Language of document : ECLI:EU:T:2021:548

DOCUMENT DE TRAVAIL

ARRÊT DU TRIBUNAL (septième chambre)

8 septembre 2021 (*)

« Aides d’État – Mesure d’incitation environnementale adoptée par l’Espagne en faveur des centrales au charbon – Décision d’ouvrir la procédure prévue à l’article 108, paragraphe 2, TFUE – Obligation de motivation – Erreur manifeste d’appréciation – Caractère sélectif »

Dans l’affaire T‑328/18,

Naturgy Energy Group, SA, anciennement Gas Natural SDG, SA, établie à Madrid (Espagne), représentée par Mes F. González Díaz et J. Blanco Carol, avocats,

partie requérante,

soutenue par

EDP España, SA, établie à Oviedo (Espagne), représentée par Mes J. Buendía Sierra et A. Lamadrid de Pablo, avocats,

et par

Viesgo Producción, SL, venant aux droits de Viesgo Generación, SL, établie à Santander (Espagne), représentée par Mes F. Plasencia Sánchez, L. Ques Mena et L. de Pedro Martín, avocats,

parties intervenantes,

contre

Commission européenne, représentée par Mmes P. Němečková et D. Recchia, en qualité d’agents,

partie défenderesse,

ayant pour objet une demande fondée sur l’article 263 TFUE et tendant à l’annulation de la décision C(2017) 7733 final de la Commission, du 27 novembre 2017, concernant l’aide d’État SA.47912 (2017/NN) – Mesure d’incitation environnementale adoptée par l’Espagne en faveur des centrales au charbon, ouvrant la procédure formelle d’examen prévue à l’article 108, paragraphe 2, TFUE,

LE TRIBUNAL (septième chambre),

composé de MM. R. da Silva Passos, président, V. Valančius et Mme I. Reine (rapporteure), juges,

greffier : M. J. Palacio González, administrateur principal,

vu la phase écrite de la procédure et à la suite de l’audience du 20 janvier 2021,

rend le présent

Arrêt

 Antécédents du litige

1        La requérante, Naturgy Energy Group, SA, anciennement Gas Natural SDG, SA, est une société espagnole active dans le secteur de l’énergie qui exerce notamment des activités de production d’électricité au moyen de centrales utilisant le charbon comme combustible.

 Cadre juridique national

2        En 1997, les autorités espagnoles ont adopté la Ley 54/1997 del Sector Eléctrico (loi 54/1997 relative au secteur de l’électricité), du 27 novembre 1997 (BOE no 285, du 28 novembre 1997, p. 35097), complétée par le Real Decreto 2019/1997 por el que se organiza y regula el mercado de producción de energía eléctrica (décret royal 2019/1997 portant organisation et réglementation du marché de la production d’énergie électrique), du 26 décembre 1997 (BOE no 310, du 27 décembre 1997, p. 38047), lui-même complété par l’Orden por la que se desarrollan algunos aspectos del Real Decreto 2019/1997, de 26 de diciembre, por el que se organiza y regula el mercado de producción de energía eléctrica (arrêté précisant certains aspects du décret royal 2019/1997, du 26 décembre 1997, portant organisation et réglementation du marché de production de l’énergie électrique), du 29 décembre 1997 (BOE no 313, du 31 décembre 1997, p. 38621).

3        En application de ces textes, toutes les centrales espagnoles de production d’énergie électrique, quelle que soit la technologique utilisée, étaient en droit de percevoir une rémunération au titre de la garantie de puissance fournie au système. L’objectif de cette rémunération était d’assurer la permanence et l’installation de capacités de production du système électrique, en vue de parvenir à un niveau de garantie d’approvisionnement adéquat.

4        Toutefois, la mesure visée au point 3 ci-dessus ne concernait pas les centrales de production d’électricité à partir de sources d’énergie renouvelable, celles-ci faisant l’objet d’une mesure d’incitation spécifique en vertu d’une réglementation sectorielle.

5        Par ailleurs, aucune centrale au charbon n’a été créée en Espagne après le 1er janvier 1998.

6        En 2007, la Ley 17/2007 por la que se modifica la Ley 54/1997, de 27 de noviembre, del Sector Eléctrico, para adaptarla a lo dispuesto en la Directiva 2003/54/CE, del Parlamento Europeo y del Consejo, de 26 de junio de 2003, sobre normas comunes para el mercado interior de la electricidad (loi 17/2007 portant modification de la loi 54/1997 du 27 novembre 1997, relative au secteur électrique, afin de l’adapter aux dispositions de la directive 2003/54/CE du Parlement européen et du Conseil, du 26 juin 2003, concernant des règles communes pour le marché intérieur de l’électricité), du 4 juillet 2007 (BOE no 160, du 5 juillet 2007, p. 29047), a habilité le ministère espagnol de l’Industrie, du Tourisme et du Commerce espagnol à remplacer le mécanisme de garantie de puissance par un nouveau mécanisme de rémunération pour capacité.

7        Par le Real Decreto 871/2007 por el que se ajustan las tarifas eléctricas a partir del 1 de julio de 2007 (décret royal 871/2007 portant ajustement des tarifs de l’électricité à compter du 1er juillet 2007), du 29 juin 2007 (BOE no 156, du 30 juin 2007, p. 28324), il a été décidé que le mécanisme de rémunération pour capacité entrerait en vigueur à partir du 1er octobre 2007. En outre, cette rémunération prendrait la forme de deux types d’incitations, à savoir, d’une part, une incitation à la disponibilité, destinée à promouvoir la disponibilité des installations pour le système électrique, et, d’autre part, une incitation à l’investissement, destinée à encourager les investissements dans la production.

8        Ce mécanisme a été précisé par l’Orden ITC/2794/2007, por la que se revisan las tarifas eléctricas a partir del 1 de octubre de 2007 (arrêté ITC/2794/2007 portant révision des tarifs d’électricité à compter du 1er octobre 2007), du 27 septembre 2007 (BOE no 234, du 29 septembre 2007, p. 39690, ci-après l’« arrêté ITC/2794/2007 »).

9        L’arrêté ITC/2794/2007 a transformé le paiement au titre de la garantie de puissance en un mécanisme de rémunération pour capacité à deux branches, à savoir, d’une part, un paiement au titre de la disponibilité et, d’autre part, un paiement au titre de l’investissement.

10      La première branche, à savoir celle du paiement au titre de l’incitation à la disponibilité, avait pour objet d’encourager la capacité à moyen terme des installations de production dont la disponibilité était nécessaire dans les moments critiques du système. La seconde, à savoir celle du paiement au titre de l’incitation à l’investissement, visait à encourager l’investissement en capacité à long terme afin d’assurer une capacité suffisante permettant de satisfaire les nécessités du système.

11      La seconde branche, visant l’incitation à l’investissement, était elle-même scindée en deux sous-mesures.

12      La première de ces sous-mesures visait les installations de production soumises au régime ordinaire du système péninsulaire d’une puissance installée supérieure ou égale à 50 mégawatts (MW), dont l’acte de mise en service était postérieur au 1er janvier 1998, sous réserve que dix années ne se soient pas écoulées depuis celui-ci (ci-après la « première sous-mesure »). Son objectif était, conformément aux considérants de l’arrêté ITC/2794/2007, de promouvoir la construction et la mise en service effective de nouvelles installations au moyen de paiements qui faciliteraient le recouvrement des coûts des investissements.

13      Conformément au point 16 de l’annexe III de l’arrêté ITC/2794/2007, la rémunération prévue dans le cadre de la première sous-mesure s’élevait à 20 000 euros par mégawatt par an.

