Language of document : ECLI:EU:T:2021:164

DOCUMENT DE TRAVAIL

ARRÊT DU TRIBUNAL (dixième chambre)

24 mars 2021 (*)

« Marque de l’Union européenne – Demande de marque de l’Union européenne verbale WINDSOR‑CASTLE – Motif absolu de refus – Caractère distinctif – Article 7, paragraphe 1, sous b), du règlement (UE) 2017/1001 – Caractère laudatif »

Dans l’affaire T‑93/20,

Albert Darboven Holding GmbH & Co. KG, établie à Hambourg (Allemagne), représentée par Me A. Thünken, avocat,

partie requérante,

contre

Office de l’Union européenne pour la propriété intellectuelle (EUIPO), représenté par Mmes J. Schäfer, A. Söder et M. D. Hanf, en qualité d’agents,

partie défenderesse,

ayant pour objet un recours formé contre la décision de la première chambre de recours de l’EUIPO du 19 décembre 2019 (affaire R 2448/2018-1), concernant une demande d’enregistrement du signe verbal WINDSOR-CASTLE comme marque de l’Union européenne,

LE TRIBUNAL (dixième chambre),

composé de M. A. Kornezov (rapporteur), président, Mme K. Kowalik‑Bańczyk et M. G. Hesse, juges,

greffier : Mme R. Ūkelytė, administratrice,

vu la requête déposée au greffe du Tribunal le 17 février 2020,

vu le mémoire en réponse déposé au greffe du Tribunal le 31 mars 2020,

à la suite de l’audience du 18 novembre 2020,

rend le présent

Arrêt

 Antécédents du litige

1        Le 28 mars 2018, la requérante, Albert Darboven Holding GmbH & Co. KG, a présenté une demande d’enregistrement de marque de l’Union européenne à l’Office de l’Union européenne pour la propriété intellectuelle (EUIPO), en vertu du règlement (UE) 2017/1001 du Parlement européen et du Conseil, du 14 juin 2017, sur la marque de l’Union européenne (JO 2017, L 154, p. 1).

2        La marque dont l’enregistrement a été demandé est le signe verbal WINDSOR‑CASTLE.

3        La requérante a fait valoir dans sa demande la titularité de 27 autres enregistrements nationaux et internationaux précédents de la marque demandée couvrant de nombreux États membres.

4        Les produits pour lesquels l’enregistrement a été demandé relèvent des classes 16 et 30 au sens de l’arrangement de Nice concernant la classification internationale des produits et des services aux fins de l’enregistrement des marques, du 15 juin 1957, tel que révisé et modifié, et correspondent, pour chacune de ces classes, à la description suivante :

–        classe 16 : « Matériel de filtrage en papier » ;

–        classe 30 : « Café, thés, cacao et leurs succédanés ; produits de boulangerie et de confiserie ; sucres, édulcorants naturels ».

5        Par décision du 18 octobre 2018, l’examinatrice a partiellement rejeté la demande d’enregistrement, en tant qu’elle visait les produits compris dans la classe 30 correspondant à la description suivante : « [c]afé, thés et leurs succédanés ; produits de boulangerie et de confiserie » (ci-après les « produits en cause »), sur le fondement de l’article 7, paragraphe 1, sous b), du règlement 2017/1001.

6        Le 13 décembre 2018, la requérante a formé un recours auprès de l’EUIPO, au titre des articles 66 à 71 du règlement 2017/1001, contre la décision de l’examinatrice.

7        Par décision du 19 décembre 2019 (ci-après la « décision attaquée »), la première chambre de recours de l’EUIPO a rejeté le recours. Elle a considéré que la marque demandée se heurtait au motif de refus tiré de l’article 7, paragraphe 1, sous b), du règlement 2017/1001 au motif que le consommateur moyen de l’Union européenne l’associerait à la maison royalе britannique et penserait que les produits en cause sont vendus dans le cadre du tourisme lié au célèbre château de Windsor de sorte qu’il ne l’associerait pas à une origine commerciale concrète. Elle a indiqué, en outre, qu’il n’était pas nécessaire d’examiner la demande d’enregistrement en cause sous l’angle de l’article 7, paragraphe 1, sous c), du règlement 2017/1001, dans la mesure où l’un des motifs de refus visés à l’article 7, paragraphe 1, dudit règlement suffisait pour rejeter ladite demande.

