques [voir, en ce sens, arrêts du 10 mars 2011, Agencja Wydawnicza Technopol/OHMI, C‑51/10 P, EU:C:2011:139, point 50, et du 3 juillet 2013, Airbus/OHMI (NEO), T‑236/12, EU:T:2013:343, point 32].

23      De plus, s’il est indifférent qu’une telle caractéristique soit essentielle ou accessoire sur le plan commercial, une caractéristique, au sens de l’article 7, paragraphe 1, sous c), du règlement 2017/1001, doit néanmoins être objective et inhérente à la nature du produit ou du service ainsi qu’intrinsèque et permanente pour ce produit ou ce service [voir arrêt du 7 mai 2019, Fissler/EUIPO (vita), T‑423/18, EU:T:2019:291, point 44 et jurisprudence citée].

24      Selon une jurisprudence constante, pour qu’un signe tombe sous le coup de l’interdiction énoncée à l’article 7, paragraphe 1, sous c), du règlement 2017/1001, il faut qu’il présente avec les produits ou les services en cause un rapport suffisamment direct et concret de nature à permettre au public pertinent de percevoir immédiatement, et sans autre réflexion, une description des produits et des services en cause ou d’une de leurs caractéristiques (voir arrêt du 7 mai 2019, vita, T‑423/18, EU:T:2019:291, point 28 et jurisprudence citée).

25      Dès lors, le caractère descriptif doit être apprécié, d’une part, par rapport aux produits ou aux services pour lesquels l’enregistrement a été demandé et, d’autre part, par rapport à la perception qu’en a le public pertinent, qui est constitué par le consommateur de ces produits ou services (voir arrêt du 7 mai 2019, vita, T‑423/18, EU:T:2019:291, point 29 et jurisprudence citée).

26      En outre, un signe verbal doit se voir opposer un refus d’enregistrement, en application de l’article 7, paragraphe 1, sous c), du règlement 2017/1001, si, en au moins une de ses significations potentielles, il désigne une caractéristique des produits ou services concernés (voir arrêt du 7 mai 2019, vita, T‑423/18, EU:T:2019:291, point 30 et jurisprudence citée).

27      Par ailleurs, en vertu de l’article 95, paragraphe 1, du règlement 2017/1001, les examinateurs et les chambres de recours de l’EUIPO doivent procéder à l’examen d’office des faits. Il s’ensuit que les organes compétents de l’EUIPO peuvent être amenés à fonder leurs décisions sur des faits qui n’auraient pas été invoqués par le demandeur. Si, en principe, il appartient à ces organes d’établir, dans leurs décisions, l’exactitude de tels faits, tel n’est pas le cas lorsqu’ils allèguent des faits notoires. Sont notoires les faits qui résultent de l’expérience pratique généralement acquise et sont susceptibles d’être connus de toute personne, y compris du public pertinent [voir, en ce sens, arrêt du 30 avril 2013, ABC-One/OHMI (SLIM BELLY), T‑61/12, non publié, EU:T:2013:226, point 28 et jurisprudence citée].

28      Enfin, l’intérêt général sous-tendant l’article 7, paragraphe 1, sous c), du règlement 2017/1001 consiste à assurer que des signes descriptifs de l’une ou de plusieurs des caractéristiques des produits ou des services pour lesquels un enregistrement en tant que marque est demandé puissent être librement utilisés par l’ensemble des opérateurs économiques offrant de tels produits ou services. Cette disposition empêche que ces signes ou indications soient réservés à une seule entreprise en raison de leur enregistrement en tant que marque et qu’une entreprise monopolise l’usage d’un terme descriptif, au détriment des autres entreprises, y compris ses concurrents, dont l’étendue du vocabulaire disponible pour décrire leurs propres produits se trouverait ainsi réduite (voir arrêt du 7 mai 2019, vita, T‑423/18, EU:T:2019:291, point 31 et jurisprudence citée).

29      C’est à la lumière de ces considérations qu’il convient d’examiner, au vu de l’appréciation exposée par la chambre de recours dans la décision attaquée, l’argumentation de la requérante.

–       Sur le public pertinent

30      L’appréciation du caractère descriptif d’un signe ne peut être opérée que, d’une part, par rapport aux produits ou aux services concernés et, d’autre part, par rapport à la compréhension qu’en a le public pertinent [voir arrêt du 25 octobre 2005, Peek & Cloppenburg/OHMI (Cloppenburg), T‑379/03, EU:T:2005:373, point 37 et jurisprudence citée].

