Language of document : ECLI:EU:T:2003:98

ARRÊT DU TRIBUNAL (troisième chambre)

3 avril 2003 (1)

«Pêche - Accord de pêche avec l'Argentine - Concours financier communautaire - Réduction - Recours en annulation - Recours en indemnité»

Dans les affaires jointes T-44/01, T-119/01 et T-126/01,

Eduardo Vieira , SA, établie à Vigo-Pontevedra (Espagne), représentée par Mes R. García-Gallardo Gil-Fournier et M.D. Domínguez Pérez, avocats,

partie requérante dans les affaires T-44/01 et T-126/01,

Vieira Argentina, SA, établie à Buenos Aires (Argentine), représentée par Mes R. García-Gallardo Gil-Fournier et M.D. Domínguez Pérez, avocats,

partie requérante dans l'affaire T-44/01,

Pescanova, SA, établie à Chapela (Espagne), représentée par Mes A. Creus Carreras, B. Uriarte Valiente et S. Rodríguez Artacho, avocats,

partie requérante dans l'affaire T-119/01,

contre

Commission des Communautés européennes, représentée par Mme S. Pardo Quintillán, en qualité d'agent, assistée de Me J. Guerra Fernández, avocat, ayant élu domicile à Luxembourg,

partie défenderesse,

ayant pour objet, dans l'affaire T-44/01, une demande en indemnisation, au titre des articles 235 CE et 288, deuxième alinéa, CE, du dommage subi en raison de la suspension du paiement du solde du concours financier accordé au projet ARG/ESP/SM/26-94 pour la constitution d'une société mixte dans le cadre de l'accord sur les relations concernant la pêche maritime entre la Communauté et la République argentine, dans l'affaire T-119/01, une demande d'annulation de la décision de la Commission du 19 mars 2001 réduisant le concours accordé au projet ARG/ESP/SM/17-94 en vue de la constitution d'une société mixte dans le cadre de l'accord sur les relations concernant la pêche maritime entre la Communauté et la République argentine et, dans l'affaire T-126/01, une demande d'annulation de la décision de la Commission du 19 mars 2001 réduisant le concours accordé au projet ARG/ESP/SM/26-94 en vue de la constitution d'une société mixte dans le cadre de l'accord sur les relations concernant la pêche maritime entre la Communauté et la République argentine,

LE TRIBUNAL DE PREMIÈRE INSTANCE

DES COMMUNAUTÉS EUROPÉENNES (troisième chambre),

composé de MM. K. Lenaerts, président, J. Azizi et M. Jaeger, juges,

greffier: M. J. Palacio González, administrateur principal,

vu la procédure écrite et à la suite des audiences du 28 novembre 2002,

rend le présent

Arrêt

Cadre juridique

Accord sur les relations concernant la pêche maritime entre la Communauté économique européenne et la République argentine

1.
    L'accord sur les relations concernant la pêche maritime entre la Communauté économique européenne et la République argentine (ci-après l'«accord de pêche») a été approuvé au nom de la Communauté par le règlement (CEE) n° 3447/93 du Conseil, du 28 septembre 1993 (JO L 318, p. 1).

2.
    L'article 5, paragraphes 1 et 2, de l'accord de pêche dispose:

«1.    Les parties mettent en place les conditions propices à l'établissement en Argentine d'entreprises au capital originaire d'un ou de plusieurs États membres de la Communauté et à la constitution de sociétés mixtes et associations temporaires dans le secteur de la pêche réunissant des armateurs argentins et communautaires dans le but d'exploiter et, le cas échéant, de transformer conjointement les ressources halieutiques argentines, dans les conditions établies dans le protocole I et dans les annexes I et II.

2.    L'Argentine autorise les entités visées au paragraphe 1 à accéder aux possibilités de pêche fixées dans le protocole I, conformément aux dispositions des annexes I à IV.»

3.
    L'article 2, sous e), de l'accord de pêche définit la «société mixte» comme «une société de droit privé constituée par un ou plusieurs armateurs communautaires et une ou plusieurs personnes physiques ou morales argentines, liés par un contrat de société mixte, en vue de l'exploitation et, le cas échéant, de la transformation des ressources de pêche argentines dans l'optique d'un approvisionnement prioritaire du marché de la Communauté».

4.
    La constitution d'une société mixte implique en principe le transfert d'un navire communautaire (article 5, paragraphe 3, de l'accord de pêche). Ce navire est alors radié du registre communautaire.

5.
    Le point 2 de l'annexe III de l'accord de pêche prévoit que les projets de constitution de sociétés mixtes sont présentés à la Commission par les États membres «conformément aux dispositions prévues à cet effet par la réglementation communautaire».

6.
    Conformément au point 3 de l'annexe III de l'accord de pêche, la Communauté présente à la commission mixte la liste des projets susceptibles de bénéficier d'un concours financier. En vertu de cette même disposition:

«La commission mixte évalue les projets essentiellement en fonction des critères suivants:

a)    technique de pêche adaptée aux opérations de capture envisagées;

b)    espèces et zones de capture;

c)    modernité des bateaux de pêche;

d)    coût d'investissement total du projet;

e)    coût d'investissement des usines à terre;

f)    expérience en matière de pêche de l'armateur communautaire et de l'armateur argentin, le cas échéant.»

7.
    Conformément aux points 4 et 5 de l'annexe III de l'accord de pêche, les projets sont approuvés, sur recommandation de la commission mixte, par l'«autorité compétente argentine et par la Communauté».

8.
    Le protocole I de l'accord de pêche est intitulé «possibilités de pêche et concours financier». Son article 1er fixe les limites des captures annuelles pour les espèces excédentaires (grenadier de Patagonie, calamar Illex, morue argentine et/ou grenadier) et non excédentaires (merlu argentin) visées par l'accord de pêche.

9.
    Les sociétés mixtes sont autorisées à capturer les espèces excédentaires et non excédentaires mentionnées dans les limites fixées par le protocole I (article 6 de l'accord de pêche) et bénéficient d'un concours financier conformément aux dispositions du même protocole I (article 7 de l'accord de pêche).

10.
    À cet effet, l'article 3 du protocole I dispose:

«1.    [...] la Communauté accorde un concours financier à la constitution de sociétés mixtes [...]

    Cette aide financière [...] est destinée à l'armateur communautaire et vise à couvrir une partie de sa participation financière à la constitution d'une société mixte [...] et/ou à radier les bateaux correspondants du registre communautaire.

2.    Dans le but de promouvoir la constitution et le développement de sociétés mixtes, la Communauté accorde à la société mixte établie en Argentine un concours financier équivalant à 15 % du montant octroyé à l'armateur communautaire [...]

    [...]

4.    Les dispositions relatives à la procédure de demande et aux modalités de paiement du concours communautaire à l'armateur communautaire, prévues au paragraphe 1, doivent être conformes aux dispositions en la matière de la réglementation communautaire [...]»

Réglementation communautaire en matière de sociétés mixtes dans le secteur de la pêche

11.
    Le 18 décembre 1986, le Conseil a adopté le règlement (CEE) n° 4028/86 relatif à des actions communautaires pour l'amélioration et l'adaptation des structures du secteur de la pêche et de l'aquaculture (JO L 376, p. 7). Ce règlement, tel qu'il a été modifié, successivement, par le règlement (CEE) n° 3944/90 du Conseil, du 20 décembre 1990 (JO L 380, p. 1), par le règlement (CEE) n° 2794/92 du Conseil, du 21 septembre 1992 (JO L 282, p. 3), et par le règlement (CEE) n° 3946/92 du Conseil, du 19 décembre 1992 (JO L 401, p. 1), prévoit, aux articles 21 bis à 21 quinquies, la possibilité pour la Commission d'accorder aux projets de sociétés mixtes de pêche différentes sortes de concours financiers, d'un montant variable en fonction du tonnage et de l'âge des navires concernés, pour autant que ces projets respectent les conditions qu'il fixe.

12.
    La «société mixte» est définie, à l'article 21 bis du règlement n° 4028/86, comme étant une société de droit privé «comportant un ou plusieurs armateurs communautaires et un ou plusieurs partenaires d'un pays tiers [...], destinée à exploiter et éventuellement valoriser les ressources halieutiques situées dans les eaux sous souveraineté et/ou juridiction de ces pays tiers, dans une perspective d'approvisionnement prioritaire du marché de la Communauté». La Commission octroie aux projets de sociétés mixtes un concours financier «destiné à couvrir la participation financière du ou des partenaires communautaires correspondant au capital investi dans la société mixte» (article 21 quater, paragraphe 1).

13.
    L'article 44 du règlement n° 4028/86, qui a été applicable jusqu'au 31 décembre 1993, dispose:

«Pendant toute la durée de l'intervention communautaire, l'autorité ou l'organisme désigné à cet effet par l'État membre intéressé transmet à la Commission, à sa demande, toute pièce justificative et tout document de nature à établir que les conditions financières ou autres imposées pour chaque projet sont remplies. La Commission peut décider de suspendre, de réduire ou de supprimer le concours, selon la procédure prévue à l'article 47:

-    si le projet n'est pas exécuté comme prévu, ou

-    si certaines des conditions imposées ne sont pas remplies [...]»

14.
    Avec l'adoption du règlement (CEE) n° 2080/93 du Conseil, du 20 juillet 1993, portant dispositions d'application du règlement (CEE) n° 2052/88 en ce qui concerne l'instrument financier d'orientation de la pêche (JO L 193, p. 1), et du règlement (CE) n° 3699/93 du Conseil, du 21 décembre 1993, définissant les critères et conditions des interventions communautaires à finalité structurelle dans le secteur de la pêche et de l'aquaculture, ainsi que de la transformation et de la commercialisation de leurs produits (JO L 346, p. 1), la gestion et le financement des sociétés mixtes ont été intégrés dans l'instrument financier d'orientation de la pêche (IFOP). Les États membres sont désormais responsables de la sélection des projets de sociétés mixtes à financer. Ils sont également chargés de la gestion et du contrôle des projets.

15.
    Le règlement n° 2080/93 a abrogé, le 1er janvier 1994, le règlement n° 4028/86. Aux termes de l'article 9, paragraphe 1, deuxième alinéa, premier tiret, du règlement n° 2080/93, le règlement n° 4028/86 et ses dispositions d'application sont cependant demeurés applicables aux demandes de concours financier introduites avant le 1er janvier 1994.

16.
    Enfin, l'article 24 du règlement (CEE) n° 4253/88 du Conseil, du 19 décembre 1988, portant dispositions d'application du règlement n° 2052/88 en ce qui concerne la coordination entre les interventions des différents fonds structurels, d'une part, et entre celles-ci et celles de la Banque européenne d'investissement et des autres instruments financiers existants, d'autre part (JO L 374, p. 1), tel que modifié par le règlement (CEE) n° 2082/93 (JO L 193, p. 20), dispose que la Commission, après examen approprié du cas dans lequel «la réalisation d'une action ou d'une mesure ne semble justifier qu'une partie du concours financier qui lui a été alloué» (paragraphe 1), «peut réduire ou suspendre le concours pour l'action ou la mesure concernée si l'examen confirme l'existence d'une irrégularité ou d'une modification importante qui affecte la nature ou les conditions de mise en oeuvre de l'action ou de la mesure et pour laquelle l'approbation de la Commission n'a pas été demandée» (paragraphe 2).

17.
    Le règlement (CE) n° 1260/1999 du Conseil, du 21 juin 1999, portant dispositions générales sur les fonds structurels (JO L 161, p. 1), a abrogé le règlement n° 4253/88 à partir du 1er janvier 2000. Cependant, l'article 54 du règlement n° 1260/1999 dispose que l'abrogation s'effectue «sans préjudice de l'article 52, paragraphe 1». Aux termes dudit paragraphe, le règlement n° 1260/1999 «n'affecte pas la poursuite ni la modification, y compris la suppression totale ou partielle, d'une intervention approuvée [...] par la Commission sur la base [du] règlement n° 4253/88».

Faits à l'origine du litige dans les affaires T-44/01 et T-126/01 et décision réduisant le concours octroyé à Eduardo Vieira, SA

18.
    Dans le cadre de l'accord de pêche, la société espagnole Eduardo Vieira, SA (ci-après «SAEV»), a présenté un projet portant sur l'établissement d'une société mixte dénommée Vieira Argentina, SA, (ci-après «VASA»), constituée par SAEV et un armateur argentin. Le projet prévoyait la pêche de l'espèce légine australe. Le navire communautaire Ibsa Cuarto, rebaptisé ultérieurement Vieirasa XII, devait être affecté au projet.

19.
    Par lettre du 13 octobre 1994, la Commission a informé SAEV que le projet ne pouvait pas être pris en considération dès lors que l'espèce visée ne figurait pas parmi les espèces couvertes par l'accord de pêche.

