Language of document : ECLI:EU:T:2020:321

DOCUMENT DE TRAVAIL

ARRÊT DU TRIBUNAL (cinquième chambre)

8 juillet 2020 (*)

« Dessin ou modèle communautaire – Procédure de nullité – Dessin ou modèle communautaire enregistré représentant un outil pneumatique – Dessin ou modèle antérieur – Preuve de la divulgation – Article 7 du règlement (CE) no 6/2002 – Motif de nullité – Caractère individuel – Impression globale différente – Article 6, paragraphe 1, sous b), du règlement no 6/2002 »

Dans l’affaire T‑748/18,

Glimarpol sp. z o.o., établie à Bytom (Pologne), représentée par Me M. Kondrat, avocat,

partie requérante,

contre

Office de l’Union européenne pour la propriété intellectuelle (EUIPO), représenté par MM. A. Folliard-Monguiral et H. O’Neill, en qualité d’agents,

partie défenderesse,

soutenu par

Metar sp. z o.o., établie à Gliwice (Pologne), représentée par Mes R. Skubisz et M. Mazurek, avocats,

partie intervenante,

ayant pour objet un recours formé contre la décision de la troisième chambre de recours de l’EUIPO du 4 octobre 2018 (affaire R 1615/2017-3), relative à une procédure de nullité entre Metar et Glimarpol,

LE TRIBUNAL (cinquième chambre),

composé de MM. D. Spielmann (rapporteur), président, U. Öberg et R. Mastroianni, juges,

greffier : M. E. Coulon,

vu la requête déposée au greffe du Tribunal le 21 décembre 2018,

vu le mémoire en réponse déposé au greffe du Tribunal le 11 mars 2019,

vu l’ordonnance du 19 juin 2019 rejetant la demande d’intervention de Metar en application de l’article 173, paragraphe 1, du règlement de procédure du Tribunal,

vu l’ordonnance du 18 septembre 2019 admettant Metar à intervenir au soutien des conclusions de l’EUIPO au titre de l’article 143 du règlement de procédure,

vu la lettre de l’intervenante du 20 octobre 2019 par laquelle elle a renoncé à déposer un mémoire en intervention,

vu l’absence de demande de fixation d’une audience présentée par les parties dans le délai de trois semaines à compter de la signification de la clôture de la phase écrite de la procédure et ayant décidé, en application de l’article 106, paragraphe 3, du règlement de procédure du Tribunal, de statuer sans phase orale de la procédure,

rend le présent

Arrêt

 Antécédents du litige

1        Le 25 octobre 2012, la requérante, Glimarpol Sp. z o.o., a présenté une demande d’enregistrement d’un dessin ou modèle communautaire à l’Office de l’Union européenne pour la propriété intellectuelle (EUIPO), en vertu du règlement (CE) no 6/2002 du Conseil, du 12 décembre 2001, sur les dessins ou modèles communautaires (JO 2002, L 3, p. 1).

2        Le dessin ou modèle communautaire dont l’enregistrement a été demandé est représenté comme suit :

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3        Les produits auxquels le dessin ou modèle contesté est destiné à être incorporé relèvent des classes 08.01 et 08.05 au sens de l’arrangement de Locarno du 8 octobre 1968 instituant une classification internationale pour les dessins et modèles industriels, tel que modifié, et correspondent, pour chacune de ces classes, à la description suivante : « marteaux-piqueurs » et « outils pneumatiques ».

4        Le dessin ou modèle contesté a été enregistré le 25 octobre 2012 en tant que dessin ou modèle communautaire sous le numéro 2 125 435-0001 et publié au Bulletin des dessins ou modèles communautaires no 215/2005, du 9 novembre 2012.

5        Le 16 mai 2016, l’intervenante, Metar sp. z o.o., a introduit, en vertu de l’article 52 du règlement no 6/2002, une demande de nullité du dessin ou modèle contesté.

6        Le motif invoqué à l’appui de la demande en nullité était celui visé à l’article 25, paragraphe 1, sous b), du règlement no 6/2002. L’intervenante a fait valoir que le dessin ou modèle contesté était dépourvu de nouveauté et de caractère individuel, aux termes des articles 5 et 6 du même règlement, et s’est prévalue, à l’appui de ses déclarations, de plusieurs documents censés établir la divulgation au public d’un dessin ou modèle antérieur, à savoir, notamment :

–        la copie du mode d’emploi, datée du 2 août 2010, d’un marteau-piqueur pneumatique qui serait identique à celui concerné par le dessin ou modèle contesté ; les images s’y rapportant sont reproduites ci-après :

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–        un catalogue contenant des images d’un accessoire, identifié par la référence FT 160A, sur lequel les marteaux-piqueurs sous les dénominations 7655 D et YT‑24 pouvaient être fixés afin d’être soutenus au cours de l’opération de forage ; l’image s’y rapportant est reproduite ci-après :

