Language of document : ECLI:EU:T:2007:305

DOCUMENT DE TRAVAIL

ORDONNANCE DU PRÉSIDENT DU TRIBUNAL

11 octobre 2007 (*)

« Référé – Aides d’État dans les nouveaux Länder – Obligation de récupération – Demande de sursis à exécution – Urgence – Mise en balance des intérêts »

Dans l’affaire T‑120/07 R,

MB Immobilien Verwaltungs GmbH, établie à Neukirch (Allemagne),

représentée par MG. Brüggen, avocat,

partie requérante,

contre

Commission des Communautés européennes, représentée par MM. K. Gross et T. Scharf, en qualité d’agents,

partie défenderesse,

ayant pour objet le sursis à exécution de la décision 2007/492/CE de la Commission, du 24 janvier 2007, concernant l’aide d’État C 38/2005 (ex NN 52/2004) accordée par l’Allemagne au groupe Biria (JO L 183, p. 27),

LE PRÉSIDENT DU TRIBUNAL DE PREMIÈRE INSTANCE
DES COMMUNAUTÉS EUROPÉENNES

rend la présente

Ordonnance

 Faits, procédures et conclusions des parties

1        La requérante, MB Immobilien Verwaltungs GmbH, vient aux droits de Biria AG (nouvelle), l’ancienne société mère du groupe Biria. Le groupe Biria exerçait des activités dans le secteur de la fabrication et de la distribution de bicyclettes.

2        Biria AG (nouvelle) est née en 2003 de la fusion entre Biria AG (ancienne) et Sachsen Zweirad GmbH, l’entreprise ayant d’abord été renommée Biria GmbH, puis Biria AG (nouvelle). L’unique propriétaire de Biria AG (nouvelle) était M. Mehdi Biria.

3        Outre la société mère, une des plus importantes entreprises du groupe était Bike Systems GmbH & Co. Thüringer Zweirad KG (ci-après « Bike Systems »). Cette société produisait exclusivement des bicyclettes alors qu’une autre entreprise du groupe était responsable de leur commercialisation.

4        Entre mars 2001 et décembre 2003, le groupe Biria a reçu trois contributions financières.

5        Premièrement, en mars 2001, il a été fait un apport anonyme à hauteur d’environ 2 millions d’euros à Bike Systems. Cette première mesure ne fait pas l’objet de la présente procédure de référé.

6        Deuxièmement, le 23 mars 2003, le Land de Saxe a accordé une garantie de 80 % pour un crédit d’exploitation de 5,6 millions d’euros en faveur de Sachsen Zweirad dont l’échéance avait, à l’origine, été fixée à la fin de l’année 2008. Cette garantie a été rendue le 5 janvier 2004 et remplacée par une garantie en faveur de Biria GmbH.

7        Troisièmement, le 9 décembre 2003, le Land de Saxe a accordé, avec effet à compter du 5 janvier 2004, une garantie de 80 % pour un crédit d’exploitation de 24 875 000 euros en faveur de Biria GmbH.

8        En novembre 2005, Biria AG (nouvelle) a cédé la majorité de ses actifs, et notamment sa production de bicyclettes, au groupe Lone-Star, un fonds de placement privé. Les biens immobiliers sont restés la propriété de Biria AG (nouvelle) et ont ensuite été loués au groupe Lone-Star.

9        Le 24 janvier 2007, la Commission a adopté la décision 2007/492/CE concernant l’aide d’État C 38/2005 (ex NN 52/2004) accordée par l’Allemagne au groupe Biria, par laquelle elle a certes déclaré que la cession au groupe Lone-Star ne présentait pas de difficultés du point de vue du droit des aides d’État, mais a néanmoins qualifié les contributions financières susmentionnées, en particulier les garanties des 23 mars 2003 et 9 décembre 2003, d’aides d’État illégales et a déclaré la République fédérale d’Allemagne tenue de les récupérer (ci-après la « décision attaquée »).

