Language of document : ECLI:EU:T:2014:29

DOCUMENT DE TRAVAIL

ARRÊT DU TRIBUNAL (quatrième chambre)

23 janvier 2014 (*)

« Marque communautaire – Demande de marque communautaire verbale  CARE TO CARE – Motif absolu de refus – Absence de caractère distinctif – Article 7, paragraphe 1, sous b), du règlement (CE) n° 207/2009 »

Dans l’affaire T‑68/13,

Novartis AG, établie à Bâle (Suisse), représentée par Me M. Douglas, avocat,

partie requérante,

contre

Office de l’harmonisation dans le marché intérieur (marques, dessins et modèles) (OHMI), représenté par Mme M. Rajh et M. J. Crespo Carrillo, en qualité d’agents,

partie défenderesse,

ayant pour objet un recours formé contre la décision de la première chambre de recours de l’OHMI du 29 novembre 2012 (affaire R 953/2012-1), concernant une demande d’enregistrement du signe verbal CARE TO CARE comme marque communautaire,

LE TRIBUNAL (quatrième chambre),

composé de M. M. Prek, président, Mme I. Labucka (rapporteur) et M. V. Kreuschitz, juges,

greffier : M. E. Coulon,

vu la requête déposée au greffe du Tribunal le 5 février 2013,

vu le mémoire en réponse déposé au greffe du Tribunal le 17 avril 2013,

vu la modification de la composition des chambres du Tribunal,

vu l’absence de demande de fixation d’une audience présentée par les parties dans le délai d’un mois à compter de la signification de la clôture de la procédure écrite et ayant dès lors décidé, sur rapport du juge rapporteur et en application de l’article 135 bis du règlement de procédure du Tribunal, de statuer sans phase orale de la procédure,

rend le présent

Arrêt

 Antécédents du litige

1        Le 10 août 2011, la requérante, Novartis AG, a présenté une demande d’enregistrement de marque communautaire à l’Office de l’harmonisation dans le marché intérieur (marques, dessins et modèles) (OHMI), en vertu du règlement (CE) n° 207/2009 du Conseil, du 26 février 2009, sur la marque communautaire (JO L 78, p. 1).

2        La marque dont l’enregistrement a été demandé est le signe verbal CARE TO CARE.

3        Les services pour lesquels l’enregistrement a été demandé relèvent des classes 41 et 42 au sens de l’arrangement de Nice concernant la classification internationale des produits et des services aux fins de l’enregistrement des marques, du 15 juin 1957, tel que révisé et modifié, et correspondent, pour chacune de ces classes, à la description suivante :

–        classe 41 : « Services éducatifs, y compris les programmes de soutien au personnel soignant et aux parents de patients concernant la maladie d’Alzheimer » ;

–        classe 42 : « Services médicaux, y compris la fourniture d’informations médicales au personnel soignant et aux parents de patients concernant la maladie d’Alzheimer ».

4        Par décision du 30 avril 2012, l’examinateur a rejeté la demande de marque communautaire pour les services mentionnés au point 3 ci‑dessus au motif que la marque demandée promouvait les caractéristiques des services fournis et ne servait pas d’indication d’origine. Ainsi, il a considéré qu’elle ne pouvait pas être enregistrée, en vertu de l’article 7, paragraphe 1, sous b), et paragraphe 2, du règlement n° 207/2009.

5        Le 16 mai 2012, la requérante a formé un recours auprès de l’OHMI, au titre des articles 58 à 64 du règlement n° 207/2009, contre la décision de l’examinateur.

6        Par décision du 29 novembre 2012 (ci-après la « décision attaquée »), la première chambre de recours de l’OHMI a rejeté le recours. Elle a considéré, en substance, que la marque demandée n’était pas distinctive au sens de l’article 7, paragraphe 1, sous b), du règlement n° 207/2009 dans la mesure où le signe CARE TO CARE ne saurait être apte à individualiser l’origine des services qu’elle désigne et ainsi ne pourrait remplir la fonction essentielle d’une marque. Plus particulièrement, elle a fait valoir que le signe demandé était une expression banale faisant une référence claire au passage progressif d’un type de soins à un autre et indiquait au public pertinent le caractère intrinsèque des services éducatifs et médicaux couverts par celui‑ci. La chambre de recours a ajouté que le message véhiculé par le signe demandé était immédiatement intelligible pour tout consommateur sans autre réflexion.