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–        une copie du mode d’emploi d’un marteau-piqueur, datée du 1er septembre 2009, identifié sous la dénomination YT‑24 (ci-après le « marteau-piqueur YT‑24 ») et dans lequel le dessin ou modèle antérieur était destiné à être incorporé ; les images s’y rapportant sont reproduites ci-après :

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–        un catalogue contenant des images d’un accessoire, identifié par la référence FT 140B, sur lequel le marteau-piqueur YT‑24 pouvait être fixé ; l’image s’y rapportant est reproduite ci-après :

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–        une capture d’écran provenant du site Internet de la société du fabricant du marteau-piqueur concerné par le dessin ou modèle contesté.

7        Le 22 mai 2017, la division d’annulation a déclaré nul le dessin ou modèle contesté pour absence de caractère individuel, au sens de l’article 6 du règlement no 6/2002.

8        Le 22 juillet 2017, la requérante a formé un recours auprès de l’EUIPO, au titre des articles 55 à 60 du règlement no 6/2002, contre la décision de la division d’annulation.

9        Par décision du 4 octobre 2018 (ci-après la « décision attaquée »), la troisième chambre de recours de l’EUIPO a rejeté le recours. En particulier, la chambre de recours a constaté que la divulgation du dessin ou modèle antérieur n’était pas contestée, la requérante ayant reconnu dans une lettre datée du 9 novembre 2016 qu’il avait été introduit sur le marché européen en 2009. La chambre de recours a également précisé que l’utilisateur averti du marteau-piqueur était un mineur ou un ingénieur des mines et que la liberté du créateur était d’un degré moyen. Enfin, la chambre de recours a conclu que c’était à bon droit que la division d’annulation avait considéré que le dessin ou modèle contesté produisait la même impression globale que le dessin ou modèle antérieur, de sorte qu’il ne présentait pas le caractère individuel requis par l’article 6, paragraphe 1, du règlement no 6/2002.

 Conclusions des parties

10      La requérante conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        annuler la décision attaquée et renvoyer l’affaire devant l’EUIPO pour réexamen ;

–        à titre subsidiaire, réformer la décision attaquée en précisant qu’il n’existe aucun motif permettant de déclarer le dessin ou modèle nul ;

–        condamner l’EUIPO aux dépens.

11      L’EUIPO conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        rejeter le recours ;

–        condamner la requérante aux dépens.

 En droit

12      À l’appui du recours, la requérante soulève deux moyens, tirés, en substance, le premier, de la violation de l’article 7, paragraphe 1, du règlement no 6/2002, en ce que la chambre de recours aurait commis une erreur d’appréciation en concluant que les éléments de preuve produits par l’intervenante établissaient que le dessin ou modèle antérieur avait été divulgué conformément à cette disposition et, le second, d’une violation de l’article 6 de ce même règlement, en ce que la chambre de recours a décidé que le dessin ou modèle contesté était dépourvu de caractère individuel.

13      L’EUIPO conteste les arguments de la requérante.

 Sur le premier moyen, tiré d’une violation de l’article 7, paragraphe 1, du règlement no 6/2002

14      La requérante fait valoir que la chambre de recours a erronément conclu qu’il y a eu divulgation en 2009 du dessin ou modèle antérieur au sens de l’article 7, paragraphe 1, du règlement no 6/2002. En particulier, elle soutient que le mode d’emploi de ce dessin ou modèle n’était pas destiné au public et n’avait pas de visée commerciale. La requérante relève que le mode d’emploi n’a été divulgué que dans le but d’obtenir un certificat de conformité ou à des fins administratives et que, partant, la divulgation a eu lieu dans des conditions explicites ou implicites de secret, au sens de l’article 7, paragraphe 1, du règlement no 6/2002. Elle ajoute que l’intervenante n’est pas parvenue à fournir des éléments concrets et objectifs prouvant une divulgation effective et suffisante du dessin ou modèle antérieur.

15      L’EUIPO rétorque que le présent moyen est irrecevable, au sens de l’article 188 du règlement du Tribunal, dès lors que la requérante n’a contesté ni devant la division d’annulation ni devant la chambre de recours la divulgation du dessin ou modèle antérieur. À cet égard, l’EUIPO fait valoir que, devant la division d’annulation, la requérante avait explicitement admis que le marteau-piqueur YT‑24 avait été introduit sur le marché européen en 2009 et que, devant la chambre de recours, elle a concentré son argumentation sur les différences entre le dessin ou modèle contesté et le dessin ou modèle antérieur.

