Language of document : ECLI:EU:T:2021:154

DOCUMENT DE TRAVAIL

ARRÊT DU TRIBUNAL (deuxième chambre)

24 mars 2021 (*)

« Marque de l’Union européenne – Procédure de nullité – Marque de l’Union européenne figurative Halloumi χαλλούμι Vermion grill cheese/grill est/grill kase M BELAS PREMIUM GREEK DAIRY SINCE 1927 – Marque collective de l’Union européenne verbale antérieure HALLOUMI – Motif relatif de refus – Mauvaise foi – Article 52, paragraphe 1, sous b), du règlement (CE) no 207/2009 [devenu article 59, paragraphe 1, sous b), du règlement (UE) 2017/1001] – Article 53, paragraphe 1, sous a), et article 8, paragraphe 1, sous b), et paragraphe 5, du règlement no 207/2009 [devenus article 60, paragraphe 1, sous a), et article 8, paragraphe 1, sous b), et paragraphe 5, du règlement 2017/1001] »

Dans l’affaire T‑282/19,

Foundation for the Protection of the Traditional Cheese of Cyprus named Halloumi, établie à Nicosie (Chypre), représentée par MM. S. Malynicz, QC, S. Baran, barrister, et Mme V. Marsland, solicitor,

partie requérante,

contre

Office de l’Union européenne pour la propriété intellectuelle (EUIPO), représenté par M. D. Gája, en qualité d’agent,

partie défenderesse,

l’autre partie à la procédure devant la chambre de recours de l’EUIPO ayant été

Filotas Bellas & Yios AE, établie à Alexándreia Imathias (Grèce),

ayant pour objet un recours formé contre la décision de la quatrième chambre de recours de l’EUIPO du 15 février 2019 (affaire R 2295/2017‑4), relative à une procédure de nullité entre Foundation for the Protection of the Traditional Cheese of Cyprus named Halloumi et Filotas Bellas & Yios,

LE TRIBUNAL (deuxième chambre),

composé de Mme V. Tomljenović, présidente, M. F. Schalin (rapporteur) et Mme P. Škvařilová-Pelzl, juges,

greffier : Mme A. Juhász-Tóth, administratrice,

vu la requête déposée au greffe du Tribunal le 30 avril 2019,

vu le mémoire en réponse déposé au greffe du Tribunal le 25 mai 2020,

vu l’ordonnance de suspension de la procédure du 26 juin 2019 jusqu’à la décision mettant fin à l’instance dans l’affaire C‑766/18 P,

vu la mesure d’organisation de la procédure du 12 mars 2020 et les réponses de l’EUIPO et de la requérante déposées au greffe du Tribunal, respectivement, le 25 et le 30 mars 2020,

à la suite de l’audience du 30 novembre 2020,

rend le présent

Arrêt

 Antécédents du litige

1        Le 26 septembre 2013, Filotas Bellas & Yios AE a présenté une demande d’enregistrement de marque de l’Union européenne à l’Office de l’Union européenne pour la propriété intellectuelle (EUIPO), en vertu du règlement (CE) no 207/2009 du Conseil, du 26 février 2009, sur la marque de l’Union européenne (JO 2009, L 78, p. 1), tel que modifié [remplacé par le règlement (UE) 2017/1001 du Parlement européen et du Conseil, du 14 juin 2017, sur la marque de l’Union européenne (JO 2017, L 154, p. 1)].

2        La marque dont l’enregistrement a été demandé est le signe figuratif suivant :

Image not found

3        Les produits pour lesquels l’enregistrement a été demandé relèvent de la classe 29 au sens de l’arrangement de Nice concernant la classification internationale des produits et des services aux fins de l’enregistrement des marques, du 15 juin 1957, tel que révisé et modifié, et correspondent à la description suivante : « Viande, poisson, volaille et gibier ; extraits de viande ; fruits et légumes conservés, congelés, séchés et cuits ; gelées, confitures, compotes ; œufs ; lait et produits laitiers ; huiles et graisses comestibles ; fromage halloumi ».

4        Le 7 juin 2015, la demande de marque a fait l’objet d’un enregistrement qui a donné lieu à une publication au Bulletin des marques de l’Union européenne no 206/2015, du 10 juin 2015.

5        Le 17 décembre 2015, la requérante, Foundation for the Protection of the Traditional Cheese of Cyprus named Halloumi, a présenté une demande en nullité de ladite marque pour tous les produits indiqués au point 3 ci-dessus. D’une part, cette demande était fondée sur le motif absolu de nullité visé à l’article 52, paragraphe 1, sous b), du règlement no 207/2009 [devenu article 59, paragraphe 1, sous b), du règlement 2017/1001], tiré de la mauvaise foi de la titulaire lors du dépôt de la demande d’enregistrement de la marque contestée. D’autre part, la requérante invoquait le motif relatif de nullité visé à l’article 53, paragraphe 1, sous a), du règlement no 207/2009 [devenu article 60, paragraphe 1, sous a), du règlement 2017/1001], en combinaison avec l’article 8, paragraphe 1, sous b), et paragraphe 5, dudit règlement [devenu article 8, paragraphe 1, sous b), et paragraphe 5, du règlement 2017/1001], tiré de l’existence d’un risque de confusion avec une marque antérieure.

6        La demande de nullité était fondée sur la marque collective de l’Union européenne verbale antérieure HALLOUMI, enregistrée le 14 juillet 2000 sous le numéro 1082965, désignant les produits relevant de la classe 29 et correspondant à la description suivante : « Fromages ».

7        Le 29 août 2017, la division d’annulation a rejeté la demande en nullité dans son intégralité et condamné la requérante à supporter les frais correspondants.

8        Le 25 octobre 2017, la requérante a formé un recours auprès de l’EUIPO, au titre des articles 66 à 71 du règlement 2017/1001, contre la décision de la division d’annulation.

9        Par décision du 15 février 2019 (ci-après la « décision attaquée »), la quatrième chambre de recours de l’EUIPO a rejeté le recours et condamné la requérante à supporter les frais exposés lors des procédures d’annulation et de recours.

10      Tout d’abord, la chambre de recours a considéré que le recours, en tant qu’il était fondé sur le motif relatif de nullité visé à l’article 60, paragraphe 1, sous a), du règlement 2017/1001, lu en combinaison avec l’article 8, paragraphe 1, sous b), dudit règlement, n’était pas fondé. À cet égard, en premier lieu, elle a estimé qu’une partie des produits désignés par la marque contestée étaient différents des « [f]romages » couverts par la marque antérieure et qu’il n’existait pas de risque de confusion en ce qui les concernait. En second lieu, s’agissant des produits similaires ou présentant un certain degré de similitude, en l’occurrence les produits correspondant à la description suivante : « [L]ait et produits laitiers ; huiles et graisses comestibles ; fromage halloumi », elle a estimé que, compte tenu du caractère distinctif faible de la marque antérieure, les différences entre les signes en conflit étaient suffisantes pour les distinguer, même lorsqu’ils désignaient des produits identiques.

11      La chambre de recours a estimé, ensuite, que, s’agissant des dispositions de l’article 60, paragraphe 1, sous a), du règlement 2017/1001, lues en combinaison avec l’article 8, paragraphe 5, dudit règlement, les preuves produites étaient insuffisantes pour démontrer le caractère distinctif accru et, a fortiori, la renommée de la marque antérieure en référence à des normes de production. Dès lors, les consommateurs qui achèteraient du fromage halloumi n’étant pas en mesure de distinguer la qualité certifiée, il ne pourrait y avoir de préjudice porté à la marque antérieure. La chambre de recours a conclu à cet égard que le non-respect du règlement d’usage d’une marque collective n’était pas un motif d’opposition et ne dépendait pas de la perception du consommateur cible.

12      Enfin, la chambre de recours a estimé que le motif de nullité absolue visé à l’article 59, paragraphe 1, sous b), du règlement 2017/1001 ne s’appliquait pas en l’espèce, en raison de la signification descriptive du mot « halloumi », qui s’opposait à la constatation d’un comportement de mauvaise foi chez la titulaire de la marque contestée lorsqu’il avait sollicité son enregistrement. Selon la chambre de recours, la mauvaise foi alléguée ne pouvait davantage se déduire des décisions des juridictions grecques invoquées par la requérante.

 Conclusions des parties

13      La requérante conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        annuler la décision attaquée ;

–        condamner l’EUIPO aux dépens.

14      L’EUIPO conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        rejeter le recours dans son intégralité ;

–        condamner la requérante aux dépens.