 Conclusions des parties

7        La requérante conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        annuler la décision attaquée ;

–        condamner l’OHMI aux dépens.

8        L’OHMI conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        rejeter le recours ;

–        condamner la requérante aux dépens.

 En droit

9        À l’appui de son recours, la requérante invoque, en substance, un moyen unique, tiré de la violation de l’article 7, paragraphe 1, sous b), du règlement n° 207/2009. Elle relève quatre griefs : le premier, tiré d’une violation, par la chambre de recours, des règles gouvernant la charge de la preuve, le deuxième, d’une violation du principe que seules les demandes des marques immédiatement intelligibles pour tout consommateur sans autre réflexion peuvent faire l’objet d’un refus, le troisième, d’une violation des principes énoncés par la Cour dans son arrêt du 21 janvier 2010, Audi/OHMI (C−398/08 P, Rec. p. I−535), et, le quatrième, d’une violation de la pratique antérieure de l’OHMI.

10      L’OHMI conteste les arguments de la requérante.

11      Aux termes de l’article 7, paragraphe 1, sous b), du règlement n° 207/2009, sont refusées à l’enregistrement les marques qui sont dépourvues de caractère distinctif. L’article 7, paragraphe 2, du même règlement énonce que « [l]e paragraphe 1 est applicable même si les motifs de refus n’existent que dans une partie de la Communauté ».

12      Selon une jurisprudence constante, les marques visées par l’article 7, paragraphe 1, sous b), du règlement n° 207/2009 sont celles qui sont réputées incapables d’exercer la fonction essentielle de la marque, à savoir celle d’identifier l’origine commerciale du produit ou du service en cause afin de permettre ainsi au consommateur qui acquiert le produit ou le service que la marque désigne de faire, lors d’une acquisition ultérieure, le même choix si l’expérience s’avère positive ou de faire un autre choix si elle s’avère négative [arrêts du Tribunal du 20 mai 2009, CFCMCEE/OHMI (P@YWEB CARD et PAYWEB CARD), T−405/07 et T−406/07, Rec. p II−1441, point 33, et du 21 janvier 2011, BSH/OHMI (executive edition), T−310/08, non publié au Recueil, point 23].

13      Un minimum de caractère distinctif suffit toutefois pour que le motif absolu de refus figurant à l’article 7, paragraphe 1, sous b), du règlement n° 207/2009 ne soit pas applicable [arrêts du Tribunal du 19 septembre 2001, Henkel/OHMI (Tablette ronde rouge et blanc), T−337/99, Rec. p. II−2597, point 44, et du 29 septembre 2009, The Smiley Company/OHMI (Représentation de la moitié d’un sourire de smiley), T−139/08, Rec. p. II−3535, point 16].

14      Le caractère distinctif d’un signe doit être apprécié, d’une part, par rapport aux produits ou aux services pour lesquels l’enregistrement est demandé et, d’autre part, par rapport à la perception qu’en a le public pertinent [arrêts de la Cour Audi/OHMI, précité, point 34, et du 9 septembre 2010, OHMI/Borco-Marken-Import Matthiesen, C−265/09 P, Rec. p. I−8265, point 32 ; arrêt du Tribunal du 12 mars 2008, Compagnie générale de diététique/OHMI (GARUM), T−341/06, non publié au Recueil, point 30].

