Language of document : ECLI:EU:T:2013:681

DOCUMENT DE TRAVAIL

ORDONNANCE DU PRESIDENT DE LA QUATRIÈME CHAMBRE DU TRIBUNAL

29 novembre 2013(*)

« Intervention – Intérêt à la solution du litige – Associations représentatives – Confidentialité »

Dans l’affaire T‑44/13,

AbbVie, Inc., établie à Wilmington, Delaware (États-Unis),

AbbVie Ltd, établie à Maidenhead (Royaume-Uni),

représentées initialement par Mes G. Berrisch, P. Bogaert, MM. B. Kelly, G. Castle, M. D. Anderson, et D. Scannell, puis par Me Bogaert, avocat, MM. Kelly, Castle, solicitors, D. Anderson, Q.C., et M. Scannell, barrister,

parties requérantes,

contre

Agence européenne des médicaments (EMA), représentée par M. T. Jabłoński, Mme N. Rampal Olmedo et M. A. Spina, en qualité d’agents,

partie défenderesse,

soutenue par

République du Portugal,

République de Slovénie,

République de Finlande,

Royaume du Danemark,

République française,

Médiateur européen,

Bureau européen des unions de consommateurs (BEUC),

parties intervenantes,

ayant pour objet une demande d’annulation de la décision EMA/748792/2012, du 14 janvier 2013, accordant à un tiers, en vertu du règlement (CE) n° 1049/2001 du Parlement européen et du Conseil, du 30 mai 2001, relatif à l’accès du public aux documents du Parlement européen, du Conseil et de la Commission (JO L 145, p. 43), l’accès à certains documents contenant des informations soumises dans le cadre d’un dossier de demande d’autorisation de mise sur le marché du médicament Humira destiné à traiter la maladie de Crohn,

LE PRÉSIDENT DE LA QUATRIÈME CHAMBRE DU TRIBUNAL

rend la présente

Ordonnance

 Faits et procédure

1        Le 29 janvier 2013, les requérantes, AbbVie Inc. et AbbVie Ltd, ont introduit un recours en annulation au titre de l’article 263 TFUE contre la décision EMA/748792/2012, du 14 janvier 2013, accordant à un tiers, en vertu du règlement n° 1049/2001, l’accès à certains documents contenant des informations soumises dans le cadre d’un dossier de demande d’autorisation de mise sur le marché du médicament Humira destiné à traiter la maladie de Crohn.

2        En vertu de l’article 24, paragraphe 6, du règlement de procédure du Tribunal, le résumé de la requête introductive d’instance dans l’affaire T‑44/13 a été publié au Journal officiel de l’Union européenne du 16 mars 2013 (JO C 79, p. 31).

3        Par actes déposés au greffe du Tribunal le 6 mai 2013, Pharmaceutical Research and Manufacturers of America (ci-après « PhRMA ») et European Federation of Pharmaceutical Industries and Associations (ci-après « EFPIA »), d’une part, et EuropaBio et Biotechnology Industry Organization (ci-après « BIO »), d’autre part, ont demandé à intervenir au soutien des conclusions de AbbVie Inc. et de AbbVie Ltd.

4        Par acte déposé au greffe du Tribunal le 7 mai 2013, Intellectual Property Owners Association (ci-après « IPO ») a demandé à intervenir au soutien des conclusions de AbbVie Inc. et de AbbVie Ltd.

5        Par acte déposé au greffe du Tribunal le 7 mai 2013, British Medical Association (ci-après « BMA ») et BMJ Publishing Group Ltd (ci-après « BMJ ») ont demandé à intervenir au soutien des conclusions de l’EMA.

6        Les demandes susvisées ont été signifiées à AbbVie Inc. et AbbVie Ltd ainsi qu’à l’EMA, conformément à l’article 116, paragraphe 1, du règlement de procédure.

7        Par actes déposés au greffe du Tribunal les 10 juin 2013 et 27 juin 2013, AbbVie Inc. et AbbVie Ltd ont indiqué qu’elles estimaient que EFPIA, PhRMA, EuropaBio, BIO et IPO avaient démontré à suffisance qu’elles disposaient d’un intérêt direct à intervenir dans la présente affaire. Elles ont par ailleurs demandé le traitement confidentiel de certains éléments contenus dans la requête et dans ses annexes.

