Language of document : ECLI:EU:F:2009:28

DOCUMENT DE TRAVAIL

ORDONNANCE DU TRIBUNAL DE LA FONCTION PUBLIQUE
DE L’UNION EUROPÉENNE (première chambre)

31 mars 2009(*)

« Fonction publique – Fonctionnaires – Demande d’enquête concernant un accident dont le requérant aurait été victime – Recours indemnitaire – Recours manifestement dépourvu de tout fondement en droit – Irrecevabilité manifeste »

Dans l’affaire F‑146/07,

ayant pour objet un recours introduit au titre des articles 236 CE et 152 EA,

Luigi Marcuccio, fonctionnaire de la Commission des Communautés européennes, demeurant à Tricase (Italie), représenté par Me G. Cipressa, avocat,

partie requérante,

contre

Commission des Communautés européennes, représentée par M. J. Currall et Mme C. Berardis-Kayser, en qualité d’agents, assistés par MA. Dal Ferro, avocat,

partie défenderesse,

LE TRIBUNAL (première chambre),

composé de MM. S. Gervasoni, président, H. Kreppel (rapporteur) et H. Tagaras, juges,

greffier : Mme W. Hakenberg,

rend la présente

Ordonnance

1        Par requête parvenue au greffe du Tribunal le 29 décembre 2007 par télécopie (le dépôt de l’original étant intervenu le 7 janvier 2008), M. Marcuccio demande, en particulier, l’annulation de la décision de la Commission des Communautés européennes de ne pas faire droit à sa demande tendant à ce que soit ouverte une enquête sur un événement qui se serait produit lorsqu’il était affecté à la délégation de la Commission en Angola. Le requérant sollicite également la réparation du préjudice qu’il aurait subi en rapport avec cet événement.

 Faits à l’origine du litige

2        Le requérant, fonctionnaire de grade A 7 à la direction générale (DG) « Développement » de la Commission, a été affecté à Luanda auprès de la délégation de la Commission en Angola (ci-après la « délégation ») en tant que fonctionnaire stagiaire à compter du 16 juin 2000, puis comme fonctionnaire titulaire à compter du 16 mars 2001.

3        Le 29 octobre 2001, lors de l’ouverture des courriers parvenus à la délégation par la valise diplomatique provenant du siège de la Commission à Bruxelles, le requérant a été en contact avec une poudre blanche (ci-après l’« événement du 29 octobre 2001 »). Il en a immédiatement informé le chef de délégation.

4        Un échantillon de la poudre en cause a été analysé par l’Institut national de la santé (Instituto Nacional de Saude) d’Angola (ci-après l’« institut national de la santé »). Il ressortait de cet examen, avec une probabilité de 90 %, que la poudre en cause contenait des traces significatives du bacille de l’anthrax.

5        Le 30 octobre 2001, le personnel de la délégation a été informé de la survenance de l’événement du 29 octobre 2001 et de la teneur des résultats des analyses effectuées par l’institut national de la santé. Le requérant ainsi que les autres membres du personnel de la délégation qui le souhaitaient se sont vu prescrire un antibiotique par le service médical de la Commission.

6        Le 31 octobre 2001, le requérant a adressé une note au chef de délégation (ci-après la « note du 31 octobre 2001 »), dans laquelle il décrivait l’événement du 29 octobre 2001 et demandait qu’un échantillon de la poudre en cause soit examiné à l’étranger, que les autorités judiciaires, policières et médicales soient averties, et qu’une enquête soit ouverte en Europe et en Angola dont les résultats devraient lui être communiqués. Enfin, dans l’hypothèse où les examens subséquents confirmeraient le diagnostic préliminaire de l’anthrax, il demandait à être évacué d’Angola et hospitalisé dans une institution médicale spécialisée, aux frais de la Communauté européenne.

7        Le 2 novembre 2001, un échantillon de la poudre en cause a été envoyé à l’ARC Onderstepoort Veterinary Institute (ci-après l’« ARC-OVI ») en Afrique du Sud, laboratoire agréé par l’Organisation mondiale de la santé.