20.
    Les autorités espagnoles ont alors transmis à la Commission, par lettre du 20 octobre 1994, les documents attestant du changement de plan de captures que la requérante leur avait communiqué. Ce plan mentionnait la capture dans la zone économique exclusive (ZEE) argentine des espèces excédentaires visées par le protocole I de l'accord de pêche: grenadier de Patagonie, grenadier et morue argentine.

21.
    Par lettre du 8 décembre 1994, la Commission a informé SAEV que son projet n'avait pas été recommandé par la commission mixte des 5 et 6 décembre 1994, étant donné que «l'associé argentin persist[ait] à vouloir maintenir la légine australe (espèce non prévue dans le cadre de l'accord de pêche) dans le plan de captures du projet présenté aux autorités argentines».

22.
    Par télécopie du 12 décembre 1994, SAEV a fait savoir à la Commission que l'associé argentin avait «renoncé à la pêche de la légine australe, dans une lettre transmise à la direction générale de la pêche et de l'agriculture argentine, le 24 novembre 1994».

23.
    Les autorités argentines ont approuvé le projet par la résolution n° 14/95, du 14 juillet 1995, en délivrant un permis de pêche au navire Vieirasa XII pour les espèces excédentaires, en vertu de laquelle le navire pouvait capturer 1 204 tonnes de grenadier, 1 204 tonnes de morue argentine, 301 tonnes de grenadier de Patagonie et 301 tonnes d'autres espèces.

24.
    Par lettre du 18 juillet 1995, la société mixte VASA a demandé aux autorités argentines de joindre au permis de pêche accordé sur la base de l'accord de pêche un permis supplémentaire pour la capture de la légine australe.

25.
    Par décision du 25 juillet 1995 (ci-après la «décision d'octroi de concours du 25 juillet 1995»), la Commission a approuvé l'octroi d'un concours financier au projet présenté par SAEV (projet ARG/ESP/SM/26-94) «dans les conditions établies par les dispositions fixées par l'accord [de pêche] [...], par la réglementation communautaire applicable et par les dispositions des annexes» (article 1er).

26.
    L'annexe I de la décision d'octroi de concours du 25 juillet 1995 détermine le concours financier octroyé à SAEV, à savoir 1 881 936 écus. Cette annexe fixe également le montant du concours octroyé à la société mixte VASA, qui reçoit une aide égale à 15 % du montant accordé à SAEV, à savoir 282 290,4 écus. L'aide totale pour le projet s'élève donc à 2 164 226,4 écus.

27.
    L'annexe I de la décision d'octroi de concours du 25 juillet 1995 prévoit encore:

«Aucune modification ne peut être apportée aux données contenues dans la présente annexe sans autorisation préalable des autorités argentines et de la Commission.»

28.
    Par résolution du 14 novembre 1995, les autorités argentines ont octroyé au navire Vieirasa XII un permis de pêche définitif en réduisant les tonnages des espèces excédentaires à 750 tonnes de grenadier, 230 tonnes de morue argentine, 230 tonnes de grenadier de Patagonie et en y incorporant un nouveau permis de pêche de 1 800 tonnes de légine australe.

29.
    Le 27 juin 1996, la Commission a procédé au paiement de la première tranche (80 %) du concours.

30.
    Le navire Vieirasa XII a définitivement quitté les eaux argentines, le 5 juillet 1996, afin de pêcher dans les eaux internationales.

31.
    SAEV a présenté une demande de paiement du solde du concours, le 25 février 1997.

32.
    Par lettre du 21 avril 1998, la Commission a informé SAEV que la procédure de réduction du concours communautaire pourrait être engagée à défaut de réponse satisfaisante de sa part. Dans cette lettre, la Commission considérait que la sortie du navire des eaux argentines, le 5 juillet 1996, constituait une violation de l'article 5, paragraphe 1, de l'accord de pêche et de l'article 3, paragraphe 1, du protocole I de cet accord dès lors que les sociétés mixtes sont constituées dans le but de l'exploitation et, le cas échéant, de la transformation des ressources halieutiques argentines.

33.
    Le 19 mai 1998, SAEV a présenté ses observations. Dans cette lettre, elle a exposé les raisons pour lesquelles elle considérait que les conditions de l'octroi du concours n'avaient pas été violées.

34.
    Par lettre du 9 juin 1999, la Commission a informé SAEV du fait qu'elle estimait que «les explications présentées dans [la] lettre du 19 mai 1998 ne permett[ai]ent pas de conclure au respect de la réglementation communautaire en la matière, mais confirm[ai]ent que le navire a quitté les eaux argentines le 5 juillet 1996». Pour cette raison, la Commission a expliqué qu'elle «a[vait] décidé de réduire l'aide octroyée à ce projet». La lettre exposait le mode de calcul de la réduction et concluait qu'un montant de 355 477 euros devrait lui être remboursé. À défaut d'accord de la part de SAEV à propos de la solution proposée, la Commission a indiqué qu'elle se verrait obligée de «continuer la procédure de réduction et de récupération en cours».

35.
    Cette lettre a été suivie d'un échange de correspondance entre SAEV (lettres du 16 juillet 1999, du 21 décembre 1999 et du 5 avril 2000) et les services de la Commission (lettres du 23 septembre 1999 et du 28 février 2000). Des réunions ont également eu lieu entre des représentants de SAEV et les services de la Commission.

36.
    Par lettre du 14 septembre 2000, la Commission a informé SAEV qu'un nouveau calcul l'avait amenée à considérer qu'un montant de 419 446 euros devrait lui être remboursé.

37.
    SAEV, qui considérait que la Commission s'était illégalement abstenue de lui verser le solde du concours communautaire, a formellement mis en demeure la Commission de le faire par lettre du 21 septembre 2000.

38.
    Par lettre du 16 octobre 2000, la Commission a informé SAEV que la procédure de réduction du concours octroyé à l'armateur communautaire était en cours et qu'une décision en la matière serait prise après consultation du comité permanent des structures de la pêche.

39.
    Par décision C (2001) 680 final, du 19 mars 2001, adressée au royaume d'Espagne et à SAEV, la Commission a réduit le concours financier qui avait été accordé à cette dernière société. L'article 2 de la décision ordonne à SAEV de rembourser le montant de 419 446 euros. Cette décision ne se prononce pas sur une éventuelle réduction du concours octroyé à la société mixte VASA.

40.
    Les motifs de la décision C (2001) 680 final se lisent comme suit:

«2.    En vertu de l'article 1er de la [...] décision [d'octroi de concours du 25 juillet 1995], le concours était octroyé dans les conditions établies par les dispositions fixées par l'accord [de pêche] [...], par la réglementation communautaire applicable et par les dispositions des annexes.

3.    L'accord de pêche, et en particulier son article 5, paragraphe 1, dispose que la création de sociétés mixtes en Argentine a pour but l'exploitation des ressources halieutiques argentines dans les conditions établies dans le protocole I et dans les annexes I et II; en vertu de son article 6, les sociétés mixtes sont autorisées à capturer les quantités mentionnées dans le protocole I.

4.    Au point 3.2.1 de la partie B du formulaire de demande de concours communautaire complété et signé par la [SAEV], il est indiqué explicitement que la Commission n'accorde un concours financier qu'aux projets tendant à l'exploitation des ressources halieutiques dans les eaux se trouvant sous souveraineté ou juridiction du pays tiers en question.

5.    [...]

6.    Par conséquent, l'octroi du concours communautaire pour la création de la société mixte en question s'appliquait uniquement aux captures réalisées par le navire de pêche Ibsa Cuarto des espèces citées dans les annexes de la décision [d'octroi de concours du 25 juillet 1995], à savoir le grenadier, le grenadier de Patagonie et la morue argentine, et situées dans les eaux argentines.

7.    À partir du 5 juillet 1996, le navire Ibsa Cuarto a cessé ses activités de pêche dans la ZEE argentine et a recommencé à opérer dans les eaux internationales en pêchant de la légine australe, sans en avoir référé au préalable à la Commission et sans avoir obtenu son autorisation.»

41.
    Après avoir rappelé qu'elle a pris connaissance de cette situation, le 2 juillet 1997, la Commission conclut au point 9 de la décision C (2001) 680 final que SAEV n'a pas respecté les conditions d'octroi du concours financier. Elle procède ensuite au calcul de la réduction du concours en cause aux points 10 à 13 de cette décision. Elle constate d'abord que SAEV a droit, en faisant application du barème établi par le règlement n° 3699/93, à une aide de 688 187 euros en raison du transfert définitif du navire Vieirasa XII à la société mixte. Le solde de l'aide qui lui a été octroyée par la décision d'octroi de concours du 25 juillet 1995 s'élève donc à 1 193 749 euros (1 881 936 - 688 187). Dès lors que le navire Vieirasa XII n'a été actif que douze mois (sur les 36 mois prévus) dans les eaux argentines, la Commission conclut que SAEV a droit seulement à un tiers des 1 193 749 euros prévus, à savoir 397 916 euros. Le montant total du concours ainsi réduit s'élève donc, selon la Commission, à 1 086 103 euros (397 916 + 688 187). SAEV qui avait déjà reçu 80 % du concours (1 505 549 euros) est donc tenue de rembourser à la Commission 419 446 euros.

Faits à l'origine du litige dans l'affaire T-119/01 et décision réduisant le concours octroyé à Pescanova

42.
    Dans le cadre de l'accord de pêche, Pescanova, SA (ci-après «Pescanova»), a présenté un projet portant sur l'établissement d'une société mixte dénommée «Calanova», constituée par Pescanova et un armateur argentin Argenova. Le projet prévoyait la pêche de calamar Illex. Le navire communautaire Orense devait être affecté au projet.

43.
    Par décision du 21 décembre 1994 (ci-après la «décision d'octroi de concours du 21 décembre 1994»), la Commission a approuvé l'octroi d'un concours financier au projet présenté par Pescanova (projet ARG/ESP/SM/17-94) «dans les conditions établies par les dispositions fixées par l'accord [de pêche ...], par la réglementation communautaire applicable et par les dispositions des annexes» (article 1er).

44.
    L'annexe I de la décision d'octroi de concours du 21 décembre 1994 détermine le concours financier octroyé à Pescanova, à savoir 1 824 813 écus. Cette annexe fixe également le montant du concours octroyé à la société mixte, Calanova. Cette dernière reçoit une aide égale à 15 % du montant accordé à Pescanova, à savoir 273 721,9 écus. L'aide totale pour le projet s'élève donc à 2 098 534,9 écus.

45.
    L'annexe I de la décision d'octroi de concours du 21 décembre 1994 prévoit encore:

«Aucune modification ne peut être apportée aux données contenues dans la présente annexe sans autorisation préalable des autorités argentines et sans l'accord de la Commission.»

46.
    À la suite de cette décision, le navire Orense a été radié du registre maritime espagnol, le 23 janvier 1995, et inscrit au registre national argentin des navires, le 15 mars 1995. Le 21 avril 1995, il obtenait le permis de pêche nécessaire à la capture de 4 000 tonnes de calamar Illex et commençait immédiatement ses activités de pêche.

47.
    Le 23 avril 1995, la requérante a présenté aux autorités espagnoles une demande de paiement de la première tranche du concours financier. Cette demande a été transmise à la Commission, le 13 juin 1995. Après contrôle, le paiement a été effectué.

48.
    Pour ce qui concerne les activités au cours de l'année 1996, le navire Orense a cessé toute activité de pêche dans les eaux argentines après le 23 août 1996. Le navire s'est dirigé vers les eaux internationales. L'abandon de la pêche dans les eaux argentines serait dû à l'épuisement des ressources halieutiques dans ces eaux, qui aurait obligé les autorités argentines à décréter des limitations, voire des interdictions de pêche.

49.
    Le 2 octobre 1996, la requérante a demandé le paiement du solde du concours financier. Elle a joint, à cette demande, le premier rapport d'activité de la société mixte pour la période du 30 avril 1995 au 30 juin 1996.

50.
    Le formulaire de demande de paiement du solde du concours indiquait que Pescanova s'engageait «à présenter à la Commission le deuxième et le troisième rapport d'activité correspondant à la deuxième et [à la] troisième année d'activité de la société».

51.
    La Commission a procédé au paiement du solde du concours financier, le 1er janvier 1997.

52.
    Pour ce qui concerne les activités au cours de l'année 1997, l'Orense a concentré ses activités dans les eaux internationales, notamment dans les eaux de l'océan Indien.

53.
    Le 14 janvier 1998, l'Orense a fait naufrage au large de l'île Maurice.

54.
    En mai 1998, Pescanova a remis aux autorités espagnoles le second rapport d'activité de la société mixte, qui couvre la période s'étendant du 1er janvier 1996 au 31 décembre 1996.