8        Par acte déposé au greffe du Tribunal le 21 août 2013, AbbVie Inc. et AbbVie Ltd ont indiqué qu’elles ne souhaitaient pas présenter des observations sur la demande en intervention de BMA mais qu’elles s’opposaient à l’intervention de BMJ. Elles ont également demandé le traitement confidentiel de certains éléments contenus dans la requête et dans ses annexes.

9        Par actes déposés au greffe du Tribunal les 13 juin 2013, 10 juillet 2013 et 12 juillet 2013, l’EMA a indiqué qu’elle ne contestait pas l’intérêt à intervenir de EFPIA mais que, en revanche, elle soulevait des objections à l’encontre de l’intervention de PhRMA, EuropaBio, BIO et IPO.

10      Par actes déposés au greffe du Tribunal le 1er août 2013, l’EMA fait observer que, selon elle, les demandes en intervention de BMA et de BMJ doivent être accueillies favorablement.

 En droit

 Sur les demandes en intervention de EFPIA, de PhRMA, de EuropaBio, de BIO, de IPO, et de BMA

11      En vertu de l’article 40, deuxième alinéa, du statut de la Cour de justice, applicable à la procédure devant le Tribunal en vertu de l’article 53, premier alinéa, dudit statut, toute personne justifiant d’un intérêt à la solution d’un litige autre qu’un litige entre États membres, entre institutions de l’Union ou entre États membres, d’une part, et institutions de l’Union, d’autre part, est en droit d’intervenir à ce litige.

12      Il résulte d’une jurisprudence constante que la notion d’intérêt à la solution du litige, au sens de ladite disposition, doit se définir au regard de l’objet même du litige et s’entendre comme un intérêt direct et actuel au sort réservé aux conclusions elles-mêmes, et non comme un intérêt par rapport aux moyens soulevés. En effet, par « solution » du litige, il faut entendre la décision finale demandée au juge saisi, telle qu’elle serait consacrée dans le dispositif de l’arrêt. Il convient, notamment, de vérifier que l’intervenant est touché directement par l’acte attaqué et que son intérêt à la solution du litige est certain (voir ordonnance du Tribunal du 25 février 2003, BASF/Commission, T‑15/02, Rec. p. II‑213, point 26, et la jurisprudence citée).

13      Selon une jurisprudence constante, est admise l’intervention d’associations représentatives qui ont pour objet la protection de leurs membres dans des affaires soulevant des questions de principe de nature à affecter ces derniers [ordonnances du président de la Cour du 17 juin 1997, National Power et PowerGen, C‑151/97 P(I) et C‑157/97 P(I), Rec. p. I‑3491, point 66, et du 28 septembre 1998, Pharos/Commission, C‑151/98 P, Rec. p. I‑5441, point 6 ; ordonnances du président du Tribunal du 28 mai 2001, Poste Italiane/Commission, T‑53/01 R, Rec. p. II‑1479, point 51 et du 26 juillet 2004, Microsoft/Commission, T‑201/04 R, Rec. p. II‑2977, point 37]. Plus particulièrement, une association peut être admise à intervenir dans une affaire si elle est représentative d’un nombre important d’entreprises actives dans le secteur concerné, si son objet comprend la protection des intérêts de ses membres, si l’affaire peut soulever des questions de principe affectant le fonctionnement du secteur concerné et, donc, si les intérêts de ses membres peuvent être affectés dans une mesure importante par l’arrêt à intervenir (ordonnances du Tribunal du 8 décembre 1993, Kruidvat/Commission, T‑87/92, Rec. p. II‑1375, point 14, du 28 mai 2004, Akzo Nobel Chemicals et Akcros Chemicals/Commission, T‑253/03, Rec. p. II‑1603, point 21, et du 18 octobre 2012, ClientEarth et The International Chemical Secretariat/Agence européenne des produits chimiques, T‑245/11, non publiée au Recueil, point 12).

14      La Cour a précisé que l’adoption d’une interprétation large du droit d’intervention des associations vise à permettre de mieux apprécier le cadre des affaires tout en évitant une multiplicité d’interventions individuelles qui compromettraient l’efficacité et le bon déroulement de la procédure (ordonnances National Power et PowerGen, point 13 supra, point 66, et ClientEarth et The International Chemical Secretariat, point 13 supra, point 13).

15      C’est à la lumière de cette jurisprudence qu’il convient d’examiner les demandes en intervention de EFPIA, de PhRMA, de EuropaBio, de BIO, de IPO, et de BMA.