8        Le 6 novembre 2001, l’ARC-OVI a communiqué à la délégation un rapport contenant les résultats des analyses bactériologiques effectuées sur l’échantillon de poudre qui lui avait été envoyé. Dans ce rapport, il était indiqué que les premières analyses, pratiquées le 5 novembre 2001, avaient mis en évidence la présence, dans l’échantillon, d’un « Bacillus sp et non d’un B. anthracis ». Il était également indiqué que des analyses complémentaires effectuées le 6 novembre 2001 avaient permis d’identifier le bacille isolé « comme un Bacillus megaterium, selon les tests énumérés dans le manuel de Bergey ».

9        Ce même 6 novembre 2001, une réunion a eu lieu à la délégation pour informer le personnel des résultats obtenus.

10      Par note transmise le 3 décembre 2001 à son chef de délégation, le requérant a demandé une copie de tous les documents de quelque nature qu’ils soient, en relation avec l’événement du 29 octobre 2001, notamment les résultats des tests effectués sur la poudre en cause (ci-après la « note du 3 décembre 2001 »).

11      Par note du 6 décembre 2001, le chef d’administration auprès de la délégation a envoyé à l’attention du requérant les résultats des analyses transmis par l’ARC-OVI, excluant la présence d’anthrax dans l’échantillon examiné.

12      À compter du 4 janvier 2002, le requérant s’est trouvé en congé de maladie à son domicile à Tricase (Italie) et n’a jamais repris ses fonctions.

13      Par décision du 11 janvier 2002, ultérieurement annulée et remplacée le 18 mars 2002 par une décision prenant effet le 1er avril 2002, le requérant a été réaffecté à Bruxelles dans l’intérêt du service (ci-après la « décision du 18 mars 2002 »).

14      Le recours visant à l’annulation de la décision du 18 mars 2002 a été rejeté par arrêt du Tribunal de première instance du 24 novembre 2005, Marcuccio/Commission (T‑236/02, RecFP p. I‑A‑365 et II‑1621). Par arrêt du 6 décembre 2007, Marcuccio/Commission (C‑59/06 P, non publié au Recueil), la Cour, après avoir relevé que le requérant n’avait pas été mis en mesure de présenter ses observations avant l’adoption de la décision du 18 mars 2002, a annulé pour ce motif l’arrêt du Tribunal de première instance, Marcuccio/Commission, précité, et a renvoyé l’affaire, toujours pendante, devant celui-ci.

15      Par note datée du 23 juin 2002 et reçue par la Commission le 28 juin suivant, le requérant a introduit une « réclamation » contre la décision implicite par laquelle la Commission aurait partiellement rejeté sa demande figurant dans la note du 3 décembre 2001 (ci-après la « réclamation du 23 juin 2002 »).

16      Par décision du 13 janvier 2003, l’autorité investie du pouvoir de nomination (ci-après l’« AIPN ») a rejeté la réclamation du 23 juin 2002 (ci-après la « décision du 13 janvier 2003 »). L’AIPN a d’abord rappelé au requérant que, quelques jours seulement après la note du 3 décembre 2001, le chef d’administration auprès de la délégation lui avait communiqué, par la note du 6 décembre 2001, une copie du rapport de l’ARC-OVI contenant les résultats des analyses bactériologiques effectuées sur l’échantillon de poudre en cause. S’agissant de l’origine de l’événement du 29 octobre 2001, l’AIPN, après avoir indiqué que, parmi les courriers reçus et ouverts par le requérant le 29 octobre 2001, figurait un exemplaire de la revue The Economist à laquelle celui-ci était abonné, a signalé que les éditeurs de la revue avaient diffusé, par courrier électronique du 25 octobre 2001, un avertissement dans lequel il était indiqué qu’une poudre blanche non toxique avait été insérée à l’intérieur des enveloppes en matière plastique transparente contenant les exemplaires de la revue destinés aux abonnés, ce afin d’éviter que celle-ci n’adhère à l’enveloppe. Ainsi, le requérant, en ouvrant l’enveloppe de l’exemplaire qui lui était destiné, aurait libéré la poudre blanche qui s’y trouvait.