 Conclusions des parties

8        La requérante conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        réformer la décision attaquée en ce sens que la demande de marque de l’Union européenne enregistrée sous le numéro 017881910, WINDSOR-CASTLE, soit également autorisée à la publication pour les « [c]afé, thés et leurs succédanés ; produits de boulangerie et de confiserie » ;

–        à titre subsidiaire, annuler la décision attaquée ;

–        condamner l’EUIPO aux dépens.

9        L’EUIPO conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        rejeter le recours ;

–        condamner la requérante aux dépens.

 En droit

10      Le Tribunal estime opportun d’examiner tout d’abord le deuxième chef de conclusions de la requérante visant à l’annulation de la décision attaquée.

 Sur le chef de conclusions visant à l’annulation de la décision attaquée

11      À l’appui de son recours, la requérante soulève un moyen unique, tiré de la violation de l’article 7, paragraphe 1, sous b), du règlement 2017/1001.

12      Elle fait valoir, en substance, que, contrairement à ce que la chambre de recours a considéré, la marque demandée est dotée du minimum nécessaire de caractère distinctif, étant donné qu’il n’existe aucun rapport entre celle-ci et les produits en cause, qu’elle n’est ni un slogan ni un message publicitaire et que les produits en cause sont des produits de consommation courante pouvant être vendus dans différents contextes et pas uniquement dans le contexte du tourisme lié au château de Windsor. Partant, le public pertinent verrait dans la marque demandée une référence non seulement audit château mais aussi à l’origine commerciale desdits produits.

13      L’EUIPO conteste les arguments de la requérante. Il fait valoir, en substance, que l’utilisation de la marque WINDSOR-CASTLE serait usuelle pour la commercialisation des produits en cause, souvent vendus dans des boîtes ou autres emballages à l’effigie des membres de la famille royale britannique ou représentant des châteaux, dont le château de Windsor, et eu égard à la pratique notoire consistant à combiner les visites guidées du château de Windsor à l’offre subséquente d’un goûter classique comportant du thé ou du café accompagné de gâteaux ou pâtisseries suivant la tradition britannique du thé de l’après-midi, liée à la famille royale britannique (« afternoon tea »), de sorte que le public pertinent percevrait la marque demandée comme une indication élogieuse usuelle d’un certain art de vivre et non pas comme une indication de l’origine commerciale des produits en cause.

14      Aux termes de l’article 7, paragraphe 1, sous b), du règlement 2017/1001, sont refusées à l’enregistrement les marques qui sont dépourvues de caractère distinctif.

15      Le caractère distinctif d’une marque au sens de l’article 7, paragraphe 1, sous b), du règlement 2017/1001 signifie que cette marque permet d’identifier le produit pour lequel l’enregistrement est demandé comme provenant d’une entreprise déterminée et donc de distinguer ce produit de ceux d’autres entreprises (voir arrêt du 21 janvier 2010, Audi/OHMI, C‑398/08 P, EU:C:2010:29, point 33 et jurisprudence citée). Ce caractère distinctif doit être apprécié, d’une part, par rapport aux produits ou aux services pour lesquels l’enregistrement est demandé et, d’autre part, par rapport à la perception qu’en a le public pertinent (voir arrêt du 29 avril 2004, Henkel/OHMI, C‑456/01 P et C‑457/01 P, EU:C:2004:258, point 35 et jurisprudence citée).

16      Un minimum de caractère distinctif suffit afin que le motif absolu de refus figurant à l’article 7, paragraphe 1, sous b), du règlement 2017/1001 ne soit pas applicable [arrêt du 3 décembre 2019, Hästens Sängar/EUIPO (Représentation d’un motif à carreaux), T‑658/18, non publié, EU:T:2019:830, point 16].

17      C’est à la lumière de ces principes qu’il convient d’examiner, au vu de l’appréciation exposée par la chambre de recours dans la décision attaquée, l’argumentation de la requérante.