 En droit

15      Compte tenu de la date d’introduction de la demande d’enregistrement en cause, à savoir le 26 septembre 2013, qui est déterminante aux fins de l’identification du droit matériel applicable, les faits de l’espèce sont régis par les dispositions matérielles du règlement no 207/2009 (voir, en ce sens, arrêts du 8 mai 2014, Bimbo/OHMI, C‑591/12 P, EU:C:2014:305, point 12, et du 18 juin 2020, Primart/EUIPO, C‑702/18 P, EU:C:2020:489, point 2 et jurisprudence citée). Par ailleurs, dans la mesure où, selon une jurisprudence constante, les règles de procédure sont généralement censées s’appliquer à la date à laquelle elles entrent en vigueur (voir arrêt du 11 décembre 2012, Commission/Espagne, C‑610/10, EU:C:2012:781, point 45 et jurisprudence citée), le présent litige est régi par les dispositions procédurales du règlement 2017/1001.

16      Par suite, en l’espèce, en ce qui concerne les règles de fond, il convient d’entendre les références faites par la chambre de recours dans la décision attaquée et par les parties à l’instance à l’article 8, paragraphe 1, sous b), à l’article 59, paragraphe 1, sous b), et à l’article 60, paragraphe 1, sous a), du règlement 2017/1001 comme visant l’article 8, paragraphe 1, sous b), l’article 52, paragraphe 1, sous b), et l’article 53, paragraphe 1, sous a), du règlement no 207/2009, d’une teneur identique.

17      Au soutien du recours, la requérante invoque, en substance, deux moyens, tirés, le premier, de la violation de l’article 60, paragraphe 1, sous a), du règlement 2017/1001, lu en combinaison avec l’article 8, paragraphe 1, sous b), dudit règlement, et, le second, de la violation de l’article 59, paragraphe 1, sous b), du même règlement.

 Sur le premier moyen, tiré de la violation de l’article 60, paragraphe 1, sous a), du règlement 2017/1001, lu en combinaison avec l’article 8, paragraphe 1, sous b), du même règlement

18      Le premier moyen comporte, en substance, deux branches.

19      La première branche du premier moyen se décompose, en substance, en deux griefs.

20      En premier lieu, la requérante invoque une erreur d’appréciation de la chambre de recours lorsque cette dernière a estimé que les produits désignés par la marque contestée autres que les produits correspondant à la description suivante : « [L]ait et produits laitiers ; huiles et graisses comestibles ; fromage halloumi » étaient différents des « [f]romages » désignés par la marque antérieure, alors qu’elle aurait dû parvenir à la conclusion que tous les produits désignés par la marque contestée étaient semblables à ces derniers.

21      En second lieu, au regard de ce constat erroné, la chambre de recours aurait considéré à tort qu’il n’y avait pas lieu de procéder à une appréciation globale du risque de confusion entre les marques en conflit en ce qui concernait les produits désignés par la marque contestée et qu’elle avait estimé être différents des « [f]romages » désignés par la marque antérieure.

22      La seconde branche du premier moyen se décompose, en substance, en deux griefs.

23      En premier lieu, la chambre de recours aurait considéré à tort que la marque antérieure présentait un caractère descriptif, en se référant à la jurisprudence du Tribunal issue des arrêts du 7 octobre 2015, Chypre/OHMI (XAΛΛOYMI et HALLOUMI) (T‑292/14 et T‑293/14, EU:T:2015:752), et du 13 juillet 2018, Chypre/EUIPO – Papouis Dairies (Pallas Halloumi) (T‑825/16, EU:T:2018:482), alors que ces affaires concernaient des demandes d’enregistrement de marques individuelles et non des marques collectives. Ainsi, la chambre de recours aurait erronément apprécié les caractéristiques de la marque antérieure, en tant que marque collective de l’Union européenne, en estimant qu’elle était descriptive. Cela aurait amené la chambre de recours à considérer que ladite marque était dépourvue de caractère distinctif ou, à tout le moins, que son caractère distinctif était faible, la privant ainsi de tout caractère opposable. Or, une telle approche aurait pour conséquence, au mépris des objectifs poursuivis par le règlement 2017/1001, de rendre inopposables de nombreuses marques collectives de l’Union européenne, y compris celles qui, en vertu des dispositions de l’article 74, paragraphe 2, du règlement 2017/1001, seraient pourtant expressément autorisées à désigner la provenance géographique des produits ou des services qu’elles visent.

24      En second lieu, en ce qui concerne l’analyse des éléments de preuve versés aux débats, la chambre de recours aurait prétendu étayer ses conclusions, tenant au caractère descriptif de la marque HALLOUMI, par des exemples d’usage où le terme « halloumi » était suivi d’une description, comme dans l’expression « HALLOUMI – Cyprus traditional cheese ». Or, ce type d’expression démontrerait l’absence de caractère descriptif du terme « halloumi », car, si ce dernier était réellement descriptif, il aurait été inutile d’y adjoindre une description.

25      Dans ses observations sur les conséquences à tirer de l’arrêt du 5 mars 2020, Foundation for the Protection of the Traditional Cheese of Cyprus named Halloumi/EUIPO (C‑766/18 P, EU:C:2020:170), la requérante fait en outre valoir que la Cour a insisté sur la nécessité de procéder à une évaluation globale du risque de confusion, en tenant compte de l’ensemble des facteurs pertinents. En ce qui concerne ces facteurs, la chambre de recours aurait dû reconnaître l’existence, en premier lieu, d’un certain degré de similitude entre tous les produits désignés par la marque contestée et les « [f]romages » désignés par la marque antérieure, en deuxième lieu, d’un certain degré de caractère distinctif de la marque antérieure, qui ne permettait pas d’exclure le constat d’un risque de confusion, en particulier parce que, si, dans la marque contestée, l’élément verbal dominant était composé de l’association du mot « vermion » et du mot « halloumi », ce dernier demeurerait identifiable en ce qu’il composait la marque antérieure et que, compte tenu de son caractère distinctif, un risque de confusion ne pouvait être exclu, en troisième lieu, d’une similitude conceptuelle entre les « [f]romages » désignés par la marque antérieure et la représentation de fromage grillé dans l’élément figuratif de la marque contestée. La prise en compte de ces différents facteurs aurait dû conduire la chambre de recours au constat de l’existence d’un risque de confusion.

26      L’EUIPO conteste les arguments avancés par la requérante et conclut au rejet du premier moyen.

27      En vertu de l’article 60, paragraphe 1, sous a), du règlement 2017/1001, lu en combinaison avec l’article 8, paragraphe 1, sous b), dudit règlement, une marque de l’Union européenne est déclarée nulle, sur demande du titulaire d’une marque antérieure, lorsque, en raison de son identité ou de sa similitude avec une marque antérieure et en raison de l’identité ou de la similitude des produits ou des services que les deux marques désignent, il existe un risque de confusion dans l’esprit du public du territoire sur lequel la marque antérieure est protégée.

28      Aux fins de l’application de l’article 8, paragraphe 1, sous b), du règlement 2017/1001, un risque de confusion présuppose à la fois une identité ou une similitude des marques en conflit et une identité ou une similitude des produits ou des services qu’elles désignent. Il s’agit là de conditions cumulatives [voir arrêt du 22 janvier 2009, Commercy/OHMI – easyGroup IP Licensing (easyHotel), T‑316/07, EU:T:2009:14, point 42 et jurisprudence citée].

29      C’est à la lumière de ces principes qu’il convient d’examiner l’appréciation, effectuée par la chambre de recours, du risque de confusion entre les signes en conflit dans l’esprit du public pertinent.

 Sur le public pertinent

30      Selon la jurisprudence, le risque de confusion, au sens de l’article 8, paragraphe 1, sous b), du règlement 2017/1001, entre deux marques en conflit ne doit pas être apprécié sur la base d’une comparaison, dans l’abstrait, des signes en conflit et des produits ou des services qu’ils désignent. L’appréciation de ce risque doit plutôt être fondée sur la perception que le public pertinent aura desdits signes, produits et services [voir arrêt du 2 octobre 2015, The Tea Board/OHMI – Delta Lingerie (Darjeeling), T‑624/13, EU:T:2015:743, point 24 et jurisprudence citée].

31      Plus particulièrement, selon la jurisprudence, dans le cadre de l’appréciation globale du risque de confusion, il convient de prendre en compte le consommateur moyen de la catégorie de produits ou de services concernée, normalement informé et raisonnablement attentif et avisé. Il y a également lieu de prendre en considération le fait que le niveau d’attention du consommateur moyen est susceptible de varier en fonction de la catégorie de produits ou de services en cause [voir arrêt du 13 février 2007, Mundipharma/OHMI – Altana Pharma (RESPICUR), T‑256/04, EU:T:2007:46, point 42 et jurisprudence citée].

32      Au point 15 de la décision attaquée, la chambre de recours a relevé que les produits désignés par les marques en conflit étaient destinés au grand public. Par conséquent, elle a estimé qu’il y avait lieu de fonder son appréciation sur la perception du grand public dans l’Union européenne dont le niveau d’attention était tout au plus moyen lors de l’achat des produits en cause, dès lors qu’il s’agissait de denrées alimentaires de consommation courante.