17      Par note datée du 10 octobre 2006 et parvenue à la Commission le 19 octobre suivant (ci-après la « note du 10 octobre 2006 »), le requérant a demandé à celle-ci d’effectuer une enquête sur l’événement du 29 octobre 2001, de lui en communiquer les résultats et de lui fournir toute information relative au sort réservé à l’échantillon de poudre analysé par l’ARC-OVI, aux conditions de conservation dudit échantillon et aux possibilités d’accès à cet échantillon (ci-après la « demande d’enquête et d’information »). Le requérant sollicitait également de la Commission qu’elle lui verse la somme de 2 400 000 euros en réparation des dommages « causés par les actes, les faits et les comportements illicites, illégaux, illégitimes et injustes », ainsi que la somme de 800 000 euros « à titre d’indemnisation des dommages moral, existentiel, biologique, psychique et matériel résultant de l’impossibilité d’obtenir de quelconques informations sur la nature et la toxicité de la poudre », et ce en cas de perte de l’échantillon de poudre ou de sa conservation dans des conditions non conformes aux normes scientifiques internationales (ci-après la « demande indemnitaire »).

18      Le défaut de réponse aux demandes contenues dans la note du 10 octobre 2006 a fait naître, à l’expiration d’un délai de quatre mois suivant la notification de ces demandes, soit le 19 février 2007, deux décisions implicites, la première rejetant la demande d’enquête et d’information, la seconde rejetant la demande indemnitaire.

19      Par décision du 23 février 2007, que le requérant indique avoir reçue le 19 mars suivant, la Commission a explicitement rejeté la demande d’enquête et d’information ainsi que la demande indemnitaire. La Commission a en effet expliqué en substance qu’une enquête avait déjà été menée sur l’événement du 29 octobre 2001 et que le requérant avait été informé, en particulier par la décision du 13 janvier 2003, que la poudre blanche avec laquelle il avait été mis en contact était inoffensive et provenait de l’enveloppe de la revue The Economist qu’il avait ouverte. La Commission a ajouté que ses services avaient agi de manière conforme à leurs obligations et que la réalité des prétendus dommages n’était étayée par aucun élément de preuve (ci-après la « décision du 23 février 2007 »).

20      Par note du 27 avril 2007, le requérant a introduit une réclamation, rédigée en langue italienne, à l’encontre de la décision du 23 février 2007 (ci-après la « réclamation du 27 avril 2007 »).

21      Par décision datée du 4 septembre 2007, que le requérant indique avoir reçue, dans sa version en langue française, le 11 octobre 2007, et, dans sa version en langue italienne, le 16 novembre 2007, l’AIPN a rejeté la réclamation du 27 avril 2007 (ci-après la « décision du 4 septembre 2007 »).

 Conclusions des parties

22      Le requérant a introduit le présent recours le 29 décembre 2007.

23      Le requérant conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

« –      pour autant que nécessaire, annul[er] […] la [décision] du 23 février 2007 […] ;

–        annul[er] […] la décision […], quelle qu’en soit la forme, contenant le rejet, par la [Commission], [des demandes contenues dans la note] du 10 octobre 2006 […] ;

–        annul[er], pour autant que nécessaire, […] la décision […], quelle qu’en soit la forme, rejetant sa réclamation du 27 avril 2007 […] ;

–        annul[er], pour autant que nécessaire, […] la [décision] du 4 septembre 2007 […] ;

–        constat[er] [le] fait […] que la [Commission] n’a pas effectué, et en tout cas pas mené à terme d’enquête substantielle […], ni les actes préparatoires et bien sûr consécutifs à celle-ci, tendant à établir toutes les circonstances, qu’elles soient antérieures ou postérieures, liées de manière quelconque avec le fait […] que le requérant, le 29 octobre 2001, a été mis accidentellement en contact, dans les locaux […] de la délégation […], où il travaillait à l’époque en qualité de fonctionnaire au service de la [Commission], et durant l’exercice de ses fonctions, avec une poudre blanchâtre de nature inconnue […] ;

–        constat[er] [le] caractère illégal de l’absence d’enquête ;

–        déclar[er] [le] caractère illégal de l’absence d’enquête ;

–        condamn[er] […] la [Commission] :

–        (A) à effectuer et à conclure l’enquête, ainsi que tous les actes préparatoires et consécutifs à celle-ci, afin d’établir toutes les circonstances relatives à la nature et à la nocivité de la poudre, les éléments d’identification de celui ou [de] ceux dont l’action a placé le [requérant] en contact avec la poudre, et toute faute, qu’elle soit par omission, par défaut de surveillance ou de direction, liée à l’événement du 29 octobre 2001 ;