18      En l’espèce, d’une part, la chambre de recours a considéré, aux points 13 et 14 de la décision attaquée, que les produits en cause étaient des articles de consommation courante et faisaient l’objet d’une distribution généralisée. Elle a retenu, en conséquence, que le public pertinent était le grand public. D’autre part, elle a relevé que la dénomination Windsor Castle faisait référence au fameux château des monarques britanniques, lequel constitue un monument historique connu dans l’Union européenne. Sur cette base, la chambre de recours a conclu que le consommateur moyen de l’Union européenne connaissait le nom Windsor Castle et l’associerait directement au fameux château des monarques britanniques.

19      La requérante ne conteste pas la définition du public pertinent opérée par la chambre de recours ni le fait qu’une partie de ce public serait susceptible d’associer la marque demandée au château de Windsor. En revanche, elle considère, en substance, que cette circonstance n’est pas suffisante pour conclure que la marque demandée est dépourvue de caractère distinctif au sens de l’article 7, paragraphe 1, sous b), du règlement 2017/1001.

20      En premier lieu, il convient de constater à cet égard que les noms de bâtiments historiques ou de lieux muséaux ne sont pas exclus, en principe, des signes étant susceptibles de constituer une marque de l’Union européenne, ainsi qu’il découle de l’article 4 du règlement 2017/1001 aux termes duquel « [p]euvent constituer des marques de l’Union européenne tous les signes, notamment les mots, y compris les noms de personnes, ou les dessins, les lettres, les chiffres, les couleurs, la forme d’un produit ou du conditionnement d’un produit, ou les sons ».

21      À cet égard, l’EUIPO a concédé, lors de l’audience, qu’il n’y avait pas d’obstacle de principe à l’enregistrement du nom d’un lieu célèbre ou d’un site touristique en tant que marque de l’Union européenne, mais qu’il était nécessaire d’effectuer un examen concret qui tienne compte des produits et services en cause et de la perception du public pertinent.

22      En outre, il y a lieu de rappeler que l’enregistrement d’un signe en tant que marque n’est pas subordonné à la constatation d’un certain niveau de créativité ou d’imagination artistique de la part du déposant (arrêt du 16 septembre 2004, SAT.1/OHMI, C‑329/02 P, EU:C:2004:532, point 41), mais à la seule aptitude du signe à individualiser les produits du demandeur de la marque par rapport à ceux offerts par ses concurrents [arrêt du 27 février 2002, Rewe‑Zentral/OHMI (LITE), T‑79/00, EU:T:2002:42, point 30].

23      Ainsi, le seul fait que la marque demandée représente ou coïncide avec le nom d’un bâtiment historique ou d’un lieu muséal, en l’occurrence le château de Windsor, ne fait pas obstacle, en tant que tel, à son enregistrement. Cela est d’ailleurs illustré en l’espèce par le fait qu’aucune objection n’a été formulée par l’examinatrice à l’enregistrement de la marque en cause pour le « [m]atériel de filtrage en papier », relevant de la classe 16, ainsi que pour le « cacao », les « sucres » et les « édulcorants », relevant de la classe 30.

24      Cela étant précisé, en deuxième lieu, il convient d’examiner, conformément à la jurisprudence rappelée au point 15 ci-dessus, le caractère distinctif de la marque demandée par rapport aux produits en cause et par rapport à la perception qu’en a le public pertinent.

25      À cet égard, premièrement, il est constant que l’expression « Windsor castle » ne véhicule aucune information concrète évoquant les produits en cause, à savoir le café, le thé ou les produits de boulangerie et de confiserie, ou leurs caractéristiques. En effet, il n’est pas contesté que le château concerné n’est pas spécialement connu pour la fabrication ou la conception de tels produits.

26      Deuxièmement, la chambre de recours a néanmoins considéré, aux points 15 et 16 de la décision attaquée, que le public pertinent pouvait croire que les produits en cause étaient vendus dans le contexte du tourisme au château de Windsor, ces produits pouvant par exemple être vendus dans différentes boutiques de souvenirs du Royaume-Uni.