33      Il convient de confirmer, en ce qu’elles apparaissent bien fondées eu égard aux éléments du dossier, ces appréciations, au demeurant non contestées par les parties. À cet égard, il convient de relever que tant la marque contestée que la marque antérieure désignent des produits alimentaires d’usage courant qui s’adressent au grand public et lors de l’achat desquels le niveau d’attention de ce dernier est généralement moyen [voir, en ce sens, arrêt du 25 octobre 2006, Castell del Remei/OHMI – Bodegas Roda (ODA), T‑13/05, non publié, EU:T:2006:335, point 46].

 Sur la comparaison des produits désignés par les marques en conflit

34      Selon la jurisprudence, pour apprécier la similitude entre des produits et des services, il y a lieu de tenir compte de tous les facteurs pertinents qui caractérisent le rapport entre eux et qui incluent, en particulier, leur nature, leur destination, leur utilisation ainsi que leur caractère concurrent ou complémentaire (arrêt du 29 septembre 1998, Canon, C‑39/97, EU:C:1998:442, point 23). D’autres facteurs peuvent également être pris en compte, tels que, par exemple, les canaux de distribution des produits et des services concernés [voir arrêt du 11 juillet 2007, El Corte Inglés/OHMI – Bolaños Sabri (PiraÑAM diseño original Juan Bolaños), T‑443/05, EU:T:2007:219, point 37 et jurisprudence citée].

35      Au point 19 de la décision attaquée, la chambre de recours a relevé que, dans le domaine des denrées alimentaires, il ne suffisait pas, pour conclure à la similitude des produits en cause, qu’il se soit agi de denrées alimentaires destinées à la consommation humaine ni que lesdits produits fussent proposés dans les supermarchés, mais il convenait plutôt de déterminer s’ils seraient perçus comme ayant une origine commerciale commune.

36      À cet égard, la chambre de recours a relevé, au point 22 de la décision attaquée, que le « fromage halloumi », les « produits laitiers » et le « lait », désignés par la marque contestée, étaient soit similaires soit identiques aux « [f]romages » désignés par la marque antérieure. En revanche, ces derniers différeraient par leur nature de la plupart des autres produits désignés par la marque contestée, en particulier des « [v]iande, poisson, volaille et gibier ; extraits de viande », et ils ne sauraient être associé aux « fruits et légumes conservés, congelés, séchés et cuits ». Les « gelées, confitures, compotes » seraient quant à elles des aliments à tartiner obtenus à partir de fruits et essentiellement consommés avec du pain, qui différeraient en tous points par leur nature des « [f]romages » désignés par la marque antérieure.

37      Au point 23 de la décision attaquée, la chambre de recours a considéré que les « œufs » n’auraient pas davantage la même nature que les « [f]romages ». Ils ne pourraient pas être remplacés par ces derniers et seraient obtenus à partir d’espèces animales différentes, tout en devant être commercialisés séparément des produits laitiers compte tenu de leur fragilité.

38      Au point 24 de la décision attaquée, la chambre de recours a relevé que les « huiles et graisses comestibles », désignées par la marque contestée, comprenaient principalement le beurre et la margarine. Le beurre serait un produit laitier très similaire au fromage en termes de matières premières utilisées et de procédés de fabrication. Il serait généralement commercialisé à côté du fromage dans le rayon des produits laitiers des supermarchés. Ainsi, les produits en cause présenteraient un degré moyen de similitude.

39      En l’espèce, il y a lieu d’examiner si la chambre de recours n’a pas commis d’erreur lorsqu’elle a conclu que, si une partie des produits désignés par la marque contestée devaient être considérés comme semblables ou identiques aux « [f]romages » désignés par la marque antérieure, ces derniers ne présentaient toutefois pas de similitude avec les autres produits désignés par la marque contestée, de sorte que, au regard de ce constat et à l’égard de ces autres produits, il y avait lieu d’exclure l’existence d’un risque de confusion au sens de l’article 8, paragraphe 1, sous b), du règlement 2017/1001.

40      Tout d’abord, il y a lieu de relever que, si des produits comme en l’espèce les « [f]romages » désignés par la marque antérieure, d’une part, et l’ensemble des produits désignés par la marque contestée, d’autre part, appartiennent à la catégorie générale des produits alimentaires destinés à la consommation humaine, cela ne saurait suffire à rendre ces produits identiques, dans la mesure où leur nature, les matières premières dont ils sont constitués, leur destination et leur utilisation peuvent être complètement différentes [voir, en ce sens, arrêt du 26 octobre 2011, Intermark/OHMI – Natex International (NATY’S), T‑72/10, non publié, EU:T:2011:635, point 31].

41      Ensuite, dans la mesure où, comme l’a relevé à bon droit la chambre de recours sans être contredite par les parties, les « [f]romages » désignés par la marque antérieure sont des produits élaborés à partir du lait, de sorte qu’ils appartiennent eux-mêmes à la catégorie des produits laitiers tout en présentant une consistance et un goût particuliers, il apparaît que leur nature, leur destination et leur utilisation de même que leur mode de distribution ne diffèrent pas de ceux des « fromage[s] halloumi », du « lait » et des « produits laitiers » désignés par la marque contestée. Il y a donc lieu de considérer, à l’instar de la chambre de recours, que les produits en question sont identiques.

42      Par ailleurs, s’agissant des « huiles et graisses comestibles », ces dernières comprennent des produits à la fois d’origine végétale, comme la margarine, et d’origine animale, comme le beurre, qui est lui-même un produit laitier de nature semblable au fromage, à proximité duquel il est généralement commercialisé. Il y a donc lieu de retenir, ainsi que cela figure au point 24 de la décision attaquée, que ces produits, au regard de leur composition et de leur mode distribution, présentent un degré de similitude qui peut être considéré comme moyen.

43      En outre, en ce qui concerne les « [v]iande, poisson, volaille et gibier ; extraits de viande » désignés par la marque contestée, il s’agit de produits d’origine animale, issus des tissus musculaires d’animaux sauvages ou d’élevage. S’ils ne sont certes pas identiques aux « [f]romages » désignés par la marque antérieure, le Tribunal a déjà considéré que de tels produits, en particulier ceux qui relèvent de la catégorie des produits de charcuterie, pouvaient être considérés comme semblables aux fromages et aux produits laitiers, et ce en raison de leur nature et de leur destination identiques ainsi que de leurs canaux de distribution semblables [voir, en ce sens, arrêt du 13 décembre 2007, Cabrera Sánchez/OHMI – Industrias Cárnicas Valle (el charcutero artesano), T‑242/06, non publié, EU:T:2007:391, point 41]. La chambre de recours a donc commis une erreur en estimant que ces produits étaient différents des « [f]romages » désignés par la marque antérieure, alors qu’il y avait lieu de constater l’existence d’un degré de similitude, qui pouvait être considéré comme faible.

44      Enfin, s’agissant des « œufs », s’il s’agit certes de produits d’origine animale comme les fromages, ceux-ci proviennent généralement de la poule, voire de la cane, et non de la vache ou de la chèvre. Ils ont une destination alimentaire spécifique et, ainsi que l’a relevé à bon droit la chambre de recours, font généralement l’objet d’une commercialisation dans un rayon et sous un emballage particuliers en raison de leur fragilité. Bien qu’ils appartiennent à la catégorie des produits alimentaires, les « œufs » doivent néanmoins être considérés comme différents des « [f]romages » désignés par la marque antérieure.

45      De même, en ce qui concerne les « fruits et légumes conservés, congelés, séchés et cuits ; gelées, confitures, compotes » désignés par la marque contestée, il s’agit de produits alimentaires d’origine végétale qui ne contiennent pas de fromage et qui ont une nature spécifique liée notamment à leurs caractéristiques de conservation, puisqu’il ne s’agit pas de produits frais, qu’ils sont le plus souvent de saveur sucrée et qu’ils sont commercialisés dans des rayons spécifiques. La chambre de recours a donc estimé à bon droit que ces produits étaient différents des « [f]romages » désignés par la marque antérieure.

46      Au regard de ces considérations, il apparaît que la chambre de recours a commis une erreur lors de la comparaison d’une partie des produits désignés par les marques en conflit, de sorte que le premier grief de la première branche est partiellement fondé. L’analyse globale du risque de confusion aurait par conséquent dû être poursuivie à l’égard des « [v]iande, poisson, volaille et gibier ; extraits de viande » désignés par la marque contestée, à l’instar des autres produits désignés par ladite marque à l’égard desquels une identité ou un certain degré de similitude avec les « [f]romages » désignés par la marque antérieure ont été admis. Les conséquences éventuelles de cette erreur au regard de la légalité de la décision attaquée seront examinées dans le cadre de l’analyse globale du risque de confusion, à laquelle il sera procédé ci-après.

47      Il ne saurait en revanche être reproché à la chambre de recours d’avoir estimé que, à l’égard des produits désignés par la marque contestée qui ne présentaient pas de similitude avec les produits désignés par la marque antérieure, ce seul constat permettait de conclure à l’absence de risque de confusion (voir point 28 ci-dessus), et ce sans qu’il y ait lieu de procéder à une analyse globale dudit risque en ce qui concernait lesdits produits. À cet égard, le second grief de la première branche n’apparaît pas fondé et doit être rejeté.

