Language of document : ECLI:EU:T:2015:63

DOCUMENT DE TRAVAIL

ORDONNANCE DU PRESIDENT DE LA QUATRIÈME CHAMBRE DU TRIBUNAL

16 janvier 2015 (*)

« Intervention – Intérêt à la solution du litige – Associations représentatives – Confidentialité »

Dans l’affaire T‑189/14,

Deza, a.s., établie à Valašské Meziříčí (République tchèque), représentée par Me P. Dejl, avocat,

partie requérante,

contre

Agence européenne des produits chimiques (ECHA), représentée par Mme A. Iber, Mme M. Heikkilä et M. T. Zbihlej, en qualité d’agents,

partie défenderesse,

soutenue par

Commission européenne, représentée par Mme F. Clotuche-Duvieusart, M. P. Ondrůšek et Mme K. Talabér-Ritz, en qualité d’agents,

partie intervenante,

ayant pour objet l’annulation de la décision de l’Agence européenne des produits chimiques (ECHA), du 24 janvier 2014, concernant la divulgation de certaines informations soumises par la requérante dans le cadre de la procédure relative à la demande d’autorisation de l’utilisation de la substance Phtalate de bis(2-éthylhexyle) (DEHP),

LE PRÉSIDENT DE LA QUATRIÈME CHAMBRE DU TRIBUNAL

rend la présente

Ordonnance

 Faits et procédure

1        La substance Phtalate de bis (2-éthylhexyle) (DEHP) (ci-après le « DEHP ») est utilisée pour assouplir les plastiques à base de chlorure de polyvinyle (PVC). Le DEHP a été inclus dans l’annexe XIV du règlement (CE) n° 1907/2006 du Parlement européen et du Conseil, du 18 décembre 2006, concernant l’enregistrement, l’évaluation et l’autorisation des substances chimiques, ainsi que les restrictions applicables à ces substances (REACH), instituant une agence européenne des produits chimiques, modifiant la directive 1999/45/CE et abrogeant le règlement (CEE) n° 793/93 du Conseil et le règlement (CE) n° 1488/94 de la Commission ainsi que la directive 76/769/CEE du Conseil et les directives 91/155/CEE, 93/67/CEE, 93/105/CE et 2000/21/CE de la Commission (JO L 396, p. 1, rectificatif JO 2007 L 136, p. 3) . L’inclusion de cette substance dans l’annexe précitée a pour effet que, à compter du 21 février 2015, son utilisation est désormais soumise à une autorisation délivrée par l’Agence européenne des produits chimiques (ECHA).

2        Afin de pouvoir continuer à produire le DEHP sans interruption au-delà du 21 février 2015, la requérante, Deza, a.s., a déposé une demande d’autorisation auprès de l’ECHA conformément à l’article 62 du règlement n° 1907/2006. À cet égard, elle a joint à sa demande d’autorisation une version confidentielle et une version non confidentielle des documents requis, dont un rapport sur la sécurité chimique, une analyse des solutions de remplacement et une analyse socio-économique.

3        Du 13 novembre 2013 au 8 janvier 2014, l’ECHA a, en application de l’article 64, paragraphe 2, du règlement n° 1907/2006, organisé une consultation publique portant sur les demandes relatives au DEHP. Dans ce contexte, elle a mis à la disposition du public des documents relatifs au DEHP.

4        Le 5 décembre 2013, en se fondant sur règlement (CE) n° 1049/2001 du Parlement européen et du Conseil, du 30 mai 2001, relatif à l’accès du public aux documents du Parlement européen, du Conseil et de la Commission (JO L 145, p. 43), ClientEarth et European Environmental Bureau (ci-après « EEB ») ont formulé auprès de l’ECHA une demande d’accès aux documents inclus dans la demande d’autorisation relative à l’utilisation du DEHP, considérant que les documents divulgués au cours de la procédure de consultation publique étaient incomplets.

5        La requérante a été informée de cette demande d’accès aux documents le 18 décembre 2013.

6        Par une lettre du 24 janvier 2014, l’ECHA a fait part à la requérante de sa décision de divulguer une partie des documents demandés au sens du règlement n° 1049/2001 (ci-après, la « décision attaquée »).

