Language of document : ECLI:EU:T:1999:80

ARRÊT DU TRIBUNAL (troisième chambre élargie)

20 avril 1999 (1)

«Concurrence — Article 85 du traité CE — Effets d'un arrêt d'annulation — Droitsde la défense — Amende»

Dans les affaires jointes T-305/94, T-306/94, T-307/94, T-313/94, T-314/94, T-315/94,T-316/94, T-318/94, T-325/94, T-328/94, T-329/94 et T-335/94,

Limburgse Vinyl Maatschappij NV, société de droit belge, établie à Bruxelles,représentée par Me Inne G. F. Cath, avocat près le Hoge Raad der Nederlanden,ayant élu domicile à Luxembourg en l'étude de Me Lambert Dupong, 4-6, rue dela Boucherie,

Elf Atochem SA, société de droit français, établie à Paris, représentée parMes Xavier de Roux, Charles-Henri Léger et Jacques-Philippe Gunther, avocats aubarreau de Paris, ayant élu domicile à Luxembourg en l'étude de Me JacquesLoesch, 11, rue Goethe,

BASF AG, société de droit allemand, établie à Ludwigshafen (Allemagne),représentée par Me Ferdinand Hermanns, avocat à Düsseldorf, ayant élu domicileà Luxembourg en l'étude de Mes Jacques Loesch et Marc Wolters, 11, rue Goethe,

Shell International Chemical Company Ltd, société de droit anglais, établie àLondres, représentée par MM. Kenneth B. Parker, QC, du barreau d'Angleterreet du pays de Galles, et John W. Osborne, solicitor, ayant élu domicile àLuxembourg en l'étude de Me Jean Hoss, 2, place Winston Churchill,

DSM NV et DSM Kunststoffen BV, sociétés de droit néerlandais, établies àHeerlen (Pays-Bas), représentées par Me Inne G. F. Cath, avocat près le HogeRaad der Nederlanden, ayant élu domicile à Luxembourg, en l'étude deMe Lambert Dupong, 4-6, rue de la Boucherie,

Wacker-Chemie GmbH, société de droit allemand, établie à Munich (Allemagne),

Hoechst AG, société de droit allemand, établie à Francfort-sur-le Main(Allemagne),

représentées par Mes Hans Hellmann et Hans-Joachim Hellmann, avocats àCologne, ayant élu domicile à Luxembourg en l'étude de Mes Jacques Loesch etMarc Wolters, 11, rue Goethe,

Société artésienne de vinyle, société de droit français, établie à Paris, représentéepar Me Bernard van de Walle de Ghelcke, avocat au barreau de Bruxelles, ayantélu domicile à Luxembourg en l'étude de Me Alex Schmitt, 7, Val Sainte-Croix,

Montedison SpA, société de droit italien, établie à Milan (Italie), représentée parMes Giuseppe Celona, Giorgio Aghina, avocats au barreau de Milan, et PieroAngelo Maria Ferrari, avocat au barreau de Rome ayant élu domicile àLuxembourg en l'étude de Me Georges Margue, 20, rue Philippe II,

Imperial Chemical Industries plc, société de droit anglais, établie à Londres,représentée par MM. David Vaughan, QC, David Anderson, barrister, du barreaud'Angleterre et du pays de Galles, Victor White et Richard Coles, solicitors, ayantélu domicile à Luxembourg en l'étude de Me Lambert Dupong, 4-6, rue de laBoucherie,

Hüls AG, société de droit allemand, établie à Marl (Allemagne), représentéeinitialement par Me Hansjürgen Herrmann, avocat à Cologne, puis par Me FrankMontag, avocat à Cologne, ayant élu domicile à Luxembourg en l'étude deMe Jacques Loesch, 11, rue Goethe,

Enichem SpA, société de droit italien, établie à Milan, représentée par Mes MarioSiragusa, avocat au barreau de Rome, et Francesca Maria Moretti, avocat aubarreau de Bologne, ayant élu domicile à Luxembourg en l'étude de Mes Elvinger,Hoss et Prussen, 2, place Winston Churchill,

parties requérantes,

contre

Commission des Communautés européennes, représentée initialement parMM. Berend Jan Drijber, Julian Currall et Marc van der Woude, membres duservice juridique, en qualité d'agents, assistés de Mes Éric Morgan de Rivery, avocatau barreau de Paris, Alexandre Böhlke, avocat à Francfort-sur-le-Main, DavidLloyd Jones, barrister, du barreau d'Angleterre et du pays de Galles, Renzo MariaMorresi, avocat au barreau de Bologne, et Nicholas Forwood, QC, puis parM. Currall, assisté également de Me Marc van der Woude, avocat au barreau deBruxelles, ayant élu domicile à Luxembourg auprès de M. Carlos Gómez de laCruz, membre du service juridique, Centre Wagner, Kirchberg,

partie défenderesse,

ayant pour objet une demande d'annulation de la décision 94/599/CE de laCommission, du 27 juillet 1994, relative à une procédure d'application del'article 85 du traité CE (IV/31.865 — PVC) (JO L 239, p. 14),

LE TRIBUNAL DE PREMIÈRE INSTANCE

DES COMMUNAUTÉS EUROPÉENNES (troisième chambre élargie),

composé de Mme V. Tiili, président, MM. K. Lenaerts et A. Potocki, juges,

greffier: M. J. Palacio González, administrateur,

vu la procédure écrite et à la suite de la procédure orale qui s'est déroulée du 9au 12 février 1998,

rend le présent

Arrêt

Faits à l'origine du litige

1.
    A la suite de vérifications effectuées dans le secteur du polypropylène, les 13 et14 octobre 1983, fondées sur l'article 14 du règlement n° 17 du Conseil, du 6 février1962, premier règlement d'application des articles 85 et 86 du traité (JO 1962, 13,p. 204, ci-après «règlement n° 17»), la Commission des Communautés européennesa ouvert un dossier concernant le polychlorure de vinyle (ci-après «PVC»). Elle aalors opéré diverses vérifications dans les locaux des entreprises concernées etadressé plusieurs demandes de renseignements à ces dernières.

2.
    Le 24 mars 1988, la Commission a ouvert, au titre de l'article 3, paragraphe 1, durèglement n° 17, une procédure d'office à l'encontre de quatorze producteurs dePVC. Le 5 avril 1988, elle a adressé à chacune de ces entreprises la communicationdes griefs prévue à l'article 2, paragraphe 1, du règlement n° 99/63/CEE de laCommission, du 25 juillet 1963, relatif aux auditions prévues à l'article 19,paragraphes 1 et 2, du règlement n° 17 (JO 1963, 127, p. 2268, ci-après «règlementn° 99/63»). Toutes les entreprises destinataires de la communication des griefs ontprésenté des observations dans le courant du mois de juin 1988. A l'exception deShell International Chemical Company Ltd, qui n'en avait pas fait la demande, ellesont été entendues dans le courant du mois de septembre 1988.

3.
    Le 1er décembre 1988, le comité consultatif en matière d'ententes et de positionsdominantes a émis son avis sur l'avant-projet de décision de la Commission.

4.
    Au terme de la procédure, la Commission a adopté la décision 89/190/CEE, du21 décembre 1988, relative à une procédure d'application de l'article 85 du traitéCEE (IV/31.865, PVC) (JO 1989, L 74, p. 1, ci-après «décision initiale» ou«décision de 1988»). Par cette décision, la Commission a sanctionné, pourinfraction à l'article 85, paragraphe 1, du traité, les producteurs de PVC suivants:Atochem SA, BASF AG, DSM NV, Enichem SpA, Hoechst AG, Hüls AG,Imperial Chemical Industries plc, Limburgse Vinyl Maatschappij NV, MontedisonSpA, Norsk Hydro AS, la Société artésienne de vinyle, Shell International ChemicalCompany Ltd, Solvay et Cie et Wacker-Chemie GmbH.

5.
    Toutes ces entreprises, à l'exception de Solvay et Cie (ci-après «Solvay»), ontdéposé un recours contre cette décision devant le juge communautaire afin d'enobtenir l'annulation.

6.
    Par ordonnance du 19 juin 1990, Norsk Hydro/Commission (T-106/89, non publiéeau Recueil), le Tribunal a déclaré irrecevable le recours de cette entreprise.

7.
    Les affaires, enregistrées sous les numéros T-79/89, T-84/89, T-85/89, T-86/89,T-89/89, T-91/89, T-92/89, T-94/89, T-96/89, T-98/89, T-102/89 et T-104/89, ont étéjointes aux fins de la procédure orale et de l'arrêt.

8.
    Par arrêt du 27 février 1992, BASF e.a./Commission (T-79/89, T-84/89, T-85/89,T-86/89, T-89/89, T-91/89, T-92/89, T-94/89, T-96/89, T-98/89, T-102/89 et T-104/89,Rec. p. II-315), le Tribunal a déclaré inexistante la décision de 1988.

9.
    Sur pourvoi de la Commission, la Cour a, par arrêt du 15 juin 1994,Commission/BASF e.a. (C-137/92 P, Rec. p. I-2555, ci-après «arrêt du 15 juin1994»), annulé l'arrêt du Tribunal et la décision de 1988.

10.
    A la suite de cet arrêt, la Commission a adopté, le 27 juillet 1994, une nouvelledécision à l'encontre des producteurs mis en cause par la décision initiale, à

l'exception toutefois de Solvay et de Norsk Hydro AS (ci-après «Norsk Hydro»)[décision 94/599/CE de la Commission, du 27 juillet 1994, relative à une procédured'application de l'article 85 du traité CE (IV/31.865 — PVC) (JO L 239, p. 14, ci-après «Décision»)].

11.
    La Décision comprend les dispositions suivantes:

«Article premier

BASF AG, DSM NV, Elf Atochem SA, Enichem SpA, Hoechst AG, Hüls AG,Imperial Chemical Industries plc, Limburgse Vinyl Maatschappij NV, MontedisonSpA, Société artésienne de vinyle SA, Shell International Chemical [Company] Ltdet Wacker-Chemie GmbH ont enfreint, pour les périodes indiquées dans laprésente décision, les dispositions de l'article 85 du traité en participant (ensembleavec Norsk Hydro [...] et Solvay [...]) à un accord et/ou à une pratique concertéeremontant au mois d'août de l'année 1980 environ, en vertu desquels lesproducteurs approvisionnant en PVC le territoire du marché commun ont assistéà des réunions périodiques afin de fixer des prix 'cibles‘ et des quotas 'cibles‘, deplanifier des initiatives concertées visant à relever le niveau des prix et de surveillerla mise en oeuvre de ces arrangements collusoires.

Article 2

Les entreprises mentionnées à l'article 1er, qui sont encore actives dans le secteurdu PVC, à l'exception de Norsk Hydro [...] et de Solvay [...], qui ont déjà reçu ordrede faire cesser l'infraction, mettent fin immédiatement aux infractions précitées (sielles ne l'ont pas déjà fait) et s'abstiennent à l'avenir, dans le cadre de leur secteurPVC, de tout accord ou pratique concertée pouvant avoir un objet ou un effetidentique ou similaire, y compris tout échange de renseignements du typegénéralement couvert par le secret professionnel, au moyen duquel les participantsseraient informés directement ou indirectement de la production, des livraisons, duniveau des stocks, des prix de vente, des coûts ou des plans d'investissementd'autres producteurs, ou qui leur permettrait de suivre l'exécution de tout accordexprès ou tacite ou de toute pratique concertée se rapportant aux prix ou aupartage des marchés dans la Communauté. Tout système d'échange de donnéesgénérales auquel les producteurs seraient abonnés pour le secteur du PVC est géréde manière à exclure toute donnée permettant d'identifier le comportement deproducteurs déterminés; les entreprises s'abstiennent plus particulièrementd'échanger entre elles toute information supplémentaire intéressant la concurrenceet non couverte par un tel système.

Article 3

Les amendes suivantes sont infligées aux entreprises visées par la présente décision,en raison de l'infraction constatée à l'article 1er:

i)    BASF AG: une amende de 1 500 000 écus;

ii)    DSM NV: une amende de 600 000 écus;

iii)    Elf Atochem SA: une amende de 3 200 000 écus;

iv)    Enichem SpA: une amende de 2 500 000 écus;

v)    Hoechst AG: une amende de 1 500 000 écus;

vi)    Hüls AG: une amende de 2 200 000 écus;

vii)    Imperial Chemical Industries plc: une amende de 2 500 000 écus;

viii)    Limburgse Vinyl Maatschappij NV: une amende de 750 000 écus;

ix)    Montedison SpA: une amende de 1 750 000 écus;

x)    Société artésienne de vinyle SA: une amende de 400 000 écus;

xi)    Shell International Chemical Company Ltd: une amende de 850 000 écus;

xii)    Wacker-Chemie GmbH: une amende de 1 500 000 écus.»

Procédure

12.
    Par différentes requêtes déposées au greffe du Tribunal entre le 5 et le 14 octobre1994, les entreprises Limburgse Vinyl Maatschappij NV (ci-après «LVM»), ElfAtochem, BASF AG (ci-après «BASF»), Shell International Chemical CompanyLtd (ci-après «Shell»), DSM NV et DSM Kunststoffen BV (ci-après «DSM»),Wacker-Chemie GmbH (ci-après «Wacker»), Hoechst AG (ci-après «Hoechst»),la Société artésienne de vinyle (ci-après «SAV»), Montedison SpA (ci-après«Montedison»), Imperial Chemical Industries plc (ci-après «ICI»), Hüls AG(ci-après «Hüls»), et Enichem SpA (ci-après «Enichem») ont introduit les présentsrecours.

13.
    Sur le fondement de l'article 64 du règlement de procédure, une réunion entre lesmembres de la troisième chambre élargie et les parties s'est tenue le 6 avril 1995.Au cours de cette réunion, les parties ont accepté de suspendre la procédure écriteet d'organiser une procédure orale limitée à l'examen des moyens de procédure etse sont prononcées pour la jonction des affaires T-305/94, T-306/94, T-307/94,T-313/94, T-314/94, T-315/94, T-316/94, T-318/94, T-325/94, T-328/94, T-329/94 etT-335/94.

14.
    Sur rapport du juge rapporteur, le Tribunal (troisième chambre élargie) a décidéd'ouvrir la procédure orale, limitée à l'examen des moyens de procédure, sansmesure préalable d'instruction ou d'organisation de la procédure.

15.
    Par ordonnance du président de la troisième chambre élargie du 25 avril 1995 (nonpubliée au Recueil), les affaires T-305/94, T-306/94, T-307/94, T-313/94, T-314/94,T-315/94, T-316/94, T-318/94, T-325/94, T-328/94, T-329/94 et T-335/94 ont étéjointes aux fins de la procédure orale, en raison de leur connexité, conformémentà l'article 50 du règlement de procédure.

16.
    La procédure orale s'est déroulée les 13 et 14 juin 1995.

17.
    Par ordonnance du 14 juillet 1995 (non publiée au Recueil), le président de latroisième chambre élargie a ordonné la reprise de la procédure écrite et ladisjonction des affaires.

18.
    La procédure écrite a été close le 20 février 1996.

19.
    Dans le cadre des mesures d'organisation de la procédure, le Tribunal (troisièmechambre élargie), a informé les parties, par lettre du 7 mai 1997, de sa décisiond'accorder à chacune des parties requérantes l'accès au dossier de la Commissiondans l'affaire ayant donné lieu à la Décision, sous réserve des documents internesde la Commission et des documents comportant des secrets d'affaires ou d'autresinformations confidentielles.

20.
    Après avoir consulté le dossier durant les mois de juin et de juillet 1997, toutes lesparties requérantes, à l'exception de celles dans les affaires T-315/94 et T-316/94,ont déposé des observations au greffe du Tribunal, selon les cas, en juillet et enseptembre 1997. La Commission a présenté ses observations en réponse au coursdu mois de décembre 1997.

21.
    Par ordonnance du 22 janvier 1998, les parties entendues, le président de latroisième chambre élargie du Tribunal a joint de nouveau les présentes affaires auxfins de la procédure orale.

22.
    Sur rapport du juge rapporteur, le Tribunal (troisième chambre élargie) a décidéd'ouvrir la procédure orale et a pris des mesures d'organisation de la procédure endemandant aux parties de répondre à certaines questions écrites et de produirecertains documents. Les parties ont déféré à ces demandes.

23.
    Les parties ont été entendues en leurs plaidoiries et en leurs réponses auxquestions du Tribunal lors de l'audience qui s'est déroulée du 9 au 12 février 1998.

24.
    A cette occasion, elles ont déclaré n'avoir aucune objection à ce que les affairessoient jointes aux fins de l'arrêt.

25.
    Lors de l'audience, le Tribunal était composé de Mme V. Tiili, président,MM. C. P. Briët, K. Lenaerts, A. Potocki et J. D. Cooke. A la suite de l'expirationdu mandat de M. le juge Briët, le 17 septembre 1998, le présent arrêt a étédélibéré par les trois juges dont il porte la signature, conformément à l'article 32,paragraphe 1, du règlement de procédure.

Conclusions des parties

26.
    Chaque partie requérante conclut à ce qu'il plaise au Tribunal:

—    annuler, en tout ou en partie, la Décision,

—     à titre subsidiaire, annuler l'amende qui lui a été infligée ou en réduire lemontant,

—    condamner la Commission aux dépens.

27.
    Dans les affaires T-315/94, T-316/94 et T-329/94, Wacker, Hoechst et Hülsconcluent également à ce qu'il plaise au Tribunal:

—    faire verser au dossier le rapport du conseiller-auditeur et ordonner qu'ilsoit communiqué à la requérante,

—    ordonner que le procès-verbal de l'audition, y compris les annexes, soitcommuniqué à la requérante.

28.
    En outre, dans les affaires T-315/94 et T-329/94, Wacker et Hüls concluent à cequ'il plaise au Tribunal:

—    ordonner que la défenderesse soumette au Tribunal l'avis rendu par leservice juridique sur les questions de procédure liées à la décision litigieuseet que cet avis leur soit communiqué.

29.
    Dans les affaires T-315/94 et T-316/94, Wacker et Hoechst concluent à ce qu'ilplaise au Tribunal:

—    prendre en considération le dossier de procédure produit dans l'affaireT-92/89.

30.
    Dans l'affaire T-325/94, Montedison conclut également à ce qu'il plaise auTribunal:

—    condamner la Commission au versement de dommages et intérêts, à raisondes frais liés à la constitution de la garantie et pour tout autre frais résultantde la Décision,

—    verser au dossier de la présente affaire les actes et documents produits dansl'instance T-104/89,

—    entendre, en qualité de témoins, l'administrateur délégué et le dirigeantresponsable de Montedison au 1er novembre 1982.

31.
    La Commission conclut dans chacune des affaires à ce qu'il plaise au Tribunal:

—    rejeter les recours,

—    condamner les requérantes aux dépens.

Sur la recevabilité des moyens au regard des articles 44, paragraphe 1, 46,paragraphe 1, et 48, paragraphe 2, du règlement de procédure

32.
    La Commission a soulevé, à l'égard de plusieurs moyens invoqués par lesrequérantes, des exceptions d'irrecevabilité fondées, selon les cas, sur l'article 44,paragraphe 1, sous c), du règlement de procédure ou sur l'article 48, paragraphe 2,de ce même règlement. Une requérante a également soulevé une exceptiond'irrecevabilité fondée sur l'article 46, paragraphe 1, de ce règlement. Chacune deces catégories d'exceptions d'irrecevabilité fera l'objet d'un examen distinct.

I — Sur les exceptions d'irrecevabilité fondées sur l'article 44, paragraphe 1, sous c), durèglement de procédure

Arguments des parties

33.
    La Commission relève que Montedison opère, au stade de la réplique, un renvoiglobal à l'ensemble des moyens de procédure développés par les parties dans desplaidoiries communes lors de l'audience des 13 et 14 juin 1995. Les textes de cesplaidoiries ne seraient pas joints à son mémoire, compte tenu de la prétendueconnaissance qu'en aurait le Tribunal.

34.
    Elle souligne également qu'Enichem énumère, au stade de la réplique et enintroduction de la partie de son mémoire relative aux moyens de procédure,l'ensemble des moyens de procédure développés par les requérantes dans leursplaidoiries communes, à l'occasion de l'audience des 13 et 14 juin 1995, qu'elledéclare faire siens. A cette fin, Enichem a joint en annexe à son mémoire enréplique le texte des notes de plaidoiries de l'ensemble des conseils desrequérantes.