15      S’agissant de marques composées de signes ou d’indications qui sont par ailleurs utilisés en tant que slogans publicitaires, indications de qualité ou expressions incitant à acheter les produits ou les services visés par ces marques, leur enregistrement n’est pas exclu en raison d’une telle utilisation [arrêts de la Cour du 4 octobre 2001, Merz & Krell, C−517/99, Rec. p. I−6959, point 40 ; du 21 octobre 2004, OHMI/Erpo Möbelwerk, C−64/02 P, Rec. p. I−10031, point 41, et Audi/OHMI, précité, point 35 ; arrêt du Tribunal du 11 décembre 2012, Fomanu/OHMI (Qualität hat Zukunft), T−22/12, non publié au Recueil, point 15]. Quant à l’appréciation du caractère distinctif de telles marques, il n’y a pas lieu d’appliquer à celles-ci des critères plus stricts que ceux applicables à d’autres signes (arrêts OHMI/Erpo Möbelwerk, précité, points 32 et 44 ; Audi/OHMI, précité, point 36, et Qualität hat Zukunft, précité, point 16). Il ressort cependant de la jurisprudence que, si les critères relatifs à l’appréciation du caractère distinctif sont les mêmes pour les différentes catégories de marques, la perception du public pertinent n’est pas nécessairement la même pour chacune de ces catégories et, dès lors, il pourrait s’avérer plus difficile d’établir le caractère distinctif des marques de certaines catégories que de celles d’autres catégories (arrêts OHMI/Erpo Möbelwerk, précité, point 24 ; Audi/OHMI, précité, point 37, et Qualität hat Zukunft, précité, point 17).

16      Les marques composées de signes ou d’indications qui sont par ailleurs utilisés en tant que slogans publicitaires, indications de qualité ou expressions incitant à acheter les produits ou les services désignés par ces marques pourraient se voir reconnaître un caractère distinctif et une aptitude à indiquer au consommateur l’origine commerciale des produits ou des services en cause, lorsque ces marques ne se réduisent pas à un message publicitaire ordinaire, mais possèdent une certaine originalité ou prégnance, nécessitent un minimum d’effort d’interprétation ou déclenchent un processus cognitif auprès du public concerné (voir, en ce sens, arrêt Audi/OHMI, précité, points 56 et 57).

17      Selon une jurisprudence constante, une marque constituée d’un slogan publicitaire doit se voir reconnaître un caractère distinctif si, au-delà de sa fonction promotionnelle, elle peut être perçue d’emblée par le public pertinent comme une indication de l’origine commerciale des produits et des services visés [voir, en ce sens, arrêts du Tribunal du 5 décembre 2002, Sykes Enterprises/OHMI (REAL PEOPLE, REAL SOLUTIONS), T‑130/01, Rec. p. II‑5179, point 20 ; du 31 mars 2004, Fieldturf/OHMI (LOOKS LIKE GRASS... FEELS LIKE GRASS... PLAYS LIKE GRASS), T‑216/02, Rec. p II‑1023, point 25 ; du 30 juin 2004, Norma Lebensmittelfilialbetrieb/OHMI (Mehr für Ihr Geld), T−281/02, Rec. p. II−1915, point 25 ; du 15 septembre 2005, Citicorp/OHMI (LIVE RICHLY), T−320/03, Rec. p. II−3411, point 66, et Qualität hat Zukunft, précité, point 22].

18      En revanche, une marque constituée d’un slogan publicitaire doit être considérée comme dépourvue de caractère distinctif si elle n’est susceptible d’être perçue par le public pertinent que comme une simple formule promotionnelle (arrêt Qualität hat Zukunft, précité, point 22). Pour constater l’absence de caractère distinctif, il suffit que le contenu sémantique du signe verbal en cause indique au consommateur une caractéristique du produit ou du service qui, sans être précise, procède d’une information à caractère promotionnel ou publicitaire que le public pertinent percevra en premier lieu en tant que telle, plutôt que comme une indication de l’origine commerciale des produits ou des services [voir, en ce sens, arrêts du Tribunal du 3 juillet 2003, Best Buy Concepts/OHMI (BEST BUY), T−122/01, Rec. p. II‑2235, point 30, et la jurisprudence citée, et du 12 mars 2008, Suez/OHMI (Delivering the essentials of life), T−128/07, non publié au Recueil, point 20, et la jurisprudence citée]. De plus, la seule absence d’information, dans le contenu sémantique du signe verbal demandé, relative à la nature des produits ou des services visés, ne saurait être suffisante pour conférer un caractère distinctif à ce signe (voir, en ce sens, arrêt Mehr für Ihr Geld, précité, point 31).