7        Par une lettre du 7 février 2014, l’ECHA a informé ClientEarth et EEB qu’elle avait décidé de leur accorder un accès partiel aux informations demandées, mais que la divulgation était suspendue parce qu’une procédure avait été engagée devant le Tribunal pour empêcher cette divulgation. En annexe à cette lettre était jointe une décision du 24 janvier 2014, adressée à la société Arkema France, qui était similaire à la décision attaquée.

8        Le 24 mars 2014, la requérante a introduit un recours en annulation au titre de l’article 263 TFUE contre la décision attaquée.

9        En vertu de l’article 24, paragraphe 6, du règlement de procédure du Tribunal, le résumé de la requête introductive d’instance dans l’affaire T‑189/14 a été publié au Journal officiel de l’Union européenne du 24 juin 2014 (JO C 194, p. 27).

10      Par un acte déposé au greffe du Tribunal le 1er août 2014, ClientEarth, EEB et Health Care Without Harm Europe (ci-après « HCWH Europe ») ont demandé à intervenir au soutien des conclusions de l’ECHA. Par ailleurs, ClientEarth, EEB et HCWH Europe ont demandé de pouvoir utiliser l’anglais, à titre principal, dans le cadre des procédures écrite et orale et, à titre subsidiaire, au cours de la procédure orale.

11      Les demandes susvisées ont été signifiées à la requérante ainsi qu’à l’ECHA, conformément à l’article 116, paragraphe 1, du règlement de procédure.

12      Par acte déposé au greffe du Tribunal le 29 septembre 2014, l’ECHA a fait observer que, à son sens, ClientEarth et EEB avaient démontré à suffisance que la décision du Tribunal les affectait directement dès lors que ces associations étaient à l’origine de la demande d’accès aux documents au titre de laquelle la décision attaquée avait été adoptée. L’ECHA considérait en revanche que HCWH Europe n’avait pas démontré l’existence d’une telle affectation directe.

13      Dans le même acte, l’ECHA a également demandé le traitement confidentiel de l’annexe D1 au mémoire en duplique à l’égard des parties intervenantes et a confirmé cette demande dans un acte déposé au greffe le 3 octobre 2014.

14      Par acte déposé au greffe du Tribunal le 10 octobre 2014, la requérante a indiqué qu’elle soulevait des objections à l’encontre des demandes d’intervention de ClientEarth, EEB et HCWH Europe.

15      Par acte du même jour, la requérante a demandé le traitement confidentiel de certaines parties ou données du dossier.

16      Par acte déposé au greffe du Tribunal le 31 octobre 2014, la requérante a rectifié sa demande de traitement confidentiel de certains éléments contenus dans la requête et dans ses annexes, dans la décision de l’ECHA et ses annexes, ainsi que dans l’annexe D1 à la duplique, vis-à-vis des parties intervenantes.

 En droit

 Sur les demandes en intervention

17      La requérante estime que ClientEarth, EEB et HCWH Europe ne doivent pas se voir accorder le droit d’intervention dans la présente procédure. L’ECHA considère que ClientEarth et EEB ont démontré à suffisance que la décision du Tribunal les affectait directement mais estime en revanche que HCWH Europe n’a pas démontré l’existence d’une telle affectation directe.

18      En vertu de l’article 40, deuxième alinéa, du statut de la Cour de justice, applicable à la procédure devant le Tribunal en vertu de l’article 53, premier alinéa, dudit statut, toute personne justifiant d’un intérêt à la solution d’un litige autre qu’un litige entre États membres, entre institutions de l’Union ou entre États membres, d’une part, et institutions de l’Union, d’autre part, est en droit d’intervenir à ce litige.

19      Il résulte d’une jurisprudence constante que la notion d’intérêt à la solution du litige, au sens de ladite disposition, doit se définir au regard de l’objet même du litige et s’entendre comme un intérêt direct et actuel au sort réservé aux conclusions elles-mêmes, et non comme un intérêt par rapport aux moyens soulevés. En effet, par « solution » du litige, il faut entendre la décision finale demandée au juge saisi, telle qu’elle serait consacrée dans le dispositif de l’arrêt. Il convient, notamment, de vérifier que l’intervenant est touché directement par l’acte attaqué et que son intérêt à la solution du litige est certain (voir ordonnance du 25 février 2003, BASF/Commission, T‑15/02, Rec, EU:T:2003:38, point 26, et la jurisprudence citée).

