Language of document : ECLI:EU:T:2013:603

DOCUMENT DE TRAVAIL

ARRÊT DU TRIBUNAL (sixième chambre)

21 novembre 2013 (*)

« Marque communautaire – Demande de marque communautaire verbale Matrix-Energetics – Motifs absolus de refus – Caractère descriptif – Public pertinent – Date de l’appréciation du caractère descriptif – Article 7, paragraphe 1, sous b) et c), du règlement (CE) n° 207/2009 »

Dans l’affaire T‑313/11,

Günter Heede, demeurant à Walldorf-Baden (Allemagne), représenté par Me R. Utz, avocat,

partie requérante,

contre

Office de l’harmonisation dans le marché intérieur (marques, dessins et modèles) (OHMI), représenté par Mme K. Klüpfel, en qualité d’agent,

partie défenderesse,

ayant pour objet un recours formé contre la décision de la quatrième chambre de recours de l’OHMI du 8 avril 2011 (affaire R 1848/2010‑4), concernant la demande d’enregistrement du signe verbal Matrix-Energetics comme marque communautaire,

LE TRIBUNAL (sixième chambre),

composé de MM. S. Frimodt Nielsen (rapporteur), président, F. Dehousse et A. Collins, juges,

greffier : M. E. Coulon,

vu la requête déposée au greffe du Tribunal le 16 juin 2011,

vu le mémoire en réponse déposé au greffe du Tribunal le 16 septembre 2011,

vu le mémoire en réplique déposé au greffe du Tribunal le 28 novembre 2011,

vu l’absence de demande de fixation d’une audience présentée par les parties dans le délai d’un mois à compter de la signification de la clôture de la procédure écrite et ayant dès lors décidé, sur rapport du juge rapporteur et en application de l’article 135 bis du règlement de procédure du Tribunal, de statuer sans phase orale de la procédure,

rend le présent

Arrêt

 Antécédents du litige

1        Le 12 mai 2009, le requérant, M. Günter Heede, a présenté une demande d’enregistrement de marque communautaire à l’Office pour l’harmonisation dans le marché intérieur (marques, dessins et modèles) (OHMI), en vertu du règlement (CE) n° 207/2009 du Conseil, du 26 février 2009, sur la marque communautaire (JO L 78, p. 1).

2        La marque dont l’enregistrement a été demandé est le signe verbal Matrix-Energetics. Lors de sa demande d’enregistrement, le requérant a revendiqué la priorité de la marque nationale figurative Matrix-Energetics, enregistrée en Allemagne le 14 novembre 2008.

3        Les services pour lesquels l’enregistrement a été demandé relèvent des classes 35, 41 et 44 au sens de l’arrangement de Nice concernant la classification internationale des produits et des services aux fins de l’enregistrement des marques, du 15 juin 1957, tel que révisé et modifié, et correspondent, pour chacune de ces classes, à la description suivante :

–        classe 35 : « Publicité ; publicité sur Internet pour le compte de tiers ; location d’espaces publicitaires sur Internet, présentation de tiers, en particulier d’entreprises, sur Internet » ;

–        classe 41 : « Formation et formation continue ; organisation et tenue de congrès ; organisation et réalisation de séminaires et d’ateliers, en particulier dans le domaine de la santé, par exemple sur les thèmes suivants : bien-être physique, mental et émotionnel, méditation, spiritualité, conscience de soi, intuition et développement de la conscience de soi » ;

–        classe 44 : « Soins de santé et de beauté, en particulier pour le soutien du bien-être physique, émotionnel et mental et de la prévention de la santé ».

4        La demande de marque communautaire a été publiée au Bulletin des marques communautaires n° 2009/43, du 9 novembre 2009.

5        Le 15 décembre 2009, plusieurs tiers ont soumis à l’OHMI des observations en termes identiques dans lesquelles il était indiqué que le motif absolu prévu à l’article 7, paragraphe 1, sous c), du règlement n° 207/2009 faisait obstacle à l’enregistrement de la marque demandée. Selon ces tiers, les termes « matrix-energetics » désigneraient une méthode d’autonomisation des patients et de prophylaxie largement pratiquée en Allemagne, en Autriche et en Suisse. Une liste d’adresses Internet mentionnant plusieurs centaines de prestataires différents était jointe aux observations.

6        Les observations des tiers ont été communiquées au requérant par courrier du 7 janvier 2010. De plus, l’examinatrice a formulé des objections à l’enregistrement de la marque demandée, au motif que celle-ci, d’une part, ne présentait pas de caractère distinctif et, d’autre part, constituait une indication descriptive au sens de l’article 7, paragraphe 1, sous c), du règlement n° 207/2009. Par courrier du 7 juin 2010, le requérant a contesté cette analyse.

