Language of document : ECLI:EU:T:2013:12

DOCUMENT DE TRAVAIL

ARRÊT DU TRIBUNAL (troisième chambre)

15 janvier 2013 (*)

« Marque communautaire – Procédure de nullité – Marque communautaire figurative EUROPEAN DRIVESHAFT SERVICES – Motif absolu de refus – Imitation de l’emblème d’une organisation internationale intergouvernementale – Article 7, paragraphe 1, sous h), du règlement (CE) n° 207/2009 – Article 6 ter de la convention de Paris – Contenu de la demande en nullité – Recevabilité de nouveaux éléments – Article 56, paragraphe 2, et article 76 du règlement n° 207/2009 – Règle 37, sous b), iv), du règlement (CE) n° 2868/95 – Compétence de la chambre de recours en cas de recours limité à une partie de la décision de la division d’annulation »

Dans l’affaire T‑413/11,

Welte-Wenu GmbH, établie à Neu‑Ulm (Allemagne), représentée par MT. Kahl, avocat,

partie requérante,

contre

Office de l’harmonisation dans le marché intérieur (marques, dessins et modèles) (OHMI), représenté par M. G. Schneider, en qualité d’agent,

partie défenderesse,

l’autre partie à la procédure devant la chambre de recours de l’OHMI, intervenant devant le Tribunal, étant

Commission européenne, représentée par Mme J. Samnadda et M. F. W. Bulst, en qualité d’agents,

ayant pour objet un recours formé contre la décision de la première chambre de recours de l’OHMI du 12 mai 2011 (affaire R 1590/2010‑1), relative à une procédure en nullité entre la Commission européenne et Welte-Wenu GmbH,

LE TRIBUNAL (troisième chambre),

composé de M. O. Czúcz, président, Mme I. Labucka et M. D. Gratsias (rapporteur), juges,

greffier : M. E. Coulon,

vu la requête déposée au greffe du Tribunal le 27 juillet 2011,

vu le mémoire en réponse de l’OHMI déposé au greffe du Tribunal le 30 novembre 2011,

vu le mémoire en réponse de la Commission déposé au greffe du Tribunal le 1er décembre 2011,

vu l’absence de demande de fixation d’une audience présentée par les parties dans le délai d’un mois à compter de la signification de la clôture de la procédure écrite et ayant dès lors décidé, sur rapport du juge rapporteur et en application de l’article 135 bis du règlement de procédure du Tribunal, de statuer sans phase orale de la procédure,

rend le présent

Arrêt

 Antécédents du litige

1        Le 4 avril 2001, la requérante, Welte-Wenu GmbH, a présenté une demande d’enregistrement de marque communautaire à l’Office de l’harmonisation dans le marché intérieur (marques, dessins et modèles) (OHMI), en vertu du règlement (CE) n° 40/94 du Conseil, du 20 décembre 1993, sur la marque communautaire (JO 1994, L 11, p. 1), tel que modifié [remplacé par le règlement (CE) n° 207/2009 du Conseil, du 26 février 2009, sur la marque communautaire (JO L 78, p. 1)].

2        La marque dont l’enregistrement a été demandé est le signe figuratif suivant :

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3        Les produits pour lesquels l’enregistrement a été demandé relèvent des classes 7 et 12 au sens de l’arrangement de Nice concernant la classification internationale des produits et des services aux fins de l’enregistrement des marques, du 15 juin 1957, tel que révisé et modifié, et correspondent, pour chacune de ces classes, à la description suivante :

–        classe 7 : « Arbres de transmission et pièces de rechange pour arbres de transmission pour véhicules et machines, autres que pour véhicules terrestres » ;

–        classe 12 : « Arbres de transmission et pièces de rechange pour arbres de transmission pour véhicules terrestres ».

4        La demande de marque communautaire a été publiée au Bulletin des marques communautaires n° 88/2001, du 8 octobre 2001.

5        Le 9 avril 2002, la marque demandée a été enregistrée en tant que marque communautaire sous le numéro 2180800.

6        Le 4 février 2009, la Commission des communautés européennes a, en vertu de l’article 55 du règlement n° 40/94 (devenu article 56 du règlement n° 207/2009), présenté auprès de l’OHMI une demande en nullité de la marque litigieuse, au motif qu’elle avait été enregistrée en violation de l’article 7, paragraphe 1, sous h), lu conjointement avec l’article 51, paragraphe 1, sous a), dudit règlement [devenus, respectivement, article 7, paragraphe 1, sous h) et article 52, paragraphe 1, sous a), du règlement n° 207/2009].

7        La Commission a fait valoir, à l’appui de sa demande, que la marque en cause consistait en une « imitation au point de vue héraldique » des emblèmes QO 0927 et QO 0926 (devenus, respectivement, les emblèmes QO 188 et QO 189), au sens de l’article 6 ter de la convention de Paris pour la protection de la propriété industrielle du 20 mars 1883, telle que révisée et modifiée (ci-après la « convention de Paris ») et que les deux emblèmes étaient protégés depuis le 4 octobre 1979 en tant qu’emblèmes du Conseil de l’Europe. Avec l’accord de celui‑ci, le premier de ces deux emblèmes aurait été officiellement adopté en 1985 en tant qu’emblème et drapeau de l’Union européenne et constituerait depuis le seul signe utilisé par la Commission.

8        Les emblèmes mentionnés au point précédent, tels qu’ils ressortent respectivement de la base de données du bureau international de l’Organisation mondiale de la propriété intellectuelle (OMPI), sont reproduits successivement ci‑après :

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9        Le 30 juin 2010, la division d’annulation a rejeté la demande de la Commission (point 1 du dispositif de sa décision) et l’a condamnée à supporter les frais de la procédure d’annulation exposés par la requérante, dont elle a fixé le montant à 450 euros (point 2 du dispositif de sa décision).

10      Le 17 août 2010, la Commission a formé un recours auprès de l’OHMI, au titre des articles 58 à 64 du règlement n° 207/2009, contre la décision de la division d’annulation.

11      Par décision du 12 mai 2011 (ci-après la « décision attaquée »), la première chambre de recours de l’OHMI a accueilli le recours, annulé la décision de la division d’annulation, déclaré nulle la marque en cause et condamné la requérante à supporter « les frais des procédures en nullité et de recours qui sont fixés à 2 500 euros ».

 Conclusions des parties

12      La requérante conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        annuler la décision attaquée ;

–        rejeter le recours de la Commission contre la décision de la division d’annulation ayant rejeté la demande en nullité ;

–        condamner la Commission aux dépens de la procédure d’annulation et à ceux de la procédure de recours devant l’OHMI et condamner l’OHMI aux dépens exposés au cours de la présente instance devant le Tribunal.

13      L’OHMI conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        rejeter le recours ;

–        condamner la requérante aux dépens.