20      S'agissant en particulier des demandes en intervention présentées par des organisations de défense de l'environnement ou de protection de la santé, l'exigence d'un intérêt direct et actuel à la solution du litige implique soit que leur champ d'action coïncide avec la région et le secteur concernés par la procédure devant le Tribunal, soit, lorsqu'elles ont des champs d'action plus larges, qu'elles soient activement impliquées dans des programmes de protection ou d'études concernant la région et le secteur concernés dont la viabilité pourrait être compromise par l'adoption de l'acte attaqué (voir, en ce sens, ordonnance du 6 novembre 2012, Castelnou Energía/Commission, T‑57/11, EU:T:2012:582, point 10).

21      Il y a lieu également de rappeler que, si la participation à la procédure devant les institutions de l’Union ayant conduit à l’adoption d’un acte attaqué peut être considérée comme contribuant à conférer un intérêt à la solution du litige à un demandeur en intervention ayant la qualité d’organisation de défense de l’environnement, elle ne suffit pas à elle seule à la reconnaissance d’un tel intérêt. En effet, il a été jugé que des associations de défense de l’environnement qui n’avaient pas démontré qu’elles étaient activement impliquées dans des programmes de protection ou d’études concernant la région et le secteur concernés dont la viabilité pourrait être compromise par l’acte attaqué, mais qui avaient entretenu des contacts avec les gouvernements nationaux et les institutions de l’Union avant et pendant la procédure législative ayant abouti à l’adoption de l’acte attaqué, n’avaient pas démontré l’existence d’un intérêt direct et actuel à la procédure en cause (ordonnance du 6 novembre 2012, Castelnou Energía/Commission, T‑57/11, EU:T:2012:580, point 23).

22      C’est à la lumière de cette jurisprudence qu’il convient d’examiner si ClientEarth, EEB et HCWH Europe ont démontré qu’elles disposent d’un intérêt direct et certain à intervenir dans le présent litige.

23      Premièrement, en ce qui concerne ClientEarth, elle se présente comme une organisation sans but lucratif dont l’objet social concerne la protection de l'environnement et dont les activités couvrent l'ensemble du territoire des États membres de l'Union. Il ressort de ses statuts que ses activités se concentrent sur la promotion, l’assistance, la réalisation et la commande de recherches sur le droit, la pratique et l’administration de la justice se rapportant à l’environnement et aux matières qui s’y rattachent, y compris l’impact direct ou indirect de toute activité humaine sur l’environnement.

24      Tout d’abord, il convient de relever que ClientEarth a été reconnue à titre de partie intéressée accréditée auprès de l’ECHA et remplit donc, à ce titre, des critères spécifiques tels que ceux d’avoir un intérêt légitime pour des domaines de travail de l’ECHA, d’être représentative de son domaine de compétence et d’être inscrite dans le registre de transparence de l’Union et ce afin de pouvoir participer en tant qu’observateur aux réunions des comités et du forum de l’ECHA. Ceci n’est remis en cause par aucune des parties.

25      Ensuite, dans ses rapports annuels des années 2011, 2012 et 2013, elle souligne avoir initié un programme sur les produits toxiques et a réalisé des actions relatives aux questions liées à ces produits, notamment en vue de mieux définir les responsabilités et accroître la transparence de l’ECHA. Dans ce contexte, elle souligne que son action en matière de produits chimiques a notamment concerné la mise en œuvre du règlement n° 1907/2006.

26      Par ailleurs, son action a également visé de manière plus spécifique les substances qui ont des propriétés perturbant le système endocrinien. En effet, en juillet 2013, ClientEarth a publié un rapport relatif à l’autorisation d’utilisation de cinq substances, dont le DEHP, connues pour être des produits chimiques perturbant le système endocrinien afin de souligner le fait que les sociétés qui enregistrent ces substances sous-évaluent régulièrement les études démontrant leur effet perturbateur sur le système endocrinien.