14      En ce qui concerne la seconde de ces sous-mesures, conformément au point 10 de l’annexe III de l’arrêté ITC/2794/2007, le ministre de l’Industrie, du Tourisme et du Commerce était habilité à octroyer le droit de percevoir une incitation à l’investissement des installations de production soumises au régime ordinaire du système péninsulaire d’une puissance installée supérieure ou égale à 50 MW dans lesquelles seraient effectués des agrandissements ou d’autres modifications substantielles exigeant un investissement important ou à l’investissement dans de nouvelles installations dans des technologies prioritaires pour répondre aux objectifs de politique énergétique et de sécurité d’approvisionnement (ci-après la « seconde sous-mesure »). Le ministre de l’Industrie, du Tourisme et du Commerce devait déterminer, le cas échéant, le montant, la période de perception et la date à partir de laquelle le droit de perception des paiements commencerait à courir.

15      En application de l’arrêté ITC/2794/2007, le régime concret de cette seconde sous-mesure a été établi par l’Orden ITC/3860/2007, por la que se revisan las tarifas eléctricas a partir del 1 de enero de 2008 (arrêté ITC/3860/2007 portant révision des tarifs d’électricité à compter du 1er janvier 2008), du 28 décembre 2007 (BOE no 312, du 29 décembre 2007, p. 53781, ci-après l’« arrêté ITC/3860/2007 »).

16      Dans les considérants de l’arrêté ITC/3860/2007, il était fait référence à la seconde sous-mesure visée par l’arrêté ITC/2794/2007 ayant pour objet de couvrir des investissements significatifs, des agrandissements ou d’autres modifications substantielles. Ainsi, dans l’arrêté ITC/3860/2007, étaient considérés comme tels les investissements environnementaux dans des usines de désulfuration réalisés avant l’entrée en vigueur de l’arrêté ITC/2794/2007 par des installations de production d’électricité utilisant du charbon comme combustible principal (ci-après la « mesure litigieuse » ou la « mesure »).

17      Conformément à la deuxième disposition additionnelle de l’arrêté ITC/3860/2007, le bénéfice de la mesure litigieuse était néanmoins soumis au respect de trois conditions cumulatives.

18      Premièrement, les centrales électriques qui utilisaient du charbon comme combustible principal devaient être incluses dans le plan national de réduction des émissions des grandes installations de combustion existantes (ci-après le « PNRE-GIC »), approuvé par acte du Consejo de Ministros (Conseil des ministres, Espagne) du 7 décembre 2007.

19      Deuxièmement, ces centrales devaient être incluses dans la dénommée « bulle » d’émission établie par le PNRE-GIC, prescrivant les quantités autorisées d’émissions par entreprise, pour l’une des causes énumérées par celui-ci.

20      Troisièmement, des investissements environnementaux dans des usines de désulfuration devaient être réalisés, étant entendu que la décision de l’organe compétent approuvant le projet d’exécution de l’investissement devait avoir été adoptée avant l’entrée en vigueur de l’arrêté ITC/2794/2007, soit le 1er octobre 2007, ou que la demande d’approbation du projet d’exécution devait avoir été présentée au moins trois mois avant l’entrée en vigueur dudit arrêté.

21      Lorsque les trois conditions, mentionnées aux points 18 à 20 ci-dessus, étaient remplies, les bénéficiaires avaient automatiquement droit à une aide financière s’élevant à 8 750 euros par mégawatt par an, pendant dix ans à partir de la date de la décision approuvant l’acte de mise en service des usines de désulfuration subventionnées.

22      Par l’Orden ITC/3127/2011 por la que se regula el servicio de disponibilidad de potencia de los pagos por capacidad y se modifica el incentivo a la inversión a que hace referencia el anexo III de la Orden ITC/2794/2007, de 27 de septiembre, por la que se revisan las tarifas eléctricas a partir del 1 de octubre de 2007 (arrêté ITC/3127/2011 régissant le service de disponibilité de puissance des paiements à titre de capacité et modifiant la mesure d’incitation à l’investissement à laquelle fait référence l’annexe III de l’arrêté ITC/2794/2007, du 27 septembre 2007, portant révision des tarifs de l’électricité à compter du 1er octobre 2007), du 17 novembre 2011 (BOE no 278, du 18 novembre 2011, p. 119533), le bénéfice de la mesure litigieuse a été élargi aux centrales au charbon ayant réalisé non seulement des investissements destinés aux installations de désulfuration, mais également des investissements environnementaux destinés à réduire les émissions d’oxydes de soufre. Le régime en cause était réservé aux seules installations qui avaient déjà réalisé des investissements à la date d’entrée en vigueur de l’arrêté ITC/3860/2007.

 Procédure administrative devant la Commission

23      Le 29 avril 2015, la Commission européenne a lancé une enquête sectorielle en matière d’aides d’État afin de comprendre la nécessité, la conception et l’incidence sur le marché des mécanismes de capacité dans onze États membres, dont le Royaume d’Espagne. À l’issue de l’enquête, la Commission a notifié aux autorités espagnoles, par lettre du 4 avril 2017, l’ouverture, de sa propre initiative, d’une enquête sur la mesure d’« incitation à l’investissement environnemental » accordée aux centrales au charbon qui opéraient dans le système électrique espagnol.

24      Après une série de réunions qui ont eu lieu entre les autorités nationales et les services de la Commission, celle-ci, par la décision C(2017) 7733 final, du 27 novembre 2017, concernant l’aide d’État SA.47912 (2017/NN) – Mesure d’incitation environnementale adoptée par l’Espagne en faveur des centrales au charbon, a ouvert la procédure formelle d’examen prévue à l’article 108, paragraphe 2, TFUE (ci-après la « décision attaquée »).

25      Dans la décision attaquée, la Commission est parvenue à la conclusion préliminaire que la mesure litigieuse constituait une aide d’État.

26      En particulier, la Commission a estimé que la mesure litigieuse était financée au moyen de ressources étatiques et était imputable à l’État, qu’elle apparaissait accorder un avantage sélectif au profit des bénéficiaires et qu’elle était susceptible de fausser la concurrence sur le marché de l’électricité et d’affecter les échanges entre les États membres.

27      La Commission a également émis des doutes quant à la compatibilité de cette mesure avec le marché intérieur.

28      La Commission a invité les parties intéressées à présenter leurs observations dans un délai d’un mois à compter du 2 mars 2018, date de la publication de la décision attaquée au Journal officiel de l’Union européenne.

29      Il ressort du dossier que, le 16 avril 2018, la requérante ainsi qu’EDP España ont présenté leurs observations sur la décision attaquée aux services de la Commission.

 Procédure et conclusions des parties

30      Par requête déposée au greffe du Tribunal le 28 mai 2018, la requérante a introduit le présent recours.

31      La Commission a déposé le mémoire en défense le 13 août 2018.

32      Par acte déposé le 7 septembre 2018, le Royaume d’Espagne a demandé à intervenir au soutien des conclusions de la Commission.

33      Par actes déposés, respectivement, le 12 et le 19 septembre 2018, Viesgo Generación, SL et EDP España ont demandé à intervenir au soutien des conclusions de la requérante.

34      Par acte déposé le 28 septembre 2018, le Royaume d’Espagne a retiré sa demande en intervention.

35      La requérante a déposé la réplique le 15 octobre 2018.

36      Par ordonnance du président de la quatrième chambre (ancienne formation) du Tribunal du 14 novembre 2018, le Royaume d’Espagne a été rayé de la présente affaire en tant que demandeur en intervention.

37      La Commission a déposé la duplique le 26 novembre 2018.

38      Par ordonnance du 13 juin 2019, Naturgy Energy Group/Commission (T‑328/18, non publiée, EU:T:2019:441), Viesgo Producción, SL, venant aux droits de Viesgo Generación, a été admise à intervenir au soutien des conclusions de la requérante.

39      Par ordonnance du 13 juin 2019, Naturgy Energy Group/Commission (T‑328/18, non publiée, EU:T:2019:440), la demande en intervention d’EDP España a été rejetée.