–        (B) à communiquer sans retard au requérant les conclusions de l’enquête […] ;

–        (C) à fournir au requérant toute information relative au sort qui a été réservé à l’échantillon de poudre […], notamment si cet échantillon se trouve encore à la disposition de la [Commission] et où il se trouve, ainsi que, dans le cas où l’échantillon de poudre serait à la disposition de la [Commission], les modalités selon lesquelles le requérant en personne, ou les médecins à désigner par lui […] peuvent avoir connaissance des procédés de conservation de cet échantillon […] et y avoir accès, afin de le soumettre aux examens de laboratoire qu’ils jugeront opportuns ;

–        (D) à donner au requérant, ou aux médecins à désigner [par lui], l’accès à l’échantillon de poudre ;

–        (E) à garantir, selon les susdites modalités, l’accès du requérant aux conclusions [de l’enquête] ;

–        (F) dans le cas où l’échantillon de poudre se trouve à la disposition de la [Commission], à garantir au requérant ou aux médecins à désigner [par lui] l’accès à cet échantillon […] ;

–        condamn[er] […] la [Commission] à verser au requérant, en réparation de la partie du dommage qui s’est déjà produite de manière irréversible à ce jour, résultant de l’absence d’enquête […], la somme de 3 000 000 d’euros (trois millions d’euros) ou toute autre somme que le Tribunal estimera juste et équitable, et dire que les 3 000 000 d’euros devront être versés immédiatement après le prononcé de l’arrêt dans la présente affaire ;

–        condamn[er] […] la [Commission] à verser au requérant, en réparation de la partie du dommage résultant de l’absence d’enquête qui se produira à partir du lendemain de la requête, la somme de 300 euros (trois cents euros), ou toute autre somme que le Tribunal estimera juste et équitable, par jour à compter entre le lendemain de la requête et celui où […], après la clôture de l’enquête ainsi que de tous ses actes préparatoires et consécutifs, ses conclusions auront été communiquées au requérant et auront reçu une publicité adéquate, dans les locaux de la délégation ainsi qu’au siège des [DG ‘Développement’ et ‘Relations extérieures’] de la [Commission], selon des modalités adéquates et opportunes, et dire que les 300 euros par jour devront être versés au requérant le premier jour de chaque mois suivant le prononcé de l’arrêt dans la présente affaire, à concurrence des sommes échues pour le mois précédent ;

–        constat[er] [les] comportements […] de quibus de la [Commission] tant avant que pendant et après l’événement du 29 octobre 2001 et liés à celui-ci, exception faite de l’absence d’enquête ;

–        constat[er] […] l’illégalité des comportements de quibus ;

–        déclar[er] […] l’illégalité des comportements de quibus ;

–        condamn[er] […] la [Commission] à verser au requérant, en réparation […] du dommage résultant des comportements de quibus […], la somme de 5 000 000 d’euros (cinq millions d’euros) ou toute autre somme que le Tribunal estimera juste et équitable, et dire que cette somme devra être versée immédiatement après le prononcé de l’arrêt dans la présente affaire ;

–        condamn[er] […] la [Commission] à rembourser au requérant tous les frais, droits et honoraires de procédure, y compris ceux d’expertise à la demande d’une des parties […] qui pourrait être effectuée pour faire constater l’existence des conditions requises pour la condamnation de la [Commission] à verser au requérant chacune des susdites sommes ainsi que, d’une manière plus générale, de tout fait pertinent dans le cadre de la présente affaire. »

24      Le requérant sollicite par ailleurs le prononcé par le Tribunal de mesures d’instruction, tendant à ce que celui-ci ordonne d’office une expertise sur l’événement du 29 octobre 2001, demande à la Commission de produire les documents relatifs à cet événement qui n’auraient pas été portés à sa connaissance et procède à l’audition de témoins.