27      En outre, il y a également lieu de constater qu’elle a joué un rôle actif durant la procédure de consultation publique en se manifestant auprès de l’ECHA pour lui indiquer que les informations rendues accessibles au cours de la procédure de consultations publique étaient insuffisantes. ClientEarth estimait en effet que manquait aux informations rendues publiques la plupart des documents indispensables aux fins de déterminer quelles solutions de remplacement auraient pu être utilisées.

28      Enfin, ainsi qu’il ressort des éléments de fait rappelés aux points 6 et 7 ci-dessus, ClientEarth a introduit une demande auprès de l’ECHA afin de pouvoir accéder aux documents présentés par la requérante dans le cadre de sa demande d’autorisation relative à l’utilisation du DEHP. Cette demande a initié un processus conduisant l’ECHA à adopter la décision attaquée. Ceci est confirmé par l’ECHA elle-même qui souligne, dans le cadre de ses observations sur la demande en intervention, que ClientEarth était à l’origine de la demande d’accès aux documents au titre de laquelle la décision attaquée avait été adoptée.

29      Il ressort de ladite décision que l’ECHA a prévu la divulgation de plusieurs documents présentés dans le cadre de la procédure d’autorisation relative à l’utilisation du DEHP, à savoir le rapport sur la sécurité chimique, d’une part, et l’analyse des solutions de remplacement, d’autre part. Ce rapport et cette analyse font partie des documents dont l’accès était sollicité par ClientEarth.

30      En conséquence, la solution apportée par le Tribunal dans le cadre du présent litige pourrait avoir une incidence importante voire décisive sur le niveau de confidentialité des documents concernés par la demande d’accès aux documents présentés dans le cadre de la procédure d’autorisation relative à l’utilisation du DEHP, que l’ECHA retiendra lorsqu’elle se prononcera sur ladite demande d’accès.

31      Il découle de tout ce qui précède que ClientEarth a démontré qu’elle est concernée directement par la décision attaquée et que son intérêt à la solution du litige est certain.

32      Deuxièmement, en ce qui concerne EEB, il s’agit, tout comme ClientEarth, d’une organisation sans but lucratif active dans le domaine environnemental. Elle se présente comme une fédération d’organisations environnementales comptant plus de 140 membres. Ses objectifs statutaires concernent notamment la promotion du développement durable, de la justice environnementale, de l’équité au niveau mondial, de la transparence, et des principes de prévention, de précaution et de pollueur-payeur.

33      Il ressort de son plan d’action 2014 que des ressources ont été consacrées à la poursuite de son action sur les produits chimiques consistant notamment en une participation active dans le cadre de la mise en œuvre du règlement n° 1907/2006.

34      EEB a joué, avec ClientEarth, un rôle actif durant la procédure de consultation publique concernant la demande d’autorisation relative à l’utilisation du DEHP en se manifestant auprès de l’ECHA pour lui indiquer que les informations rendues accessibles au cours de la procédure de consultations publique étaient insuffisantes.

35      Elle s’est également associée à ClientEarth pour déposer, auprès de l’ECHA, la demande visant à accéder aux documents présentés par la requérante dans le cadre de sa demande d’autorisation relative à l’utilisation du DEHP.

36      Ainsi, les considérations faites aux points 28 à 30 ci-dessus valent également pour EEB. En effet, celle-ci a, conjointement avec ClientEarth, initié un processus conduisant l’ECHA à adopter la décision attaquée, ce que confirme ladite agence. Suite à cette demande, l’ECHA a prévu la divulgation de certains documents dont l’accès était sollicité par EEB.

37      Il s’ensuit que EEB a démontré qu’elle dispose d’un intérêt direct et actuel à la solution du litige.

38      Troisièmement, s’agissant de HCWH Europe, elle se présente, tout d’abord, comme une organisation sans but lucratif et non gouvernementale qui compte plus de 70 membres répartis dans quinze États membres de l’Union. Elle a pour objet statutaire de transformer le secteur des soins de santé dans le monde entier sans compromettre la sécurité ou les soins au patient de manière à le rendre écologiquement durable et sans danger pour la santé publique et l’environnement.