40      Viesgo Producción a déposé son mémoire en intervention le 26 juillet 2019.

41      La requérante et la Commission ont déposé leurs observations sur le mémoire en intervention de Viesgo Producción, respectivement, le 30 août et le 2 septembre 2019.

42      Par ordonnance du 13 novembre 2019, EDP España/Commission [C‑536/19 P(I), non publiée, EU:C:2019:965], l’ordonnance du 13 juin 2019, Naturgy Energy Group/Commission (T‑328/18, non publiée, EU:T:2019:440), rejetant la demande en intervention d’EDP España, a été annulée et celle-ci a été admise à intervenir dans la présente affaire au soutien des conclusions de la requérante.

43      EDP España a déposé son mémoire en intervention le 27 janvier 2020.

44      La requérante et la Commission ont déposé leurs observations sur le mémoire en intervention d’EDP España le 26 février 2020.

45      Sur proposition de la juge rapporteure, le Tribunal a décidé d’ouvrir la phase orale de la procédure.

46      Le 28 octobre 2020, le Tribunal a, dans le cadre de mesures d’organisation de la procédure, posé des questions aux parties pour réponse écrite avant l’audience et pour réponse orale lors de l’audience. Les parties ont répondu aux questions pour réponse écrite dans le délai imparti.

47      Les parties ont été entendues en leurs plaidoiries et en leurs réponses aux questions posées par le Tribunal lors de l’audience du 20 janvier 2021.

48      La requérante conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        annuler la décision attaquée ;

–        condamner la Commission aux dépens.

49      La Commission conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        rejeter le recours comme irrecevable et, en tout état de cause, comme non fondé ;

–        condamner la requérante aux dépens.

50      Les intervenantes, Viesgo Producción et EDP España, concluent à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        annuler la décision attaquée ;

–        condamner la Commission aux dépens.

51      Lors de l’audience, la Commission a, en réponse à une question du Tribunal, renoncé à son premier chef de conclusions en ce qu’il tendait au rejet du recours comme irrecevable, ce dont il a été pris acte au procès-verbal d’audience.

 En droit

52      À l’appui de son recours, la requérante invoque deux moyens, tirés, le premier, de la violation de l’obligation de motivation quant au caractère sélectif de la mesure litigieuse et, le second, invoqué à titre subsidiaire, de la violation de l’article 107, paragraphe 1, TFUE concernant le caractère sélectif de cette mesure.

 Sur le premier moyen, tiré de la violation de l’obligation de motivation quant au caractère sélectif de la mesure litigieuse

53      La requérante rappelle que, conformément à l’article 296 TFUE, les actes juridiques des institutions de l’Union européenne doivent être motivés. En effet, selon la requérante, soutenue par les intervenantes, les parties intéressées devaient être en mesure de connaître le raisonnement et les justifications de la Commission à l’égard de la mesure et être à même de participer de manière efficace à la procédure formelle d’examen, ce qui n’est pas le cas en l’espèce. Dans la décision attaquée, la Commission aurait omis de motiver sa conclusion selon laquelle la mesure litigieuse revêtait un caractère sélectif, en se limitant à indiquer que le régime était exclusivement ouvert aux centrales électriques qui utilisaient le charbon comme combustible principal et étaient incluses dans le PNRE-GIC. À cet égard, la requérante et les intervenantes rappellent la jurisprudence selon laquelle une mesure dont ne bénéficie qu’un secteur d’activité ou une partie des entreprises de ce secteur n’est pas nécessairement sélective.

54      Selon la requérante, soutenue par les intervenantes, la Commission était tenue, conformément à la jurisprudence, d’expliquer si la mesure litigieuse favorisait certaines entreprises ou productions par rapport à d’autres entreprises se trouvant dans une situation factuelle et juridique comparable au regard de l’objectif poursuivi par ladite mesure et, en particulier, si les centrales au charbon se trouvaient dans une situation factuelle et juridique comparable par rapport aux autres centrales électriques. Il s’agirait d’une analyse coïncidant avec celle de savoir si la mesure s’applique de manière discriminatoire.

55      La requérante souligne que la Commission ne saurait prétendre qu’il serait remédié à ce défaut de motivation au paragraphe 30 de la décision attaquée étant donné que ce paragraphe porte sur l’examen des distorsions de la concurrence et des effets sur les échanges entre les États membres. En tout état de cause, même à supposer que ledit paragraphe de la décision attaquée soit pertinent pour l’analyse du caractère sélectif de la mesure, la Commission n’y aurait pas procédé à une comparaison de la situation de fait et de droit des centrales bénéficiaires de la mesure et des centrales qui en étaient exclues.

56      La requérante, soutenue par les intervenantes, ajoute que la Commission ne saurait prétendre qu’elle ne pouvait pas donner une motivation plus détaillée dans le cadre de son examen du caractère sélectif de la mesure litigieuse au motif que le Royaume d’Espagne ne l’avait pas notifiée. En effet, cela n’exonérerait pas la Commission de son obligation de motivation. Il en irait d’autant plus ainsi qu’elle aurait disposé des éléments suffisants pour assurer le respect de son obligation de motivation. En effet, préalablement à l’adoption de la décision attaquée, elle aurait effectué une enquête sectorielle, elle aurait discuté avec les autorités espagnoles et elle aurait déjà fait référence à la mesure litigieuse dans sa décision C(2010) 4499, du 29 septembre 2010, relative à l’aide d’État N 178/2010 notifiée par le Royaume d’Espagne sous forme d’une compensation de service public associée à un mécanisme d’appel prioritaire en faveur des centrales de production d’énergie électrique qui utilisent du charbon indigène (ci-après la « décision du 29 septembre 2010 »). En tout état de cause, la Commission aurait pu faire usage de ses pouvoirs d’enquête afin de recueillir les informations nécessaires.

57      La requérante conclut que la Commission a violé son obligation de motivation en ce que, dans la décision attaquée, elle n’a fourni aucune indication permettant de comprendre de manière claire et non équivoque les raisons pour lesquelles la mesure posséderait un caractère sélectif.

58      La Commission conteste cette argumentation.

59      Selon une jurisprudence constante, la motivation exigée à l’article 296 TFUE doit être adaptée à la nature de l’acte en cause et doit faire apparaître de façon claire et non équivoque le raisonnement de l’institution, auteur de l’acte incriminé, de manière à permettre aux intéressés de connaître les justifications de la mesure prise et au juge de l’Union d’exercer son contrôle. L’exigence de motivation doit être appréciée en fonction de toutes les circonstances de l’espèce, notamment du contenu de l’acte, de la nature des motifs invoqués et de l’intérêt que les destinataires de l’acte ou d’autres personnes concernées directement et individuellement par celui-ci peuvent avoir à recevoir des explications. Il n’est pas exigé que la motivation spécifie tous les éléments de fait et de droit pertinents dans la mesure où la question de savoir si la motivation d’un acte satisfait aux exigences de l’article 296 TFUE doit être appréciée non seulement au regard de son libellé, mais aussi de son contexte ainsi que de l’ensemble des règles juridiques régissant la matière concernée (arrêt du 10 mars 2016, HeidelbergCement/Commission, C‑247/14 P, EU:C:2016:149, point 16 ; voir également, en ce sens, arrêt du 25 mars 2009, Alcoa Trasformazioni/Commission, T‑332/06, non publié, EU:T:2009:79, point 78).