35.
    Or, de tels renvois ne seraient pas conforme aux dispositions de l'article 44,paragraphe 1, sous c), du règlement de procédure du Tribunal (ordonnance duTribunal du 29 novembre 1993, Koelman/Commission, T-56/92, Rec. p. II-1267,points 21 à 23). En effet, le Tribunal ne saurait se substituer au requérant en

tentant de rechercher et d'identifier lui-même les éléments, contenus dans cesdocuments auxquels il est fait renvoi, qu'il pourrait considérer comme étantsusceptibles de justifier les conclusions formulées dans la requête.

36.
    La Commission soutient également que les moyens énumérés par Shell dans lecorps de la réplique et développés dans les annexes à celle-ci devraient êtredéclarés irrecevables et écartés des débats (arrêts de la Cour du 13 décembre 1990,Commission/Grèce, C-347/88, Rec. p. I-4747, point 29, du 13 mars 1992,Commission/Allemagne, C-43/90, Rec. p. I-1909, point 8; arrêt du Tribunal du29 juin 1995, ICI/Commission, T-37/91, Rec. p. II-1901, point 46, et ordonnance duTribunal du 28 avril 1993, de Hoe/Commission, T-85/92, Rec. p. II-523).

37.
    En effet, tout mémoire devrait indiquer clairement les éléments de fait et de droitapplicables à l'espèce et, à l'exception de la requête, répondre au mémoireprécédent. En se référant ainsi à des documents annexés, présentés par d'autresavocats dans d'autres affaires, la requérante contraindrait le Tribunal à tenterd'identifier lui-même les éléments que Shell avait l'intention d'invoquer à l'appuide sa requête. En outre, les documents annexés ne seraient que des notespréparées par certains avocats en vue de l'audience des 13 et 14 juin 1995, mais necorrespondraient pas nécessairement à ce qui a été effectivement plaidé; or, lecompte rendu de l'audience ne serait pas accessible. Par ailleurs, la requérante nes'appuierait que sur certaines parties des notes de plaidoiries d'un des avocats; enoutre, certaines de ces notes renverraient elles-mêmes aux arguments présentés pard'autres parties dans leurs conclusions et mémoires.

38.
    La Commission rappelle enfin que, à l'issue de la procédure orale, aux seules finsde laquelle les affaires avaient été jointes, le président de la troisième chambreélargie du Tribunal a ordonné la disjonction des affaires.

Appréciation du Tribunal

39.
    En vertu de l'article 44, paragraphe 1, sous c), du règlement de procédure, touterequête doit indiquer l'objet du litige et l'exposé sommaire des moyens invoqués.Cette indication doit être suffisamment claire et précise pour permettre à la partiedéfenderesse de préparer sa défense et au Tribunal de statuer sur le recours, le caséchéant, sans autres informations à l'appui. Afin de garantir la sécurité juridiqueet une bonne administration de la justice, il faut, pour qu'un recours soit recevable,que les éléments essentiels de fait et de droit sur lesquels celui-ci se fonderessortent, à tout le moins sommairement, mais d'une façon cohérente etcompréhensible, du texte de la requête même. Si ce texte peut être étayé etcomplété sur des points spécifiques par des renvois à des passages déterminés depièces qui y sont annexées, un renvoi global à d'autres écrits, même annexés à larequête, ne saurait pallier l'absence des éléments essentiels dans la requête (voir,notamment, ordonnance Koelman/Commission, précitée, point 21). En outre, iln'appartient pas au Tribunal de rechercher et d'identifier, dans les annexes, les

moyens et arguments qu'il pourrait considérer comme constituant le fondement durecours, les annexes ayant une fonction purement probatoire et instrumentale (arrêtdu Tribunal du 7 novembre 1997, Cipeke/Commission, T-84/96, Rec. p. II-2081,point 34).

40.
    Cette interprétation de l'article 44, paragraphe 1, sous c), du règlement deprocédure vise également les conditions de recevabilité du mémoire en réplique quiest destiné, selon l'article 47, paragraphe 1, du même règlement, à compléter larequête.

41.
    En l'espèce, il y a lieu de relever que Shell, Montedison et Enichem opèrent, dansleurs mémoires en réplique, un renvoi global aux moyens et arguments développésen commun par certaines requérantes lors de la procédure orale devant leTribunal, tenue les 13 et 14 juin 1995. Ce renvoi global à des documents, mêmeannexés à la réplique, ne peut pas remplacer l'exposé des faits, moyens etarguments dans le texte même du mémoire.

42.
    Le Tribunal relève également qu'Enichem complète le texte de sa réplique sur despoints spécifiques par des renvois aux documents annexés. Toutefois, ces renvoisne visent la pièce annexée concernée que de manière générale et ne permettentdonc pas au Tribunal d'identifier précisément les arguments qu'il pourraitconsidérer comme complétant les moyens développés dans la requête.

43.
    Dans ces conditions, pour autant qu'il y est procédé à un renvoi aux plaidoiriescommunes, les mémoires en réplique de Shell, de Montedison et d'Enichem nesatisfont pas aux exigences de l'article 44, paragraphe 1, sous c), du règlement deprocédure et ne sauraient donc être pris en considération.

II — Sur l'exception d'irrecevabilité fondée sur l'article 46, paragraphe 1, du règlementde procédure

Arguments des parties

44.
    Hüls conteste que la Commission soit recevable, au titre de l'article 46,paragraphe 1, sous b), du règlement de procédure, à renvoyer au rapportd'audience qui avait été préparé dans l'affaire T-86/89, Hüls/Commission, pourrépondre à certains moyens avancés dans sa requête (arrêts de la Cour du 8 juillet1965, Prakash/Commission, 19/63 et 65/63, Rec. p. 677, 693, du 28 avril 1971,Lütticke/Commission, 4/69, Rec. p. 325, point 2, et Commission/Allemagne, précité,points 7 et 8; arrêts du Tribunal du 5 décembre 1990, Marcato/Commission,T-82/89, Rec. p. II-735, point 22, et ICI/Commission, précité, point 47).

45.
    La Commission considère que la manière de citer qu'elle a utilisée dans sonmémoire en défense ne constitue pas un renvoi global, au sens de la jurisprudenceinvoquée par la requérante. En réalité, celle-ci méconnaîtrait la fonction même

d'une annexe, qui permet un renvoi formel sans répétition superflue. En outre, laCommission estime que le renvoi à un autre recours impliquant les mêmes partiesau sujet d'un même ensemble est recevable (arrêt ICI/Commission, précité,point 47).

Appréciation du Tribunal

46.
    Aux termes de l'article 46, paragraphe 1, sous b), du règlement de procédure, toutmémoire en défense doit contenir les arguments de fait et de droit invoqués. Lesarguments invoqués par la partie défenderesse doivent être exposés d'une manièresuffisamment claire et précise, fût-elle sommaire, dans le texte même du mémoireen défense pour permettre à la partie requérante de préparer sa réplique et auTribunal de statuer sur le recours, le cas échéant, sans autres informations àl'appui.

47.
    En l'espèce, la Commission, sous l'intitulé «Les moyens de fond», se borne àdéclarer dans son mémoire en défense que, «afin d'assurer sa défense, [elle] se voitobligée d'introduire dans la présente procédure l'argumentation déjà développée[dans le cadre des recours formés contre la décision de 1988]. Au lieu dereproduire textuellement le mémoire en défense, elle estime qu'au stade actuel dela procédure, il est utile et judicieux de renvoyer à l'exposé qu'elle avait présentédans l'affaire T-86/89, tel qu'il est résumé dans le rapport d'audience». Elle énonceensuite les titres correspondants du rapport d'audience, renvoie à des pages duditrapport et formule des remarques destinées à compléter les moyens auxquels ellese réfère.

48.
    Le Tribunal constate que les arguments de fait et de droit invoqués par la partiedéfenderesse sous l'intitulé «Les moyens de fond» ne sont exposés que sous laforme de titres, de sorte qu'ils ne peuvent pas être considérés comme satisfaisantaux conditions de clarté et de précision requises aux fins de la recevabilité. Partant,ces éléments de fait et de droit doivent être déclarés irrecevables.

III — Sur les exceptions d'irrecevabilité fondées sur l'article 48, paragraphe 2, durèglement de procédure

Arguments des parties

49.
    La Commission fait valoir que tout moyen invoqué pour la première fois au stadedu mémoire en réplique, qui ne peut être regardé comme se fondant sur deséléments de droit et de fait qui se sont révélés pendant la procédure, est un moyennouveau devant être déclaré irrecevable sur le fondement de l'article 48,paragraphe 2, du règlement de procédure du Tribunal (arrêts du Tribunal du10 mars 1992, SIV e.a./Commission, T-68/89, T-77/89 et T-78/89, Rec. p. II-1403,point 82, du 18 novembre 1992, Rendo e.a./Commission, T-16/91, Rec. p. II-2417,

point 131, et du 21 février 1995, SPO e.a./Commission, T-29/92, Rec. p. II-289,point 409).

50.
    En l'espèce, plusieurs moyens soulevés par LVM, BASF, DSM et ICI seraient, surle fondement de cette règle, irrecevables.

51.
    La Commission soutient que l'ordonnance du président de la troisième chambreélargie du Tribunal du 14 juillet 1995, ordonnant la reprise de la procédure écriteet la disjonction des affaires, ne pourrait être interprétée comme autorisant unepartie à soulever tous les moyens de procédure, y compris ceux qui n'avaient étédéveloppés dans leur requête que par d'autres requérants.

52.
    De surcroît, la plupart des annexes jointes au mémoire en réplique de Hülsdevraient être écartées, au motif qu'elles ne sont pas rédigées dans la langue deprocédure en violation des dispositions de l'article 35, paragraphe 3, du règlementde procédure.

Appréciation du Tribunal

53.
    Aux termes de l'article 48, paragraphe 2, premier alinéa, du règlement deprocédure, la production de moyens nouveaux en cours d'instance est interdite àmoins que ces moyens se fondent sur des éléments de droit et de fait qui se sontrévélés pendant la procédure.

54.
    En l'espèce, il y a lieu de constater que BASF a soulevé, pour la première fois danssa réplique, les moyens tirés respectivement de la violation du principe non bis inidem, de la violation de l'accord sur l'Espace économique européen (ci-après«accord EEE»), de la violation du règlement intérieur de la Commission envigueur à l'époque, de la prescription, de la violation de la convention européennede sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, du 4 novembre1950 (ci-après «CEDH»), et également celui tiré de la violation de l'obligationd'entendre la requérante avant la décision de s'écarter de la procédure prévue parles règlements n° 17 et n° 99/63.

55.
    Dans sa réplique, ICI invoque un moyen tiré de la violation du règlement intérieurde la Commission, en ce que, avant l'adoption de la Décision, le service juridiquede la Commission n'aurait pas été consulté. ICI soutient que l'absence deconsultation du service juridique de la Commission avant l'adoption de la Décision,qui aurait été révélée dans le rapport d'audience établi dans l'affaire T-307/94avant l'audience du mois de juin 1995, constitue un fait nouveau révélé durant laprocédure. Cet argument ne peut pas être accueilli. A cet égard, il suffit deconstater que ce rapport d'audience ne mentionne pas que le service juridique n'apas été consulté du tout, mais qu'«il n'existe pas d'avis du service juridique, portantsur le point de savoir si une nouvelle décision pouvait être adoptée à l'égard desproducteurs de PVC, sur la base de la procédure administrative antérieure à

l'adoption de la décision du 21 décembre 1988» («Die Kommission behauptet, esgebe kein Gutachten des Juristischen Dienstes zu der Frage, ob eine neueEntscheidung gegenüber den PVC-Herstellern auf der Grundlage desVerwaltungsverfahrens erlassen werden könne, das vor dem Erlaß derEntscheidung vom 21. Dezember 1988 durchgeführt worden sei.») Il ne peut doncêtre conclu que cet extrait du rapport d'audience dans l'affaire T-307/94 constitueun fait nouveau indiquant que l'adoption de la Décision n'a pas été précédée del'avis du service juridique.

56.
    De plus, pour autant que l'argumentation d'ICI doive être comprise en ce sens qu'ilest soutenu, dans le cadre du même moyen et par renvoi au texte d'une desplaidoiries communes joint en annexe à sa réplique, que le règlement intérieur dela Commission en vigueur à l'époque de l'adoption de la Décision est illégal, il ya lieu de constater que cette exception d'illégalité est invoquée pour la premièrefois dans la réplique sans toutefois que la requérante ait été empêchée de lasoulever dans sa requête introductive d'instance.

57.
    Hüls invoque dans sa réplique, et joint à celle-ci, les notes de plaidoiriescorrespondant aux sujets exposés en commun lors de l'audience qui s'est dérouléeles 13 et 14 juin 1995. Il convient de relever que les sujets traités dans ces notes,pour autant qu'ils sont exposés sous la forme d'une argumentation développée dansle mémoire en réplique, concernent des moyens qui ont été soulevés par larequérante dans son mémoire introductif d'instance, à l'exception du moyen tiré del'absence de participation de l'autorité de surveillance de l'Association européennede libre-échange (ci-après «AELE»), lequel a donc été soulevé pour la premièrefois dans la réplique.

58.
    En outre, le Tribunal constate que les notes de plaidoiries communes jointes enannexe au mémoire en réplique de Hüls ne sont pas rédigées dans la langue deprocédure choisie par la requérante et que celle-ci n'a pas présenté de traductionsen extrait de ces pièces volumineuses, contrairement aux dispositions de l'article 35,paragraphe 3, du règlement de procédure. Cependant, dans les circonstances trèsparticulières de l'espèce et compte tenu de la possibilité accordée par le Tribunald'employer l'une quelconque des langues de procédure pour plaider certains sujetscommuns lors de la procédure orale des 13 et 14 juin 1995, le Tribunal estime,nonobstant le prononcé de la disjonction des affaires après cette procédure orale,que ne pas accepter ces annexes rédigées dans une langue qui n'est pas la languede procédure choisie par la requérante relèverait d'un formalisme excessif. Parconséquent, les annexes au mémoire en réplique de Hüls doivent être acceptéestelles qu'elles sont.

59.
    LVM et DSM font valoir, dans leurs répliques, au soutien d'un moyen tiré de laviolation du principe de proportionnalité déjà exposé dans leur requête, que laCommission a méconnu l'obligation de motivation qui lui incombe en vertu del'article 190 du traité CE. Le Tribunal considère que, vu la formulation de ce grief

dans le contexte du moyen en cause, une telle allégation ne revêt aucun caractèreautonome par rapport au moyen sous lequel elle est invoquée. Partant, elle ne peutpas être considérée comme un moyen distinct invoqué pour la première fois dansla réplique.

60.
    Enfin, il y a lieu de rappeler que, en vertu de l'article 113 du règlement deprocédure, le Tribunal peut soulever d'office toute fin de non-recevoir d'ordrepublic.

61.
    A cet égard, le Tribunal relève que Elf Atochem a fait valoir pour la première foisdans son mémoire en réplique que la Commission a méconnu l'obligation decoopération avec l'autorité de surveillance AELE.

62.
    En ce qui concerne la SAV, il y a lieu de relever qu'elle invoque dans sa requêteintroductive d'instance un moyen tiré de la «violation des principes de bonneadministration et des droits de la défense, pour ne pas avoir entamé la procéduredans un délai raisonnable». Dans sa réplique, la requérante ajoute, sous le moyenintitulé «Violation des principes de bonne administration de la justice et des droitsde la défense», que la Commission n'a pas tenu compte de l'audition qui s'estdéroulée en septembre 1988, faute d'avoir eu suffisamment de temps pourexaminer le procès-verbal de l'audition avant d'adopter la décision de 1988. Cettedernière argumentation doit être considérée comme un moyen à part entièrepuisque celle-ci ne vise aucunement l'engagement de la procédure dans un délairaisonnable. Ce moyen, qui ne se rattache à aucun de ceux exposés dans la requête,doit donc être considéré comme ayant été soulevé pour la première fois au stadede la réplique.

63.
    Or, en l'espèce, aucun élément nouveau ne s'est révélé pendant la procédurejustifiant qu'Elf Atochem et la SAV présentent tardivement leurs moyens. Ces deuxrequérantes ont donc eu la possibilité d'invoquer ces moyens respectifs dans leursrequêtes introductives d'instance. Partant, elles ne peuvent, selon l'article 48,paragraphe 2, les soulever au stade de la réplique.

64.
    Au vu de ce qui précède, les moyens invoqués par Elf Atochem, BASF, la SAV,ICI et Hüls, exposés pour la première fois au stade de la réplique et qui ne sontpas fondés sur des éléments de droit ou de fait révélés pendant la procédure,doivent être déclarés irrecevables.

Sur les conclusions en annulation de la Décision

I — Sur les moyens tirés de l'existence de vices de forme et de procédure

65.
    Les différents moyens tirés de l'existence de vices de forme et de procédureinvoqués par les parties requérantes peuvent s'ordonner autour de quatre axesprincipaux. Tout d'abord, celles-ci contestent tant l'interprétation que la

Commission a faite de la portée de l'arrêt du 15 juin 1994 annulant la décision de1988 que les conséquences qu'elle en a tirées (A). Ensuite, elles soutiennent quedes irrégularités ont été commises lors de l'adoption et de l'authentification de laDécision (B). Elles font également valoir que la procédure ayant précédé l'adoptionde la décision de 1988 est entachée d'irrégularités (C). Enfin, la Décision seraitinsuffisamment motivée relativement à certaines questions entrant dans les troiscatégories qui précèdent (D).

A — Sur les effets de l'arrêt du 15 juin 1994 annulant la décision de 1988

66.
    Les moyens et arguments des requérantes s'organisent autour de trois idéesdistinctes. Premièrement, des requérantes soutiennent que, du fait de l'arrêt du15 juin 1994, la Commission ne pouvait pas adopter une nouvelle décision.Deuxièmement, certaines requérantes font valoir que l'arrêt du 15 juin 1994, enannulant la décision de 1988, a fait rétroactivement disparaître les actespréparatoires ayant conduit à l'adoption de cette décision à l'égard de toutes lesentreprises qui en ont été destinataires. Troisièmement, des requérantes estimentque, si la Commission pouvait adopter une nouvelle décision afin de tirer lesconséquences de l'arrêt du 15 juin 1994, elle aurait cependant dû respectercertaines exigences procédurales.

1. Sur le pouvoir de la Commission d'adopter une nouvelle décision après l'arrêtdu 15 juin 1994

67.
    L'argumentation des parties requérantes peut être regroupée en trois branches.Dans une première branche, il est soutenu que la Commission, après l'arrêt du15 juin 1994, ne pouvait pas adopter une nouvelle décision dans «l'affaire PVC».La deuxième branche vise des moyens tirés de l'écoulement du temps, selonlesquels la Commission ne pouvait plus exercer sa compétence pour adopter laDécision. Enfin, la troisième branche concerne les moyens tirés de la prétendueméconnaissance par la Commission de son pouvoir d'appréciation.

68.
    Chacune de ces catégories de l'argumentation des parties requérantes seraexaminée séparément.

a) Sur les moyens tirés de la prétendue impossibilité pour la Commission d'adopterla Décision

69.
    Au soutien de leurs conclusions sur l'impossibilité pour la Commission d'adopterla Décision, les requérantes invoquent deux moyens.

70.
    Le premier moyen est tiré de la violation de l'autorité de la chose jugée. Le secondmoyen est pris de la violation du principe non bis in idem.

Sur le moyen tiré de la violation de l'autorité de la chose jugée

— Arguments des parties

71.
    LVM, DSM, ICI et Enichem font valoir que la Commission ne pouvait pas adopterla Décision sans méconnaître l'autorité de la chose jugée attachée à l'arrêt du15 juin 1994.

