Language of document : ECLI:EU:T:2008:480

DOCUMENT DE TRAVAIL

ARRÊT DU TRIBUNAL (chambre des pourvois)

11 novembre 2008 (*)

« Pourvoi – Fonction publique – Agents temporaires – Recevabilité – Indemnité de dépaysement – Décision purement confirmative – Réclamation tardive »

Dans l’affaire T‑390/07 P,

ayant pour objet un pourvoi formé contre l’ordonnance du Tribunal de la fonction publique de l’Union européenne (première chambre) du 10 septembre 2007, Speiser/Parlement (F‑146/06, non encore publiée au Recueil), et tendant à l’annulation de cette ordonnance,

Michael Alexander Speiser, agent temporaire du Parlement européen, demeurant à Neu-Isenburg (Allemagne), représenté par Me F. Theumer, avocat,

partie requérante,

l’autre partie à la procédure étant

Parlement européen, représenté initialement par Mme A. Lukošiūtė et M. N. Lorenz, puis par Mmes Lukošiūtė et S. Seyr, en qualité d’agents,

partie défenderesse en première instance,

LE TRIBUNAL DE PREMIÈRE INSTANCE
DES COMMUNAUTÉS EUROPÉENNES (chambre des pourvois),

composé de MM. M. Jaeger (rapporteur), président, M. Vilaras, N. J. Forwood, Mme M. E. Martins Ribeiro et M. O. Czúcz, juges,

greffier : M. E. Coulon,

rend le présent

Arrêt

1        Par son pourvoi introduit au titre de l’article 9 de l’annexe I du statut de la Cour de justice, le requérant, M. Michael Alexander Speiser, demande l’annulation de l’ordonnance du Tribunal de la fonction publique de l’Union européenne (première chambre) du 10 septembre 2007, Speiser/Parlement (F‑146/06, non encore publiée au Recueil, ci-après l’« ordonnance attaquée »), par laquelle celui-ci a rejeté son recours ayant pour objet l’annulation de la décision du secrétaire général du Parlement européen, du 11 septembre 2006, rejetant sa réclamation dirigée contre le refus de lui attribuer l’indemnité de dépaysement prévue à l’article 4, paragraphe 1, sous a), de l’annexe VII du statut des fonctionnaires des Communautés européennes (ci-après le « statut »).

 Faits à l’origine du litige

2        Les faits à l’origine du litige ont été exposés, dans l’ordonnance attaquée, de la manière suivante :

« 2      Entre le 1er octobre 1998 et le 30 septembre 2005, le requérant a travaillé comme assistant pour différents membres du Parlement. Dans chacun des contrats d’emploi successifs de l’intéressé, […] Bruxelles était fixé comme lieu de travail ou lieu de prestations de services […]

3      Le 1er octobre 2005, le requérant a été engagé comme agent temporaire par le Parlement.

4      Par décision du 22 novembre 2005, intitulée ‘Confirmation of entitlements as of commencement of duties’ (fixation des droits à l’entrée en fonction[s]) […], le lieu de recrutement et le lieu d’origine du requérant ont été fixés à Bruxelles. Cette décision précisait qu’il n’avait pas droit à l’indemnité de dépaysement.

5      Par courriel du 19 décembre 2005, le requérant a accusé réception de la décision du 22 novembre 2005 et a fait valoir qu’il estimait avoir droit à l’indemnité de dépaysement.

6      Sur la base des renseignements et des documents supplémentaires présentés ensuite par le requérant, le lieu d’origine de ce dernier a été fixé à Neu-Isenburg, en Allemagne, par décision du 5 janvier 2006.

7      Par courriel du 18 janvier 2006, le requérant a, à nouveau, demandé un réexamen de son dossier, en ce qui concernait son droit à l’indemnité de dépaysement.

8      Par courriel du 19 janvier 2006, [le] Parlement a répondu au requérant que, sans production de sa part d’un certificat de résidence précisant l’historique de son séjour à Bruxelles, la décision lui refusant le versement de l’indemnité de dépaysement ne pouvait pas être modifiée. [Ce courriel] a également attiré l’attention du requérant sur son droit à présenter une réclamation […]

9      Par lettre du 30 janvier 2006, le requérant a envoyé le certificat de résidence exigé et a présenté des explications supplémentaires.

