Language of document : ECLI:EU:T:2010:171

DOCUMENT DE TRAVAIL

ARRÊT DU TRIBUNAL (septième chambre)

29 avril 2010 (*)

« Marque communautaire – Demande de marque communautaire verbale BIOPIETRA – Motif absolu de refus – Absence de caractère distinctif – Article 7, paragraphe 1, sous b), du règlement (CE) n° 40/94 [devenu article 7, paragraphe 1, sous b), du règlement (CE) n° 207/2009] »

Dans l’affaire T‑586/08,

Kerma SpA, établie à Raffa di Puegnago sul Garda (Italie), représentée par MA. Manzoni, avocat,

partie requérante,

contre

Office de l’harmonisation dans le marché intérieur (marques, dessins et modèles) (OHMI), représenté par M. O. Montalto, en qualité d’agent,

partie défenderesse,

ayant pour objet un recours formé contre la décision de la première chambre de recours de l’OHMI du 16 octobre 2008 (affaire R 889/2008‑1), concernant une demande d’enregistrement du signe verbal BIOPIETRA comme marque communautaire,

LE TRIBUNAL (septième chambre),

composé de MM. N. J. Forwood, président, E. Moavero Milanesi (rapporteur) et J. Schwarcz, juges,

greffier : Mme K. Pocheć, administrateur,

vu la requête déposée au greffe du Tribunal le 24 décembre 2008,

vu le mémoire en réponse déposé au greffe du Tribunal le 17 mars 2009,

à la suite de l’audience du 20 janvier 2010,

rend le présent

Arrêt

 Antécédents du litige

1        Le 1er février 2007, la requérante, Kerma SpA, a présenté une demande d’enregistrement de marque communautaire à l’Office de l’harmonisation dans le marché intérieur (marques, dessins et modèles) (OHMI), en vertu du règlement (CE) n° 40/94 du Conseil, du 20 décembre 1993, sur la marque communautaire (JO 1994, L 11, p. 1), tel que modifié [remplacé par le règlement (CE) n° 207/2009 du Conseil, du 26 février 2009, sur la marque communautaire (JO L 78, p. 1)].

2        La marque dont l’enregistrement a été demandé est le signe verbal BIOPIETRA.

3        Les produits pour lesquels l’enregistrement a été demandé relèvent de la classe 19 au sens de l’arrangement de Nice concernant la classification internationale des produits et des services aux fins de l’enregistrement des marques, du 15 juin 1957, tel que révisé et modifié, et correspondent à la description suivante : « Matériaux de construction non métalliques ; pierres ; produits manufacturés de ciment amalgamé à de la pierre moulue et autres agglomérés reproduisant des pavements et des revêtements de type briques à vue, pierres taillées, dalles ; pavés ; dalles de soupente ; reproductions de fossiles ; reproduction de marbre, de granit ; monuments transportables non métalliques ; constructions transportables non métalliques ».

4        Par décision du 17 avril 2008, l’examinateur a rejeté la demande d’enregistrement pour les produits en cause en application de l’article 7, paragraphe 1, sous b) et c), du règlement n° 40/94 [devenu article 7, paragraphe 1, sous b) et c), du règlement n° 207/2009] et de l’article 7, paragraphe 2, du règlement n° 40/94 [devenu article 7, paragraphe 2, du règlement n° 207/2009].

5        Le 12 juin 2008, la requérante a formé un recours auprès de l’OHMI contre la décision de l’examinateur.

6        Par décision du 16 octobre 2008 (ci-après la « décision attaquée »), la première chambre de recours de l’OHMI a rejeté le recours. En particulier, elle a considéré que le signe verbal BIOPIETRA était dépourvu de caractère distinctif et qu’il y avait donc lieu de refuser son enregistrement en vertu de l’article 7, paragraphe 1, sous b), du règlement n° 40/94.

7        D’une part, la chambre de recours a constaté que les produits visés concernaient l’industrie de la construction et qu’ils étaient ainsi destinés aux professionnels du secteur – maçons, entrepreneurs de construction, architectes, entreprises spécialisées dans la réhabilitation, etc. – et, de manière marginale, au consommateur final qui achète des matériaux pour le bricolage.