55.
    Par lettre du 14 juillet 1999, la Commission a indiqué à Pescanova qu'elle considérait que les conditions d'octroi du concours financier communautaire n'avaient pas été respectées dès lors que le navire exploité par la société mixte avait cessé ses activités de pêche dans les eaux de l'Argentine, le 23 août 1996. En conséquence, elle a engagé la procédure en vue de la réduction du concours et a mis Pescanova en demeure de formuler ses observations sur la réduction et le mode de calcul de la réduction proposée.

56.
    Le 10 septembre 1999, Pescanova a envoyé une lettre à la Commission dans laquelle elle demandait à cette dernière d'indiquer avec précision les dispositions qui avaient été violées.

57.
    Le 24 octobre 1999, les autorités espagnoles ont transmis à la Commission une communication de la requérante relative au naufrage du navire, ainsi que le troisième rapport périodique d'activité de la société mixte, daté du 4 août 1998.

58.
    Par lettre du 18 novembre 1999, la Commission a informé Pescanova du fait que, après analyse des observations présentées, elle ne jugeait pas utile de revenir sur sa position initiale.

59.
    Par lettre du 5 juillet 2000, Pescanova a demandé une nouvelle fois à la Commission de préciser quelles dispositions avaient été violées.

60.
    Dans sa lettre du 18 août 2000, la Commission a expliqué que le recouvrement d'une partie du concours était justifié dès lors que le navire Orense avait cessé ses activités dans les eaux argentines en août 1996, sans qu'une autorisation ait été demandée à la Commission.

61.
    Par lettre du 14 septembre 2000, la Commission a informé Pescanova du fait que le montant à rembourser était de 472 818 euros. Elle lui accordait un délai de 30 jours pour présenter ses observations. Ces dernières ont été présentées à la Commission le 7 novembre 2000 (à M. D. Steffen Smidt) et le 8 novembre 2000 (à M. Giorgio Gallizioli). Pescanova a déposé des observations supplémentaires, le 16 février 2001.

62.
    Par décision C (2001) 727 final, du 19 mars 2001, adressée au royaume d'Espagne et à Pescanova, la Commission a réduit le concours financier qui avait été accordé à cette dernière société. L'article 2 de la décision ordonne à Pescanova de rembourser le montant de 472 818 euros. Cette décision ne se prononce pas sur une éventuelle réduction du concours octroyé à la société mixte Calanova.

63.
    La décision C (2001) 727 final est fondée sur les motifs suivants:

«4.    Le navire de pêche l'Orense, transféré en Argentine dans le cadre de la constitution de la [...] société mixte [Calanova], a cessé ses activités de pêche dans les eaux de l'Argentine le 23 août 1996, sans autorisation préalable de la Commission, soit seize mois après le début de l'activité de la société mixte (le 30 avril 1995).

[...]

7.    En vertu de l'article 24, paragraphe 2, du règlement n° 4253/88, la Commission peut réduire le concours pour l'action ou la mesure concernée si l'examen approprié de l'affaire confirme l'existence d'une modification importante qui affecte la nature ou les conditions de mise en oeuvre de l'action ou de la mesure et pour laquelle l'approbation de la Commission n'a pas été demandée.

8.     La cessation des activités de pêche du navire susvisé n'a pas été soumise par [Pescanova] à l'autorisation préalable de la Commission; cette situation constitue une modification importante des conditions exigées par l'octroi du concours susvisé [...]»

64.
    Cette situation justifie, selon la Commission, une réduction du concours financier dans le respect du principe de proportionnalité [décision C (2001) 727 final, point 9]. La Commission rappelle d'abord que, en faisant application du barème établi par le règlement n° 3699/93, Pescanova a droit à une aide de 973 740 euros en raison du transfert définitif du navire Orense à la société mixte. Le solde de l'aide qui lui a été octroyée par la décision d'octroi de concours du 21 décembre 1994 s'élève donc à 851 073 euros (1 824 813 - 973 740). Dès lors que l'Orense n'a été actif que seize mois (sur les 36 mois prévus) dans les eaux argentines, la Commission conclut que Pescanova a droit seulement à 16/36e des 851 073 euros prévus, à savoir 378 255 euros. Le montant total du concours ainsi réduit s'élève donc, selon la Commission, à 1 351 995 euros (378 255 + 973 740). Pescanova, qui avait déjà reçu la totalité du concours (1 824 813 euros), est donc tenue de rembourser à la Commission 472 818 euros [décision C (2001) 727 final, points 10 à 12].

Procédure

65.
    Par requête déposée au greffe du Tribunal, le 26 février 2001, SAEV et VASA (affaire T-44/01) ont introduit un recours visant à obtenir une indemnisation pour le dommage qu'elles auraient subi en raison de la suspension illicite du concours qui leur avait été octroyé par décision du 25 juillet 1995.

66.
    Par requête déposée au greffe du Tribunal, le 1er juin 2001, Pescanova (affaire T-119/01) a introduit un recours visant à l'annulation de la décision C (2001) 727 final, du 19 mars 2001 (ci-après la «décision attaquée dans l'affaire T-119/01»).

67.
    Par requête déposée au greffe du Tribunal, le 8 juin 2001, SAEV (affaire T-126/01) a introduit un recours visant à l'annulation de la décision C (2001) 680 final, du 19 mars 2001 (ci-après la «décision attaquée dans l'affaire T-126/01»).

68.
    Sur rapport du juge rapporteur, le Tribunal (troisième chambre) a décidé d'ouvrir la procédure orale. Au titre des mesures d'organisation de la procédure prévues à l'article 64 du règlement de procédure, certaines questions écrites ont été adressées aux parties. Celles-ci y ont répondu dans le délai imparti.

69.
    Les parties ont été entendues en leurs plaidoiries et en leurs réponses aux questions du Tribunal lors des audiences qui se sont déroulées le 28 novembre 2002.

70.
    Après avoir entendu les parties sur une éventuelle jonction, le Tribunal décide de joindre les affaires T-44/01, T-119/01 et T-126/01 aux fins de l'arrêt.

Conclusions des parties

71.
    Dans l'affaire T-44/01, les requérantes concluent à ce qu'il plaise au Tribunal:

-    déclarer le recours recevable;

-    en vertu de ses compétences de pleine juridiction et en se fondant sur les formules proposées dans la requête, ordonner le paiement par la Commission d'une indemnité compensatoire des dommages et préjudices causés par le retard de paiement d'une partie de l'aide;

-    condamner la Commission aux dépens.

72.
    La Commission conclut à ce qu'il plaise au Tribunal:

-    déclarer le recours irrecevable en ce qui concerne l'allégation relative à l'illégalité de la procédure de réduction du concours financier ou, à titre subsidiaire, non fondé en ce qui concerne cette même allégation;

-    déclarer le recours non fondé pour le surplus;

-    condamner les requérantes aux dépens.

73.
    Dans l'affaire T-119/01, la requérante conclut à ce qu'il plaise au Tribunal:

-    déclarer le recours recevable et fondé;

-    annuler la décision attaquée dans l'affaire T-119/01;

-    condamner la Commission aux dépens.

74.
    La Commission conclut à ce qu'il plaise au Tribunal:

-    déclarer le recours non fondé;

-    condamner la requérante aux dépens.

75.
    Dans l'affaire T-126/01, la requérante conclut à ce qu'il plaise au Tribunal:

-    déclarer le recours recevable;

-    joindre la présente affaire à l'affaire T-44/01;

-    déclarer nulle et non avenue la décision attaquée dans l'affaire T-126/01;

-    condamner la Commission aux dépens.

76.
    La Commission conclut à ce qu'il plaise au Tribunal:

-    rejeter la demande de jonction;

-    déclarer le recours non fondé;

-    condamner la requérante aux dépens.

En droit

Affaires T-119/01 et T-126/01

77.
    Le Tribunal estime qu'il y a lieu d'examiner d'abord le bien-fondé des recours en annulation introduits dans les affaires T-119/01 et T-126/01.

78.
    Dans ces affaires, les parties requérantes soulèvent au total huit moyens. Le premier moyen concerne l'absence de base juridique ou la base juridique erronée sur laquelle les décisions attaquées sont fondées. Dans le cadre du deuxième moyen, les parties requérantes contestent qu'il y ait eu une modification substantielle de leur projet qui aurait pu justifier une réduction du concours. Le troisième moyen est tiré d'une violation du principe de proportionnalité et le quatrième d'une application erronée de la réglementation communautaire en matière de réduction de concours financiers. Le cinquième moyen est pris d'une violation du principe du délai raisonnable et d'une violation des principes de protection de la confiance légitime et de sécurité juridique. Le sixième moyen est tiré d'une violation des droits de la défense et le septième moyen de l'incohérence de la décision attaquée dans l'affaire T-126/01. Le dernier moyen, enfin, est tiré d'une violation de l'article 253 CE.

Sur le moyen tiré de l'absence de base juridique ou de la base juridique erronée sur laquelle sont fondées les décisions attaquées

79.
    Les parties requérantes relèvent que, dans l'accord de pêche, il n'existe aucune disposition habilitant la Commission à réduire des concours financiers octroyés, sur la base de cet accord, pour la constitution de sociétés mixtes. L'accord de pêche et les décisions d'octroi de concours des 21 décembre 1994 et 25 juillet 1995 ne renverraient pas non plus à une norme communautaire qui établit une procédure pour la réduction de tels concours financiers.

80.
    La requérante dans l'affaire T-119/01 en déduit que la décision attaquée souffre d'une absence de base juridique.

81.
    La requérante dans l'affaire T-126/01 admet que, en vertu d'un principe général de droit, la Commission doit être habilitée à suspendre, à réduire et/ou à supprimer un concours financier communautaire si les conditions d'octroi du concours n'ont pas été respectées. Toutefois, elle estime que la Commission n'était pas en droit de fonder la décision attaquée dans l'affaire T-126/01 sur le règlement n° 4253/88. Elle fait observer à cet égard que le règlement n° 4253/88 est applicable aux fonds structurels. Le concours financier octroyé dans le cadre de l'accord de pêche ne serait pas une aide structurelle. Elle signale encore que le financement des actions prévues dans le cadre de l'accord de pêche est imputé à la ligne de crédit B7-8000 de la sous-section B7 (actions extérieures) du budget communautaire, alors que les actions envisagées dans le cadre du règlement n° 4253/88 relèvent de la sous-section B2 (mesures structurelles) dudit budget.

82.
    Le Tribunal constate d'abord que, pour ce qui concerne la base légale, les décisions attaquées sont fondées sur le règlement n° 4253/88, notamment sur son article 24, d'une part, et sur le règlement n° 3447/93, approuvant au nom de la Communauté l'accord de pêche, d'autre part.

83.
    Il y a lieu d'examiner si le règlement n° 3447/93 et l'accord de pêche donnent compétence à la Commission pour adopter les décisions attaquées.

84.
    À cet égard, comme les parties requérantes l'observent à juste titre, le règlement n° 3447/93 et l'accord de pêche ne contiennent aucune disposition spécifique relative à une possible réduction ou suppression d'un concours financier octroyé dans le cadre de cet accord.

85.
    Toutefois, dès lors que, conformément à l'article 7 de l'accord de pêche et à l'article 3, paragraphe 1, du protocole I de l'accord de pêche, la Communauté accorde un concours financier pour la constitution de sociétés mixtes, celle-ci doit également avoir compétence pour procéder à la réduction dudit concours si les conditions auxquelles l'octroi du concours a été subordonné n'ont pas été respectées (voir, en ce sens, arrêt du Tribunal du 20 novembre 2002, Lagardère et Canal+/Commission, T-251/00, Rec. p. II-4825, point 130).

86.
    En effet, comme le souligne la Commission, toute autre interprétation de l'accord de pêche serait contraire aux principes généraux de droit communs aux ordres juridiques des États membres, tels que le principe qui interdit l'enrichissement sans cause ou celui qui permet de résilier unilatéralement les engagements synallagmatiques lorsque l'un des cocontractants ne respecte pas ses obligations.

87.
    Il s'ensuit que, sur la base du règlement n° 3447/93 et de l'accord de pêche, la Communauté était, d'une manière générale, compétente pour adopter les décisions attaquées.

88.
    Ensuite, quant au point de savoir si le règlement n° 4253/88 accordait une compétence spécifique à la Commission pour adopter les décisions attaquées, il doit être rappelé que, conformément à l'article 24 de ce règlement, la Commission est en droit de «réduire ou de suspendre», après examen approprié, un concours financier octroyé sur la base dudit règlement «si l'examen confirme l'existence d'une irrégularité ou d'une modification importante qui affecte la nature ou les conditions de mise en oeuvre de l'action ou de la mesure et pour laquelle l'approbation de la Commission n'a pas été demandée».