19      C’est à la lumière des principes susmentionnés qu’il convient d’examiner le présent recours.

20      Par son premier grief, la requérante reproche à la chambre de recours d’avoir manqué aux obligations qui lui incombent au titre de la charge de la preuve, notamment de n’avoir pas apprécié le caractère distinctif de la marque demandée se fondant sur des faits, mais sur de simples suppositions. En particulier, la chambre de recours n’aurait fourni ni de sources d’information ni d’éléments de preuve relatifs aux services en conflit pas plus que d’explications pour justifier sa conclusion. La chambre de recours n’aurait pas motivé, notamment, les affirmations selon lesquelles le traitement prescrit consisterait dans la fourniture de soins dispensés par la famille afin d’alléger la charge que représente le placement en institution pour les finances publiques pas plus que celles selon lesquelles les patients atteints de la maladie d’Alzheimer passeraient des soins hospitaliers vers les soins à domicile. Concrètement, la requérante se demande qui prescrirait un tel traitement et de quels financements publics il s’agirait.

21      S’agissant de l’allégation de la requérante tirée de la violation par la chambre de recours des règles relatives à la répartition de la charge de la preuve, il y a lieu de relever que, au point 21 de la décision attaquée, la chambre de recours a considéré que la maladie d’Alzheimer était une forme courante de démence qui rendait progressivement les gens incapables de répondre à leurs propres besoins et pouvait durer de nombreuses années avant le décès du patient. En conséquence, le traitement prescrit consisterait dans la fourniture de soins dispensés par la famille afin d’alléger la charge que représente, pour les finances publiques, le placement d’un malade en institution. C’est dans ce contexte que, au point 23 de la décision attaquée, la chambre de recours a évalué le caractère distinctif de la marque demandée par rapport aux services des classes 41 et 42 couverts par la marque demandée à l’égard du public pertinent. Elle en a conclu que la marque demandée constituait une expression banale faisant référence à l’objet des services en question, au passage progressif d’une forme de soins vers un autre ou à l’éducation du public sur ce passage.

22      À cet égard, il convient de rappeler, ainsi qu’il ressort de la jurisprudence, que, selon l’article 76, paragraphe 1, du règlement n° 207/2009, les examinateurs et les chambres de recours de l’OHMI doivent procéder à l’examen d’office des faits. Il s’ensuit que les organes compétents de l’OHMI peuvent être amenés à fonder leurs décisions sur des faits qui n’auraient pas été invoqués par le demandeur. Si, en principe, il appartient à ces organes d’établir, dans leurs décisions, l’exactitude de tels faits, tel n’est pas le cas lorsqu’ils allèguent des faits notoires. Sont notoires les faits qui résultent de l’expérience pratique généralement acquise et sont susceptibles d’être connus de toute personne, y compris du public pertinent (voir, en ce sens, arrêt de la Cour du 22 juin 2006, Storck/OHMI, C‑25/05 P, Rec. p. I−5719, points 50, 51 et 54).

23      Il convient de relever, dans un premier temps, que, en l’espèce, le public pertinent, tel que défini par la chambre de recours, est composé de professionnels ayant un niveau d’attention élevé et de la famille des patients souffrant de la maladie d’Alzheimer particulièrement bien informés sur la gravité et les effets de cette maladie.

24      Il y a lieu, dans un second temps, de constater, à l’instar de l’OHMI, que la chambre de recours s’est fondée sur des faits notoires. En effet, il est de notoriété publique que la maladie d’Alzheimer est incurable et caractérisée par une dégradation progressive de l’état de santé des personnes atteintes. Les symptômes de cette maladie se développent le plus souvent lentement, s’aggravent au fil du temps et suivent une progression allant de légères pertes de mémoire à une détérioration de l’ensemble des fonctions cérébrales. Le traitement d’une telle maladie demande une adaptation progressive des soins, pouvant comporter, à certains moments, le transfert du malade de l’hôpital vers le domicile et inversement en cas d’une dégradation de l’état du patient. Les informations, auxquelles s’est référée la chambre de recours au point 21 de la décision attaquée, sont à plus forte raison de notoriété publique pour le public pertinent, lequel connaît particulièrement bien les effets de la maladie d’Alzheimer ainsi qu’il a été relevé au point 23 ci‑dessus.

25      Il s’ensuit qu’en l’espèce, en se fondant sur des faits notoires, la chambre de recours n’a pas violé les règles relatives à la répartition de la charge de la preuve.