10      Les motifs énoncés au soutien de la décision attaquée sont que les bénéficiaires étaient, au moment où les aides respectives ont été accordées, des entreprises en difficultés. S’agissant de grosses entreprises, les garanties n’auraient pas été couvertes par le régime d’aides du Land de Saxe préalablement approuvé par la Commission, mais auraient dû lui être individuellement notifiées, ce qui n’aurait pas été le cas. La Commission a estimé que la valeur de l’aide correspondait à la différence entre, d’une part, le taux de référence, majoré de 800 points de base en ce qui concerne la garantie du 23 mars 2003, et de 700 points de base en ce qui concerne la garantie du 9 décembre 2003, et, d’autre part, les taux d’intérêts contractuels respectifs.

11      Par requête déposée au greffe du Tribunal le 16 avril 2007, la requérante ainsi que MB System GmbH & Co. KG, société en liquidation (venant depuis août 2006 aux droits de Bike Systems) ont introduit, sur le fondement de l’article 230 CE, un recours en annulation dirigé contre la décision attaquée.

12      Le 31 mai 2007, s’appuyant sur la décision attaquée, le Land de Saxe a pris à l’encontre de la requérante une décision exigeant la restitution d’une somme d’un montant de 2 288 351,46 euros.

13      Le 28 juin 2007, un recours a été exercé contre cette décision devant le Verwaltungsgericht Dresden (tribunal administratif de Dresde, Allemagne) et le 23 juillet 2007, une demande de protection contre l’exécution forcée a été introduite, car le Land de Saxe avait fait savoir qu’il procéderait à l’exécution à compter du 1er août 2007. Après que le Land de Saxe eut ordonné l’exécution immédiate de la décision, il a été déposé devant le Verwaltungsgericht Dresden, en vertu du droit national, une demande de sursis à exécution provisoire dans l’attente de la décision sur la demande en référé visant à protéger la requérante contre l’exécution forcée.

14      Par acte séparé, reçu le 13 août 2007 au greffe du Tribunal, la requérante a déposé la présente demande en référé sur laquelle la Commission a pris position le 24 août 2007.

15      Le 21 septembre 2007, la requérante a présenté ses observations en réponse à celles de la Commission. Cette dernière a déposé ses observations définitives le 4 octobre 2007.

16      La requérante conclut à ce qu’il plaise au Tribunal ordonner le sursis à l’exécution de la décision attaquée concernant les garanties des 23 mars 2003 et 9 décembre 2003 jusqu’à ce qu’il ait été statué au principal et condamner la Commission aux dépens.

17      La Commission demande le rejet de la demande et la condamnation de la requérante aux dépens.

 En droit

18      Les observations écrites des parties contiennent toutes les informations nécessaires pour statuer sur la demande. Il n’y a donc pas lieu d’entendre les parties.

19      En vertu des dispositions combinées des articles 242 CE et 243 CE, d’une part, et de l’article 225, paragraphe 1, CE, d’autre part, le Tribunal peut, s’il estime que les circonstances l’exigent, ordonner le sursis à l’exécution d’un acte attaqué devant lui ou prescrire les mesures provisoires nécessaires.

20      L’article 104, paragraphe 2, du règlement de procédure du Tribunal prévoit que la demande en référé doit spécifier l’objet du litige et les circonstances établissant l’urgence ; en outre, il est nécessaire d’établir que l’octroi de la mesure sollicitée est justifié à première vue en fait et en droit (fumus boni juris) [ordonnance du président de la Cour du 19 juillet 1995, Commission/Atlantic Container Line e.a., C‑149/95 P(R), Rec. p. I‑2165, point 22]. Ces conditions sont cumulatives, de sorte que les mesures provisoires doivent être rejetées dès lors que l’une d’elles fait défaut [ordonnance du président de la Cour du 14 octobre 1996, SCK et FNK/Commission, C‑268/96 P(R), Rec. p. I‑4971, point 30].