7        Par décision du 29 juillet 2010, l’examinatrice a, en vertu de l’article 37 du règlement n° 207/2009, rejeté la demande de marque pour l’ensemble des services pour lesquels l’enregistrement était demandé, au motif que la marque Matrix-Energetics était descriptive ainsi que dépourvue de caractère distinctif pour l’ensemble des services visés par la demande d’enregistrement et qu’elle ne pouvait, dès lors, être enregistrée, les dispositions de l’article 7, paragraphe 1, sous b) et c), du règlement n° 207/2009 s’y opposant.

8        Selon l’examinatrice, en effet, en tant que terme désignant une méthode de traitement connue du public intéressé par les thérapies alternatives, le signe Matrix-Energetics était de nature à décrire les services visés par la demande d’enregistrement.

9        Par acte du 17 septembre 2010, enregistré le 23 septembre 2010 par l’OHMI, le requérant a formé un recours, au titre des articles 58 à 64 du règlement n° 207/2009, contre la décision de l’examinatrice. Le requérant a présenté les motifs sur lesquels son recours était fondé par courrier du 29 novembre 2010, enregistré le même jour.

10      Par décision du 8 avril 2011 (affaire R 1848/2010-4) (ci-après la « décision attaquée »), la quatrième chambre de recours de l’OHMI a rejeté le recours du requérant et a confirmé la décision de l’examinatrice.

11      La chambre de recours a observé que, à tout le moins en Allemagne, les motifs absolus prévus par les dispositions combinées de l’article 7, paragraphe 1, sous b) et c), et paragraphe 2, du règlement n° 207/2009 s’opposaient à l’enregistrement de la marque demandée et elle a, par suite, rejeté le recours.

12      S’agissant du motif absolu de refus d’enregistrement prévu à l’article 7, paragraphe 1, sous c), du règlement n° 207/2009, tiré du caractère descriptif des marques dont l’enregistrement est demandé, la chambre de recours a considéré que le public pertinent en ce qui concerne les services compris dans la classe 35 était constitué d’entreprises et qu’il s’agissait, de ce fait, d’un public professionnel. En ce qui concerne les services compris dans les autres classes, la chambre de recours a considéré qu’ils étaient destinés à un public composé en partie de professionnels actifs dans le domaine de la prophylaxie au sens large et en partie de la globalité des consommateurs, dont fait partie le public spécialisé dans le recours aux thérapies alternatives.

13      Le requérant aurait reconnu que les termes « matrix-energetics » décrivaient une thérapie alternative utilisée en Allemagne et en Autriche. Ce sens descriptif serait corroboré par les sites Internet en allemand auxquels se sont référés les tiers dans les observations qu’ils ont présentées à la suite de la publication de la marque demandée (voir point 5 ci-dessus) ainsi que par des extraits de sites Internet en anglais qui ont été communiqués par l’examinatrice au requérant. Dès lors, il serait établi, et au demeurant non contesté par le requérant, que le public allemand intéressé par la prophylaxie connaît les termes « matrix-energetics » comme désignant une méthode thérapeutique. À cet égard, le trait d’union qui unit les termes « matrix » et « energetics » dans le signe verbal dont l’enregistrement est demandé présenterait un caractère usuel dans la langue allemande et n’aurait aucune incidence sur la teneur conceptuelle des termes composant ce signe.

14      Dès lors, ce terme aurait un sens descriptif pour l’ensemble des services visés par la demande d’enregistrement, ceux-ci étant soit directement relatifs à des méthodes thérapeutiques, soit apparaissant liés à ces méthodes, s’agissant, notamment, des services de publicité ou de formation.

15      Le fait que le public pertinent puisse ne pas être à même de comprendre, au vu du signe en cause, en quoi consiste précisément la méthode thérapeutique que ce signe désigne serait dépourvu de pertinence, puisqu’il serait établi que le signe en cause désigne une méthode thérapeutique ou prophylactique particulière et non un prestataire concret.

16      Enfin, le requérant ne serait pas fondé à tirer argument du fait que l’enregistrement de la marque demandée lui permettrait de s’opposer à toute utilisation non autorisée de ce terme, dès lors que le motif absolu prévu à l’article 7, paragraphe 1, sous c), du règlement n° 207/2009 aurait précisément pour but de faire obstacle à ce qu’une indication présentant un caractère descriptif soit réservée à une seule entreprise et ne puisse faire l’objet d’une libre utilisation par tous.