27      Toutefois, comme le fait valoir à juste titre la requérante, d’une part, le lieu de vente des produits désignés n’est pas un critère pertinent, puisqu’il n’est pas susceptible, en tant que tel, de désigner des caractéristiques, qualités ou particularités propres des produits en cause (voir, en ce sens, arrêt du 6 septembre 2018, Bundesverband Souvenir – Geschenke – Ehrenpreise/EUIPO, C‑488/16 P, EU:C:2018:673, point 50), d’autant plus que, en l’espèce, il s’agit de produits de consommation courante dont la vente a normalement lieu dans des épiceries, des supermarchés et d’autres endroits similaires et dont la consommation peut se faire tant dans des restaurants et des cafés qu’à la maison. Partant, l’affirmation de la chambre de recours selon laquelle le public qui voit le signe WINDSOR-CASTLE apposé sur des produits alimentaires pensera qu’il s’agit de produits proposés à la vente dans le cadre du tourisme au château de Windsor ne saurait prospérer [voir, par analogie, arrêt du 27 juin 2017, Aldi Einkauf/EUIPO – Fratelli Polli (ANTICO CASALE), T‑327/16, non publié, EU:T:2017:439, point 43].

28      D’autre part, le fait, invoqué par la chambre de recours au point 16 de la décision attaquée, que les produits en cause peuvent être vendus en tant que souvenirs lors d’une visite au château de Windsor est dépourvu de pertinence. À cet égard, la Cour a déjà eu l’occasion de juger que la fonction de souvenir attribuée à un produit ne constitue pas une caractéristique objective et inhérente à la nature du produit dès lors que cette fonction relève du libre arbitre de l’acheteur et est orientée uniquement sur les intentions de celui-ci et que le fait que les produits en cause soient constitutifs de souvenirs par la seule apposition de ladite dénomination ne constitue pas en soi une caractéristique essentielle descriptive desdits produits (arrêt du 6 septembre 2018, Bundesverband Souvenir – Geschenke – Ehrenpreise/EUIPO, C‑488/16 P, EU:C:2018:673, points 44 et 45). Cette conclusion reste valable dans le contexte de l’article 7, paragraphe 1, sous b), du règlement 2017/1001, dans la mesure où le caractère distinctif du signe en cause doit lui aussi être apprécié par rapport, notamment, aux produits en cause.

29      En troisième lieu, la chambre de recours a considéré, aux points 17 à 19 de la décision attaquée, que la marque demandée était dépourvue de caractère distinctif au motif qu’elle serait perçue simplement comme une « réclame » ou un « message promotionnel » pour le château de Windsor.

30      À cet égard, force est de rappeler que le caractère distinctif de la marque demandée doit être apprécié, selon une jurisprudence constante, non pas dans l’abstrait mais par rapport aux produits invoqués (voir, en ce sens, arrêt du 17 mai 2017, EUIPO/Deluxe Entertainment Services Group, C‑437/15 P, EU:C:2017:380, point 28 et jurisprudence citée). Or, les raisons pour lesquelles la chambre de recours a considéré que la marque demandée serait perçue comme une « réclame » ou un « message promotionnel » pour les produits en cause ne ressortent d’aucun passage de la décision attaquée.

31      En outre, il ne ressort d’aucun élément dont dispose le Tribunal que la marque demandée, qui reprend tout simplement le nom du château de Windsor, contient un message promotionnel ou une réclame pour les produits en cause. En effet, ainsi qu’il a été relevé au point 25 ci-dessus, l’expression « windsor castle » ne véhicule aucune information concrète évoquant les produits en cause ou leurs caractéristiques, le château concerné n’étant pas spécialement connu pour la fabrication ou la conception de tels produits.

32      Certes, selon la jurisprudence, un signe peut être laudatif non seulement en vantant des qualités concrètes qui sont directement attribuables aux produits et aux services visés, mais également en vantant leurs qualités abstraites [voir ordonnance du 11 septembre 2018, Hermann Biederlack/EUIPO (Feeling home), T‑715/17, non publiée, EU:T:2018:578, point 31 et jurisprudence citée]. Toutefois, d’une part, en l’espèce, dans la mesure où la marque demandée est constituée simplement du nom d’un château qui n’est pas spécialement connu en relation avec des produits désignés par ladite marque, cette marque ne saurait être perçue comme un message élogieux ou promotionnel desdits produits. D’autre part, à supposer même que la marque demandée puisse être perçue comme une réclame pour le château lui-même, comme la chambre de recours le fait observer au point 19 de la décision attaquée, cette dernière n’a pas étayé son affirmation selon laquelle le public pertinent verra, dans la marque demandée, uniquement une réclame pour ledit château mais « en aucun cas » une indication de l’origine commerciale des produits que ce signe désigne.