8        D’autre part, la chambre de recours a constaté que, pour le consommateur de langue italienne, le signe verbal en cause se décomposait en deux termes, à savoir « bio » et « pietra ». Or, le premier mot serait un préfixe couramment utilisé pour faire référence à l’environnement et, plus largement, à l’écologie, comme le démontreraient par exemple les termes « bioagriculture », « biocarburant » ou « bioénergie ». Quant au second mot, il s’agirait d’un matériau largement utilisé dans la construction. Ainsi, selon la chambre de recours, même si le terme « biopietra » n’existe pas, il sera perçu par un consommateur qui s’intéresse aux matériaux de construction comme faisant référence à une caractéristique des produits, telle que le fait que la pierre est extraite dans le respect de l’environnement, et non comme une marque exclusive d’un fabricant.

 Conclusions des parties

9        La requérante conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        déclarer que la marque BIOPIETRA est conforme à l’article 4 du règlement n° 40/94 [devenu article 4 du règlement n° 207/2009] et qu’elle n’est pas dépourvue de caractère distinctif au sens de l’article 7, paragraphe 1, sous b), de ce même règlement ;

–        condamner l’OHMI aux dépens.

10      L’OHMI conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        rejeter le recours ;

–        condamner la requérante aux dépens.

11      Lors de l’audience, en réponse à une question posée par le Tribunal rappelant la jurisprudence communautaire concernant les jugements déclaratoires [voir arrêt du Tribunal du 10 juin 2008, Gabel Industria Tessile/OHMI – Creaciones Garel (GABEL), T‑85/07, Rec. p. II‑823, point 17, et la jurisprudence citée], la requérante a indiqué que, bien que son premier chef de conclusions vise à ce que le Tribunal déclare que le signe BIOPIETRA est conforme à l’article 4 du règlement n° 40/94 et qu’il possède un caractère distinctif au sens de l’article 7, paragraphe 1, sous b), de ce même règlement, le présent recours tendait en réalité à obtenir l’annulation de la décision attaquée, ce dont il a été pris acte dans le procès-verbal de l’audience. L’OHMI n’a pas émis d’objections à cet égard.

12      Dès lors, il y a lieu de considérer que, par son premier chef de conclusions, la requérante demande l’annulation de la décision attaquée.

 En droit

13      La requérante soulève, en substance, un moyen unique, tiré de la violation de l’article 7, paragraphe 1, sous b), du règlement n° 40/94. En particulier, la requérante fait valoir que la chambre de recours a, d’une part, erronément interprété le terme « bio » et, d’autre part, erronément apprécié le signe BIOPIETRA dans son ensemble.

14      À cet égard, il convient de rappeler que, conformément à l’article 7, paragraphe 1, sous b), du règlement n° 40/94, sont refusées à l’enregistrement « les marques qui sont dépourvues de caractère distinctif ». En outre, l’article 7, paragraphe 2, dudit règlement énonce que « [l]e paragraphe 1 est applicable même si les motifs de refus n’existent que dans une partie de la Communauté ».

15      En vertu de la jurisprudence de la Cour, il y a lieu d’interpréter un motif absolu de refus à la lumière de l’intérêt général qui le sous-tend. S’agissant de l’article 7, paragraphe 1, sous b), du règlement n° 40/94, la notion d’intérêt général se confond, à l’évidence, avec la fonction essentielle de la marque, qui est de garantir au consommateur l’identité d’origine du produit ou du service désigné par la marque, en lui permettant de distinguer sans confusion possible ce produit ou ce service de ceux qui ont une autre provenance (voir arrêt de la Cour du 8 mai 2008, Eurohypo/OHMI, C‑304/06 P, Rec. p. I‑3297, points 55 et 56, et la jurisprudence citée).

16      Il s’ensuit que le caractère distinctif d’une marque, au sens de l’article 7, paragraphe 1, sous b), du règlement n° 40/94, signifie que cette marque permet d’identifier le produit pour lequel l’enregistrement a été demandé comme provenant d’une entreprise déterminée et donc de distinguer ce produit de ceux d’autres entreprises (voir arrêt de la Cour du 29 avril 2004, Henkel/OHMI, C‑456/01 P et C‑457/01 P, Rec. p. I‑5089, point 34, et la jurisprudence citée).