17      S’agissant du motif absolu de refus prévu à l’article 7, paragraphe 1, sous b), du règlement n° 207/2009, la chambre de recours a relevé, en substance, que l’absence de caractère distinctif de la marque demandée pouvait se déduire de son caractère descriptif.

 Conclusions des parties

18      Le requérant conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        annuler la décision attaquée ;

–        condamner l’OHMI aux dépens.

19      L’OHMI conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        rejeter le recours ;

–        condamner le requérant aux dépens.

 En droit

20      À l’appui de son recours, le requérant invoque formellement deux moyens, respectivement tirés de la violation de l’article 7, paragraphe 1, sous c), du règlement n° 207/2009 et de l’article 7, paragraphe 1, sous b), du même règlement. Il présente en outre des arguments relatifs à la régularité de la procédure devant l’OHMI, qu’il convient d’examiner en premier lieu.

 Sur la régularité de la procédure devant l’OHMI

21      À l’appui de sa demande tendant à l’annulation de la décision attaquée, le requérant présente un grief relatif à la régularité de la procédure devant les instances de l’OHMI, tiré de ce que la prise en considération par l’examinatrice et par la chambre de recours d’observations présentées par des tiers a abouti à un résultat « inéquitable ».

22      D’une part, le requérant fait valoir que l’OHMI, avant de recevoir des observations relatives au caractère descriptif de la marque demandée, avait déclaré que l’enregistrement était possible.

23      Le requérant, toutefois, n’apporte aucune preuve de cette allégation.

24      Pour autant qu’il prétende que la publication de la demande de marque au Bulletin des marques communautaires doive être interprétée comme signifiant que l’OHMI avait implicitement mais nécessairement estimé qu’aucun motif absolu de refus ne s’opposait à l’enregistrement de la marque demandée, il suffit de rappeler que la publication d’une demande de marque ne fait pas obstacle à ce que l’OHMI oppose, à l’enregistrement de la marque en cause, l’un des motifs absolus prévus à l’article 7 du règlement n° 207/2009, lesquels peuvent être examinés à tout moment de la procédure d’enregistrement [voir, en ce sens, arrêt du Tribunal du 14 juin 2012, Seven Towns/OHMI (Représentation de sept carrés en différentes couleurs), T‑293/10, non publié au Recueil, points 32 et 33, et la jurisprudence citée].

25      En effet, il résulte de l’article 40 du règlement n° 207/2009 que la publication d’une demande de marque communautaire est notamment destinée à permettre aux tiers de faire valoir l’existence des motifs absolus de refus d’enregistrement visés à l’article 7 dudit règlement. Lorsque tel est le cas, l’OHMI est tenu, en vertu de l’article 40, paragraphe 2, du règlement n° 207/2009, de communiquer ces observations au demandeur et de lui permettre de prendre position. Or, il est constant que l’OHMI s’est conformé à cette obligation procédurale en l’espèce.

26      D’autre part, le requérant fait valoir que, dans une procédure distincte relative à une demande d’extension communautaire d’une marque internationale similaire, présentée à l’OHMI par l’un de ces concurrents, aucune observation en ce qui concerne cette autre marque n’a été présentée.

27      À cet égard, l’OHMI soutient, sans être contredit par le requérant, que, dans la procédure visant à l’enregistrement de cette autre marque en tant que marque communautaire, des tiers ont présenté les mêmes observations que celles dont il a tenu compte en l’espèce et que cette autre demande a été rejetée pour les mêmes motifs que ceux qui ont été retenus en l’espèce. L’argument du requérant doit donc être écarté comme manquant en fait.

28      Au surplus, il convient de rappeler qu’il ressort de la jurisprudence que l’OHMI est tenu d’exercer ses compétences en conformité avec les principes généraux du droit de l’Union européenne. Si, eu égard aux principes d’égalité de traitement et de bonne administration, l’OHMI doit prendre en considération les décisions déjà prises sur des demandes similaires et s’interroger avec une attention particulière sur le point de savoir s’il y a lieu ou non de décider dans le même sens, l’application de ces principes doit toutefois être conciliée avec le respect du principe de légalité. Au demeurant, pour des raisons de sécurité juridique et, précisément, de bonne administration, l’examen de toute demande d’enregistrement doit être strict et complet afin d’éviter que les marques ne soient enregistrées de manière indue. C’est ainsi qu’un tel examen doit avoir lieu dans chaque cas concret. En effet, l’enregistrement d’un signe en tant que marque dépend de critères spécifiques, applicables dans le cadre des circonstances factuelles du cas d’espèce, destinés à vérifier si le signe en cause ne relève pas d’un motif de refus (voir, en ce sens, arrêt de la Cour du 10 mars 2011, Agencja Wydawnicza Technopol/OHMI, C‑51/10 P, Rec. p. I‑1541, points 73 et 77, et la jurisprudence citée).