72.
    LVM et DSM soulignent que la distinction entre vices formels et vices matérielsaffectant la décision annulée ne reposerait sur aucun fondement juridique, textuelou jurisprudentiel. Ni l'article 174 du traité ni l'arrêt du Tribunal du 6 avril 1995,BASF e.a./Commission (T-80/89, T-81/89, T-83/89, T-87/89, T-88/89, T-90/89,T-93/89, T-95/89, T-97/89, T-99/89, T-100/89, T-101/89, T-103/89, T-105/89, T-107/89et T-112/89, Rec. p. II-729, point 78), n'établiraient une telle distinction. Dans lesilence de l'arrêt du 15 juin 1994, celui-ci devrait être interprété comme signifiantque l'affaire a été définitivement réglée (arrêts de la Cour du 29 octobre 1980,Roquette Frères/Conseil, 138/79, Rec. p. 3333, point 37, et du 30 septembre 1982,Amylum/Conseil, 108/81, Rec. p. 3107, point 5; conclusions de l'avocat généralM. Reischl sous cet arrêt, Rec. p. 3139, 3151 et 3152). Le fait que, ayant annulél'arrêt du Tribunal, la Cour a évoqué l'affaire, en état d'être jugée, confirmeraitcette interprétation.

73.
    Enichem soutient, pour sa part, que la Cour, par son arrêt du 15 juin 1994, aentendu clore définitivement la procédure engagée à l'égard des producteurs dePVC en usant des pouvoirs qu'elle tient de l'article 54, premier alinéa, deuxièmephrase, du statut (CE) de la Cour. Nonobstant le fait qu'elle n'a examiné quecertains moyens, la Cour aurait donc statué sur l'ensemble du litige. Tous lesaspects de celui-ci seraient ainsi couverts par l'autorité de la chose jugée.

74.
    En réalité, l'attitude de la Commission conduirait à accorder une primauté desmoyens de fond sur les moyens de procédure, qui ne seraient qu'accessoires. Touteirrégularité de procédure pourrait ainsi être aisément corrigée. En conséquence,l'invocation de vices de procédure devant le juge communautaire serait inutile etles efforts déployés, en l'espèce, devant le Tribunal, puis la Cour, auraient étévains.

75.
    Selon la Commission, l'autorité de la chose jugée ne porte que sur les éléments surlesquels la Cour s'est déjà prononcée. Or, en l'espèce, l'unique motif d'annulationde la décision de 1988 retenu par la Cour dans son arrêt du 15 juin 1994consisterait dans l'absence d'authentification selon les formes prescrites, de sorteque seule l'appréciation des vices de forme faite par la Cour aurait acquis force dechose jugée. Les autres moyens de procédure et les moyens de fond n'auraientdonc pas été examinés par la Cour.

76.
    Elle ajoute que, après l'annulation de la décision de 1988, aucune règle n'aurait pupermettre à la Cour de renvoyer l'affaire au Tribunal.

— Appréciation du Tribunal

77.
    L'autorité de la chose jugée ne s'attache qu'aux points de fait et de droit qui ontété effectivement ou nécessairement tranchés par la décision judiciaire (arrêt dela Cour du 19 février 1991, Italie/Commission, C-281/89, Rec. p. I-347, point 14, etordonnance de la Cour du 28 novembre 1996, Lenz/Commission, C-277/95 P,Rec. p. I-6109, point 50).

78.
    En l'espèce, il convient de constater que, dans l'arrêt du 15 juin 1994, la Cour aconclu que le Tribunal avait commis une erreur de droit en déclarant la décision89/190 inexistante et a déclaré que l'arrêt attaqué devant elle devait être annulé(points 53 et 54 des motifs). Dans ces circonstances, la Cour, conformément àl'article 54, premier alinéa, deuxième phrase, du statut (CEE) de la Cour, a décidéde statuer définitivement sur le litige, celui-ci étant en état d'être jugé (point 55 desmotifs).

79.
    La Cour a, en conséquence, résumé les moyens soulevés par les parties requérantesdans leurs recours en annulation présentés devant le Tribunal contre la décision de1988 en ces termes: «La procédure précontentieuse a été entachée de vices divers;la décision attaquée n'est pas ou est insuffisamment motivée; les droits de ladéfense n'ont pas été respectés; le système de preuve retenu par la Commission estcontestable; la décision attaquée est contraire à l'article 85 du traité et auxprincipes généraux du droit communautaire; la décision viole les règles deprescription; elle est entachée de détournement de pouvoir; les amendes infligéessont irrégulières.» (Point 56 des motifs.)

80.
    Elle a ensuite relevé que, «[à] l'appui, notamment, du moyen tiré du défaut et del'insuffisance de motivation de la décision litigieuse», des requérantes faisaientvaloir, «en substance, que les motifs de la décision qui leur avait été notifiéedevaient vraisemblablement différer sur plusieurs points, dont certains étaientessentiels, de la décision adoptée par le collège des [membres de la Commission]lors de sa réunion du 21 décembre 1988» (point 57 des motifs). La Cour aégalement indiqué: «Certaines requérantes ont, en outre, déduit de la défense dela Commission que la décision n'avait pas été adoptée dans deux des languesfaisant foi, à savoir les langues italienne et néerlandaise, puisque seuls avaient étésoumis au collège des projets rédigés en langues allemande, anglaise et française.»(Point 58 des motifs.) La Cour a ensuite précisé: «Dans le dernier état de leurargumentation, les sociétés requérantes ont soutenu que l'article 12 du règlementintérieur de la Commission avait été méconnu.» (Point 59 des motifs.) Enfin, ellea commencé l'examen «du bien-fondé du moyen» (point 61 des motifs).

81.
    Ayant constaté que la Commission avait violé les dispositions de l'article 12,premier alinéa, de son règlement intérieur, en omettant de procéder àl'authentification de la décision de 1988 dans les termes prévus par cet article, laCour a conclu: «Il convient dès lors d'annuler cette dernière pour violation des

formes substantielles, sans qu'il soit nécessaire d'examiner les autres moyenssoulevés par les requérantes.» (Point 78 des motifs.)

82.
    Il s'ensuit que l'arrêt du 15 juin 1994 n'a tranché, effectivement ou nécessairement,ni les autres moyens de procédure soulevés par les requérantes devant le Tribunal,ni les moyens de fond, ni, enfin, les moyens subsidiaires sur les amendes infligées.

83.
    Par ailleurs, aux termes de l'article 54, premier alinéa, du statut de la Cour,«[l]orsque le pourvoi est fondé, la Cour annule la décision du Tribunal. Elle peutalors soit statuer elle-même définitivement sur le litige, lorsque celui-ci est en étatd'être jugé, soit renvoyer l'affaire devant le Tribunal pour qu'il statue».

84.
    La seconde phrase de cette disposition n'emporte pas la conséquence que la Cour,lorsqu'elle statue elle-même définitivement sur le litige en accueillant un ouplusieurs moyen(s) soulevé(s) par les parties requérantes, tranche ipso jure tous lespoints de fait et de droit invoqués par celles-ci dans le contexte de l'affaire. Suivrela thèse d'Enichem reviendrait à nier que la chose jugée n'a force de vérité légaleque relativement aux points de fait et de droit qui ont été effectivement ounécessairement jugés.

85.
    Au vu de ce qui précède, le moyen doit être rejeté.

Sur le moyen tiré de la violation du principe non bis in idem

— Arguments des parties

86.
    LVM, DSM, Montedison et ICI soutiennent que la Commission a violé le principenon bis in idem en adoptant une nouvelle décision après que la Cour eut annuléla décision de 1988.

87.
    LVM, DSM et ICI rappellent qu'il appartient au juge communautaire d'assurer lerespect des principes généraux du droit, tels que le principe non bis in idem (arrêtsde la Cour du 5 mai 1966, Gutmann/Commission, 18/65 et 35/65, Rec. p. 149, et du15 mars 1967, Gutmann/Commission, 18/65 et 35/65, Rec. p. 75), également énoncépar le protocole n° 7 de la CEDH et l'article 14, paragraphe 7, du Pacteinternational relatif aux droits civils et politiques, signé à New York le16 mars 1966.

88.
    Selon LVM et DSM, ce principe a été méconnu par la Commission dans ses deuxacceptions: d'une part, elle aurait infligé à deux reprises une sanction en raisond'une même infraction; d'autre part, elle aurait engagé à deux reprises uneprocédure de poursuite — même si, dans le second cas, les poursuites se sontlimitées à l'adoption et à la notification de la Décision — en raison d'un mêmeensemble de faits (arrêts du 5 mai 1966, Gutmann/Commission, précité, p. 174, du15 mars 1967, Gutmann/Commission, précité, p. 81, et conclusions de l'avocat

général M. Mayras sous l'arrêt de la Cour du 14 décembre 1972,Boehringer/Commission, 7/72, Rec. p. 1281, 1296).

89.
    Pour constater une violation du principe non bis in idem, seule serait déterminantel'identité des faits reprochés (arrêt Boehringer/Commission, précité, point 6),comme dans le cas d'espèce. Ni la circonstance que la décision initiale a étéannulée, ce qui anéantirait les effets juridiques et non le fait même qu'uneprocédure de poursuites a été menée, une infraction constatée et une amendeinfligée, ni l'autorité de la chose jugée, ne seraient pertinentes.

90.
    ICI souligne, quant à elle, que l'arrêt du 15 juin 1994 présente un caractèreobligatoire et définitif, impliquant qu'il a acquis force de chose jugée (article 65 durèglement de procédure de la Cour), sans que la Cour renvoie l'affaire au Tribunal.Toute la décision de 1988 ayant été annulée, et non pas uniquement un de sesaspects, l'arrêt de la Cour constituerait un acquittement définitif. La Commissionaurait donc méconnu le principe non bis in idem en adoptant la même décision,fondée sur les mêmes éléments de droit et de fait. Cette requérante observe enfinque, dans son arrêt du 15 juin 1994, la Cour n'a pas enjoint à la Commission deprendre une nouvelle décision (voir, a contrario, arrêt de la Cour du23 octobre 1974, Transocean Marine Paint/Commission, 17/74, Rec. p. 1063,point 22).

91.
    La Commission souligne, tout d'abord, que l'argumentation développée par LVM,DSM et ICI dans le cadre de ce moyen contredit leur affirmation selon laquelle ladécision de 1988 n'a, en raison de son annulation ex tunc, jamais existé.

92.
    Elle rappelle, ensuite, que la pertinence du principe non bis in idem a été admisepar la Cour en droit communautaire de la concurrence (arrêtBoehringer/Commission, précité), de telle sorte que l'invocation, par lesrequérantes, des dispositions de la CEDH ou du Pacte international relatif auxdroits civils et politiques serait superflue.

93.
    En toute hypothèse, l'argumentation des requérantes ne serait pas fondée, dès lorsque, après l'annulation par la Cour de la décision de 1988, la Décision devrait êtreregardée comme la première décision sanctionnant, pour infraction aux dispositionsde l'article 85 du traité, les entreprises intervenant sur le marché du PVC. Ni endroit ni en fait, les entreprises ne se seraient vu infliger deux amendes.

94.
    La Commission ajoute que la règle non bis in idem ne concerne que la possibilitéde prononcer des sanctions; elle ne pourrait donc être confondue avec le principede l'autorité de la chose jugée.

— Appréciation du Tribunal

95.
    Les requérantes font grief à la Commission d'avoir violé, en adoptant la Décision,le principe général de droit non bis in idem, qui interdirait, d'une part, d'infligerdeux sanctions pour une même infraction et, d'autre part, d'engager à deux reprisesune procédure de poursuite en raison d'un même ensemble de faits.

96.
    A cet égard, le Tribunal estime, aux fins du présent moyen, qu'une entreprise nepeut pas être poursuivie par la Commission sur le fondement des règlements n° 17et n° 99/63 pour violation des règles communautaires de la concurrence ousanctionnée par celle-ci par l'imposition d'une amende, en raison d'uncomportement anticoncurrentiel dont le Tribunal, ou la Cour, a déjà constaté quela preuve était, ou non, apportée dans son chef par la Commission.

97.
    En l'espèce, il convient de rappeler, en premier lieu, que la Cour a annulé ladécision de 1988 par l'arrêt du 15 juin 1994. La Commission, en adoptant laDécision après cette annulation, n'a donc pas fait supporter aux requérantes deuxsanctions pour une même infraction.

98.
    En second lieu, la Cour, dans l'arrêt du 15 juin 1994, n'a tranché aucun des moyensde fond invoqués par les requérantes lorsqu'elle a annulé la décision de 1988(ci-dessus point 81). Dès lors, en adoptant la Décision, la Commission s'est limitéeà réparer le vice formel censuré par la Cour. Il s'ensuit que la Commission n'a paspoursuivi les requérantes à deux reprises pour un même ensemble de faits.

99.
    Le moyen doit, par conséquent, être rejeté.

b) Sur les moyens tirés de l'écoulement du temps

100.
    Certaines requérantes invoquent, au soutien de leurs conclusions en annulation dela Décision, plusieurs moyens tirés de l'écoulement du temps. En premier lieu, laCommission aurait violé le principe du délai raisonnable. En second lieu, elle auraitcommis un abus de droit. En dernier lieu, elle aurait méconnu les principes relatifsà un procès équitable. L'argumentation de la Commission sur ces moyens sera,compte tenu de la réponse commune qu'elle y apporte, présentée dans sonensemble après celle des requérantes.

Arguments des parties

— Sur le moyen tiré d'une violation du principe du délai raisonnable

101.
    LVM, DSM et ICI font valoir que les entreprises concernées par une procédured'application de l'article 85 du traité ont droit à ce que la Commission statue dansun délai raisonnable. Cette garantie de délai raisonnable serait consacrée en droitcommunautaire (voir, notamment, arrêt de la Cour du 24 novembre 1987,RSV/Commission, 223/85, Rec. p. 4617, point 14) et serait autonome par rapportaux règles de prescription énoncées dans le règlement (CEE) n° 2988/74 du

Conseil, du 26 novembre 1974, relatif à la prescription en matière de poursuites etd'exécution dans les domaines du droit des transports et de la concurrence de laCommunauté économique européenne (JO L 319, p. 1, ci-après «règlementn° 2988/74»).

102.
    Il ressortirait, en outre, de l'article 6, paragraphe 1, de la CEDH, qu'il doit êtredécidé du bien-fondé de toute accusation en matière pénale dans un délairaisonnable, afin d'éviter aux justiciables une incertitude trop longue sur leursituation juridique.

103.
    LVM et DSM soutiennent que le point de départ du délai raisonnable serait toutacte d'instruction au sens de l'article 2 du règlement n° 2988/74 (Cour eur. D. H.,arrêt Eckle du 15 juillet 1982, série A n° 51, point 73, arrêt Foti e.a. du10 décembre 1982, série A n° 56, point 52, et arrêt Corigliano du10 décembre 1982, série A n° 57, point 34). La fin du délai correspondrait à la dated'adoption de la décision initiale.

104.
    En l'espèce, selon ces requérantes, le délai a commencé à courir en décembre1983, date de la vérification opérée par la Commission, et s'est achevé endécembre 1988, couvrant donc une période de cinq ans, durant laquelle,d'avril 1984 à janvier 1987, la Commission serait restée inactive.

105.
    Or, dans le cadre de la CEDH, un délai raisonnable ne saurait excéder deux ans,sauf circonstances particulières (Cour eur. D. H., arrêt König du 28 juin 1978, sérieA n° 27, points 98 et 99). Le seul fait de relever du droit de la concurrence neconstituerait pas une circonstance particulière.

106.
    La méconnaissance du délai raisonnable pour adopter la décision de 1988 et, afortiori, la Décision, aurait, de plus, fait naître dans le chef des entreprises uneconfiance légitime dans le fait qu'il ne serait pas donné suite à l'enquête.

107.
    Quant à ICI, elle considère que, en l'espèce, le retard en cause comporte deuxstades. Quant à la période d'instruction, ICI souligne la passivité de la Commissiondu 5 juin 1984, date à laquelle la requérante a répondu à une décision au titre del'article 11, paragraphe 5, du règlement n° 17, au mois de janvier 1987, périoded'ouverture des enquêtes dans les locaux d'autres producteurs de PVC. Ce délaiserait déraisonnable (arrêt RSV/Commission, précité, et arrêts du Tribunal du2 mai 1995, NTN Corporation et Koyo Seiko/Conseil, T-163/94 et T-165/94, Rec.p. II-1381, et du 28 septembre 1995, Sytraval et Brink's France/Commission,T-95/94, Rec. p. II-2651).

108.
    Quant au délai occasionné par les recours contentieux, soit près de cinq années, ilserait imputable à la Commission compte tenu des infractions procédurales qui ontété constatées dans son chef.

109.
    LVM, DSM et ICI concluent que, ayant outrepassé le délai raisonnable, laCommission n'avait plus compétence pour adopter la décision de 1988 et, a fortiori,la Décision. Celle-ci devrait donc être annulée pour incompétence de laCommission (arrêts de la Cour du 12 novembre 1987, Ferriere SanCarlo/Commission, 344/85, Rec. p. 4435, et RSV/Commission, précité).

— Sur le moyen tiré de l'abus de droit

110.
    Wacker et Hoechst soutiennent que, abstraction faite de l'appréciation des règlesrelatives à la prescription, le long délai qui s'est écoulé entre 1983 et 1987, périodependant laquelle la Commission serait restée inactive, et celui qui s'est écoulé entrele début de l'infraction alléguée et la date d'adoption de la Décision, soit quatorzeannées, sont constitutifs d'un abus de droit. Ce retard serait imputable à la seuleCommission.

— Sur le moyen tiré de la violation des principes relatifs à un procès équitable

111.
    Hüls et Enichem soutiennent que la Commission a violé les principes relatifs à unprocès équitable.

112.
    Selon Enichem, le droit à un procès équitable a été méconnu, dès lors qu'un lapsde temps très long s'est écoulé entre la date des premières investigations et la dated'adoption de la Décision. Les parties seraient ainsi placées dans une situationd'extrême difficulté et de gêne en raison de l'impossibilité de reconstituer avecexactitude les faits.

113.
    Hüls soutient pour sa part que la pratique suivie par la Commission n'est pascompatible avec les règles relatives au caractère équitable du procès.

114.
    En premier lieu, alors qu'elle aurait eu connaissance de la prétendue infraction auplus tard en 1983, la Commission n'aurait procédé à une vérification dans leslocaux de Hüls qu'en septembre 1987. Un tel retard dans l'ouverture de laprocédure aurait affecté les possibilités de défense de Hüls et, de facto, conduit àun renversement de la charge de la preuve à son détriment. Cette constatationserait encore plus vraie en 1994. Par ailleurs, le retard accumulé devrait avoir uneinfluence sur le niveau de l'amende infligée (arrêt de la Cour du 6 mars 1974,Istituto Chemioterapico et Commercial Solvents/Commission, 6/73 et 7/73, Rec.p. 223).

115.
    En second lieu, la requérante soutient que le principe de caducité est un élémentconstitutif du droit communautaire applicable (arrêts de la Cour du 14 juillet 1972,ICI/Commission, 48/69, Rec. p. 619, point 49, du 18 octobre 1989,Orkem/Commission, 374/87, Rec. p. 3283, point 30; voir également article 6 de laCEDH et décision de la commission européenne des droits de l'homme du9 février 1990, dans l'affaire Melchers & Co./République fédérale d'Allemagne,

n° 13258/87). Le règlement n° 2988/74 ne pourrait avoir épuisé la question; siconflit il y avait, le principe de caducité, principe général du droit communautaire,l'emporterait nécessairement sur le règlement. Cette caducité aurait interdit à laCommission d'adopter en 1994 une décision portant sur des faits antérieurs de prèsde quinze ans.

116.
    A titre liminaire, la Commission ne conteste pas l'existence, en droitcommunautaire, d'un principe général, fondé sur les exigences de sécurité juridiqueet de bonne administration, imposant à une autorité administrative d'exercer sespouvoirs dans certaines limites de temps (arrêt de la Cour du 15 juillet 1970,Boehringer/Commission, 45/69, Rec. p. 769, point 6).

117.
    Cependant, le règlement n° 2988/74 répondrait précisément à cet objectif desécurité juridique en permettant à la Commission et aux opérateurs économiquesde connaître à l'avance les contraintes de temps dans lesquelles la Commission peutagir pour constater une infraction aux règles communautaires de concurrence.

118.
    Ce règlement exclurait toute référence aux critères juridiques distincts de «retardexcessif», de délai déraisonnable, d'abus de droit, de procès inéquitable ou decaducité des poursuites. D'ailleurs, de tels critères n'ajouteraient que confusion etinsécurité juridique, dès lors qu'ils ne figureraient pas parmi les règles écritespréétablies (arrêt du 15 juillet 1970, Boehringer/Commission, précité, point 47) etqu'ils reposeraient sur une notion floue et subjective.