26      En outre, pour autant que l’argumentation de la requérante tirée de ce que la chambre de recours n’a pas fourni d’explication adéquate susceptible d’étayer sa conclusion devrait être comprise comme alléguant une violation de l’obligation de motivation à laquelle elle est soumise au titre de l’article 75 du règlement n° 207/2009, il conviendrait de la rejeter.

27      À cet égard, il y a lieu de rappeler que, aux termes de l’article 75, première phrase, du règlement n° 207/2009, les décisions de l’OHMI doivent être motivées. L’obligation de motivation ainsi consacrée a la même portée que celle découlant de l’article 296 TFUE. Il est de jurisprudence constante que la motivation exigée par l’article 296 TFUE doit faire apparaître de façon claire et non équivoque le raisonnement de l’auteur de l’acte de manière à permettre aux intéressés de connaître les justifications de la mesure prise et à la juridiction compétente d’exercer son contrôle [voir arrêt du Tribunal du 15 novembre 2011, Abbott Laboratories/OHMI (RESTORE), T−363/10, non publié au Recueil, point 73, et la jurisprudence citée].

28      Lorsque l’OHMI refuse l’enregistrement d’un signe en tant que marque communautaire, il doit, pour motiver sa décision, indiquer le motif de refus, absolu ou relatif, qui s’oppose à cet enregistrement, ainsi que la disposition dont ce motif est tiré et exposer les circonstances factuelles qu’il a retenues comme étant prouvées et qui, selon lui, justifient l’application de la disposition invoquée. Une telle motivation est, en principe, suffisante [voir, en ce sens, arrêt du Tribunal du 9 juillet 2008, Reber/OHMI – Chocoladefabriken Lindt & Sprüngli (Mozart), T‑304/06, Rec. p. II‑1927, point 46].

29      Il y a lieu de relever que la chambre de recours, aux points 21 à 23 de la décision attaquée, a fait une démonstration de sa réflexion dans la mesure où la signification retenue de la marque demandée découlait de la nature même de la maladie d’Alzheimer et du traitement reçu par les malades, à savoir le fait, que, en raison de son caractère incurable ainsi que du fait qu’elle puisse durer de nombreuses années avant le décès du patient, les malades atteints de la maladie d’Alzheimer sont parfois transférés vers leurs familles qui en prennent soin. En cas de besoin, ils sont hospitalisés.

30      Le premier grief doit, dès lors, être rejeté.

31      Par le deuxième grief, la requérante reproche, en substance, à la chambre de recours, d’avoir constaté, à tort, l’absence de caractère distinctif de la marque demandée.

32      D’une part, la requérante estime que l’affirmation de la chambre de recours selon laquelle la marque demandée serait comprise comme renvoyant au passage progressif d’un type de soins à un autre est, en l’espèce, la moins probable. Ainsi, il serait, selon elle, peu probable qu’un patient atteint de maladie d’Alzheimer soit retiré d’une institution médicale pour recevoir des soins à domicile. Elle propose d’autres interprétations de la marque demandée.

33      En outre, il convient de traiter, dans le cas du présent grief, les allégations de la requérante, soulevées dans le cadre du premier grief, selon lesquelles le public pertinent ne comprendrait pas, de manière immédiate, la signification de la marque demandée.

34      D’autre part, la requérante fait valoir que le slogan constituant la marque demandée n’informerait pas directement le consommateur sur les caractéristiques des services visés par la marque demandée. Elle ajoute que la marque demandée constitue une expression incomplète et qu’une réflexion importante de la part du public pertinent serait nécessaire afin de saisir la signification de celle‑ci.

35      Il y a lieu de relever que la marque demandée est exclusivement constituée par le signe verbal CARE TO CARE. Ainsi que l’a souligné la chambre de recours au point 19 de la décision attaquée, le mot « care » en langue anglaise est aussi bien un substantif qu’un verbe signifiant, respectivement, « soin » ou « prendre soin de ». Dans le domaine de la santé, ce terme désigne le traitement dispensé à un patient par un médecin et d’autres professionnels de la santé. Par ailleurs, ainsi que l’a également constaté la chambre de recours, le terme « care » est la racine du mot « carer » désignant la personne qui prend soin d’un malade. Il s’ensuit que ledit terme est étroitement lié au secteur de la santé. De même, c’est également à juste titre que la chambre de recours a relevé au point 22 de la décision attaquée que la préposition « to » signifiait, en langue anglaise, « en direction, vers ».