29      Or, même à supposer que le requérant entende soutenir que, en prenant en considération en l’espèce des observations de tiers, l’OHMI a méconnu sa pratique décisionnelle, force est de constater, premièrement, que le requérant n’apporte aucun argument de nature à établir l’existence d’une pratique administrative contraire à la prise en compte de telles observations. Dès lors, en tout état de cause, aucune violation du principe d’égalité de traitement ne saurait être établie en raison de la prise en compte en l’espèce des observations présentées par les tiers et relatives à l’application à la marque demandée du motif absolu de refus d’enregistrement visé à l’article 7, paragraphe 1, sous c), du règlement n° 207/2009.

30      Deuxièmement, l’examen de toute demande d’enregistrement devant être strict et complet afin d’éviter que les marques ne soient enregistrées de manière indue, la prise en considération par l’OHMI, au cours d’une procédure d’enregistrement, d’observations présentées par des tiers et relatives à l’application de l’un des motifs absolus de refus d’enregistrement prévus à l’article 7 du règlement n° 207/2009 n’est pas, par elle-même, contraire au principe de bonne administration.

31      Il résulte de ce qui précède que le requérant n’est pas fondé à soutenir que la décision attaquée aurait été adoptée à l’issue d’une procédure irrégulière.

 Sur l’application de l’article 7, paragraphe 1, sous c), du règlement n° 207/2009

32      Le requérant soutient que l’OHMI a fait une application erronée de l’article 7, paragraphe 1, sous c), du règlement n° 207/2009 en considérant, dans la décision attaquée, que cette disposition s’opposait à l’enregistrement de la marque demandée. En premier lieu, le requérant critique la définition du public pertinent retenue par l’OHMI. En deuxième lieu, il conteste la prise en considération d’éléments de preuve postérieurs à la date de la demande d’enregistrement. En troisième lieu, il fait valoir que l’OHMI a considéré à tort que le signe Matrix-Energetics serait perçu comme descriptif des services visés par la demande d’enregistrement.

33      L’OHMI conteste les arguments du requérant.

34      Il y a lieu de rappeler, à titre liminaire, que, selon l’article 7, paragraphe 1, sous c), du règlement n° 207/2009, sont refusées à l’enregistrement les marques descriptives, à savoir les marques composées exclusivement de signes ou d’indications pouvant servir pour désigner les caractéristiques des catégories de produits ou de services pour lesquelles l’enregistrement est demandé. Ce faisant, l’article 7, paragraphe 1, sous c), du règlement n° 207/2009 poursuit un but d’intérêt général, lequel exige que les signes ou indications descriptives des catégories de produits ou services pour lesquelles l’enregistrement est demandé puissent être librement utilisés par tous. Cette disposition empêche, dès lors, que de tels signes ou indications soient réservés à une seule entreprise en raison de leur enregistrement en tant que marque [arrêt de la Cour du 23 octobre 2003, OHMI/Wrigley, C‑191/01 P, Rec. p. I‑12447, points 29 à 31 ; arrêts du Tribunal du 12 juin 2007, MacLean-Fogg/OHMI (LOKTHREAD), T‑339/05, non publié au Recueil, point 27, et du 10 février 2010, O2 (Germany)/OHMI (Homezone), T‑344/07, Rec. p. II‑153, point 20].

35      Seules les indications directement descriptives sont refusées à l’enregistrement en vertu de l’article 7, paragraphe 1, sous c), du règlement n° 207/2009. À cet égard, il n’est cependant pas nécessaire que le signe visé par la demande d’enregistrement soit déjà connu en tant qu’indication descriptive, mais il suffit qu’il puisse être utilisé à de telles fins. L’OHMI n’a lui non plus pas à prouver que le signe demandé est déjà communément utilisé dans les communications commerciales et, notamment, publicitaires. Un signe verbal doit ainsi se voir opposer un refus d’enregistrement si, en au moins une de ses significations potentielles, il désigne une caractéristique des produits ou des services concernés (arrêt OHMI/Wrigley, point 34 supra, point 32).