16      En premier lieu, il convient de déterminer si les demandeurs en intervention sont représentatifs d’un nombre important d’entreprises actives dans le secteur concerné et si leur objet comprend la protection des intérêts de leurs membres.

17      En l’espèce, EFPIA, PhRMA, EuropaBio, BIO et BMA sont des associations professionnelles actives dans le domaine pharmaceutique et médical. IPO est une association représentative des propriétaires de brevets, de marques de fabrique, de droits d'auteur, de secrets commerciaux, parmi lesquels se trouvent des entreprises du secteur pharmaceutique.

18      Premièrement, en ce qui concerne EFPIA, il ressort de sa demande en intervention, qu’elle représente 39 grandes entreprises actives dans la recherche, le développement et la fabrication de médicaments à usage humain ainsi que 33 associations nationales de l’industrie pharmaceutique. Il apparaît également que, en tenant compte des membres desdites associations nationales, EFPIA représente ainsi 1900 entreprises opérant à l’échelle mondiale.

19      Par ailleurs, les statuts de EFPIA indiquent que l’association professionnelle a pour but de promouvoir la découverte et le développement pharmaceutique.

20      Deuxièmement, s’agissant de PhRMA, force est de constater, ainsi qu’il ressort de son site Internet et d’un document de 2013 présentant le profil de l’association professionnelle, qu’elle représente 55 sociétés et centres de recherche dont la plupart sont actifs sur le marché européen, et que ceux-ci constituent une partie importante des entreprises mondiales de recherche biopharmaceutiques. Elle mentionne également qu’elle-même et ses membres exercent des activités d’innovation, de recherche et de développement à l’échelle internationale. Elle fait observer ainsi qu’elle et ses membres sont actifs dans le secteur biopharmaceutique européen et qu’ils sont directement affectés par la réglementation européenne relative au domaine dans lequel ils opèrent, nonobstant le fait que les bureaux de PhRMA soient physiquement situés en dehors de l’Union européenne.

21      À cet égard, elle présente un tableau indiquant le montant des investissements opérés par ses membres dans la recherche et le développement pharmaceutique. Il en découle que ceux-ci exercent des activités très importantes dans le domaine pharmaceutique au sein de l’Union européenne.

22      Par ailleurs, il ressort tant des statuts de PhRMA que du contenu de son site Internet qu’elle a pour objectif de protéger les intérêts de ses membres, en particulier, en encourageant les pouvoirs publics à soutenir la recherche et le développement de nouveaux médicaments, en coopérant avec des associations professionnelles dans le domaine de la santé, d'autres industries et les autorités gouvernementales pour faire progresser la science médicale, en améliorant la santé publique et promouvant l'industrie pharmaceutique, et ce, aux États-Unis et dans le monde. À cet égard, les statuts lui confèrent le pouvoir d'accomplir tous les actes nécessaires ou utiles à la réalisation des buts et objectifs qui y sont énoncés.

23      Troisièmement, concernant EuropaBio et BIO, il importe de relever que l’EMA ne conteste pas qu’il s’agit de deux associations représentatives dans le secteur de la santé et la biotechnologie et qu’elles disposent, en général, d’un intérêt à intervenir dans les procédures affectant de manière significative les intérêts de leurs membres.

24      À cet égard, il ressort des documents présentés par EuropaBio qu’elle représente plus de 50 entreprises importantes dans le secteur de la recherche – dont une trentaine sont des entreprises du secteur de la santé et de la biotechnologie impliquées dans la recherche, le développement et la fabrication de médicaments biologiques à usage humain – ainsi que 19 associations professionnelles nationales en Europe. Par ailleurs, les statuts de EuropaBio indiquent qu’elle promeut dans le plus large sens du terme les intérêts de l’industrie de la biotechnologie en Europe, notamment sur le plan scientifique, technique, réglementaire et institutionnel.

25      Quant à BIO, elle présente un extrait de son site Internet contenant une liste de nombreuses entreprises actives dans le secteur de la biotechnologie médicale, notamment au sein de l’Union. Il ressort également du site Internet et des statuts de BIO que celle-ci a aussi pour objet social de promouvoir les intérêts de l’industrie de la biotechnologie.