21      La mesure sollicitée doit être provisoire en ce sens qu’elle ne préjuge pas les points de droit ou de fait en litige ni ne neutralise par avance les conséquences de la décision à rendre ultérieurement au principal (ordonnance Commission/Atlantic Container Line e.a., point 20 supra, point 22)

22      Par ailleurs, dans le cadre de son examen d’ensemble, le juge des référés dispose d’un large pouvoir d’appréciation. Il reste libre de déterminer, au regard des particularités de l’espèce, la manière dont ces différentes conditions doivent être vérifiées ainsi que l’ordre de cet examen, dès lors qu’aucune règle de droit communautaire ne lui impose un schéma d’analyse préétabli pour apprécier la nécessité de statuer provisoirement [ordonnances du président de la Cour Commission/Atlantic Container Line e.a., point 20 supra, point 23, et du 17 décembre 1998, Emesa Sugar/Commission, C‑364/98 P(R), Rec. p. I‑8815, point 44].

23      En l’espèce, il convient tout d’abord d’examiner les arguments relatifs à l’urgence et à la mise en balance des intérêts.

 Argumentation des parties

24      La requérante fait valoir que la condition d’urgence serait satisfaite. Selon elle, elle ne peut pas attendre l’issue de la procédure au principal, car, en cas d’exécution immédiate de la décision attaquée, elle subirait un préjudice grave et irréparable. En effet, la récupération immédiate de l’aide entraînerait l’insolvabilité de l’entreprise en raison de son incapacité à faire face à ses dettes ou de son surendettement, ou encore, dans l’hypothèse où la proposition de concordat devrait être rejetée pour insuffisance de masse d’actifs, la dissolution de l’entreprise. Celle-ci serait donc amenée à mettre fin à ses activités avant même que le Tribunal n’ait statué sur le litige au principal.

25      Pour justifier cette position, la requérante s’appuie sur une lettre en date du 8 août 2007 rédigée par un conseiller fiscal indépendant qui atteste que, en cas de restitution d’une somme d’un montant de 2 288 351,46 euros, augmentée des intérêts, celle-ci serait en état d’insolvabilité et sur leur bilan pour l’exercice 2006. Elle soutient, en outre, que les contrats de licence et de location conclus lors de la cession des activités de fabrication et de vente de bicyclettes (voir point 8 ci-dessus) auraient été annulés ou résiliés du fait du protocole d’accord en date du 26 avril ou du 3 mai 2007. Ses activités se limiteraient, depuis lors, à la location des biens immobiliers existants. Ceux-ci étant désormais vides, la requérante ne serait plus en mesure de réaliser un chiffre d’affaires. Dans une telle situation, eu égard, en particulier, à l’imminence de la restitution, il serait irréaliste d’envisager de contracter un emprunt. Selon la requérante, la Commission a elle-même toujours défendu, dans ses décisions en matière d’aide d’État, la thèse selon laquelle un investisseur privé n’accorderait pas de prêt à une entreprise menacée d’insolvabilité. Selon la requérante, cela s’applique à fortiori à une entreprise menacée d’insolvabilité qui ne réalise pratiquement plus de chiffres d’affaires.

26      À cet égard, la requérante souligne que, ainsi que cela est attesté par le compte de résultats, ses pertes se seraient élevées à 13 053 109,22 euros en 2005 et à 1 796 253,14 euros en 2006 ce qui aurait abouti à des pertes au bilan de 775 575,07 euros en 2005 et de 1 660 229,35 euros en 2006 ainsi qu’à un solde de trésorerie de seulement 4 059,39 euros au 31 décembre 2006. Elle renvoie à une attestation complémentaire rédigée par son conseiller fiscal, en date du 21 septembre 2007, selon laquelle les entreprises associées de l’ancien groupe Biria ne sont pas en mesure de verser une contribution financière à la requérante. Bien au contraire, celle-ci aurait dû renoncer à des créances à l’encontre de ces entreprises pour empêcher leur dépôt de bilan. En outre, ces entreprises se trouveraient désormais en liquidation. La possibilité de contracter un emprunt n’existerait pas, car ni un bailleur de fonds privé ni un institut de crédit ne seraient prêts à prendre ce risque. De plus, les activités actuelles de location seraient déficitaires, car les biens immobiliers seraient actuellement, pour la plupart, vides. S’ajouterait à cela, des frais d’assistance juridique et de conseil considérables. En conséquence, une insolvabilité de la requérante serait inévitable dans le cas où la demande de restitution deviendrait exigible.