33      L’EUIPO suggère, pour la première fois devant le Tribunal, que le « message positif » que transmettrait la marque demandée serait lié à un certain « art de vivre » associé notamment à la tradition, originaire de la vie royale britannique, du thé de l’après-midi. Toutefois, ainsi que l’a soutenu à juste titre la requérante lors de l’audience, ce nouveau élément, lequel ne figure pas dans la décision attaquée, ne saurait compléter la motivation de la décision attaquée et demeure sans influence sur l’appréciation de la validité de celle-ci [arrêt du 21 mai 2015, adidas/OHMI – Shoe Branding Europe (Deux bandes parallèles sur une chaussure), T‑145/14, non publié, EU:T:2015:303, point 44].

34      En tout état de cause, la prise en compte de cet élément nouveau aurait exigé, en outre, que la chambre de recours identifie les produits en cause concernés par cette tradition et, le cas échéant, fasse une distinction entre ces produits et ceux qui ne le sont pas. Or, aucune distinction n’est opérée à cette fin dans la décision attaquée.

35      De même, le fait, relevé par la chambre de recours au point 18 de la décision attaquée, que la marque demandée ne comprend aucun autre élément décoratif ni aucun terme distinctif supplémentaire et qu’elle ne possède pas d’originalité ou de prégnance n’est pas décisif dans le cas d’espèce. En effet, selon la jurisprudence rappelée au point 22 ci-dessus, l’enregistrement d’un signe en tant que marque n’est pas subordonné à la constatation d’un certain niveau de créativité ou d’imagination artistique de la part du déposant.

36      En quatrième lieu, les parties s’opposent quant à la pertinence des arrêts du Tribunal et de la Cour [arrêts du 6 septembre 2018, Bundesverband Souvenir – Geschenke – Ehrenpreise/EUIPO, C‑488/16 P, EU:C:2018:673, et du 5 juillet 2016, Bundesverband Souvenir – Geschenke – Ehrenpreise/EUIPO – Freistaat Bayern (NEUSCHWANSTEIN), T‑167/15, non publié, EU:T:2016:391] mentionnés aux points 27 et 28 ci-dessus, relatifs au signe Neuschwanstein. Dans ces arrêts, d’une part, le juge de l’Union a conclu que le signe Neuschwanstein, lequel fait référence au célèbre château situé dans l’État libre de Bavière (Allemagne), n’était pas descriptif des produits et services relevant de plusieurs classes, y compris de la classe 30, au motif que, en substance, le château de Neuschwanstein n’était pas connu pour la fabrication des produits en cause. D’autre part, le juge de l’Union a considéré que ledit signe était doté du caractère distinctif requis, dans la mesure où il n’était pas descriptif des produits en cause et ne constituait ni un moyen publicitaire ni un slogan, de sorte que le public pertinent conclura que l’ensemble des produits et des services que la marque contestée désigne ont été fabriqués, commercialisés ou fournis sous le contrôle du titulaire de la marque, auquel peut être attribuée la responsabilité de leur qualité (arrêts du 6 septembre 2018, Bundesverband Souvenir – Geschenke – Ehrenpreise/EUIPO, C‑488/16 P, EU:C:2018:673, points 67 à 69, et du 5 juillet 2016, NEUSCHWANSTEIN, T‑167/15, non publié, EU:T:2016:391, points 27 et 35 à 45).

37      La chambre de recours, dans la décision attaquée, a mis en cause la pertinence des arrêts du 6 septembre 2018, Bundesverband Souvenir – Geschenke – Ehrenpreise/EUIPO (C‑488/16 P, EU:C:2018:673), et du 5 juillet 2016, NEUSCHWANSTEIN (T‑167/15, non publié, EU:T:2016:391), au motif, premièrement, que, à la différence de la présente affaire, le titulaire de la marque en cause dans ces arrêts était également le propriétaire du château Neuschwanstein et, deuxièmement, que la marque Neuschwanstein était « fantaisiste » (point 21 de la décision attaquée). Dans son mémoire en réponse et lors de l’audience, l’EUIPO a contesté la pertinence desdits arrêts au motif également qu’ils concerneraient « principalement » le caractère descriptif de la marque concernée.