14      La Commission n’a pas présenté de conclusions distinctes dans son mémoire en réponse.

 En droit

15      À l’appui de son recours, la requérante invoque trois moyens tirés, premièrement, de la violation de l’article 55, paragraphe 2, du règlement n° 40/94, de l’article 76 du règlement n° 207/2009, ainsi que de la règle 37, sous b), iv), du règlement (CE) n° 2868/95 de la Commission, du 13 décembre 1995, portant modalités d’application du règlement (CE) n° 40/94 du Conseil sur la marque communautaire (JO L 303, p. 1), deuxièmement, de la violation de l’article 7, paragraphe 1, sous h), du règlement n° 207/2009 et de l’article 6 ter de la convention de Paris et, troisièmement, d’une erreur de la chambre de recours dans la répartition des dépens de la procédure.

 Sur le premier moyen, tiré de la violation de l’ article 55, paragraphe 2, du règlement n° 40/94, de l’article 76 du règlement n° 207/2009, ainsi que de la règle 37, sous b), iv), du règlement n° 2868/95

16      Par son premier moyen, la requérante fait valoir qu’une demande en nullité, telle que celle présentée par la Commission en l’espèce, doit être fondée sur des affirmations factuelles solides, de nature à démontrer la probabilité de l’établissement, par le public concerné, d’un lien entre la marque visée par la demande en cause et l’organisation internationale intergouvernementale concernée.

17      Selon la requérante, les affirmations factuelles avancées par la Commission durant la procédure de nullité n’étaient pas pertinentes au regard de la demande de nullité et la division d’annulation a, à juste titre, rejeté celle-ci. Ce ne serait qu’au stade du recours devant la chambre de recours que la Commission aurait, pour la première fois, avancé des faits, des preuves et des observations, afin de démontrer a posteriori le bien‑fondé de sa demande. Or, contrairement aux exigences de l’article 55 du règlement no 40/94 et de la règle 37, sous b), iv), du règlement no 2868/95, ces éléments n’auraient pas été présentés en même temps que la demande en nullité. En les admettant et en les prenant en considération, la chambre de recours aurait, dès lors, violé l’article 76 du règlement n° 207/2009.

18      Il y a lieu de rappeler que, aux termes de l’article 7, paragraphe 1, sous h), du règlement n° 207/2009, sont refusées à l’enregistrement les marques qui, à défaut d’autorisation des autorités compétentes, sont à refuser en vertu de l’article 6 ter de la convention de Paris.

19      L’article 6 ter de la convention de Paris dispose ce qui suit :

« 1) a) Les pays de l’Union [constituée par les pays auxquels s’applique la présente convention] conviennent de refuser ou d’invalider l’enregistrement et d’interdire, par des mesures appropriées, l’utilisation, à défaut d’autorisation des pouvoirs compétents, soit comme marque de fabrique ou de commerce, soit comme élément de ces marques, des armoiries, drapeaux et autres emblèmes d’État des pays de l’Union, signes et poinçons officiels de contrôle et de garantie adoptés par eux, ainsi que toute imitation au point de vue héraldique.

b) Les dispositions figurant sous la lettre a) ci-dessus s’appliquent également aux armoiries, drapeaux et autres emblèmes, sigles ou dénominations des organisations internationales intergouvernementales dont un ou plusieurs pays de l’Union sont membres, à l’exception des armoiries, drapeaux et autres emblèmes, sigles ou dénominations qui ont déjà fait l’objet d’accords internationaux en vigueur destinés à assurer leur protection.

c) Aucun pays de l’Union ne pourra être tenu d’appliquer des dispositions figurant sous la lettre b) ci-dessus au détriment des titulaires de droits acquis de bonne foi avant l’entrée en vigueur, dans ce pays, de la présente convention. Les pays de l’Union ne sont pas tenus d’appliquer lesdites dispositions lorsque l’utilisation ou l’enregistrement visé sous la lettre a) ci-dessus n’est pas de nature à suggérer, dans l’esprit du public, un lien entre l’organisation en cause et les armoiries, drapeaux, emblèmes, sigles ou dénominations, ou si cette utilisation ou enregistrement n’est vraisemblablement pas de nature à abuser le public sur l’existence d’un lien entre l’utilisateur et l’organisation.

[…]

3) […]

b) Les dispositions figurant sous la lettre b) de l’alinéa 1) du présent article ne sont applicables qu’aux armoiries, drapeaux et autres emblèmes, sigles ou dénominations des organisations internationales que celles-ci ont communiqués aux pays de l’Union par l’intermédiaire du Bureau international.

[…] »

20      L’article 55, paragraphe 2, première phrase, du règlement n° 40/94 dispose qu’une demande en déchéance ou en nullité est présentée par écrit et est motivée. La règle 37, sous b), iv), du règlement n° 2868/95 prévoit, à cet égard, qu’une demande en déchéance ou en nullité de la marque communautaire, introduite auprès de l’OHMI en vertu de l’article 55 du règlement n° 40/94, contient, comme renseignements, les faits, preuves et observations présentés à l’appui de ladite demande.

21      Enfin, aux termes de l’article 76 du règlement n° 207/2009 :

« 1.      Au cours de la procédure, l’O[HMI] procède à l’examen d’office des faits ; toutefois, dans une procédure concernant des motifs relatifs de refus d’enregistrement, l’examen est limité aux moyens invoqués et aux demandes présentées par les parties.

2.      L’O[HMI] peut ne pas tenir compte des faits que les parties n’ont pas invoqués ou des preuves qu’elles n’ont pas produites en temps utile. »

22      En l’espèce, il convient de relever qu’il résulte de la lecture de la demande en nullité, telle qu’elle figure dans le dossier de la procédure devant l’OHMI transmis au Tribunal en application de l’article 133, paragraphe 3, du règlement de procédure du Tribunal, que la Commission avait bien invoqué, à l’appui de sa demande, la possibilité de l’établissement d’un lien, par le public concerné, entre les produits visés par la marque en cause et l’Union. En particulier, la Commission a relevé que la couronne d’étoiles, l’arrangement de couleurs et le mot « european » (européen), utilisés dans la marque en cause, étaient de nature à tromper le public qui pouvait croire que les « services » protégés provenaient de l’Union ou d’une entité autorisée par celle‑ci, ou qu’ils étaient contrôlés ou garantis par l’Union. Cette argumentation est d’ailleurs résumée par la division d’annulation, au point 6 de sa décision. Il résulte en outre du point 29 de la même décision, que la division d’annulation a compris que l’allusion de la Commission à des « services », alors que la marque en cause ne visait que des produits, résultait d’une erreur évidente et qu’il convenait de comprendre l’argumentation de la Commission en ce sens qu’elle visait la possibilité de l’établissement d’un lien, par le public pertinent, entre les produits visés par la marque en cause et l’Union européenne.

23      Il résulte également de la lecture de la demande en nullité de la Commission, que celle‑ci avait fait référence, à l’appui de son argumentation, à l’arrêt du Tribunal du 21 avril 2004, Concept/OHMI (ECA) (T‑127/02, Rec. p. II‑1113; ci‑après l’ « arrêt ECA »). Toutefois, en raison d’une autre erreur évidente, elle a indiqué qu’il s’agissait d’un arrêt de la Cour et elle a fait référence à un numéro d’affaire inexact (C‑127/02). La division d’annulation a, néanmoins, compris que la Commission invoquait l’arrêt ECA et, au point 29 de sa décision, elle a rectifié les erreurs de la Commission en indiquant la citation correcte de cet arrêt.