27      Selon elle, la partie requérante n’est pas une entreprise faisant partie d’un groupe de sorte qu’il ne faut pas s’attendre à une aide de la part d’une autre entreprise, et en particulier de MB System & Co., société en liquidation qui se trouverait dans une situation financière tendue comparable à celle de la requérante. Comme la requérante, cette société n’exercerait plus d’activités dans le domaine de la fabrication et de la vente de bicyclettes et serait d’ailleurs elle-même menacée par une demande de restitution (2 070 133 euros, augmentés des intérêts).

28      La requérante reconnaît que M. Biria, l’unique actionnaire du groupe Biria, a déclaré le 7 novembre 2005 qu’il avait l’intention de liquider le groupe en deux étapes. Il n’aurait cependant pas encore définitivement décidé si l’entreprise devait ou non être liquidée. Abstraction faite de cela, l’insolvabilité entraînerait de toute manière un dommage qui ne consisterait pas seulement en un préjudice financier (dégradation des possibilités de location, l’expérience montrant qu’un administrateur judiciaire obtient des loyers inférieurs ; coûts importants de la procédure de faillite) mais qui irait bien au-delà. En effet, toute faillite entraînerait une stigmatisation de l’entreprise.

29      Concernant la mise en balance des intérêts, la requérante expose que les aides incompatibles avec le marché commun doivent certes en principe être récupérées afin de restaurer la situation antérieure. Toutefois, le cas d’espèce se caractériserait par des circonstances extraordinaires, car il ne serait plus nécessaire de rétablir la situation sur le marché des bicyclettes en ce qui concerne la requérante. En effet, maintenant que, dans le cadre d’une opération qui ne présente pas de difficultés du point de vue du droit des aides d’État, la production de bicyclettes du groupe Biria a été cédée au groupe Lone-Star (voir point 9 ci-dessus), le marché ne serait plus perturbé par une aide prétendument illégale. En effet, aucune des soi-disant aides (garanties de crédit d’exploitation) n’aurait profité aux immeubles dont la location serait le seul domaine auquel se limiteraient désormais les activités de la requérante. Même si l’on retenait une perturbation de ce marché, celle-ci ne serait pas, du fait de sa signification exclusivement locale, de nature à fausser la concurrence entre États membres. Partant, il serait tout à fait exclu que le dommage se perpétue sur le marché concerné, ou tout au moins avec une intensité tellement faible que cela serait hors de proportion au regard du préjudice subi par la requérante.

30      En ce qui concerne l’urgence, la Commission doute qu’il serait absolument impossible à la requérante de payer le montant dont la restitution est demandée sans que cela entraîne obligatoirement son insolvabilité. La Commission souligne que, d’après le bilan dressé pour l’exercice 2006, les actifs de la requérante, lesquels consistent essentiellement en des biens immobiliers, s’élèveraient à 2 547 050,28 euros et que le total de ses actifs s’élèverait à la somme de 2 975 345,08 euros. Selon elle, la requérante serait tout à fait en mesure de contracter un prêt pour financer le montant à récupérer de 2 288 351,46 euros. Selon la Commission, il serait d’ailleurs douteux que l’insolvabilité de la requérante puisse même constituer un préjudice, dès lors que, actuellement, elle ne gère que ses propres immeubles et que, en 2005 déjà, l’intention de les liquider avait été exprimée.