17      Par ailleurs, il résulte d’une jurisprudence constante que ce caractère distinctif doit être apprécié, d’une part, par rapport aux produits ou aux services pour lesquels l’enregistrement a été demandé et, d’autre part, par rapport à la perception qu’en a le public pertinent, qui est constitué par le consommateur moyen desdits produits ou services (arrêts de la Cour du 29 avril 2004, Procter & Gamble/OHMI, C‑473/01 P et C‑474/01 P, Rec. p. I‑5173, point 33, et du 22 juin 2006, Storck/OHMI, C‑25/05 P, Rec. p. I‑5719, point 25). Le niveau d’attention du consommateur moyen, censé être normalement informé et raisonnablement attentif et avisé, est susceptible de varier en fonction de la catégorie de produits ou de services en cause [arrêts de la Cour du 22 juin 1999, Lloyd Schuhfabrik Meyer, C‑342/97, Rec. p. I‑3819, point 26, et du Tribunal du 10 octobre 2007, Bang & Olufsen/OHMI (Forme d’un haut‑parleur), T‑460/05, Rec. p. II‑4207, point 32].

18      C’est à la lumière de ces considérations qu’il convient d’examiner si le signe verbal BIOPIETRA est dépourvu de caractère distinctif, au sens de l’article 7, paragraphe 1, sous b), du règlement n° 40/94.

19      En premier lieu, en ce qui concerne le public pertinent, il y a lieu de constater que les produits en cause, énoncés au point 3 ci-dessus, sont utilisés dans le domaine de la construction et/ou de la rénovation de biens immobiliers. Ainsi que l’a indiqué à juste titre la chambre de recours au point 9 de la décision attaquée, ces produits sont ainsi destinés en particulier aux professionnels de ce secteur, à savoir les maçons, les entrepreneurs spécialisés dans la construction et/ou dans la rénovation, les architectes, etc.

20      Cependant, les produits en cause ne sont pas uniquement destinés à ces professionnels du secteur, mais également, comme l’a indiqué la requérante lors de l’audience, aux consommateurs finaux désirant acheter des matériaux de construction et/ou de rénovation par l’intermédiaire d’un de ces professionnels ou, éventuellement, d’un distributeur des produits en cause. Ces consommateurs finaux ne sont ni à considérer de manière marginale, contrairement à ce que la chambre de recours a indiqué au point 9 de la décision attaquée, ni obligatoirement propriétaires des biens immobiliers sur lesquels les produits concernés pourront être appliqués, contrairement à ce que la requérante a soutenu dans la requête.

21      Pour apprécier le caractère distinctif du signe verbal BIOPIETRA, il convient donc de tenir compte de la perception du public professionnel dans le domaine de la construction et/ou de la rénovation de biens immobiliers, ainsi que de celle du grand public désirant acheter des matériaux de construction et/ou de rénovation. Au surplus, le signe verbal en cause étant composé de termes appartenant à la langue italienne, c’est au regard du public possédant une connaissance suffisante de la langue italienne que doit se faire cette appréciation, ainsi qu’il ressort des points 10 et 17 de la décision attaquée.

22      En second lieu, il s’agit d’examiner si la marque BIOPIETRA permet au consommateur d’identifier l’origine des produits qu’elle désigne, en lui permettant de distinguer, sans confusion possible, ces produits de ceux qui ont une autre provenance. En effet, lorsque, dans le domaine visé par la marque, le public pertinent perçoit un signe comme fournissant des informations sur la nature des produits ou des services qu’elle désigne et non comme indiquant l’origine des produits ou des services en cause, la marque ne satisfait pas aux conditions prévues par l’article 7, paragraphe 1, sous b), du règlement n° 40/94 [voir, en ce sens, arrêt Eurohypo/OHMI, précité, point 69, et arrêt du Tribunal du 10 décembre 2008, Bateaux mouches/OHMI – Castanet (BATEAUX MOUCHES), T‑365/06, non publié au Recueil, point 19].

23      À cet égard, il est constant que le signe BIOPIETRA se décompose aisément et résulte de la juxtaposition des éléments verbaux « bio » et « pietra ».