10      Par lettre du 31 janvier 2006 […], le chef de l’unité ‘Droits individuels’ a répondu comme suit (traduction non officielle) :

‘[…] J’exprime ma surprise quant au fait que, malgré plusieurs de vos précédentes déclarations, vous êtes résident à Bruxelles depuis le [1er septembre 1999].

En application [du] statut, et comme il vous a déjà été expliqué à différentes reprises, [la] décision de ne pas vous faire bénéficier de l’indemnité de dépaysement reste inchangée.

Vous avez le droit de présenter une réclamation […]’

11      Par lettre du 31 mars 2006 […], le requérant a introduit une réclamation […] contre la lettre du 31 janvier 2006.

12      Par décision du 11 septembre 2006, l’autorité investie du pouvoir de nomination a rejeté la réclamation du requérant comme irrecevable en faisant valoir que celle-ci avait été introduite hors délai […] »

 Procédure en première instance et ordonnance attaquée

3        Par requête parvenue au greffe du Tribunal de la fonction publique le 11 décembre 2006, le requérant a introduit un recours tendant notamment à l’annulation de la décision de l’autorité investie du pouvoir de nomination du 11 septembre 2006.

4        Par l’ordonnance attaquée, le Tribunal de la fonction publique a rejeté le recours comme manifestement irrecevable au motif que la procédure précontentieuse ne s’était pas déroulée régulièrement, le requérant ayant introduit sa réclamation hors délai.

5        Le Tribunal de la fonction publique a fondé sa décision en particulier sur les considérations suivantes :

« 22      [Il] n’est pas permis à un fonctionnaire, ou à un agent temporaire, d’écarter les délais prévus par les articles 90 et 91 du statut pour l’introduction de la réclamation et du recours en mettant en cause, par le biais d’une demande, une décision antérieure non contestée dans les délais, seule l’existence de faits nouveaux substantiels pouvant justifier la présentation d’une demande de réexamen d’une décision devenue définitive […] On ne saurait qualifier de fait nouveau […] la circonstance que, sur demande de [l’intéressé], l’administration a ultérieurement repris l’examen de son cas, en vue de lui fournir des renseignements supplémentaires […]

27      L’argument du requérant selon lequel la lettre du 31 janvier 2006 constitue l’acte lui faisant grief, qu’il convenait d’attaquer, doit être rejeté. En effet, cette lettre, selon laquelle la décision de rejet de l’indemnité de dépaysement reste inchangée, n’est qu’une confirmation de la décision du 22 novembre 2005. De surcroît […], ladite lettre du 31 janvier 2006 n’est pas fondée sur le certificat d’inscription de l’intéressé au registre de la commune d’Ixelles. Donc, la lettre du 31 janvier 2006, confirmative, ne saurait avoir pour effet de faire naître un nouveau délai de recours […] »

6        Sur la base de ces considérations, le Tribunal de la fonction publique a rejeté le recours comme manifestement irrecevable.

7        S’agissant des dépens, le Tribunal de la fonction publique a ordonné que le Parlement supporte, en plus de ses propres dépens, les deux tiers des dépens exposés par le requérant, motif pris de ce qu’il était peu compatible avec la bonne foi qu’une institution invoque le caractère confirmatif d’un acte, après avoir donné à l’intéressé l’impression erronée que cet acte pouvait faire l’objet d’une réclamation.

 Sur le pourvoi

1.     Procédure et conclusions des parties

8        Par mémoire déposé au greffe du Tribunal le 11 octobre 2007, le requérant a formé le présent pourvoi.

9        Le Parlement a déposé son mémoire en réponse le 15 février 2008.

10      Par acte déposé au greffe du Tribunal le 3 mars 2008, le requérant a demandé, conformément à l’article 143, paragraphe 1, du règlement de procédure du Tribunal, l’autorisation de déposer un mémoire en réplique. Par décision du président du 11 mars 2008, cette demande a été rejetée. Le même jour, la procédure écrite a été close.

11      Sur rapport du juge rapporteur, le Tribunal (chambre des pourvois) a constaté qu’aucune demande de fixation d’une audience n’avait été présentée par les parties dans le délai d’un mois à compter de la signification de la clôture de la procédure écrite et a décidé de statuer sans phase orale de la procédure, conformément à l’article 146 du règlement de procédure.