31      En l’espèce, ainsi qu’il est relevé au point 13 de la décision attaquée, les produits en cause sont des produits de consommation courante qui ciblent principalement le grand public. Néanmoins, il ne saurait être exclu qu’à tout le moins certains de ces produits, notamment les extraits de café, les essences de café, les concentrés de café, les cafés parfumés et le café sous forme de distillat, soient également adressés aux professionnels de la restauration. En tout état de cause, ainsi que le fait valoir l’EUIPO devant le Tribunal au point 12 de son mémoire en réponse, d’une part, il est impossible de distinguer précisément le grand public du public professionnel et, d’autre part, il est impossible de conclure formellement que les deux publics percevraient le signe d’une manière radicalement différente dans le cas d’espèce. Partant, le caractère descriptif de la marque demandée doit être apprécié par rapport à la perception du consommateur moyen, normalement informé et raisonnablement attentif et avisé, ayant un niveau d’attention moyen [voir, en ce sens, arrêt du 20 mars 2018, Webgarden/EUIPO (Dating Bracelet), T‑272/17, non publié, EU:T:2018:158, point 36 et jurisprudence citée].

32      En outre, la marque demandée étant composée d’un mot ayant notamment une signification en allemand, le public pertinent par rapport auquel il convient d’apprécier le motif absolu de refus est le public germanophone, ainsi qu’il est constaté au point 15 de la décision attaquée.

–       Sur la signification de la marque demandée

33      S’agissant de la signification de la marque demandée, il y a lieu de relever, ainsi qu’il est constaté au point 17 de la décision attaquée par la chambre de recours, que le terme « hell » signifie « clair » en allemand, ce qui n’est par ailleurs pas contesté par la requérante.

34      En outre, il convient d’écarter l’argument de la requérante selon lequel le public germanophone pertinent associera le signe HELL en premier lieu au mot « enfer » en raison de l’élément figuratif représentant la tête d’un diable et des expressions anglaises figurant sur les cannettes de ses produits ainsi que la notoriété du nom de la société requérante, des slogans de marketing en anglais et des campagnes de marketing intensives, principalement en anglais. En effet, l’objet de la demande d’enregistrement de marque de l’Union européenne en cause est le seul élément verbal « hell » sans aucun élément figuratif, et la requérante n’a ni invoqué l’article 7, paragraphe 3, du règlement 2017/1001, ni apporté la preuve du caractère distinctif acquis par l’usage à l’égard du public pertinent.

35      Par ailleurs, s’il est exact que le terme « hell » peut revêtir différentes significations dans plusieurs langues, notamment « enfer » en anglais, un tel fait n’en demeure pas moins inopérant en l’espèce, dès lors que la signification de « clair » en allemand constitue une de ses significations potentielles, ainsi qu’il est constaté au point 17 de la décision attaquée et conformément à la jurisprudence rappelée au point 26 ci-dessus.

–       Sur le lien entre la signification du terme « hell » en allemand et les produits en cause

36      La requérante soutient qu’il n’existe pas, du point de vue du public pertinent, un rapport suffisamment direct et concret entre le terme « hell » en allemand et les produits en cause. Selon elle, le public pertinent ne reconnaît pas l’aspect clair en tant que caractéristique des produits en cause ; bien au contraire, ce public associe la couleur noire ou foncée auxdits produits.

37      Après avoir annoncé au point 19 de la décision attaquée, probablement par erreur, l’analyse du caractère descriptif de « la combinaison des termes en question » à l’égard du « consommateur anglophone », la chambre de recours, en citant la popularité de la consommation de café, a estimé, aux points 20 et 21 de la décision attaquée, en substance que, pour le consommateur germanophone, le signe HELL ferait référence aux versions à torréfaction claire des produits en cause, même en l’absence du substantif allemand « Röstung » signifiant « torréfaction ». Elle a donc conclu, au point 23 de la décision attaquée, à l’existence d’un lien suffisamment direct et concret entre ledit signe et les produits en cause. Elle a ajouté, au point 27 de la décision attaquée, que l’établissement de ce lien ne nécessitait aucune conclusion logique ou analyse intellectuelle particulière de la part des consommateurs allemands.