119.
    En réponse aux arguments de LVM et de DSM, la Commission précise que cerèglement rend également sans incidence sur la position juridique des entreprisesl'application de l'article 6 de la CEDH. En admettant même que l'invocation de laCEDH soit pertinente, la jurisprudence dont ces requérantes se prévalent ne leserait pas, dès lors qu'elle concernerait la notion de délai raisonnable dans desaffaires pénales impliquant des personnes physiques, et non dans des affairesrelevant du droit économique appliqué à des personnes morales. Or, dans cedernier domaine, aux situations factuelles complexes, le délai de deux ans avancépar LVM et DSM serait manifestement insuffisant, comme en témoignerait ladurée des procédures en la matière devant le Tribunal ou la Cour. Enfin, toujoursà supposer pertinente la référence à l'article 6 de la CEDH, le délai raisonnablene pourrait commencer à courir qu'à compter de la communication des griefs; lesmesures d'enquête, telles que les vérifications et les demandes de renseignementstendraient simplement à éclaircir les faits, et ne constitueraient pas des accusations.En l'espèce, la décision de 1988 aurait été adoptée quelques mois après lacommunication des griefs. Il ne pourrait donc être reproché à la Commission,contrairement à ce que soutiennent LVM et DSM, une passivité qui aurait suscitéune confiance légitime quant à l'issue de la procédure administrative.

Appréciation du Tribunal

120.
    Selon une jurisprudence constante, les droits fondamentaux font partie intégrantedes principes généraux du droit dont le juge communautaire assure le respect (voir,notamment, avis de la Cour du 28 mars 1996, avis 2/94, Rec. p. I-1759, point 33,et arrêt de la Cour du 29 mai 1997, Kremzow, C-299/95, Rec. p. I-2629, point 14).A cet effet, la Cour et le Tribunal s'inspirent des traditions constitutionnellescommunes aux États membres ainsi que des indications fournies par les instrumentsinternationaux concernant la protection des droits de l'homme auxquels les Étatsmembres ont coopéré et adhéré. La CEDH revêt, à cet égard, une significationparticulière (arrêts de la Cour du 15 mai 1986, Johnston, 222/84, Rec. p. 1651,point 18, et Kremzow, précité, point 14). Par ailleurs, aux termes de l'article F,paragraphe 2, du traité sur l'Union européenne, «l'Union respecte les droitsfondamentaux, tels qu'ils sont garantis par la [CEDH] et tels qu'ils résultent destraditions constitutionnelles communes aux États membres, en tant que principesgénéraux du droit communautaire».

121.
    Dès lors, il convient d'examiner si, à la lumière de ces considérations, laCommission a méconnu le principe général de droit communautaire de respectd'un délai raisonnable lors de l'adoption de décisions à l'issue des procéduresadministratives en matière de concurrence (arrêt du Tribunal du 22 octobre 1997,SCK et FNK/Commission, T-213/95 et T-18/96, Rec. p. II-1739, point 56).

122.
    La violation de ce principe, à la supposer établie, ne justifierait cependantl'annulation de la Décision qu'en tant qu'elle emporterait également une violationdes droits de la défense des entreprises concernées. En effet, lorsqu'il n'est pasétabli que l'écoulement excessif du temps a affecté la capacité des entreprisesconcernées de se défendre effectivement, le non-respect du principe de délairaisonnable est sans incidence sur la validité de la procédure administrative et nepeut donc être analysé que comme une cause de préjudice susceptible d'êtreinvoquée devant le juge communautaire dans le cadre d'un recours fondé sur lesarticles 178 et 215, deuxième alinéa, du traité.

123.
    En l'espèce, la durée totale de la procédure administrative devant la Commissiondans la présente affaire a été d'environ 62 mois. La période durant laquelle le jugecommunautaire a examiné la légalité de la décision de 1988 ainsi que la validité del'arrêt du Tribunal ne peut pas être prise en compte lors de la détermination dela durée de la procédure devant la Commission.

124.
    Afin d'apprécier le caractère raisonnable de la procédure administrative devant laCommission, il y a lieu de distinguer l'étape procédurale ouverte par lesvérifications effectuées en novembre 1983 dans le secteur du PVC, fondées surl'article 14 du règlement n° 17, de celle ayant commencé à la date de réception dela communication des griefs par les entreprises concernées. Le caractèreraisonnable de la durée de chacune de ces deux étapes sera apprécié séparément.

125.
    La première période de 52 mois s'est déroulée entre les premières vérificationsopérées dans le courant du mois de novembre 1983 et l'engagement de laprocédure par la Commission en mars 1988 sur le fondement de l'article 9,paragraphe 3, du règlement n° 17, en application de l'article 3 de ce mêmerèglement.

126.
    Le caractère raisonnable d'une telle étape procédurale doit s'apprécier en fonctiondes circonstances propres de chaque affaire et, notamment, du contexte de celle-ci,de la conduite des parties au cours de la procédure, de l'enjeu de l'affaire pour lesdifférentes entreprises intéressées et de son degré de complexité.

127.
    A la lumière de tous les éléments du dossier, le Tribunal estime que, dans lesaffaires particulières soumises à son contrôle, la durée de cette procédured'instruction était raisonnable.

128.
    Il convient à cet égard de souligner la complexité des faits à élucider par laCommission en raison du type de comportements en cause et de l'ampleur de cescomportements sur le marché géographique concerné, s'étendant à toute la zoned'activité dans le marché commun des principaux producteurs de PVC.

129.
    Participaient également de la complexité des faits à élucider le nombre etl'enchevêtrement des pièces réunies par la Commission. Les documents recueillislors des vérifications qu'elle a opérées dans les locaux de plusieurs fabricants deproduits pétrochimiques au cours de la période visée et les réponses de ceux-ci auxquestions posées par la Commission au titre de l'article 11 du règlement n° 17 ontconstitué un dossier particulièrement volumineux. De plus, parmi les trèsnombreuses pièces obtenues durant la procédure administrative, la Commission adû faire le départ entre celles relevant du dossier PVC et celles relevant du dossierinstruit parallèlement dans le secteur voisin du PEBD, lui-même objet, commed'autres produits thermoplastiques à la même époque, d'une enquête et d'uneprocédure de constatation d'infractions reprochées à des entreprises dont plusieurssont également parties à la présente affaire. Il y a également lieu d'indiquer quele dossier de l'affaire ayant conduit à la Décision contenait, sous une premièrenumérotation administrative, une série de documents comportant 1 072 pages, et,sous une autre numérotation, plus de 5 000 pages, non compris les documentsinternes de la Commission.

130.
    Enfin, la complexité des faits à élucider résultait de la difficulté à établir la preuvede la participation d'entreprises à l'entente alléguée et du nombre d'entreprisesimpliquées. A ce sujet, la Décision relate que «17 entreprises ont pris part àl'infraction durant la période couverte [...]» (point 2, deuxième alinéa, desconsidérants) et que 14 entreprises avaient été destinataires de la décision initiale.

131.
    La seconde période s'est écoulée entre la notification des griefs et l'adoption de laDécision le 27 juillet 1994.

132.
    Le caractère raisonnable de cette étape procédurale doit être également appréciéà la lumière des critères indiqués ci-dessus (point 126), et en particulier à lalumière du critère de l'enjeu de l'affaire pour les entreprises intéressées. Ce critèrerevêt, en effet, une importance spéciale pour apprécier le caractère raisonnable decette étape de la procédure de constatation d'infraction aux règles de concurrence.D'une part, la notification de la communication des griefs dans une procédurevisant la constatation d'infraction suppose l'engagement de la procédure au titre del'article 3 du règlement n° 17. Par l'engagement de cette procédure, la Commissionmanifeste sa volonté de procéder à une décision de constatation d'infraction (ence sens, arrêt de la Cour du 6 février 1973, Brasserie de Haecht, 48/72, Rec. p. 77,point 16). D'autre part, ce n'est qu'à compter de la réception de la communicationdes griefs qu'une entreprise peut prendre connaissance de l'objet de la procédurequi est engagée contre elle et des comportements qui lui sont reprochés par laCommission. Les entreprises ont donc un intérêt spécifique à ce que cette secondeétape de la procédure soit conduite avec une diligence particulière par laCommission, sans toutefois qu'il soit porté atteinte à leurs droits de la défense.

133.
    En l'espèce, cette seconde étape procédurale devant la Commission a duré dixmois. Un tel délai ne peut pas fonder le reproche d'une durée excessive. En effet,les griefs ont été notifiés aux entreprises concernées au début du mois d'avril 1988.Les entreprises ont répondu à la communication des griefs dans le courant du moisde juin 1988. A l'exception de Shell, qui n'en avait pas fait la demande, lesentreprises destinataires de la communication des griefs ont été entendues du 5 au8 septembre 1988 et le 19 septembre 1988. Le 1er décembre 1988, le comitéconsultatif en matière d'ententes et de positions dominantes a émis son avis surl'avant-projet de décision de la Commission et 20 jours après, celle-ci adoptait ladécision initiale. Quant à la Décision, elle a été adoptée 42 jours après le prononcéde l'arrêt du 15 juin 1994.

134.
    Le Tribunal considère, par conséquent, que la décision initiale, puis, aprèsl'annulation de celle-ci par la Cour, la Décision, ont été adoptées dans un délairaisonnable après la notification des griefs.

135.
    Au vu des éléments qui précèdent, le Tribunal estime que la Commission a agiconformément au principe de respect d'un délai raisonnable dans la procédureadministrative qui a précédé l'adoption de la Décision. Les droits de la défense desentreprises concernées n'ont donc pas été méconnus en raison de l'écoulement dutemps.

136.
    Il s'ensuit que les moyens tirés de l'écoulement du temps doivent être rejetés.

c) Sur les moyens tirés de la prétendue méconnaissance, par la Commission, de sonpouvoir d'appréciation

Arguments des parties

137.
    Enichem soutient que, en s'estimant tenue d'adopter une nouvelle décision, aprèsl'annulation par la Cour de la décision initiale, la Commission a méconnu l'étenduede sa propre compétence, laquelle serait, en la matière, purement discrétionnaire(arrêt Transocean Marine Paint/Commission, précité, et arrêts de la Cour du 26avril 1988, Asteris e.a./Commission, 97/86, 193/86, 99/86 et 215/86, Rec. p. 2181, etdu 4 février 1992, British Aerospace et Rover/Commission, C-294/90, Rec. p. I-493).Ni l'article 176 du traité ni le règlement n° 2988/74 ne pourraient ainsi constituerla base juridique d'une obligation de réadopter la décision annulée.

138.
    LVM et DSM estiment que, si la Commission dispose d'un pouvoir discrétionnairepour instruire et poursuivre les infractions aux règles de concurrence, l'exercice dece pouvoir doit s'effectuer dans les limites du droit communautaire et, notamment,du principe de proportionnalité. Celui-ci devrait s'apprécier quant à l'objectifpoursuivi lors de l'adoption de l'acte et quant aux moyens mis en oeuvre pourréaliser cet objectif.

139.
    Or, en premier lieu, le but poursuivi par l'adoption de la Décision ne serait pas desauvegarder la concurrence dans le secteur du PVC, mais, comme l'illustreraitl'absence de procédure préalable, de mettre en échec les effets de l'arrêt du 15 juin1994, qui avait sanctionné la pratique de la Commission. La nécessité etl'opportunité de l'adoption de la Décision, que n'imposait pas cet arrêt, n'auraientainsi pas été démontrées. L'objectif réellement poursuivi ne justifierait pasl'imposition d'une amende ou, en toute hypothèse, d'une amende aussi élevée.

140.
    En second lieu, à supposer que la Décision ait pour objectif la protection de laconcurrence, elle demeurerait illicite, au motif que, en l'absence d'une enquêtepréalable, elle constitue un moyen disproportionné d'atteindre cet objectif.

141.
    Il appartiendrait donc à la Commission de prouver la nécessité et laproportionnalité de son intervention. Or, en l'espèce, la Décision n'aborderait pascette question, en violation de l'article 190 du traité.

142.
    Quant à Montedison, elle soutient que la Décision est entachée d'un détournementde pouvoir, dès lors que son adoption ne serait que le résultat d'un acharnementpunitif et de l'obstination de fonctionnaires de la Commission.

143.
    En réponse au grief d'Enichem, la Commission estime que, en vertu de son pouvoirdiscrétionnaire, elle peut s'abstenir d'agir (arrêt du Tribunal du 18 septembre 1992,Automec/Commission, T-24/90, Rec. p. II-2223). Une entreprise ne pourrait, enrevanche, lui reprocher d'avoir usé de ses pouvoirs (arrêt du Tribunal du 14 juillet1994, Parker Pen/Commission, T-77/92, Rec. p. II-549, points 64 et 65).

144.
    En l'espèce, il n'eût pas été logique que la Commission, qui avait exercé sonpouvoir discrétionnaire lors de l'adoption de la décision de 1988, renonce à faireusage de ses prérogatives, alors que les vices censurés par l'arrêt du 15 juin 1994résultaient de la phase ultime d'adoption de la décision (arrêt Asterise.a./Commission, précité, point 28). De surcroît, l'imposition d'une amende seraiten soi un élément susceptible de justifier l'adoption d'une décision, même si lesparties ont déjà mis fin à l'infraction. Quant aux dispositions de l'article 176 dutraité, elles ne seraient pas en cause en l'espèce.

145.
    En réponse au moyen invoqué par LVM et DSM, la Commission estime que, enadoptant la Décision, elle a montré son souci d'appliquer les règles de concurrence,dans le respect de l'arrêt du 15 juin 1994 et du règlement n° 2988/74. Dès lors queles amendes infligées seraient identiques à celles contenues dans la décision de1988, la Commission ne saurait être accusée d'avoir violé le principe deproportionnalité.

146.
    S'agissant plus particulièrement de la motivation de la Décision, elle estime que,compte tenu de la mission qui lui incombe au titre de l'article 155 du traité, ellen'est pas tenue de justifier l'opportunité de son intervention.

147.
    Enfin, la Commission relève que Montedison n'avance pas d'éléments objectifs,précis et concordants de nature à établir l'existence d'un détournement de pouvoir(arrêts du Tribunal Automec/Commission, précité, point 105, et du 19 mai 1994,Consorzio gruppo di azione locale «Murgia Messapica»/Commission, T-465/93,Rec. p. II-361, point 66).

Appréciation du Tribunal

148.
    L'étendue des obligations de la Commission dans le domaine du droit de laconcurrence doit être examinée à la lumière de l'article 89, paragraphe 1, du traité,qui, dans ce domaine, constitue la manifestation spécifique de la mission généralede surveillance confiée à la Commission par l'article 155 de ce même traité.

149.
    La mission de surveillance qui lui est confiée dans le domaine du droit de laconcurrence comprend la tâche d'instruire et de réprimer des infractionsindividuelles, mais elle comporte également le devoir de poursuivre une politiquegénérale visant à appliquer en matière de concurrence les principes fixés par letraité et à orienter en ce sens le comportement des entreprises (arrêt de la Courdu 7 juin 1983, Musique Diffusion française e.a./Commission, 100/80, 101/80, 102/80et 103/80, Rec. p. 1825, point 105).

150.
    De plus, l'article 85 du traité est une expression de l'objectif général assigné parl'article 3, sous g), du traité à l'action de la Communauté, à savoir l'établissementd'un régime assurant que la concurrence n'est pas faussée dans le marché commun

(dans le même sens, arrêt de la Cour du 13 février 1979, Hoffmann-LaRoche/Commission, 85/76, Rec. p. 461, point 38).

151.
    Au vu de cet objectif général et de la mission assignée à la Commission, le Tribunalconsidère que, si, après l'arrêt du 15 juin 1994 annulant la décision de 1988, laCommission n'était pas tenue d'adopter la Décision afin de constater lescomportements anticoncurrentiels dénoncés, elle n'était pas non plus empêchée dele faire dès lors que, dans l'exercice du pouvoir discrétionnaire qui lui est dévolu,d'une part, elle n'a pas méconnu l'autorité de la chose jugée (ci-dessus points 77à 85) et, d'autre part, elle n'a pas poursuivi ou sanctionné les entreprisesconcernées en raison de comportements anticoncurrentiels dont le Tribunal, ou laCour, aurait déjà constaté que la preuve était, ou non, apportée dans leur chef parla Commission (ci-dessus points 95 à 99).

152.
    Il s'ensuit que c'est à la Commission qu'il revenait d'apprécier, en fonction de lamission qui lui est conférée par le traité, s'il y avait lieu d'adopter la Décision.

153.
    En ce qui concerne les arguments invoqués par LVM et DSM (ci-dessus points 138et 139) au soutien du moyen tiré de la violation du principe de proportionnalité,le Tribunal estime qu'ils doivent être compris en ce sens que la Commission auraitcommis un détournement de pouvoir en adoptant la Décision, ainsi que le soutientexpressément Montedison.

154.
    A cet égard, il convient de rappeler qu'une décision n'est entachée dedétournement de pouvoir que si elle apparaît, sur la base d'indices objectifs,pertinents et concordants, avoir été prise dans le but exclusif, ou tout au moinsdéterminant, d'atteindre des fins autres que celles excipées ou d'éluder uneprocédure spécifiquement prévue par le traité pour parer aux circonstances del'espèce (arrêts de la Cour du 12 novembre 1996, Royaume-Uni/Conseil, C-84/94,Rec. p. 5755, point 69, du 25 juin 1997, Italie/Commission, C-285/94, Rec. p. I-3519,point 52).

155.
    LVM, DSM et Montedison n'ayant fourni aucun des indices en cause, ce grief nesaurait être accueilli.

156.
    Quant à l'argument de LVM et de DSM selon lequel la Décision constitue unmoyen disproportionné d'atteindre l'objectif de protection de la concurrence enl'absence d'une enquête préalable, il s'agit d'une question qui sera examinée lorsde l'appréciation de la légalité des modalités d'adoption de la Décision (ci-aprèspoint 269).

157.
    Enfin, s'agissant du prétendu défaut de motivation dont serait entachée la Décisionrelativement à la nécessité et à la proportionnalité de l'intervention de laCommission, il suffit de relever que le premier considérant de la Décision vise «letraité instituant la Communauté européenne», ce qui, implicitement mais

nécessairement, constitue une référence formelle à la mission assignée à laCommission.

158.
    Au vu de ce qui précède, il y a lieu de rejeter les moyens tirés de la prétendueméconnaissance du pouvoir d'appréciation de la Commission.

2. Sur la portée de l'arrêt du 15 juin 1994

a) Sur les griefs tirés de l'effet erga omnes de l'arrêt du 15 juin 1994

Arguments des parties

159.
    Elf Atochem, BASF et la SAV soutiennent que l'annulation de la décision de 1988,prononcée par la Cour dans l'arrêt du 15 juin 1994, a produit un effet erga omneset constitue dès lors une situation juridique nouvelle à l'égard de toutes les parties(arrêt de la Cour du 11 février 1955, Assider/Haute Autorité, 3/54, Rec. p. 123), ycompris à l'égard de celles qui n'avaient pas formé de recours en temps utile.

160.
    La SAV observe à ce titre qu'elle se trouve discriminée par rapport à Solvay etNorsk Hydro, qui ne sont pas destinataires de la Décision et à l'égard desquellesla décision de 1988 ne produit plus aucun effet, en raison de l'arrêt du 15 juin 1994.

161.
    De même, LVM et DSM soutiennent que la Commission a méconnu le principede non-discrimination, puisque l'article 1er de la Décision constaterait une infractioncommise par tous les producteurs de PVC, les plaçant donc dans une situationcomparable alors que ses articles 2 à 4, qui fixent les sanctions, excluraientexpressément Norsk Hydro et Solvay.

162.
    La Commission ne pourrait tenter de se justifier en arguant de la validité de ladécision de 1988 à l'égard de ces deux entreprises car, selon l'article 174 du traité,l'acte annulé doit être considéré comme «inexistant» et les parties replacées dansla situation antérieure (arrêt de la Cour du 31 mars 1971, Commission/Conseil,22/70, Rec. p. 263, point 60). L'annulation produirait également un effet ergaomnes; l'article 174 du traité ne limiterait ainsi nullement l'effet de l'annulation auxentreprises ayant valablement formé un recours contre l'acte. D'ailleurs, si unedécision est obligatoire pour tous les destinataires selon l'article 189 du traité CE,la nullité ne pourrait valoir qu'à l'égard de tous.