26      Quatrièmement, en ce qui concerne IPO, il ressort des documents présentés par celle-ci qu’elle compte, parmi ses membres, plus d’une vingtaine de sociétés du secteur pharmaceutique. Par ailleurs, les statuts de IPO indiquent que celle-ci a notamment pour objet social de promouvoir et d’encourager le développement et la protection de la propriété intellectuelle et industrielle. Force est d’admettre que la divulgation d’études cliniques soumises à l’EMA dans le cadre de demandes d’autorisation de mise sur le marché de médicaments est une problématique qui entre complètement dans le cadre de l’objet social de IPO.

27      Cinquièmement, en ce qui concerne BMA, il importe de rappeler que AbbVie Inc. et de AbbVie Ltd n’ont pas formulé d’objection à l’encontre de sa demande d’intervention. BMA souligne, se référant à cet égard à son site Internet, qu’elle est la seule organisation syndicale reconnue des médecins au Royaume-Uni. Elle indique qu’elle compte parmi ses membres 151 000 médecins et étudiants en médecine. Son objet social est de défendre les intérêts de la profession médicale et de faire circuler l’information qu’il est souhaitable de faire connaître, notamment au moyen d’une revue périodique.

28      Il résulte de ce qui précède que EFPIA, PhRMA, EuropaBio, BIO, BMA et IPO représentent un nombre important d’entreprises actives dans le secteur concerné et que leur objet comprend la protection des intérêts de leurs membres dans ledit secteur.

29      En second lieu, il importe de déterminer si les intérêts des membres de EFPIA, PhRMA, EuropaBio, BIO, BMA et IPO peuvent être affectés dans une mesure importante par l’arrêt à intervenir.

30      EFPIA, PhRMA, EuropaBio, BIO, BMA et IPO font observer que l’EMA a développé une nouvelle approche en matière d’accès aux documents présentés dans le cadre d’une demande d’autorisation de mise sur le marché. L’EMA estime désormais que les données cliniques contenues dans les documents soumis par les entreprises pharmaceutiques dans le cadre d’une telle demande ne doivent pas être considérées comme une information commerciale confidentielle. Ils relèvent qu’une telle question de principe affecte, en Europe et dans le monde, le fonctionnement du secteur biopharmaceutique qui investit dans la recherche et le développement et qui fournit des données exhaustives aux agences de régulation pour garantir la qualité, la fiabilité et l’efficacité des médicaments.

31      De surcroît, les demandeurs en intervention soulignent que leurs membres seront affectés de manière significative par l’arrêt du Tribunal en ce que la plupart d’entre eux ont déposé des dossiers de demande d’autorisation de mise sur le marché de médicaments auprès de l’EMA.

32      Au vu de ces explications, il y a lieu d’approuver les considérations de EFPIA, PhRMA, EuropaBio, BIO, BMA et IPO selon lesquelles elles disposent d’un intérêt direct et actuel à ce que les conclusions de AbbVie Inc. et de AbbVie Ltd tendant à l’annulation de la décision attaquée soient accueillies.

33      Cette conclusion n’est pas infirmée par les arguments de l’EMA.

34      En effet, l’EMA soutient, premièrement, que PhRMA compte dix bureaux aux États-Unis et représente l’industrie de recherche pharmaceutique et les entreprises de biotechnologie américaines. Elle fait valoir que la législation européenne impose que l’entreprise qui demande une autorisation de mise sur le marché d’un médicament doit être établie sur le territoire de l’Union et que, partant, il n’est pas certain que la réponse à la question concernant l’accès aux documents dans le cadre de cette procédure affecte de façon directe les intérêts des entreprises américaines.

35      Toutefois, la question de l’accès aux documents dans le cadre de cette procédure concerne des intérêts qui dépassent le seule cadre des intérêts des entreprises pharmaceutiques établies sur le territoire de l’Union qui ont demandé une autorisation de mise sur le marché d’un médicament. L’intérêt des entreprises situées en dehors de l’Union dont les filiales ou les sociétés-mères sont situées sur le territoire de l’Union peut également être affecté de façon directe par la réponse apportée par le Tribunal à la question de principe, à savoir celle de l’accès aux documents et aux rapports d’études cliniques présentés dans le cadre d’une demande d’autorisation de mise sur le marché.

36      En outre, ainsi qu’il ressort du point 21 supra, l’importance de l’activité exercée par les sociétés américaines, membres de PhRMA, sur le territoire de l’Union européenne est confirmée par les investissements considérables qu’elles y ont opérés dans la recherche et le développement pharmaceutique. Elles sont ainsi directement intéressées par la question de l’accès des tiers à leurs rapports d’études cliniques.