38      À cet égard, il convient de relever qu’il existe, certes, des différences entre les circonstances caractérisant le présent litige et celles dans les affaires ayant donné lieu aux arrêts du 6 septembre 2018, Bundesverband Souvenir – Geschenke – Ehrenpreise/EUIPO (C‑488/16 P, EU:C:2018:673), et du 5 juillet 2016, NEUSCHWANSTEIN (T‑167/15, non publié, EU:T:2016:391). Ainsi, notamment, à la différence de la présente affaire, le titulaire de la marque en cause dans ces arrêts était également le propriétaire du château Neuschwanstein. En outre, le nom Windsor est non seulement le nom du château du même nom, mais également le nom de la maison royale britannique.

39      Ces différences n’enlèvent toutefois pas entièrement la pertinence de ces arrêts. En effet, premièrement, le fait, mentionné par le Tribunal au point 42 de l’arrêt du 5 juillet 2016, NEUSCHWANSTEIN (T‑167/15, non publié, EU:T:2016:391), que la « marque contestée permet, sous son enseigne, de commercialiser des produits et de fournir des services dont l’État libre de Bavière peut contrôler la qualité » a été qualifié par la Cour de motif surabondant (arrêt du 6 septembre 2018, Bundesverband Souvenir – Geschenke – Ehrenpreise/EUIPO, C‑488/16 P, EU:C:2018:673, point 70), ce qui démontre que le caractère distinctif de la marque ne dépend pas de la question de savoir si le demandeur est ou non propriétaire du bâtiment historique en cause, comme les parties l’ont par ailleurs confirmé lors de l’audience.

40      Deuxièmement, s’il est vrai que le Tribunal a fait observer, au point 42 de l’arrêt du 5 juillet 2016, NEUSCHWANSTEIN (T‑167/15, non publié, EU:T:2016:391), que le terme « neuschwanstein » était fantaisiste dans la mesure où il signifie littéralement « nouveau rocher du cygne », il n’en demeure pas moins que, d’une part, ce terme est le nom réel d’un château connu qui existe effectivement, à l’instar du château de Windsor. D’autre part, en tout état de cause, il n’est pas nécessaire qu’un signe soit fantaisiste pour qu’un minimum de caractère distinctif lui soit reconnu, ainsi qu’il a été rappelé au point 35 ci-dessus.

41      Troisièmement, même si la partie prépondérante de la motivation des arrêts du 6 septembre 2018, Bundesverband Souvenir – Geschenke – Ehrenpreise/EUIPO (C‑488/16 P, EU:C:2018:673), et du 5 juillet 2016, NEUSCHWANSTEIN (T‑167/15, non publié, EU:T:2016:391), porte en effet sur l’article 7, paragraphe 1, sous c), du règlement 2017/1001, il n’en demeure pas moins que le Tribunal a examiné expressément, aux points 35 à 45 de son arrêt, le caractère distinctif de la marque en cause également, en concluant que cette dernière était revêtue du caractère distinctif requis. Sur pourvoi, la Cour a confirmé la suffisance de motivation de l’arrêt du Tribunal sur ce point (arrêt du 6 septembre 2018, Bundesverband Souvenir – Geschenke – Ehrenpreise/EUIPO, C‑488/16 P, EU:C:2018:673, points 67 à 70).

42      Enfin, en ce qui concerne la perception du public pertinent, il convient de relever que rien ne s’oppose en principe à ce que celui-ci perçoive, dans un signe donné, à la fois une référence à un bâtiment historique connu et l’indication de l’origine commerciale des produits en cause. Or, l’affirmation figurant aux points 15 et 20 de la décision attaquée, selon laquelle le public pertinent verra dans la marque demandée « uniquement » le nom du célèbre château de Windsor et non pas une marque présentant un caractère distinctif, repose sur des appréciations insuffisamment étayées, erronées ou dépourvues de pertinence, ainsi qu’il ressort des points 24 à 41 ci-dessus, et ne saurait, dans ces circonstances, être suivie en l’espèce. En effet, ainsi que le reconnaissent les parties en réponse à une question posée par le Tribunal lors de l’audience, la circonstance que le public pertinent ou une partie de celui-ci reconnaîtrait vraisemblablement, dans la marque demandée, le nom du château de Windsor n’exclut pas en principe la possibilité que le signe en cause puisse également servir d’indication de l’origine commerciale des produits en cause et qu’il remplisse ainsi la fonction essentielle de la marque.