163.
    En outre, si l'on admettait les thèses de la Commission, la discrimination dénoncéese constaterait également en matière d'exécution; alors que la Décision seraitsusceptible d'exécution à l'égard de ses destinataires, la décision de 1988 ne leserait plus à l'égard de Solvay et de Norsk Hydro. Celles-ci, bien que dans unesituation comparable à celle des autres entreprises, échapperaient à toute sanction.

164.
    La Commission expose que la décision de 1988 était un faisceau de décisionsindividuelles. Solvay n'ayant pas formé de recours contre cette décision et NorskHydro n'ayant pas introduit son recours en temps utile, la décision de 1988 seraitdevenue définitive à leur égard (notamment, arrêts de la Cour du17 novembre 1965, Collotti/Cour de justice, 20/65, Rec. p. 1045, du14 décembre 1965, Pfloeschner/Commission, 52/64, Rec. p. 1211, et du 14 juin 1988,Muysers et Tülp/Cour des comptes, 161/87, Rec. p. 3037, points 9 et 10).

165.
    Elle précise que la question de l'effet erga omnes des arrêts d'annulation, quiconcerne l'annulation d'actes normatifs affectant l'ordre juridique en général, nese pose pas en l'espèce; l'effet d'un arrêt annulant une décision individuelle nepourrait être que relatif.

166.
    Enfin, le moyen soulevé par LVM et DSM, tiré d'une violation du principe de non-discrimination, serait irrecevable, dès lors que la position de Solvay et de NorskHydro ne pourrait léser les intérêts de ces deux requérantes. La Commissionestime, en outre, que le moyen n'est pas fondé, dès lors que Solvay et Norsk Hydrorestent soumises à la décision de 1988.

Appréciation du Tribunal

167.
    La décision de 1988, bien que rédigée et publiée sous la forme d'une seuledécision, doit s'analyser comme un faisceau de décisions individuelles constatant àl'égard de chacune des entreprises destinataires l'infraction aux dispositions del'article 85 du traité retenue à sa charge et lui infligeant une amende. En effet, laCommission aurait pu, si elle l'avait souhaité, adopter, de façon formelle, plusieursdécisions individuelles distinctes, constatant les infractions à l'article 85 du traitéqu'elle avait retenues.

168.
    Selon l'article 189 du traité, chacune de ces décisions individuelles faisant partie dela décision de 1988 est obligatoire dans tous ses éléments pour le destinatairequ'elle désigne. Dans la mesure où un destinataire n'a pas introduit, au titre del'article 173 du traité, un recours en annulation à l'encontre de la décision de 1988,cette décision reste donc valable et contraignante à son égard (voir, dans le mêmesens, arrêt de la Cour du 9 mars 1994, TWD Textilwerke Deggendorf, C-188/92,Rec. p. I-833, point 13).

169.
    Dès lors, si un destinataire décide d'introduire un recours en annulation, le jugecommunautaire n'est saisi que des éléments de la décision le concernant. Enrevanche, les éléments de la décision concernant d'autres destinataires, qui n'ontpas été attaqués, n'entrent pas dans l'objet du litige que le juge communautaire estappelé à trancher.

170.
    Celui-ci ne peut, dans le cadre d'un recours en annulation, statuer que sur l'objetdu litige qui lui a été déféré par les parties. Par conséquent, la décision de 1988 n'apu être annulée qu'en ce qui concerne les destinataires ayant obtenu gain de causedans leurs recours devant le juge communautaire.

171.
    Le point 2 du dispositif de l'arrêt du 15 juin 1994 n'emporte donc annulation de ladécision de 1988 que dans la mesure où elle concerne les parties ayant obtenu gainde cause devant la Cour.

172.
    Quant à la jurisprudence invoquée par les requérantes à l'appui de la thèse del'effet erga omnes, elle est dépourvue de pertinence en l'espèce, étant donné quel'arrêt Assider/Haute Autorité, précité, concerne l'effet d'un arrêt d'annulationd'une décision générale prise dans le cadre du traité CECA et non, comme enl'espèce, d'un faisceau de décisions individuelles.

173.
    Il découle de ce qui précède que la Commission n'a commis aucune discriminationà l'égard des requérantes en ne mentionnant pas les entreprises Solvay et NorskHydro dans les articles du dispositif de la Décision. En effet, pour qu'il puisse êtrereproché à la Commission d'avoir commis une discrimination, il faut qu'elle aittraité de façon différente des situations comparables, entraînant un désavantagepour certains opérateurs par rapport à d'autres, sans que cette différence detraitement soit justifiée par l'existence de différences objectives d'une certaineimportance (arrêt de la Cour du 15 janvier 1985, Finsider/Commission, 250/83, Rec.p. 131, point 8). Or, en l'espèce, il suffit de constater que, contrairement à ce queprétendent les requérantes, celles-ci, d'une part, et Norsk Hydro et Solvay, d'autrepart, ne sont pas placées dans des situations comparables, dès lors que la décisionde 1988 n'a pas été annulée à l'égard de ces deux dernières entreprises. Desurcroît, il convient de constater que la Commission, en réponse à une question duTribunal, a indiqué que Norsk Hydro et Solvay avaient payé les amendes qui leuravaient été infligées, si bien que les requérantes ne peuvent prétendre se trouverdans une situation défavorable par rapport à celle de ces deux entreprises.

174.
    Au vu de ce qui précède, il y a lieu de conclure que l'annulation par la Cour de ladécision de 1988 n'a pas produit, contrairement à ce que font valoir lesrequérantes, un effet erga omnes et que le moyen tiré d'une violation du principede non-discrimination doit être rejeté comme non fondé.

b) Sur les griefs tirés de l'invalidité des actes de procédure ayant précédé l'adoptionde la Décision

Arguments des parties

175.
    Elf Atochem et BASF soutiennent que l'annulation de la décision de 1988,prononcée par la Cour dans l'arrêt du 15 juin 1994, aurait produit un effet ex tunc.Elles en déduisent que la Décision, distincte de la décision de 1988, ne pouvait

intervenir, en tout état de cause, qu'à l'issue d'une nouvelle procédureadministrative.

176.
    Wacker, Hoechst et Hüls estiment que l'annulation par la Cour de la décision de1988, mettant un terme à la procédure administrative, aurait entraîné de plein droitl'irrégularité de la procédure administrative contradictoire dans son ensemble, c'est-à-dire depuis la communication des griefs (arrêts de la Cour du 15 juillet 1970,ACF Chemiefarma/Commission, 41/69, Rec. p. 661, points 48 à 52, et du25 octobre 1983, AEG/Commission, 107/82, Rec. p. 3151, point 30; arrêts duTribunal du 18 décembre 1992, Cimenteries CBR e.a./Commission, T-10/92,T-11/92, T-12/92 et T-15/92, Rec. p. II-2667, point 47, et SIV e.a./Commission,précité, point 83). La procédure contradictoire devant la Commission et la décisionfinale formeraient, en effet, une procédure administrative unique. Dès lors, laDécision serait illégale, faute pour la Commission d'avoir engagé, préalablementà l'adoption de la Décision, une nouvelle procédure administrative. A l'appui decette thèse, Wacker et Hoechst relèvent que les actes d'une procédureadministrative menée au titre de l'article 3, paragraphe 1, du règlement n° 17 nesont que des actes préparatoires, dont la régularité ne peut être appréciée que dansle cadre du contrôle de la décision finale (arrêt de la Cour du 11 novembre 1981,IBM/Commission, 60/81, Rec. p. 2639, points 9 et suivants, et ordonnance de laCour du 18 juin 1986, BAT et Reynolds/Commission, 142/84 et 156/84, Rec.p. 1899, points 13 et suivants).

177.
    Wacker, Hoechst et Hüls concluent que, pour adopter une nouvelle décision aprèsl'annulation, la Commission aurait dû ouvrir une nouvelle procédure administrativecontradictoire (arrêt Cimenteries CBR e.a./Commission, précité) et respecterl'ensemble des formes substantielles prescrites.

178.
    Wacker et Hoechst soulignent, de plus, que rien dans le dispositif ou dans lesmotifs de l'arrêt du 15 juin 1994 ne permet de penser que la Cour ait entendu allerà l'encontre de ces principes et préserver, jusqu'au vice constaté, la procédureadministrative qui avait été conduite pour l'adoption de la décision de 1988 (arrêtde la Cour du 6 mars 1979, Simmenthal/Commission, 92/78, Rec. p. 777, points 106à 109). Enfin, ces requérantes précisent que la Commission ne dispose pas du droitde rectifier les violations de formes substantielles (arrêt de la Cour du 7 février1979, France/Commission, 15/76 et 16/76, Rec. p. 321, points 7 à 11; conclusionsde l'avocat général Warner sous l'arrêt de la Cour du 10 juillet 1980, DistillersCompany/Commission, 30/78, Rec. p. 2229, 2267, 2297 et suivantes).

179.
    Enichem soutient, quant à elle, que l'annulation de la décision de 1988 a réduit ànéant les actes procéduraux préalables à cette décision, à l'égard de laquelle ilsn'ont qu'un caractère accessoire. En effet, ces actes n'auraient aucune significationautonome; ils ne seraient d'ailleurs pas, en eux-mêmes, susceptibles de faire l'objetd'un recours en annulation (arrêts IBM/Commission et CimenteriesCBR e.a./Commission, précités).

180.
    Enfin, Montedison affirme qu'une entreprise condamnée à une amende disposed'un droit à une procédure préalable. Il serait donc faux d'affirmer que les étapesprocédurales précédant celle qui est viciée demeurent valables pour l'adoption d'unnouvel acte, surtout lorsque la procédure administrative vise à protéger le droit audébat contradictoire et les droits de la défense de la partie concernée. Les diversesphases de la procédure seraient en effet des étapes nécessaires que la Commissiondoit franchir avant de pouvoir infliger une amende (arrêt IBM/Commission, précité,point 17).

181.
    La Commission observe que, pour se conformer à un arrêt d'annulation,l'institution concernée est tenue de respecter non seulement le dispositif de l'arrêt,mais également les motifs qui ont amené à celui-ci et qui en constituent le supportnécessaire (arrêt Asteris e.a./Commission, précité, point 27). En l'espèce, le motifunique d'annulation de la décision de 1988 aurait été la violation de l'article 12,premier alinéa, du règlement intérieur de la Commission en vigueur à l'époque,relatif à l'authentification des actes (arrêt du 15 juin 1994, points 76 à 78). Enconséquence, la procédure administrative préalable n'aurait été ni affectée, niremise en cause, par l'arrêt de la Cour.

182.
    Or, conformément à l'article 176 du traité, l'exécution d'un arrêt comporte lerétablissement de la situation telle qu'elle existait antérieurement à la survenancedes circonstances censurées par la Cour (arrêt du Tribunal du 15 juillet 1993,Camara Alloisio e.a./Commission, T-17/90, T-28/91 et T-17/92, Rec. p. II-841,point 79). La Commission aurait donc été en droit d'arrêter une nouvelle décisionen respectant les formes qui avaient été violées (arrêt de la Cour du 13 novembre1990, Fedesa e.a., C-331/88, Rec. p. I-4023, point 34; conclusions de l'avocatgénéral M. Mischo sous cet arrêt, Rec. p. 4042, point 57, et arrêt CimenteriesCBR e.a./Commission, précité, point 47).

Appréciation du Tribunal

183.
    Le point 2 du dispositif de l'arrêt du 15 juin 1994 est libellé comme suit:

«La décision 89/190/CEE de la Commission, du 21 décembre 1988, relative à uneprocédure d'application de l'article 85 du traité CEE (IV/31.865, PVC), estannulée.»

184.
    Afin de déterminer la portée de l'arrêt d'annulation de la décision de 1988, ilconvient de se référer aux motifs de cet arrêt. Ce sont, en effet, ces motifs qui,d'une part, identifient la disposition exacte considérée comme illégale et, d'autrepart, font apparaître les raisons exactes de l'illégalité constatée dans le dispositif(arrêt Asteris e.a./Commission, précité, point 27; arrêts du Tribunal du 5 juin 1992,Finsider/Commission, T-26/90, Rec. p. II-1789, point 53, et de la Cour du12 novembre 1998, Espagne/Commission, C-415/96, non encore publié au Recueil,point 31).

185.
    A cet égard, il ressort des motifs de l'arrêt du 15 juin 1994 que la décision de 1988a été annulée pour défaut d'authentification au sens de l'article 12, premier alinéa,du règlement intérieur de la Commission en vigueur à l'époque.

186.
    En effet, après avoir déclaré que la Commission avait l'obligation, entre autres, deprendre les mesures aptes à permettre d'identifier avec certitude le texte completdes actes adoptés par le collège (point 73 des motifs), la Cour a rappelé que, selonl'article 12, premier alinéa, du règlement intérieur en vigueur à l'époque, «[l]esactes adoptés par la Commission, en séance ou par la procédure écrite, sontauthentifiés, dans la ou les langues où ils font foi, par les signatures du présidentet du secrétaire exécutif» (point 74 des motifs).

187.
    Puis, la Cour a jugé: «Loin de n'être qu'une simple formalité destinée à assurer samémoire, l'authentification des actes prévue audit article 12, premier alinéa, a pourbut d'assurer la sécurité juridique en figeant, dans les langues faisant foi, le texteadopté par le collège. Elle permet ainsi de vérifier, en cas de contestation, lacorrespondance parfaite des textes notifiés ou publiés avec ce dernier et, par làmême, avec la volonté de leur auteur.» (Point 75 des motifs.) Dès lors,«l'authentification des actes visée à l'article 12, premier alinéa, du règlementintérieur de la Commission constitue une forme substantielle au sens del'article 173 du traité [...], dont la violation peut donner lieu à un recours enannulation» (point 76 des motifs).

188.
    La Cour, ayant relevé que la Commission ne contestait pas avoir omis de procéderà l'authentification de la décision litigieuse dans les termes prévus par lesdispositions de son règlement intérieur, a conclu que la décision de 1988 devait êtreannulée «pour violation des formes substantielles, sans qu'il soit nécessaired'examiner les autres moyens soulevés par les requérantes» (point 78 des motifs).

189.
    Il se déduit de cet exposé que la Cour a annulé la décision de 1988 à cause d'unvice de procédure qui concernait exclusivement les modalités de l'adoptiondéfinitive de cette décision par la Commission. Dès lors que le vice procéduralconstaté est intervenu au stade ultime de l'adoption de la décision de 1988,l'annulation n'a pas affecté la validité des mesures préparatoires de cette décision,antérieures au stade où ce vice a été constaté (dans le même sens, arrêtsFedesa e.a., précité, point 34, et Espagne/Commission, précité, point 32).

190.
    Cette conclusion n'est pas infirmée par l'argumentation présentée par certainesrequérantes, selon laquelle l'annulation de la décision de 1988 a nécessairementréduit à néant les actes procéduraux antérieurs à cette décision, en raison de leurcaractère indissociable de la décision finale. En effet, le fait que des mesures denature purement préparatoire ne puissent en tant que telles faire l'objet d'unrecours en annulation (arrêt IBM/Commission, précité, point 12) s'explique parl'absence, dans le chef de la Commission, de position définitivement fixée. Iln'emporte donc pas la conséquence que la validité de ces mesures est mise en

cause lorsque la décision finale est annulée en raison d'un vice procéduralintervenu, comme en l'espèce, à un stade ultérieur à ces mesures.

191.
    Elle n'est pas davantage infirmée par l'argumentation tirée de l'arrêt CimenteriesCBR e.a./Commission, précité. Dans les affaires ayant donné lieu à cet arrêt, leTribunal a déclaré irrecevables les recours introduits par les requérantes,notamment, contre la décision de la Commission leur refusant de donner accès àl'ensemble des documents faisant partie de son dossier, faute d'acte attaquable.Dans le contexte de son appréciation, le Tribunal a indiqué que, si, par hypothèse,il «devait reconnaître, dans le cadre d'un recours contre une décision mettant unterme à la procédure, l'existence d'un droit d'accès complet au dossier qui auraitété méconnu et, partant, annuler la décision finale de la Commission pour violationdes droits de la défense, ce serait l'ensemble de la procédure qui serait entachéed'illégalité» (point 47 des motifs).

192.
    Cette référence à «l'ensemble de la procédure» ne peut pas être interprétéeséparément de la phrase suivante des motifs de l'arrêt, selon laquelle laCommission pourrait reprendre la procédure en «donnant aux entreprises etassociations d'entreprises concernées la possibilité de faire à nouveau connaître leurpoint de vue sur les griefs retenus contre elles à la lumière de l'ensemble desnouveaux éléments auxquels elles auraient dû avoir accès» (point 47 des motifs).Or, il découle du libellé même de cette appréciation que le Tribunal n'a pas estiméque la validité de la communication des griefs pouvait être mise en cause.

193.
    A la lumière de ce qui précède, il convient de conclure que la validité des actespréparatoires antérieurs à l'adoption de la décision de 1988 n'a pas été mise encause par l'annulation de cette décision par la Cour. Par conséquent, les griefs tirésde l'invalidité de ces actes doivent être rejetés comme non fondés.

3. Sur les modalités d'adoption de la Décision, après l'annulation de la décision de1988

Exposé sommaire de l'argumentation des requérantes

194.
    Les requérantes soutiennent en substance que, même si le vice constaté est survenuau stade ultime de l'adoption de la décision de 1988, la réparation de ce vice parla Commission exigeait que certaines garanties procédurales soient respectées avantd'adopter la Décision.

195.
    Les requérantes font valoir que la Décision est nouvelle par rapport à la décisionde 1988 puisque celle-ci a été annulée. Cette seule circonstance aurait impliquéqu'une nouvelle procédure administrative fût ouverte afin d'adopter la Décision.Certaines requérantes affirment qu'une telle procédure administrative aurait dûêtre intégralement reprise tandis que d'autres estiment que certaines étapes de

cette procédure auraient dû être respectées. De manière plus générale, laCommission aurait violé le droit des requérantes d'être entendues.

— En ce qui concerne les étapes procédurales prévues par le droit dérivé

196.
    LVM, Elf Atochem, BASF, Shell, DSM, la SAV, Montedison, ICI et Hüls fontvaloir qu'elles n'ont pas pu présenter leur point de vue conformément auxdispositions des règlements n° 17 et n° 99/63, lesquelles sont l'expression duprincipe fondamental du droit communautaire des droits de la défense, applicablemême en l'absence de législation spécifique (arrêts de la Cour Transocean MarinePaint/Commission, British Aerospace et Rover/Commission, précités, Hoffmann-LaRoche/Commission, précité, point 9, du 29 octobre 1980, Van Landewycke.a./Commission, 209/78 à 215/78 et 218/78, Rec. p. 3125, point 81, MusiqueDiffusion française e.a/Commission, précité, points 9 et 10, et du 9 novembre 1983,Michelin/Commission, 322/81, Rec. p. 3461, point 7; arrêts du Tribunal du 10 juillet1990, Automec/Commission, T-64/89, Rec. p. II-367, point 46, et du 29 juin 1995,ICI/Commission, T-36/91, Rec. p. II-1847, point 69). La SAV souligne que ladécision de 1988 est censée n'avoir jamais existé, si bien que la Commission auraitdû reprendre l'ensemble de la procédure administrative, ainsi d'ailleurs qu'elle s'yserait engagée dans le Quatrième Rapport sur la politique de concurrence (point 49).De plus, selon la SAV et ICI, considérer avec la Commission que seules desmodifications substantielles du contenu de la décision annulée lors de sa réfectionauraient pu justifier une nouvelle procédure ne repose que sur la jurisprudence dela Cour en matière d'équilibre institutionnel, qui ne serait pas en cause en l'espèce(arrêt Fedesa e.a., précité).

197.
    ICI rejette l'argument de la Commission, selon lequel elle aurait été en droit de seborner à rectifier l'erreur relevée par la Cour sans entendre les parties, car ladécision de 1988 et la Décision seraient intervenues dans des circonstances de faitet de droit différentes relativement aux acteurs, à la situation économique dumarché ou aux évolutions jurisprudentielles intervenues dans les années précédantla Décision.

198.
    Quant à la SAV et à Montedison, elles font valoir, dans ce contexte, que l'acteannulé ayant été adopté en vertu d'une compétence discrétionnaire, l'institution nepeut reprendre l'acte annulé pour vice de forme qu'à condition de respecter lesformes requises et les droits de la défense, même en l'absence de texte spécifique(arrêt Transocean Marine Paint/Commission, précité, point 16).