24      Il convient de rappeler également que, ainsi qu’il ressort d’une jurisprudence constante, l’article 76 du règlement n° 207/2009, au même titre que l’article 74 du règlement n° 40/94, qui était applicable au moment de la présentation de la demande en nullité de la Commission et dont le contenu est identique, ne fait pas obstacle à ce que les instances de l’OHMI fondent leur décisions, outre sur les faits et les preuves présentés par les parties, sur des faits notoires [voir, en ce sens, arrêt du Tribunal du 22 juin 2004, Ruiz-Picasso e.a./OHMI – DaimlerChrysler (PICARO), T‑185/02, Rec. p. II‑1739, points 28 et 29, et la jurisprudence citée].

25      Il s’ensuit que la demande de la Commission, tendant à ce que la marque en cause soit déclarée nulle, était conforme aux exigences de l’article 55, paragraphe 2, première phrase, du règlement n° 40/94 et de la règle 37, sous b), iv), du règlement n° 2868/1995, dès lors que la Commission avait exposé à suffisance de droit les motifs justifiant, selon elle, sa demande.

26      Il est certes vrai que, pour démontrer la probabilité que le public établisse un lien entre les produits visés par la marque en cause et l’Union européenne, elle s’est bornée à faire référence à « la grande variété des services et des produits que peuvent offrir le Conseil de l’Europe et l’Union européenne » en renvoyant, à cet égard, à l’arrêt ECA, point 23 supra, sans avancer une autre preuve de cette dernière affirmation. Toutefois, ainsi qu’il ressort, précisément, de l’arrêt ECA, point 23 supra (point 68), cette affirmation était fondée sur un fait notoire qui peut être considéré comme prouvé sans référence à des éléments concrets.

27      De plus, il convient de relever que la division d’annulation n’a pas rejeté la demande en nullité de la Commission comme irrecevable pour défaut de conformité aux exigences de l’article 55 du règlement n° 40/94 ou de la règle 37 du règlement no 2868/1995. Elle n’a pas non plus remis en question l’affirmation selon laquelle le Conseil de l’Europe ou l’Union pouvaient offrir une grande variété de produits ou de services. Ainsi qu’il ressort du point 29 de sa décision, dont un résumé figure au point 12 de la décision attaquée, elle a plutôt considéré que, abstraction faite de cette affirmation de nature générale, la Commission n’avait pas démontré la probabilité de l’établissement, par le public professionnel pertinent, d’un lien entre les produits couverts par la marque en cause et les institutions de l’Union. C’est sur la base de cette considération qu’elle a conclu que la demande en nullité de la Commission devait être rejetée comme non fondée.

28      Pour contester cette conclusion de la division d’annulation, la Commission a, dans son mémoire exposant les motifs de son recours devant la chambre de recours, notamment invoqué, d’une part, l’arrêt ECA, point 23 supra, qu’elle a cette fois correctement cité et dont elle a fourni une copie et, d’autre part, la directive 2007/46/CE du Parlement européen et du Conseil, du 5 septembre 2007, établissant un cadre pour la réception des véhicules à moteur, de leurs remorques et des systèmes, des composants et des entités techniques destinés à ces véhicules (JO L 263, p. 1), qu’elle a également annexée en copie à son mémoire.

29      Ainsi qu’il ressort du point 24 de la décision attaquée, la requérante avait demandé que les pièces produites par la Commission en annexe à son mémoire, tel que mentionné au point précédent, ne soient pas prises en considération dès lors qu’elles n’avaient pas été produites en temps utile. La chambre de recours a néanmoins décidé de prendre en considération la directive 2007/46 et l’arrêt ECA, point 23 supra. Pour motiver sa décision, elle a indiqué, au point 25 de la décision attaquée, que « les parties [étaient] en droit d’invoquer à tout moment des arguments juridiques en rapport avec leur exposé antérieur » et que « [l]a production de la directive 2007/46/CE en tant que preuve du droit applicable [était], par conséquent, légale » et qu’« [i]l en [allait] de même en ce qui concern[ait] la production de l’arrêt [ECA] qui [était] important pour l’interprétation de l’article 7, paragraphe 1, [sous] h), du [règlement no 207/2009] ». S’agissant des autres pièces produites par la Commission en annexe à son mémoire, la chambre de recours a relevé, au point 26 de la décision attaquée, qu’elles n’étaient pas pertinentes et que, par conséquent, il n’était pas nécessaire d’examiner si elles devaient être écartées en application de l’article 76, paragraphe 2, du règlement n° 207/2009.

30      La requérante reproche, à cet égard, à la chambre de recours une violation de l’article 76 du règlement n° 207/2009. Elle fait en substance valoir que, alors que la demande en nullité, telle que déposée et examinée par la division d’annulation, n’était pas étayée de faits et de preuves pertinents, en admettant pour la première fois les éléments présentés par la Commission avec son mémoire exposant les motifs de son recours devant la chambre de recours, cette dernière lui a permis, en violation de l’article 76 du règlement n° 207/2009, de la compléter.

31      Cette argumentation ne saurait prospérer. Il convient d’emblée de rappeler que l’arrêt ECA, point 23 supra, avait déjà été invoqué dans la demande en nullité. Les erreurs évidentes que constituaient la référence à la Cour plutôt qu’au Tribunal et l’indication d’un numéro d’affaire inexact n’ont pas empêché la division d’annulation de comprendre que c’était cet arrêt qui était invoqué par la Commission et de le prendre en considération (voir point 25 ci‑dessus). Par ailleurs, il convient de relever que la Commission a invoqué l’arrêt ECA, point 23 supra (point 68), à l’appui de son affirmation selon laquelle le Conseil de l’Europe ou l’Union pouvaient offrir une grande variété de produits ou de services. Or, ainsi qu’il a déjà été relevé (voir point 25 ci-dessus), cette affirmation était fondée sur un fait notoire que la chambre de recours ne pouvait ignorer.

32      Plus généralement, il y a lieu de rappeler que l’article 76 du règlement no 207/2009 ne fait pas obstacle à ce que les parties, les instances de l’OHMI, voire même le juge de l’Union, s’inspirent, dans l’interprétation du droit de l’Union, d’éléments tirés de la jurisprudence des juridictions de l’Union ou de la jurisprudence nationale ou internationale. Cette jurisprudence n’est pas invoquée en tant qu’élément de preuve d’un fait contesté, mais afin de s’en inspirer s’agissant de l’interprétation et de l’application d’une disposition du règlement n° 207/2009 [voir, en ce sens, arrêt du Tribunal du 12 juillet 2006, Vitakraft-Werke Wührmann/OHMI – Johnson’s Veterinary Products (VITACOAT), T‑277/04, Rec. p. II‑2211, points 70 et 71].