 Sur le caractère distinctif de la marque antérieure

48      Il y a lieu de rappeler que, dans l’arrêt du 5 mars 2020, Foundation for the Protection of the Traditional Cheese of Cyprus named Halloumi/EUIPO (C‑766/18 P, EU:C:2020:170, points 72 et 73), la Cour a rappelé, d’une part, que le degré de caractère distinctif d’une marque antérieure déterminait l’étendue de la protection conférée par celle-ci et que les marques collectives de l’Union européenne devaient posséder un caractère distinctif, que ce soit intrinsèquement ou par l’usage et, d’autre part, que l’article 66, paragraphe 2, du règlement no 207/2009 (devenu article 74, paragraphe 2, du règlement 2017/1001) ne constituait pas une exception à cette exigence de caractère distinctif. Si cette disposition autorisait, par dérogation à l’article 7, paragraphe 1, sous c), du règlement no 207/2009 [devenu article 7, paragraphe 1, sous c), du règlement 2017/1001], l’enregistrement en tant que marques collectives de l’Union européenne de signes pouvant servir à désigner la provenance géographique de produits ou de services, elle ne permettait en revanche pas que les signes ainsi enregistrés fussent dépourvus de caractère distinctif. Ainsi, lorsqu’une association demande l’enregistrement, en tant que marque collective de l’Union européenne, d’un signe pouvant désigner une provenance géographique, il lui incombe de s’assurer que ce signe est pourvu d’éléments qui permettent au consommateur de distinguer les produits ou les services de ses membres de ceux d’autres entreprises.

49      À cet égard, le Tribunal a déjà jugé que l’enregistrement d’un signe en tant que marque collective ne saurait, en lui-même, être constitutif d’une présomption d’existence d’un caractère distinctif moyen [arrêt du 13 juin 2012, Organismos Kypriakis Galaktokomikis Viomichanias/OHMI – Garmo (HELLIM), T‑534/10, EU:T:2012:292, point 52].

50      En outre, si, par analogie avec la solution retenue dans l’arrêt du 24 mai 2012, Formula One Licensing/OHMI (C‑196/11 P, EU:C:2012:314, points 43 à 47), à l’égard des marques nationales valablement enregistrées, il est certes possible de reconnaître un certain degré de caractère distinctif à une marque collective de l’Union européenne valablement enregistrée, il appartient toutefois au titulaire d’une telle marque de démontrer à quel niveau ledit caractère distinctif se situe, dès lors qu’il entend se fonder sur celui-ci à l’appui d’une procédure d’opposition, voire d’annulation. En effet, il convient également de rappeler que, conformément à l’article 95, paragraphe 1, du règlement 2017/1001, la charge de la preuve devant l’EUIPO pèse à cet égard sur l’opposant concerné [voir, en ce sens, arrêt du 6 décembre 2017, Tulliallan Burlington/EUIPO – Burlington Fashion (BURLINGTON), T‑123/16, non publié, EU:T:2017:870, point 60 et jurisprudence citée].

51      Aux points 26 à 33 de la décision attaquée, la chambre de recours a exposé que, en raison de son caractère descriptif, le caractère distinctif intrinsèque de la marque antérieure était faible pour désigner les « [f]romages ». S’agissant du caractère distinctif accru acquis par l’usage auprès du public pertinent, celui-ci n’aurait pas été démontré au regard des preuves produites par la requérante, qui se rapportaient simplement au fromage halloumi et, pour une seule d’entre elles, à la marque HALLOUMI en tant que marque collective de l’Union européenne.

52      En l’espèce, il est constant, tout d’abord, que la marque antérieure est constituée exclusivement du terme « halloumi ». Or, ce terme correspond au nom générique d’un type de fromage produit à Chypre de sorte que, compte tenu du caractère descriptif de l’unique terme dont elle est composée, la marque antérieure présente un caractère distinctif intrinsèque qui doit être considéré comme faible.

53      À cet égard, au point 71 de l’arrêt du 5 mars 2020, Foundation for the Protection of the Traditional Cheese of Cyprus named Halloumi/EUIPO (C‑766/18 P, EU:C:2020:170), la Cour a rappelé que le caractère distinctif de la marque collective de l’Union européenne verbale HALLOUMI, qui correspond également à la marque antérieure en l’espèce, ne devait pas être apprécié de façon particulière au motif qu’il s’agissait d’une marque collective et, au point 76 dudit arrêt, qu’il n’y avait pas lieu de remettre en cause l’évaluation par le Tribunal du degré de caractère distinctif de cette marque, qui avait été considéré comme faible. Dans ces conditions, il ne saurait être fait grief à la chambre de recours, lors de l’évaluation du caractère distinctif intrinsèque de la marque antérieure, de s’être référée à des décisions du Tribunal qui concernaient des droits antérieurs également constitués du seul terme « halloumi », en tant que marques individuelles ou de certification, dans des procédures qui concernaient des demandes d’enregistrement ou d’opposition, dès lors que l’évaluation du caractère distinctif des droits en question répondait à des critères qui pouvaient parfaitement être transposés en l’espèce.

54      Contrairement à ce que soutient la requérante, cela ne revient pas à dénier l’existence même du caractère distinctif d’une marque valablement enregistrée, ni à priver celle-ci des droits qu’elle confère à son titulaire, mais simplement à constater qu’elle ne peut conférer davantage de droits que ceux qu’elle tire objectivement de son caractère distinctif. Il convient d’ailleurs de rappeler que, même en présence d’une marque antérieure ayant un caractère distinctif faible, il peut exister un risque de confusion, notamment lorsque les produits en cause sont identiques et les signes en conflit similaires [voir arrêt du 13 avril 2011, Sociedad Agricola Requingua/OHMI – Consejo Regulador de la Denominación de Origen Toro (TORO DE PIEDRA), T‑358/09, non publié, EU:T:2011:174, point 45 et jurisprudence citée].

55      Ensuite, il y a lieu de constater que rien dans l’argumentation de la requérante ne permet de remettre en cause la constatation qui figure au point 30 de la décision attaquée, selon laquelle, parmi les éléments de preuve produits par la requérante, un seul renvoie à la marque antérieure en tant que marque collective, sans d’ailleurs mentionner la requérante ou l’un de ses membres. L’examen du dossier produit devant la chambre de recours permet en effet de constater que les autres éléments de preuve qui ont été fournis comportent presque uniquement des références au terme « halloumi » en tant que spécialité fromagère de Chypre. Ils ne permettent donc pas de constater que les consommateurs, mis en présence de la marque antérieure, l’associeront à autre chose qu’au fromage halloumi, eu égard au fait qu’elle renvoie au nom générique de ce type de fromage, plutôt qu’à l’origine commerciale des produits en ce qu’ils proviendraient des membres de l’association titulaire de ladite marque ou, le cas échéant, d’entreprises économiquement liées à ces membres ou à cette association.

56      De même, rien ne permet de remettre en cause les motifs figurant au point 32 de la décision attaquée, selon lesquels les décisions des juridictions nationales invoquées par la requérante devant la chambre de recours seraient dénuées de pertinence pour le cas d’espèce, en particulier parce que, lorsque la décision attaquée a été adoptée, elles n’étaient pas définitives, qu’elles concernaient un droit antérieur différent ou qu’elles examinaient des questions étrangères au litige en cause en l’espèce.

57      Il doit également être souligné, en ce qui concerne l’argumentation de la requérante tenant à la nécessaire protection des marques collectives de l’Union européenne qui, en vertu des dispositions de l’article 74, paragraphe 2, du règlement 2017/1001, sont expressément autorisées à désigner la provenance géographique des produits ou des services qu’elles visent, que la Cour a relevé, au point 74 de l’arrêt du 5 mars 2020, Foundation for the Protection of the Traditional Cheese of Cyprus named Halloumi/EUIPO (C‑766/18 P, EU:C:2020:170), que, à supposer même que la marque collective de l’Union européenne HALLOUMI renvoie implicitement à l’origine géographique chypriote des produits visés, elle n’en doit pas moins remplir sa fonction essentielle, à savoir distinguer les produits ou les services des membres de l’association qui en est la titulaire de ceux d’autres entreprises. Or, le caractère générique du terme « halloumi », dès lors que ce terme constitue à lui seul la marque antérieure, limite nécessairement les effets de ladite marque eu égard à cette fonction.