89.
    Il y a donc lieu d'examiner si les décisions d'octroi de concours des 21 décembre 1994 et 25 juillet 1995 trouvent un fondement juridique dans le règlement n° 4253/88. Si tel est le cas, ce même règlement constituera, conformément à son article 24, une base juridique appropriée pour les décisions attaquées.

90.
    À cet égard, il doit être constaté d'abord que les décisions d'octroi de concours des 21 décembre 1994 (affaire T-119/01) et 25 juillet 1995 (affaire T-126/01) sont fondées, de façon explicite, uniquement sur le règlement n° 3447/93 approuvant l'accord de pêche.

91.
    Cependant, l'article 1er, paragraphe 1, de ces décisions expose que le concours est accordé «dans les conditions établies par les dispositions fixées par l'accord de pêche [...], par la réglementation communautaire applicable et par les dispositions des annexes».

92.
    La référence à la «réglementation communautaire applicable» doit être comprise notamment comme une référence au règlement n° 4253/88. Il doit être rappelé à cet égard que ce règlement a un vaste champ d'application. Il concerne, comme l'indique son intitulé, la «coordination entre les interventions des différents fonds structurels, d'une part, et entre celles-ci et celles de la Banque européenne d'investissement et des autres instruments financiers existants, d'autre part». Il s'applique ainsi aux différentes «actions à finalité structurelle» (article 3, paragraphe 1, du règlement n° 4253/88). Or, les concours financiers accordés pour la constitution de sociétés mixtes dans le cadre de l'accord de pêche ont une finalité structurelle. En effet, comme le rappelle le deuxième considérant des décisions d'octroi de concours des 21 décembre 1994 et 25 juillet 1995, la constitution des sociétés mixtes, qui implique le transfert de navires communautaires et ouvre de nouvelles zones de pêche aux armateurs communautaires, «répond aux objectifs de la politique structurelle communautaire» dans le domaine de la pêche.

93.
    La requérante dans l'affaire T-126/01 ne saurait tirer un argument de la ligne de crédit du budget utilisé pour financer les concours octroyés dans le cadre de l'accord de pêche. En effet, les exigences pour ce qui concerne la mise à disposition des crédits nécessaires à l'exécution des actions prévues dans le cadre de l'accord de pêche ne sauraient avoir des conséquences quelconques sur les exigences de procédure posées pour l'adoption d'une décision octroyant un concours financier dans le cadre de l'accord de pêche (voir, en ce sens, arrêt de la Cour du 30 mai 1989, Commission/Conseil, 242/87, Rec. p. 1425, point 18).

94.
    Dès lors que l'octroi des concours a été, à juste titre, fondé, entre autres, sur le règlement n° 4253/88, la Commission était matériellement compétente pour fonder les décisions attaquées également sur ce règlement, et notamment sur son article 24.

95.
    Enfin, l'application temporelle du règlement n° 4253/88 doit encore être examinée.

96.
    En effet, il doit être rappelé que le règlement n° 1260/1999 a abrogé le règlement n° 4253/88 à partir du 1er janvier 2000. Cependant, l'article 54 du règlement n° 1260/1999 dispose que l'abrogation s'effectue «sans préjudice de l'article 52, paragraphe 1». Or, aux termes dudit paragraphe, le règlement n° 1260/1999 «n'affecte pas la poursuite ni la modification, y compris la suppression totale ou partielle, d'une intervention approuvée [...] par la Commission sur la base [du] règlement n° 4253/88».

97.
    Dès lors que les concours financiers visés dans les présentes espèces constituent des «intervention[s] approuvée[s] [...] par la Commission sur la base [du] règlement n° 4253/88]» (voir ci-dessus points 89 à 94), il y a lieu de conclure que, conformément aux dispositions citées au point précédent, la procédure visant à réduire ces concours restait régie, même après le 1er janvier 2000, par l'article 24 du règlement n° 4253/88.

98.
    Il résulte de tout ce qui précède que l'accord de pêche, approuvé au nom de la Communauté par le règlement n° 3447/93, d'une part, et le règlement n° 4253/88, notamment son article 24, d'autre part, donnent compétence à la Commission pour réduire les concours communautaires dont ont bénéficié les requérantes. Il y aura lieu cependant d'examiner ultérieurement si les conditions d'application de l'article 24 du règlement n° 4253/88 étaient réunies (voir ci-après points 113 à 135).

99.
    La requérante dans l'affaire T-126/01 fait encore observer que le régime juridique des sociétés mixtes a été mis en place d'un commun accord entre la Communauté et la République argentine. La requérante estime que, conformément à l'accord de pêche, la Commission, avant de réduire le concours octroyé, aurait dû obtenir au préalable l'autorisation des autorités argentines et l'avis de la commission mixte mise en place par l'accord de pêche. Elle se réfère à cet égard à l'article 10 de l'accord de pêche en vertu duquel la commission mixte doit, notamment, «contrôler l'administration des projets et superviser l'utilisation des apports financiers destinés à leur promotion et visés à l'article 7» et à la note en bas de page n° 1 de l'annexe I de la décision d'octroi de concours du 25 juillet 1995 qui indique qu'«[a]ucune modification ne peut être apportée aux données contenues dans la présente annexe sans autorisation préalable des autorités argentines et sans l'accord de la Commission». Or, le montant du concours financier accordé à la requérante serait une des données contenues dans cette annexe.

100.
    À cet égard, le Tribunal rappelle d'abord que l'accord de pêche ne contient aucune disposition spécifique relative à une réduction ou à une suppression d'un concours financier. La question est toutefois de savoir s'il ressort implicitement mais nécessairement de l'économie générale de l'accord de pêche et plus particulièrement des dispositions invoquées par la requérante que la Commission était tenue de consulter au préalable la commission mixte et d'obtenir l'approbation des autorités argentines avant de procéder à la réduction du concours financier octroyé, dans le cadre de l'accord de pêche, à un armateur communautaire, tel que la requérante dans l'affaire T-126/01.

101.
    Concernant la sélection des projets qui sont susceptibles d'être financés par la Communauté, l'annexe III, point 2, de l'accord de pêche dispose que les projets sont d'abord présentés à la Commission par les autorités compétentes de l'État ou des États membres intéressés.

102.
    Ensuite, conformément à l'annexe III, point 3, de l'accord de pêche, la Communauté présente à la commission mixte la «liste des projets susceptibles de bénéficier d'un concours financier». En vertu de cette même disposition, la commission mixte évalue les projets en fonction de différents critères (voir ci-dessus point 6).

103.
    Aux termes de l'annexe III, points 4 et 5, de l'accord de pêche, les projets sont approuvés, sur recommandation de la commission mixte, par l'«autorité compétente argentine et par la Communauté».

104.
    Il ne saurait être déduit de ces dispositions que la Commission serait tenue de consulter la commission mixte et d'obtenir l'approbation des autorités argentines avant de prendre une décision de réduction d'un concours financier octroyé à un armateur communautaire pour la constitution d'une société mixte. Il doit être relevé à cet égard que l'accord de pêche se subdivise en deux composantes: la composante internationale, à savoir la coopération entre la Communauté et la République argentine, et la composante communautaire, qui comprend notamment le financement accordé par la Commission aux armateurs communautaires pour la constitution de sociétés mixtes dans le cadre de l'accord de pêche.

105.
    La sélection et l'évaluation des projets de constitution de sociétés mixtes relèvent de la composante internationale de l'accord de pêche. La constitution de telles sociétés est en effet un instrument de la coopération entre la Communauté et la République argentine dans le secteur de la pêche. Conformément aux dispositions citées aux points 101 à 103 ci-dessus, la sélection des projets en tant que tels nécessite une évaluation au sein de la commission mixte et une approbation aussi bien par la Communauté que par les autorités argentines.

106.
    En revanche, l'octroi du concours financier aux armateurs communautaires pour les projets sélectionnés est un acte unilatéral de la Communauté et relève donc de la composante communautaire de l'accord de pêche.

107.
    Il doit être constaté par ailleurs que, conformément à l'annexe III, point 2, de l'accord de pêche, la Commission examine d'abord tous les projets qui lui sont présentés par les États membres «conformément aux dispositions prévues à cet effet par la réglementation communautaire». En vertu du point 3 de ladite annexe, elle ne communique à la commission mixte que les projets dont elle considère déjà qu'ils sont susceptibles de bénéficier d'un concours financier.

108.
    En outre, l'article 3, paragraphe 4, du protocole I de l'accord de pêche confirme que la réglementation communautaire interne est applicable au concours accordé à l'armateur communautaire dans le cadre de l'accord de pêche. Cette disposition énonce en effet que «[l]es dispositions relatives à la procédure de demande et aux modalités de paiement de l'aide communautaire à l'armateur communautaire [...] doivent être conformes aux dispositions en la matière de la réglementation communautaire».

109.
    La requérante dans l'affaire T-126/01 ne saurait tirer un argument de l'article 10 de l'accord de pêche en vertu duquel la commission mixte doit, notamment, «contrôler l'administration des projets et superviser l'utilisation des apports financiers destinés à leur promotion et visés à l'article 7». En effet, cette disposition n'octroie aucune compétence à la commission mixte pour ce qui concerne l'octroi ou la réduction des concours financiers.

110.
    Enfin, l'argument tiré de la note en bas de page n° 1 de l'annexe I de la décision d'octroi de concours du 25 juillet 1995 (voir ci-dessus point 99) doit aussi être rejeté. En effet, une décision réduisant un concours octroyé à un armateur communautaire ne saurait être considérée comme une décision modifiant des «données contenues» dans la décision initiale d'octroi de concours au sens de la note en bas de page précitée. Il s'agit d'une décision autonome sanctionnant le non-respect des conditions auxquelles l'octroi du concours est subordonné.

111.
    Il résulte de tout ce qui précède que, dès lors que l'octroi de concours financiers aux armateurs communautaires et leur réduction constituent des actes unilatéraux de la Communauté relevant de la composante communautaire de l'accord de pêche, la Commission était en droit d'adopter la décision attaquée dans l'affaire T-126/01, adressée uniquement à l'armateur communautaire concerné, sans consulter la commission mixte et sans demander l'accord préalable des autorités argentines.

112.
    Il s'ensuit que le présent moyen doit être rejeté dans son entièreté.

Sur le moyen tiré de l'absence de modification substantielle du projet qui aurait pu justifier une réduction du concours

113.
    Dans les décisions attaquées dans les affaires T-119/01 et T-126/01, la Commission considère que le navire exploité par la société mixte devait obligatoirement être actif pendant une période de 36 mois au moins dans la ZEE argentine. La Commission constate dans ces décisions que les navires exploités par les sociétés mixtes avaient cessé leurs activités de pêche dans les eaux argentines, respectivement, le 23 août et le 5 juillet 1996, après, respectivement, seize mois et douze mois d'activité dans la ZEE argentine. Il s'agit, selon la Commission, d'une modification importante du projet au sens de l'article 24 du règlement n° 4253/88 justifiant la réduction du concours.

114.
    La décision attaquée dans l'affaire T-126/01 dénonce aussi le fait que le navire Vieirasa XII a pêché une espèce qui n'est pas visée par l'accord de pêche, à savoir la légine australe.

115.
    Le Tribunal constate que les parties requérantes ne contestent pas que les navires exploités par les sociétés mixtes, à savoir l'Orense dans l'affaire T-119/01 et le Vieirasa XII dans l'affaire T-126/01, ont cessé leurs activités de pêche dans les eaux argentines et ont quitté ces eaux au courant de l'année 1996, même si la requérante dans l'affaire T-119/01 conteste la date exacte de sortie de ces eaux (voir ci-après points 146 à 151). Elles ne contestent pas non plus le fait qu'elles n'aient pas cherché à obtenir une autorisation préalable de la Commission avant d'abandonner les eaux argentines. En outre, dans l'affaire T-126/01, la requérante affirme que le Vieirasa XII disposait d'un permis de pêche pour, notamment, 1 800 tonnes de légine australe. Elle explique que le navire a quitté les eaux argentines afin de pêcher notamment cette espèce. Les requérantes soutiennent toutefois que ces circonstances ne peuvent être considérées comme des modifications importantes du projet au sens de l'article 24 du règlement n° 4253/88 justifiant la réduction des concours.