60      Afin d’apprécier l’étendue de l’obligation de motiver une décision dans le contexte de l’ouverture d’une procédure formelle d’examen, telle que la décision attaquée, il convient de rappeler que, conformément au règlement (UE) 2015/1589 du Conseil, du 13 juillet 2015, portant modalités d’application de l’article 108 TFUE (JO 2015, L 248, p. 9), lorsque la Commission décide d’ouvrir la procédure formelle d’examen, la décision d’ouverture peut se limiter à récapituler les éléments pertinents de fait et de droit, à inclure une « évaluation préliminaire » de la mesure étatique en cause visant à déterminer si elle présente le caractère d’une aide et à exposer les raisons qui incitent à douter de sa compatibilité avec le marché intérieur (voir, par analogie, arrêts du 30 avril 2002, Government of Gibraltar/Commission, T‑195/01 et T‑207/01, EU:T:2002:111, point 137 ; du 23 octobre 2002, Diputación Foral de Álava e.a./Commission, T‑346/99 à T‑348/99, EU:T:2002:259, point 99, et du 25 mars 2009, Alcoa Trasformazioni/Commission, T‑332/06, non publié, EU:T:2009:79, point 79).

61      En effet, la Commission est tenue d’ouvrir la procédure formelle d’examen si un premier examen ne lui permet pas de surmonter toutes les difficultés soulevées par la question de savoir si la mesure examinée constitue une aide au sens de l’article 107, paragraphe 1, TFUE, à tout le moins lorsque, lors de ce premier examen, elle n’a pas été en mesure d’acquérir la conviction que la mesure concernée, à supposer qu’elle constitue une aide, est en tout état de cause compatible avec le marché intérieur (voir arrêt du 25 mars 2009, Alcoa Trasformazioni/Commission, T‑332/06, non publié, EU:T:2009:79, point 58 et jurisprudence citée).

62      La décision d’ouverture doit mettre les parties intéressées en mesure de participer de manière efficace à la procédure formelle d’examen lors de laquelle elles auront la possibilité de faire valoir leurs arguments. À cette fin, il suffit que les parties intéressées connaissent le raisonnement qui a amené la Commission à considérer provisoirement que la mesure en cause pouvait constituer une aide nouvelle incompatible avec le marché intérieur (voir, en ce sens, arrêts du 30 avril 2002, Government of Gibraltar/Commission, T‑195/01 et T‑207/01, EU:T:2002:111, point 138 ; du 23 octobre 2002, Diputación Foral de Guipúzcoa e.a./Commission, T‑269/99, T‑271/99 et T‑272/99, EU:T:2002:258, point 105, et du 25 mars 2009, Alcoa Trasformazioni/Commission, T‑332/06, non publié, EU:T:2009:79, point 80 et jurisprudence citée). L’ouverture de la procédure formelle d’examen vise exclusivement à obtenir, de la part des intéressés, toutes les informations destinées à éclairer la Commission dans son action future (arrêts du 12 juillet 1973, Commission/Allemagne, 70/72, EU:C:1973:87, point 19 ; du 22 octobre 1996, Skibsværftsforeningen e.a./Commission, T‑266/94, EU:T:1996:153, point 256, et du 20 septembre 2011, Regione autonoma della Sardegna e.a./Commission, T‑394/08, T‑408/08, T‑453/08 et T‑454/08, EU:T:2011:493, point 73). Ainsi, une décision d’ouvrir la procédure formelle d’examen contient des appréciations provisoires et la Commission n’est pas tenue de clarifier toutes les questions éventuelles en suspens avant d’ouvrir ladite procédure. Au contraire, cette procédure vise à fournir des informations pertinentes à la Commission.

63      Le caractère nécessairement provisoire de la qualification d’une mesure étatique d’aide d’État dans une décision d’ouverture de la procédure formelle d’examen est encore confirmé par l’article 9, paragraphe 2, du règlement 2015/1589, qui prévoit que, à l’issue de la procédure formelle d’examen, la Commission peut constater que la mesure ne constitue pas une aide (voir, par analogie, arrêt du 23 octobre 2002, Diputación Foral de Álava e.a./Commission, T‑346/99 à T‑348/99, EU:T:2002:259, point 78).

64      Dans ce contexte et compte tenu de la nature de la décision attaquée, il y a lieu de rejeter d’emblée comme inopérants les arguments de la requérante et des intervenantes, tirés de l’affaire ayant donné lieu à l’arrêt du 20 décembre 2017, Comunidad Autónoma de Galicia et Retegal/Commission (C‑70/16 P, EU:C:2017:1002). En effet, cette affaire se rapporte à une décision de clôture de la procédure formelle d’examen qui, à la différence de la décision attaquée, n’avait pas une nature provisoire et devait donc fournir une motivation et une conclusion définitive sur la mesure analysée. De plus, la décision de clôture de la procédure formelle d’examen avait été adoptée à la lumière des observations fournies par les parties intéressées dans le cadre de ladite procédure. Par conséquent, cette jurisprudence, à l’instar des autres références jurisprudentielles, avancées par la requérante, relatives à des décisions de clôture d’une procédure formelle d’examen, n’est pas pertinente en l’espèce.

65      S’agissant des références de la requérante à l’arrêt du 21 décembre 2016, Commission/Hansestadt Lübeck (C‑524/14 P, EU:C:2016:971), il y a lieu d’observer que, indépendamment du fait que cette affaire portait sur une décision d’ouverture de la procédure formelle d’examen, la Cour n’a pas examiné la motivation figurant dans la décision qui lui avait été soumise.

66      Cela étant précisé, à la lumière de la jurisprudence citée au point 59 ci-dessus, il convient de relever que la mesure litigieuse, examinée dans la décision attaquée, a été adoptée dans un contexte bien connu de la requérante compte tenu de la nature de ses activités (voir point 1 ci-dessus). De plus, ainsi que cela ressort de la requête, elle connaissait l’ensemble des règles applicables aux centrales de production d’électricité et, en particulier, le mécanisme de paiement de capacité ainsi que les règles nationales afférentes à la protection de l’environnement.

67      Il convient également de rappeler que le caractère sélectif d’une mesure étatique constitue l’une des caractéristiques de la notion d’aide d’État au sens de l’article 107, paragraphe 1, TFUE. En effet, cette disposition interdit les aides « favorisant certaines entreprises ou certaines productions », c’est-à-dire les aides sélectives. C’est ainsi que des avantages résultant d’une mesure générale applicable sans distinction à tous les opérateurs économiques ne constituent pas des aides d’État au sens de cet article (voir arrêt du 9 septembre 2014, Hansestadt Lübeck/Commission, T‑461/12, EU:T:2014:758, point 44 et jurisprudence citée).

68      En ce qui concerne l’analyse du caractère sélectif de la mesure litigieuse dans la décision attaquée, au paragraphe 27 de la décision attaquée, la Commission a rappelé que, au sens de l’article 107, paragraphe 1, TFUE, un avantage comprenait des bénéfices économiques qu’une entreprise n’aurait pas reçus dans des conditions normales de marché. Dans ce contexte, l’avantage serait sélectif s’il n’était accordé qu’à certaines entreprises ou à certains secteurs économiques.

69      Au paragraphe 28 de la décision attaquée, la Commission a conclu, à titre provisoire, que la mesure litigieuse consistait en un régime d’aides qui s’adressait exclusivement aux centrales au charbon figurant dans le PNRE-GIC et que, par conséquent, elle apparaissait sélective.

70      Au paragraphe 29 de la décision attaquée, la Commission a estimé, à titre préliminaire, que, compte tenu du fait que ces centrales recevaient une compensation pour des coûts d’investissements spécifiques, la mesure conférait un avantage à ses bénéficiaires.

71      Par ailleurs, il ressort d’une lecture conjointe du paragraphe 3 de la décision attaquée, relatif à la description de la mesure litigieuse, et de son paragraphe 34 que cette mesure vise, selon les autorités espagnoles, à assurer, à tout moment, un approvisionnement suffisant en électricité à l’égard de la demande. Pour sa part, la Commission a également mentionné, au paragraphe 36 de cette décision, l’objectif environnemental qui pourrait être poursuivi par ladite mesure.