25      La Commission conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        « rejeter le recours au motif qu’il est irrecevable ou dénué de fondement ;

–        condamner le requérant aux dépens au sens de l’article 87, paragraphe 1, du règlement de procédure […] »

 En droit

 Observations liminaires sur l’objet du litige

26      Le présent recours doit être regardé comme tendant en substance :

–        à ce que le Tribunal constate que la Commission s’est illégalement abstenue d’effectuer une enquête sur l’événement du 29 octobre 2001 ;

–        à la condamnation de la Commission à effectuer une enquête sur l’événement du 29 octobre 2001, à fournir au requérant toute information relative au sort qui a été réservé à l’échantillon de poudre analysé par l’ARC-OVI et à permettre à l’intéressé ou à des médecins désignés par lui d’avoir accès à cet échantillon ;

–        à l’annulation des décisions implicite et explicite de rejet de la demande d’enquête et d’information ;

–        à la condamnation de la Commission à verser au requérant des dommages-intérêts.

27      En revanche, les troisième et quatrième conclusions de la requête, tendant respectivement à l’annulation de « la décision […], quelle qu’en soit la forme, rejetant sa réclamation du 27 avril 2007 », et à l’annulation de « la [décision] du 4 septembre 2007 », se confondent avec les conclusions dirigées contre les décisions implicite et explicite de rejet de la demande d’enquête et d’information et ne doivent pas être examinées de manière autonome. En effet, il convient de rappeler que, selon une jurisprudence constante, une demande tendant à l’annulation d’une décision de rejet d’une réclamation a pour effet de saisir le juge communautaire de l’acte faisant grief contre lequel ladite réclamation a été présentée (arrêt de la Cour du 17 janvier 1989, Vainker/Parlement, 293/87, Rec. p. 23, point 8 ; arrêts du Tribunal de première instance du 23 mars 2004, Theodorakis/Conseil, T‑310/02, RecFP p. I‑A‑95 et II‑427, point 19, et du 9 juin 2005, Castets/Commission, T‑80/04, RecFP p. I‑A‑161 et II‑729, point 15).

 Sur les règles procédurales applicables

28      En vertu de l’article 76 du règlement de procédure, lorsque le Tribunal est manifestement incompétent pour connaître d’un recours ou de certaines de ses conclusions ou lorsqu’un recours est, en tout ou en partie, manifestement irrecevable ou manifestement dépourvu de tout fondement en droit, le Tribunal peut, sans poursuivre la procédure, statuer par voie d’ordonnance motivée.

29      En l’espèce, le Tribunal s’estime suffisamment éclairé par les pièces du dossier et décide, en application de ces dispositions, de statuer sans poursuivre la procédure.

 Sur les conclusions tendant à ce que le Tribunal constate que la Commission s’est illégalement abstenue d’effectuer une enquête sur l’événement du 29 octobre 2001

30      Il y a lieu de relever que les conclusions susmentionnées, qui visent en réalité à faire reconnaître par le Tribunal le bien-fondé de certains des arguments invoqués à l’appui des conclusions en annulation et des conclusions indemnitaires de la requête, doivent être rejetées comme manifestement irrecevables, dès lors qu’il n’appartient pas au Tribunal de faire des déclarations en droit (voir, en ce sens, arrêt de la Cour du 13 juillet 1989, Jaenicke Cendoya/Commission, 108/88, Rec. p. 2711, points 8 et 9).

 Sur les conclusions tendant à ce que le Tribunal condamne la Commission à effectuer une enquête sur l’événement du 29 octobre 2001, à fournir au requérant toute information relative au sort qui a été réservé à l’échantillon de poudre analysé par l’ARC-OVI et à permettre à l’intéressé ou à des médecins désignés par lui d’avoir accès à cet échantillon de poudre

31      Il convient de rappeler qu’il n’appartient pas au juge communautaire d’adresser des injonctions à l’administration dans le cadre du contrôle de légalité fondé sur l’article 91 du statut des fonctionnaires des Communautés européennes (arrêts du Tribunal de première instance du 9 juin 1994, X/Commission, T‑94/92, RecFP p. I‑A‑149 et II‑481, point 33 ; du 5 novembre 1996, Mazzocchi-Alemanni/Commission, T‑21/95 et T‑186/95, RecFP p. I‑A‑501 et II‑1377, point 44 ; du 12 juin 2002, Mellone/Commission, T‑187/01, RecFP p. I‑A‑81 et II‑389, point 16, et du 2 mars 2004, Di Marzio/Commission, T‑14/03, RecFP p. I‑A‑43 et II‑167, point 63). Il s’ensuit que les conclusions susmentionnées ne peuvent qu’être rejetées comme manifestement irrecevables.