58      À titre surabondant, il convient de souligner, à l’instar des conclusions de l’avocate générale Kokott dans l’affaire Foundation for the Protection of the Traditional Cheese of Cyprus named Halloumi/EUIPO (C‑766/18 P, EU:C:2019:881, point 86), que le besoin d’une protection plus étendue sur le fondement du droit des marques de l’Union européenne n’existe pas en l’espèce, puisque les dispositions relatives aux appellations d’origine protégées et aux indications géographiques protégées, telles qu’elles résultent du règlement (UE) no 1151/2012 du Parlement européen et du Conseil, du 21 novembre 2012, relatif aux systèmes de qualité applicables aux produits agricoles et aux denrées alimentaires (JO 2012, L 343, p. 1), pourraient assurer une protection suffisante, indépendamment dudit droit.

59      Le premier grief de la seconde branche du premier moyen doit dès lors être rejeté.

60      Enfin, en ce qui concerne le second grief de la seconde branche du premier moyen, tiré d’une analyse erronée de la chambre de recours en ce qui concerne les éléments de preuve versés aux débats, la requérante se limite à affirmer que, en présence d’éléments comportant la mention du terme « halloumi » suivi d’autres mots, comme par exemple dans l’expression « HALLOUMI – Cyprus traditional cheese », le terme « halloumi » ne serait pas descriptif, car il serait sinon inutile d’y adjoindre une description. Or, une telle argumentation ne remet nullement en cause les conclusions de la chambre de recours, telles qu’elles figurent au point 30 de la décision attaquée, selon lesquelles, parmi les éléments de preuve versés aux débats, elle n’a pu identifier qu’une seule référence à la marque HALLOUMI en tant que marque collective enregistrée dans l’Union européenne. Dès lors, ces éléments de preuve qui, ainsi que le souligne elle-même la requérante, renvoyaient uniquement au terme « halloumi » et non à la marque HALLOUMI en tant que telle ne sont pas susceptibles de démontrer l’existence d’un caractère distinctif accru acquis par l’usage, bien qu’ils aient été produits à cette fin.

61      Dans ces conditions, l’argumentation de la requérante tirée d’une analyse erronée des éléments de preuve, dont il y a lieu de constater qu’elle concerne le terme « halloumi » et non la marque HALLOUMI, présente un caractère inopérant en ce qu’elle porte sur une prétendue sous-évaluation du caractère distinctif acquis par la marque antérieure.

62      Au regard des considérations qui précèdent, il y a lieu de rejeter le second grief de la seconde branche et, partant, ladite branche dans son intégralité.

 Sur les éléments dominants ou les plus distinctifs de la marque contestée

63      Au point 38 de la décision attaquée, la chambre de recours a procédé à une description de la marque contestée, en exposant que cette dernière correspondait à une composition figurative composée du mot « halloumi » écrit en grandes lettres vert clair, en dessous duquel figurait directement le mot « χαλλούμι » en bleu clair, sous lequel figurait, légèrement plus au centre du signe, le mot « vermion », écrit en lettres bleu clair légèrement plus petites et plus épaisses, sous lequel figuraient à leur tour les mots « grill cheese/grill est/grill kase », à peine lisibles, inscrits en caractères bleus de très petite taille. Ces mots apparaissent sur un fond rectangulaire blanc apposé sur une photographie de morceaux de fromage halloumi posés sur de l’herbe, au-dessus des mots « mediterranean cuisine under authentic cypriot recipe », écrits entre guillemets et en caractères bleus de très petite taille. Sous ces éléments figure un élément blanc ressemblant à une petite lettre « m » stylisée et placée sur un fond circulaire jaune, sous lequel figurent le mot « belas » en lettres majuscules grises épaisses et l’expression en lettres de petite taille « premium greek dairy since 1927 ».

64      La chambre de recours a estimé, au point 39 de la décision attaquée, que, malgré la présence du mot « halloumi » dans la partie supérieure de la marque contestée, il n’y avait pas lieu de considérer qu’il formait le « début » de ladite marque qui, étant donné son caractère complexe, ne comportait pas de début à proprement parler. Ainsi, le mot « vermion », bien que légèrement plus petit que le mot « halloumi », mais plus grand que le mot « χαλλούμι », occuperait une position tout aussi frappante sur le plan visuel et serait plus proche de la partie centrale de la marque, tandis que le mot « belas » écrit en lettres grises et caractères gras dans la partie inférieure droite ne serait pas négligé. Étant donné que les consommateurs auraient tendance à porter leur attention sur des mots plutôt que sur des éléments figuratifs, le point jaune contenant l’élément blanc revêtirait une importance secondaire dans l’impression d’ensemble. En raison de sa position et de sa stylisation, et contrairement à ce que la description du signe en cause laisserait entendre, il ne serait pas perçu comme étant lié au mot « belas » placé au-dessous. Le public pertinent comprendrait le mot « halloumi » comme faisant référence à un type de fromage et ne tiendrait pas compte de sa signification descriptive. Quant au terme « χαλλούμι », il serait compris par le public pertinent grec comme signifiant « halloumi » ou serait perçu comme un mot grec sans signification perceptible par le reste du public pertinent. Dans les deux cas, l’incidence sur l’impression globale serait faible. Dans la mesure où les consommateurs n’auraient aucune raison de porter leur attention sur des mots qu’ils ne peuvent pas lire, les expressions « grill cheese/grill est/grill kase » et « mediterranean cuisine under authentic cypriot recipe » revêtiraient également une importance secondaire. Elles seraient comprises par le public pertinent anglophone comme de simples explications de la nature et de la qualité des produits en cause ainsi que de la photographie de fromage halloumi grillé, ou ne seraient pas comprises du tout. Indépendamment de toutes compétences linguistiques, le public pertinent percevrait la photographie de fromage halloumi grillé comme une simple illustration des produits en cause et donc comme étant dépourvue de caractère distinctif.

65      Par ailleurs, en ce qui concerne les éléments distinctifs de la marque contestée, la chambre de recours a également estimé, aux points 40 et 41 de la décision attaquée, que le mot « halloumi » était descriptif du fromage pour le public pertinent. Ce caractère descriptif serait renforcé par les éléments figuratifs représentant du fromage grillé et par l’intitulé « grill cheese/grill est/grill kase ». Par conséquent, les termes « vermion » et « belas », qui n’auraient pas de signification au regard des produits en cause, seraient les éléments dominants et distinctifs de la marque. À cet égard, le mot « vermion » ne revêtirait aucune signification pour le public pertinent. Le nom d’une chaîne de montagnes en Grèce, connue pour son domaine skiable, ne véhiculerait aucune signification susceptible de décrire les produits demandés, compris dans la classe 29, indépendamment de la question de savoir si, parmi le public pertinent, le public chypriote serait ou non familiarisé avec ce nom.

66      Ces appréciations de la chambre de recours, outre qu’elles ne sont pas expressément contestées par les parties, apparaissent exactes et doivent être approuvées. En particulier, s’il est exact que le terme « vermion » désigne un lieu, celui-ci est situé en Grèce, alors que le terme « halloumi » renvoie spécifiquement à un fromage produit à Chypre, de sorte que rien ne permet de considérer que le public pertinent est susceptible d’établir un lien entre le terme « vermion » et le lieu d’origine des produits en cause ou de leurs ingrédients constitutifs. Les éléments verbaux « vermion » et « belas » constituent par conséquent, pour l’ensemble du public pertinent défini comme étant le grand public de l’Union, les éléments dominants et les plus distinctifs de la marque contestée.

 Sur la comparaison des signes en conflit

67      L’appréciation globale du risque de confusion doit, en ce qui concerne la similitude visuelle, phonétique ou conceptuelle des signes en conflit, être fondée sur l’impression d’ensemble produite par ceux-ci, en tenant compte, notamment, de leurs éléments distinctifs et dominants. La perception des marques qu’a le consommateur moyen des produits ou des services en cause joue un rôle déterminant dans l’appréciation globale dudit risque. À cet égard, le consommateur moyen perçoit normalement une marque comme un tout et ne se livre pas à un examen de ses différents détails (voir arrêt du 12 juin 2007, OHMI/Shaker, C‑334/05 P, EU:C:2007:333, point 35 et jurisprudence citée).

68      En premier lieu, s’agissant de la comparaison visuelle, il convient de rappeler que rien ne s’oppose à ce que soit vérifiée l’existence d’une similitude visuelle entre une marque verbale et une marque figurative, étant donné que ces deux types de marques ont une configuration graphique capable de donner lieu à une impression visuelle [voir arrêt du 4 mai 2005, Chum/OHMI – Star TV (STAR TV), T‑359/02, EU:T:2005:156, point 43 et jurisprudence citée].

69      Selon la jurisprudence, lorsqu’une marque est composée d’éléments verbaux et figuratifs, l’élément verbal de la marque est, en principe, plus distinctif que l’élément figuratif, car le consommateur moyen fera plus facilement référence au produit en cause en citant le nom qu’en décrivant l’élément figuratif [voir arrêt du 9 septembre 2008, Honda Motor Europe/OHMI – Seat (MAGIC SEAT), T‑363/06, EU:T:2008:319, point 30 et jurisprudence citée].

70      La marque antérieure est constituée du terme « halloumi », tandis que la marque contestée est une composition figurative qui est constituée de plusieurs éléments verbaux ainsi que d’une photographie (voir point 63 ci-dessus).