72      Force est de constater qu’il ressort du contenu de la décision attaquée, exposé aux points 68 à 71 ci-dessus, que la Commission a considéré que les centrales au charbon figurant dans le PNRE-GIC bénéficiaient de la mesure litigieuse de manière exclusive. Il découle clairement du contexte dans lequel s’inscrit cette mesure, tel qu’exposé dans la décision attaquée, que le mot « exclusivement », figurant au paragraphe 28 de la décision attaquée, vise à distinguer les centrales au charbon inscrites dans le PNRE-GIC des centrales utilisant une autre technologie ou de toute centrale qui n’était pas incluse dans ledit plan. Ainsi, il en ressort que seules les centrales visées par ladite mesure bénéficiaient d’une compensation des coûts qu’elles auraient pu engager au titre des investissements couverts par la mesure.

73      À la lumière de la jurisprudence citée aux points 59 à 63 ci-dessus, et compte tenu de la nature de la décision attaquée, de son libellé, de son contenu, du contexte de son adoption et de l’ensemble des règles juridiques pertinentes, il y a lieu de considérer que la requérante a été en mesure, malgré le caractère sommaire de la motivation relative au caractère sélectif de la mesure litigieuse dans cette décision, de comprendre les raisons pour lesquelles la Commission a considéré, à titre préliminaire, que la mesure litigieuse apparaissait sélective. En particulier, la requérante a pu comprendre que, quel que soit le régime juridique pertinent et les objectifs poursuivis par celui-ci, la Commission estimait que ladite mesure favorisait les centrales au charbon, qui respectaient les conditions énoncées dans cette mesure, par rapport aux centrales au charbon qui ne respectaient pas lesdites conditions ou par rapport aux centrales produisant de l’électricité à partir d’autres technologies. Ce constat ressort également du paragraphe 30 de la décision attaquée qui, même s’il ne fait pas partie de la motivation du caractère sélectif de la mesure litigieuse, indique que les bénéficiaires de la mesure étaient en concurrence avec d’autres producteurs d’électricité, tels que les centrales d’énergie renouvelable, les centrales nucléaires ou les centrales à gaz, qui ne bénéficient pas de ladite mesure. Par ailleurs, ce paragraphe se limite à mentionner des exemples concrets de centrales ne bénéficiant pas de la mesure litigieuse sans s’écarter du constat fait au paragraphe 28 de ladite décision selon lequel les centrales au charbon inscrites dans le PNRE-GIC bénéficiaient de la mesure litigieuse de manière exclusive.

74      S’agissant de l’argument de la requérante, soutenue par les intervenantes, selon lequel, en violation de son obligation de motivation, la Commission n’a pas expliqué si la mesure litigieuse favorisait certaines entreprises ou productions par rapport à d’autres entreprises se trouvant dans une situation factuelle et juridique comparable au regard de l’objectif poursuivi par ladite mesure, il convient de le rejeter pour les motifs énoncés aux points 72 et 73 ci-dessus. Par ailleurs, à la lumière de la jurisprudence citée aux points 62 et 63 ci-dessus, il y a lieu de souligner que, imposer, en toute circonstance, au stade de l’analyse préliminaire, figurant dans une décision d’ouverture de la procédure formelle d’examen, une motivation relative à la comparabilité des situations pourrait se révéler prématuré et anticiperait les conclusions à tirer à l’issue de cette procédure. Ainsi, si les arguments de la requérante et des intervenantes devaient être admis, en l’espèce, cela aboutirait à l’effacement de la frontière entre la décision ouvrant la procédure formelle d’examen et la décision visant à clore cette procédure.

75      En tout état de cause, force est de constater que la motivation afférente au caractère sélectif de la mesure litigieuse dans la décision attaquée n’a pas empêché la requérante, dans le cadre du second moyen du présent recours, de fournir des arguments détaillés au sujet de la comparabilité des situations en cause. En effet, dans le cadre dudit moyen, la requérante a été en mesure de faire valoir que la mesure litigieuse s’inscrivait dans un régime juridique et poursuivait un objectif qui ne permettait pas de conclure à son caractère sélectif et que, par conséquent, la Commission avait commis une erreur manifeste d’appréciation à cet égard. En particulier, il ressort de la requête que la requérante a compris que, dans la décision attaquée, la Commission a considéré que ladite mesure était octroyée de manière exclusive aux centrales au charbon en excluant les centrales utilisant d’autres technologies. En outre, la requérante a soutenu que ces différents types de centrales ne se trouvaient pas dans une situation factuelle et juridique comparable.

76      Enfin, il y a lieu de constater que, en l’espèce, le Tribunal n’est pas empêché d’exercer son contrôle de la légalité de la décision attaquée.

77      À la lumière de tout ce qui précède, il y a lieu de conclure que la Commission n’a pas violé son obligation de motivation en vertu de l’article 296 TFUE.

78      Les autres arguments invoqués par la requérante ne sauraient remettre en cause cette conclusion.

79      La requérante fait valoir que, préalablement à l’adoption de la décision attaquée, la Commission avait effectué une enquête sectorielle, avait discuté avec les autorités espagnoles et avait déjà fait référence à la mesure litigieuse dans sa décision du 29 septembre 2010. Dès lors, la Commission était en mesure de satisfaire à son obligation de motivation.

80      Toutefois, dès lors que, au point 77 ci-dessus, il a été conclu que la Commission n’avait pas violé son obligation de motivation quant au caractère sélectif de la mesure litigieuse, cet argument doit être écarté.

81      Le premier moyen doit donc être rejeté.

 Sur le second moyen, tiré de la violation de l’article 107, paragraphe 1, TFUE en ce qui concerne le caractère sélectif de la mesure litigieuse

82      La requérante soutient que la Commission a commis une erreur manifeste d’appréciation en concluant au caractère sélectif de la mesure litigieuse.

83      La requérante fait valoir que, en l’espèce, aux fins de l’analyse du caractère sélectif de la mesure, d’une part, il convient d’identifier le régime juridique donné, en tant que cadre de référence, et l’objectif de ce régime. D’autre part, il y aurait lieu d’effectuer une analyse comparative.

84      En premier lieu, selon la requérante, le cadre de référence de l’analyse de la prétendue sélectivité de la mesure litigieuse en l’espèce est celui applicable aux mécanismes de capacité.

85      À cet égard, la requérante précise que le mécanisme de capacité, dont la mesure litigieuse était l’un des composants, visait à garantir la sécurité de l’approvisionnement. Ainsi, la mesure litigieuse ne constituerait pas une exception ou une dérogation au cadre juridique de référence. Il s’agirait d’une mesure dont l’objectif serait de mettre sur un pied d’égalité tous les investissements substantiels réalisés après 1998.

86      En second lieu, en ce qui concerne l’analyse comparative, la requérante fait valoir que, conformément à la jurisprudence, notamment l’arrêt du 21 décembre 2016, Commission/Hansestadt Lübeck (C‑524/14 P, EU:C:2016:971), une mesure d’aide est sélective si elle favorise certaines entreprises ou productions par rapport à d’autres entreprises se trouvant dans une situation factuelle et juridique comparable au regard de l’objectif poursuivi par la mesure concernée. Cette approche serait liée à la notion de discrimination. En d’autres termes, toutes les entreprises se trouvant dans une situation comparable devraient être traitées de manière identique. De plus, conformément à la jurisprudence, une mesure dont ne bénéficierait qu’un secteur d’activité ou une partie des entreprises de ce secteur ne serait pas nécessairement sélective.