 Sur la recevabilité

16      Il ressort de la jurisprudence que, eu égard aux termes de l’article 61 du règlement no 6/2002, le contrôle de légalité opéré par le Tribunal sur une décision de la chambre de recours doit se faire au regard des questions de droit qui ont été portées devant celle-ci. Dès lors, la fonction du Tribunal n’est pas d’examiner de nouveaux moyens introduits devant lui ou de réexaminer les circonstances de fait à la lumière des preuves présentées pour la première fois devant lui. En effet, l’examen de ces nouveaux moyens et l’admission de ces preuves seraient contraires à l’article 188 du règlement de procédure, selon lequel les mémoires déposés par les parties dans le cadre de la procédure devant le Tribunal ne peuvent pas modifier l’objet du litige devant la chambre de recours [voir, en ce sens, arrêt du 23 octobre 2013, Viejo Valle/OHMI – Établissements Coquet (Tasse et sous-tasse avec des stries et assiette creuse avec des stries), T‑566/11 et T‑567/11, EU:T:2013:549, point 63].

17      En l’espèce, la chambre de recours a estimé que la divulgation du dessin ou modèle antérieur n’était pas contestée, dès lors que l’intervenante avait allégué que la requérante vendait le marteau-piqueur concerné par le dessin ou modèle antérieur sur le marché de l’Union depuis 2009, et celle-ci avait confirmé cette allégation. Il s’ensuit que la chambre de recours a examiné la question afférente à la divulgation du dessin ou modèle antérieur et que, partant, ladite question faisait partie du cadre factuel et juridique du litige porté devant elle. Il convient de constater à cet égard que la requérante conteste dans sa requête la conclusion de la chambre de recours sur cette question en faisant valoir que les éléments sur lesquels cette dernière s’est fondée ne suffisaient pas pour conclure à la divulgation du dessin ou modèle antérieur.

18      Par conséquent, la requérante est en droit de contester devant le Tribunal les appréciations portées par la chambre de recours à l’égard des éléments de preuve relatifs à la divulgation du dessin ou modèle antérieur et le présent moyen doit être déclaré recevable.

 Sur le fond

19      Selon la jurisprudence, un dessin ou modèle est réputé avoir été divulgué une fois que la partie qui fait valoir la divulgation a prouvé les faits constitutifs de cette divulgation. Pour réfuter cette présomption, il incombe, en revanche, à la partie qui conteste la divulgation de démontrer à suffisance de droit que les circonstances de l’espèce pouvaient raisonnablement faire obstacle à ce que ces faits soient connus des milieux spécialisés du secteur concerné dans la pratique normale des affaires [arrêt du 21 mai 2015, Senz Technologies/OHMI – Impliva (Parapluies), T‑22/13 et T‑23/13, EU:T:2015:310, point 26].

20      Dès lors, aux fins d’établir la divulgation d’un dessin ou modèle antérieur, il convient ainsi de procéder à une analyse en deux étapes, consistant à examiner, en premier lieu, si les éléments présentés dans la demande en nullité démontrent, d’une part, des faits constitutifs d’une divulgation d’un dessin ou modèle et, d’autre part, le caractère antérieur de cette divulgation par rapport à la date de dépôt ou de priorité du dessin ou modèle contesté et, en second lieu, dans l’hypothèse où le titulaire du dessin ou modèle contesté aurait allégué le contraire, si lesdits faits pouvaient, dans la pratique normale des affaires, raisonnablement être connus des milieux spécialisés du secteur concerné opérant dans l’Union, faute de quoi une divulgation sera considérée comme sans effets et ne sera pas prise en compte [arrêt du 13 juin 2019, Visi/one/EUIPO – EasyFix (Porte-affichette pour véhicules), T‑74/18, EU:T:2019:417, point 24].

21      Le règlement (CE) no 2245/2002 de la Commission, du 21 octobre 2002, portant modalités d’application du règlement no 6/2002 (JO 2002, L 341, p. 28), ne contient aucune précision s’agissant des preuves qui doivent être fournies en matière de divulgation du dessin ou modèle antérieur par le demandeur en nullité. Plus particulièrement, l’article 28, paragraphe 1, sous b), v), du règlement no 2245/2002 se borne à prévoir que, lorsque la demande en nullité est fondée, notamment, sur l’absence de caractère individuel du dessin ou modèle communautaire pour lequel la protection est demandée, elle doit comporter l’indication et la reproduction du dessin ou modèle antérieur susceptible de faire obstacle au caractère individuel du dessin ou modèle communautaire pour lequel la protection est demandée ainsi que des documents prouvant la précédente divulgation du dessin ou modèle antérieur. Il s’ensuit que le demandeur en nullité est libre du choix de la preuve qu’il juge utile de présenter à l’EUIPO pour appuyer sa demande en nullité [voir arrêt du 17 mai 2018, Basil/EUIPO – Artex (Paniers spéciaux pour cycles), T‑760/16, EU:T:2018:277, point 41 et jurisprudence citée].