37      Deuxièmement, l’EMA se prévaut en vain de l’attitude individuelle de certains membres de EuropaBio, de BIO et de IPO pour mettre en doute l’habilité de ces associations professionnelles à représenter de façon effective et cohérente les intérêts de leurs membres. En effet, le fait que certains membres aient demandé l’accès à des informations cliniques et non-cliniques similaires à celles de l’affaire en cause et, partant, qu’ils aient pu avoir une attitude qui pourrait être en contradiction avec la position défendue par EuropaBio, BIO et IPO, ne préjuge en rien du droit des associations précitées à intervenir au soutien des conclusions de AbbVie Inc. et de AbbVie Ltd. Tout d’abord, il n’apparaît pas que EuropaBio, BIO et IPO défendent une position intrinsèquement contraire aux intérêts des membres qu’elles représentent. Ensuite, il ne saurait être exigé des associations professionnelles qu’elles fassent la démonstration que tous les membres qu’elles représentent adoptent une position identique à celle qu’elles défendent. Enfin, il n’apparaît pas que les décisions d’introduire une demande d’intervention au soutien des conclusions de AbbVie Inc. et de AbbVie Ltd auraient été prises par ces associations en violation de leurs règles statutaires.

38      Troisièmement, l’EMA constate que EuropaBio, BIO et IPO justifient leur intérêt à intervenir par l’impact de la politique de divulgation des informations sur les investissements dans la recherche et le développement de nouveaux médicaments et par l’atteinte à la propriété intellectuelle et industrielle. Selon l’EMA, EuropaBio, BIO et IPO n’auraient pas d’intérêt manifeste à intervenir au motif qu’elles et leurs membres étaient pleinement conscients que, depuis novembre 2010, les études cliniques qu’ils avaient soumises à l’EMA n’étaient pas confidentielles et que lesdites études avaient été divulguées dans de nombreux cas. L’EMA souligne à cet égard avoir déjà divulgué près de deux millions de pages d’informations cliniques et non-cliniques et soutient que EuropaBio, BIO et IPO n’ont pas démontré l’impact de ces divulgations sur les investissements dans la recherche clinique consentis par leurs membres ni l’atteinte aux droits de la propriété intellectuelle et industrielle de ceux-ci.

39      Une telle argumentation ne saurait prospérer. Tout d’abord, l’intérêt de EuropaBio, BIO et IPO est toujours actuel dès lors qu’un nombre important d’informations n’a pas encore été diffusé. Ensuite, il ne saurait être exigé des demandeurs en intervention qu’ils démontrent, chiffres à l’appui, l’existence d’un impact financier réel de la politique de divulgation des informations cliniques et non-cliniques sur les investissements dans la recherche et sur les droits de la propriété intellectuelle et industrielle. En effet, eu égard à l’importance de la question de principe faisant l’objet du présente litige, le caractère potentiel d’un tel impact suffit largement à justifier l’existence d’un intérêt manifeste de EuropaBio, BIO et IPO.

40      Quatrièmement, l’EMA fait observer que, en l’espèce, il existe un risque d’une répétition artificielle des intérêts des parties en raison de leur appartenance à différentes associations représentatives. Elle considère que le droit à intervenir ne devrait dès lors être accordé qu’à l’association la plus représentative des titulaires d’autorisations de mise sur le marché dans l’Union. Ces considérations sont toutefois dénuées de pertinence. Ainsi qu’il ressort de la jurisprudence rappelée au point 13 ci-dessus, il est seulement exigé d’une association qu’elle représente un nombre important d’entreprises actives dans le secteur concerné. Le fait qu’une association représente davantage de membres par rapport à autre association ne lui confère pas pour autant un droit exclusif à intervenir au détriment de cette dernière. Dès lors que ces associations représentent chacune un nombre important d’entreprises, elles satisfont l’une et l’autre à la condition de représentativité nécessaire pour être autorisée à intervenir.

41      Cinquièmement, l’EMA fait observer que les demandeurs en intervention motivent également leur demande d’intervention par la nécessité de protéger la vie privée des patients. Elle estime que, cette question n’étant pas débattue dans l’affaire au principal, aucune autorisation à intervenir ne devrait être accordée pour discuter de cette question.