43      En l’espèce, les appréciations effectuées par la chambre de recours dans la décision attaquée ne permettent pas, à elles seules, de conclure que la marque demandée n’est même pas revêtue d’un minimum de caractère distinctif, étant donné que ces appréciations ne sont pas adéquates pour établir que cette marque véhicule des informations sur les caractéristiques des produits en cause ou qu’elle constitue un slogan ou un message promotionnel pour lesdits produits, de sorte qu’il ne peut pas être exclu a priori qu’elle permette au public pertinent non seulement d’y reconnaître une référence audit château, mais également de distinguer l’origine commerciale des produits concernés. La chambre de recours ne pouvait donc pas, sur la base des seules appréciations opérées dans la décision attaquée, valablement conclure que la marque demandée ne remplissait pas la fonction essentielle de la marque, à savoir identifier l’origine du produit ou du service afin de permettre au consommateur qui acquiert le produit ou le service que la marque désigne de faire, lors d’une acquisition ultérieure, le même choix si l’expérience s’avère positive ou de faire un autre choix si elle s’avère négative.

44      Au vu des considérations qui précèdent, il y a lieu de considérer que la chambre de recours a conclu à tort que la marque demandée était dépourvuе d’un minimum de caractère distinctif par rapport aux produits en cause et se heurtait, dès lors, au motif absolu de refus d’enregistrement prévu à l’article 7, paragraphe 1, sous b), du règlement 2017/1001.

45      Partant, il y a lieu d’accueillir le moyen unique de la requérante et d’annuler la décision attaquée, sans qu’il y ait besoin de statuer sur les fins de non-recevoir soulevées par la requérante lors de l’audience concernant la recevabilité des annexes B1 et B2 jointes au mémoire en réponse et celle de certains arguments présentés dans ce mémoire.

 Sur le chef de conclusions de la requérante visant à la réformation de la décision attaquée

46      En ce qui concerne le premier chef de conclusions de la requérante tendant à ce que le Tribunal « [réforme] la décision attaquée en ce sens que la demande de marque de l’Union européenne enregistrée sous le numéro 017881910, WINDSOR-CASTLE, soit également autorisée à la publication pour les “[c]afé, thés et leurs succédanés ; produits de boulangerie et de confiserie” », le Tribunal constate, sans qu’il soit nécessaire d’examiner les arguments de l’EUIPO visant à contester sa recevabilité, que les conditions pour l’exercice de son pouvoir de réformation ne sont pas, en tout état de cause, réunies.

47      En effet, la chambre de recours a limité son examen au seul motif absolu prévu à l’article 7, paragraphe 1, sous b), du règlement 2017/1001. Elle a ainsi relevé qu’il n’était pas nécessaire d’examiner la demande d’enregistrement sous l’angle de l’article 7, paragraphe 1, sous c), de ce même règlement, et notamment la question de savoir si la marque demandée était également le nom d’un mélange de thés. Par ailleurs, l’annulation de la décision attaquée est sans préjudice de l’appréciation éventuelle, par les instances de l’EUIPO, d’autres motifs absolus de refus potentiellement pertinents.

48      Partant, le Tribunal n’est pas en mesure de déterminer la décision que la chambre de recours était tenue de prendre et ne peut donc exercer son pouvoir de réformation (arrêt du 5 juillet 2011, Edwin/OHMI, C‑263/09 P, EU:C:2011:452, point 72).

 Sur les dépens

49      Aux termes de l’article 134, paragraphe 1, du règlement de procédure du Tribunal, toute partie qui succombe est condamnée aux dépens, s’il est conclu en ce sens. L’EUIPO ayant succombé, il y a lieu de le condamner aux dépens, conformément aux conclusions de la requérante.

Par ces motifs,

LE TRIBUNAL (dixième chambre)

déclare et arrête :

1)      La décision de la première chambre de recours de l’Office de l’Union européenne pour la propriété intellectuelle (EUIPO) du 19 décembre 2019 (affaire R 2448/2018-1) est annulée.

2)      L’EUIPO est condamné aux dépens.

Kornezov

Kowalik-Bańczyk

Hesse

Ainsi prononcé en audience publique à Luxembourg, le 24 mars 2021.

Signatures


*      Langue de procédure : l’allemand.