22      La divulgation d’un dessin ou modèle antérieur ne peut toutefois pas être démontrée par des probabilités ou des présomptions, mais doit reposer sur des éléments concrets et objectifs qui prouvent une divulgation effective du dessin ou modèle antérieur sur le marché. En outre, les éléments de preuve fournis par le demandeur en nullité doivent être appréciés les uns par rapport aux autres. En effet, si certains de ces éléments peuvent être insuffisants à eux seuls pour démontrer la divulgation d’un dessin ou modèle antérieur, il n’en demeure pas moins que, lorsqu’ils sont associés ou lus conjointement avec d’autres documents ou informations, ils peuvent contribuer à former la preuve de la divulgation. Enfin, pour apprécier la valeur probante d’un document, il convient de vérifier la vraisemblance et la véracité de l’information qui y est contenue. Il faut tenir compte, notamment, de l’origine du document, des circonstances de son élaboration et de son destinataire, ainsi que se demander si, d’après son contenu, il semble sensé et fiable (voir arrêt du 17 mai 2018, Paniers spéciaux pour cycles, T‑760/16, EU:T:2018:277, point 42 et jurisprudence citée).

23      En l’espèce, la chambre de recours a conclu à la divulgation du dessin ou modèle antérieur après avoir constaté que celle-ci n’était pas contestée, la requérante ayant admis dans une lettre datant du 9 novembre 2016 que le marteau-piqueur YT‑24 avait été introduit sur le marché européen en 2009.

24      Il convient de relever que la requérante ne fournit aucun élément de preuve susceptible de démontrer que, dans la pratique normale des affaires, la divulgation du dessin ou modèle antérieur ne pouvait raisonnablement pas être connue des milieux spécialisés du secteur concerné opérant dans l’Union.

25      La requérante soutient à cet égard que le dessin ou modèle antérieur ne saurait être réputé avoir été divulgué au public, dès lors qu’il avait été divulgué sous des conditions explicites ou implicites de secret. En particulier, elle allègue que l’intervenante a divulgué le dessin ou modèle antérieur dans le but d’obtenir un certificat de conformité ou à des fins administratives. Toutefois, cette allégation n’est corroborée par aucun élément de preuve. Il convient donc de l’écarter.

26      Par ailleurs, il y a lieu de relever que, devant la division d’annulation, l’intervenante a produit une copie du mode d’emploi et un catalogue de pièces concernant le marteau-piqueur YT‑24 et son support hydraulique sous la dénomination de FT 140B. Chaque page de ce document, rédigé en polonais, et daté du 1er septembre 2009, est estampillée et paraphée par le représentant de la requérante. Cet élément de preuve confirme l’absence d’erreur d’appréciation de la chambre de recours quant à la divulgation du dessin ou modèle antérieur. En effet, la distribution effective par la requérante de la copie du mode d’emploi du marteau-piqueur YT‑24 peut être déduite du fait que l’intervenante, prise en sa qualité de membre des milieux intéressés, a eu en sa possession une copie de ce mode d’emploi déjà estampillée et paraphée par le représentant de la requérante.

27      À titre surabondant, il convient de relever que le présent moyen est contradictoire avec l’admission explicite de la part de la requérante devant les instances de l’EUIPO de la divulgation du dessin ou modèle faisant l’objet du marteau-piqueur YT‑24. Plus précisément, devant la division d’annulation de l’EUIPO, la requérante a expressément déclaré que le modèle YT‑24 avait été commercialisé au sein du territoire de l’Union à partir de 2009. De surcroît, devant la chambre de recours, elle avait également affirmé ce qui suit : « [la division d’annulation] a ignoré les affirmations de la titulaire [du dessin ou modèle contesté] selon lesquelles les deux marteaux-piqueurs pneumatiques [à savoir, les marteaux-piqueurs sous la dénomination de 7655 et YT‑24] étaient divulgués mais [qu’]ils différaient considérablement du dessin ou modèle contesté ».

28      Sur la base de tels éléments, et sans qu’il soit nécessaire d’examiner l’objection de l’EUIPO tirée de l’absence de clarté de l’argumentaire de la requérante, il convient de conclure que la chambre de recours a pu conclure à bon droit que le dessin ou modèle antérieur avait été divulgué au sens de l’article 7 du règlement no 6/2002.

29      Au vu de tout ce qui précède, il y a lieu de rejeter le premier moyen soulevé par la requérante comme étant non fondé.

 Sur le second moyen, tiré d’une violation de l’article 6 du règlement no 6/2002

30      La requérante reproche, en substance, à la chambre de recours d’avoir considéré que le dessin ou modèle contesté était dépourvu de caractère individuel, en violation de l’article 6 du règlement no 6/2002.