36      En outre, afin d’apprécier le caractère distinctif ou non de la marque demandée, il convient de prendre en compte la spécificité du public pertinent, constitué, en l’espèce, de professionnels de la santé et des proches des patients atteints de la maladie d’Alzheimer. Dans la mesure où la marque demandée est composée de mots de langue anglaise, le public pertinent, en l’espèce, est anglophone. Ainsi que l’a relevé, en substance, la chambre de recours aux points 20 et 21 de la décision attaquée et que le souligne à juste titre l’OHMI, ce public sait que l’évolution de la maladie nécessite l’adaptation progressive des soins, notamment le passage de soins en milieu hospitalier à domicile et inversement.

37      Dans ce contexte particulier et pour un public pertinent anglophone, la chambre de recours a pu valablement conclure, au point 23 de la décision attaquée, que l’expression « care to care » sera perçue comme une référence au passage d’une forme de soins à une autre et, partant, comme une expression banale faisant allusion à une caractéristique intrinsèque de services éducatifs et médicaux relatifs à la maladie d’Alzheimer.

38      En effet, les services éducatifs, y compris les programmes de soutien au personnel soignant et aux parents de patients concernant la maladie d’Alzheimer relevant de la classe 41 aussi bien que les services médicaux, y compris la fourniture d’informations médicales au personnel et aux parents de patients concernant la maladie d’Alzheimer relevant de la classe 42 ont pour finalité d’adapter les soins aux besoins des malades et d’informer les proches ainsi que les professionnels sur le traitement de la maladie d’Alzheimer.

39      Dans ces circonstances, il convient de conclure que, pour le public pertinent et à l’égard des services en cause, l’expression « care to care » ne dispose pas d’un degré d’originalité suffisant pour qu’elle soit apte à indiquer au consommateur l’origine commerciale desdits services et que, partant, elle ne revêt pas un caractère distinctif au sens de l’article 7, paragraphe 1, sous b), du règlement n° 207/2009.

40      Cette conclusion n’est pas infirmée par l’argument de la requérante tiré de ce que la marque demandée pourrait disposer d’autres significations potentielles que celle relevée par la chambre de recours.

41      À cet égard, il convient de rappeler qu’un signe verbal doit se voir opposer un refus d’enregistrement, en application de l’article 7, paragraphe 1, sous b), du règlement n° 207/2009 si, en au moins une de ses significations potentielles, il désigne une caractéristique des produits ou des services concernés [arrêt du Tribunal du 29 avril 2010, Kerma/OHMI (BIOPIETRA), T−586/08, non publié au Recueil, point 35 ; voir également, par analogie, concernant l’article 7, paragraphe 1, sous c), du règlement n° 207/2009, arrêt de la Cour du 23 octobre 2003, OHMI/Wrigley, C−191/01 P, Rec. p. I−12447, point 32].

42      En outre, s’agissant de l’allégation de la requérante tirée du caractère peu probable de l’interprétation de la marque demandée privilégiée par la chambre de recours, elle doit être réfutée au vu de la spécificité du public pertinent et de la nature des services en cause, ainsi qu’il a été souligné aux points 35 à 38 ci‑dessus.

43      Il s’ensuit que c’est à juste titre que la chambre de recours, au point 24 de la décision attaquée, a considéré que la marque demandée était dépourvue de caractère distinctif.

44      Le deuxième grief doit, dès lors, être écarté.

45      Par son troisième grief, la requérante reproche à la chambre de recours d’avoir violé la jurisprudence en matière de slogans, en particulier l’arrêt Audi/OHMI, précité, et de s’être fondée sur des arrêts obsolètes, portant sur un sujet différent. Elle fait encore une fois valoir que, afin de saisir la signification du slogan constituant la marque demandée, un certain effort d’interprétation est nécessaire. Il s’ensuivrait que la marque demandée peut être enregistrée.