36      Pour qu’un signe tombe sous le coup de l’interdiction énoncée par l’article 7, paragraphe 1, sous c), du règlement n° 207/2009, il faut qu’il présente avec les produits ou les services en cause un rapport suffisamment direct et concret de nature à permettre au public concerné de percevoir immédiatement une description des produits et des services en cause ou d’une de leurs caractéristiques [arrêts du Tribunal du 22 juin 2005, Metso Paper Automation/OHMI (PAPERLAB), T‑19/04, Rec. p. II‑2383, point 25, et LOKTHREAD, point 34 supra, point 29].

37      Le caractère descriptif d’un signe dépendant ainsi de sa perception par le public pertinent, il convient donc, dans un premier temps, d’examiner la question de savoir si le requérant établit que la chambre de recours a retenu une définition erronée de celui-ci.

 En ce qui concerne la définition du public pertinent

38      Au point 10 de la décision attaquée, la chambre de recours a estimé que, parmi les services visés par la marque demandée, ceux qui relevaient de la classe 35 s’adressaient à un public professionnel, alors que les autres services étaient destinés à la globalité des consommateurs, dont fait partie le public familiarisé avec les thérapies alternatives. Par ailleurs, aux points 11 et 12 de la même décision, la chambre de recours s’est référée à la perception du signe Matrix-Energetics par le public allemand et autrichien intéressé par la prophylaxie.

39      Le requérant fait valoir, tout en approuvant les appréciations selon lesquelles, d’une part, le public pertinent en ce qui concerne les services compris dans la classe 35 est composé de professionnels et, d’autre part, le public pertinent en ce qui concerne les autres services est le grand public constitué de la généralité des consommateurs, que la chambre de recours s’est contredite en ne prenant en considération que le point de vue du public allemand spécialisé.

40      Il convient d’emblée de constater que le requérant ne conteste pas l’appréciation de la chambre de recours selon laquelle le public pertinent en ce qui concerne les services relevant de la classe 35 visés par la marque demandée est un public spécialisé, constitué de professionnels. Cette appréciation doit être approuvée.

41      En ce qui concerne le public pertinent pour les autres services visés par la marque demandée, l’allégation du requérant selon laquelle la décision attaquée est entachée d’une contradiction procède d’une compréhension erronée des conditions de l’analyse à laquelle la chambre de recours était tenue de procéder en l’espèce.

42      En effet, l’OHMI, en vue de garantir l’effet utile de l’interdiction d’enregistrement des marques descriptives édictée à l’article 7, paragraphe 1, sous c), du règlement n° 207/2009, laquelle vise à assurer la possibilité, pour tous les opérateurs économiques, d’utiliser librement les termes, même techniques, désignant les caractéristiques des produits et des services qu’ils commercialisent, est en droit de tenir compte de la présence, au sein du grand public, d’une catégorie plus restreinte, composée des consommateurs auxquels les produits ou les services visés par la marque dont l’enregistrement est demandé sont particulièrement destinés [voir, en ce sens, arrêts du Tribunal du 17 septembre 2008, Prana Haus/OHMI (PRANAHAUS), T‑226/07, non publié au Recueil, points 26 à 29, et du 16 décembre 2010, Fidelio/OHMI (Hallux), T‑286/08, Rec. p. II‑6239, point 41].

43      Or, il est constant que les services visés par la marque demandée et compris dans les classes 41 et 44 comprennent, notamment, des actions de formation dans le domaine de la santé et du bien-être ainsi que des soins visant au bien-être et à la prévention de la santé physique et mentale. La chambre de recours était, par conséquent, fondée à tenir compte particulièrement de la perception du public intéressé par les techniques de prophylaxie.

44      Par ailleurs, le requérant revendiquant l’antériorité d’une marque nationale figurative enregistrée en Allemagne (voir point 2 ci-dessus), la chambre de recours était en droit de limiter son analyse à la perception de la marque demandée par le public germanophone de l’Union. En effet, il résulte de l’article 7, paragraphe 2, du règlement n° 207/2009 que le paragraphe 1 est applicable même si les motifs de refus n’existent que dans une partie de l’Union.

45      Il s’ensuit que, s’agissant des services visés par la marque demandée, la chambre de recours a pu, sans commettre d’erreur de droit, tenir compte particulièrement de la perception du signe Matrix-Energetics par le public allemand et autrichien intéressé par la prophylaxie pour apprécier si ce signe présentait un caractère descriptif.