31      L’EUIPO conteste l’argumentation de la requérante.

32      Il convient de rappeler que l’article 25, paragraphe 1, sous b), du règlement no 6/2002 dispose qu’un dessin ou modèle communautaire ne peut être déclaré nul que dans les hypothèses visées sous a) à g) dudit paragraphe, et en particulier dans l’hypothèse visée sous b), à savoir s’il ne remplit pas les conditions fixées aux articles 4 à 9 du même règlement.

33      Parmi les conditions de protection d’un dessin ou modèle par un dessin ou modèle communautaire visées aux articles 4 à 9 du règlement no 6/2002 figure celle afférente à son caractère individuel, prévue à l’article 6 de ce règlement. L’article 6, paragraphe 1, sous b), du règlement no 6/2002 prévoit, notamment, qu’un dessin ou modèle communautaire enregistré est considéré comme présentant un caractère individuel si l’impression globale qu’il produit sur l’utilisateur averti diffère de celle que produit sur un tel utilisateur tout dessin ou modèle qui a été divulgué au public avant la date de dépôt de la demande d’enregistrement. L’article 6, paragraphe 2, du règlement no 6/2002 précise, par ailleurs, que, pour apprécier le caractère individuel d’un dessin ou modèle, il est tenu compte du degré de liberté du créateur dans l’élaboration de celui-ci.

34      Selon la jurisprudence, l’appréciation du caractère individuel d’un dessin ou modèle communautaire procède, en substance, d’un examen en quatre étapes. Cet examen consiste à déterminer, premièrement, le secteur des produits auxquels le dessin ou modèle est destiné à être incorporé ou auxquels il est destiné à être appliqué, deuxièmement, l’utilisateur averti desdits produits selon leur finalité et, en référence à cet utilisateur averti, le degré de connaissance de l’art antérieur ainsi que le niveau d’attention aux similitudes et aux différences dans la comparaison des dessins ou modèles, troisièmement, le degré de liberté du créateur dans l’élaboration du dessin ou modèle, dont l’influence sur le caractère individuel est en proportion inverse, et, quatrièmement, en tenant compte de celui-ci, le résultat de la comparaison, directe si possible, des impressions globales produites sur l’utilisateur averti par le dessin ou modèle contesté et par tout dessin ou modèle antérieur divulgué au public, pris individuellement (voir arrêt du 13 juin 2019, Porte-affichette pour véhicules, T‑74/18, EU:T:2019:417, point 66 et jurisprudence citée).

35      C’est à la lumière des considérations énoncées aux points 32 à 34 ci-dessus et au regard du dessin ou modèle antérieur dont la divulgation a été démontrée qu’il convient d’apprécier si le dessin ou modèle contesté est dépourvu de caractère individuel au sens de l’article 6 du règlement no 6/2002.

36      Il est constant que le secteur concerné par les dessins et modèles en conflit est celui des marteaux-piqueurs et des outils pneumatiques. Il convient donc d’examiner, tour à tour, l’utilisateur averti, le degré de liberté du créateur et la comparaison des impressions globales produites par les dessins ou modèles en conflit.

 Sur l’utilisateur averti

37      Aux points 18 et 19 de la décision attaquée, la chambre de recours a estimé que le produit concerné par le dessin ou modèle contesté était un outil utilisé par des professionnels, tels que des mineurs, qui pouvait peser jusqu’à 25 kilogrammes et qui était généralement monté sur un support similaire à celui illustré dans les vues correspondant aux produits dans lesquels les dessins ou modèles en conflit étaient incorporés. Sur la base de cette constatation, la chambre de recours a conclu que l’utilisateur averti de ce produit était un mineur ou un ingénieur des mines qui connaissait les marteaux-piqueurs et était informé de leurs caractéristiques essentielles.

38      Il convient de constater que cette définition n’est pas contestée par la requérante en tant que telle.

39      Par ailleurs, dans la mesure où l’argument de la requérante relatif au niveau de connaissance et au niveau d’attention de l’utilisateur averti pourrait être compris comme concernant la définition de ce dernier, il y a lieu de relever que, même si ce personnage de référence dispose d’un certain degré de connaissance quant aux différents dessins ou modèles existant dans le secteur concerné et fait preuve d’un niveau d’attention relativement élevé et d’une vigilance particulière lorsqu’il les utilise, il n’est pas non plus l’expert ou le spécialiste, tel que l’homme du métier, capable d’observer dans le détail les différences minimes susceptibles d’exister entre les dessins ou modèles en conflit (voir, en ce sens, arrêt du 20 octobre 2011, PepsiCo/Grupo Promer Mon Graphic, C‑281/10 P, EU:C:2011:679, point 59).