38      Or, force est de constater que l’analyse susvisée de la chambre de recours est entachée d’erreur.

39      En premier lieu, bien que la chambre de recours ait estimé que le signe HELL ferait référence aux versions à torréfaction claire des produits en cause même en l’absence du substantif « Röstung » signifiant « torréfaction », dont le bien-fondé sera examiné au point 45 ci-après, elle ne s’est pas prononcée sur la question de savoir si l’aspect clair auquel le signe HELL faisait effectivement référence sans autre réflexion pour le public germanophone constituait une caractéristique des produits en cause, à savoir des préparations à base de café, au sens de l’article 7, paragraphe 1, sous c), du règlement 2017/1001. Partant, il ne ressort pas de la décision attaquée que l’adjectif « clair(e) » est employé par le public pertinent pour désigner les produits en cause.

40      À cet égard, il semble, ainsi que le soutient la requérante, que ces produits aient une couleur plutôt foncée.

41      En deuxième lieu, même si la torréfaction des grains de café à la base desquels sont préparés les produits en cause peut constituer une caractéristique de ces derniers, ainsi que la chambre de recours y fait allusion au point 21 de la décision attaquée, il faut souligner que le terme allemand « Röstung », signifiant « torréfaction », ne fait pas partie de la demande d’enregistrement de marque de l’Union européenne.

42      En troisième lieu, il convient d’examiner s’il existe, entre la marque demandée et les produits en cause, un rapport suffisamment direct et concret de nature à permettre au public pertinent de percevoir immédiatement, et sans autre réflexion, une description de ces produits ou d’une de leurs caractéristiques, conformément à la jurisprudence citée au point 24 ci-dessus.

43      En l’espèce, la chambre de recours a estimé, au point 21 de la décision attaquée, que, pour un consommateur germanophone, le terme « hell » ferait référence à des préparations à base de café à torréfaction claire, même en l’absence du substantif allemand « Röstung ». En se référant au « consommateur germanophone », la chambre de recours a visé, en substance, le grand public et donc le consommateur moyen, normalement informé et raisonnablement attentif et avisé, ayant un niveau d’attention moyen.

44      À cet égard, premièrement, il convient de relever qu’il s’agit d’une thèse dont la chambre de recours a omis de préciser, dans la décision attaquée, la base et la source. Elle n’a pas non plus fait valoir que la torréfaction claire constituait un fait notoire pour le public pertinent.

45      Deuxièmement, force est de constater que l’établissement d’un lien entre le signe HELL et lesdits produits en passant par l’idée de « helle Röstung », signifiant « torréfaction claire », requiert du public pertinent un effort de réflexion. Par conséquent, il n’existe ni un rapport suffisamment direct, ni un rapport suffisamment concret, au sens de la jurisprudence citée au point 24 ci-dessus, entre la marque demandée et les produits en cause. En effet, le public pertinent, en raison de l’effort de réflexion susvisé, ne pourra pas percevoir, ni immédiatement, ni sans autre réflexion, la marque demandée comme une description des produits en cause ou d’une de leurs caractéristiques.

46      Cette conclusion est corroborée par le fait, évoqué également par la requérante, que l’expression « hell Kaffee » est grammaticalement erronée et que l’expression « heller Kaffee », grammaticalement correcte et signifiant « café clair », n’est pas utilisée en allemand pour désigner une préparation à base de café à torréfaction claire.

47      De surcroît, tant la capture d’écran du site Internet en hongrois, introduite par l’EUIPO en tant qu’annexe B.1, que l’article provenant d’un site Internet en allemand, introduit par l’EUIPO en tant qu’annexe B.2, semblent confirmer que la torréfaction claire n’est pas connue par le grand public. D’une part, bien que la capture d’écran du site Internet hongrois contienne la phrase : « [e]t, en Allemagne, la torréfaction claire est de plus en plus populaire », elle précise également que la torréfaction foncée est la méthode de torréfaction connue et répandue. D’autre part, la capture d’écran hongroise et l’article allemand mettent en évidence que la torréfaction claire est connue parmi les amateurs de café qui sont membres d’un mouvement appelé « Third Wave », ce qui suggère que les préparations à base de café à torréfaction claire sont des produits de niche.