12      Le requérant conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        annuler dans leur intégralité les points 1 et 2 du dispositif de l’ordonnance attaquée ;

–        annuler le point 3 du dispositif de l’ordonnance attaquée, uniquement dans la mesure où il ne fait pas supporter au Parlement la totalité des dépens qu’il a lui-même exposés ;

–        faire droit aux conclusions qu’il a présentées en première instance et, pour autant que le bénéfice des dépens ne lui a déjà été accordé qu’à raison des deux tiers en vertu du point 3, non contesté, du dispositif de l’ordonnance attaquée, condamner le Parlement à l’entièreté des dépens.

13      Le Parlement conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        rejeter le pourvoi comme irrecevable et, à titre subsidiaire, comme non fondé ;

–        statuer sur les dépens comme de droit.

2.     En droit

14      Dans son pourvoi, le requérant reproche au Tribunal de la fonction publique d’avoir considéré que la décision du 22 novembre 2005 constituait l’acte faisant grief et soulève trois moyens à l’encontre de l’ordonnance attaquée.

15      Par le premier moyen, le requérant fait valoir que les éléments de preuve produits en première instance ont été appréciés par le Tribunal de la fonction publique de manière contradictoire et/ou insuffisante. Par son deuxième moyen, il soutient que le Tribunal de la fonction publique n’a pas rigoureusement appliqué à l’ensemble de sa décision le principe de bonne foi qu’il a pourtant appliqué dans la partie sur les dépens de l’ordonnance attaquée. Enfin, par son troisième moyen, il reproche au Tribunal de la fonction publique de s’être écarté des principes figurant dans l’arrêt de ce même Tribunal du 28 juin 2006, Grünheid/Commission (F‑101/05,RecFP p. I-A-1-55 et II-A-1-199).

16      Par ailleurs, le requérant soutient que son pourvoi doit être déclaré fondé en raison de l’existence d’un fait nouveau, à savoir un certificat de résidence délivré par la commune d’Ixelles le 5 mars 2007.

 Sur le troisième moyen

17      Par son troisième moyen, qu’il convient d’examiner en premier lieu, le requérant fait grief au Tribunal de la fonction publique de ne pas avoir appliqué en l’espèce le principe selon lequel toute décision d’une institution communautaire ayant des conséquences financières considérables pour un fonctionnaire doit être motivée et notifiée à l’intéressé par écrit, ce principe se trouvant pourtant énoncé dans l’arrêt Grünheid/Commission, précité (points 42 à 56).

18      Le Parlement soutient, à titre principal, que ce moyen est irrecevable, car il n’est fondé ni sur l’incompétence du Tribunal de la fonction publique, ni sur des irrégularités de procédure devant ladite juridiction portant atteinte aux intérêts de la partie concernée, ni sur la violation du droit communautaire par le Tribunal de la fonction publique. À titre subsidiaire, le Parlement fait valoir que ce moyen est non fondé.

19      À cet égard, il y a lieu de constater que, même si la non-application au cas d’espèce de la solution dégagée par le Tribunal de la fonction publique dans l’arrêt Grünheid/Commission, précité, ne saurait, en tant que telle, constituer une violation du droit communautaire pouvant être censurée dans le cadre d’un pourvoi, le présent moyen est recevable pour autant qu’il est tiré de la violation d’un principe reconnu dans ledit arrêt.

20      Or, dans l’arrêt Grünheid/Commission, précité, le Tribunal de la fonction publique a déclaré recevable un recours dirigé contre une décision de classement en grade définitif, en rejetant une fin de non-recevoir tirée de ce que la requérante aurait introduit sa réclamation plus de trois mois après avoir pris connaissance, par la communication d’une fiche mensuelle de traitement, de l’existence de cette décision.

21      Dans ledit arrêt, le Tribunal de la fonction publique a rappelé que, selon une jurisprudence constante, la communication de la fiche mensuelle de traitement a pour effet de faire courir les délais de réclamation et de recours contre une décision administrative lorsque cette fiche fait apparaître clairement l’existence et la portée de cette décision (point 42). Après avoir précisé que cette jurisprudence concerne notamment le refus du bénéfice d’indemnités de dépaysement (point 43), le Tribunal de la fonction publique a considéré qu’elle n’était pas applicable à la décision de classement définitif d’un fonctionnaire nouvellement recruté (point 45). À cet égard, il a considéré, en premier lieu, qu’une telle décision tend à déterminer le grade à partir duquel évoluera toute la carrière dudit fonctionnaire et qu’elle ne comporte pas nécessairement de conséquences pécuniaires susceptibles d’apparaître dans les bulletins de rémunération subséquents de l’intéressé (point 46), et, « [e]n deuxième lieu, et plus fondamentalement, [qu’il] ressort de l’économie des règles du statut que les décisions de classement […] doivent être dûment notifiées à l’intéressé et que l’administration ne saurait se borner à l’en informer par la voie d’une simple fiche de salaire ni s’abstenir de veiller à ce que ce type de décision parvienne effectivement à son destinataire » (point 49).