71      Dans la mesure où il ressort de l’analyse de la marque contestée que, parmi les éléments dont cette dernière est constituée, les mots « vermion » et « belas » sont les éléments dominants et les plus distinctifs, le mot « halloumi » ne revêt qu’un caractère secondaire dans l’impression d’ensemble produite par ladite marque.

72      Dès lors, il y a lieu d’approuver la constatation d’une similitude visuelle très faible entre les signes en conflit, ces derniers ne coïncidant qu’au niveau du mot « halloumi » auquel les consommateurs ne prêteront que peu d’attention en raison, d’une part, de son caractère secondaire et, d’autre part, de sa signification descriptive.

73      En deuxième lieu, s’agissant de la comparaison phonétique, la chambre de recours a retenu, au point 44 de la décision attaquée, que la similitude phonétique des signes en conflit était faible, car, en dépit de la présence du mot « halloumi » dans chacun de ces signes, les consommateurs abrégeraient la prononciation de la marque contestée pour ne prononcer que « vermion » ou « belas ».

74      Cette appréciation doit être approuvée. En effet, si la présence commune du mot « halloumi » dans la marque antérieure et dans l’élément verbal de la marque contestée entraîne un certain degré de similitude phonétique, celui-ci est très fortement atténué par la présence d’autres éléments verbaux dans cette dernière qui ont vocation à être davantage prononcés par les consommateurs quand ils se référeront à ladite marque.

75      En troisième lieu, la chambre de recours a estimé, au point 44 de la décision attaquée, qu’il n’était pas possible de procéder à une comparaison conceptuelle, car la marque contestée serait dans son ensemble dépourvue de signification, et que la présence d’un terme descriptif ne saurait engendrer une similitude conceptuelle pertinente.

76      Cette analyse de la chambre de recours ne saurait toutefois être suivie. S’il est exact que la marque antérieure véhicule le concept d’un type de fromage chypriote, en l’occurrence le fromage halloumi, il ne saurait être exclu que, dans une certaine mesure, la marque contestée véhicule un concept comparable. En effet, pour le public pertinent, le terme « halloumi », associé à la photographie de morceaux de fromage halloumi posés sur de l’herbe, est également susceptible de renvoyer au concept de fromage halloumi.

77      Toutefois, dans la mesure où le terme « halloumi » ne joue dans la marque contestée qu’un rôle secondaire, en particulier par rapport aux termes dominants « vermion » et « belas », il est probable que le concept qu’il véhicule, même associé à la photographie de morceaux de fromage halloumi posés sur de l’herbe, ne soit pas perçu d’emblée par le public pertinent, voire que, pour ledit public, la présence des termes « vermion » et « belas » illustre davantage le caractère fantaisiste de la marque contestée, dès lors que ces termes ne véhiculent aucun concept précis ou que, s’agissant du terme « vermion », il renvoie tout au plus à un lieu sans rapport direct avec les produits en cause.

78      Dans ces conditions, contrairement à ce qu’a retenu la chambre de recours dans la décision attaquée, les signes en conflit ne sont pas totalement différents sur le plan conceptuel, mais ils présentent sur ce plan un degré de similitude qui peut être qualifié de faible.

79      Il y a donc lieu de constater que la chambre de recours a commis une erreur lors de la comparaison des signes en conflit, en l’occurrence lors de l’évaluation de la similitude sur le plan conceptuel. L’incidence éventuelle de cette erreur sur la légalité de la décision attaquée sera examinée ci-après, au stade de l’appréciation globale du risque de confusion.

 Sur l’analyse globale du risque de confusion

80      L’appréciation globale du risque de confusion implique une certaine interdépendance des facteurs pris en compte et, notamment, de la similitude des marques et de celle des produits ou des services désignés par celles-ci. Ainsi, un faible degré de similitude entre les produits ou les services désignés peut être compensé par un degré élevé de similitude entre les marques, et inversement [arrêts du 29 septembre 1998, Canon, C‑39/97, EU:C:1998:442, point 17, et du 14 décembre 2006, Mast-Jägermeister/OHMI – Licorera Zacapaneca (VENADO avec cadre e.a.), T‑81/03, T‑82/03 et T‑103/03, EU:T:2006:397, point 74].

81      En l’espèce, il convient de rappeler que, au point 49 de la décision attaquée, la chambre de recours a conclu que, du fait que les marques en conflit coïncidaient uniquement par l’élément descriptif « halloumi », tout en différant par les éléments distinctifs de la marque contestée, en l’occurrence les termes « vermion » et « belas », absents de la marque antérieure, et compte tenu du faible caractère distinctif de la marque antérieure, les différences entre lesdites marques étaient suffisantes pour les distinguer avec certitude que ce soit pour désigner des produits identiques ou, a fortiori, similaires.

82      À cet égard, dans la mesure où l’existence d’un risque de confusion présuppose à la fois une identité ou une similitude des marques en conflit et une identité ou une similitude des produits ou des services qu’elles désignent, le constat de l’absence d’un risque de confusion doit, en tout état de cause, être approuvé en ce qui concerne les « œufs » et les « fruits et légumes conservés, congelés, séchés et cuits ; gelées, confitures, compotes », visés par la marque contestée, puisqu’ils sont différents des produits couverts par la marque antérieure.

83      En revanche, en ce qui concerne les autres produits visés par la marque contestée et identiques ou semblables, à différents degrés, aux produits désignés par la marque antérieure, l’existence d’un risque de confusion ne saurait d’emblée être exclue, de sorte qu’il y a lieu de procéder à l’appréciation globale de ce risque au regard de tous les facteurs pertinents.

84      Premièrement, s’agissant du facteur tenant à la similitude des signes en conflit, celle-ci tient, d’une part, à la présence du terme « halloumi » dans la marque contestée, alors que ce terme correspond également à l’unique élément dont est composée la marque antérieure, ce qui est à l’origine d’un très faible degré de similitude sur le plan visuel et d’un faible degré de similitude sur les plans phonétique et conceptuel, et, d’autre part, au fait que le terme « halloumi », associé à la photographie de morceaux de fromage halloumi posés sur de l’herbe, est susceptible de renvoyer au concept de fromage halloumi.

85      Ces considérations doivent toutefois être mises en perspective avec le fait que, lorsque le public sera mis en présence de l’élément verbal qui compose la marque contestée, son attention sera davantage attirée par les éléments distinctifs de ladite marque, en l’occurrence les termes « vermion » et « belas », absents de la marque antérieure. En outre, s’il est exact que le terme « halloumi », associé à la photographie de morceaux de fromage halloumi posés sur de l’herbe, est susceptible de renvoyer au concept de fromage halloumi, l’élément figuratif dans la marque contestée joue également un rôle différenciateur non négligeable dans la mesure où la marque antérieure, de nature verbale, n’en est pas pourvue.

86      Ainsi, le terme « halloumi », principal élément à l’origine de la similitude existant entre les signes en conflit, ne contribue pour ainsi dire pas au caractère distinctif de la marque contestée, puisque les éléments « vermion » et « belas » de ladite marque ont été considérés comme les éléments qui retiendraient le plus l’attention du public pertinent en raison de leur caractère distinctif et dominant, alors que la marque antérieure ne jouissait, quant à elle, que d’un faible caractère distinctif intrinsèque.

87      Or, si la reconnaissance du caractère faiblement distinctif de la marque antérieure n’empêche pas, en elle-même, de constater l’existence d’un risque de confusion (voir, en ce sens, ordonnance du 27 avril 2006, L’Oréal/OHMI, C‑235/05 P, non publiée, EU:C:2006:271, points 42 à 45), il apparaît toutefois que, lorsque les éléments de similitude existant entre deux signes tiennent au fait que, comme en l’espèce, ils partagent un composant présentant un faible caractère distinctif intrinsèque, l’impact de tels éléments de similitude sur l’appréciation globale du risque de confusion est lui-même faible [voir, en ce sens, arrêts du 22 février 2018, International Gaming Projects/EUIPO – Zitro IP (TRIPLE TURBO), T‑210/17, non publié, EU:T:2018:91, point 73 et jurisprudence citée, et du 20 septembre 2018, Kwizda Holding/EUIPO – Dermapharm (UROAKUT), T‑266/17, EU:T:2018:569, point 79].

88      Dans ces conditions, le faible degré de similitude qui existe en l’espèce entre les signes en conflit sera peu susceptible de contribuer à l’existence d’un risque de confusion, puisque lesdits signes coïncident sur un élément, le terme « halloumi », qui n’est pas, en tant que tel, dominant et qui est, de plus, intrinsèquement peu distinctif pour le public pertinent qui le comprendra tout au plus comme une référence possible au fromage halloumi.