116.
    Premièrement, quant à la question de savoir si la sortie des eaux argentines peut être qualifiée de modification importante du projet au sens de l'article 24 du règlement n° 4253/88, il convient de rappeler d'abord que l'un des principaux objectifs poursuivis par la Communauté en concluant l'accord de pêche était d'obtenir pour les armateurs communautaires un accès à des ressources halieutiques argentines. À cet égard, le premier considérant du règlement n° 3447/93, approuvant au nom de la Communauté l'accord de pêche, souligne que cet accord «offre aux pêcheurs de la Communauté de nouvelles possibilités de pêche». En vue d'atteindre cet objectif, l'accord de pêche encourage la constitution de sociétés mixtes. En effet, selon l'article 2, sous e), de l'accord de pêche, les sociétés mixtes sont constituées «en vue de l'exploitation et, le cas échéant, de la transformation des ressources de pêche argentines dans l'optique d'un approvisionnement prioritaire du marché de la Communauté». De même, l'article 5, paragraphe 1, de l'accord de pêche énonce que les sociétés mixtes sont constituées «dans le but d'exploiter et, le cas échéant, de transformer conjointement les ressources halieutiques argentines».

117.
    Il s'ensuit donc que les sociétés mixtes constituées dans le cadre de l'accord de pêche sont tenues d'exploiter et, le cas échéant, de transformer des ressources de pêche argentines.

118.
    Il doit être rappelé ensuite que, par décisions des 21 décembre 1994 et 25 juillet 1995, la Commission a octroyé un concours financier aux requérantes pour la constitution d'une société mixte dans le cadre de l'accord de pêche. L'article 1er de ces décisions précise que les concours financiers sont octroyés «dans les conditions établies par les dispositions fixées par l'accord de pêche», accord qui, comme le rappelle le premier considérant des décisions d'octroi de concours, «établit les conditions et les modalités pour la constitution de sociétés mixtes». Il s'ensuit que les conditions auxquelles sont soumises les sociétés mixtes dans l'accord de pêche constituent des conditions auxquelles l'octroi du concours est subordonné.

119.
    Il doit donc être considéré qu'une des conditions auxquelles l'octroi du concours financier aux requérantes a été subordonné en l'espèce est que les sociétés mixtes concernées exploitent et, le cas échéant, transforment des ressources de pêche argentines. Or, seuls les produits de pêche capturés dans les eaux argentines constituent des ressources de pêche argentines.

120.
    La requérante dans l'affaire T-126/01 ne saurait prétendre que les produits de pêche capturés par un navire battant pavillon argentin tant à l'intérieur qu'à l'extérieur des eaux de la ZEE argentine doivent être considérés comme étant des ressources de pêche argentines. En effet, l'objectif poursuivi par l'accord de pêche est d'obtenir pour la Communauté un accès à de nouvelles zones de pêche relevant de la ZEE argentine.

121.
    Il doit d'ailleurs être constaté que les requérantes ont explicitement mentionné dans le formulaire de demande de concours communautaire qu'elles allaient être actives dans la ZEE argentine. Ce même formulaire (point 3.2) contient encore l'avertissement suivant:

«La Commission n'accorde un concours financier communautaire qu'aux projets destinés à exploiter et, éventuellement, valoriser les ressources halieutiques situées dans les eaux sous juridiction ou souveraineté du pays tiers concerné par la société mixte [...]»

122.
    Il ressort de tout ce qui précède qu'en l'espèce l'octroi du concours financier a été subordonné à la condition que la société mixte soit active dans les eaux sous juridiction ou souveraineté argentine. L'abandon de ces eaux par les navires Orense (affaire T-119/01) et Vieirasa XII (affaire T-126/01), et, par voie de conséquence, la cessation des activités de pêche dans ces eaux, sans autorisation préalable de la Commission, constitue donc une violation manifeste de cette condition.

123.
    Les parties requérantes font toutefois valoir que l'abandon des eaux argentines a été nécessaire en raison de l'épuisement des stocks de pêche dans la ZEE argentine, voire des interdictions ou limitations de pêche décrétées par les autorités argentines. En outre, l'abandon des eaux argentines aurait eu lieu avec l'accord des autorités argentines.

124.
    Ces arguments ne peuvent pas être accueillis. Le Tribunal rappelle à cet égard qu'une obligation d'information et de loyauté pèse sur les bénéficiaires de concours financiers communautaires. Il s'agit d'une obligation inhérente au système de tels concours et essentielle pour son fonctionnement. Or, conformément à cette obligation, les parties requérantes auraient dû informer la Commission des problèmes rencontrés dans l'exécution des projets. Une information correcte aurait permis à la Commission de prendre d'éventuelles mesures pour adapter l'accord de pêche aux nouvelles circonstances, conformément à l'article 9, paragraphe 1, de celui-ci.

125.
    En tout état de cause, les navires exploités par les sociétés mixtes ne devaient pas quitter la ZEE argentine sans l'approbation préalable de la Commission, dès lors que l'exploitation ou la transformation des ressources de pêche argentines constituait une des conditions principales auxquelles l'octroi du concours financier communautaire était subordonné.

126.
    Deuxièmement, quant à l'éventuelle violation des conditions auxquelles l'octroi du concours a été subordonné en raison de la capture d'une espèce non visée par l'accord de pêche, à savoir la légine australe, il doit être rappelé que cet argument a été invoqué uniquement dans l'affaire T-126/01.

127.
    Toutefois, force est de constater que la capture d'une espèce non couverte par l'accord de pêche est restée sans incidence sur la réduction du concours opérée dans la décision attaquée dans l'affaire T-126/01. En effet, il ressort du dossier que le navire Vieirasa XII, qui disposait depuis le 14 novembre 1995 d'un permis de pêche argentin pour la capture de notamment 1 800 tonnes de légine australe, pêchait cette espèce déjà avant son départ des eaux argentines, le 5 juillet 1996, sans que cette circonstance ait amené la Commission a réduire le concours communautaire. La requérante reconnaît même que le navire a choisi de quitter la ZEE argentine et de pêcher dans les eaux internationales en raison notamment de la pénurie de légine australe dans les eaux argentines.

128.
    À l'audience, les parties ont reconnu que le départ du Vieirasa XII de la ZEE argentine constitue l'unique motif de la réduction du concours qui avait été octroyé à la requérante dans l'affaire T-126/01.

129.
    Il s'ensuit que les arguments formulés par la requérante dans l'affaire T-126/01 tendant à démontrer qu'aucune disposition de l'accord de pêche et de la décision d'octroi de concours du 25 juillet 1995 n'interdisait à la société mixte la pêche de la légine australe sont inopérants.

130.
    Troisièmement, il convient encore d'examiner s'il existait, pour les sociétés mixtes constituées dans le cadre de l'accord de pêche, une obligation de pêcher dans les eaux argentines pendant une période d'au moins 36 mois. Seule la requérante dans l'affaire T-119/01 nie l'existence d'une telle obligation dans le chef des sociétés mixtes.

131.
    À cet égard, le Tribunal constate que l'annexe I, note en bas de page n° 2, de la décision d'octroi de concours du 21 décembre 1994 indique que, pour les demandes de paiement du concours, le bénéficiaire devait utiliser les formulaires approuvés par la commission mixte lors de sa réunion des 5 et 6 décembre 1994. Or, dans le formulaire de demande du solde du concours qui a été complété à cette fin par la requérante dans l'affaire T-119/01, celle-ci s'est engagée à «présenter à la Commission le deuxième et le troisième rapport périodique correspondant à la deuxième et à la troisième année d'activité de la société». Il s'ensuit nécessairement que l'activité de la société mixte devait s'étendre sur trois ans au moins.

132.
    De même, le formulaire utilisé par la requérante dans l'affaire T-119/01 pour le dépôt du premier rapport d'activité mentionnait que le deuxième rapport devait être présenté «douze mois après la présentation du premier rapport périodique à la Commission» et le troisième rapport «douze mois après la présentation du deuxième rapport périodique à la Commission».

133.
    Eu égard au fait que la société mixte constituée dans le cadre de l'accord de pêche devait rendre compte de son activité durant au moins trois ans, la Commission a pu constater, à bon droit, dans la décision attaquée dans l'affaire T-119/01 que l'activité minimale requise pour une telle société était de trois ans, activité qui, conformément à la définition même de la société mixte, devait s'exercer dans les eaux argentines.

134.
    Ce dernier argument n'est donc pas non plus fondé.

135.
    Partant, le moyen doit être rejeté dans son intégralité.

Sur le moyen tiré d'une violation du principe de proportionnalité

136.
    Les parties requérantes font valoir, à titre subsidiaire, que les décisions attaquées violent le principe de proportionnalité.

137.
    En l'espèce, la Commission aurait violé le principe de proportionnalité en mettant en oeuvre un mécanisme de réduction du concours ne distinguant pas les obligations principales des obligations secondaires imposées au bénéficiaire du concours (arrêt de la Cour du 23 mai 1996, Maas, C-326/94, Rec. p. I-2643, point 29). Les requérantes font observer à cet égard que les obligations principales incombant aux bénéficiaires des concours ont toutes été respectées, à savoir la constitution d'une société mixte, la radiation d'un navire du registre communautaire et son immatriculation au registre de pêche d'un pays tiers ainsi que l'approvisionnement prioritaire du marché communautaire.

138.
    Toutes les obligations principales ayant été respectées, le système de réduction pro rata temporis pour les mois au cours desquels une des obligations secondaires n'aurait pas été respectée violerait le principe de proportionnalité.

139.
    Le Tribunal rappelle que le principe de proportionnalité, consacré par l'article 5 CE, exige, selon une jurisprudence constante, que les actes des institutions communautaires ne dépassent pas les limites de ce qui est approprié et nécessaire pour atteindre le but recherché (voir arrêt de la Cour du 17 mai 1984, Denkavit Nederland, 15/83, Rec. p. 2171, point 25; arrêts du Tribunal du 19 juin 1997, Air Inter/Commission, T-260/94, Rec. p. II-997, point 144, et du 12 octobre 1999, Conserve Italia/Commission, T-216/96, Rec. p. II-3139, point 101).

140.
    Dans les décisions attaquées, la Commission a tenu compte du fait que le concours communautaire auquel les parties requérantes ont droit se compose de deux éléments: «d'une part, un montant équivalent à celui de la prime pour le transfert définitif dans un pays tiers et, d'autre part, un montant proportionnel à la période d'activité durant laquelle le navire concerné a opéré dans les eaux argentines par référence à la période réglementaire de 36 mois, calculé par mois échu et déduction faite du montant correspondant à la prime pour le transfert définitif» (décision attaquée dans l'affaire T-119/01, point 9, et décision attaquée dans l'affaire T-126/01, point 10).

141.
    Il ressort donc des décisions attaquées que le concours obtenu par l'armateur communautaire en raison de l'immatriculation d'un navire communautaire au registre de pêche argentin n'a pas été réduit. Ce point n'est d'ailleurs pas contesté. Le concours accordé par les décisions des 21 décembre 1994 et 25 juillet 1995, après déduction du montant obtenu au titre du transfert du navire exploité par la société mixte, a été réduit pour la période pendant laquelle le navire n'a pas été actif dans la ZEE argentine.

142.
    La réduction pro rata temporis du concours pour la période pendant laquelle le navire n'a pas été actif dans la ZEE argentine est tout à fait proportionnée au regard du manquement reproché, à savoir la cessation des activités de pêche dans la ZEE argentine. En effet, dès lors que la Communauté recherche principalement par l'accord de pêche un accès pour les armateurs communautaires à la ZEE argentine, l'obligation d'exploiter ou de transformer des ressources de pêche argentines doit être considérée comme une obligation principale inhérente au système de subventionnement des sociétés mixtes (voir points 116 à 125 ci-dessus; voir aussi arrêt du Tribunal du 17 octobre 2002, Astipesca/Commission, T-180/00, Rec. p. II-3985, point 91).

143.
    Certes, comme le soulignent les parties requérantes, la constitution de la société mixte et l'approvisionnement prioritaire du marché communautaire (voir ci-dessus point 137) constituent également des obligations principales au titre du système de subventionnement. Cependant, il doit être souligné que la société mixte est constituée «en vue de l'exploitation et, le cas échéant, de la transformation des ressources de pêche argentines» [article 2, sous e), de l'accord de pêche] et que l'approvisionnement prioritaire du marché communautaire se rapporte à un approvisionnement en ressources de pêche capturées dans la ZEE argentine. La sortie des eaux argentines, sans autorisation de la Commission, implique donc nécessairement une violation des autres obligations principales imposées au bénéficiaire du concours.

144.
    Les requérantes rappellent ensuite que les navires Orense et Vieirasa XII ont quitté la ZEE argentine en raison de l'épuisement des ressources halieutiques dans cette zone. Cette situation aurait, en outre, amené les autorités argentines à décréter des limitations ou interdictions de pêche.

145.
    Toutefois, le Tribunal considère que la Commission ne devait pas tenir compte de ces circonstances dans les décisions attaquées. En effet, les requérantes auraient dû demander l'autorisation préalable à la Commission avant de quitter les eaux argentines (voir également points 124 et 125 ci-dessus).

146.
    La requérante dans l'affaire T-119/01 conteste encore la date exacte du départ de l'Orense de la ZEE argentine. Le navire aurait abandonné les eaux argentines, le 2 octobre 1996 et non le 23 août 1996.