 Sur les conclusions tendant à l’annulation des décisions implicite et explicite de rejet de la demande d’enquête et d’information

 Arguments des parties

32      Pour contester la légalité des décisions implicite et explicite de rejet de la demande d’enquête et d’information, le requérant soulève, en substance, deux moyens.

33      Dans le premier moyen, le requérant fait valoir que ces décisions ne seraient pas suffisamment motivées, puisqu’elles ne permettraient pas de comprendre les raisons pour lesquelles la Commission a rejeté la demande d’enquête et d’information.

34      Dans le second moyen, le requérant soutient que la Commission aurait dû faire droit à sa demande d’enquête et d’information.

35      Le requérant expose en effet que les analyses effectuées par l’ARC-OVI n’auraient pas permis à elles seules ni de démontrer l’absence du bacille de l’anthrax dans la poudre avec laquelle il a été mis en contact, ni d’y détecter d’autres éléments nocifs tels que des virus ou des champignons. De même, il ne serait pas établi avec certitude que la poudre aurait eu comme provenance l’enveloppe dans laquelle se trouvait l’exemplaire de la revue The Economist. Ainsi, conformément aux principes de bonne administration, de bonne gestion, de transparence et de diligence, une enquête aurait dû être diligentée pour déterminer la nature et l’origine de cette poudre.

36      Le requérant ajoute que ce serait également à tort que la Commission aurait refusé de lui fournir toute information relative au sort qui a été réservé à l’échantillon de poudre analysé par l’ARC-OVI, à ses conditions de conservation et aux possibilités d’accès à cet échantillon. À cet égard, l’intéressé souligne que ce refus serait contraire non seulement aux principes de bonne administration et de transparence, mais également à son droit de veiller à sa propre santé ainsi qu’à son droit d’accès aux informations médicales le concernant.

37      En défense, la Commission conclut à titre principal à l’irrecevabilité des conclusions susmentionnées, aux motifs que la demande d’enquête et d’information aurait visé à mettre indirectement en cause des décisions qui n’avaient pas été contestées dans les délais et, en tout état de cause, aurait été introduite tardivement.

38      À titre subsidiaire, la Commission soutient que le refus de faire droit à la demande d’enquête et d’information – refus suffisamment motivé – aurait été justifié par le fait que le requérant avait, avant d’introduire cette demande, été informé tant de l’innocuité de la poudre blanche que des raisons pour lesquelles il avait été mis en contact avec celle-ci.

 Appréciation du Tribunal

39      Il importe de rappeler que, selon une jurisprudence constante, la faculté d’introduire une demande au sens de l’article 90, paragraphe 1, du statut ne permet pas au fonctionnaire d’écarter les délais prévus par les articles 90 et 91 pour l’introduction de la réclamation et du recours, en mettant indirectement en cause, par le biais d’une demande, une décision antérieure qui n’avait pas été contestée dans les délais (arrêt de la Cour du 13 novembre 1986, Becker/Commission, 232/85, Rec. p. 3401, point 8).

40      Il convient donc d’examiner si la demande d’enquête et d’information tendait à mettre indirectement en cause une décision qui n’avait pas été contestée dans les délais.

41      À cet égard, il est constant que, le 31 octobre 2001, le requérant a envoyé au chef de délégation une note dans laquelle il demandait qu’une enquête soit ouverte sur l’événement du 29 octobre 2001, qu’un échantillon de la poudre avec laquelle il avait été mis en contact soit examiné à l’étranger et que les autorités judiciaires, policières et médicales soient averties. Le 3 décembre 2001, le requérant a adressé une nouvelle note au chef de délégation afin de se voir communiquer la copie de tous les documents en relation avec l’événement du 29 octobre 2001 et, en particulier, la copie du rapport de l’ARC-OVI contenant les résultats des analyses bactériologiques effectuées sur l’échantillon de poudre.

42      En réponse à cette dernière demande, le chef d’administration auprès de la délégation a, par une note du 6 décembre 2001, envoyé au requérant la copie du rapport de l’ARC-OVI.