199.
    LVM, Elf Atochem, BASF, Shell, DSM, Wacker, Hoechst, la SAV, ICI, Hüls etEnichem soutiennent, plus spécifiquement, que la Commission, en ne procédant pasà une procédure administrative préalable, a méconnu les obligations qu'elle s'estimpartie à elle-même en ce qui concerne le rôle du conseiller-auditeur. ElfAtochem, Shell, la SAV, ICI et Enichem invoquent la décision de la Commission,du 23 novembre 1990, relative au déroulement des auditions dans le cadre des

procédures d'application des articles 85 et 86 du traité CEE et des articles 65 et66 du traité CECA (Vingtième Rapport sur la politique de concurrence, p. 350).BASF et Hüls font valoir que la Commission a méconnu les articles 5, 6 et 7 de ladécision de la Commission du 8 septembre 1982, relative au mandat du conseiller-auditeur (Treizième Rapport sur la politique de concurrence, p. 291).

200.
    ICI prétend que la Décision aurait été substantiellement différente si le conseiller-auditeur avait pu intervenir, dès lors qu'ICI aurait pu à cette occasion invoquer,notamment, la prescription des faits, le retard dans l'adoption de la Décision, lerefus de la Commission de lui donner accès au dossier, la question de l'auto-incrimination, la portée de l'article 20 du règlement n° 17 et la notion de pratiqueconcertée.

201.
    Selon Hüls, l'intervention du conseiller-auditeur en 1988 ne peut pas êtreconsidérée comme ayant permis à celui-ci d'exercer, en 1994, les fonctions qui luisont dévolues; en réalité, il devrait nécessairement exister une proximité dans letemps entre l'intervention du conseiller-auditeur et l'adoption de la décisioncorrespondante. L'attitude de la Commission en l'espèce serait d'autant plussurprenante que le rôle du conseiller-auditeur a été élargi (XXIIIe Rapport sur lapolitique de concurrence, points 203 et suivants; décision 94/810/CECA, CE de laCommission, du 12 décembre 1994, relative au mandat des conseillers-auditeursdans le cadre des procédures de concurrence devant la Commission, JO L 330,p. 67).

202.
    Enichem ajoute que l'arrêt du Tribunal du 10 mars 1992, Hüls/Commission (T-9/89,Rec. p. II-499), dont se prévaut la Commission, ne permet pas de conclure quel'audition du conseiller-auditeur n'est pas une étape obligatoire dans touteprocédure. En l'espèce, s'il avait été entendu, le conseiller-auditeur aurait puprésenter des observations sur l'opportunité de réadopter une décision, lespoints 55 à 59 des motifs de la Décision, qui seraient nouveaux par rapport auxmotifs de la décision initiale (arrêt de la Cour du 29 juin 1994,Fiskano/Commission, C-135/92, Rec. p. I-2885, point 40) et qui relèvent de lacompétence exclusive du collège des membres de la Commission, le montant del'amende, discriminatoire et fixé de façon erronée sur le chiffre d'affaires de 1987,plutôt que sur celui de 1993, l'appréciation de la prescription, qui constituerait,contrairement aux affirmations de la Commission, un moyen de fond, les règlesrelatives à l'accès au dossier, l'effet erga omnes de l'arrêt de la Cour, l'applicationdu principe de l'autorité de la chose jugée, en vertu duquel la Commission n'avaitpas le pouvoir d'adopter la Décision, qui porte sur les mêmes faits, en violation duprincipe non bis in idem, l'évolution du marché du PVC, dont la requérante s'estretirée en 1986, en cédant ses activités à une entreprise commune constituée à50 % avec ICI, dont elle ne détiendrait plus qu'une part minoritaire. La Décisionaurait donc pu s'en trouver substantiellement affectée. En raison du choix opérépar la Commission, la requérante se trouverait contrainte de former un recourspour présenter de telles observations.

203.
    LVM, Elf Atochem, BASF, DSM, Wacker, Hoechst, la SAV, ICI, Hüls et Enichemestiment que la Commission a méconnu l'obligation de consulter le comitéconsultatif en matière d'ententes et de positions dominantes (ci-après «comitéconsultatif») avant d'adopter la Décision, consultation prévue par l'article 10,paragraphe 3, du règlement n° 17. Le comité consultatif devrait en effet interveniravant l'adoption de toute décision constatant une infraction aux règles deconcurrence visée à l'article 10, paragraphe 1, du règlement n° 17 et de toutedécision infligeant une amende, conformément à l'article 15, paragraphe 3, de cemême règlement. La Décision étant nouvelle par rapport à la décision initiale, laconsultation du comité consultatif qui a eu lieu en 1988 serait, selon lesrequérantes, soit inopérante, soit insuffisante. La Décision devrait donc êtreannulée pour violation des formes substantielles (conclusions de l'avocat généralM. Gand sous l'arrêt ACF Chemiefarma/Commission, précité, Rec. p. 707, 709 à711, de l'avocat général M. Warner sous l'arrêt Distillers Company/Commission,précité, Rec. p. 2267, 2293, et de l'avocat général Sir Gordon Slynn sous l'arrêt dela Cour du 28 février 1984, Ford/Commission, 228/82 et 229/82, Rec. p. 1129, 1147,1173; certaines des requérantes invoquent également la jurisprudence relative à laviolation d'une obligation de consultation: arrêts de la Cour du 21 décembre 1954,Italie/Haute Autorité, 2/54, Rec. p. 73, Roquette Frères/Conseil, précité, du16 juillet 1992, Parlement/Conseil, C-65/90, Rec. p. I-4593, du 5 octobre 1993,Driessen e.a., C-13/92, C-14/92, C-15/92 et C-16/92, Rec. p. I-4751, et du1er juin 1994, Parlement/Conseil, C-388/92, Rec. p. I-2067). L'arrêt de la Cour du15 mai 1975, Frubo/Commission (71/74, Rec. p. 563), dont se prévaut laCommission, ne serait en revanche pas pertinent, dès lors que l'on ne sauraitcomparer la consultation générale des États dans le cadre du règlement n° 26/62du Conseil, du 4 avril 1962, portant application de certaines règles de concurrenceà la production et au commerce des produits agricoles (JO 1962, 30, p. 993), enl'absence de doute dans le chef de la Commission, et la consultation du comitéconsultatif, organisée de façon précise dans le règlement n° 17.

204.
    La consultation du comité consultatif se serait d'autant plus imposée en l'espècepour deux raisons. En premier lieu, BASF, Wacker, Hoechst, la SAV, Hüls etEnichem font valoir que la Décision est la première à intervenir après annulation,par le juge communautaire, d'une décision précédente à l'égard des mêmesentreprises. Or, ainsi que le soutiennent la SAV et ICI, en raison du rôle qui lui estconféré, le comité consultatif, qui doit être étroitement associé à une évolutionconcertée de la politique de la concurrence (Treizième Rapport sur la politique deconcurrence, point 79), aurait dû être consulté sur l'opportunité de prendre unenouvelle décision lorsque la précédente a été annulée, ce qui relèveraitmanifestement, en l'absence de précédent jurisprudentiel, de la politique de laconcurrence. Le fait que l'adoption d'une nouvelle décision, après annulation d'unedécision précédente, relève du pouvoir discrétionnaire de la Commission rendraitd'autant plus nécessaire une consultation du comité consultatif sur l'opportunitéd'agir ainsi. Ce serait d'ailleurs en ce sens que la Commission aurait agi dans lepassé [décision 75/649/CEE de la Commission, du 23 octobre 1975, relative à une

procédure d'application de l'article 85 du traité CEE (IV/223 — Transocean MarinePaint Association) (JO L 286, p. 24)].

205.
    En second lieu, BASF, Wacker, Hoechst, ICI, Hüls et Enichem font valoir que lecomité consultatif aurait dû être consulté également en raison des modificationsapportées au texte de la Décision par rapport à celui de la décision initiale, maisaussi selon certaines d'entre elles, en raison de la longueur de la procédure, descirconstances particulières ayant abouti à l'annulation de la décision initiale, deserreurs de la Commission révélées lors de l'instruction, devant le Tribunal, desrecours formés contre cette décision et de l'évolution du marché de ce produitdepuis 1988. ICI indique dans ce contexte que la modification de la compositiondu comité consultatif justifiait également une nouvelle consultation de cet organe.Dans ce même contexte, BASF fait valoir que la consultation du comité consultatifaurait également pour objet de garantir aux entreprises mises en cause le droit àune procédure équitable et le droit d'être entendues, comme en témoignent lesarticles 1er, 7, paragraphe 1, et 8, paragraphe 2, du règlement n° 99/63.

206.
    BASF, Wacker, Hoechst et ICI estiment que cette consultation aurait pu conduirela Commission à adopter une décision différente, notamment quant au montant desamendes, voire à renoncer à adopter la Décision. A cet égard, BASF relève que,en supprimant deux phrases du point 37 des considérants de la décision initiale,relatif aux effets néfastes de l'entente, la Commission a supprimé un aspect quiavait donc nécessairement eu une incidence sur la décision d'infliger une amende,et sur son montant.

207.
    BASF et ICI considèrent, en outre, que, si le comité consultatif doit être consultéavant le renouvellement d'une exemption, il devrait alors en être de même lorsquela Commission adopte une décision remplaçant une décision annulée.

208.
    Plus spécifiquement, LVM et DSM soulignent que, en ne consultant pas le comitéconsultatif avant l'adoption de la Décision, la Commission n'a pas permis aux Étatsmembres de participer à la définition de la politique communautaire deconcurrence et que sa consultation obligatoire contribuerait à la recherche del'équilibre institutionnel en cette matière. La violation d'une telle obligation devrait,dès lors, entraîner l'annulation de la Décision, pour violation des formessubstantielles, voire pour incompétence, si cette obligation est comprise commerequérant l'accord des autorités compétentes des États membres.

209.
    La SAV déclare que la jurisprudence en matière d'équilibre institutionnel, qui serapporte à l'obligation de consultation du Parlement sur une proposition dedirective ayant fait l'objet d'amendements successifs (en particulier, arrêt du16 juillet 1992, Parlement/Conseil, précité), ne peut pas être transposée paranalogie à l'hypothèse d'absence de consultation du comité consultatif sur unenouvelle décision faisant grief à son destinataire.

210.
    Enfin, la SAV et ICI estiment que la Commission a violé l'article 190 du traité, ence que les visas de la Décision se réfèrent uniquement à la consultation du comitéconsultatif effectuée avant l'adoption de la décision de 1988.

211.
    De manière également plus spécifique, la SAV fait valoir que la Commission améconnu l'obligation de coopération avec l'Autorité de surveillance AELE. Enparticulier, les dispositions des articles 53, 56 et 58 de l'accord sur l'Espaceéconomique européen, signé à Porto le 2 mai 1992 et entré en vigueur le1er janvier 1994, ainsi que ses protocoles 21 et 23, feraient obligation à laCommission de coopérer avec l'Autorité de surveillance AELE, en ce qui concernela détermination de la politique de concurrence et l'adoption des décisionsindividuelles dans ce domaine. En s'abstenant de consulter le comité consultatif, laCommission aurait privé l'Autorité de surveillance AELE de la possibilitéd'exprimer son point de vue. L'obligation de coopération avec cette Autorités'imposerait du fait même de l'adoption d'une décision, indépendamment de laquestion de savoir si cette décision est identique à une décision antérieure annulée.En outre, s'agissant d'une affaire mettant en cause la politique de la concurrence,l'Autorité de surveillance aurait dû être appelée à coopérer avec la Commission.

— En ce qui concerne le droit d'être entendu allégué par les requérantes

212.
    La Commission aurait violé à plusieurs titres le droit des entreprises de faireconnaître leur point de vue.

213.
    En premier lieu, LVM et DSM soutiennent que la seule intention d'adopter unnouvel acte faisant grief suffirait à entraîner l'obligation d'entendre les parties surcette intention (arrêt de la Cour du 12 février 1992, Pays-Bas e.a./Commission,C-48/90 et C-66/90, Rec. p. I-565, point 44). ICI estime qu'elle aurait dû en toutétat de cause être entendue sur le caractère souhaitable ou judicieux d'une nouvelledécision dans les circonstances de l'espèce.

214.
    En second lieu, selon la SAV, Hüls et Enichem, la décision préalable de s'écarterde la procédure normale d'adoption d'une décision aurait justifié une audition desparties sur cette décision préalable.

215.
    La SAV estime que, en ne reprenant pas l'ensemble de la procédure administrativeafin d'adopter la Décision, la Commission a effectué un choix. Or, le droit, pour ledestinataire d'un acte, d'être informé des conditions dans lesquelles la Commissionenvisage d'adopter une décision s'imposerait aux autorités publiques, même enl'absence d'un texte spécifique (arrêts de la Cour du 27 juin 1991,Al-Jubail Fertilizer et Saudi Arabian Fertilizer/Conseil, C-49/88, Rec. p. I-3187,point 16, et Pays-Bas e.a./Commission, précité). La Commission aurait donc dûentendre les entreprises sur le choix procédural envisagé.

216.
    Hüls considère pour sa part qu'elle aurait dû être mise en mesure de présenter sesobservations sur la légalité de la procédure que la Commission entendait suivreaprès l'arrêt du 15 juin 1994, notamment sur le point de savoir si une nouvelledécision pouvait être adoptée sans nouvelle audition.

217.
    BASF, Wacker, Hoechst et Hüls soulignent que la Commission, dubitative sur ladémarche à suivre pour l'adoption de la Décision, aurait demandé à son servicejuridique une note sur ce point. BASF, Hüls et Wacker demandent au Tribunald'enjoindre à la Commission de produire cette note au dossier et, selon BASF, s'iln'y a eu qu'un avis oral, d'entendre l'agent qui l'a délivré.

218.
    En troisième lieu, LVM, BASF, Shell, DSM, la SAV, ICI et Enichem soutiennentque l'adoption d'une nouvelle décision impliquait l'obligation, pour la Commission,d'entendre les entreprises concernées avant l'adoption d'un acte leur faisant grief(arrêts de la Cour du 10 juillet 1986, Belgique/Commission, 234/84, Rec. p. 2263,point 27, du 10 juillet 1986, Belgique/Commission, 40/85, Rec. p. 2321, point 28, du11 novembre 1987, France/Commission, 259/85, Rec. p. 4393, point 12, du14 février 1990, France/Commission, C-301/87, Rec. p. I-307, point 29, et Pays-Base.a./Commission, précité, point 44). Les entreprises auraient ainsi pu faire valoirleurs observations notamment sur l'évolution de la jurisprudence relativement à lanotion de pratique concertée et les modalités de preuves de l'existence de celle-ci.De même auraient-elles pu présenter leurs observations sur l'évolution de lajurisprudence relativement aux conditions d'accès au dossier de la Commission,l'interprétation des règles de prescription, le retard avec lequel la Commission s'estprononcée, la discrimination par rapport à Norsk Hydro et Solvay et le principenon bis in idem.

219.
    Wacker, Hoechst et ICI estiment, dans ce contexte, que la Commission ne peut pasprétendre limiter le droit d'être entendu aux seuls griefs reprochés à uneentreprise. Une entreprise devrait pouvoir faire connaître ses observations chaquefois que la Commission émet de nouveaux points de vue qui n'ont pas étécommuniqués jusqu'alors, qu'ils se rapportent aux faits ou au droit.

220.
    LVM et DSM considèrent également que la faculté des entreprises de soumettrele litige au Tribunal ne dispense pas la Commission de les entendre avantl'adoption d'une décision (arrêt du 29 juin 1995, ICI/Commission, T-36/91, précité,point 108) et la violation du droit fondamental ne peut être ainsi régularisée, saufà porter atteinte à l'équilibre institutionnel.

221.
    Selon la SAV, la procédure ancienne n'aurait pu être reprise au stade où elle avaitété viciée que dans la mesure où elle aurait été réactualisée, ce qui imposait à laCommission de tenir compte, au stade de la réfection de l'acte, des modificationsde fait et de droit qui étaient intervenues (arrêts de la Cour du 3 octobre 1991,Italie/Commission, C-261/89, Rec. p. I-4437, British Aerospace etRover/Commission, précité, et conclusions de l'avocat général M. van Gerven sous

cet arrêt, Rec. p. I-504, points 10 et 12). La SAV souligne qu'elle aurait dû êtreentendue afin de se prévaloir des évolutions jurisprudentielles (ci-dessus point 218),ce qui ferait partie de l'objet spécifique de la procédure administrative. Par ailleurs,le seul fait que la SAV puisse se prévaloir de cette jurisprudence à l'occasion duprésent recours n'affecterait pas l'obligation qu'avait la Commission de l'entendreauparavant à ce sujet, ce qui aurait pu conduire à une décision différente.

222.
    En quatrième lieu, LVM, Elf Atochem, BASF, Shell, DSM, Wacker, Hoechst, laSAV, ICI, Hüls et Enichem considèrent que les entreprises devaient être entenduescar la Décision contient des différences textuelles par rapport à la décision initiale,sur des points décisifs (arrêts de la Cour du 14 juillet 1972, Bayer/Commission,51/69, Rec. p. 745, point 11, et Cassella/Commission, 55/69, Rec. p. 887, point 11),telles que l'appréciation des règles relatives à la prescription, la suppression dedeux phrases relatives aux effets de l'entente (point 37 des considérants de laDécision), l'ajout d'une partie relative à la procédure depuis 1988, l'omission deSolvay et de Norsk Hydro. Shell estime, de plus, que le maintien de l'injonction dene plus faire (article 2 de la Décision) atteste que la Commission devait disposerd'informations relatives à la période 1988-1994, sur lesquelles Shell n'a pas étéentendue.

223.
    En cinquième lieu, BASF soutient que la précédente procédure administrativeayant été close par la décision de 1988, une nouvelle audition des entreprisess'imposait.

224.
    En sixième lieu, BASF, Wacker, Hoechst, ICI et Hüls allèguent qu'elles auraientdû être entendues car un délai de six années s'est écoulé entre l'audition etl'adoption de la Décision. Dans le même sens, Shell fait valoir qu'un laps de tempsexcessif s'est écoulé entre l'infraction prétendue et l'adoption de la Décision; seposerait alors la question de savoir si la procédure n'est pas abusive et injustementpréjudiciable à la requérante. BASF, Wacker, Hoechst et Hüls soulignent que laprocédure de constatation d'infraction aboutissant à l'imposition d'amendes a unefonction dissuasive (arrêt Musique Diffusion française e.a./Commission, précité,point 106) et présente un caractère quasi-pénal. Des garanties identiques à cellesprévues en procédure pénale devraient donc être reconnues. Parmi ces garantiesfigureraient notamment l'obligation d'une proximité raisonnable dans le tempsentre la date de l'audition et celle de la décision (arrêt du Tribunal du 7 juillet1994, Dunlop Slazenger/Commission, T-43/92, Rec. p. II-441, point 167). Enl'espèce, le délai de six ans écoulé entre ces deux dates, qui ne pourrait pas êtreimputé aux entreprises dès lors que la décision de 1988 était entachée de gravesvices, ne pourrait être qualifié de raisonnable. BASF ajoute que, compte tenu del'évolution du marché du PVC, de celle de la situation de BASF et desmodifications substantielles apportées au texte de la Décision, une nouvelleaudition des entreprises s'imposait afin d'adopter la Décision en tenant compte detoutes les circonstances de droit et de fait existant à la date d'adoption.

225.
    ICI soutient enfin qu'elle ne peut être considérée comme ayant été en mesure dedéfendre efficacement ses intérêts, dès lors que six années se sont écoulées entrela présentation de ses observations, écrites et orales, et l'adoption de la Décision;en effet, le droit de présenter effectivement des observations suppose d'êtreentendu dans le contexte juridique et factuel prévalant au cours de la périodeimmédiatement antérieure à l'adoption d'une décision.

Arguments de la Commission

226.
    En réponse aux moyens et arguments des parties requérantes, la Commissionexpose que, à l'égard des requérantes, la décision de 1988 a été annulée par l'arrêtde la Cour du 15 juin 1994, pour défaut d'authentification de la décision de 1988,en violation de l'article 12, premier alinéa, du règlement intérieur de la Commissionalors en vigueur (arrêt du 15 juin 1994, points 76 à 78).