40      Pour autant que, par le biais de cet argument, la requérante entendrait faire valoir que le niveau d’attention prétendument élevé de l’utilisateur averti aurait un impact sur l’impression globale qui serait produite sur lui, ledit argument sera examiné dans le cadre de l’appréciation des impressions globales produites à la suite de la comparaison du dessin ou modèle contesté avec le dessin ou modèle antérieur.

 Sur le degré de liberté du créateur

41      Il y a lieu de relever que la chambre de recours a indiqué, au point 23 de la décision attaquée, que la division d’annulation avait déclaré que la liberté du créateur n’était « pas grande », mais que celui-ci disposait d’une « certaine liberté pour introduire des innovations dans l’apparence des produits ». De plus, au point 24 de la même décision, elle a considéré que les constatations de la division d’annulation équivalaient à affirmer que la liberté du créateur était d’un degré moyen. La chambre de recours a relevé que, selon la division d’annulation, les marteaux-piqueurs devaient être robustes et pouvoir être actionnés par une seule personne. Elle a ajouté que ces marteaux devaient avoir une poignée, un logement adéquat pour les forets, un dispositif de verrouillage de ceux-ci, un manchon permettant un raccord à un tuyau à air comprimé, un silencieux et un dispositif de serrage pour le support. La chambre de recours a conclu que ces exigences techniques laissaient une liberté suffisante au créateur pour modifier l’apparence du produit.

42      La requérante affirme qu’« il est vrai que, comme la chambre de recours l’a fait observer au point 23 de la décision attaquée en citant la division d’annulation, le créateur dispose en l’espèce d’une certaine liberté pour introduire des innovations dans l’apparence du produit ». Il s’ensuit que la requérante confirme, en substance, la considération de la chambre de recours selon laquelle la liberté du créateur était, en l’espèce, d’un degré moyen.

 Sur l’impression globale

43      La requérante estime que la chambre de recours a commis une erreur d’appréciation en considérant que l’impression globale que le dessin ou modèle contesté produisait sur l’utilisateur averti ne différait pas de celle produite par le dessin ou modèle antérieur.

44      L’EUIPO conteste les arguments de la requérante.

45      Selon une jurisprudence constante, le caractère individuel d’un dessin ou modèle résulte d’une impression globale de différence, ou d’absence de « déjà vu », du point de vue de l’utilisateur averti, par rapport à toute antériorité au sein du patrimoine des dessins ou modèles, sans tenir compte de différences demeurant insuffisamment marquées pour affecter ladite impression globale, bien qu’excédant des détails insignifiants, mais en ayant égard à des différences suffisamment marquées pour créer des impressions d’ensemble dissemblables [voir arrêt du 16 février 2017, Antrax It/EUIPO – Vasco Group (Thermosiphons pour radiateurs), T‑828/14 et T‑829/14, EU:T:2017:87, point 53 et jurisprudence citée].

46      L’appréciation du caractère individuel d’un dessin ou modèle doit s’effectuer par rapport à un ou plusieurs dessins ou modèles antérieurs, pris individuellement parmi l’ensemble des dessins ou modèles divulgués au public antérieurement, et non par rapport à une combinaison d’éléments isolés, tirés de plusieurs dessins ou modèles antérieurs (voir, en ce sens, arrêt du 19 juin 2014, Karen Millen Fashions, C‑345/13, EU:C:2014:2013, points 25 et 35).

47      La comparaison des impressions globales produites par les dessins ou modèles en conflit doit être synthétique et ne peut se borner à la comparaison analytique d’une énumération de similitudes et de différences. Cette comparaison doit prendre pour base les caractéristiques divulguées du dessin ou modèle contesté et doit porter uniquement sur les caractéristiques protégées, sans tenir compte des caractéristiques, notamment techniques, exclues de la protection. Ladite comparaison doit porter sur les dessins ou modèles, en principe, tels qu’enregistrés, sans qu’il puisse être exigé du demandeur en nullité une représentation graphique du dessin ou modèle invoqué, comparable à la représentation figurant dans la demande d’enregistrement du dessin ou modèle contesté (voir arrêt du 13 juin 2019, Porte-affichette pour véhicules, T‑74/18, EU:T:2019:417, point 84 et jurisprudence citée).

48      En l’espèce, la chambre de recours a confirmé la conclusion de la division d’annulation selon laquelle le dessin ou modèle contesté et le dessin ou modèle antérieur produisaient la même impression globale et que certaines différences dans leur apparence n’étaient pas susceptibles de modifier ladite impression.