87      À cet égard, la requérante rappelle, tout d’abord, que, en l’espèce, de 1998 à 2007, toutes les centrales de production d’électricité étaient, quelle que soit la technologie employée, en droit de recevoir une rémunération au titre de la garantie de puissance fournie au système. À la suite de la modification du régime en 2007, la mesure litigieuse, dont l’objectif serait de continuer à encourager les investissements réalisés par les centrales mises en service avant le 1er janvier 1998, ne ferait que mettre sur un pied d’égalité tous les investissements importants réalisés après 1998, indépendamment de la technologie employée. En effet, les investissements de toutes les centrales, notamment celles qui ne sont pas des centrales au charbon, pourraient bénéficier de paiements, même plus importants, au titre de la capacité d’investissement. En particulier, la mesure litigieuse aurait visé à placer les centrales dont l’acte de mise en service était antérieur au 1er janvier 1998 dans la même situation que les centrales mises en service après 1998 qui, pour leur part, auraient bénéficié de la première sous-mesure.

88      Lors de l’audience, la requérante, soutenue par les intervenantes, a fait valoir que les centrales n’utilisant pas le charbon comme combustible principal et créées avant 1998 n’avaient pas effectué d’investissements. Ainsi, compte tenu de l’objectif poursuivi par les autorités espagnoles, qui consistait à financer uniquement les centrales ayant réalisé des investissements après 1998, les centrales n’utilisant pas le charbon comme combustible principal et créées avant 1998 ne bénéficieraient pas d’un financement étatique.

89      En tout état de cause, la requérante soutient que, même en écartant l’existence d’une égalité de traitement entre les investissements de toutes les centrales électriques, la Commission n’a pas démontré le caractère sélectif de la mesure. En effet, les centrales au charbon ne se trouveraient pas dans une situation de fait et de droit comparable à celle des centrales qui utilisent un autre type de technologie. En particulier, les centrales au charbon seraient les seules centrales créées avant 1998 qui auraient été contraintes d’effectuer des investissements considérables sans lesquels elles auraient dû fermer, ce qui aurait ainsi mis en danger la sécurité de l’approvisionnement du système électrique espagnol. Dans ce contexte, l’octroi de la mesure aux seules centrales au charbon serait cohérent au regard de son objectif de garantir la sécurité d’approvisionnement du système électrique espagnol.

90      Ensuite, la décision du 29 septembre 2010, invoquée par la Commission au soutien du caractère sélectif de la mesure, ne serait pas pertinente en l’espèce étant donné que la Commission n’analyserait pas les différences et les similitudes entre ladite décision et la présente affaire. En revanche, Viesgo Producción indique que, dans ladite décision, ainsi que dans la décision C(2010) 1934 de la Commission, du 19 mars 2010, de ne pas soulever d’objections à l’encontre de l’aide d’État N 676/2009 relative à l’amélioration de la qualité du service électrique en Murcie, la Commission a examiné la réglementation et le mécanisme de financement du système électrique espagnol sans avoir contesté ce système du point de vue du régime des aides d’État.

91      Enfin, la requérante ajoute que la directive 2001/80/CE du Parlement européen et du Conseil, du 23 octobre 2001, relative à la limitation des émissions de certains polluants dans l’atmosphère en provenance des grandes installations de combustion (JO 2001, L 309, p. 1), a été transposée dans l’ordre juridique espagnol, notamment par l’élaboration du PNRE‑GIC imposant des limites globales d’émissions de particules de dioxyde de soufre et d’oxyde d’azote à compter du 1er janvier 2008. Afin de s’y conformer, les centrales au charbon devraient réaliser des investissements qu’elles ne seraient pas en mesure d’effectuer sans la mesure litigieuse.

92      À cet égard, la requérante expose le contexte national relatif à la sécurité de l’approvisionnement et l’importance des centrales au charbon dans ce cadre ainsi que le risque que leur fermeture éventuelle aurait engendré dans l’hypothèse où la mesure litigieuse n’aurait pas été adoptée.

93      La requérante ajoute que les centrales au charbon opéraient dans un cadre réglementaire caractérisé par un système de prix maximaux et qu’elles étaient soumises à une obligation d’approvisionnement tant que leur fermeture n’avait pas été expressément autorisée.

94      De plus, la Commission elle-même aurait reconnu la vulnérabilité nationale en ce qui concernait la sécurité de l’approvisionnement dans la décision du 29 septembre 2010. Dans cette décision, la Commission aurait conclu qu’une mesure d’aide destinée à soutenir les centrales au charbon indigène était justifiée afin de diminuer les risques concrets qui menaçaient la sécurité de l’approvisionnement.

95      La Commission conteste cette argumentation.

96      Selon une jurisprudence constante, la qualification d’aide d’État requiert que toutes les conditions suivantes soient remplies. Premièrement, il doit s’agir d’une intervention de l’État ou au moyen de ressources d’État. Deuxièmement, cette intervention doit être susceptible d’affecter les échanges entre États membres. Troisièmement, elle doit accorder un avantage à son bénéficiaire. Quatrièmement, elle doit fausser ou menacer de fausser la concurrence (voir arrêt du 9 septembre 2014, Hansestadt Lübeck/Commission, T‑461/12, EU:T:2014:758, point 43 et jurisprudence citée).

97      Afin d’apprécier la sélectivité d’une mesure, il convient de déterminer si, dans le cadre d’un régime juridique donné, une mesure nationale est de nature à favoriser « certaines entreprises ou certaines productions » par rapport à d’autres, qui se trouvent, au regard de l’objectif poursuivi par ledit régime, dans une situation factuelle et juridique comparable. La notion d’« aide d’État » ne vise pas les mesures étatiques introduisant une différenciation entre entreprises et, donc, a priori sélectives, lorsque cette différenciation résulte de la nature ou de l’économie du système dans lequel elles s’inscrivent (voir arrêt du 21 décembre 2016, Commission/Hansestadt Lübeck, C‑524/14 P, EU:C:2016:971, point 41 et jurisprudence citée).

98      Compte tenu de la jurisprudence citée au point 61 ci-dessus, lorsque, dans le cadre d’un recours introduit contre une décision d’ouverture de la procédure formelle d’examen, la partie requérante conteste l’appréciation de la Commission quant à la qualification d’aide d’État, le contrôle du juge de l’Union est limité à la vérification de la question de savoir si la Commission n’a pas commis d’erreurs manifestes d’appréciation en considérant qu’elle ne pouvait pas surmonter toutes les difficultés sur ce point au cours d’un premier examen de la mesure concernée (arrêt du 9 septembre 2014, Hansestadt Lübeck/Commission, T‑461/12, EU:T:2014:758, point 42 et jurisprudence citée ; voir également, en ce sens, arrêt du 21 juillet 2011, Alcoa Trasformazioni/Commission, C‑194/09 P, EU:C:2011:497, point 61).

99      Dès lors, dans le cadre de l’examen du présent moyen, il n’incombe pas au Tribunal d’apprécier si la mesure litigieuse possède ou non, manifestement, un caractère sélectif, mais si la décision litigieuse est entachée d’une erreur manifeste d’appréciation (voir, en ce sens, arrêt du 21 décembre 2016, Commission/Hansestadt Lübeck, C‑524/14 P, EU:C:2016:971, point 73). Le juge de l’Union doit en effet éviter de se prononcer définitivement sur des questions qui n’ont fait l’objet que d’une appréciation provisoire de la Commission (arrêts du 23 octobre 2002, Diputación Foral de Guipúzcoa e.a./Commission, T‑269/99, T‑271/99 et T‑272/99, EU:T:2002:258, point 48, et du 25 mars 2009, Alcoa Trasformazioni/Commission, T‑332/06, non publié, EU:T:2009:79, point 61).

100    C’est à la lumière de ces principes qu’il convient d’examiner le second moyen du présent recours.

101    D’une part, la requérante soutient que la mesure litigieuse se bornait à mettre sur un pied d’égalité tous les investissements importants réalisés après 1998, indépendamment de la technologie employée ou de la nature des usines en cause. D’autre part, dans l’hypothèse où cette thèse ne serait pas suivie, la requérante fait valoir que, en tout état de cause, les centrales au charbon ne se trouvaient pas dans une situation de fait et de droit comparable à celle des centrales n’utilisant pas le charbon comme combustible principal.