227.
    Dès lors, la validité de la procédure accomplie jusqu'au stade où le vice estintervenu ne se trouverait pas affectée. La Commission aurait donc été en droit,pour tirer les conséquences de l'arrêt de la Cour, de se limiter à adopter unedécision dûment authentifiée, en l'absence, d'une part, de toute nouvelle règle deprocédure d'application de l'article 85 du traité édictée après la date de la décisionannulée, d'autre part, de circonstances de fait nouvelles, dès lors que les faitsincriminés seraient depuis longtemps révolus. Ceci serait au demeurant conformeà l'objet spécifique de la procédure administrative préalable (arrêt de la Cour du17 janvier 1984, VBVB et VBBB/Commission, 43/82 et 63/82, Rec. p. 19, point 52).Une solution contraire relèverait d'un formalisme excessif (arrêtFrubo/Commission, précité, point 11).

228.
    La Commission ajoute que les différences textuelles existant entre la décision de1988 et la Décision ne sont pas substantielles (arrêts de la Cour ACFChemiefarma/Commission, précité, point 178, du 4 février 1982,Buyl e.a./Commission, 817/79, Rec. p. 245, point 23, Fedesa e.a., précité, du16 juillet 1992, Parlement/Conseil, précité, et du 1er juin 1994, Parlement/Conseil,précité), si bien que la jurisprudence invoquée par certaines requérantes(notamment, arrêts Transocean Marine Paint/Commission et British Aerospace etRover/Commission, précités) ne serait pas pertinente.

229.
    En réalité, les modifications purement rédactionnelles apportées au texte nejustifieraient pas l'ouverture d'une audition puisque ces ajouts ne constitueraientpas des griefs. Si deux phrases du point 37 des considérants de la version allemandede la décision de 1988 ne figurent plus dans le même point de la Décision, ce seraituniquement pour des raisons d'harmonisation avec les autres versions linguistiquesfaisant également foi. Toutefois, l'adaptation du texte ne constituant pas un grief,il n'aurait pas été nécessaire d'entendre ces requérantes à ce sujet.

230.
    Dès lors que le vice ayant conduit à l'annulation de la décision de 1988 aurait étéclairement circonscrit à l'étape ultime de l'adoption de la décision et que laDécision ne serait en rien substantiellement différente de la précédente, l'ensembledes étapes précédant l'adoption de la décision de 1988 demeurerait valable.

231.
    Dans ces conditions, en l'absence de tout nouveau grief à l'encontre desrequérantes, la Commission estime qu'elle n'était tenue, ni d'adresser une nouvellecommunication des griefs, ni de donner aux entreprises l'occasion de présenterleurs observations orales ou écrites, ni de saisir le conseiller-auditeur, ce qui seraitindissociable des deux précédentes étapes procédurales.

232.
    La Commission n'aurait pas non plus été tenue de consulter le comité consultatif.En effet, compte tenu de l'annulation de la décision de 1988, la consultation ducomité consultatif, intervenue le 30 novembre 1988, devrait être considérée, enl'absence de griefs nouveaux, comme la consultation préalable à l'adoption de laDécision. Il aurait ainsi été satisfait au sens et à l'objectif de l'article 10,paragraphe 3, du règlement n° 17. Elle souligne également que la référence audroit d'intervention du comité consultatif dans le contexte du renouvellement d'unedécision d'exemption n'est pas pertinente en l'espèce. En effet, un telrenouvellement concernerait un autre cadre de référence temporel, si bien que lesappréciations se fonderaient sur des paramètres différents.

233.
    Dans les affaires BASF et ICI, la Commission précise que sa position concernantle comité consultatif n'exclut pas les adaptations non essentielles du texte, telles quecelles relatives à la prescription et à la suppression de deux phrases de la versionallemande de la Décision. Quant à l'affaire Transocean Marine Paint/Commission,à laquelle se réfère la SAV, elle démontrerait qu'un nouvel avis est seulementnécessaire lorsqu'un élément de fond n'a pas été initialement soumis au comitéconsultatif. Tel ne serait cependant pas le cas en l'espèce.

234.
    La Commission relève, de plus, qu'elle n'est pas liée par l'avis du comitéconsultatif, ainsi qu'il ressortirait de l'article 10, paragraphe 6, deuxième phrase, durèglement n° 17.

235.
    Dans l'affaire concernant la SAV, la Commission rappelle, en tout état de cause,que le comité consultatif a été informé de l'argumentation de la SAV en réponseaux griefs (arrêts Michelin/Commission, précité, point 7, et Hüls/Commission,précité, point 86), et que ceux-ci n'ont pas changé depuis 1988. Elle ajoutequ'aucune consultation du comité consultatif ne s'imposait sur l'opportunitéd'adopter une nouvelle décision.

236.
    Enfin, l'article 1er du règlement n° 99/63 n'imposerait la consultation du comitéconsultatif qu'après l'audition des parties. Or, une nouvelle audition des partiesn'ayant pas été nécessaire, une nouvelle consultation du comité consultatif ne se

serait pas non plus imposée, par identité de motifs (arrêt de la Cour du21 septembre 1989, Hoechst/Commission, 46/87 et 227/88, Rec. p. 2859, point 54).

237.
    Par ailleurs, la Commission fait observer qu'elle est seule juge de l'opportunitéd'adopter, ou d'adopter de nouveau, une décision (arrêt Parker Pen/Commission,précité, point 65), si bien qu'elle n'avait pas à entendre les parties sur un prétenduchoix procédural. Il n'existerait d'ailleurs aucune décision propre dans laquelle laCommission aurait décidé de retenir une procédure autre que celle prévue par lestextes.

238.
    La Commission ajoute enfin que les prétendues évolutions jurisprudentielles, tanten ce qui concerne la notion de pratique concertée que la question de l'accès audossier, ne sont pas pertinentes, dès lors qu'il n'y a aucun rapport avec lamatérialité des griefs se rapportant à la période de référence. Ces évolutionsjurisprudentielles alléguées n'auraient ainsi pas conduit à une modification desgriefs retenus à l'égard des requérantes. Si elles peuvent être invoquées par desrequérantes pour obtenir l'annulation de la procédure administrative préalable,elles ne pourraient en revanche conduire à l'annulation de la Décision pour défautde réouverture de procédure.

239.
    Au demeurant, les questions de procédure, sur lesquelles la jurisprudence auraitévolué, ne feraient pas normalement partie de la communication des griefs etn'auraient pas à être examinées par la Commission dans sa décision (arrêts du14 juillet 1972, ICI/Commission, précité, et Michelin/Commission, précité). A cetégard, les éléments relatifs à l'accès au dossier qui apparaissent dans la Décisionne constitueraient pas une partie de la motivation essentielle venant à l'appui dudispositif.

240.
    Dans l'affaire Elf Atochem, la Commission souligne que l'argument de larequérante selon lequel elle aurait dû être entendue sur l'application des principesnon bis in idem et de proportionnalité n'a pas de sens, puisqu'aucun de cesprincipes ne serait en cause en l'espèce. De plus, l'argument de cette requérantetiré de l'évolution du marché du PVC entre 1988 et 1994 serait dénué depertinence, dès lors que cette évolution, à la supposer établie, serait sans incidencesur l'appréciation des faits, qui se situent entre 1980 et 1984. Dans le même sens,la Commission précise, dans l'affaire T-313/94, que rien dans la Décision n'indiqueque des éléments relatifs à la période 1988-1994 auraient été utilisés à l'appui del'article 2 du dispositif.

241.
    Dans les affaires BASF, Wacker et Hoechst, la Commission fait observer, enréponse au moyen relatif à la longueur de la période séparant l'audition de laDécision, que la procédure administrative en matière de concurrence n'est pas denature pénale et ne connaît pas le principe de l'oralité. Pour cette raison, rien nes'opposerait à ce que les membres de la Commission soient informés des résultatsde l'audition par des personnes que la Commission a mandatées pour y procéder,

conformément à l'article 9, paragraphe 1, du règlement n° 99/63, sans avoir àassister personnellement à cette audition (arrêt du 15 juillet 1970,Boehringer/Commission, précité, point 23). Elle rappelle, en outre, que leconseiller-auditeur veille à l'établissement d'un procès-verbal de l'audition, lu etapprouvé par l'entreprise en cause.

242.
    Enfin, le simple écoulement du temps entre l'infraction et la Décision, entre ladécision de 1988 et la Décision, et entre l'audition et la Décision, n'ouvrirait pasun droit d'audition, le législateur communautaire ayant voulu qu'il y ait suspensionpendant la durée de la procédure judiciaire (article 3 du règlement n° 2988/74).Shell, qui invoque l'écoulement du temps entre l'infraction et la Décision, n'aurait,à cet égard, subi aucun préjudice.

243.
    De surcroît, la Décision n'aurait pas été prise de façon surprenante. En effet, parun communiqué de presse publié le jour même du prononcé de l'arrêt de la Cour,la Commission avait fait part de ses intentions.

244.
    La Commission nie enfin avoir méconnu les dispositions de l'accord EEE; en effet,celui-ci serait inapplicable ratione temporis, au motif que les faits ayant conduit àla Décision sont antérieurs à l'entrée en vigueur de cet accord le 1er janvier 1994.

245.
    Dans les affaires BASF, Wacker et Hüls, la Commission observe qu'il n'existe pasd'avis de son service juridique portant sur le point de savoir si une nouvelledécision pouvait être adoptée à l'égard des producteurs de PVC sur la base de laprocédure administrative antérieure à l'adoption de la décision de 1988. En toutehypothèse, un tel avis présenterait un caractère purement interne et ne serait pasaccessible aux tiers (arrêt Hüls/Commission, précité, point 86).

Appréciation du Tribunal

246.
    Le respect des droits de la défense dans toute procédure susceptible d'aboutir àdes sanctions, notamment à des amendes ou astreintes, constitue un principefondamental du droit communautaire, qui doit être observé même s'il s'agit d'uneprocédure de caractère administratif (arrêt Hoffmann-La Roche/Commission,précité, point 9).

247.
    Faisant application de ce principe, l'article 19, paragraphe 1, du règlement n° 17et l'article 4 du règlement n° 99/63 prescrivent à la Commission de ne retenir danssa décision finale que les griefs au sujet desquels les entreprises et associationsd'entreprises intéressées ont eu l'occasion de faire connaître leur point de vue.

248.
    Le droit des entreprises et associations d'entreprises intéressées de faire connaîtreleur point de vue, lors de la phase écrite et de la phase orale de la procédureadministrative, au sujet des griefs retenus par la Commission constitue un élémentessentiel des droits de la défense (arrêt Hoechst/Commission, précité, point 52).

Une telle audition est, en effet, nécessaire afin «d'assurer aux entreprises etassociations d'entreprises le droit de présenter des observations à l'issue desinstructions au sujet de l'ensemble des griefs que la Commission se propose deretenir contre elles dans ses décisions» (troisième considérant du règlementn° 99/63).

249.
    Le respect des droits de la défense requiert donc que soit donnée à chaqueentreprise ou association d'entreprises intéressée la possibilité d'être entendue surles griefs que la Commission entend retenir contre chacune d'elles dans la décisionfinale constatant l'infraction aux règles de la concurrence.

250.
    En l'espèce, il a déjà été constaté que l'annulation de la décision de 1988 n'a pasaffecté la validité des mesures préparatoires de cette décision, antérieures au stadeoù le vice est survenu (ci-dessus point 189). La validité de la communication desgriefs, envoyée à chacune des requérantes au début du mois d'avril 1988, n'a doncpas été mise en cause par l'arrêt du 15 juin 1994. De même et pour des raisonsidentiques, la validité de la phase orale de la procédure administrative, qui s'estdéroulée devant la Commission dans le courant du mois de septembre 1988, n'apas été affectée.

251.
    Dès lors, le Tribunal estime qu'une nouvelle audition des entreprises intéresséesn'était requise avant l'adoption de la Décision que dans la mesure où celle-cicontenait des griefs nouveaux par rapport à ceux qui étaient énoncés dans ladécision initiale annulée par la Cour.

252.
    Or, les requérantes ne contestent pas que le texte de la Décision ne contient aucungrief nouveau par rapport à celui de la décision de 1988. Dans ces conditions, c'està juste titre que la Commission a adopté la Décision sans procéder à une nouvelleaudition des entreprises intéressées. A cet égard, le fait que la Décision a étéadoptée dans des circonstances de fait et de droit différentes de celles ayant existéà l'époque de l'adoption de la décision initiale ne signifie nullement que la Décisioncontient de nouveaux griefs.

253.
    N'ayant pas été tenue de procéder à une nouvelle audition des entreprisesintéressées, la Commission n'a pas pu méconnaître les termes de sa décision, du23 novembre 1990, relative au déroulement des auditions dans le cadre desprocédures d'application des articles 85 et 86 du traité CEE et des articles 65 et66 du traité CECA. Cette décision n'était, en effet, pas applicable dans le tempsà la phase orale de la procédure administrative qui a précédé l'adoption de laDécision.

254.
    S'agissant du comité consultatif, dont les dispositions de l'article 10, paragraphes 3à 6, du règlement n° 17, règlent les compétences, la composition et la procédurede consultation, le Tribunal relève qu'il a émis son avis sur l'avant-projet dedécision de la Commission le 1er décembre 1988.

255.
    L'allégation des requérantes, selon laquelle, dans les circonstances de l'espèce, laCommission devait procéder à une nouvelle consultation du comité consultatifavant d'adopter la Décision, ne peut pas être accueillie.

256.
    En effet, aux termes de l'article 1er du règlement n° 99/63, «avant de consulter lecomité consultatif en matière d'ententes et de positions dominantes, la Commissionprocède à une audition en application de l'article 19, paragraphe 1, du règlementn° 17». Cette disposition confirme que l'audition des entreprises intéressées et laconsultation du comité consultatif sont nécessaires dans les mêmes situations (arrêtHoechst/Commission, précité, point 54).

257.
    Or, ainsi que le Tribunal l'a jugé précédemment (ci-dessus point 252), une nouvelleaudition des entreprises intéressées n'était nullement nécessaire, dans lescirconstances de l'espèce, avant l'adoption de la Décision. Étant donné que, parrapport à la décision de 1988, sur un avant-projet de laquelle le comité avait étéconsulté conformément à l'article 10, paragraphe 5, du règlement n° 17, la Décisionne comporte que des modifications rédactionnelles n'affectant pas les griefs, unenouvelle consultation du comité consultatif n'était pas requise.

258.
    Enfin, il convient de relever, dans ce contexte, que la Décision fait expressémentmention, dans sa partie introductive, de la consultation du comité consultatif. Legrief invoqué par la SAV et ICI, tiré d'une insuffisance de motivation de laDécision à cet égard, doit donc être écarté.

259.
    En ce qui concerne le grief tiré de la prétendue méconnaissance de l'obligation decoopération avec l'Autorité de surveillance AELE, il suffit de relever que, aucunenouvelle audition des entreprises intéressées et aucune nouvelle consultation ducomité consultatif n'ayant été requises avant l'adoption de la Décision, lesdispositions pertinentes de l'accord EEE et celles des protocoles 21 et 23 n'étaientpas applicables à la procédure administrative en cours. En effet, ces dispositionssont entrées en vigueur le 1er janvier 1994, date à laquelle les étapes procéduralesrequérant la coopération entre la Commission et l'Autorité de surveillance AELE,à savoir l'audition des entreprises et la consultation du comité consultatif, avaientdéjà eu lieu.

260.
    Les requérantes se prévalent également de la jurisprudence selon laquelle lerespect des droits de la défense, dans toute procédure ouverte à l'encontre d'unepersonne et susceptible d'aboutir à un acte faisant grief à celle-ci, constitue unprincipe fondamental de droit communautaire et doit être assuré, même enl'absence d'une réglementation spécifique (notamment, arrêt Pays-Base.a./Commission, précité, point 44).

261.
    Toutefois, il ne peut pas être déduit de cette jurisprudence que la Commissiondevait de nouveau entendre les requérantes avant d'adopter l'acte qui leur faitgrief.

262.
    En effet, il y a lieu de rappeler que la procédure administrative de constatationd'infraction aux dispositions de l'article 85 du traité est régie par les règlementsn° 17 et n° 99/63. Or, cette réglementation spécifique contient des dispositions(ci-dessus point 247) qui garantissent expressément et effectivement le principe durespect des droits de la défense.

263.
    En tout état de cause, selon cette jurisprudence, le principe du respect des droitsde la défense requiert que le destinataire de la décision se voie communiquer,avant l'adoption de la décision finale lui faisant grief, un exposé précis et completdes griefs que la Commission entend retenir à son encontre.

264.
    Dès lors, contrairement à ce que soutiennent les requérantes, il ne saurait êtredéduit de cette jurisprudence que le respect des droits de la défense impose à laCommission, lorsqu'elle entame une procédure de constatation d'infraction auxrègles communautaires de la concurrence à l'encontre de plusieurs entreprises, uneobligation autre que celle de mettre chacune de ces entreprises en mesure, aucours de cette procédure, de faire connaître utilement son point de vue sur laréalité et la pertinence des faits et circonstances allégués et sur les documentsretenus par la Commission à l'appui de son allégation quant à l'existence d'uneviolation du droit communautaire.

265.
    De même, il y a lieu de constater que l'arrêt Transocean Marine Paint/Commission,précité, invoqué par les requérantes à l'appui de leur thèse de la nécessité d'unenouvelle audition, est dénué de pertinence en l'espèce, étant donné qu'il concerneune situation particulière, à savoir celle du respect des droits de la défense d'uneentreprise lorsque la Commission envisage de subordonner une exemption prévueà l'article 85, paragraphe 3, du traité à certaines conditions.

266.
    Il s'ensuit que la Commission n'était pas tenue, avant d'adopter la Décision,d'entendre les entreprises concernées sur son intention d'adopter un nouvel actefaisant grief, sur le choix procédural opéré, sur leurs diverses observations relativesà certains éléments de fait et de droit, ainsi que sur les différences existant entrele texte de la Décision et celui de la décision initiale annulée. Il importe desouligner qu'il n'est pas allégué que ces circonstances constituent des griefsnouveaux.

267.
    Par ailleurs, l'absence d'obligation pour la Commission de procéder à une nouvelleaudition des entreprises intéressées n'est pas affectée par le délai de six années quis'est écoulé entre la phase orale de la procédure administrative et l'adoption de laDécision. En effet, ces entreprises ont eu la possibilité de développer verbalement,en septembre 1988, leurs points de vue sur les griefs, inchangés depuis cette dateet retenus contre elles dans la Décision.

268.
    Enfin, à supposer même que le service juridique de la Commission ait émis un avisportant sur le point de savoir si une nouvelle décision pouvait être adoptée à

l'égard des producteurs de PVC sur la base de la procédure administrativeantérieure à l'adoption de la décision de 1988, le respect des droits de la défensen'exige pas que les entreprises impliquées dans une procédure au titre del'article 85, paragraphe 1, du traité puissent commenter un tel avis qui constitue undocument purement interne à la Commission. A cet égard, il convient de soulignerque la Commission n'est pas tenue de se ranger à l'avis émis par son servicejuridique et, dans ces conditions, il ne présente aucun aspect décisif dont le jugecommunautaire ait à tenir compte pour exercer son contrôle (voir, dans le mêmesens, arrêt Hüls/Commission, précité, point 86).

269.
    Il y a lieu d'écarter également l'argument invoqué par LVM et DSM (ci-dessuspoint 140), selon lequel la Décision serait illicite au motif qu'elle constitue, enl'absence d'une enquête préalable, un moyen disproportionné d'atteindre l'objectifde protection de la concurrence. Il suffit de rappeler à cet égard que laCommission n'était pas tenue de procéder à une nouvelle audition des entreprisesintéressées avant d'adopter la Décision. La disproportion alléguée par lesrequérantes repose donc sur une prémisse erronée.

270.
    Au vu de tout ce qui précède, il convient de rejeter l'ensemble des griefs invoquéspar les requérantes.

B — Sur les irrégularités commises lors de l'adoption et de l'authentification de laDécision

271.
    Des requérantes soutiennent que des irrégularités ont été commises par laCommission lors de l'adoption et de l'authentification de la Décision.

272.
    Lors de l'audience, Wacker et Hoechst se sont désistées d'un moyen tiré du défautd'authentification de la Décision, ce dont il a été pris acte par le greffier. LeTribunal considère que ce désistement emporte également celui du moyen tiré dudéfaut de conformité entre les copies de la Décision notifiées à Wacker et àHoechst et l'original, ce second moyen étant étroitement lié au premier.