22      Sans qu’il soit besoin d’établir si ces principes sont applicables également aux décisions fixant les droits à l’entrée en fonctions d’un agent nouvellement recruté, force est de constater que, en l’espèce, premièrement, la décision du 22 novembre 2005 a bien été notifiée par écrit au requérant et, deuxièmement, cette décision indique clairement que les lieux de recrutement et d’origine du requérant avaient été fixés à Bruxelles et que celui-ci n’avait pas droit à l’indemnité de dépaysement.

23      Il s’ensuit que les principes découlant de l’arrêt Grünheid/Commission, précité, à supposer qu’ils soient applicables, n’ont pas été violés en l’espèce. Dès lors, le troisième moyen doit être rejeté.

 Sur les premier et deuxième moyens

 Arguments des parties

24      Par ses deux premiers moyens, qu’il convient d’examiner conjointement, le requérant soutient que, en vertu des principes de bonne foi et de bonne administration, la décision du 22 novembre 2005 ne pouvait pas lui être opposée, en se fondant, en substance, sur trois arguments.

25      Premièrement, la décision du 22 novembre 2005 n’aurait été assortie d’aucune information relative aux voies de recours prévues par le statut, les premières indications à cet égard n’ayant été fournies par le Parlement que dans son courriel du 19 janvier 2006. En outre, le Parlement, en réagissant à chaque nouveau message du requérant et en révisant certains éléments erronés figurant dans la décision du 22 novembre 2005, aurait donné au requérant l’impression qu’il pouvait préserver ses droits individuels sans introduire de réclamation.

26      Deuxièmement, la décision du 22 novembre 2005 contiendrait plusieurs inexactitudes concernant notamment les lieux d’origine et de recrutement du requérant, lesquelles seraient dues à l’examen insuffisant par le Parlement des pièces que le requérant lui avait pourtant fournies. Le fait que la décision du 22 novembre 2005 contenait plusieurs erreurs aurait été admis par le Parlement lui-même qui, à la demande du requérant, a, d’une part, modifié son lieu d’origine, par la décision du 5 janvier 2006, et, d’autre part, reconnu, ainsi qu’il ressort du bulletin de rémunération du requérant du mois de janvier 2006, que celui-ci devait être classé à l’échelon 2, et non à l’échelon 1, du grade AD 6 et qu’il avait droit à l’indemnité de foyer, à l’allocation pour enfants à charge ainsi qu’à l’allocation scolaire.

27      Troisièmement, même en faisant abstraction des éléments mentionnés ci-dessus, la décision du 5 janvier 2006, qui a modifié le lieu d’origine du requérant, constituerait une nouvelle décision contenant des éléments nouveaux substantiels, au sens du point 22 de l’ordonnance attaquée, ou, à tout le moins, aurait donné lieu à une nouvelle fixation des droits à l’entrée en fonctions du requérant. Il s’ensuivrait qu’un nouveau délai de réclamation aurait commencé à courir à l’encontre de cette décision, raison pour laquelle une réclamation, introduite le 31 mars 2006 et reçue le 4 avril 2006, ne serait pas tardive.

28      Le Parlement conteste, à titre principal, la recevabilité de ces moyens du pourvoi. À cet égard, il fait valoir, d’une part, que le requérant se limite à réitérer les moyens et les arguments déjà présentés devant le Tribunal de la fonction publique sans décrire exactement l’erreur de droit dont l’ordonnance attaquée serait entachée. D’autre part, le requérant n’aurait pas exposé de manière circonstanciée ses moyens et n’aurait pas expliqué en quoi l’ordonnance attaquée violerait les principes de bonne foi et de bonne administration.

29      Par ailleurs, le Parlement soutient que certains documents que le requérant a présentés en annexe à son pourvoi ne doivent pas être pris en considération, étant donné qu’ils concerneraient uniquement des faits déjà connus lors de la procédure devant le Tribunal de la fonction publique. Leur appréciation équivaudrait donc à un réexamen des faits.