 En ce qui concerne la date d’appréciation du caractère descriptif

46      Le requérant fait grief à la chambre de recours d’avoir fondé son appréciation du caractère descriptif de la marque demandée sur des éléments de preuve postérieurs à la date de dépôt de la marque demandée.

47      Il convient, à cet égard, de rappeler que, en vertu d’une jurisprudence constante, les instances de l’OHMI doivent, pour examiner si les motifs absolus visés à l’article 7, paragraphe 1, du règlement n° 207/2009 s’opposent à l’enregistrement d’une marque ou doivent entraîner la déclaration de la nullité d’une marque préalablement enregistrée, se placer à la date du dépôt de la demande d’enregistrement (voir, en ce sens, ordonnances de la Cour du 5 octobre 2004, Alcon/OHMI, C‑192/03 P, Rec. p. I‑8993, points 39 et 40 ; du 24 septembre 2009, Bateaux mouches/OHMI, C‑78/09 P, non publiée au Recueil, points 18 et 19, et du 23 avril 2010, OHMI/Frosch Touristik, C‑332/09 P, non publiée au Recueil, point 41).

48      S’il en allait autrement, la possibilité d’obtenir l’enregistrement d’une marque communautaire pourrait se trouver affectée par les événements survenus durant la procédure d’enregistrement et dépendrait de la durée de cette procédure. En effet, le droit conféré par la marque communautaire ne devenant opposable aux tiers qu’à compter de la date de la publication de son enregistrement, le demandeur d’une marque communautaire ne disposerait pas de la possibilité d’éviter que celle-ci ne devienne une dénomination générique usuelle et, partant, fasse l’objet d’un refus d’enregistrement fondé sur l’article 7, paragraphe 1, du règlement n° 207/2009 (voir, en ce sens, ordonnance Bateaux mouches/OHMI, point 47 supra, points 47 à 49).

49      Une telle obligation, cependant, n’exclut pas que les instances de l’OHMI puissent prendre en compte, le cas échéant, des éléments de preuve postérieurs à la demande d’enregistrement, pour autant que ceux-ci permettent de tirer des conclusions sur la situation telle qu’elle se présentait à cette même date (voir, en ce sens, arrêt de la Cour du 17 juillet 2008, L & D/OHMI, C‑488/06 P, Rec. p. I‑5725, point 71, et la jurisprudence citée).

50      À cet égard, il convient de relever que, pour trouver à s’appliquer, le motif absolu de refus d’enregistrement visé à l’article 7, paragraphe 1, sous c), du règlement n° 207/2009 ne suppose pas que le signe en cause soit effectivement utilisé de manière descriptive à la date de la demande d’enregistrement, mais qu’il soit susceptible de l’être [arrêt OHMI/Wrigley, point 34 supra, point 31, et arrêt du Tribunal du 7 juin 2011, Psytech International/OHMI – Institute for Personality & Ability Testing (16PF), T‑507/08, non publié au Recueil, point 45].

51      Par suite, le requérant n’est pas fondé à soutenir que la seule prise en compte d’éléments de preuve postérieurs dans la décision attaquée suffit pour établir que la chambre de recours s’est placée à une autre date que celle de la demande d’enregistrement de la marque en cause en l’espèce pour examiner la question de savoir si celle-ci présentait un caractère descriptif.

 En ce qui concerne le caractère descriptif de la marque demandée

52      Dans la décision attaquée, la chambre de recours a considéré que le signe Matrix-Energetics était descriptif de l’ensemble des services visés par la demande d’enregistrement, motif pris de ce que les termes « matrix-energetics » désignaient, du point de vue du public allemand et autrichien, une méthode de thérapie alternative et que l’ensemble des services visés par la marque demandée présentaient ou étaient susceptibles de présenter un rapport avec une telle méthode.

53      Pour établir que les termes « matrix-energetics » désignaient une méthode de thérapie alternative, la chambre de recours s’est notamment fondée sur les extraits de plusieurs sites Internet, en allemand et en anglais, produits par des tiers ou soumis par l’examinatrice dans ses observations, selon lesquels, à la date du 15 décembre 2009, plus de 2 000 prestataires appliquaient cette méthode ou avaient suivi des séminaires de formation relatifs à cette méthode.

54      Or, ainsi que le fait valoir l’OHMI dans le mémoire en réponse, une telle utilisation, attestée par plusieurs sources différentes, doit être considérée comme présentant un caractère massif, lequel est suffisant pour permettre de considérer que, à la date du dépôt de la demande d’enregistrement présentée par le requérant, à savoir le 12 mai 2009 (voir point 1 ci-dessus), soit à peine sept mois auparavant, le public germanophone intéressé par les méthodes de thérapies alternatives était familiarisé avec le terme en cause ou, à tout le moins, susceptible de le devenir.