31      En ce qui concerne la mise en balance des intérêts, la Commission fait valoir que la récupération d’aides d’État incompatibles avec le marché commun serait la conséquence normale de l’illégalité constatée (arrêt de la Cour du 29 avril 2004, Allemagne/Commission, C‑277/00, Rec. p. I‑3925, point 74). Cela s’appliquerait même lorsque la restitution de l’aide doit être réclamée dans le cadre d’une procédure d’insolvabilité, de liquidation judiciaire ou de concordat (arrêt de la Cour du 21 mars 1990, Belgique/Commission, C‑142/87, Rec. p. I‑959, points 50 et 51). Dans le cas contraire, ce seraient précisément les entreprises les moins viables qui pourraient être maintenues en vie relativement longtemps et artificiellement, au moyen d’aides d’État. En outre, l’intérêt communautaire à la cessation, du fait du remboursement de l’aide incompatible, de la distorsion de concurrence doit presque toujours primer, à moins que des circonstances exceptionnelles n’appellent une autre issue (ordonnance du président du Tribunal du 4 avril 2002, Technische Glaswerk Ilmenau/Commission, T‑198/01 R, Rec. p. II‑2153, point 116).

32      Sur le fait que la requérante conteste la perturbation apportée au marché concerné, la Commission réplique que l’aide doit bien se trouver quelque part et qu’elle ne peut pas s’être volatilisée. Selon elle, la jurisprudence a également déjà infirmé l’argument selon lequel il y aurait lieu, lors de la mise en balance des intérêts, de prendre en compte les effets minimes d’une aide (ordonnance du président du Tribunal du 3 décembre 2002, Neue Erba Lautex/Commission, T‑181/02 R, Rec. p. II‑5081, points 114 et 115).

 Appréciation juridique

33      Le caractère urgent d’une demande en référé doit s’apprécier par rapport à la nécessité qu’il y a de statuer provisoirement afin d’éviter qu’un préjudice grave et irréparable ne soit occasionné à la partie qui sollicite la mesure provisoire (ordonnance du président de la Cour du 18 octobre 1991, Abertal e.a./Commission, C‑213/91 R, Rec. p. I‑5109, point 18 ; ordonnances du président du Tribunal du 19 décembre 2001, Government of Gibraltar/Commission, T‑195/01 R et T‑207/01 R, Rec. p. II‑3915, point 95, et Neue Erba Lautex/Commission, point 32 supra, point 82). C’est à celle-ci qu’il appartient d’apporter la preuve qu’elle ne saurait attendre l’issue de la procédure au principal, sans avoir à subir un préjudice de cette nature (ordonnance du président du Tribunal du 25 juin 2002, B/Commission, T‑34/02 R, Rec. p. II‑2803, point 85).

34      L’imminence du préjudice ne doit pas être établie avec une certitude absolue, mais il suffit que la réalisation du préjudice, en particulier lorsqu’elle dépend de plusieurs facteurs, soit prévisible avec un degré de probabilité suffisant. Toutefois, la partie qui sollicite la mesure provisoire demeure tenue de prouver les faits qui sont censés fonder la perspective d’un préjudice grave et irréparable [ordonnance du président de la Cour du 14 décembre 1999, HFB e.a./Commission, C‑335/99 P(R), Rec. p. I‑8705, point 67, et ordonnance Neue Erba Lautex/Commission, point 32 supra, point 83].

35      Un préjudice d’ordre financier ne peut, sauf circonstances exceptionnelles, être regardé comme irréparable ou même difficilement réparable, dès lors qu’il peut, en règle générale, faire l’objet d’une compensation financière ultérieure [ordonnances du président de la Cour du 11 avril 2001, Commission/Cambridge Healthcare Supplies, C‑471/00 P(R), Rec. p. I‑2865, point 113, et du président du Tribunal du 15 juin 2001, Bactria/Commission, T‑339/00 R, Rec. p. II‑1721, point 94]. Toutefois, une mesure provisoire se justifie s’il apparaît que, en l’absence de cette mesure, la requérante se trouverait dans une situation susceptible de mettre en péril son existence avant l’intervention de l’arrêt mettant fin à la procédure au principal (ordonnance Neue Erba Lautex/Commission, point 32 supra, point 84).

36      Selon la jurisprudence constante, dans le cadre de l’examen de la viabilité financière du requérant, l’appréciation de sa situation matérielle peut être effectuée en prenant notamment en considération les caractéristiques du groupe auquel il se rattache par son actionnariat (voir ordonnances du président de la Cour du 7 mars 1995, Transacciones Marítimas e.a./Commission, C‑12/95 P, Rec. p. I‑467, point 12, et du président du Tribunal du 7 décembre 2001, Lior/Commission, T‑192/01 R, Rec. p. II‑3657, point 54, et la jurisprudence citée).