42      Ces considérations de l’EMA sont toutefois dénuées de pertinence, celles-ci procédant d’une confusion entre le droit d’un tiers à intervenir et l’irrecevabilité d’un moyen invoqué par l’intervenant, non soulevé par la partie requérante.

43      Au vu de tout ce qui précède, il y a lieu d’admettre les demandes d’intervention de EFPIA, PhRMA, EuropaBio, BIO, et IPO au soutien des conclusions de AbbVie Inc. et de AbbVie Ltd. De même, il convient d’accueillir la demande d’intervention de BMA au soutien des conclusions de l’EMA.

44      Les demandes d’intervention ayant été introduites conformément à l’article 115 du règlement de procédure et les demandeurs en intervention ayant justifié leur intérêt à la solution du litige, il y a lieu de les admettre, conformément à l’article 40, deuxième alinéa, du statut de la Cour de justice, applicable à la procédure devant le Tribunal en vertu de son article 53, premier alinéa. La communication au Journal officiel de l’Union européenne visée à l’article 24, paragraphe 6, du règlement de procédure ayant été publiée le 16 mars 2013, les demandes d’intervention ont été présentées dans le délai prévu à l’article 115, paragraphe 1, du même règlement et les droits des parties intervenantes seront ceux prévus à l’article 116, paragraphes 2 à 4, dudit règlement.

 Sur la demande en intervention de BMJ

45      BMJ souligne qu’elle est une filiale de BMA. Son activité principale consiste en publication d’une revue périodique médicale de renommée internationale.

46      Il convient de relever que, nonobstant le lien qui l’unit à BMA en tant que filiale de cette dernière, il ne ressort pas des documents transmis par BMJ qu’elle constitue une association représentative. Celle-ci a d’ailleurs confirmé elle-même qu’elle exerce sa politique éditoriale en toute indépendance par rapport à BMA.

47      Partant, la jurisprudence relative au droit d'intervention des associations représentatives à laquelle se réfère BMJ (voir ordonnance Kruidvat/Commission, T‑87/92, point 13 supra) pour justifier qu’elle dispose d’un intérêt direct et actuel, n’est pas pertinente pour apprécier si sa demande en intervention doit être accueillie.

48      En effet, BMJ n'a pas indiqué en quoi ladite jurisprudence qui établit les conditions d’intervention des associations représentatives serait transposable à sa situation particulière, puisqu'il n’apparaît pas que BMJ a pour objet social d'assurer la protection des intérêts généraux d'entreprises dans le secteur pharmaceutique. La pratique consistant à admettre l'intervention d'associations représentatives qui ont pour objet la protection de leurs membres dans des affaires soulevant des questions de principe de nature à affecter ces derniers ne peut pas être invoquée à l'appui d'une demande d'intervention présentée à titre individuel. En effet, l'adoption d'une interprétation large du droit d'intervention à l'égard des associations vise à permettre de mieux apprécier le cadre des affaires tout en évitant une multiplicité d'interventions individuelles qui compromettraient l'efficacité et le bon déroulement de la procédure (voir, en ce sens, ordonnance National Power et PowerGen, point 13 supra, point 66).

49      Pour justifier d’un intérêt direct et actuel à la solution du litige, BMJ fait valoir également qu’elle étudie actuellement l’efficacité clinique du médicament Humira en vue d’un article sur le sujet et qu’elle a introduit, auprès de l’EMA, une demande d’accès à tous les documents présentés dans le cadre du dossier de demande d’autorisation de mise sur le marché dudit médicament.

50      Toutefois, il est de jurisprudence constante qu’une distinction rigoureuse doit être établie entre les demandeurs en intervention justifiant d’un intérêt direct au sort réservé à l’acte spécifique dont l’annulation est demandée et ceux qui justifient d’un intérêt indirect à la solution du litige, en raison de similarités entre leur situation et celle d’une des parties (ordonnances de la Cour du 15 novembre 1993, Scaramuzza/Commission, C‑76/93 P, Rec. p. I‑5715 et I‑5721, point 11 ; ordonnances du président de la deuxième chambre du Tribunal du 20 mars 1998, CAS Succhi di Frutta/Commission, T‑191/96, Rec. p. II‑573, point 28 et du 6 juin 2005, Viasat Broadcasting UK Ltd/Commission, T‑329/04, non publié au Recueil, point18).