55      Dès lors, à l’instar de la chambre de recours, il convient de constater que l’ensemble des services visés par la demande d’enregistrement, s’ils étaient commercialisés sous la dénomination Matrix-Energetics, seraient susceptibles de présenter un lien direct avec les méthodes de thérapie alternative que ces termes désignent.

56      Ainsi, la chambre de recours a relevé à juste titre au point 13 de la décision attaquée que les services de publicité relevant de la classe 35 étaient susceptibles de viser à la promotion de la méthode thérapeutique désignée par les termes « matrix-energetics » ou d’entreprises proposant cette méthode ou des formations relatives à celle-ci.

57      De même, c’est à bon droit que la chambre de recours a considéré, au point 14 de la décision attaquée, que les congrès et les actions de formation relevant de la classe 41, lesquels, aux termes de la demande d’enregistrement, concernaient particulièrement les domaines de la santé et du bien-être physique et mental, pouvaient porter sur la méthode thérapeutique désignée par les termes « matrix-energetics ».

58      Enfin, c’est sans commettre d’erreur que la chambre de recours a considéré, au point 15 de la décision attaquée, que les soins de santé et de beauté visant en particulier au soutien du bien-être physique, émotionnel et mental relevant de la classe 44 pouvaient être fournis en recourant à une méthode de thérapie alternative, telle que celle désignée par les termes « matrix-energetics ».

59      Il résulte de ce qui précède que la chambre de recours est parvenue à démontrer que, du point de vue du public pertinent, existait un rapport suffisamment direct et concret entre la signification des termes « matrix-energetics » et la nature ou l’objet de l’ensemble des services visés par la marque demandée. Il s’ensuit que la chambre de recours en a déduit à bon droit que le motif absolu de refus prévu à l’article 7, paragraphe 1, sous c), du règlement n° 207/2009 faisait obstacle à l’enregistrement de la marque demandée.

60      Aucun des arguments présentés par le requérant n’est de nature à infirmer cette appréciation.

61      Premièrement, le fait que les termes « matrix-energetics » constituent une dénomination de fantaisie et qu’ils ne décrivent pas d’une manière directe et immédiate les caractéristiques intrinsèques de la méthode de thérapie qu’ils désignent n’est pas de nature à priver le signe en cause de son caractère descriptif, puisque la chambre de recours a établi que le public pertinent était en mesure de le percevoir comme désignant une telle méthode.

62      Deuxièmement, le fait, à le supposer établi, que le requérant ait personnellement adapté une méthode de thérapie alternative dénommée « matrix-energetics », laquelle se distinguerait de celle commercialisée par ses concurrents, n’est pas de nature à faire obstacle à l’utilisation générique de ces termes par plusieurs milliers de prestataires différents. Or, c’est en raison de cette utilisation générique et massive que la chambre de recours a considéré que ces termes présentaient un caractère descriptif, dans l’esprit du public pertinent, eu égard aux services visés par la marque demandée. Tout au plus, un tel argument, lequel n’est en l’espèce, en tout état de cause, nullement démontré, aurait-il pu être invoqué au fondement d’une demande tendant à ce que l’OHMI reconnaisse à la marque demandée l’acquisition d’un caractère distinctif en raison de son usage, en application de l’article 7, paragraphe 3, du règlement n° 207/2009. Or, le requérant ne s’est pas prévalu de cette circonstance devant l’OHMI et cette question demeure donc étrangère au présent litige.

63      Troisièmement, l’allégation du requérant selon laquelle la chambre de recours a dénaturé son argumentation lorsqu’elle a affirmé qu’il avait lui-même reconnu que les termes « matrix-energetics » faisaient l’objet d’une utilisation générique est inopérante. En effet, la chambre de recours ne s’est pas fondée principalement sur la reconnaissance d’un tel usage par le requérant dans ses écritures, mais sur des éléments de preuve extérieurs, lesquels, ainsi qu’il a été jugé au point 54 ci-dessus, suffisent pour établir que, dans l’esprit du public pertinent, les termes « matrix-energetics » désignaient une méthode thérapeutique commercialisée par plusieurs prestataires. Or, cette pluralité d’entreprises suffit à exclure que les mêmes termes, désignant tous une méthode thérapeutique, puisse remplir, pour chacune de ces entreprises, la fonction d’indicateur de l’origine commerciale des services dévolue à la marque communautaire.