39      Ensuite, il ressort du site internet de HCWH Europe que, pour atteindre ses objectifs, elle mène entre autres des activités visant à créer des marchés et des politiques favorisant des produits, des matériaux et des produits chimiques plus sûrs dans le secteur des soins de santé et à promouvoir des solutions de remplacement plus sûres, notamment des produits sans plastique en chlorure de polyvinyle (PVC).

40      Par ailleurs, il y a lieu de relever qu’elle est, tout comme ClientEarth et EEB, une partie intéressée accréditée auprès de l’ECHA.

41      En outre, elle a développé une banque de données en libre accès appelée la « Safer Medical Devices Database » visant à aider les acquéreurs d’équipements médicaux à prendre des décisions en connaissance de cause et à les informer sur les solutions de remplacement pour les équipements médicaux contenant notamment des phtalates. Elle a également mené plusieurs actions en élaborant des rapports, un dépliant et des fiches, en réalisant un documentaire ou encore en organisant un séminaire qui concernaient spécifiquement les produits chimiques susceptibles de perturber le système endocrinien, dont le DEHP.

42      Enfin, et de manière concrète, HCWH Europe a participé à la consultation publique relative à l’autorisation du DEHP et a fait valoir auprès de l’ECHA que les informations fournies aux parties intéressées n’étaient pas suffisamment détaillées pour comprendre les utilisations du DEHP pour lesquelles l’autorisation était demandée.

43      Partant, ainsi que le souligne HCWH Europe, l’absence d’informations relatives aux utilisations concernées dans la demande d’autorisation portant sur le DEHP affecte ses intérêts dans la promotion de la substitution du DEHP dans tous les produits liés au secteur des soins de santé et dans les équipements médicaux.

44      Il résulte de tout ce qui précède que HCWH Europe a démontré, conformément à la jurisprudence citée au point 20 ci-dessus, qu’elle était activement impliquée dans des programmes de protection ou d'études concernant le secteur concerné.

45      Aucun des arguments de la requérante et de l’ECHA ne saurait remettre en cause cette solution.

46      En premier lieu, la requérante fait valoir que la participation des demanderesses à la procédure antérieure devant l’ECHA ne suffit pas à justifier un intérêt à intervenir.

47      Selon elle, il résulte de la jurisprudence que la participation de ClientEarth et de EEB à la procédure devant l’ECHA ayant ensuite conduit à la procédure devant le Tribunal, ne constitue pas, en soi, une raison suffisante pour faire droit à une demande d’intervention. Elle souligne que, même si ClientEarth et EEB ont sollicité l’accès aux informations litigieuses, la décision attaquée ne les concerne pas directement étant donné que le litige entre elle et l’ECHA porte sur la question de savoir quels documents et quelles informations fournis dans le cadre de la procédure d’autorisation en vue de l’utilisation du DEHP doivent être considérés ou non comme confidentiels. En outre, elle relève que le but de la consultation publique est de permettre à des tiers non pas d’apprécier les demandes d’autorisation, mais de présenter des informations relatives aux solutions de remplacement existantes et que la phase de la consultation publique a pris fin dès le 8 janvier 2014, c’est-à-dire même avant l’adoption de la décision attaquée.

48      Ces arguments ne sauraient prospérer. En effet, la décision attaquée, si elle ne constitue pas la réponse directe à la demande d’accès aux documents formulée par ClientEarth et EEB, n’en est pas moins la conséquence de cette demande. De plus, comme souligné au point 30 ci-dessus, l’arrêt du Tribunal à venir affectera les intérêts de ClientEarth et EEB dans la mesure où il se prononcera sur le niveau de confidentialité des documents concernés par la demande d’accès aux documents présentés dans le cadre de la procédure d’autorisation relative à l’utilisation du DEHP.

49      En deuxième lieu, la requérante soutient en vain que les intérêts et les activités de ClientEarth, EEB et HCWH Europe sont trop généraux et trop larges pour que puisse être reconnu un intérêt à la solution du litige. En effet, en ce qui concerne ClientEarth et EEB, leur rôle ne s’est pas limité à une simple participation à la procédure devant l’ECHA, au sens de la jurisprudence rappelée au point 21 ci-dessus. Au contraire, leur rôle s’est avéré décisif puisque leur demande d’accès auprès de l’ECHA a déclenché ladite procédure ayant conduit à l’adoption de la décision attaquée. Au surplus, elles ont démontré qu’elles étaient activement impliquées dans des programmes de protection ou d’études concernant le secteur concerné.