24      Il est vrai que, au sens strict du terme, qui dérive du grec, l’élément verbal « bio » signifie « vie » ou « vivant ». Il est également vrai que le terme « bio » constitue l’abréviation de l’adjectif « biologique », dont le terme « organique » est un synonyme.

25      Cependant, force est de constater que, au-delà de leur sens originaire cité au point 24 ci-dessus, l’adjectif « biologique » et l’élément verbal « bio » ont acquis un sens différent dans le langage courant. En particulier, dans le commerce, l’utilisation du terme « bio » comme préfixe ou suffixe a acquis aujourd’hui une portée hautement évocatrice, qui peut éventuellement être perçue d’une manière différente selon le produit mis en vente auquel il est rattaché, mais qui, de manière générale, renvoie à l’idée de respect de l’environnement, de l’utilisation de matières naturelles, voire de procédés de fabrication écologiques. La requérante elle-même reconnaît d’ailleurs, au point 3 de la requête, que ce qui est « biologique » peut, dans certains cas, être synonyme d’« écologique ». Or, le mot « écologique » se définit comme « relatif à l’écologie », « qui respecte l’environnement ». La signification de différents termes construits avec le préfixe « bio » confirme d’ailleurs une telle constatation, en ce qu’elle révèle un rapport certain avec les questions liées à l’environnement et à l’écologie. Tel est le cas des mots « bioarchitecture », « bioagriculture », « biocarburant », ou « biodégradable », cités par la chambre de recours au point 12 de la décision attaquée.

26      Ainsi, et selon le produit mis sur le marché, le terme « bio » sera perçu comme fournissant des informations sur le fait qu’il s’agit d’un produit fabriqué à base de matières naturelles, dans des conditions respectueuses de la nature et de l’environnement, et qui ne serait pas nuisible à la nature et à la santé. Tel sera le cas, en particulier, des produits utilisés dans l’industrie, tels que les matériaux de construction.

27      En conséquence, et compte tenu des significations possibles du terme « bio » développées aux points 24 et 25 ci-dessus, c’est notamment au regard de sa signification qui renvoie à l’écologie et au respect de la nature et de l’environnement que le caractère distinctif, au sens de l’article 7, paragraphe 1, sous b), du règlement n° 40/94, d’une marque verbale composée de l’élément verbal « bio » doit aujourd’hui, le cas échéant, être apprécié. Dans ce contexte, eu égard à la portée actuelle, susmentionnée, hautement évocatrice, du terme « bio », les autres éléments verbaux de la marque dont l’enregistrement est demandé pourraient être importants pour établir le caractère distinctif de celle-ci.

28      Quant au terme « pietra », il convient de relever qu’il dérive d’un mot latin et qu’il désigne une matière minérale solide et dure, qui est utilisée comme un matériau pour la construction et/ou la rénovation. Il peut s’agir d’une pierre naturelle, d’une pierre reconstituée ou même de la poudre ou des particules de pierre qui entrent dans la composition d’autres produits, également utilisés comme matériaux de construction et/ou de rénovation.

29      Il s’ensuit que, s’agissant de produits utilisés dans le domaine de la construction et/ou de la rénovation de biens immobiliers, tant le terme « bio » que le terme « pietra », pris séparément, fournissent des informations ayant trait à la nature de ces produits. Plus précisément, le terme « pietra » donne des indications tenant à la nature même de ces produits, dont la matière première est la pierre ou la poudre de pierre, qui sont des matériaux solides. Le terme « bio », quant à lui, rapporté plus particulièrement aux produits en cause, sera associé à la propriété fondamentale que possède un produit de construction et/ou de rénovation fabriqué à base de matières naturelles et extrait dans le respect de l’environnement.

30      Cependant, afin d’apprécier si une marque est ou non dépourvue de caractère distinctif, il convient de prendre en considération l’impression d’ensemble qu’elle produit (voir, en ce sens, arrêt de la Cour du 19 septembre 2002, DKV/OHMI, C‑104/00 P, Rec. p. I‑7561, point 24).

31      En l’espèce, premièrement, d’un point de vue sémantique, le terme « biopietra », pris dans son ensemble et signifiant littéralement « pierre biologique », sera compris, au vu des considérations énoncées aux points 24 à 29 ci-dessus, non dans le sens de « pierre organique », mais dans celui de « pierre écologique ».