37      En vertu d’une jurisprudence constante (ordonnance HFB e.a./Commission, point 34 supra, point 62 ; ordonnances du président du Tribunal Lior/Commission, point 36 supra, point 55, et du 15 janvier 2001, Le Canne/Commission, T‑241/00 R, Rec. p. II‑37, point 40), cette approche repose sur l’idée que les intérêts objectifs de l’entreprise concernée ne présentent pas un caractère autonome par rapport à ceux des personnes qui la contrôlent. Le caractère grave et irréparable du dommage allégué doit donc être apprécié également par rapport à la situation financière des personnes qui contrôlent l’entreprise. Cette coïncidence des intérêts justifie en particulier que l’intérêt de l’entreprise concernée à survivre ne soit pas apprécié indépendamment de l’intérêt que ceux qui la contrôlent portent à sa pérennité.

38      La jurisprudence précitée ne s’applique pas seulement aux personnes morales mais également aux personnes physiques qui contrôlent l’entreprise. À cet égard, le président de la Cour a souligné que, au regard de la question de la coïncidence des intérêts, le fait que la personne exerçant en tant que principal propriétaire de l’entreprise un contrôle sur celle-ci soit une personne physique qui ne constitue pas elle-même une entreprise, apparaît dénué de pertinence (ordonnance HFB e.a./Commission, point 34 supra, point 64 ; voir, également, ordonnance Le Canne/Commission, point 37 supra, point 42).

39      En l’espèce, il est établi que l’ancien « unique propriétaire » du groupe Biria, M. Mehdi Biria, est le seul actionnaire (à 100 %) de la requérante (voir le bilan du 31 décembre 2006, annexe 5 de la demande en référé). Le 7 novembre 2005, M. Biria a fait part, par écrit, de son intention de liquider en deux étapes le groupe Biria. Ce faisant, il était prévu, dans une première étape, de liquider l’ensemble des filiales et de limiter les activités de Biria AG (nouvelle) à la détention et la gestion de biens immobiliers. Il aurait été prévu, dans une seconde étape, de liquider Biria AG (nouvelle) (voir annexe 7 de la demande en référé). Dans ce contexte, la requérante a expressément déclaré dans ses observations du 21 septembre 2007 que « l’associé de la [requérante] n’a[vait] pas encore définitivement décidé si l’entreprise [devait] être liquidée ou non ».

40      Il s’ensuit que M. Biria continuait à contrôler les activités de la requérante et avait un intérêt à la continuation provisoire de l’entreprise. Il y a donc lieu de constater qu’il existe une coïncidence d’intérêts entre la requérante et M. Biria. Il convient donc, pour apprécier si, en cas d’exécution immédiate de la décision attaquée, le préjudice que subirait la requérante serait grave et irréparable, de prendre également en compte la situation financière de M. Biria.

41      Or, dans le cadre de la présente procédure, la requérante n’a fourni aucun renseignement sur la situation financière de M. Biria qui permettrait d’examiner concrètement si celui-ci – en particulier à la suite de la cession du groupe Biria – ne dispose pas, afin de préserver les intérêts de la requérante, de suffisamment de moyens susceptibles, à côté des immeubles de la requérante d’une valeur de 2 547 050,28 euros (voir bilan 2006), de servir de garanties dans le cadre d’un emprunt bancaire.

42      Quand bien même, ainsi que cela est établi par une lettre de son conseiller fiscal, elle ne serait pas elle-même en mesure de payer le montant à restituer, la requérante n’a donc pas démontré à suffisance de droit que, en l’absence de la mesure qu’elle sollicite en référé, elle subirait un préjudice grave et irréparable du fait qu’une exécution de la décision attaquée avant qu’il n’ait été statué dans l’affaire au principal aboutirait inévitablement à son insolvabilité et à sa disparition du marché.