147.
    Le Tribunal constate que, dans la décision attaquée, la Commission considère que «[l]e navire de pêche l'Orense, transféré en Argentine dans le cadre de la constitution de ladite société mixte, a cessé ses activités de pêche dans les eaux de l'Argentine le 23 août 1996, sans autorisation préalable de la Commission» (point 4).

148.
    Cette cessation des activités de pêche dans les eaux argentines pour ce qui concerne l'année 1996 n'a pas été contestée. En effet, il ressort du deuxième rapport d'activité sur les opérations de pêche de l'Orense que «les opérations de pêche en 1996 ont commencé le 31 janvier et se sont achevées le 23 août». La requérante confirme au point 2 de sa réplique qu'«[i]l est donc évident que la société a bien communiqué à la Commission que les activités de pêche en Argentine n'avaient duré que jusqu'au 23 août 1996».

149.
    Il n'est pas non plus contesté que l'Orense a, par la suite, effectivement quitté la ZEE argentine. En effet, pendant le dernier trimestre de l'année 1996, à tout le moins à partir du 2 octobre 1996, l'Orense a exercé des activités de pêche dans les eaux internationales.

150.
    Ensuite, pour ce qui concerne l'année 1997, la requérante reconnaît que l'Orense était actif dans les eaux internationales même si elle affirme qu'il y a eu des captures minimes dans les eaux argentines. Force est toutefois de constater que la requérante n'avance aucun élément de preuve démontrant une quelconque activité de pêche dans les eaux argentines en 1997. Le 14 janvier 1998, l'Orense a fait naufrage au large de l'île Maurice.

151.
    Dans ces conditions, et indépendamment de la date exacte à laquelle l'Orense aurait quitté la ZEE argentine, la Commission a pu raisonnablement considérer, aux fins du calcul du montant du concours auquel la requérante avait droit, que l'Orense avait cessé d'exploiter des ressources halieutiques argentines, le 23 août 1996, seize mois seulement après la constitution de la société mixte, le 30 avril 1995. Eu égard à la période minimale de pêche dans la ZEE argentine de 36 mois (voir ci-dessus point 133), la Commission a pu considérer à bon droit que la requérante n'avait droit qu'à un montant équivalent au 16/36e du concours financier initialement accordé.

152.
    La requérante dans l'affaire T-119/01 fait encore valoir que la décision attaquée viole le principe de proportionnalité dès lors que la Commission n'aurait pas tenu compte du naufrage de l'Orense. Le naufrage constituerait un cas de force majeure.

153.
    Toutefois, il doit être rappelé que, le 14 janvier 1998, l'Orense a sombré dans l'océan Indien au large de l'île Maurice. Au moment du naufrage, le navire n'était donc plus actif dans les eaux argentines. Dans ces conditions, la Commission ne devait pas tenir compte du naufrage de l'Orense lorsqu'elle a fixé, dans la décision attaquée, le montant du concours auquel la requérante avait définitivement droit.

154.
    Il résulte de tout ce qui précède que le moyen tiré d'une violation du principe de proportionnalité doit être rejeté.

Sur le moyen tiré d'une application erronée de la réglementation communautaire en matière de réduction de concours financiers

155.
    La requérante dans l'affaire T-126/01 rappelle que le règlement n° 4028/86 a été abrogé par le règlement n° 2080/93 avec effet au 1er janvier 1994. Néanmoins, la Commission aurait fait application de l'article 44 de ce règlement tout au long de la procédure administrative. Ainsi, le comité permanent des structures de la pêche aurait été consulté conformément aux articles 44 et 47 du règlement n° 4028/86. La requérante ajoute que, pour le calcul du quantum de la réduction du concours dans la décision attaquée, la Commission a fait application des dispositions du règlement n° 3699/93. Or, sous le régime du règlement n° 3699/93, les autorités de gestion seraient les autorités nationales, et non la Commission. Cette dernière aurait donc à la fois fait application d'un règlement abrogé et d'un règlement ne lui conférant pas de compétence.

156.
    La requérante dans l'affaire T-126/01 fait encore observer que, pour calculer le montant du concours auquel elle avait droit au titre du transfert définitif du navire Vieirasa XII, les conséquences de l'application du règlement n° 4028/86 ou du règlement n° 3699/93 sont très différentes. Conformément au barème du règlement n° 4028/86, la requérante aurait pu bénéficier d'un concours de 784 140 euros, au lieu des 688 187 euros retenus dans la décision attaquée sur la base des dispositions du règlement n° 3699/93.

157.
    Le Tribunal constate que la décision attaquée dans l'affaire T-126/01 est fondée sur le règlement n° 4253/88, notamment son article 24, d'une part, et sur le règlement n° 3447/93, approuvant au nom de la Communauté, l'accord de pêche, d'autre part. Ni le règlement n° 4028/86 ni le règlement n° 3699/93 ne constituent donc la base légale de la décision attaquée.

158.
    Le fait que la Commission a consulté un comité dont la consultation était prévue par le règlement n° 4028/86 ne démontre pas que la décision attaquée dans l'affaire T-126/01 était fondée sur ce règlement. En effet, ce règlement n'était plus en vigueur au moment où la requérante a introduit son projet de constitution de société mixte, le 26 juillet 1994, de sorte que, en l'espèce, ce règlement ne pouvait plus régir la procédure de réduction du concours (voir ci-dessus point 15, et arrêt Astipesca/Commission, cité au point 142 ci-dessus, point 61). La consultation volontaire d'un comité dont la consultation n'était pas obligatoire n'affecte pas la légalité d'un acte qui, par ailleurs, a été adopté dans le respect des procédures obligatoirement imposées pour son adoption.

159.
    Certes, la décision attaquée contient une référence au règlement n° 3699/93. En effet, la Commission a fait application du barème du règlement n° 3699/93 pour calculer le montant du concours dû au titre du transfert définitif du navire Vieirasa XII à la société mixte.

160.
    Il doit être relevé à cet égard que ni les deux actes sur lesquels la décision attaquée est fondée, à savoir le règlement n° 4253/88 et le règlement n° 3447/93 approuvant au nom de la Communauté l'accord de pêche, ni d'ailleurs l'accord de pêche lui-même ne contiennent de dispositions spécifiques relatives à la partie du concours qui est due au titre du transfert d'un navire communautaire à la société mixte. La décision d'octroi du concours du 25 juillet 1995 accorde ainsi une somme globale à l'armateur communautaire et à la société mixte sans préciser le montant accordé au titre du transfert du navire.

161.
    Lorsque la Commission, après avoir constaté la violation des conditions auxquelles l'octroi du concours à la requérante dans l'affaire T-126/01 avait été subordonné, a calculé le montant définitif du concours auquel la requérante avait droit, elle a pu d'abord déterminer le montant reçu par la requérante au titre du transfert du navire dès lors que cette partie du concours financier ne lui semblait pas devoir être réduite (voir ci-dessus points 140 et 141). La Commission se réfère à cet égard, dans la décision attaquée dans l'affaire T-126/01 (point 11), aux dispositions du règlement n° 3699/93.

162.
    Même si, au cours de la procédure administrative, la Commission s'est référée dans sa lettre du 28 février 2000 au règlement n° 4028/86, il doit être souligné que, dans sa lettre du 14 septembre 2000, la Commission a informé la requérante qu'elle allait faire application du barème contenu dans le règlement n° 3699/93 aux fins du calcul du montant du concours dû à la requérante au titre du transfert définitif du navire Vieirasa XII à la société mixte. La requérante a pris position sur ce point dans sa lettre du 21 septembre 2000.

163.
    La requérante dans l'affaire T-126/01 ne saurait reprocher à la Commission de ne pas avoir fait application, dans la décision attaquée, du barème du règlement n° 4028/86 pour le calcul du montant du concours auquel elle avait droit au titre du transfert du navire. En effet, ce règlement n'était plus en vigueur au moment où la requérante a introduit son projet de constitution de société mixte, le 26 juillet 1994 (voir ci-dessus point 158). La Commission, qui n'était liée que par le principe de proportionnalité pour calculer le montant définitif du concours dû à la requérante, a pu, à bon droit, s'inspirer par analogie des dispositions du règlement n° 3699/93 pour déterminer le montant dû à la requérante au titre du transfert du bateau. En agissant ainsi, elle était, en effet, soucieuse d'harmoniser le traitement réservé à la société mixte constituée dans le cadre de l'accord de pêche par rapport aux sociétés mixtes relevant du champ d'application du règlement n° 3699/93.

164.
    Il ressort de ce qui précède que ce moyen doit également être rejeté.

Sur le moyen tiré d'une violation du principe du délai raisonnable de la procédure et d'une violation des principes de protection de la confiance légitime et de sécurité juridique

165.
    La requérante dans l'affaire T-126/01 fait valoir que la Commission a violé l'obligation d'agir dans un délai raisonnable dans la présente espèce. Se référant à la jurisprudence de la Cour et du Tribunal en matière d'aides d'État qui s'appliquerait par analogie (arrêt de la Cour du 26 février 1987, Consorzio Cooperative d'Abruzzo/Commission, 15/85, Rec. p. 1005, et conclusions de l'avocat général M. Mischo sous cet arrêt, Rec. p. 1014; arrêt de la Cour du 24 novembre 1987, RSV/Commission, 223/85, Rec. p. 4617), la requérante soutient qu'il existe, en droit communautaire, un principe général, fondé sur les exigences de sécurité juridique et de bonne administration, qui oblige l'administration à exercer ses pouvoirs dans des limites de temps déterminées, dans l'objectif de protéger la confiance légitime que ses administrés ont placée en elle. Dès lors, lorsque la Commission exige le remboursement d'un concours financier alors qu'un laps de temps excessivement long s'est écoulé, celle-ci n'agirait pas avec la diligence requise, ne respecterait pas les exigences imposées par la sécurité juridique et sortirait des limites de la bonne administration.

166.
    La requérante dans l'affaire T-126/01 rappelle qu'elle avait déjà présenté sa demande de paiement du solde du concours communautaire, qui a donné lieu à l'ouverture de la procédure de réduction le 25 février 1997. Il aurait fallu plus de quatre ans à la Commission pour adopter la décision attaquée. Trois ans et neuf mois auraient été nécessaires à la Commission depuis le début des vérifications, le 21 avril 1998, qui auraient porté exclusivement sur la zone dans laquelle le navire Vieirasa XII opérait. Elle rappelle que, le 7 juillet 1997, elle avait déjà communiqué à la Commission sa licence de pêche. Il serait en particulier incompréhensible qu'une année et un mois aient été nécessaires à la Commission pour répondre aux observations présentées par la requérante le 19 mai 1998. La Commission se serait permise d'affirmer, dans sa lettre du 9 juin 1999, que ces observations se limitaient à confirmer la sortie du navire des eaux argentines, le 5 juillet 1996.

167.
    Le Tribunal rappelle que le respect du principe du délai raisonnable est un principe général de droit communautaire que la Commission est tenue de respecter dans le cadre de ses procédures administratives (voir arrêt du Tribunal du 22 octobre 1997, SCK et FNK/Commission, T-213/95 et T-18/96, Rec. p. II-1739, point 56).

168.
    Il doit être constaté que, en l'espèce, la durée de la procédure administrative a été longue. Il doit être rappelé à cet égard que la requérante dans l'affaire T-126/01 a présenté sa demande de paiement du solde du concours communautaire, le 25 février 1997. Or, la Commission affirme elle-même dans la décision attaquée (point 8) qu'elle a pris connaissance, le 2 juillet 1997, du motif qui a justifié la réduction du concours octroyé à la requérante, à savoir le départ définitif du navire Vieirasa XII de la ZEE argentine, le 5 juillet 1996.

169.
    De plus, la décision attaquée dans l'affaire T-126/01 n'est intervenue que le 19 mars 2001. Certes, il y a eu différents contacts entre la Commission, d'une part, et les autorités espagnoles et la requérante, d'autre part, au cours de la procédure administrative (voir ci-dessus points 32 à 38). Néanmoins, dans la présente affaire, il y a eu des périodes d'inactivité pour lesquelles la Commission n'avance aucune justification. Ainsi, après avoir reçu les observations de la requérante du 19 mai 1998 sur sa lettre du 21 avril 1998, la Commission n'a fait aucune démarche avant le 9 juin 1999, date à laquelle elle a annoncé à la requérante sa décision d'intenter une procédure de réduction du concours.

170.
    Toutefois, la violation du principe du respect du délai raisonnable, à la supposer établie, ne justifie pas une annulation automatique de la décision attaquée (arrêts du Tribunal du 20 avril 1999, Limburgse Vinyl Maatschappij e.a./Commission, T-305/94 à T-307/94, T-313/94 à T-316/94, T-318/94, T-325/94, T-328/94, T-329/94 et T-335/94, Rec. p. II-931, point 122, et du 30 mai 2002, Onidi/Commission, T-197/00, RecFP p. I-A-69 et II-325, point 96).