89      Deuxièmement, s’agissant du caractère distinctif de la marque antérieure, d’une part, celle-ci est dotée d’un degré de caractère distinctif intrinsèque faible et, d’autre part, la requérante n’a pas démontré l’existence d’un caractère distinctif accru acquis par l’usage, dans la mesure où les éléments de preuve produits versés aux débats ne permettent pas de constater que le public pertinent, mis en présence de la marque antérieure, l’associera à autre chose qu’au fromage halloumi, eu égard au fait qu’elle renvoie au nom générique de ce type de fromage, plutôt qu’à l’origine commerciale des produits désignés par celle-ci, en ce qu’ils proviennent des membres de l’association titulaire de ladite marque ou, le cas échéant, d’entreprises économiquement liées à ces membres ou à cette association.

90      Ainsi, le niveau de protection conféré par la marque antérieure, eu égard à son faible degré de caractère distinctif intrinsèque, ne peut lui-même qu’être faible.

91      Troisièmement, il y a lieu de prendre en considération le facteur tenant au fait qu’une partie des produits désignés par la marque contestée, en l’occurrence les « fromage[s] halloumi » et le « lait » et les « produits laitiers », sont identiques aux produits désignés par la marque antérieure et qu’une autre partie de ces produits, en l’occurrence les « [v]iande, poisson, volaille et gibier ; extraits de viande » et « huiles et graisses comestibles », sont similaires, à différents degrés.

92      À ce titre, il convient de rappeler que tous les produits en cause sont des produits de consommation courante, lors de l’achat desquels le public pertinent fera preuve d’un niveau d’attention moyen (voir point 33 ci-dessus).

93      Il ne pourrait être conclu à l’existence d’un risque de confusion que si le public pertinent était susceptible d’être induit en erreur sur l’origine commerciale des produits désignés par la marque contestée.

94      Or, en l’espèce, ce risque n’apparaît pas démontré, même pour les produits désignés par la marque contestée qui sont identiques aux « [f]romages » désignés par la marque antérieure.

95      En effet, mis en présence de la marque contestée et à supposer qu’il porte également son attention sur l’élément « halloumi » contenu dans celle-ci, ce qui est peu probable compte tenu du fait que cet élément est peu distinctif et qu’il présente un caractère descriptif au regard des produits commercialisés, voire qu’il perçoive que la photographie de morceaux de fromage halloumi posés sur de l’herbe est susceptible de renvoyer au concept de fromage halloumi, le public pertinent n’établira pas de lien entre cette même marque et la marque antérieure dans la mesure où, d’une part, il établira tout au plus un lien entre cette dernière et le produit qu’elle désigne, à savoir du fromage halloumi, et, d’autre part, les marques en conflit ne présentent, globalement considérées, qu’un faible degré de similitude.

96      Au vu de l’ensemble des considérations qui précèdent, il y a lieu de considérer que, en dépit des erreurs qu’elle a commises lors de la comparaison des produits désignés par les marques en conflit, d’une part, et lors de la comparaison desdites marques, d’autre part, la chambre de recours a en l’espèce conclu à bon droit à l’absence de risque de confusion. Par conséquent, il convient de rejeter le premier moyen.

 Sur le second moyen, tiré de la violation de l’article 59, paragraphe 1, sous b), du règlement 2017/1001

97      Le second moyen se décompose en deux branches.

98      Premièrement, selon la requérante, la chambre de recours a appliqué un critère erroné pour apprécier la mauvaise foi de la titulaire de la marque contestée, puisqu’elle a estimé en substance que, dès lors que la marque antérieure était composée d’un terme qui désignait un type de fromage spécifique, il ne pouvait être reproché à un producteur de fromage d’utiliser ce terme afin de décrire le fromage qu’il produisait. Ce raisonnement reposerait sur la constatation erronée du caractère descriptif de la marque antérieure.

99      Deuxièmement, à l’appui de sa conclusion tenant à l’absence de mauvaise foi de la titulaire de la marque contestée, la chambre de recours aurait constaté l’absence d’indication d’une intention malhonnête chez ce dernier, alors que, dans la jurisprudence de la Cour, la malhonnêteté ne constituerait pas un critère d’appréciation de la mauvaise foi. La chambre de recours aurait donc commis une erreur et aurait dû conclure que la marque contestée avait été déposée de mauvaise foi et était donc nulle pour ce motif.

100    L’EUIPO conteste les arguments avancés par la requérante et conclut au rejet du second moyen.

101    L’article 59, paragraphe 1, sous b), du règlement 2017/1001, sous le titre « Causes de nullité absolue », énonce ce qui suit :

« La nullité de la marque de l’Union européenne est déclarée, sur demande présentée auprès de l’[EUIPO] ou sur demande reconventionnelle dans une action en contrefaçon :

[…]

b)      lorsque le demandeur était de mauvaise foi lors du dépôt de la demande de marque. »

102    Tout d’abord, il convient de rappeler que, lorsqu’une notion figurant dans le règlement 2017/1001 n’est pas définie par celui-ci, la détermination de sa signification et de sa portée doit être établie conformément à son sens habituel dans le langage courant, tout en tenant compte du contexte dans lequel cette notion est utilisée et des objectifs poursuivis par ce règlement (voir, en ce sens, arrêt du 12 septembre 2019, Koton Mağazacilik Tekstil Sanayi ve Ticaret/EUIPO, C‑104/18 P, EU:C:2019:724, point 43 et jurisprudence citée).

103    Il en va ainsi de la notion de « mauvaise foi » figurant à l’article 59, paragraphe 1, sous b), du règlement 2017/1001, en l’absence de toute définition de cette notion par le législateur de l’Union.

104    Alors que, conformément à son sens habituel dans le langage courant, la notion de « mauvaise foi » suppose la présence d’un état d’esprit ou d’une intention malhonnête, cette notion doit en outre être comprise dans le contexte du droit des marques, qui est celui de la vie des affaires. À cet égard, le règlement (CE) no 40/94 du Conseil, du 20 décembre 1993, sur la marque communautaire (JO 1994, L 11, p. 1), et les règlements no 207/2009 et 2017/1001 adoptés successivement s’inscrivent dans un même objectif, à savoir l’établissement et le fonctionnement du marché intérieur. Les règles sur la marque de l’Union européenne visent, en particulier, à contribuer au système de concurrence non faussée dans l’Union, dans lequel chaque entreprise doit, afin de s’attacher la clientèle par la qualité de ses produits ou de ses services, être en mesure de faire enregistrer en tant que marques des signes permettant au consommateur de distinguer sans confusion possible ces produits ou ces services de ceux qui ont une autre provenance (voir arrêt du 12 septembre 2019, Koton Mağazacilik Tekstil Sanayi ve Ticaret/EUIPO, C‑104/18 P, EU:C:2019:724, point 45 et jurisprudence citée).

105    Par conséquent, la cause de nullité absolue visée à l’article 59, paragraphe 1, sous b), du règlement 2017/1001 s’applique lorsqu’il ressort d’indices pertinents et concordants que le titulaire d’une marque de l’Union européenne a introduit la demande d’enregistrement de cette marque non pas dans le but de participer de manière loyale au jeu de la concurrence, mais avec l’intention de porter atteinte, d’une manière non conforme aux usages honnêtes, aux intérêts de tiers, ou avec l’intention d’obtenir, sans même viser un tiers en particulier, un droit exclusif à des fins autres que celles relevant des fonctions d’une marque, notamment de la fonction essentielle d’indication d’origine (voir, en ce sens, arrêt du 12 septembre 2019, Koton Mağazacilik Tekstil Sanayi ve Ticaret/EUIPO, C‑104/18 P, EU:C:2019:724, point 46).

106    Ensuite, l’intention du demandeur d’une marque est un élément subjectif qui doit cependant être déterminé de manière objective par les autorités administratives et judiciaires compétentes. Par conséquent, toute allégation de mauvaise foi doit être appréciée globalement, en tenant compte de l’ensemble des circonstances factuelles pertinentes du cas d’espèce (voir, en ce sens, arrêt du 11 juin 2009, Chocoladefabriken Lindt & Sprüngli, C‑529/07, EU:C:2009:361, points 37 et 42). Ce n’est que de cette manière que l’allégation de mauvaise foi peut être appréciée objectivement.

107    Par ailleurs, il y a lieu de relever que, selon la jurisprudence, dans le cas d’une demande en nullité fondée sur l’article 59, paragraphe 1, sous b), du règlement 2017/1001, il n’est nullement requis que le demandeur en nullité soit titulaire d’une marque antérieure désignant des produits ou des services identiques ou semblables à ceux de la marque dont il sollicite la nullité (voir, en ce sens, arrêt du 13 novembre 2019, Outsource Professional Services/EUIPO, C‑528/18 P, non publié, EU:C:2019:961, point 72 et jurisprudence citée).