33      S’agissant de la directive 2007/46, il est certes exact que la Commission ne l’avait pas évoquée dans la demande en nullité et qu’elle y a fait référence, pour la première fois, dans son mémoire devant la chambre de recours. Il n’en reste pas moins que cette directive ne saurait être regardée comme un élément de preuve que les parties devant la chambre de recours doivent produire en temps utile. Cette directive, publiée au Journal officiel de l’Union européenne, constitue un élément du droit de l’Union et fait, dès lors, partie des données de droit dont les parties peuvent faire état à n’importe quel stade de la procédure devant l’OHMI et que ce dernier non seulement peut, mais, le cas échéant, doit prendre en considération d’office (voir, en ce sens, arrêt de la Cour du 2 avril 2009, Mebrom/Commission, C‑373/07 P, non publié au Recueil, point 80, et arrêt du Tribunal du 6 octobre 2009, Sundholm/Commission, T‑102/08 P, non encore publié au Recueil, point 27). Bien que cette directive ne porte pas sur le droit de la propriété intellectuelle, mais sur la réception des véhicules à moteur et de leurs composants, l’OHMI, qui, aux termes de l’article 115, paragraphe 1, du règlement n° 207/2009, est un organisme de l’Union, ne saurait être censé ignorer le droit de l’Union.

34      Partant, les considérations de la chambre de recours figurant au point 25 de la décision attaquée (voir point 29 ci‑dessus) ne sont entachées d’aucune erreur et doivent être approuvées. Il convient, dès lors, de rejeter le premier moyen.

 Sur le deuxième moyen, tiré de la violation de l’article 7, paragraphe 1, sous h), du règlement n° 207/2009 et de l’article 6 ter de la convention de Paris

35      Par le deuxième moyen, la requérante conteste, quant au fond, la conclusion de la chambre de recours, selon laquelle la marque en cause avait été enregistrée contrairement aux dispositions de l’article 7, paragraphe 1, sous h), du règlement n° 207/2009 et de l’article 6 ter de la convention de Paris, auquel elles renvoient.

36      Il y a lieu de relever, à cet égard, que, ainsi qu’il ressort du texte même de l’article 6 ter, paragraphe 1, sous a) et b), de la convention de Paris, ces dispositions interdisent l’enregistrement d’un emblème d’État ou d’un organisation internationale intergouvernementale non seulement comme marque, mais également comme élément d’une marque. En outre, à l’interdiction de la réplique exacte de l’emblème, s’ajoute également l’interdiction de l’imitation de celui-ci [arrêt du Tribunal du 5 mai 2011, SIMS – Ecole de ski internationale/OHMI – SNMSF (esf école du ski français), T‑41/10, non publié au Recueil, point 21 ; voir, en ce sens, arrêt de la Cour du 16 juillet 2009, American Clothing Associates/OHMI et OHMI/American Clothing Associates, C‑202/08 P et C‑208/08 P, Rec. p. I‑6933, points 47 et 48].

37      L’interdiction d’imitation d’un emblème concerne cependant uniquement les imitations de celui-ci du point de vue héraldique, c’est‑à‑dire celles qui réunissent les connotations héraldiques qui distinguent l’emblème des autres signes. Ainsi, la protection contre toute imitation du point de vue héraldique se réfère non à l’image en tant que telle, mais à son expression héraldique. Aussi y a‑t‑il lieu, afin de déterminer si la marque comprend une imitation du point de vue héraldique, de considérer la description héraldique de l’emblème en cause. Il y a toutefois lieu de préciser que toute différence entre la marque concernée et l’emblème, détectée par un spécialiste de l’art héraldique, ne sera pas nécessairement perçue par le consommateur moyen qui, en dépit de différences au niveau de certains détails héraldiques, peut voir dans la marque une imitation de l’emblème en question (arrêt American Clothing Associates/OHMI et OHMI/American Clothing Associates, point 36 supra, points 47, 48 et 50).

38      En outre, la description héraldique de l’emblème à laquelle il convient de se référer afin de déterminer s’il y a lieu d’y voir une imitation du point de vue héraldique au sens de l’article 6 ter, paragraphe 1, sous a) et sous b), de la convention de Paris ne comporte habituellement que certains éléments descriptifs, sans nécessairement entrer dans les détails de l’interprétation artistique, si bien qu’il peut exister plusieurs interprétations artistiques d’un seul et même emblème à partir de la même description héraldique (arrêt American Clothing Associates/OHMI et OHMI/American Clothing Associates, point 36 supra, point 52). Ainsi, une marque ne reproduisant pas exactement un emblème d’État peut néanmoins être visée par l’article 6 ter, paragraphe 1, de la convention de Paris, lorsqu’elle est perçue par le public concerné comme imitant un tel emblème (arrêt American Clothing Associates/OHMI et OHMI/American Clothing Associates, point 36 supra, points 48 et 50).

39      En l’espèce, la chambre de recours a commencé par procéder, aux points 32 à 41 de la décision attaquée, à une comparaison entre l’emblème QO 0927 reproduit au point 8 ci‑dessus (ci‑après, le « drapeau européen ») et la marque en cause. Elle s’est d’abord référée à la description héraldique du drapeau européen telle que produite par la Commission. Cette description, qui figure également au point 43 de l’arrêt ECA, point 23 supra, est rédigée en les termes suivants :

« Sur fond azur, un cercle composé de douze étoiles d’or à cinq rais dont les pointes ne se touchent pas. »

40      Ensuite, au point 33 de la décision attaquée, la chambre de recours a fourni une description de la marque en cause. Elle a relevé que celle-ci comprenait, sur fond bleu, un cercle composé de douze étoiles argentées à cinq rais dont les pointes ne se touchaient pas, qu’au milieu du cercle d’étoiles se trouvait la représentation d’un croisillon argenté dans lequel apparaissaient les lettres « E », « D » et « S » et la suite de mots « EUROPEAN DRIVESHAFT SERVICES » au‑dessus de ce cercle.

41      Au point 34 de la décision attaquée, la chambre de recours a relevé ce qui suit :

« Dans le domaine de l’héraldique, la couleur ‘bleue’ existe ; c’est donc la même couleur qui est utilisée dans les deux cas. La différence entre la couleur ‘azur’ et le ton de bleu utilisé par la marque communautaire attaquée est également trop insignifiante pour pouvoir, en toute hypothèse, être remarquée. »

42      C’est à juste titre que la chambre de recours a considéré qu’il existait, tout au plus, une différence de couleur insignifiante entre le fond de la marque en cause et celui du drapeau européen. Il convient de noter à cet égard que, dans la terminologie héraldique anglaise et française le terme « azur » désigne la couleur bleue. En outre, l’héraldique ne distingue pas entre différents tons d’une même couleur. Ainsi, la représentation du drapeau européen avec le ton de la couleur bleu utilisée dans la marque en cause resterait fidèle à la description héraldique de cet emblème.