49      En effet, le dessin ou modèle contesté est destiné à être incorporé dans des marteaux-piqueurs pneumatiques qui sont constitués des mêmes composants revêtant les mêmes caractéristiques que ceux dont sont constitués les marteaux-piqueurs concernés par le dessin ou modèle antérieur, à savoir le corps, le logement du foret, le silencieux, le manchon auquel le tuyau à air est relié et le support. L’utilisateur averti qui regardera les dessins ou modèles en conflit y reconnaîtra aisément la même forme cylindrique des corps des outils comportant chacun un silencieux circulaire, placé sur le même endroit du corps des outils, à savoir de l’autre côté de l’emplacement du support. Par ailleurs, les autres parties principales des outils, à savoir la poignée, le logement du foret, le support et le manchon auquel le tuyau à air est relié trouvent un emplacement quasi-identique sur les dessins ou modèles en conflit tout en ayant des formes similaires. Ces caractéristiques communes contribuent à produire une impression de « déjà vu » du point de vue de l’utilisateur averti du dessin ou modèle contesté par rapport au dessin ou modèle antérieur.

50      Les arguments que la requérante invoque pour soutenir que le dessin ou modèle contesté ne produit pas sur l’utilisateur averti la même impression globale que celle produite par le dessin ou modèle antérieur ne sauraient remettre en cause cette conclusion.

51      En premier lieu, la requérante fait valoir que la chambre de recours n’a pas pris en compte le support visible dans le dessin ou modèle contesté, de sorte qu’elle a omis de comparer les dessins ou modèles en conflit de manière globale.

52      Cet argument ne saurait prospérer.

53      Il convient de relever que le mode d’emploi du marteau-piqueur YT‑24, daté du 9 septembre 2009, montre sur sa première page le corps de l’outil auquel est attaché un support cylindrique. Le support n’est pas illustré dans son entièreté, car il est coupé par la bordure de l’image. Par ailleurs, dans d’autres images incluses dans le dossier soumis à la division d’annulation, le support adapté au dessin ou modèle antérieur est entièrement visible, sous la dénomination FT 140B, sans pour autant qu’il soit attaché au marteau-piqueur en lui-même. Par conséquent, la chambre de recours n’avait pas à sa disposition une représentation complète du dessin ou modèle antérieur comprenant tant le marteau-piqueur que son support entièrement visible.

54      Ainsi qu’il a été rappelé au point 46 ci-dessus, pour qu’un dessin ou modèle puisse être considéré comme présentant un caractère individuel, l’impression globale que ce dessin ou modèle produit sur l’utilisateur averti doit être différente de celle produite sur un tel utilisateur, non pas par une combinaison d’éléments isolés, tirés de plusieurs dessins ou modèles antérieurs, mais par un ou plusieurs dessins ou modèles antérieurs, pris individuellement parmi l’ensemble des dessins ou modèles divulgués au public antérieurement.

55      Il s’ensuit que la chambre de recours n’était pas tenue de procéder à un examen isolé du support sous la dénomination FT 140B ou de combiner le dessin ou modèle antérieur tel qu’il est représenté sur la première page du mode d’emploi du marteau-piqueur YT‑24 avec l’image entière dudit support.

56      Il est vrai que la décision attaquée ne fait pas de référence explicite au support des marteaux-piqueurs en conflit. Toutefois, il ne saurait en résulter une erreur d’appréciation de la chambre de recours quant à l’impression globale produite par les dessins ou modèles en conflit. En effet, il est évident que le rôle du support est secondaire et accessoire par rapport à l’outil en tant que tel, à savoir le marteau-piqueur. Par conséquent, le support ne peut avoir qu’une incidence faible sur l’impression globale produite par les dessins ou modèles en conflit sur l’utilisateur averti.

57      Par ailleurs, ainsi qu’il ressort de l’image tronquée du marteau-piqueur YT‑24 figurant sur la première page du mode d’emploi visé au point 53 ci-dessus, l’utilisateur averti peut déjà reconnaître dans celle-ci une partie considérable du support ayant la même forme cylindrique qui caractérise le support du dessin ou modèle contesté et comportant dans les deux cas un élément circulaire, similaire à une poignée. Enfin, ainsi qu’il ressort de la même image, les deux supports sont attachés au même endroit des marteaux-piqueurs respectifs et avec un point d’attachement identique. La synergie de ces caractéristiques fondamentales produit une impression globale semblable des deux supports à comparer.

58      Quoi qu’il en soit, conformément à la jurisprudence citée au point 47 ci-dessus, aux fins de conclure sur le caractère individuel du dessin ou modèle contesté, la chambre de recours a fait une comparaison synthétique des impressions globales produites par les dessins ou modèles en conflit sans s’être bornée à une énumération analytique de leurs similitudes et différences. En effet, elle a d’abord considéré que la comparaison des outils pneumatiques dans leur ensemble produisait la même impression globale sur l’utilisateur averti, avant d’examiner si les différences évoquées par la requérante pouvaient les distinguer. En d’autres termes, après avoir considéré que, dans leur ensemble, les marteaux-piqueurs concernés par les dessins ou modèles en conflit produisaient une même impression de « déjà vu », la chambre de recours a uniquement examiné les éléments susceptibles de différencier lesdits dessins ou modèles.