171.
    La requérante dans l'affaire T-126/01 soutient que la décision attaquée devrait être annulée dès lors que le laps de temps écoulé aurait fait naître chez elle une confiance légitime dans le fait que le concours financier était définitivement acquis.

172.
    Toutefois, dans le cas d'espèce, le Tribunal considère que le retard pris par la Commission pour adopter la décision attaquée dans l'affaire T-126/01 n'a pas pu fonder chez la requérante une confiance légitime de nature à empêcher la Commission de réduire le concours qui lui avait été octroyé.

173.
    Il doit être relevé à cet égard que la correspondance échangée entre la Commission et la requérante (voir ci-dessus points 32 à 38) confirme, chaque fois, l'intention de la Commission de procéder à une réduction du concours octroyé. La présente espèce se distingue donc fondamentalement de celle qui a donné lieu à l'arrêt RSV/Commission (cité au point 165 ci-dessus) dans le cadre duquel la Cour a reconnu une confiance légitime dans le chef d'un bénéficiaire d'une aide d'État illégale en raison de la durée excessivement longue de la procédure menée entre la Commission et l'État membre concerné.

174.
    En tout état de cause, la confiance légitime de la requérante dans l'affaire T-126/01 dans le paiement du solde du concours s'est éteinte au moment où la requérante a enfreint les conditions d'octroi du concours (voir, en ce sens, arrêt du Tribunal du 15 septembre 1998, Branco/Commission, T-142/97, Rec. p. II-3567, points 97 et 105 à 107).

175.
    La requérante dans l'affaire T-119/01 fait valoir que la décision du 21 décembre 1994 lui a octroyé un concours financier pour la constitution d'une société mixte sans que cette décision établisse les conditions auxquelles le concours était soumis et sans qu'elle renvoie à la réglementation éventuellement applicable. Par le passé, la Commission n'aurait jamais réduit les concours octroyés aux sociétés mixtes, même en cas d'inobservation flagrante de la réglementation applicable. Elle rappelle qu'elle a informé les autorités argentines de l'abandon des eaux de ce pays, en supposant que ces autorités transmettraient l'information à la commission mixte. Le naufrage de l'Orense aurait été communiqué aux autorités argentines et à la Commission. Dès lors que l'accord de pêche ne prévoit pas une procédure de réduction du concours et, eu égard à la passivité des autorités argentines et au laps de temps écoulé entre le naufrage de l'Orense en janvier 1998 et l'ouverture de la procédure par la Commission, en juillet 1999, la décision attaquée violerait les principes de sécurité juridique et de protection de la confiance légitime.

176.
    Le Tribunal rappelle d'abord qu'il ressort de l'accord de pêche, du formulaire de demande de concours communautaire et de la décision d'octroi du concours que l'Orense devait être actif dans les eaux argentines (voir ci-dessus points 116 à 125).

177.
    Dans un cas comme celui de l'espèce où le bénéficiaire d'un concours ne respecte pas une condition principale à laquelle l'octroi du concours était subordonné, ledit bénéficiaire ne peut pas se prévaloir du principe de protection de la confiance légitime ou du principe de sécurité juridique en vue d'empêcher la Commission de réduire le concours qui lui avait été octroyé (voir, en ce sens, arrêt Branco/Commission, cité au point 174 ci-dessus, point 97, et la jurisprudence citée).

178.
    En tout état de cause, la Commission n'a jamais fourni des assurances précises à la requérante dans l'affaire T-119/01 qu'elle n'allait pas opérer une réduction du concours financier malgré la violation de la condition selon laquelle le navire exploité par la société mixte devait être actif dans la ZEE argentine (voir, en ce sens, ordonnance du Tribunal du 11 mars 1996, Guérin automobiles/Commission, T-195/95, Rec. p. II-171, point 20; arrêt du Tribunal du 16 octobre 1996, Efisol/Commission, T-336/94, Rec. p. II-1343, point 31).

179.
    Enfin, la requérante n'avance aucun indice de ce que la Commission n'aurait pas poursuivi des infractions à la réglementation applicable aux sociétés mixtes. Par ailleurs, l'existence éventuelle d'irrégularités antérieures qui n'auraient pas été poursuivies ne pourrait en aucun cas fonder une confiance légitime dans le chef de la requérante.

180.
    Il résulte de tout ce qui précède que ce moyen doit aussi être rejeté.

Sur le moyen tiré d'une violation des droits de la défense

181.
    Après avoir rappelé que le respect des droits de la défense s'impose dans toute procédure susceptible d'aboutir à un acte faisant grief (arrêt de la Cour du 29 juin 1994, Fiskano/Commission, C-135/92, Rec. p. I-2885; arrêts du Tribunal du 6 décembre 1994, Lisrestal e.a./Commission, T-450/93, Rec. p. II-1177, et Air Inter/Commission, cité au point 139 ci-dessus), la requérante dans l'affaire T-119/01 fait valoir qu'elle n'a pas été entendue de façon effective au cours de la procédure administrative. Elle fait observer qu'elle a demandé à plusieurs reprises à la Commission d'identifier les dispositions exactes de l'accord de pêche ou de la réglementation applicable qu'elle aurait enfreintes. En outre, à aucun moment, la Commission ne se serait prononcée sur les conséquences du naufrage de l'Orense.

182.
    Le Tribunal rappelle que la décision attaquée dans l'affaire T-119/01 est fondée sur le motif que les conditions auxquelles l'octroi du concours a été subordonné n'ont pas été respectées. La décision attaquée n'est donc pas fondée sur une violation d'une disposition précise de l'accord de pêche ou de la réglementation communautaire en matière de concours financiers. Le grief qui a justifié la réduction du concours est constitué par le fait que l'Orense n'a été actif dans les eaux argentines que durant 16 mois sur les 36 mois initialement prévus. Le navire a en effet cessé ses activités de pêche dans les eaux argentines, le 23 août 1996.

183.
    Or, force est de constater que la Commission a informé la requérante de ce grief par lettres du 14 juillet 1999, du 18 août 2000 et du 14 septembre 2000. En outre, par lettres du 14 juillet 1999 et du 14 septembre 2000, la Commission a explicitement demandé à la requérante de déposer ses observations à cet égard.

184.
    Dans ces conditions, il ne saurait être question d'une violation des droits de la défense.

185.
    Ce moyen doit donc également être rejeté.

Sur le moyen tiré de l'incohérence de la décision attaquée

186.
    La requérante dans l'affaire T-126/01 fait valoir que la société mixte VASA a subi la suspension du paiement du solde du concours sans qu'elle ait eu l'opportunité de présenter ses observations. Elle relève que le projet de décision soumis au comité permanent des structures de la pêche, en novembre 2000, faisait état d'une réduction du concours octroyé à la requérante et à VASA. La décision attaquée serait incohérente dès lors qu'elle ne viserait que le concours octroyé à la requérante. Le concours octroyé à l'armateur communautaire et à la société mixte constituerait en effet un seul concours. Elle souligne encore que, dans la présente espèce, la société mixte, qui était propriétaire du navire et responsable de la gestion de celui-ci, a adopté les décisions qui sont à l'origine de la réduction du concours financier. La requérante et VASA devraient donc être traitées sur un pied d'égalité.

187.
    Le Tribunal constate que la décision attaquée dans l'affaire T-126/01 n'est destinée qu'à la requérante. Elle ne tend qu'à la réduction du concours financier qui lui a été octroyé. Il n'est donc pas pertinent d'examiner la situation de la société mixte VASA dans le cadre du présent recours.

188.
    Ensuite, il doit être relevé qu'il ressort de l'article 3, paragraphe 2, du protocole I de l'accord de pêche que le concours communautaire octroyé par la Commission aux sociétés mixtes est versé à l'autorité compétente argentine, qui en établit les conditions de mise à disposition et de gestion. La procédure de demande et de paiement du concours octroyé aux sociétés mixtes, qui sont des sociétés argentines, est donc régie par des dispositions de droit argentin.

189.
    Dans ces conditions, la requérante dans l'affaire T-126/01 ne saurait critiquer le fait que la décision attaquée est adressée uniquement à l'armateur communautaire. En effet, la société mixte VASA, qui était tenue d'adresser sa demande de versement du solde du concours financier aux autorités argentines compétentes, n'a effectué cette démarche que le 23 avril 2001, soit environ un mois après l'adoption de la décision attaquée.

190.
    Partant, le présent moyen doit également être rejeté.

Sur le moyen tiré d'une violation de l'article 253 CE

191.
    Se référant à l'arrêt de la Cour du 2 avril 1998, Commission/Sytraval et Brink's France (C-367/95 P, Rec. p. I-1719), et à la jurisprudence selon laquelle une motivation suffisante s'impose particulièrement dans les cas où la Commission dispose d'un large pouvoir d'appréciation (arrêt de la Cour du 15 juillet 1960, Präsident e.a./Haute Autorité, 36/59 à 38/59 et 40/59, Rec. p. 857), la requérante dans l'affaire T-119/01 soutient que la décision attaquée n'est pas suffisamment motivée.

192.
    Premièrement, la décision attaquée ne mentionnerait nulle part les dispositions de l'accord de pêche ou de la réglementation éventuellement applicable qui auraient été violées. Deuxièmement, la décision attaquée ne ferait pas état de l'épuisement des ressources halieutiques dans les eaux argentines qui aurait amené les autorités argentines à limiter les activités de pêche. Elle ne ferait pas non plus état du naufrage de l'Orense. La décision n'expliquerait donc pas non plus pourquoi ces événements ne pourraient pas être considérés comme des cas de force majeure. Troisièmement, la décision attaquée n'identifierait pas la base juridique sur laquelle la réduction du concours a été fondée.

193.
    À cet égard, le Tribunal rappelle que, conformément à une jurisprudence constante, la motivation exigée par l'article 253 CE doit être adaptée à la nature juridique de l'acte en cause et faire apparaître d'une façon claire et non équivoque le raisonnement de l'institution auteur de l'acte, de manière à permettre aux intéressés de connaître les justifications de la mesure prise et au Tribunal d'exercer son contrôle (arrêt de la Cour du 2 février 1988, Van der Kooy e.a./Commission, 67/85, 68/85 et 70/85, Rec. p. 219, point 71; arrêt Astipesca/Commission, cité au point 142 ci-dessus, point 125).

194.
    S'agissant d'une décision réduisant un concours financier communautaire à un projet non exécuté comme prévu, la motivation d'un tel acte doit comporter l'indication des raisons pour lesquelles les variations prises en compte ont été jugées inacceptables. Des considérations portant sur l'importance de ces variations ou sur leur défaut d'autorisation préalable ne peuvent, par elles-mêmes, constituer une motivation suffisante à ce titre (arrêt du Tribunal du 5 mars 2002, Le Canne/Commission, T-241/00, Rec. p. II-1251, point 55).

195.
    Cependant, la question de savoir si la motivation d'un acte satisfait aux exigences de l'article 253 CE doit être appréciée au regard non seulement de son libellé, mais aussi de son contexte ainsi que de l'ensemble des règles juridiques régissant la matière concernée (arrêt Commission/Sytraval et Brink's France, cité au point 191 ci-dessus, point 63).

196.
    En l'espèce, il convient d'observer que, à la différence de l'affaire ayant donné lieu à l'arrêt Le Canne/Commission, cité au point 194 ci-dessus, la décision attaquée comporte des indications précises sur la nature de la modification litigieuse et sur les raisons pour lesquelles ladite modification justifie, en raison de son importance, la réduction du concours décidée en l'espèce. Il ressort en effet de manière claire et non équivoque de la décision attaquée que la Commission dénonce le fait que l'Orense a exercé, après le 23 août 1996, seize mois à peine après la constitution de la société mixte, ses activités de pêche dans les eaux internationales et non, comme prévu, dans la ZEE argentine, alors que l'obligation d'exploiter et, le cas échéant, de transformer les ressources halieutiques situées dans les eaux du pays tiers visé dans la décision d'octroi du concours constitue une condition principale dudit octroi (décision attaquée, point 4; voir aussi points 116 à 125 et 130 à 134 ci-dessus).

197.
    La Commission ne devait pas expliquer pourquoi elle considérait que l'épuisement des ressources halieutiques et le naufrage de l'Orense ne constituaient pas des événements pertinents pour le calcul de la réduction du concours. En effet, le motif qui justifie la réduction du concours est constitué par le fait que l'Orense n'exerçait plus d'activités de pêche dans les eaux argentines depuis le 23 août 1996. Or, le prétendu épuisement des ressources halieutiques qui aurait déclenché le départ de l'Orense vers les eaux internationales où le navire a sombré plus tard ne permet pas de justifier le fait que la requérante a omis de demander l'autorisation préalable, comme elle en avait la charge en vertu de son obligation d'information et de loyauté, à la Commission de quitter les eaux argentines (décision attaquée, point 8; voir aussi points 123 à 125, et 152 et 153 ci-dessus).