43      Au point 35 de la décision attaquée, la chambre de recours a poursuivi en développant les considérations suivantes, qui sont également correctes dès lors qu’elles découlent de la jurisprudence mentionnée au point 37 ci-dessus :

« D’un point de vue héraldique, la disposition des étoiles est dépourvue de signification. Toutefois, un spécialiste du domaine de l’héraldique percevra immédiatement la différence de couleur des étoiles. D’un point de vue héraldique, surtout au regard du fait que seules quatre couleurs et deux métaux sont utilisés, il existe une différence entre les cercles d’étoiles respectifs. Cette différence ne sera toutefois pas nécessairement perçue par le public ciblé ; ce dernier y verra encore moins une différence héraldique ».

44      Sur la base de ces considérations, la chambre de recours a correctement conclu, au point 41 de la décision attaquée, que le signe compris dans la marque en cause constituait une imitation, au se sens de l’article 6 ter, paragraphe 1, sous a), de la convention de Paris, du drapeau européen. Cette conclusion n’est d’ailleurs pas spécifiquement contestée par la requérante.

45      La requérante concentre son argumentation relative au présent moyen plutôt sur les considérations de la chambre de recours ayant amené cette dernière à la conclusion que la marque en cause était de nature à suggérer, dans l’esprit du public, un lien avec l’Union ou le Conseil de l’Europe et à abuser le public à cet égard.

46      Pour parvenir à cette conclusion, la chambre de recours s’est d’abord référée, au point 43 de la décision attaquée, à la directive 2007/46, et elle a mis en exergue le fait que cette directive établissait un cadre harmonisé contenant les dispositions administratives et les exigences techniques applicables à la réception des véhicules neufs relevant de son champ d’application, ainsi que des systèmes, composants et entités techniques destinés à ces véhicules. Elle a également souligné que cette directive contenait aussi des dispositions applicables à la vente et à la mise en service des pièces et des équipements destinés à des véhicules réceptionnés et que, aux fins de son application, des exigences techniques spécifiques concernant la construction et le fonctionnement des véhicules étaient fixées dans des actes réglementaires. Sur la base de ces considérations, la chambre de recours a relevé, au point 44 de la décision attaquée, que l’on ne pouvait pas partir du principe qu’il n’existait aucun lien entre les produits couverts par la marque demandée et l’Union. Ceux des produits en cause compris dans la classe 12 (mentionnée, à la suite d’une erreur de frappe évidente, comme étant la classe 11) seraient destinés à être incorporés dans des véhicules et relèveraient, dès lors, du domaine d’application de la directive 2007/46, alors que ceux compris dans la classe 7 relèveraient du domaine d’application de la directive 93/68/CEE du Conseil, du 22 juillet 1993, modifiant les directives 87/404/CEE (récipients à pression simples), 88/378/CEE (sécurité des jouets), 89/106/CEE (produits de la construction), 89/336/CEE (compatibilité électromagnétique), 89/392/CEE (machines), 89/686/CEE (équipements de protection individuelle), 90/384/CEE (instruments de pesage à fonctionnement non automatique), 90/385/CEE (dispositifs médicaux implantables actifs), 90/396/CEE (appareils à gaz), 91/263/CEE (équipements terminaux de télécommunications), 92/42/CEE (nouvelles chaudières à eau chaude alimentées en combustibles liquides ou gazeux) et 73/23/CEE (matériels électriques destinés à être employés dans certaines limites de tension) (JO L 220, p. 1).

47      Ensuite, la chambre de recours a relevé, au point 45 de la décision attaquée, que les produits couverts par la marque en cause étaient destinés, d’une part, à « des professionnels de l’automobile, c’est‑à‑dire des personnes qui occupent des positions clés dans le domaine de la construction de véhicules automobiles ou qui travaillent dans des ateliers de réparation ainsi qu’à des propriétaires de voitures qui mettent leur véhicule à réparer et doivent, de ce fait, prendre des décisions concernant l’achat et l’incorporation de pièces de rechange ». D’autre part, ainsi que la chambre de recours le relève aux points 46 et 47 de la décision attaquée, le grand public a également un intérêt à l’existence de labels de qualité ou d’autres symboles d’homologation lui indiquant qu’un produit remplit certaines exigences qualitatives et peut être commercialisé dans l’ensemble de l’Union. La chambre de recours a fourni un exemple concret d’un tel signe de qualité, en se référant, au point 48 de la décision attaquée, à la marque d’homologation CEE, instituée par la Commission économique des Nations unies pour l’Europe dont font partie tous les États membres de l’Union.

48      Sur la base de ces considérations, la chambre de recours a considéré qu’il existait un lien entre les produits couverts par la marque en cause et le domaine d’activité de l’Union et qu’il convenait, dès lors, de faire droit au recours, d’annuler la décision de la division d’annulation et de déclarer la nullité de ladite marque (voir points 23, 51 et 52 de la décision attaquée).

49      En premier lieu, la requérante fait valoir que, pour apprécier le motif de nullité allégué par la Commission, la chambre de recours s’est fondée sur des domaines d’activité qui ne résultaient que de la directive 2007/46. Or, la demande en nullité ne pouvait être examinée qu’au regard des circonstances qui existaient au moment de la présentation de la demande d’enregistrement, puis de l’enregistrement de la marque en cause. La Commission ne saurait exiger qu’une marque déjà enregistrée et utilisée pendant plusieurs années soit déclarée nulle au seul motif que le domaine d’activité de l’Union a été modifié ou élargi postérieurement à l’enregistrement de ladite marque. Il s’ensuit, selon la requérante, que la directive 2007/46, qui est postérieure à l’enregistrement de la marque en cause, ne pouvait être prise en considération dans le cadre de l’analyse de la demande en nullité litigieuse.

50      Il convient de constater que cet argument de la requérante part nécessairement de la prémisse que, postérieurement à l’enregistrement de la marque en cause et avant l’adoption de la directive 2007/46, le domaine d’activité de l’Union n’englobait pas les véhicules et leurs composants. Or, cette prémisse est erronée.

51      En effet, comme le fait remarquer à juste titre l’OHMI, il ressort de l’article 49 de la directive 2007/46 que celle‑ci a abrogé la directive 70/156/CEE du Conseil, du 6 février 1970, concernant le rapprochement des législations des États membres relatives à la réception des véhicules à moteur et de leurs remorques (JO L 42, p. 1). Il en ressort que le domaine d’activité de l’Union englobait, bien avant l’enregistrement de la marque en cause, la matière dont traite la directive 2007/46, telle que mentionnée dans la décision attaquée. Il s’ensuit que la chambre de recours a évoqué dans la décision attaquée la directive 2007/46, dès lors qu’il s’agissait de la norme applicable en matière de réception des véhicules au moment de l’adoption de ladite décision, et non pour se fonder sur un élément postérieur à l’enregistrement de la marque en cause. Elle aurait pu se référer à la directive 70/156, sans que cela ait pu impliquer une quelconque modification de son appréciation du bien-fondé de la demande en nullité.

52      En deuxième lieu, la requérante conteste, quant au fond, la conclusion selon laquelle la marque en cause pouvait susciter l’impression erronée qu’il existait un lien entre elle et son titulaire, d’une part, et les organisations internationales qui utilisent le drapeau européen, d’autre part.