48      Par ailleurs, même à supposer que les amateurs de café et le public professionnel disposent de connaissances en matière de torréfaction claire, il suffit de relever que la décision attaquée ne comporte aucune indication à cet égard.

49      Ainsi, la transition effectuée par la chambre de recours de l’adjectif « clair(e) » à la « torréfaction claire » n’établit qu’un lien indirect, supposant une réflexion, et non un rapport direct et immédiat entre la marque demandée et les produits en cause dans l’esprit du public pertinent.

50      Il s’ensuit que la chambre de recours a enfreint l’article 7, paragraphe 1, sous c), du règlement 2017/1001 en estimant que la marque demandée revêtait un caractère descriptif à l’égard des produits en cause.

51      Le premier moyen doit donc être accueilli.

 Sur le deuxième moyen, tiré de la violation de l’article 7, paragraphe 1, sous b), du règlement 2017/1001, lu conjointement avec l’article 7, paragraphe 2, du même règlement

52      Par le deuxième moyen, la requérante soutient que, dans la mesure où la marque demandée n’est pas descriptive à l’égard des produits en cause, son enregistrement ne saurait non plus être refusé en application de l’article 7, paragraphe 1, sous b), du règlement 2017/1001. Elle relève que la marque demandée possède un caractère distinctif intrinsèque qui excède largement le niveau minimal requis en vertu de la jurisprudence pertinente.

53      L’EUIPO conteste les arguments de la requérante. Il fait notamment valoir que le caractère descriptif de la marque demandée occulte sa fonction d’indicateur de l’origine commerciale des produits en cause, de sorte que le public pertinent ne s’en souviendra pas en tant qu’indication de cette origine commerciale.

54      À cet égard, il importe de rappeler que chacun des motifs absolus de refus d’enregistrement énumérés à l’article 7, paragraphe 1, du règlement 2017/1001 est indépendant des autres et exige un examen séparé, même s’il existe un chevauchement évident de leurs champs d’application respectifs. En outre, il convient d’interpréter lesdits motifs de refus à la lumière de l’intérêt général qui sous-tend chacun d’entre eux (voir arrêt du 7 mai 2019, vita, T‑423/18, EU:T:2019:291, point 64 et jurisprudence citée).

55      Il s’ensuit que le fait qu’une marque ne relève pas de l’un de ces motifs absolus de refus ne permet pas de conclure qu’elle ne peut pas relever d’un autre. Il ne saurait donc être conclu, en particulier, qu’une marque n’est pas dépourvue de caractère distinctif à l’égard de certains produits ou services au seul motif qu’elle ne les décrit pas (voir arrêt du 7 mai 2019, vita, T‑423/18, EU:T:2019:291, point 65 et jurisprudence citée).

56      En effet, l’intérêt général sous-jacent à l’article 7, paragraphe 1, sous b), du règlement 2017/1001 concerne la protection du consommateur en permettant à celui-ci de distinguer sans confusion possible la provenance des produits ou des services désignés par la marque, conformément à sa fonction essentielle d’indication d’origine, alors que l’intérêt général sous-tendant la règle inscrite à l’article 7, paragraphe 1, sous c), se concentre sur la protection des concurrents contre tout risque de monopolisation par un seul opérateur d’indications descriptives de caractéristiques de tels produits ou services (voir point 28 ci-dessus).

57      Ainsi, une marque non descriptive, comme en l’espèce, n’est pas pour autant distinctive. Dans un tel cas, il faut encore examiner si, intrinsèquement, elle n’est pas dépourvue de caractère distinctif, c’est-à-dire vérifier si elle est capable de remplir la fonction essentielle de la marque, qui est de garantir au consommateur ou à l’utilisateur final l’identité d’origine du produit ou du service désigné par la marque, en lui permettant de distinguer, sans confusion possible, ce produit ou ce service de ceux qui ont une autre provenance (voir arrêt du 7 mai 2019, vita, T‑423/18, EU:T:2019:291, point 67 et jurisprudence citée).

58      Aux termes de l’article 7, paragraphe 1, sous b), du règlement 2017/1001, sont refusées à l’enregistrement les marques qui sont dépourvues de caractère distinctif. Selon une jurisprudence constante, les marques visées par cette disposition sont celles qui sont réputées incapables d’exercer la fonction essentielle de la marque, à savoir celle d’identifier l’origine commerciale du produit ou du service en cause afin de permettre ainsi au consommateur qui acquiert le produit ou le service que la marque désigne de faire, lors d’une acquisition ultérieure, le même choix si l’expérience s’avère positive ou de faire un autre choix si elle s’avère négative (voir arrêt du 7 mai 2019, vita, T‑423/18, EU:T:2019:291, point 68 et jurisprudence citée).