43      Estimant toutefois que l’ensemble des documents en relation avec l’événement du 29 octobre 2001 ne lui avait pas été communiqué et que, de ce fait, la Commission avait, de manière implicite, rejeté pour partie sa demande figurant dans la note du 3 décembre 2001, le requérant a introduit une réclamation, datée du 23 juin 2002, à l’encontre de cette décision implicite.

44      Par décision du 13 janvier 2003, l’AIPN a rejeté la réclamation du 23 juin 2002 en exposant au requérant l’origine de l’événement du 29 octobre 2001. Après avoir rappelé à l’intéressé que, parmi les courriers qu’il avait ouverts le 29 octobre 2001, figurait un exemplaire de la revue The Economist à laquelle il était abonné, l’AIPN a indiqué que les éditeurs de la revue avaient diffusé, par courrier électronique du 25 octobre 2001, un avertissement dans lequel il était indiqué qu’une poudre blanche non toxique avait été insérée à l’intérieur des enveloppes en matière plastique transparente contenant les exemplaires de la revue destinés aux abonnés, ce afin d’éviter que celle-ci n’adhère à l’enveloppe. Ainsi, selon l’AIPN, le requérant, en ouvrant l’enveloppe de l’exemplaire qui lui était destiné, aurait libéré la poudre blanche qui s’y trouvait.

45      Or, il importe de relever que la décision du 13 janvier 2003, par laquelle la Commission a fixé définitivement sa position sur les demandes formulées par le requérant dans ses notes des 31 octobre et 3 décembre 2001, n’a fait l’objet d’aucun recours contentieux devant les juridictions communautaires.

46      Il s’ensuit que la demande d’enquête et d’information tendait à mettre indirectement en cause une décision qui n’avait pas été contestée dans les délais.

47      Certes, l’existence de faits nouveaux et substantiels peut justifier la présentation d’une demande tendant au réexamen d’une décision antérieure devenue définitive (arrêt Becker/Commission, précité, point 8).

48      Toutefois, le requérant n’a, à l’appui de sa demande d’enquête et d’information, fait valoir aucun fait nouveau et substantiel de nature à mettre en cause les résultats des analyses effectuées par l’ARC-OVI ainsi que la version donnée par la Commission sur l’origine de la poudre blanche avec laquelle il a été mis en contact.

49      Il s’ensuit que les conclusions susmentionnées doivent être rejetées comme manifestement irrecevables.

50      En tout état de cause, quand bien même le requérant n’aurait pas visé, en introduisant la demande d’enquête et d’information, à remettre indirectement en cause des décisions antérieures n’ayant pas été contestées dans les délais, ses conclusions devraient être rejetées comme manifestement dépourvues de tout fondement en droit, dès lors que l’intéressé n’établit pas que l’enquête et les informations sollicitées auraient été d’une quelconque utilité. En effet, ainsi qu’il a été dit, outre que les analyses effectuées par l’ARC-OVI ont mis en évidence l’innocuité de la poudre blanche avec laquelle le requérant avait été en contact, le courrier électronique de la revue The Economist, dont la teneur a été portée à la connaissance du requérant par la décision du 13 janvier 2003, a permis de mettre à jour l’origine de cette poudre blanche. Ainsi, l’intéressé ne saurait reprocher à la Commission, laquelle a par ailleurs suffisamment motivé la décision explicite de rejet de la demande d’enquête et d’information, de ne pas avoir fait droit à une telle demande.

 Sur les conclusions indemnitaires

51      Le requérant conclut en substance à la condamnation de la Commission à lui verser, d’une part, la somme de 3 000 000 d’euros en réparation du préjudice qu’il aurait subi suite au refus de l’administration de faire droit à sa demande d’enquête et d’information (première branche), d’autre part, la somme de 5 000 000 d’euros en réparation des dommages résultant de ce que la Commission n’aurait pas adopté, tant avant qu’après la survenance de l’événement du 29 octobre 2001, les décisions qui s’imposaient pour protéger la santé de son personnel (deuxième branche).

52      En ce qui concerne la première branche des conclusions indemnitaires, il importe de relever qu’elle présente un lien étroit avec les conclusions tendant à l’annulation de la décision implicite de rejet de la demande d’enquête et d’information. Or, celles-ci ont été rejetées comme manifestement irrecevables. Dans ces conditions, la première branche des conclusions indemnitaires doit également être rejetée comme manifestement irrecevable.