53      À cet égard, la requérante conteste la considération de la chambre de recours, selon laquelle le grand public, à savoir les propriétaires de voitures qui font réparer leurs véhicules dans un garage, serait également concerné par la marque litigieuse. Elle relève que ces consommateurs ne choisissent pas eux-mêmes les arbres de transmission qui seront utilisés dans leur véhicule, mais se font conseiller par les professionnels spécialisés. Ce public spécialisé serait conscient que la marque en cause renvoie à la requérante. L’existence de la directive 2007/46 ne saurait conduire à une conclusion différente, dès lors que ses dispositions s’adresseraient aux fabricants de voitures et prévoiraient la délivrance de certificats sous format papier et non d’un quelconque poinçon ou signe de contrôle à apposer sur l’emballage des produits.

54      La requérante fait également valoir que la marque en cause aurait dû faire l’objet d’un examen global tenant compte de l’impression globale produite dans l’esprit du public professionnel visé. Or, il ressortirait de l’arrêt ECA, point 23 supra (points 66 et 67), qu’il n’existe en général pas de risque qu’un public composé exclusivement de professionnels soit induit en erreur dans des circonstances analogues à celles de la présente affaire. En l’espèce, le public professionnel concerné connaîtrait la marque en cause et serait conscient du fait qu’elle renvoie à la requérante, à savoir à une entreprise sans aucun lien avec les institutions européennes.

55      En outre, la chambre de recours aurait omis de tenir compte, dans le contexte d’un examen d’ensemble de la marque en cause, de son élément prépondérant, à savoir la représentation d’un croisillon qui occuperait une position centrale dans la marque en cause. Le public professionnel visé reconnaîtrait immédiatement et avec certitude cet élément essentiel d’un arbre de transmission. L’élément verbal de la marque en cause contiendrait également une allusion aux arbres de transmission. Or, la chambre de recours n’aurait pas expliqué, dans la décision attaquée, pourquoi des certificats ou des autorisations des institutions européennes auraient dû être pourvues de la représentation d’un croisillon ou d’un terme renvoyant à un arbre de transmission.

56      Cette argumentation n’emporte pas la conviction. Il convient, d’abord, de relever que, ainsi qu’il ressort des appréciations de la décision attaquée résumées au point 47 ci‑dessus, la chambre de recours n’a pas méconnu le fait que la marque en cause visait, notamment, un public spécialisé, composé de professionnels de la construction de véhicules automobiles et des ateliers de réparation de tels véhicules.

57      Cependant, c’est à bon droit que la chambre de recours a considéré qu’il devait également être tenu compte du point de vue du grand public, qui comprend les propriétaires et détenteurs de véhicules. Comme l’a relevé à juste titre la chambre de recours, ces personnes ont un intérêt à ce que leurs véhicules soient équipés de pièces et composants remplissant certaines normes de qualité et de sécurité, éventuellement pourvus d’un label de qualité ou d’un autre signe équivalent attestant de leur conformité avec de telles normes. Le seul fait que les propriétaires et détenteurs de véhicules sont, en règle générale, guidés par les professionnels du secteur en ce qui concerne le choix des pièces de rechange qui seront utilisées dans leurs véhicules ne signifie pas qu’ils ne seront pas conscients des marques ou autres signes qui désignent ces pièces. Ces signes sont susceptibles de figurer sur les emballages des pièces utilisées lors d’une réparation, dans la documentation relative à cette réparation, voire même dans les brochures ou autres documents analogues qui accompagnent un véhicule neuf.

58      La chambre de recours a relevé à juste titre, au point 46 de la décision attaquée, qu’il était notoire que des pièces de rechange considérées comme « originales » étaient souvent plus chères que des pièces d’une qualité analogue fabriquées par des tiers. Suivant la même logique, il paraît probable que les propriétaires de véhicules attacheront de l’importance au fait qu’une pièce utilisée dans leurs véhicules est pourvue d’un signe qu’ils percevront comme une indication de sa conformité avec certaines normes édictées par l’Union ou d’une approbation par cette dernière. Partant, il ne saurait être reproché à la chambre de recours d’avoir également pris en considération, aux fins de l’application de l’article 6 ter, paragraphe 1, sous c), de la convention de Paris, le point de vue du grand public.

59      Ensuite, il convient de relever que, contrairement à ce qui est le cas aux fins de l’application de l’article 6 ter, paragraphe 1, sous a), de la convention de Paris, qui trouve à s’appliquer même dans le cas où un emblème ou son imitation en termes héraldiques sont utilisés comme simple élément d’un signe complexe (voir point 36 ci‑dessus), l’application de l’article 6 ter, paragraphe 1, sous c) de la même convention nécessite un examen global du signe en cause, dans la mesure où les autres éléments de ce signe peuvent faire que, pris dans son ensemble, celui-ci n’est pas de nature à suggérer dans l’esprit du public un lien entre son titulaire ou son utilisateur et l’organisation internationale intergouvernementale qui utilise l’emblème qui fait partie de ce signe ou à abuser le public à cet égard.

60      Cependant, comme le fait valoir à juste titre l’OHMI, il convient de distinguer le risque visé à l’article 6 ter, paragraphe 1, sous c), de la convention de Paris, du risque de confusion dont il est question à l’article 8, paragraphe 1, sous b), du règlement n° 207/2009. Selon une jurisprudence constante, constitue un risque de confusion, au sens de cette dernière disposition, le risque que le public puisse croire que les produits ou les services en cause proviennent de la même entreprise ou d’entreprises liées économiquement [voir arrêt du Tribunal du 9 juillet 2003, Laboratorios RTB/OHMI – Giorgio Beverly Hills (GIORGIO BEVERLY HILLS), T‑162/01, Rec. p. II‑2821, point 30 et la jurisprudence citée].

61      En revanche, le risque visé à l’article 6 ter, paragraphe 1, sous c), de la convention de Paris concerne seulement l’existence d’un lien entre les produits ou les services visés par la marque en question et l’organisation internationale intergouvernementale dont l’emblème, ou une imitation de celui‑ci du point de vue héraldique, figure dans cette marque. Ce risque englobe le risque que le public puisse croire que les produits ou les services visés par la marque en question proviennent de ladite organisation, sans toutefois se limiter à cette hypothèse. Il est, en effet, parfaitement possible que, sans être induit en erreur quant à l’origine des produits ou des services couverts par la marque en cause, le public puisse considérer, en raison de la présence dans ladite marque de l’emblème d’une organisation internationale intergouvernementale, que ces produits ou ces services bénéficient de l’approbation ou de la garantie de cette organisation ou qu’ils sont liés d’une autre manière à celle-ci. Un tel risque est suffisant pour exclure la possibilité que l’enregistrement de la marque en cause soit admis, en application de l’article 6 ter, paragraphe 1, sous c), seconde phrase de la convention de Paris.