30      À titre subsidiaire, le Parlement fait valoir que les moyens en cause ne sont pas fondés.

 Appréciation du Tribunal

–       Sur la recevabilité des documents annexés au pourvoi

31      En ce qui concerne la possibilité, contestée par le Parlement, de prendre en considération les documents annexés au pourvoi, il y a lieu de constater que plusieurs d’entre eux, notamment la décision du 5 janvier 2006, la lettre du 30 janvier 2006, le certificat de résidence délivré à cette même date et la décision du 31 janvier 2006, avaient déjà été joints par le Parlement au mémoire en défense produit en première instance. Il s’ensuit que le Tribunal est en droit d’en tenir compte, pour autant qu’il s’agisse de la qualification juridique que le Tribunal de la fonction publique en a faite ou des conséquences juridiques que celui-ci en a tirées.

–       Sur le premier argument

32      Sans qu’il soit besoin de se prononcer sur la recevabilité de l’argument du requérant tiré de l’absence d’information sur les voies de recours, force est de constater qu’il est dépourvu de fondement. En effet, selon la jurisprudence, il n’existe à la charge des institutions communautaires ni une obligation générale d’informer les destinataires de leurs actes des voies de recours disponibles, ni une obligation d’indiquer les délais applicables dans lesquels celles-ci peuvent être exercées (voir ordonnance de la Cour du 27 novembre 2007, Diy-Mar Insaat Sanayi ve Ticaret et Akar/Commission, C‑163/07 P, Rec. p. I-10125, point 41, et la jurisprudence citée).

33      Pour autant que l’argument du requérant doit être compris en ce sens qu’il essaie de se prévaloir d’une erreur excusable, il convient de rappeler que cette notion doit être interprétée de façon restrictive et ne peut viser que des circonstances exceptionnelles où, notamment, les institutions concernées ont adopté un comportement de nature, à lui seul ou dans une mesure déterminante, à provoquer une confusion admissible dans l’esprit d’un justiciable de bonne foi et faisant preuve de toute la diligence requise d’un opérateur normalement averti (voir arrêt du Tribunal du 27 septembre 2007, Pelle et Konrad/Conseil et Commission, T‑8/95 et T‑9/95, Rec. p. I-4117, point 93, et la jurisprudence citée).

34      Tel n’est pas le cas en l’espèce, dans la mesure où, s’il est certes regrettable que la lettre du 31 janvier 2006 ait mentionné la possibilité pour le requérant d’introduire une réclamation sans préciser quel acte celle-ci aurait dû viser, cette lettre n’a pas pour autant donné lieu à des circonstances exceptionnelles au sens de la jurisprudence rappelée ci-dessus. En effet, dans le courriel adressé au requérant le 19 janvier 2006, le Parlement avait déjà mentionné la possibilité pour le requérant d’introduire une réclamation. Même si ce courriel ne le précisait pas, cette réclamation ne pouvait viser que la décision du 22 novembre 2005, le requérant n’ayant, à l’époque, pas encore reçu d’autres décisions concernant l’indemnité de dépaysement.

–       Sur les deuxième et troisième arguments

35      Il résulte de l’article 225 A CE et de l’article 11, paragraphe 1, de l’annexe I du statut de la Cour que le pourvoi devant le Tribunal ne peut s’appuyer que sur des moyens portant sur la violation de règles de droit, à l’exclusion de toute appréciation des faits. Le Tribunal de la fonction publique est seul compétent, d’une part, pour constater les faits, sauf dans le cas où l’inexactitude matérielle de ses constatations résulterait des pièces du dossier qui lui ont été soumises, et, d’autre part, pour apprécier ces faits. Lorsque le Tribunal de la fonction publique a constaté ou apprécié les faits, le Tribunal est compétent pour exercer un contrôle sur la qualification juridique de ces faits et les conséquences de droit qui en ont été tirées par le Tribunal de la fonction publique (voir, par analogie, arrêt de la Cour du 21 juin 2007, Commission/Hosman-Chevalier, C‑424/05 P, Rec. p. I‑5027, points 30 et 31, et la jurisprudence citée). En outre, il découle desdits articles ainsi que de l’article 138, paragraphe 1, premier alinéa, sous c), du règlement de procédure qu’un pourvoi doit indiquer de façon précise les éléments critiqués de la décision dont l’annulation est demandée ainsi que les arguments juridiques qui soutiennent de manière spécifique cette demande (voir, par analogie, ordonnance de la Cour du 20 mars 2007, Kallianos/Commission, C‑323/06 P, point 11, non publiée au Recueil, et la jurisprudence citée). Par ailleurs, dans le cadre d’un pourvoi, la compétence du Tribunal est limitée à l’appréciation de la solution légale qui a été donnée aux moyens débattus devant le juge de première instance (voir, par analogie, arrêt de la Cour du 7 novembre 2002, Glencore et Compagnie Continentale/Commission, C‑24/01 P et C‑25/01 P, Rec. p. I‑10119, point 62, et la jurisprudence citée).