108    Il résulte seulement de l’interprétation fournie par la Cour au point 53 de l’arrêt du 11 juin 2009, Chocoladefabriken Lindt & Sprüngli (C‑529/07, EU:C:2009:361), que, lorsqu’il est établi qu’une utilisation par un tiers d’un signe identique ou similaire pour des produits ou services identiques ou similaires existait et prêtait à confusion, il y a lieu d’examiner, dans le cadre de l’appréciation globale des circonstances pertinentes du cas d’espèce, si le demandeur d’une marque à l’enregistrement en avait connaissance. Cet élément n’est toutefois qu’un facteur pertinent parmi d’autres à prendre en considération (voir, en ce sens, arrêt du 12 septembre 2019, Koton Mağazacilik Tekstil Sanayi ve Ticaret/EUIPO, C‑104/18 P, EU:C:2019:724, point 55). En effet, la circonstance que ledit demandeur savait ou devait savoir qu’un tiers utilisait depuis longtemps, dans au moins un État membre, un signe identique ou similaire pour un produit identique ou similaire prêtant à confusion avec le signe dont l’enregistrement est demandé ne suffit pas, à elle seule, pour que soit établie l’existence de la mauvaise foi de ce demandeur (arrêt du 11 juin 2009, Chocoladefabriken Lindt & Sprüngli, C‑529/07, EU:C:2009:361, point 40).

109    Enfin, l’éventuel caractère descriptif d’un élément dont est constituée une marque de l’Union européenne, notamment un élément verbal, ne fait pas obstacle à la constatation de la mauvaise foi du titulaire de ladite marque lorsqu’il a demandé son enregistrement (voir, par analogie, arrêt du 13 novembre 2019, Outsource Professional Services/EUIPO, C‑528/18 P, non publié, EU:C:2019:961, point 69).

110    Aux points 55 et 56 de la décision attaquée, la chambre de recours a estimé qu’elle ne voyait rien de malhonnête dans le fait qu’un producteur de fromage utilisât des mots désignant un type de fromage spécifique afin de décrire le fromage qu’il produisait et que la simple connaissance de l’existence de droits antérieurs détenus par des concurrents n’était pas constitutive de mauvaise foi. En effet, le libellé de la marque contestée constituerait une référence à la tradition de production de fromage halloumi à Chypre et non au système de certification mis en place par la requérante à partir de l’année 1992, de sorte que le simple fait que la titulaire de la marque contestée ne fût pas autorisée à produire du fromage halloumi dans le cadre du système de certification n’aurait pas été constitutif de mauvaise foi. La question de savoir si d’autres sociétés laitières grecques pouvaient décider de produire du fromage halloumi à Chypre aurait donc été dénuée de pertinence. De même, il n’y aurait pas eu lieu de prendre en compte les décisions de juridictions grecques concluant à la mauvaise foi de la titulaire de la marque contestée.

111    En l’espèce, il est constant que, lorsque la titulaire de la marque contestée a déposé la demande d’enregistrement de ladite marque, le 26 septembre 2013, la marque antérieure était déjà enregistrée depuis plusieurs années, en l’occurrence depuis le 14 juillet 2000. Bien que les éléments du dossier ne permettent pas de se prononcer avec certitude sur ce point, il ne saurait être exclu que, lors du dépôt de la marque contestée, la titulaire de ladite marque ait eu connaissance de l’existence de la marque antérieure.

112    Toutefois, la marque antérieure présente la particularité d’être constituée d’un terme unique, en l’occurrence « halloumi », qui correspond également au nom générique d’un type particulier de fromage produit à Chypre selon une recette spéciale (voir, en ce sens, arrêt du 5 mars 2020, Foundation for the Protection of the Traditional Cheese of Cyprus named Halloumi/EUIPO, C‑766/18 P, EU:C:2020:170, point 76).

113    À cet égard, il y a lieu de relever que les éléments de preuve produits par la requérante lors de la procédure devant l’EUIPO afin de démontrer le caractère distinctif acquis par l’usage de la marque antérieure, dont certains datent du début du vingtième siècle, permettent de constater un usage ancien du terme « halloumi » pour désigner un type de fromage produit à Chypre, bien avant l’enregistrement de la marque antérieure.

114    Dans ces conditions, bien que l’éventuel caractère descriptif d’un élément dont est constituée une marque de l’Union européenne, notamment un élément verbal, ne fasse pas obstacle à la constatation de la mauvaise foi du titulaire de ladite marque (voir point 109 ci-dessus), l’usage du terme « halloumi » parmi les éléments verbaux dont est constituée une marque figurative complexe, à l’instar de la marque contestée, doit tout au plus s’analyser comme l’usage d’un terme descriptif des produits désignés par ladite marque, ces produits pouvant être du fromage halloumi ou comporter ce type de fromage dans leur composition.

115    Les droits que tire la requérante de l’enregistrement de la marque antérieure ne peuvent en effet lui conférer en toutes circonstances un droit d’usage exclusif du terme « halloumi », alors que, au demeurant, l’étendue des droits dont elle dispose en vertu de ladite marque est déterminée par le caractère distinctif de celle-ci, intrinsèque ou acquis par l’usage, dont il y a lieu de rappeler qu’il est faible.

116    En outre, la mauvaise foi de la titulaire de la marque contestée ne saurait être déduite d’une éventuelle méconnaissance du règlement d’usage de la marque antérieure. Il convient de noter à cet égard que, en vertu des dispositions de l’article 66, paragraphe 2, du règlement no 207/2009 (devenu article 74, paragraphe 2, du règlement 2017/1001), « une marque collective de l’Union européenne n’autorise pas le titulaire à interdire à un tiers d’utiliser dans le commerce ces signes ou indications, pour autant que cet usage soit fait conformément aux usages honnêtes en matière industrielle ou commerciale ». Or, rien ne permet en l’espèce de considérer que le terme générique « halloumi » aurait été utilisé par la titulaire de la marque contestée dans le cadre d’un usage non conforme aux usages honnêtes en matière industrielle ou commerciale.

117    Au surplus, s’agissant de la référence par la chambre de recours au critère de la malhonnêteté, contrairement à ce que soutient la requérante, il apparaît à plusieurs reprises dans la jurisprudence du Tribunal, ainsi que le fait valoir l’EUIPO [voir, en ce sens, arrêts du 14 février 2019, Mouldpro/EUIPO – Wenz Kunststoff (MOULDPRO), T‑796/17, non publié, EU:T:2019:88, point 80 ; du 14 mai 2019, Moreira/EUIPO – Da Silva Santos Júnior (NEYMAR), T‑795/17, non publié, EU:T:2019:329, point 23, et du 23 mai 2019, Holzer y Cia/EUIPO – Annco (ANN TAYLOR et AT ANN TAYLOR), T‑3/18 et T‑4/18, EU:T:2019:357, point 31]. Ledit critère est également mentionné, en substance, au point 60 des conclusions de l’avocat général Sharpston dans l’affaire Chocoladefabriken Lindt & Sprüngli (C‑529/07, EU:C:2009:148), dans le sens où l’« intention malhonnête » de la personne présentant une demande d’enregistrement de marque de l’Union européenne permet d’évaluer la motivation subjective de cette personne. La chambre de recours a donc pu, sans commettre d’erreur, se fonder notamment sur ce critère pour évaluer la mauvaise foi alléguée de la titulaire de la marque contestée.

118    Enfin, pour les mêmes motifs que ceux évoqués au point 56 ci-dessus, les décisions des juridictions nationales invoquées par la requérante devant la chambre de recours doivent être considérées comme dénuées de pertinence pour caractériser l’éventuelle mauvaise foi de la titulaire de la marque contestée.

119    Au vu des considérations qui précèdent, il y a lieu de conclure que, d’une part, la chambre de recours n’a appliqué aucun critère erroné pour apprécier l’éventuelle mauvaise foi de la titulaire de la marque contestée et, d’autre part, l’appréciation globale des circonstances pertinentes du cas d’espèce ne permet pas de parvenir au constat de la mauvaise foi de la titulaire de la marque contestée lors du dépôt de la demande d’enregistrement de ladite marque.

120    Il y a donc lieu de déclarer non fondées les deux branches du second moyen et, partant, de rejeter le second moyen et le recours dans leur ensemble.

 Sur les dépens

121    Aux termes de l’article 134, paragraphe 1, du règlement de procédure du Tribunal, toute partie qui succombe est condamnée aux dépens, s’il est conclu en ce sens.

122    En l’espèce, la requérante ayant succombé, il y a lieu de la condamner à supporter ses propres dépens ainsi que ceux exposés par l’EUIPO, conformément aux conclusions de ce dernier.

Par ces motifs,

LE TRIBUNAL (deuxième chambre)

déclare et arrête :

1)      Le recours est rejeté.

2)      Foundation for the Protection of the Traditional Cheese of Cyprus named Halloumi est condamnée à supporter ses propres dépens ainsi que ceux exposés par l’Office de l’Union européenne pour la propriété intellectuelle (EUIPO).

Tomljenović

Schalin

Škvařilová-Pelzl

Ainsi prononcé en audience publique à Luxembourg, le 24 mars 2021.

Signatures


*      Langue de procédure : l’anglais.