53      En ce qui concerne la seconde branche des conclusions indemnitaires, il convient de souligner que l’engagement de la responsabilité de la Communauté suppose la réunion d’un ensemble de conditions concernant l’illégalité du comportement reproché aux institutions, la réalité du dommage allégué et l’existence d’un lien de causalité entre le comportement et le préjudice invoqué (voir, notamment, arrêt de la Cour du 1er juin 1994, Commission/Brazzelli Lualdi e.a., C‑136/92 P, Rec. p. I‑1981, point 42 ; arrêt du Tribunal de première instance du 6 juillet 1995, Ojha/Commission, T‑36/93, RecFP p. I‑A‑161 et II‑497, point 130).

54      Or, en l’espèce, il ressort des pièces du dossier que, contrairement à ce que soutient le requérant, la délégation a pris, à la suite de l’événement du 29 octobre 2001, les mesures qu’exigeait la situation.

55      En effet, dès le 30 octobre 2001, le personnel de la délégation a été informé de la survenance de l’événement du 29 octobre 2001 et de la teneur des résultats des analyses effectuées par l’institut national de la santé, le requérant ainsi que les autres membres du personnel de la délégation qui le souhaitaient se sont vus prescrire un antibiotique par le service médical de la Commission. Par ailleurs, le 2 novembre 2001, un échantillon de la poudre en cause a été envoyé à l’ARC-OVI et, dès le 6 novembre 2001, date à laquelle les résultats des analyses bactériologiques ont été communiqués à la délégation, celle-ci a organisé une réunion pour informer le personnel des résultats obtenus. Enfin, s’agissant en particulier du requérant, il ressort des pièces du dossier que le chef d’administration auprès de la délégation a transmis à celui-ci, par note du 6 décembre 2001, une copie du rapport de l’ARC-OVI contenant les résultats des analyses, et que l’AIPN a, par la décision du 13 janvier 2003, fourni à l’intéressé toute précision utile sur l’origine de la poudre blanche. Ainsi, le requérant, qui au surplus n’établit pas la réalité du préjudice allégué, n’est pas fondé à reprocher à la Commission un comportement fautif. Il s’ensuit que la deuxième branche des conclusions indemnitaires, serait-elle recevable, devrait en tout état de cause être rejetée comme manifestement dépourvue de tout fondement en droit.

56      Il résulte de ce qui précède que le recours doit être rejeté dans son ensemble, pour partie, comme manifestement irrecevable, pour partie, comme manifestement dépourvu de tout fondement en droit.

 Sur les dépens

57      Aux termes de l’article 87, paragraphe 1, du règlement de procédure, sous réserve des autres dispositions du chapitre huitième du titre deuxième dudit règlement, toute partie qui succombe est condamnée aux dépens, s’il est conclu en ce sens. En vertu du paragraphe 2 du même article, le Tribunal peut décider, lorsque l’équité l’exige, qu’une partie qui succombe n’est condamnée que partiellement aux dépens, voire qu’elle ne doit pas être condamnée à ce titre.

58      Il résulte des motifs énoncés ci-dessus que le requérant est la partie qui succombe. En outre, la Commission a, dans ses conclusions, expressément conclu à ce qu’il soit condamné aux dépens. Les circonstances de l’espèce ne justifiant pas l’application des dispositions de l’article 87, paragraphe 2, du règlement de procédure, il y a donc lieu de condamner le requérant aux dépens.

Par ces motifs,

LE TRIBUNAL (première chambre)

ordonne :

1)      Le recours est rejeté, pour partie, comme manifestement irrecevable, et pour partie, comme manifestement dépourvu de tout fondement en droit.

2)      M. Marcuccio est condamné aux dépens.

Fait à Luxembourg, le 31 mars 2009.

Le greffier

 

       Le président

W. Hakenberg

 

       S. Gervasoni

Les textes de la présente décision ainsi que des décisions des juridictions communautaires citées dans celle-ci et non encore publiées au Recueil sont disponibles sur le site internet de la Cour de justice : www.curia.europa.eu


* Langue de procédure : l’italien.