50      Quant à HCWH Europe, il ressort des points 38 à 42 ci-dessus que, outre le fait qu’elle a activement participé à la procédure devant l’ECHA relative à la demande d’autorisation de l’utilisation du DEHP, elle a fait la démonstration de son implication active dans des programmes de protection ou d'études relatifs au secteur concerné.

51      En troisième lieu, est inopérant l’argument de la requérante selon lequel ClientEarth, EEB et HCWH Europe fondent à tort leur droit à intervenir sur la convention sur l’accès à l’information, la participation du public au processus décisionnel et l’accès à la justice en matière d’environnement, signée à Aarhus le 25 juin 1998 (ci-après la « convention d’Aarhus »), approuvée au nom de l’Union par la décision 2005/370/CE du Conseil, du 17 février 2005, relative à la conclusion, au nom de la Communauté européenne, de la convention d’Aarhus (JO L 124, p.1). En effet, la reconnaissance d’un intérêt actuel et certain de ClientEarth, EEB et HCWH Europe à intervenir ne résulte pas de la convention d’Aarhus – invoquée à titre subsidiaire par ces trois organisations environnementales – mais des motifs exprimés aux points 23 à 37 ci-dessus.

52      Les demandes en intervention de ClientEarth, EEB et HCWH Europe ayant été introduites conformément à l'article 115 du règlement de procédure et les demandeurs en intervention ayant justifié leur intérêt à la solution du litige, il y a lieu de les admettre, conformément à l'article 40, deuxième alinéa, du statut de la Cour.

 Sur la demande tendant à ce que les parties intervenantes soient autorisées à utiliser l’anglais dans le cadre de la procédure écrite et la procédure orale

53      ClientEarth, EEB et HCWH Europe demandent de pouvoir utiliser l’anglais, à titre principal, dans le cadre des procédures écrite et orale et, à titre subsidiaire, au cours de la procédure orale.

54      À l'appui de leur demande, ClientEarth, EEB et HCWH Europe font valoir, tout d’abord, que leur demande d’accès aux documents et sur laquelle est fondée la décision attaquée, la décision attaquée elle-même, les informations qui constituent l’objet de l’acte attaqué et la correspondance entre elles et l’ECHA et entre celle‑ci et la requérante à propos de cette demande sont en anglais. Ensuite, elles soutiennent que leur droit d’accès aux documents sera directement influencé par la solution de la présente procédure et qu’il est donc indispensable qu’elles soient en mesure de défendre leur position le mieux possible en l’espèce sans être défavorisées par le régime linguistique de l’affaire. Enfin, elles relèvent que l’ECHA aurait d’abord dû adopter une décision sur leur demande d’accès aux documents, ce qui leur aurait permis d’introduire, le cas échéant, une requête auprès du Tribunal à propos de cette décision dans la langue de leur choix.

55      La requérante s'est opposée à cette demande.

56      Le Tribunal rappelle que l'article 35, paragraphe 3, quatrième alinéa, du règlement de procédure ne dispense que les seuls États membres intervenants du respect de la règle prévoyant l'emploi, par les parties intervenantes, de la langue de procédure déterminée par le requérant. Toutefois, l'article 35, paragraphe 2, sous c), de son règlement de procédure permet au Tribunal, à la demande d'une partie, l'autre partie entendue, d'autoriser l'emploi total ou partiel d'une des langues mentionnées à l'article 35, paragraphe 1, autre que la langue de procédure.

57      Il ressort de ces dispositions que la langue choisie par la requérante doit être strictement respectée pendant la procédure écrite devant le Tribunal. Ces dispositions ont notamment pour objet de protéger la position d'une partie qui entend contester la légalité d'un acte administratif adopté par les institutions de l'Union, quelle que soit la langue utilisée à cette fin par l'institution concernée, notamment au cours de la procédure précontentieuse.