32      En effet, pour le public pertinent, la référence à la nature biologique de la pierre, au sens strict d’origine de l’élément verbal « bio », ne sera pas celle qui sera perçue de prime abord. Même si le terme « biopietra » n’existe pas, il évoquera chez le public pertinent, l’impression générale, ainsi que l’a indiqué à juste titre la chambre de recours au point 15 de la décision attaquée, par exemple, que la pierre a été extraite dans le respect de l’environnement, ou que le matériau est compatible avec les normes de la bioarchitecture, ou encore qu’il s’agit d’une nouvelle brique semblable à la pierre et ayant des propriétés écologiques élevées.

33      Il en découle que, pris ensemble, les termes « bio » et « pietra » combineront toutes les particularités qui s’attachent à chacun d’eux, pris séparément, énoncées au point 29 ci-dessus.

34      À cet égard, le signe verbal BIOPIETRA ne sera pas perçu comme indiquant l’origine des produits en cause, à savoir qu’il s’agit de produits fabriqués et commercialisés par la requérante, mais comme une simple indication de la nature de ces produits, à savoir qu’il s’agit de pierres ou de matériaux à base de pierres, de type écologique. Le signe demandé ne permettant pas de distinguer les produits en cause de ceux provenant d’autres entreprises, il ne saurait être distinctif au sens de l’article 7, paragraphe 1, sous b), du règlement n° 40/94. Une telle conclusion, ainsi que les considérations énoncées aux points 23 à 33 ci-dessus, valent pour l’ensemble du public pertinent.

35      Cette conclusion n’est pas remise en cause par les arguments de la requérante selon lesquels le terme « biopietra » ne signifierait pas nécessairement « pierre écologique », mais « pierre vivante » ou « pierre organique », et constituerait à cet égard un « néologisme formé d’un oxymore ». En effet, au vu des développements exposés aux points 31 à 34 ci-dessus, la signification de « pierre écologique » sera celle comprise d’emblée par le public pertinent. En tout état de cause, il convient de rappeler que, pour se voir opposer un refus d’enregistrement, il suffit qu’un signe verbal, en au moins une de ses significations potentielles, désigne une caractéristique des produits ou des services concernés [voir, en ce sens, la jurisprudence applicable par analogie en l’espèce, concernant l’article 7, paragraphe 1, sous c), du règlement n° 40/94, arrêts de la Cour du 23 octobre 2003, OHMI/Wrigley, C‑191/01 P, Rec. p. I‑12447, point 32, et du 12 février 2004, Campina Melkunie, C‑265/00, Rec. p. I‑1699, point 38]. Or, au regard de sa signification de « pierre écologique », le signe BIOPIETRA sera perçu comme fournissant des informations sur la nature des produits concernés.

36      L’argument de la requérante selon lequel le terme « biologique » et l’élément verbal « bio » ont une signification qui ne pourrait pas directement, immédiatement et exclusivement être associée au terme « écologique » et au préfixe « éco », car il existerait des substances, telles que la dioxine ou la percolat, qui, si elles sont de nature biologique ou organique, ne sont nullement écologiques, ne saurait davantage être retenu. En effet, à supposer même qu’une éventuelle minorité de consommateurs puisse effectivement comprendre le mot « bio » dans le sens d’« organique » et savoir que tout ce qui est organique n’est pas nécessairement écologique, eu égard aux produits concernés, cette même minorité de consommateurs percevra également et immédiatement l’autre sens de ce mot, à savoir « écologique ».