64      Quatrièmement, l’enregistrement de deux marques nationales par le Deutsches Patent- und Markenamt (Office des brevets et des marques allemand), s’il peut, comme le fait valoir le requérant, être considéré comme constituant un indice de l’absence de caractère descriptif, au sens de l’article 3, paragraphe 1, sous c), de la première directive 89/104/CEE du Conseil, du 21 décembre 1988, rapprochant la législation des États membres sur les marques (JO 1989, L 40, p. 1), et, partant, des dispositions analogues de l’article 7, paragraphe 1, sous c), du règlement n° 207/2009, ne constitue pas pour autant un précédent dont le respect s’impose à la chambre de recours.

65      En effet, le régime de la marque communautaire est un système autonome, constitué d’un ensemble de règles et poursuivant des objectifs qui lui sont spécifiques, son application étant indépendante de tout système national. Dès lors, le caractère enregistrable d’un signe en tant que marque communautaire ne doit être apprécié que sur le fondement de la réglementation pertinente. L’OHMI et, le cas échéant, le juge de l’Union ne sont pas liés par une décision intervenue dans un État membre ou un pays tiers admettant le caractère enregistrable de ce même signe en tant que marque nationale. Tel est le cas même si une telle décision a été prise en application d’une législation nationale harmonisée en vertu de la directive 89/104, ou encore dans un pays appartenant à la zone linguistique dans laquelle le signe verbal en cause trouve son origine (voir arrêt PAPERLAB, point 36 supra, point 37, et la jurisprudence citée).

66      Cinquièmement, et sans qu’il soit besoin de se prononcer sur la recevabilité de l’annexe A 7, produite pour la première fois en cours d’instance, le seul fait que plus de 900 000 noms de domaine de site Internet aient été enregistrés entre la date de priorité revendiquée par la marque demandée et la date à laquelle des tiers ont présenté leurs observations n’est pas de nature à établir que les plus de 2 000 prestataires utilisant dans la vie des affaires sur Internet les termes « matrix-energetics » pour désigner une méthode de thérapie alternative n’avaient pas commencé à utiliser ce terme à la date du dépôt de la demande d’enregistrement présentée par le requérant. Au contraire, ainsi qu’il a été relevé au point 54 ci-dessus, le caractère massif de l’utilisation de ladite expression suffit pour établir que, à cette date, soit à peine sept mois auparavant, il était raisonnable d’envisager que les termes « matrix-energetics » étaient déjà utilisés ou étaient susceptibles d’être utilisés selon la signification établie par la chambre de recours.

67      Il résulte de ce qui précède que le moyen tiré par le requérant de la violation de l’article 7, paragraphe 1, sous c), du règlement n° 207/2009 doit être écarté.

 Sur le moyen tiré de la violation de l’article 7, paragraphe 1, sous b), du règlement n° 207/2009

68      Il ressort de l’article 7, paragraphe 1, du règlement n° 207/2009 qu’il suffit que l’un des motifs absolus de refus énumérés par cette disposition s’applique pour qu’un signe ne puisse être enregistré comme marque communautaire [voir arrêt du Tribunal du 26 octobre 2000, Community Concepts/OHMI (Investorworld), T‑360/99, Rec. p. II‑3545, point 26, et la jurisprudence citée].

69      Dès lors qu’il vient d’être considéré que la chambre de recours a estimé à bon droit que le motif absolu de refus prévu à l’article 7, paragraphe 1, sous c), du règlement n° 207/2009 s’opposait à l’enregistrement de la marque demandée, il n’est donc pas nécessaire de se prononcer sur le bien-fondé du moyen tiré par le requérant de la violation de l’article 7, paragraphe 1, sous b), du règlement n° 207/2009.

70      Il résulte de tout ce qui précède que le présent recours doit être rejeté.

 Sur les dépens

71      Aux termes de l’article 87, paragraphe 2, du règlement de procédure du Tribunal, toute partie qui succombe est condamnée aux dépens, s’il est conclu en ce sens. Le requérant ayant succombé, il y a lieu de le condamner aux dépens, conformément aux conclusions de l’OHMI.

Par ces motifs,

LE TRIBUNAL (sixième chambre)

déclare et arrête :

1)      Le recours est rejeté.

2)      M. Günter Heede est condamné aux dépens.

Frimodt Nielsen

Dehousse

Collins

Ainsi prononcé en audience publique à Luxembourg, le 21 novembre 2013.

Signatures


* Langue de procédure : l’allemand.