58      En outre, dans l'hypothèse où l'emploi d'une langue autre que celle de la procédure serait autorisé au stade de la procédure écrite, la procédure devant le Tribunal serait substantiellement retardée, portant ainsi atteinte aux intérêts des parties principales au litige (voir ordonnance du 10 février 1995, CSF et CSME/Commission, T‑154/94, EU:T:1995:25, point 41, et la jurisprudence citée).

59      Dès lors, ce n'est que dans des circonstances exceptionnelles, sur la base d'une motivation circonstanciée et spécifique, qu'une dérogation peut être accordée.

60      À cet égard, les arguments avancés par ClientEarth, EEB et HCWH Europe ne permettent pas de conclure que, en l'absence d'une telle dérogation, il serait porté atteinte à leurs droits au cours de la procédure écrite, étant donné qu'elles ont la possibilité de se procurer, par leurs propres moyens, des traductions en anglais des mémoires et des autres pièces de procédure ainsi que de faire traduire leur mémoire dans la langue de procédure, d'autant plus qu'elles sont actives dans l’ensemble de l’Union (voir, en ce sens, ordonnance du 19 octobre 2009, Koda/Commission, T‑425/08, EU:T:2009:406, point 15, et la jurisprudence citée).

61      Par conséquent, la demande de ClientEarth, EEB et HCWH Europe tendant à ce qu’elles soient autorisées à utiliser l’anglais au cours de la procédure écrite doit être rejetée.

62      En ce qui concerne la demande formulée à titre subsidiaire de pouvoir utiliser l’anglais aux fins de la procédure orale, le Tribunal se réserve, dans les circonstances de l'espèce, de statuer ultérieurement sur celle-ci.

 Sur les demandes de confidentialité

63      La partie requérante a demandé que, conformément à l'article 116, paragraphe 2, du règlement de procédure, certains éléments des annexes à la requête soient exclus de la communication aux parties intervenantes en raison de leur caractère confidentiel et a produit, aux fins de cette communication, une version non confidentielle de la requête.

64      De même, l’ECHA a demandé que, conformément à la même disposition, certains éléments des annexes à la duplique soient exclus de la communication aux parties intervenantes en raison de leur caractère confidentiel et a produit, aux fins de cette communication, une version non confidentielle de la duplique.

65      À ce stade, la communication des actes de procédure signifiés et, le cas échéant, à signifier aux parties intervenantes doit donc être limitée à une version non confidentielle. Une décision sur le bien-fondé des demandes de confidentialité sera, le cas échéant, prise ultérieurement au vu des objections ou observations qui pourraient être présentées à ce sujet.

Par ces motifs,

LE PRÉSIDENT DE LA QUATRIÈME CHAMBRE DU TRIBUNAL

ordonne :

1)      ClientEarth, European Environmental Bureau et Health Care Without Harm Europe sont admises à intervenir dans l’affaire T-189/14 à l’appui des conclusions de l’Agence européenne des produits chimiques (ECHA).

2)      Le greffier communiquera à ClientEarth, European Environmental Bureau et Health Care Without Harm Europe une version non confidentielle de chaque acte de procédure signifié aux parties.

3)      Un délai sera fixé à ClientEarth, European Environmental Bureau et Health Care Without Harm Europe pour présenter leurs objections éventuelles sur les demandes de traitement confidentiel. La décision sur le bien-fondé de ces demandes est réservée.

4)      Un délai sera fixé à ClientEarth, European Environmental Bureau et Health Care Without Harm Europe pour présenter un mémoire en intervention, sans préjudice de le compléter, le cas échéant ultérieurement, suite à une décision sur le bien-fondé des demandes de traitement confidentiel.

5)      La demande de dérogation au régime linguistique présentée par ClientEarth, European Environmental Bureau et Health Care Without Harm Europe est rejetée en tant qu'elle concerne la procédure écrite.

6)      La décision sur la demande de dérogation au régime linguistique, aux fins de la procédure orale, présentée par ClientEarth, European Environmental Bureau et Health Care Without Harm Europe est réservée.

7)      Les dépens sont réservés.

Fait à Luxembourg, le 16 janvier 2015.

Le greffier

 

       Le président

E.  Coulon

 

       M. Prek



* Langue de procédure : le tchèque.