62      Il convient encore de rappeler que, même dans le cadre de l’appréciation du risque de confusion, au sens de l’article 8, paragraphe 1, sous b), du règlement no 207/2009, il n’est nullement exclu que, dans un cas particulier, une marque antérieure, utilisée par un tiers dans une marque complexe comprenant la dénomination de l’entreprise de ce tiers, conserve une position distinctive autonome dans le signe composé, sans pour autant en constituer l’élément dominant. Dans une telle hypothèse, l’impression d’ensemble produite par la marque complexe peut conduire le public à croire que les produits ou les services en cause proviennent, à tout le moins, d’entreprises liées économiquement, auquel cas l’existence d’un risque de confusion doit être retenue (arrêt de la Cour du 24 juin 2010, Becker/Harman International Industries, C‑51/09 P, Rec. p. I‑5805, point 34). Ces considérations sont a fortiori valables s’agissant de l’application de l’article 6 ter, paragraphe 1, sous c), de la convention de Paris, où il est question de l’existence du risque plus général décrit au point précédent.

63      À la lumière de ces considérations, l’argumentation de la requérante tirée de la nécessité d’un examen d’ensemble de la marque en cause ne saurait prospérer. Il convient de relever, à cet égard, que la chambre de recours n’a pas négligé les autres éléments qui composent la marque en cause. Au contraire, après avoir inclus ces éléments dans la description de cette marque qui figure au point 33 de la décision attaquée, elle a relevé, au point 36 de la même décision, que« [n]i le croisillon ni la suite de lettres [‘E’, ‘D’ et ‘S’] ni la suite de mots ‘EUROPEAN DRIVESHAFT SERVICES’ n’[avaient] de signification du point de vue héraldique » et que « [l]e consommateur n’y verra[it] que la référence à un ‘service’ quel qu’il [ait été] », de sorte que le consommateur « partira[it] du principe qu’il s’agi[ssait] d’une institution européenne qui réalis[ait] des contrôles de qualité ou établi[ssait] des certificats de conformité dans le domaine en cause ». Pour étayer cette affirmation, la chambre de recours a évoqué, au point 37 de la décision attaquée, le cas d’institutions, d’organes ou d’organismes de l’Union qui ont adopté des emblèmes comportant des versions du drapeau européen et a fourni, au point 38 de ladite décision, des exemples de tels emblèmes.

64      Ces considérations de la chambre de recours doivent être approuvées. Il convient en effet de relever que ni l’existence des deux éléments verbaux de la marque en cause ni l’image du croisillon au milieu de cette marque ne sont de nature à exclure l’établissement, par le public visé, d’un lien entre, d’une part, la requérante et les produits couverts par la marque en cause et, d’autre part, les institutions, les organes ou les organismes de l’Union ou d’une autre organisation internationale intergouvernementale qui utilise le drapeau européen. L’image du croisillon sera, sans doute, perçue par le public comme une allusion directe aux produits couverts par la marque en cause. Quant aux éléments verbaux, ils sont de nature à rendre plus probable l’établissement, dans l’esprit du public, d’un lien entre les produits en cause et l’Union. Tel est, en particulier, le cas du terme « services » qui, compte tenu également du fait que la marque en cause ne vise que des produits, pourrait être perçu comme une référence à des services d’homologation, de contrôle de qualité ou de garantie des produits couverts par la marque en cause, fournis par une agence officielle de l’Union. Le terme « european », qui fait partie de la dénomination de plusieurs institutions, organes ou organismes de l’Union, est également de nature à renforcer cette probabilité.

65      L’argument de la requérante selon lequel le risque visé à l’article 6 ter, paragraphe 1, sous c), de la convention de Paris est, par définition, exclu pour le public professionnel qui, selon elle, est le seul dont il convient de tenir compte aux fins de l’application de cette disposition, ne saurait non plus prospérer. Il convient de relever, d’emblée, que la requérante fait, à cet égard, une lecture erronée des points 66 et 67 de l’arrêt ECA, point 23 supra, qu’elle invoque à l’appui de son argument. Il ne ressort aucunement desdits points que, dans l’hypothèse où une marque comportant l’emblème d’une organisation internationale ou une imitation de celui-ci ne s’adresserait qu’à un public professionnel, tout risque d’établissement d’un lien entre le titulaire de cette marque ou les produits couverts par celle-ci et l’organisation internationale intergouvernementale en question serait exclu.

66      Certes, un public spécialisé composé de professionnels sera, en règle générale, mieux informé sur les produits ou les services qui appartiennent à son domaine d’activité professionnelle. Toutefois, cette circonstance n’exclut pas le risque visé à l’article 6 ter, paragraphe 1, sous c), de la convention de Paris, mais peut, tout au plus, jouer un rôle dans l’appréciation de l’existence d’un tel risque .

67      En l’espèce, le public professionnel concerné par les produits couverts par la marque en cause est d’une composition assez variée, dès lors qu’il inclut tant les professionnels de la construction automobile que les techniciens et autres personnes qui travaillent dans un atelier de réparation de véhicules. Or, si, à l’égard des personnes de la première catégorie, il peut raisonnablement être présumé que ces dernières seront relativement bien informées au sujet des organes ou des organismes de l’Union qui interviennent dans leur domaine d’activité ainsi que des normes et des signes de qualité qui y sont utilisés et que, par conséquent, elles seront conscientes du fait que la marque en cause ne constitue ni l’emblème d’un organisme spécialisé de l’Union ni un signe de contrôle utilisé par celle-ci, tel ne sera pas les cas des personnes de la seconde catégorie. Ces dernières, tout comme les membres du grand public, ne seront pas, en règle générale, aussi bien informées et sont, dès lors, susceptibles, en raison de la présence dans la marque en cause d’une imitation du drapeau européen, d’être induites en erreur quant à l’existence d’un lien entre la requérante et ses produits couverts par ladite marque, d’une part, et l’Union, d’autre part.

68      Doit également être rejeté l’argument de la requérante, selon lequel le public professionnel pertinent connaît la marque en cause et est conscient du fait qu’elle renvoie à la requérante. Il convient d’emblée de relever que si, certes, la requérante a avancé cet argument également durant la procédure devant les instances de l’OHMI, elle ne l’a étayé d’aucun élément de preuve. Or, à défaut de tels éléments, l’affirmation d’une connaissance généralisée du fait que la marque en cause renvoie à la requérante ne peut pas être admise. Contrairement à ce que semble considérer la requérante, le seul fait que la marque en cause figurait sur le registre des marques communautaires depuis 2002 n’est pas suffisant à cet égard, faute de preuves d’une utilisation réelle de ladite marque pendant cette période. En tout cas, ce qui importe, du point de vue de l’application de l’article 6 ter, paragraphe 1, sous c), de la convention de Paris, est la connaissance de l’absence de tout lien entre la requérante et ses produits, d’une part, et l’Union, d’autre part. Or, en raison de la présence dans la marque en cause d’une imitation du drapeau européen, même les membres du public pertinent conscients de ce que cette marque renvoie à la requérante et à ses produits pourraient être amenés à croire que ces produits bénéficient d’une approbation ou d’une garantie de l’Union.