51      En l’espèce, force est de constater que l’intérêt de BMJ quant à la solution du présent litige ne constitue pas un intérêt direct et actuel. En effet, d’une part, ainsi qu’il a été relevé au point 46 ci-dessus, il n’apparaît pas que BMJ soit une association représentant les intérêts des entreprises pharmaceutiques. Elle ne saurait donc justifier sa demande d’intervention par la protection de ses membres dans des affaires soulevant des questions de principe de nature à affecter, dans une mesure importante, les intérêts de ces derniers. D’autre part, BMJ se trouve dans une situation similaire au tiers dont la demande d’accès à certains documents relatifs au médicament Humira a donné lieu à la décision attaquée et qui est susceptible d’intervenir à ce titre dans la présente affaire. La similarité entre la situation de BMJ et celle du tiers précité est toutefois insuffisante pour reconnaître à BMJ un intérêt direct et actuel à intervenir.

52      Il résulte des considérations qui précèdent que, en l’absence d’un intérêt de BMJ à la solution du litige, au sens de l’article 40 du statut de la Cour, la demande d’intervention de cette dernière doit être rejetée.

 Sur la demande de traitement confidentiel

53      AbbVie Inc. et AbbVie Ltd ont demandé que, conformément à l’article 116, paragraphe 2, du règlement de procédure, certains éléments confidentiels du dossier soient exclus de la communication aux parties intervenantes et ont produit, aux fins de cette communication, une version non confidentielle des mémoires ou pièces en question.

54      À ce stade, la communication aux parties intervenantes des actes de procédures signifiés et, le cas échéant, à signifier aux parties doit donc être limitée à une version non confidentielle. Une décision sur le bien-fondé de la demande de confidentialité sera, le cas échéant, prise ultérieurement au vu des objections ou observations qui pourraient être présentées à ce sujet.

55      Par ailleurs, dans la mesure où la demande d’intervention de BMJ est rejetée, il n’y a pas lieu de statuer sur la demande de confidentialité déposée par AbbVie Inc. et AbbVie Ltd à son égard.

 Sur les dépens

56      En vertu de l’article 87, paragraphe 1, du règlement de procédure, il est statué sur les dépens dans l’arrêt ou l’ordonnance qui met fin à l’instance. La présente ordonnance mettant fin à l’instance à l’égard de BMJ, il convient de statuer sur les dépens afférents à sa demande d’intervention.

57      Aux termes de l’article 87, paragraphe 2, du règlement de procédure, toute partie qui succombe est condamnée aux dépens, s’il est conclu en ce sens. AbbVie Inc., AbbVie Ltd et l’EMA n’ayant pas formulé de conclusion tendant à la condamnation aux dépens de BMJ qui a succombé en sa demande, il y a lieu de décider que cette demanderesse en intervention et les parties principales supporteront chacune leurs propres dépens.

Par ces motifs,

LE PRESIDENT DE LA QUATRIÈME CHAMBRE DU TRIBUNAL

ordonne :

1)      Pharmaceutical Research and Manufacturers of America, European Federation of Pharmaceutical Industries and Associations, EuropaBio, Biotechnology Industry Organization et Intellectual Property Owners Association sont admises à intervenir dans l’affaire T‑44/13 au soutien des conclusions de AbbVie Inc. et de AbbVie Ltd.

2)      British Medical Association est admise à intervenir dans l’affaire T‑44/13 au soutien des conclusions de l’Agence européenne des médicaments.

3)      La demande d’intervention de BMJ Publishing Group Ltd est rejetée.

4)      Le greffier communiquera aux parties intervenantes une version non confidentielle de chaque acte de procédure signifié aux parties.

5)      Un délai sera fixé aux parties intervenantes pour présenter leurs observations éventuelles sur la demande de traitement confidentiel. La décision sur le bien-fondé de cette demande est réservée.

6)      Un délai sera fixé aux parties intervenantes pour présenter un mémoire en intervention, sans préjudice de la possibilité de le compléter le cas échéant ultérieurement, suite à une décision sur le bien-fondé de la demande de traitement confidentiel.

7)      Les dépens des parties intervenantes sont réservés.

8)      BMJ Publishing Group Ltd, AbbVie Inc., AbbVie Ltd et l’Agence européenne des médicaments (EMA) supporteront chacune leurs propres dépens afférents à la demande d’intervention rejetée.

Fait à Luxembourg, le 29 novembre 2013.

Le greffier

 

       Le président

E.  Coulon

 

       M. Prek


* Langue de procédure : l’anglais.