36      En l’espèce, le deuxième argument du requérant, selon lequel la décision de ne pas lui accorder l’indemnité de dépaysement est due à un examen insuffisant des pièces qu’il a fournies au Parlement, doit être déclaré irrecevable. En effet, le requérant se limite à contester de manière générique ou sur la base d’éléments factuels non invoqués en première instance le raisonnement suivi par le Tribunal de la fonction publique dans l’ordonnance attaquée.

37      Quant au troisième argument, tiré de ce que la réclamation du requérant du 31 mars 2006 ne saurait être considérée comme étant tardive du fait qu’elle a été précédée par l’adoption de la décision du 5 janvier 2006, sans qu’il soit besoin de se prononcer sur sa recevabilité, il suffit de constater que la décision du 5 janvier 2006, qui ne porte que sur le lieu d’origine du requérant, n’a aucune incidence sur la question de savoir si le requérant a ou non droit à l’indemnité de dépaysement et, de ce fait, n’est pas susceptible de rouvrir le délai de réclamation par rapport à la décision du 22 novembre 2005, qui, elle, a refusé au requérant ladite indemnité.

38      En effet, il convient de rappeler que la notion de lieu d’origine visée à l’article 7, paragraphe 3, premier alinéa, de l’annexe VII du statut est une notion technique, utilisée pour fixer certains droits pécuniaires du fonctionnaire, de sorte que le lieu d’origine de celui-ci ne se confond pas avec le lieu où celui-ci habitait de façon constante et exerçait son activité professionnelle antérieurement à son recrutement (arrêt de la Cour du 2 mai 1985, De Angelis/Commission, 144/84, Rec. p. 1301, point 13).

39      L’indemnité de dépaysement ne figure pas parmi les droits pécuniaires liés au lieu d’origine. En effet, selon une jurisprudence bien établie, l’octroi de ce bénéfice est subordonné à l’absence de résidence habituelle ou d’activité professionnelle principale sur le territoire européen de l’État d’affectation pendant la période de référence (voir arrêt du Tribunal du 28 septembre 1993, Magdalena Fernández/Commission, T‑90/92, Rec. p. II‑971, point 26, et la jurisprudence citée).

40      À cet égard, il convient d’observer que, selon la jurisprudence, le fait qu’une institution a fixé, à la demande du requérant, son lieu d’origine en dehors du pays d’affectation ne saurait avoir une influence quelconque sur son droit à l’indemnité de dépaysement, la détermination du lieu d’origine du fonctionnaire, d’une part, et l’octroi de l’indemnité de dépaysement, d’autre part, répondant à des besoins et à des intérêts différents (voir arrêt Magdalena Fernández/Commission, précité, point 30, et la jurisprudence citée). Par ailleurs, le fait qu’une institution a accepté, sur demande de l’intéressé, de modifier son lieu d’origine pour le fixer dans une ville autre que celle indiquée comme son lieu de recrutement n’implique pas que ce dernier aurait également dû être modifié, mais signifie que l’institution a reconnu que l’intéressé, tout en ayant été recruté dans une ville donnée, possède le centre de ses intérêts dans une autre ville (arrêt du Tribunal du 28 septembre 1999, J/Commission, T‑28/98, RecFP p. I‑A‑185 et II‑973, point 26).

41      Il ressort de ce qui précède que la modification du lieu d’origine du requérant ne saurait être considérée comme un fait susceptible de modifier de manière substantielle sa situation en ce qui concerne son droit à l’indemnité de dépaysement.

42      Il s’ensuit que la décision du 5 janvier 2006 n’était aucunement susceptible de rouvrir le délai de réclamation contre la décision du 22 novembre 2005.