46      S’agissant de l’arrêt Audi/OHMI, précité, le point 57, cité par la requérante, énonce qu’une marque exprimant un message objectif peut être apte à indiquer au consommateur l’origine commerciale des produits ou des services en cause. Tel peut être notamment le cas lorsque la marque en question ne se réduit pas à un message publicitaire ordinaire, mais possède une certaine originalité ou prégnance, nécessitant un minimum d’effort d’interprétation ou déclenchant un processus cognitif auprès du public concerné.

47      Contrairement aux prétentions de la requérante, la marque demandée ne possède pas le degré d’originalité ou de prégnance requis, nécessitant un minimum d’effort d’interprétation. Ainsi qu’il a été constaté au point 38 ci‑dessus, elle sera immédiatement comprise par le public concerné comme un slogan portant sur la finalité des services couverts par la marque demandée, à savoir les soins nécessaires pour les patients atteints de la maladie d’Alzheimer. De ce fait, la marque demandée ne sera pas en mesure d’indiquer, au consommateur, l’origine commerciale des services en question.

48      Quant à l’arrêt BEST BUY, précité, que la requérante estime comme obsolète et portant sur un sujet différent, il y a lieu de relever que ledit arrêt porte bien sur le caractère distinctif des marques, fait partie de la jurisprudence constante et que les principes y énoncés, cités au point 12 de la décision attaquée, ne sont pas modifiés par la jurisprudence postérieure. Dès lors, cette allégation n’est pas fondée.

49      Le troisième grief doit être également rejeté.

50      Par son quatrième grief, la requérante reproche à la chambre de recours d’avoir violé sa propre pratique antérieure. À cet égard, elle relève de nombreuses marques enregistrées comportant le terme « care » ou la même structure que la marque demandée. Elle estime que, au regard de la pratique antérieure de l’OHMI, la marque demandée aurait dû être enregistrée.

51      Il ressort de la jurisprudence que l’OHMI est tenu d’exercer ses compétences en conformité avec les principes généraux du droit de l’Union européenne. Si, eu égard aux principes d’égalité de traitement et de bonne administration, l’OHMI doit prendre en considération les décisions déjà prises sur des demandes similaires et s’interroger avec une attention particulière sur le point de savoir s’il y a lieu ou non de décider dans le même sens, l’application de ces principes doit toutefois être conciliée avec le respect du principe de légalité. Au demeurant, pour des raisons de sécurité juridique et, précisément, de bonne administration, l’examen de toute demande d’enregistrement doit être strict et complet afin d’éviter que des marques ne soient enregistrées de manière indue. C’est ainsi qu’un tel examen doit avoir lieu dans chaque cas concret. En effet, l’enregistrement d’un signe en tant que marque dépend de critères spécifiques, applicables dans le cadre des circonstances factuelles du cas d’espèce, destinés à vérifier si le signe en cause ne relève pas d’un motif de refus (voir, en ce sens, arrêt de la Cour du 10 mars 2011, Agencja Wydawnicza Technopol/OHMI, C‑51/10 P, Rec. p. I−1541, points 73 à 77, et la jurisprudence citée). Ainsi qu’il ressort du point 45 ci‑dessus c’est à bon droit que la chambre de recours a considéré que la marque demandée était dépourvue de caractère distinctif au sens de l’article 7, paragraphe 1, sous b), du règlement n° 207/2009, de sorte que la requérante ne saurait utilement invoquer, aux fins d’infirmer cette conclusion, les autres enregistrements des marques communautaires.

52      En conséquence, le quatrième grief, soulevé par la requérante, n’est pas fondé.

53      Au vu de tout ce qui précède, il y a lieu de rejeter le moyen unique ainsi que le recours dans son ensemble.

 Sur les dépens

54      Aux termes de l’article 87, paragraphe 2, du règlement de procédure du Tribunal, toute partie qui succombe est condamnée aux dépens, s’il est conclu en ce sens.

55      La requérante ayant succombé, il y a lieu de la condamner aux dépens conformément aux conclusions de l’OHMI.

Par ces motifs,

LE TRIBUNAL (quatrième chambre)

déclare et arrête :

1)      Le recours est rejeté.

2)      Novartis AG est condamnée aux dépens.

Prek

Labucka

Kreuschitz

Ainsi prononcé en audience publique à Luxembourg, le 23 janvier 2014.

Signatures


* Langue de procédure : l’anglais.