43      Au vu de ce qui précède, il n’existe pas, en l’espèce, d’urgence.

44      Dès lors que la condition d’urgence n’est pas satisfaite, la mise en balance des intérêts nécessaire ne peut pas non plus pencher dans le sens de ceux de la requérante.

45      D’une part, il y a lieu de rappeler la jurisprudence constante en vertu de laquelle l’intérêt communautaire à ce que les États membres suppriment les aides d’État déclarées par la Commission comme incompatibles avec le marché commun afin de rétablir, par leur restitution, la situation antérieure, doit normalement, sinon presque toujours, primer l’intérêt du bénéficiaire de l’aide d’éviter l’exécution de l’obligation de la rembourser avant le prononcé de l’arrêt devant intervenir au principal (voir ordonnance Neue Erba Lautex/Commission, point 32 supra, points 112 et 113, et la jurisprudence citée).

46      D’autre part, il convient de constater que, particulièrement dans la présente affaire, l’intérêt d’éviter certaines conséquences socio-économiques négatives d’une telle exécution doit s’effacer devant l’intérêt communautaire à une restitution immédiate de l’aide. La requérante se borne essentiellement à gérer ses propres biens immobiliers vides. Ainsi que cela ressort de son bilan de 2006 (compte de résultats), ce faisant elle ne doit faire face à aucune dépense pour frais de matériel, de personnel et charges sociales et de prévoyance, pas plus qu’à des dépenses de matériel roulant, des frais de livraison de marchandises ou des frais d’entretien ou de réparation de machines. Une exécution immédiate de la décision attaquée, quand bien même elle devrait concrètement entraîner l’insolvabilité de la requérante, ne menacerait aucun emploi. Il n’y aurait pas non plus à craindre que des relations importantes avec les clients soient détériorées ou que des parts de marché soient perdues, et encore moins que la requérante soit stigmatisée.

47      Pour autant que la requérante fait valoir qu’il n’y a pas lieu de rétablir la situation sur le marché des bicyclettes par une restitution de l’aide prétendument illégale parce que ce marché ne serait plus perturbé et qu’aucune des aides n’aurait profité aux biens immobiliers loués par elle, il suffit de rappeler que, en vertu de la jurisprudence, en ce qui concerne les entreprises bénéficiaires d’aides tombées effectivement en faillite, le rétablissement de la situation antérieure et l’élimination de la distorsion de concurrence résultant des aides illégalement versées sont, en principe, accomplis par l’inscription au tableau des créances de celle relative à la restitution des aides concernées (arrêts Allemagne/Commission, point 31 supra, point 85, et Belgique/Commission, point 31 supra, point 62).

48      La requérante, en tant que venant aux droits de l’entreprise bénéficiaire d’aides, ne s’est pas déclarée en faillite. Comme elle le craint, une telle faillite ne fait pour le moment que la menacer. D’après la logique de cette jurisprudence, par rapport à une entreprise en faillite, elle est a fortiori tenue de rétablir la situation antérieure et d’éliminer la distorsion de concurrence résultant des aides illégalement versées. En tout état de cause, elle ne peut se soustraire à son obligation de restitution en se prévalant de ce que, sur le marché qu’elle a quitté, et dans le cadre de son entreprise dont elle a réduit drastiquement les activités, les aides n’ont plus d’effets perturbateurs.

49      Dès lors que la condition d’urgence n’est pas satisfaite et que la mise en balance des intérêts penche à l’encontre d’un sursis à l’exécution de la décision attaquée, la présente demande en référé doit être rejetée sans qu’il y ait lieu d’examiner les arguments tirés du fumus boni juris invoqués par la requérante. Il n’est en particulier pas nécessaire d’examiner la recevabilité de ces arguments, contestée par la Commission.

Par ces motifs,

LE PRÉSIDENT DU TRIBUNAL

ordonne :

1)      La demande en référé est rejetée.

2)      Les dépens sont réservés.

Fait à Luxembourg, le 11 octobre 2007.

Le greffier

 

      Le président

E. Coulon

 

      M. Jaeger


* Langue de procédure : l’allemand.