69      En troisième lieu, il convient de relever que, après avoir conclu, au point 52 de la décision attaquée, qu’il convenait d’annuler la décision de la division d’annulation et de déclarer nulle la marque en cause, la chambre de recours a ajouté, « en tant qu’obiter dictum », que l’enregistrement de la marque en cause aurait pu également être refusé en application de l’article 7, paragraphe 1, sous f) et/ou sous i), du règlement n° 207/2009. Dans ce contexte, elle a également relevé que, selon elle, même si l’Union n’était pas un État au sens du droit international public, son domaine d’activité équivalait à celui d’un État, de sorte que les dispositions susvisées auraient trouvé à s’appliquer à une marque qui utilisait les symboles de l’Union.

70      La requérante avance une argumentation spécifique tendant à remettre en cause ces considérations. Toutefois, il ressort des termes mêmes utilisés par la chambre de recours, aux points 53 à 55 de la décision attaquée, que ces considérations ont été avancées à titre surabondant et ne constituent pas le support nécessaire du dispositif de la décision attaquée. Celui-ci est fondé, à suffisance de droit, sur les autres considérations de ladite décision qui ont été analysée ci‑dessus et dont il a été constaté qu’elles étaient correctes. Partant, cette dernière partie de l’argumentation de la requérante est inopérante [voir, en ce sens, ordonnance du Tribunal du 25 septembre 2008, Stepek/OHMI – Masters Golf Company (GOLF-FASHION MASTERS THE CHOICE TO WIN), T‑294/07, non publiée au Recueil, point 17, et la jurisprudence citée].

71      Il s’ensuit que le deuxième moyen n’est pas fondé et doit être rejeté.

 Sur le troisième moyen, tiré d’une erreur de la chambre de recours dans la répartition des dépens de la procédure

72      Après avoir constaté qu’il convenait d’annuler la décision de la division d’annulation et de déclarer nulle la marque en cause ainsi que l’avait demandé la Commission, la chambre de recours a indiqué, au point 57 de la décision attaquée, que la requérante, en tant que titulaire de ladite marque, devait, conformément à l’article 85, paragraphe 1, du règlement n° 207/2009, supporter les frais de la Commission. Elle a, par la suite, indiqué les montants des frais à rembourser à cette dernière et y a inclus, outre les frais relatifs à la représentation de la Commission dans le cadre de la procédure de recours ainsi que ceux relatifs aux taxes d’annulation et de recours, les frais de représentation professionnelle exposés par la Commission lors de la procédure devant la division d’annulation. En outre, par le point 3 de son dispositif, la décision attaquée a condamné la requérante à supporter les frais des procédures en nullité et de recours.

73      La requérante fait valoir que la Commission aurait dû, en tout état de cause, être condamnée à supporter les frais liés à la procédure devant la division d’annulation, ne serait-ce que pour des raisons d’équité, dès lors qu’elle a avancé tardivement, devant la chambre de recours, les éléments permettant de conclure à l’existence d’un risque d’établissement, par le public, d’un lien entre la marque en cause et l’Union. Cette argumentation doit toutefois être rejetée comme étant fondée sur une prémisse erronée, ainsi qu’il ressort des considérations exposées ci‑dessus à l’égard du premier moyen.

74      La requérante fait également valoir que la Commission avait expressément indiqué, devant la chambre de recours, qu’elle ne contestait pas le point 2 du dispositif de la décision de la division d’annulation, relatif aux frais de la procédure devant celle-ci.

75      À la lecture du dossier de la procédure devant l’OHMI, l’affirmation de la requérante s’avère exacte. En effet, tant dans le formulaire de recours que dans le mémoire exposant les motifs de son recours devant la chambre de recours, la Commission a expressément indiqué qu’elle demandait l’annulation du point 1 du dispositif de la décision de la division d’annulation et qu’elle ne contestait pas le point 2 de celui‑ci.

76      Il convient de relever, à cet égard, que la partie d’une décision d’une instance inférieure de l’OHMI qui traite des dépens de la procédure devant cette instance présente un caractère bien circonscrit et peut, le cas échéant, faire l’objet d’un réexamen distinct, indépendant de celui du reste de la décision [voir, en ce sens, arrêt du Tribunal du 1er juillet 2009, Okalux/OHMI – Messe Düsseldorf (OKATECH), T‑419/07, Rec. p. II‑2477, points 30 à 40]. Ainsi, il est possible de ne contester par un recours devant la chambre de recours que cette partie de la décision de l’instance inférieure ou, inversement, de l’exclure d’une telle contestation. Par ailleurs, il convient de relever que lorsqu’un recours est formé devant la chambre de recours, cette dernière n’est compétente que pour examiner l’affaire telle qu’elle a été portée devant elle et ne peut, dès lors, pas réexaminer une partie de la décision de l’instance inférieure qui n’a pas été attaquée dans le recours [voir, en ce sens, arrêt du Tribunal du 14 décembre 2011, Völkl/OHMI – Marker Völkl (VÖLKL), T‑504/09, non encore publié au Recueil, points 52 à 56].

77      Il s’ensuit que, en l’espèce, dès lors que la Commission avait expressément déclaré ne pas contester le point 2 du dispositif de la décision de la division d’annulation, la chambre de recours n’était pas compétente pour statuer sur les frais de la procédure devant la division d’annulation, cette question n’ayant pas été portée devant elle par la Commission. À la suite de sa décision de faire droit au recours et à la demande en nullité de la Commission, la chambre de recours devait donc se limiter à statuer sur les frais de la seule procédure devant elle.

78      Partant, il convient de déclarer le troisième moyen fondé et de faire partiellement droit au troisième chef de conclusions de la requérante en annulant le point 3 du dispositif de la décision attaquée, en ce qu’il indique que la requérante supporte les frais de la procédure en nullité et les inclut dans la somme globale de 2 500 euros, que la requérante doit rembourser à la Commission. Le recours doit être rejeté pour le surplus.

 Sur les dépens

79      Aux termes de l’article 87, paragraphe 2, du règlement de procédure, toute partie qui succombe est condamnée aux dépens, s’il est conclu en ce sens. La requérante ayant succombé en l’essentiel de ses conclusions, il y a lieu de la condamner aux dépens, conformément aux conclusions de l’OHMI. La Commission n’ayant pas conclu sur les dépens, elle supportera ses propres dépens.

Par ces motifs,

LE TRIBUNAL (troisième chambre)

déclare et arrête :

1)      Le point 3 du dispositif de la décision de la première chambre de recours de l’Office de l’harmonisation dans le marché intérieur (marques, dessins et modèles) (OHMI) du 12 mai 2011 (affaire R 1590/2010‑1), relative à une procédure en nullité entre la Commission européenne et Welte-Wenu GmbH, est annulé, en ce qu’il indique que Welte-Wenu supporte les frais de la procédure en nullité et les inclut dans la somme globale de 2 500 euros que Welte-Wenu doit rembourser à la Commission européenne.

2)      Le recours est rejeté pour le surplus.

3)      Welte-Wenu supportera ses propres dépens, ainsi que ceux exposés par l’OHMI. La Commission supportera ses propres dépens.

Czúcz

Labucka

Gratsias

Ainsi prononcé en audience publique à Luxembourg, le 15 janvier 2013.

Signatures


* Langue de procédure : l’allemand.