 Sur la mise sur un pied d’égalité des investissements

102    En premier lieu, force est de constater qu’il ne ressort pas du dossier que le mécanisme de rémunération pour capacité visait à mettre sur un pied d’égalité tous les investissements importants réalisés après 1998.

103    D’une part, aucune des dispositions nationales visées par la requérante dans sa requête n’énonce un tel objectif.

104    D’autre part, la requérante ne précise pas les éléments contenus dans les arrêtés ITC/2794/2007 et ITC/3860/2007, ou encore dans l’annexe économique de ce dernier, appuyant sans équivoque sa position. En réponse à une question posée par le Tribunal lors de l’audience, la requérante n’a pas identifié une disposition précise à cet égard.

105    Ainsi, à supposer même que la réglementation espagnole invoquée par la requérante puisse être interprétée dans le sens préconisé par cette dernière, il ne saurait pour autant être considéré que cette conclusion s’impose avec une telle évidence qu’il en serait déduit une erreur manifeste d’appréciation dans la décision attaquée quant au caractère sélectif de la mesure litigieuse.

106    En outre, s’agissant de l’argument tiré de la continuité et de l’unité entre l’ancien mécanisme de garantie de puissance et le nouveau mécanisme pour capacité, tous les deux visant à garantir que tout investissement reçoit un soutien financier, force est de constater que cette continuité et cette unité ne ressortent pas, d’une manière manifeste, des éléments du dossier. En effet, à la différence du mécanisme de garantie de puissance, le nouveau mécanisme pour capacité prévoit, selon les termes des considérants de l’arrêté ITC/2794/2007, deux mesures « nettement distinctes », à savoir une incitation à la disponibilité et une incitation à l’investissement à long terme, mentionnées aux points 9 et 10 ci-dessus. En ce qui concerne l’incitation à l’investissement à long terme, cet arrêté prévoit deux types de sous-mesures, décrites aux points 12 et 14 ci-dessus. S’agissant de la seconde sous-mesure, il ressort dudit arrêté que son adoption est uniquement mentionnée comme une possibilité et ledit arrêté ne prévoit pas que cette mesure est limitée aux centrales au charbon réalisant des investissements à des fins environnementales. Ainsi, il ne ressort pas de l’évolution de la réglementation espagnole, telle que présentée par la requérante, ni de sa teneur que la mesure litigieuse s’inscrit manifestement dans la continuité de l’ancien mécanisme de garantie de puissance et qu’il existe une unité entre celui-ci et le nouveau mécanisme pour capacité.

107    Enfin, s’agissant de l’argument de la requérante relatif à la comparabilité des investissements financés par la mesure litigieuse et ceux effectués par les centrales créées après 1998, d’une part, il importe de relever que, conformément à l’arrêté ITC/2794/2007, la première sous-mesure prévoit l’incitation à l’investissement dans la capacité à long terme visant exclusivement à promouvoir la construction et la mise en service effective de nouvelles installations de production grâce à des paiements qui faciliteront le recouvrement des coûts d’investissement.

108    D’autre part, quant à la mesure litigieuse, conformément au point 10 de l’annexe III de l’arrêté ITC/2794/2007, le ministre de l’Industrie, du Tourisme et du Commerce était habilité à octroyer le droit de percevoir une incitation à l’investissement pour des installations de production soumises au régime ordinaire du système péninsulaire d’une puissance installée supérieure ou égale à 50 MW dans lesquelles avaient été effectués des agrandissements ou d’autres modifications substantielles exigeant un investissement important ou à l’investissement dans de nouvelles installations dans des technologies prioritaires pour répondre aux objectifs de politique énergétique et de sécurité d’approvisionnement.

109    Sur ce fondement, l’arrêté ITC/3860/2007 a instauré le droit à une aide financière, sous certaines conditions, en faveur des investissements environnementaux dans des usines de désulfuration réalisés avant l’entrée en vigueur de l’arrêté ITC/2794/2007 par des installations de production d’énergie électrique utilisant du charbon comme combustible primaire.

110    De plus, par l’arrêté ITC/3127/2011, du 17 novembre 2011, le bénéfice de la mesure litigieuse a été élargi aux centrales au charbon ayant réalisé non seulement des investissements destinés aux installations de désulfuration, mais également d’autres investissements environnementaux destinés à réduire les émissions d’oxydes de soufre. Le régime en cause était réservé aux seules installations qui avaient déjà réalisé des investissements à la date d’entrée en vigueur de l’arrêté ITC/3860/2007.

111    Il résulte des points 107 à 110 ci-dessus que la similitude des investissements couverts par la première sous-mesure et par la mesure litigieuse ne ressort pas clairement du cadre juridique national présenté par les parties, dès lors que la première sous-mesure apparaît viser le financement de la mise en place de nouvelles installations de production, alors que la mesure litigieuse serait destinée aux investissements environnementaux réalisés dans des centrales de charbon existantes. De plus, l’argumentation de la requérante à cet égard n’est pas toujours exempte d’ambiguïté dès lors que, au point 88 de la réplique, elle fait valoir qu’il était faux d’affirmer que les centrales qui utilisaient un autre type de combustible devaient réaliser des investissements afin de garantir la sécurité de l’approvisionnement similaires à ceux qui, dans le cas des centrales au charbon, étaient couverts par la mesure litigieuse.

112    La comparabilité des investissements ne découle pas davantage, et sans équivoque, du fait que la première sous-mesure et la mesure litigieuse partageraient la même logique et le même objectif, à savoir la sécurité de l’approvisionnement.

113    En effet, un objectif commun relatif à la sécurité de l’approvisionnement ne signifierait pas en soi que les investissements en cause sont nécessairement comparables, dans la mesure où ledit objectif est susceptible de potentiellement englober des investissements variés de nature différente.

114    Par ailleurs, l’objectif commun allégué n’est pas manifeste dans la mesure où, d’une part, il ressort de l’arrêté ITC/3860/2007 que la mesure litigieuse est qualifiée de mesure d’incitation à l’investissement environnemental et, d’autre part, l’adoption de cet arrêté coïncide avec la date limite, soit le 1er janvier 2008, fixée à l’article 4, paragraphe 3, de la directive 2001/80, à laquelle les États membres devaient réduire sensiblement les émissions.

115    Il s’ensuit que la requérante, soutenue par les intervenantes, n’est pas parvenue à démontrer que la mesure litigieuse se bornait à mettre sur un pied d’égalité tous les investissements importants réalisés après 1998, indépendamment de la technologie employée et de la nature des centrales en cause, et que, par conséquent, en considérant, à titre provisoire, que la mesure litigieuse possédait un caractère sélectif, la Commission avait commis une erreur manifeste d’appréciation.

116    Cette conclusion n’est pas susceptible d’être remise en cause par le cadre de référence proposée par la requérante ni par les objectifs de la mesure litigieuse allégués par cette dernière, étant donné que, à la lumière des considérations exposées ci-dessus, ces éléments ne démontrent ni que la Commission a commis une erreur manifeste d’appréciation, ni que l’existence de doutes quant à la qualification d’aide de la mesure litigieuse, et surtout quant à son caractère sélectif, était manifestement injustifiée.

 Sur la comparabilité des situations des centrales au charbon et des centrales n’utilisant par le charbon comme combustible principal

117    Selon la requérante la Commission a commis une erreur manifeste d’appréciation en concluant dans la décision attaquée que la mesure litigieuse était sélective, alors que les centrales au charbon ne se trouvaient pas dans une situation de fait et de droit comparable à celle des centrales utilisant un autre type de technologie.

118    La requérante soutient, en substance, que les centrales au charbon seraient les seules centrales créées avant 1998 contraintes d’effectuer des investissements considérables sans lesquels elles auraient dû fermer, ce qui aurait ainsi mis en danger la sécurité de l’approvisionnement du système électrique espagnol.