59      Au vu de ce qui précède, l’argument de la requérante tirée de l’omission de la chambre de recours de se référer au support sur lequel repose le marteau-piqueur concerné par le dessin ou modèle antérieur ne saurait constituer une erreur d’appréciation et celui-ci doit donc être écarté.

60      En second lieu, la requérante fait valoir que la chambre de recours n’a pas tenu compte de plusieurs différences entre le dessin ou modèle contesté et le dessin ou modèle antérieur. Premièrement, le dessin ou modèle contesté possèderait une poignée à ressorts en caoutchouc, tandis que le dessin ou modèle antérieur aurait une poignée en acier carrée. Deuxièmement, le ressort du dessin ou modèle contesté serait plat, tandis que celui du dessin ou modèle antérieur serait arrondi. Troisièmement, la béquille serait du côté droit dans le dessin ou modèle contesté, tandis qu’elle serait du côté gauche dans le dessin ou modèle antérieur, ce qui provoquerait un « effet miroir ». Enfin, il y aurait un seul tube entre les deux ressorts dans le dessin ou modèle contesté tandis qu’il y aurait deux tubes entre les ressorts du dessin ou modèle antérieur.

61      Il convient de constater que les différences techniques énumérées par la requérante, à savoir la forme du ressort, le type de poignée, l’emplacement de la béquille sur la poignée ou le nombre de tubes entre les ressorts des dessins ou modèles en conflit, ne sont pas susceptibles d’avoir un impact sur l’impression globale produite par les dessins ou modèles en conflit, laquelle est dictée par l’apparence des marteaux-piqueurs dans leur ensemble, à savoir le corps, le logement du foret, le silencieux et le manchon auquel le tuyau à air est relié.

62      À cet égard, à la différence de ce qui est soulevé par la requérante, malgré son niveau d’attention relativement élevé, l’utilisateur averti n’observe pas dans le détail les différences minimes susceptibles d’exister entre les dessins ou modèles en conflit (arrêt du 13 juin 2019, Porte-affichette pour véhicules, T‑74/18, EU:T:2019:417, point 90).

63      En particulier, les différences entre les poignées des dessins ou modèles en conflit sont faibles, toutes deux ayant une forme rectangulaire et étant approximativement de la même taille. Par ailleurs, la prétendue différence du matériau utilisé pour la poignée n’apparaît pas sur leur représentation graphique.

64      Enfin, il convient de constater que les considérations de la chambre de recours relatives à la couleur des marteaux-piqueurs concernés par les dessins ou modèles en conflit ainsi qu’au fait qu’ils portent des dénominations différentes ne sont pas contestées par la requérante.

65      Au vu de ce qui précède, il y a lieu de conclure que c’est à tort que la requérante fait valoir que les différences évoquées étaient suffisamment importantes pour conduire à ce que les dessins ou modèles en conflit produisent sur l’utilisateur averti une impression globale différente, même en tenant compte du degré moyen de liberté du créateur conditionné par les nécessités et fonctionnalités techniques d’un marteau-piqueur. Lesdites différences s’avèrent donc inaptes à conférer un caractère individuel au dessin ou modèle contesté, ainsi que l’a considéré à juste titre la chambre de recours.

66      En conséquence, c’est sans commettre d’erreur que la chambre de recours, tout en prenant en compte dans son appréciation les différences invoquées par la requérante, a considéré que les dessins ou modèles en conflit produisaient une même impression globale sur l’utilisateur averti et que le dessin ou modèle contesté était dépourvu de caractère individuel, au sens de l’article 6, paragraphe 1, sous b), du règlement no 6/2002.

67      Eu égard à l’ensemble des considérations qui précèdent, il convient de rejeter le second moyen comme étant non fondé et, partant, le recours dans son intégralité.

 Sur les dépens

68      Aux termes de l’article 134, paragraphe 1, du règlement de procédure, toute partie qui succombe est condamnée aux dépens, s’il est conclu en ce sens. La requérante ayant succombé, il y a lieu de la condamner aux dépens, conformément aux conclusions de l’EUIPO.

69      En application de l’article 138, paragraphe 3, du règlement de procédure, l’intervenante supportera ses propres dépens.

Par ces motifs,

LE TRIBUNAL (cinquième chambre)

déclare et arrête :

1)      Le recours est rejeté.

2)      Glimarpol sp. z o.o. est condamnée aux dépens.

3)      Metar sp. z o.o. supportera ses propres dépens.

Spielmann

Öberg

Mastroianni

Ainsi prononcé en audience publique à Luxembourg, le 8 juillet 2020.

Signatures


*      Langue de procédure : l’anglais.