59      Ce caractère distinctif doit être apprécié, d’une part, par rapport aux produits ou aux services pour lesquels l’enregistrement est demandé et, d’autre part, par rapport à la perception qu’en a le public pertinent, qui est constitué par les consommateurs de ces produits ou services (voir arrêt du 7 mai 2019, vita, T‑423/18, EU:T:2019:291, point 69 et jurisprudence citée).

60      En l’espèce, au point 33 de la décision attaquée, la chambre de recours a considéré que la marque demandée possédait une signification descriptive évidente au regard des produits en cause et ferait simplement référence, pour le public pertinent, à des préparations à base de café à torréfaction claire. Elle en a conclu que ladite marque était descriptive et, par conséquent, ne possédait aucun caractère distinctif.

61      Or, il a été constaté, dans le cadre de l’analyse du premier moyen, qu’il ne ressortait pas de la décision attaquée que l’aspect clair constituait une caractéristique des produits en cause et que l’établissement d’un lien entre le signe HELL et lesdits produits en passant par l’idée de « helle Röstung », signifiant « torréfaction claire », requérait du public pertinent un effort de réflexion (voir points 39 à 43 ci-dessus).

62      Partant, dans la mesure où la chambre de recours a déduit l’absence de caractère distinctif de la marque demandée en tant que simple conséquence de son prétendu caractère descriptif, lequel n’est pas établi, force est de constater que cette déduction repose sur une prémisse erronée et s’avère donc dénuée de fondement.

63      De plus, dans la mesure où la chambre de recours a inféré l’absence de caractère distinctif de la marque demandée de sa compréhension comme un message selon lequel les produits en cause étaient des préparations à base de café à torréfaction claire, il y a lieu de considérer que le public germanophone pertinent ne percevra pas dans la marque demandée, immédiatement et sans autre réflexion, une description d’une caractéristique intrinsèque desdits produits et ne pourra l’associer directement à ces produits. Au contraire, le terme « hell » requerra un certain effort d’interprétation de la part du public pertinent. Celui-ci percevrait la marque demandée, en lien avec les produits en cause, comme étonnante, eu égard au fait, reconnu également par l’EUIPO au point 16 de son mémoire en réponse devant le Tribunal, que la couleur noire est une caractéristique significative des préparations à base de café.

64      Le motif de refus invoqué en l’espèce ne saurait donc empêcher que la marque demandée soit, dans l’esprit du public pertinent, apte à identifier l’origine commerciale des produits en cause et à les distinguer de ceux d’autres entreprises.

65      Il s’ensuit que la chambre de recours a violé l’article 7, paragraphe 1, sous b), du règlement 2017/1001 lorsqu’elle a conclu, à tort, que la marque demandée était dépourvue de caractère distinctif à l’égard des produits en cause sur le fondement du motif de refus invoqué en l’espèce.

66      Le deuxième moyen doit donc également être accueilli.

67      Eu égard à l’ensemble des considérations qui précèdent, il y a lieu de faire droit au recours et, partant, d’annuler la décision attaquée, sans qu’il soit nécessaire de se prononcer sur le troisième moyen invoqué par la requérante.

 Sur les dépens

68      Aux termes de l’article 134, paragraphe 1, du règlement de procédure du Tribunal, toute partie qui succombe est condamnée aux dépens, s’il est conclu en ce sens.

69      Or, en l’espèce, la requérante n’a pas conclu sur les dépens.

70      Il y a donc lieu de décider que chaque partie supportera ses propres dépens.

Par ces motifs,

LE TRIBUNAL (troisième chambre)

déclare et arrête :

1)      La décision de la deuxième chambre de recours de l’Office de l’Union européenne pour la propriété intellectuelle (EUIPO) du 25 mars 2020 (affaire R 1712/2019-2) est annulée.

2)      Chaque partie supporte ses propres dépens.

Collins

Kreuschitz

Csehi

Ainsi prononcé en audience publique à Luxembourg, le 21 avril 2021.

Signatures


*      Langue de procédure : le hongrois.