43      Tous les arguments du requérant ayant été déclarés irrecevables ou non fondés, il y a lieu de rejeter les premier et deuxième moyens dans leur ensemble.

 Sur le certificat de résidence du 5 mars 2007

44      En annexe à son pourvoi, le requérant a produit un nouveau certificat de résidence, délivré par la commune d’Ixelles le 5 mars 2007, lequel, tout en confirmant que le requérant réside à Bruxelles depuis le 1er septembre 1999, contient la mention « validité pièce d’identité expirée ». Selon le requérant, cette mention est un élément déterminant en ce qu’il en ressortirait que le Parlement l’avait inscrit d’office au registre de la population d’Ixelles, pour la période comprise entre 1999 et 2001, cette période correspondant à celle durant laquelle le requérant détenait une « carte d’identité spéciale ». Or, l’inscription d’office servant de base juridique à l’établissement de ladite carte d’identité, l’expiration de cette dernière aurait également entraîné la disparition du fondement juridique de l’inscription en Belgique. Ce nouveau certificat de résidence contredirait l’argumentation du Parlement concernant la résidence permanente du requérant à Bruxelles depuis 1999 et démontrerait que le requérant avait à bon droit soutenu que son adresse ne correspondait pas à une résidence principale au sens juridique du terme.

45      À cet égard, il y a lieu de constater que les conséquences de ce nouveau certificat de résidence n’ont pas pu être évaluées par le Tribunal de la fonction publique, dans la mesure où le requérant, tout en ayant reçu ce document avant que le Tribunal de la fonction publique n’ait statué sur l’affaire, ne l’avait pas produit devant celui-ci. Pour autant que le requérant soutient que la conclusion du Tribunal de la fonction publique est erronée, sur la base d’une prémisse factuelle différente de celle sur laquelle celui-ci a été appelé à se prononcer, son argumentation équivaut à l’invocation d’un moyen nouveau qui étend l’objet du litige et qui, de ce fait, ne saurait être présenté pour la première fois au stade du pourvoi. En effet, en vertu d’une jurisprudence constante, permettre à une partie de soulever pour la première fois devant le juge du pourvoi un moyen qu’elle n’a pas invoqué en première instance reviendrait à lui permettre de saisir ledit juge, dont la compétence est limitée, d’un litige plus étendu que celui dont a eu à connaître le juge de première instance. Or, dans le cadre d’un pourvoi, la compétence du Tribunal est limitée à l’appréciation de la solution légale qui a été donnée aux moyens débattus devant le Tribunal de la fonction publique (voir, par analogie, ordonnance de la Cour du 11 novembre 2003, Martinez/Parlement, C‑488/01 P, Rec. p. I‑13355, point 76, et la jurisprudence citée). Il s’ensuit que le Tribunal ne peut pas tenir compte du certificat de résidence du 5 mars 2007.

46      Aucun des moyens soulevés par le requérant n’ayant été retenu, il y a lieu de rejeter le pourvoi dans son ensemble.

 Sur les dépens

47      Conformément à l’article 148, premier alinéa, du règlement de procédure, lorsque le pourvoi n’est pas fondé, le Tribunal statue sur les dépens.

48      Aux termes de l’article 87, paragraphe 2, premier alinéa, du même règlement, applicable à la procédure de pourvoi en vertu de l’article 144 de celui-ci, toute partie qui succombe est condamnée aux dépens, s’il est conclu en ce sens. Dans la présente affaire, le Parlement a demandé au Tribunal de statuer sur les dépens comme de droit. Cette conclusion ne saurait être considérée comme une demande tendant à la condamnation aux dépens de la partie requérante (arrêt de la Cour du 9 juin 1992, Lestelle/Commission, C‑30/91 P, Rec. p. I-3755, point 38). Il y a donc lieu de faire supporter à chaque partie ses propres dépens.

Par ces motifs,

LE TRIBUNAL (chambre des pourvois)

déclare et arrête :

1)      Le pourvoi est rejeté.

2)      Chaque partie supportera les dépens qu’elle a exposés dans le cadre de la présente instance.

Jaeger

Vilaras

Forwood

Martins Ribeiro

 

       Czúcz


Ainsi prononcé en audience publique à Luxembourg, le 11 novembre 2008.

Signatures


* Langue de procédure : l’allemand.