37      Enfin, l’argument de la requérante, exposé lors de l’audience, tiré de la référence aux marques communautaires LIFESTONE et NEWSTONE, qui, ainsi que l’a confirmé l’OHMI, ont été enregistrées récemment, également pour des produits relevant de la classe 19, doit aussi être écarté. Outre le fait que le Tribunal ne possède aucun élément quant à ces marques, il y a lieu de rappeler la jurisprudence communautaire bien établie selon laquelle les décisions concernant l’enregistrement d’un signe en tant que marque communautaire, que les chambres de recours sont amenées à prendre en vertu du règlement n° 40/94, relèvent d’une compétence liée et non d’un pouvoir discrétionnaire. Dès lors, le caractère enregistrable d’un signe en tant que marque communautaire ne doit être apprécié que sur la base de la réglementation communautaire pertinente telle qu’interprétée par le juge communautaire et non pas sur la base d’une prétendue pratique décisionnelle antérieure divergente des chambres de recours [voir, en ce sens, arrêt de la Cour du 15 septembre 2005, BioID/OHMI, C‑37/03 P, Rec. p. I‑7975, point 47 ; arrêt du Tribunal du 2 juillet 2002, SAT.1/OHMI (SAT.2), T‑323/00, Rec. p. II‑2839, point 60, non invalidé sur ce point par l’arrêt de la Cour du 16 septembre 2004, SAT.1/OHMI, C‑329/02 P, Rec. p. I‑8317].

38      Deuxièmement, d’un point de vue syntaxique, il convient d’observer d’emblée que la juxtaposition des deux mots qui composent le terme « biopietra » n’est pas à ce point inhabituelle dans sa structure qu’elle constitue un terme inconnu et incompréhensible de la langue italienne pour désigner les produits en cause et, plus précisément, pour fournir des informations quant à leur nature. Le terme « biopietra » constitue un néologisme qui, en tant que tel, n’apparaît pas contraire aux règles grammaticales italiennes. Il existe par ailleurs de nombreux substantifs ou adjectifs, dans le dictionnaire italien, composés de l’élément verbal « bio », dont certains sont mentionnés au point 25 ci-dessus.

39      Troisièmement, il convient de relever que cette analyse vaut pour l’ensemble des produits concernés. En effet, comme la requérante l’a confirmé lors de l’audience en réponse à une question posée par le Tribunal à cet égard, tous les produits concernés sont fabriqués en pierre et/ou en poudre de pierre.

40      Quatrièmement, l’argument de la requérante selon lequel la chambre de recours a analysé le signe en cause comme s’il s’agissait du signe verbal ECOPIETRA et qu’elle a, de ce fait, « statué ultra petita » doit être écarté. En effet, il ressort clairement des points 10 à 13 de la décision attaquée que la chambre de recours a fondé son analyse sur les éléments verbaux « bio » et « pietra ». Elle a ensuite explicitement examiné, aux points 14 et 15 de la décision attaquée, le signe verbal BIOPIETRA, et non ECOPIETRA. En tout état de cause, en se référant à plusieurs reprises à l’environnement et, plus largement, à l’écologie, la chambre de recours a fait une exacte appréciation du signe verbal en cause. En toute hypothèse, il y a lieu de rappeler que, dans le cadre de la mise en œuvre du règlement n° 40/94, il appartient à la chambre de recours de rechercher s’il existe des motifs absolus de refus du signe dont l’enregistrement a été demandé et d’examiner, à cet effet, tous les éléments permettant de statuer sur le caractère distinctif d’un tel signe.

41      Sans qu’il soit besoin d’examiner la recevabilité des annexes A 3 à A 9 de la requête et des annexes B 1 à B 5 du mémoire en réponse, sur lesquelles le Tribunal ne s’est pas fondé, il résulte de tout ce qui précède que la chambre de recours a pu conclure, à bon droit, que le signe verbal BIOPIETRA était dépourvu de caractère distinctif au sens de l’article 7, paragraphe 1, sous b), du règlement n° 40/94.

42      En conséquence, il convient de rejeter le moyen unique soulevé par la requérante et, partant, le recours dans son ensemble.

 Sur les dépens

43      Aux termes de l’article 87, paragraphe 2, du règlement de procédure du Tribunal, toute partie qui succombe est condamnée aux dépens, s’il est conclu en ce sens. La requérante ayant succombé, il y a lieu de la condamner aux dépens, conformément aux conclusions de l’OHMI.

Par ces motifs,

LE TRIBUNAL (septième chambre)

déclare et arrête :

1)      Le recours est rejeté.

2)      Kerma SpA est condamnée aux dépens.

Forwood

Moavero Milanesi

Schwarcz

Ainsi prononcé en audience publique à Luxembourg, le 29 avril 2010.

Signatures


* Langue de procédure : l’italien.