198.
    Il s'ensuit que l'argumentation de la requérante tirée d'une insuffisance de motivation ne saurait être accueillie.

199.
    Ce dernier moyen doit donc également être rejeté.

200.
    Il ressort de tout ce qui précède que les recours en annulation dans les affaires T-119/01 et T-126/01 doivent être rejetés.

Affaire T-44/01

Sur la demande en indemnisation

201.
    Par cette demande, l'armateur communautaire SAEV et la société mixte VASA visent à se voir indemniser du dommage qu'ils auraient subi en raison de la suspension illicite du concours qui leur avait été octroyé par décision du 25 juillet 1995.

202.
    Le Tribunal rappelle que, selon une jurisprudence constante, l'engagement de la responsabilité non contractuelle de la Communauté, au sens de l'article 288, deuxième alinéa, CE, est subordonné à la réunion d'un ensemble de conditions en ce qui concerne l'illégalité du comportement reproché aux institutions communautaires, la réalité du dommage et l'existence d'un lien de causalité entre le comportement de l'institution et le préjudice invoqué (arrêt de la Cour du 7 mai 1992, Pesquerias De Bermeo et Naviera Laida/Commission, C-258/90 et C-259/90, Rec. p. I-2901, point 42).

203.
    Les requérantes exposent d'abord que le comportement illicite dénoncé en l'espèce tient au fait que la Commission a, sans respecter les exigences de formes substantielles, suspendu le versement du solde du concours.

204.
    S'agissant du préjudice subi, les requérantes affirment qu'il peut être calculé de deux manières. Une première manière consisterait à se référer aux intérêts échus sur un emprunt que VASA a dû contracter en 1998 prétendument en raison du non-paiement du solde du concours. Le préjudice subi serait équivalent aux intérêts dus par les requérantes sur le montant de l'emprunt correspondant au solde du concours financier. Une autre manière d'évaluer le préjudice consisterait à calculer les intérêts de retard dus sur le montant du solde du concours auquel les requérantes auraient droit.

205.
    S'agissant du lien de causalité, les requérantes expliquent que le préjudice subi a «pour origine directe, immédiate et exclusive l'absence de décision de suspension officielle du paiement du solde du concours, une absence qui constitue un acte illicite» (requête, point 143).

206.
    La Commission excipe de l'irrecevabilité du recours. Elle rappelle à cet égard que le présent recours se fonde sur l'illégalité de la procédure qui s'est soldée par l'adoption de la décision attaquée dans l'affaire T-126/01, le 19 mars 2001. Le présent recours conduirait ainsi à un jugement sur la légalité d'un acte encore inexistant au moment de l'introduction du recours en indemnité anticipant les effets d'un éventuel recours en annulation dirigé contre cet acte.

207.
    Le Tribunal considère que cet argument doit être rejeté. Par la présente demande, les requérantes visent à se voir indemniser pour le préjudice qu'elles auraient subi en raison de la suspension illicite du concours financier auquel elles auraient droit. Or, il ne saurait être exclu qu'une suspension d'un concours financier au cours de la procédure administrative tendant à l'adoption d'une décision réduisant un concours financier cause un préjudice à l'une ou l'autre partie visée par ladite procédure avant que la décision de réduction du concours ne soit adoptée.

208.
    Au soutien de leur argumentation selon laquelle la suspension du concours serait illicite, les requérantes font observer d'abord que la Commission aurait dû adopter une décision formelle de suspension au plus tard le 27 août 1997 si elle nourrissait des doutes sérieux au sujet du respect par les requérantes des conditions d'octroi du concours.

209.
    Cet argument ne peut pas prospérer. En effet, même si la Commission s'était illégalement abstenue de prendre une décision formelle de suspension pour le 27 août 1997 au plus tard, ce qui n'est pas établi, il doit être constaté qu'une telle inaction n'a pas pu causer un préjudice aux requérantes. En effet, si la Commission avait adopté une telle décision le 27 août 1997 ou même plus tôt, le versement du solde du concours n'aurait pas non plus eu lieu.

210.
    Ensuite, les requérantes soutiennent que la Commission, par lettre du 21 avril 1998 (voir ci-dessus point 32), a adressé une décision implicite de suspension à SAEV. La décision implicite de suspension serait illégale. En effet, dès lors que l'accord de pêche ne renvoie pas au règlement n° 4253/88, la procédure de suspension aurait été fondée, en l'espèce, sur une base juridique erronée. En outre, les requérantes soutiennent que la Commission a méconnu la procédure de suspension propre à l'accord de pêche dès lors que la commission mixte n'a pas été consultée et que la Commission n'a pas cherché à obtenir l'approbation des autorités argentines. La décision implicite de suspension violerait aussi le principe du respect du délai raisonnable et serait prise en violation des droits de la défense de la société mixte VASA.

211.
    À cet égard, le Tribunal estime nécessaire d'opérer une distinction entre, d'une part, la position de l'armateur communautaire SAEV qui était la seule société visée par la procédure de réduction de concours au cours de laquelle le paiement du concours a été implicitement suspendu et, d'autre part, la position de la société mixte VASA.

212.
    S'agissant d'abord de SAEV, il doit être constaté que la lettre du 21 avril 1998 ou, en tout état de cause, la lettre du 9 juin 1999 par laquelle la Commission a informé SAEV du fait qu'elle avait décidé de réduire le concours financier qu'elle lui avait octroyé (voir ci-dessus point 34), a nécessairement entraîné le non-versement du solde du concours initialement promis. Dans ces conditions, il doit être considéré que SAEV a été le destinataire d'une décision implicite de suspension du concours. À la lumière de la jurisprudence (arrêt de la Cour du 25 mai 2000, Ca'Pasta/Commission, C-359/98 P, Rec. p. I-3977, points 30 à 32 et 36 à 39; arrêt Astipesca/Commission, cité au point 142 ci-dessus, point 141), il s'agit d'un acte faisant grief que SAEV aurait pu attaquer dans les délais, ce qu'elle n'a toutefois pas fait. La décision de suspension du concours est donc devenue définitive à l'égard de SAEV.

213.
    Le Tribunal rappelle que, si, certes, l'action en indemnité fondée sur l'article 288, deuxième alinéa, CE est une voie autonome dans le cadre des voies de recours en droit communautaire, de sorte que l'irrecevabilité d'une demande en annulation n'entraîne pas, par elle-même, celle d'une demande d'indemnisation (voir, notamment, arrêt du Tribunal du 15 mars 1995, Cobrecaf e.a./Commission, T-514/93, Rec. p. II-621, point 58, et la jurisprudence citée), un recours en indemnité doit toutefois être déclaré irrecevable lorsqu'il tend, en réalité, au retrait d'une décision individuelle devenue définitive et qu'il aurait pour effet, s'il était accueilli, d'annihiler les effets juridiques de cette décision (arrêt de la Cour du 26 février 1986, Krohn/Commission, 175/84, Rec. p. 753, points 32 et 33; arrêts Cobrecaf e.a./Commission, précité, point 59, et Astipesca/Commission, cité au point 142 ci-dessus, point 139).

214.
    Sont par conséquent irrecevables des conclusions en indemnité tendant au paiement d'une somme dont le montant correspond à celui des droits dont les requérantes se trouvent privées du fait d'une décision devenue définitive (arrêt Cobrecaf e.a./Commission, cité au point 213 ci-dessus, point 60), de même que des conclusions aux fins d'indemnité ayant trait au paiement d'intérêts de retard relatifs à une telle somme (arrêts Cobrecaf e.a./Commission, cité au point 213 ci-dessus, point 62, et Astipesca/Commission, cité au point 142 ci-dessus, point 140).

215.
    En l'espèce, les requérantes proposent deux formules pour calculer le préjudice résultant de la suspension prétendument illicite du concours (voir ci-dessus point 204). Cependant, il s'agit chaque fois d'une formule tendant à calculer les intérêts dus sur le montant du solde du concours. Force est donc de constater que les conclusions en indemnité fondées sur la prétendue illégalité de la suspension du concours tendent en réalité au paiement d'une somme destinée à compenser les effets juridiques inhérents à la décision de suspension en termes de retard survenu dans le versement dudit solde, effets juridiques que l'invalidation de ladite décision consécutive à un recours en annulation formé en temps utile et couronné de succès aurait conduit à effacer compte tenu des mesures d'exécution que la Commission est tenue de prendre, conformément à l'article 233 CE (arrêt Astipesca/Commission, cité au point 142 ci-dessus, point 146).

216.
    Il s'ensuit que, au vu de la jurisprudence rappelée aux points 213 et 214 ci-dessus, le recours doit être déclaré irrecevable pour autant qu'il porte sur le préjudice résultant de la prétendue illégalité de la décision implicite de suspension prise par la Commission à l'égard de SAEV.

217.
    S'agissant de la société mixte VASA, les requérantes font observer que ses droits de la défense ont été violés dès lors que cette société n'aurait pas été entendue au cours de la procédure précédant l'adoption de la décision attaquée dans l'affaire T-126/01.

218.
    Il doit toutefois être rappelé que la Commission n'a pas pris une décision portant réduction du concours octroyé à VASA. La décision attaquée dans l'affaire T-126/01 est en effet uniquement adressée à l'armateur communautaire SAEV.

219.
    Il doit être rappelé à cet égard qu'il ressort de l'article 3, paragraphe 2, du protocole I de l'accord de pêche que le concours communautaire octroyé par la Commission aux sociétés mixtes est versé à l'autorité compétente argentine, qui en établit les conditions de mise à disposition et de gestion. Alors que pour ce qui concerne le concours octroyé à l'armateur communautaire la procédure de demande et de paiement du concours doit, conformément à l'article 3, paragraphe 4, dudit protocole, être conforme aux dispositions en la matière de la réglementation communautaire, la procédure de demande et de paiement du concours octroyé aux sociétés mixtes, qui sont des sociétés argentines, est régie par des dispositions de droit argentin.

220.
    C'est ainsi que, par lettre du 23 avril 2001, VASA a adressé à l'autorité argentine compétente une demande visant au versement du solde du concours. Dès lors que VASA elle-même considère dans cette dernière lettre que le contenu de la décision attaquée dans l'affaire T-126/01 «n'a pas affecté son droit légitime au versement du solde pendant à la société mixte argentine», elle ne saurait non plus prétendre que la procédure de réduction du concours intentée à l'encontre de SAEV qui a conduit à l'adoption d'une décision implicite de suspension à l'égard de cette dernière lui a causé un préjudice.

221.
    Il résulte de tout ce qui précède que la demande en indemnisation doit être rejetée.

Sur la demande de retrait d'un document

222.
    Dans le cadre de l'affaire T-44/01, la Commission fait valoir que le projet de décision de réduction du concours qui a été produit par les requérantes en tant qu'annexe 24 de la requête ne correspond pas au texte qui a été approuvé par le comité permanent des structures de la pêche le 20 novembre 2000 et adopté, par la suite, par la Commission le 19 mars 2001. Il s'agirait d'une note interne susceptible d'induire le Tribunal en erreur. La Commission demande donc que l'annexe 24 soit retirée du dossier.

223.
    Toutefois, dès lors que le Tribunal ne s'est pas fondé sur le document en cause en vue de trancher le présent litige, il n'y a pas lieu de statuer sur la demande de la Commission (voir, en ce sens, arrêt Branco/Commission, cité au point 174 ci-dessus, points 116 et 117).

Conclusion

224.
    De l'ensemble de ce qui précède il ressort que les recours dans les affaires T-44/01, T-119/01 et T-126/01 doivent être rejetés.

Sur les dépens

225.
    Aux termes de l'article 87, paragraphe 2, du règlement de procédure du Tribunal, toute partie qui succombe est condamnée aux dépens, s'il est conclu en ce sens. Les requérantes ayant succombé, il y a lieu de les condamner aux dépens, conformément aux conclusions de la Commission.

Par ces motifs,

LE TRIBUNAL (troisième chambre)

déclare et arrête:

1)    Les affaires T-44/01, T-119/01 et T-126/01 sont jointes aux fins de l'arrêt.

2)    Les recours sont rejetés.

3)    Les requérantes sont condamnées aux dépens.

Lenaerts
Azizi

Jaeger

Ainsi prononcé en audience publique à Luxembourg, le 3 avril 2003.

Le greffier

Le président

H. Jung

K. Lenaerts


1: Langue de procédure: l'espagnol.