119    À cet égard, force est de constater que la requérante ne présente aucun élément de preuve concret susceptible d’étayer ses arguments et procède par voie d’affirmation.

120    Certes, la requérante explique longuement la situation des centrales au charbon. Elle fournit également des données relatives à ses propres centrales au charbon.

121    Toutefois, le dossier ne contient pas d’éléments concrets quant à la situation des centrales n’utilisant pas le charbon comme combustible principal et notamment quant au fait que celles-ci ne devaient pas réaliser des investissements importants de nature similaire à ceux visés par la mesure litigieuse. Or, la requérante ne saurait prouver une erreur manifeste d’appréciation de la Commission au motif que les centrales au charbon ne se trouvaient pas dans une situation de fait et de droit comparable à celle des centrales utilisant un autre type de technologie sans présenter des éléments tangibles au regard de la situation de celles-ci.

122    En outre, la thèse de la requérante ne ressort pas, de manière manifeste, des textes des arrêtés ITC/2794/2007 et ITC/3860/2007. En particulier, en réponse à une question posée par le Tribunal lors de l’audience, la requérante n’a pas identifié une disposition précise selon laquelle le bénéfice de la mesure litigieuse était réservé uniquement aux centrales au charbon au motif qu’elles étaient les seules ayant réalisé des investissements considérables. En effet, il ressort de l’arrêté ITC/3860/2007 que le bénéfice de la mesure litigieuse dépend surtout de l’utilisation d’une certaine technologie et non de la seule réalisation d’investissements importants. En revanche, s’agissant de la première sous-mesure, son octroi est conditionné à la réalisation des investissements indépendamment de la technologie utilisée.

123    De plus, ainsi que cela est rappelé dans l’arrêté ITC/3860/2007, l’arrêté ITC/2794/2007 a autorisé le ministre de l’Industrie, du Tourisme et du Commerce à octroyer une incitation à l’investissement pour des investissements significatifs, des extensions ou d’autres modifications pertinentes. Dans ce contexte, dans l’arrêté ITC/3860/2007, à l’instar de son annexe économique, invoquée par la requérante, il est précisé que tel était le cas des investissements couverts par la mesure litigieuse sans pour autant qu’il en ressorte qu’il n’existait aucune autre technologie qui était concernée par ce type d’investissements. Dès lors, il ne découle pas de manière manifeste de la réglementation nationale mentionnée par la requérante que seules les centrales au charbon devaient réaliser des investissements susceptibles de bénéficier d’un financement en vertu de la seconde sous-mesure prévue par l’arrêté ITC/2794/2007.

124    L’existence d’une erreur manifeste d’appréciation ne saurait non plus découler de la directive 2001/80. En effet, il ressort de cette directive que la limitation des émissions de certains polluants concernait toutes les installations de combustion, y compris les centrales n’utilisant pas le charbon comme combustible principal. Dès lors, il n’est pas démontré que les centrales au charbon étaient manifestement les seules qui devaient réaliser des investissements importants liés auxdites émissions.

125    De surcroît, il ressort du chapitre 6 du PNRE-GIC, qui, ainsi que le précise la requérante, transpose la directive 2001/80 dans l’ordre juridique espagnol et impose des limites globales d’émissions de particules de dioxyde de soufre et d’oxyde d’azote à compter du 1er janvier 2008, que celui-ci n’est pas limité aux centrales au charbon.

126    Eu égard à ce qui précède, la requérante n’a pas démontré que, en concluant, dans la décision attaquée, à titre provisoire, à la sélectivité de la mesure litigieuse, la Commission avait commis une erreur manifeste d’appréciation au motif que les centrales au charbon ne se trouveraient pas dans une situation de fait et de droit comparable à celle des centrales utilisant un autre type de technologie. Pour des motifs similaires à ceux exposés au point 116 ci-dessus, et à la lumière de ce qui précède, le cadre de référence utilisé par la requérante au soutien de cette seconde partie de son argumentation ne saurait modifier ce constat.

127    Cette conclusion ne saurait être remise en cause par les autres arguments de la requérante et des intervenantes.

128    Premièrement, la jurisprudence citée par la requérante et par EDP España, notamment l’arrêt du 20 décembre 2017, Comunidad Autónoma de Galicia et Retegal/Commission (C‑70/16 P, EU:C:2017:1002), n’est pas pertinente en l’espèce, dans la mesure où elle concerne des décisions adoptées à l’issue de la procédure formelle d’examen.

129    En effet, dans le cadre de telles décisions, la question de savoir si une mesure entre dans le champ d’application de l’article 107, paragraphe 1, TFUE est soumise, en principe, à un contrôle entier (arrêt du 3 juillet 2014, Espagne e.a./Commission, T‑319/12 et T‑321/12, non publié, EU:T:2014:604, point 35 ; voir, également, arrêt du 22 mai 2019, Real Madrid Club de Fútbol/Commission, T‑791/16, EU:T:2019:346, point 88 et jurisprudence citée).

130    Or, conformément à la jurisprudence citée au point 98 ci-dessus, et contrairement à ce qu’ont soutenu la requérante et EDP España lors de l’audience, dans le cadre d’un recours introduit contre une décision d’ouverture de la procédure formelle d’examen, le contrôle du juge de l’Union est limité à la vérification de la question de savoir si la Commission n’a pas commis d’erreurs manifestes d’appréciation en considérant qu’elle ne pouvait pas surmonter toutes les difficultés relatives à la qualification d’aide d’État au cours d’un premier examen de la mesure concernée.

131    Deuxièmement, les arguments de la requérante tirés de la nécessité de la mesure litigieuse au regard de la sécurité de l’approvisionnement et de l’importance des centrales au charbon dans ce cadre doivent être rejetés.

132    D’une part, ces arguments seraient pertinents pour l’appréciation de la compatibilité de la mesure litigieuse et non pour l’appréciation de son caractère sélectif, qui relève de la notion d’aide d’État au sens de l’article 107, paragraphe 1, TFUE.

133    D’autre part, il convient de rappeler que, selon une jurisprudence constante, l’article 107, paragraphe 1, TFUE ne distingue pas selon les causes ou les objectifs des interventions étatiques, mais les définit en fonction de leurs effets (arrêt du 22 décembre 2008, British Aggregates/Commission, C‑487/06 P, EU:C:2008:757, point 85 ; voir, également, arrêt du 21 décembre 2016, Commission/Hansestadt Lübeck, C‑524/14 P, EU:C:2016:971, point 48 et jurisprudence citée).

134    À la lumière de tout ce qui précède, il y a lieu de rejeter le second moyen et, partant, le recours dans son ensemble.

 Sur les dépens

135    Aux termes de l’article 134, paragraphe 1, du règlement de procédure, toute partie qui succombe est condamnée aux dépens, s’il est conclu en ce sens. La requérante ayant succombé, il y a lieu de la condamner à supporter ses propres dépens ainsi que ceux de la Commission, conformément aux conclusions de celle-ci.

136    Par ailleurs, il ressort de l’article 138, paragraphe 3, du règlement de procédure que le Tribunal peut décider qu’une partie intervenante autre que celles mentionnées aux paragraphes 1 et 2 de cet article supportera ses propres dépens. En l’espèce, il y a lieu de décider que les intervenantes supporteront leurs propres dépens.

Par ces motifs,

LE TRIBUNAL (septième chambre)

déclare et arrête :

1)      Le recours est rejeté.

2)      Naturgy Energy Group, SA est condamnée à supporter, outre ses propres dépens, ceux exposés par la Commission européenne.

3)      Viesgo Producción, SL et EDP España, SA supporteront leurs propres dépens.

da Silva Passos

Valančius

Reine

Ainsi prononcé en audience publique à Luxembourg, le 8 septembre 2021.

Signatures


*      Langue de procédure : l’espagnol.