273.
    Les allégations des requérantes se composent de plusieurs moyens.

1. Sur les moyens tirés de l'illégalité du règlement intérieur de la Commission du17 février 1993

Arguments des parties

274.
    LVM et DSM rappellent que la Décision a été adoptée en vertu des dispositionsdu règlement intérieur de la Commission du 17 février 1993 (JO L 230, p. 16,ci-après «règlement intérieur»). L'article 16 de ce règlement prévoit que les actesadoptés, annexés au procès-verbal de la réunion au cours de laquelle ils ont été

adoptés, sont authentifiés par les signatures du président et du secrétaire généralde la Commission apposées à la première page de ce procès-verbal.

275.
    Selon LVM et DSM, une partie peut invoquer la violation d'un tel règlementintérieur en tant que forme substantielle (arrêt du 27 février 1992, BASFe.a./Commission, précité, point 75). En l'espèce, les dispositions en matièred'authentification ne seraient pas conformes aux principes dégagés dans les arrêtsdu 27 février 1992, BASF e.a./Commission, précité (points 75 et 78), et du 15 juin1994 (points 75, 76 et 78), selon lesquels l'obligation d'authentification par lasignature, sur l'acte lui-même, du président et du secrétaire général de laCommission traduit une exigence fondamentale du droit communautaire, inspiréede considérations de sécurité juridique. En conséquence, il n'existerait pas d'actefaisant foi en langue néerlandaise dûment authentifié.

276.
    Enichem soutient que, en adoptant la Décision, la Commission a violé soit lesprincipes énoncés dans l'arrêt du 15 juin 1994, soit son règlement intérieur. Eneffet, les articles 2 et 16 de ce règlement, relatifs, respectivement, à l'habilitationen vue de l'adoption et à l'authentification des actes adoptés en vertu de cetteprocédure, ne seraient pas compatibles avec le respect du principe de collégialité.

277.
    En outre, les modalités de l'authentification des actes, prévues par l'article 16 durèglement intérieur, ne garantiraient pas la sécurité juridique requise par la Cour,puisque serait authentifié le procès-verbal et non la mesure adoptée.

278.
    La Commission répond aux moyens de LVM et de DSM que l'exception d'illégalitésoulevée à l'encontre du règlement intérieur est irrecevable. En effet, le règlementintérieur d'une institution ne constituerait pas un acte de portée générale,obligatoire dans tous ses éléments et directement applicable dans tout Étatmembre, aux fins de l'application de l'article 184 du traité. Elle observe que, entoute hypothèse, LVM et DSM confondent le principe de collégialité visé parl'article 163 du traité et l'authentification des décisions. Il serait ainsi faux deprétendre que l'article 12 du règlement intérieur, dans sa version en vigueur à ladate d'adoption de la décision de 1988, était le seul moyen de respecter le principede collégialité (arrêt du 15 juin 1994, points 72 à 77).

279.
    La Commission estime qu'Enichem n'établit ni en quoi le règlement intérieur neserait pas conforme à l'arrêt de la Cour, ni en quoi ce prétendu défaut deconformité concernerait des éléments relatifs à l'adoption de la Décision (arrêt duTribunal du 27 octobre 1994, Deere/Commission, T-35/92, Rec. p. II-957).

Appréciation du Tribunal

280.
    Le Tribunal estime, à titre liminaire, que l'argumentation des requérantes doit êtrecomprise en ce sens qu'elles excipent de l'illégalité de certaines dispositions durèglement intérieur de la Commission, en vigueur lors de l'adoption de la Décision.

En effet, les requérantes mettent en cause de façon incidente, conformément àl'article 184 du traité, la validité de certaines dispositions du règlement intérieur eninvoquant un des moyens de contrôle de légalité mentionné à l'article 173 de cetraité, à savoir la violation du traité ou de toute règle de droit relative à sonapplication.

281.
    L'exception d'illégalité des dispositions du règlement intérieur s'ordonne en deuxbranches. Dans une première branche, LVM, DSM et Enichem soutiennent queles dispositions de l'article 16, premier alinéa, du règlement intérieur, relatif auxmodalités d'authentification des actes adoptés, contreviennent au principe desécurité juridique, tel que retenu par la Cour dans l'arrêt du 15 juin 1994. Dans uneseconde branche, Enichem fait valoir que les dispositions des articles 2, sous c), et16, deuxième alinéa, du règlement intérieur, relatives à la procédure d'habilitationcontreviennent au principe de collégialité.

— Sur la recevabilité de l'exception d'illégalité

282.
    Le Tribunal estime nécessaire d'examiner d'office la recevabilité de l'exceptiond'illégalité dans son ensemble, sans se limiter à la seule objection soulevée par laCommission.

283.
    Aux termes de l'article 184 du traité, «nonobstant l'expiration du délai prévu àl'article 173, cinquième alinéa, toute partie peut, à l'occasion d'un litige mettant encause un règlement arrêté conjointement par le Parlement européen et le Conseilou un règlement du Conseil, de la Commission ou de la [Banque centraleeuropéenne], se prévaloir des moyens prévus à l'article 173, deuxième alinéa, pourinvoquer devant la Cour de justice l'inapplicabilité de ce règlement».

284.
    Il convient de relever, en premier lieu, que, selon la jurisprudence de la Cour (arrêtSimmenthal/Commission, précité, points 39 à 41), l'article 184 du traité estl'expression d'un principe général assurant à toute partie le droit de contester, envue d'obtenir l'annulation d'une décision qui la concerne directement etindividuellement, la validité des actes institutionnels antérieurs, constituant la basejuridique de la décision attaquée, si cette partie ne disposait pas du droitd'introduire, en vertu de l'article 173 du traité, un recours direct contre ces actes,dont elle subit ainsi les conséquences sans avoir été en mesure d'en demanderl'annulation.

285.
    L'article 184 du traité doit donc recevoir une interprétation large afin que soitassuré un contrôle de légalité effectif des actes des institutions. En ce sens, la Coura déjà jugé dans l'arrêt Simmenthal/Commission, précité (point 40), que le champd'application de cet article doit s'étendre aux actes des institutions, qui, s'ils n'ontpas la forme d'un règlement, produisent cependant des effets analogues.

286.
    Le Tribunal considère que le champ d'application de l'article 184 du traité doitégalement s'étendre aux dispositions d'un règlement intérieur d'une institution qui,bien qu'elles ne constituent pas la base juridique de la décision attaquée et neproduisent pas des effets analogues à ceux d'un règlement au sens de cet article dutraité, déterminent les formes substantielles requises aux fins de l'adoption de cettedécision et assurent, par conséquent, la sécurité juridique des personnes qui en sontdestinataires. Il importe, en effet, que tout destinataire d'une décision puissecontester de manière incidente la légalité de l'acte qui conditionne la validitéformelle de cette décision, nonobstant le fait que l'acte en cause ne constitue pasle fondement juridique de celle-ci, dès lors qu'il n'a pas été en mesure dedemander l'annulation de cet acte avant d'avoir reçu notification de la décisionlitigieuse.

287.
    Par conséquent, les dispositions du règlement intérieur de la Commission peuventfaire l'objet d'une exception d'illégalité pour autant qu'elles assurent la protectiondes particuliers.

288.
    En second lieu, il convient de rappeler que l'exception d'illégalité doit être limitéeà ce qui est indispensable à la solution du litige.

289.
    En effet, l'article 184 du traité n'a pas pour but de permettre à une partie decontester l'applicabilité de quelque acte de caractère général que ce soit à la faveurd'un recours quelconque. L'acte général dont l'illégalité est soulevée doit êtreapplicable, directement ou indirectement, à l'espèce qui fait l'objet du recours etil doit exister un lien juridique direct entre la décision individuelle attaquée et l'actegénéral en question (arrêts de la Cour du 31 mars 1965, Macchiorlati Dalmas eFigli/ Haute Autorité, 21/64, Rec. p. 227, 245, du 13 juillet 1966, Italie/Conseil etCommission, 32/65, Rec. p. 563, 594, et arrêt du Tribunal du 26 octobre 1993,Reinarz/Commission, T-6/92 et T-52/92, Rec. p. II-1047, point 57).

290.
    En l'espèce, l'exception d'illégalité, prise en sa seconde branche, vise à faireconstater que les dispositions du règlement intérieur de la Commission relatives àl'habilitation violent le principe de collégialité. Or, Enichem ne soutient même pasque la Décision ait été adoptée en vertu d'une compétence déléguée, ni n'avanceaucun élément de nature à le laisser penser. Enichem n'ayant pas établi l'existenced'un lien juridique direct entre la Décision et les dispositions du règlement intérieurdont elle excipe de l'illégalité, la seconde branche de l'exception doit être rejetéecomme irrecevable.

291.
    Quant à l'exception d'illégalité prise en sa première branche, il convient derappeler que la Décision a été authentifiée en vertu des dispositions de l'article 16,premier alinéa, du règlement intérieur. Il existe par conséquent un lien juridiquedirect entre la Décision et cet article du règlement intérieur dont les requérantesinvoquent l'illégalité.

292.
    Cet article du règlement intérieur détermine les modalités de l'authentification del'acte faisant grief aux requérantes. Or, l'authentification des actes selon lesmodalités prévues par le règlement intérieur de la Commission a pour but d'assurerla sécurité juridique en figeant, dans les langues faisant foi, le texte adopté par lecollège (arrêt du 15 juin 1994, point 75). Il s'ensuit que cette disposition vise àassurer la protection des destinataires de l'acte et qu'elle peut, par conséquent,faire l'objet d'une exception d'illégalité.

293.
    Il résulte de ce qui précède que l'exception d'illégalité prise en sa premièrebranche, soulevée par LVM, DSM et Enichem contre l'article 16, premier alinéa,du règlement intérieur, est recevable. Par conséquent, il convient de procéder àl'examen du bien-fondé de cette exception au regard du prétendu non-respect del'exigence de sécurité juridique.

— Sur l'illégalité de l'article 16, premier alinéa, du règlement intérieur du fait dunon-respect de l'exigence de sécurité juridique

294.
    Selon les requérantes, la Décision serait illégale car les modalités prévues àl'article 16, premier alinéa, du règlement intérieur relatives à l'authentification desactes seraient incompatibles avec l'exigence de sécurité juridique rappelée par laCour dans l'arrêt du 15 juin 1994.

295.
    L'article 16, premier alinéa, du règlement intérieur en vigueur lorsque la Décisiona été adoptée, dispose:

«Les actes adoptés en réunion ou par la procédure écrite sont annexés, dans la oules langues dans lesquelles ils font foi, au procès-verbal de la réunion de laCommission au cours de laquelle ils ont été adoptés ou au cours de laquelle il a étépris acte de leur adoption. Ces actes sont authentifiés par les signatures duprésident et du secrétaire général apposées à la première page de ce procès-verbal.»

296.
    Dans l'arrêt du 15 juin 1994, la Cour a rappelé qu'il résulte de l'article 162,paragraphe 2, du traité que la Commission a l'obligation, entre autres, de prendreles mesures aptes à permettre d'identifier avec certitude le texte complet des actesadoptés par le collège (points 72 et 73 des motifs).

297.
    A cet égard, la Cour a considéré que l'authentification des actes prévue àl'article 12, premier alinéa, du règlement intérieur en vigueur à l'époque del'adoption de la décision de 1988, qui disposait que «[l]es actes adoptés par laCommission, en séance ou par la procédure écrite, sont authentifiés, dans la ou leslangues où ils font foi, par les signatures du président et du secrétaire exécutif», apour but d'assurer la sécurité juridique en figeant, dans les langues faisant foi, letexte adopté par le collège. Elle a ajouté que «l'authentification permet ainsi devérifier, en cas de contestation, la correspondance parfaite des textes notifiés ou

publiés avec [le texte adopté par le collège] et, par là même, avec la volonté deleur auteur» (point 75 des motifs).

298.
    Au vu de ces motifs de l'arrêt du 15 juin 1994, il convient de vérifier si lesmodalités prévues à l'article 16, premier alinéa, du règlement intérieur (ci-dessuspoint 295) sont de nature à permettre d'identifier avec certitude le texte completdes actes adoptés par le collège.

299.
    Tout d'abord, il y a lieu de préciser que, contrairement à ce que soutiennent lesrequérantes, la Cour n'a pas pris position dans l'arrêt du 15 juin 1994 sur laquestion de savoir si l'authentification prévue selon les dispositions de l'article 12,premier alinéa, du règlement intérieur en vigueur à l'époque de l'adoption de ladécision de 1988 constituait l'unique mode d'authentification acceptable au regardde l'exigence de sécurité juridique. En effet, si la Cour a indiqué l'objet del'authentification des actes (point 75 des motifs), elle n'a toutefois pas précisé queles modalités requises aux fins de l'authentification par l'article 12, premier alinéa,du règlement intérieur alors en vigueur étaient seules aptes à assurer cet objet.

300.
    En outre, il était constant entre les parties devant la Cour que la Commission avaitméconnu les dispositions relatives à l'authentification, telles que prévues par lerèglement intérieur de la Commission, de sorte que la Cour a pu constaterl'illégalité de la décision initiale sur le fondement d'une violation des formessubstantielles sans avoir à se prononcer sur la légalité de l'authentification dans lestermes prévus par l'article 12, premier alinéa, de l'ancien règlement intérieur.

301.
    Enfin, les requérantes estiment que la signature apposée sur le procès-verbal nerépond pas à l'exigence de sécurité juridique puisque, à défaut d'acte portant lasignature du président et du secrétaire général, il ne serait pas possible de contrôlerla correspondance parfaite des textes notifiés ou publiés avec le texte adopté parle collège des membres de la Commission. Elles en déduisent que seule seraitauthentifiée la première page du procès-verbal.

302.
    Cet argument ne peut pas être accueilli. Le Tribunal estime que les modalitésprévues par l'article 16, premier alinéa, du règlement intérieur constituent enelles-mêmes une garantie suffisante pour contrôler, en cas de contestation, lacorrespondance parfaite des textes notifiés ou publiés avec le texte adopté par lecollège et, par là même, avec la volonté de leur auteur. En effet, dès lors que cetexte est annexé au procès-verbal et que la première page de celui-ci est signée parle président et le secrétaire général, il existe un lien entre ce procès-verbal et lesdocuments qu'il recouvre permettant d'être assuré du contenu et de la forme exactsde la décision du collège.

303.
    A cet égard, une autorité doit être présumée avoir agi conformément à lalégislation applicable tant que la non-conformité à la norme de ses agissements n'apas été constatée par le juge communautaire.

304.
    Dès lors, l'authentification prévue selon les modalités de l'article 16, premier alinéa,du règlement intérieur doit être considérée comme légale. Partant, le moyen doitêtre rejeté.

2. Sur les moyens tirés de la violation du principe de collégialité et du règlementintérieur de la Commission

Arguments des parties

305.
    LVM et DSM soutiennent que la Commission a méconnu les dispositions de sonrèglement intérieur lors de l'adoption de la Décision. Dans leurs mémoires enréplique, elles indiquent que la copie de la Décision «certifiée conforme» qui leura été notifiée est signée du membre de la Commission en charge des questions deconcurrence, ce qui tendrait à indiquer que la Décision n'a pas été adoptée par lecollège des membres de la Commission, mais par le seul membre concerné, enviolation du principe de collégialité. Cet élément suffirait pour mettre en doute laprésomption de validité de la Décision (arrêts du 29 juin 1995, ICI/Commission,T-37/91, précité, et Solvay/Commission, T-31/91, Rec. p. II-1821). LVM et DSMdemandent au Tribunal d'ordonner à la Commission de produire des informationscomplémentaires à cet égard.

306.
    Elf Atochem relève que la Décision a été adoptée à peine un mois après l'arrêt dela Cour; en outre, selon les déclarations d'un porte-parole de la Commission à lapresse, cette décision aurait été adoptée sans discussion au sein du collège. Ceséléments seraient de nature à remettre en cause la validité de la Décision pourviolation du principe de collégialité.

307.
    La Commission estime qu'une violation des règles internes de prise de décision nepeut être invoquée que lorsque la partie requérante peut démontrer, par desindications concrètes, qu'il y a lieu de douter de la validité de la prise de décision.A défaut de telles indications, l'acte de la Commission serait réputé valablementadopté (arrêt Deere/Commission, précité, point 31). Or, en l'espèce, aucuneindication concrète n'aurait été avancée par les requérantes.

Appréciation du Tribunal

308.
    La circonstance que la copie de la Décision qui a été adressée à LVM et à DSMporte le nom du membre de la Commission en charge des questions deconcurrence et la mention «ampliation certifiée conforme» («voor gelijkluidendafschrift» en néerlandais) ne constitue pas un indice de ce que la Décision a étéadoptée en violation du principe de collégialité. A cet égard, le texte de la Décisionindique qu'il s'agit d'une «décision de la Commission». En outre, il ressort de cemême texte que c'est «la Commission des Communautés européennes» qui,considérant les faits et l'appréciation juridique, a arrêté la Décision.

309.
    Dès lors, ces requérantes n'invoquent aucun indice, ni aucune circonstance précise,de nature à écarter la présomption de validité dont bénéficient les actescommunautaires (voir, notamment, arrêt Dunlop Slazenger/Commission, précité,point 24).

310.
    En l'absence d'un tel indice, il n'appartient pas au Tribunal d'ordonner les mesuresd'instruction sollicitées.

311.
    En outre, le fait que la Décision a été arrêtée dans un court laps de temps aprèsl'arrêt du 15 juin 1994, et la circonstance, à la supposer établie, qu'elle ait étéadoptée sans discussion au sein du collège des membres de la Commissionn'impliquent en rien que le principe de collégialité ait été méconnu.

312.
    Il résulte de ce qui précède que les moyens doivent être rejetés.

3. Sur le moyen relatif à la composition du dossier soumis à la délibération ducollège des membres de la Commission

313.
    ICI soutient que, en raison des vices dont serait entachée la procédureadministrative, le collège des membres de la Commission n'a pas pu prendreconnaissance de toutes les pièces pertinentes de l'affaire avant d'adopter laDécision, et notamment un nouveau rapport du conseiller-auditeur et un nouveaucompte-rendu des résultats de la consultation du comité consultatif. Le collège desmembres de la Commission, dont la composition aurait été largement modifiée parrapport à 1988, n'aurait donc pas été informé des moyens de défense d'ICI.

314.
    La Commission estime que ce moyen est dénué de tout fondement en droit.

315.
    Il y a lieu de rappeler que la Commission, après l'annulation de la décision de 1988prononcée par la Cour le 15 juin 1994, n'a commis aucune erreur de droit en neprocédant pas à une nouvelle audition des entreprises intéressées ni à une nouvelleconsultation du comité consultatif avant l'adoption de la Décision (ci-dessuspoints 246 à 258).

316.
    La prémisse du raisonnement de la requérante étant erronée, le moyen est dénuéde fondement et doit, par conséquent, être rejeté.

4. Sur les moyens tirés de la violation des principes d'identité entre l'organe ayantdélibéré et l'organe ayant statué, d'une part, et d'immédiateté, d'autre part

Arguments des parties

317.
    Hüls soutient que, en vertu du principe d'identité entre l'organe ayant délibéré etl'organe ayant statué, une décision ne peut être adoptée que par des personnes quiont participé à la procédure ou qui ont eu la possibilité de se forger une opinion

directe sur l'affaire. Or, en l'espèce, la plupart des membres de la Commission àla date d'adoption de la Décision, et en particulier celui en charge des questionsde concurrence, ainsi que le directeur général de la direction générale de laconcurrence de la Commission (DG IV), n'étaient plus ceux en poste lors del'instruction de l'affaire en 1988.

318.
    En matière de concurrence, il ne faudrait pas considérer la Commission commeune administration en tant que telle, c'est-à-dire comme une institutionindépendante de ses membres. Il conviendrait de se rapporter, à cet égard, auxarticles 1er et 12 du règlement intérieur, qui stipulent que la Commission agit encollège, et à l'article 6 du statut du conseiller-auditeur.

319.
    BASF, Wacker et Hoechst soutiennent, quant à elles, que la Commission a violéle principe de l'immédiateté. BASF observe que, à la date d'adoption de laDécision, la plupart des membres de la Commission et le directeur général de laDG IV n'étaient plus les mêmes que ceux en poste en 1988. En conséquence, laDécision aurait été adoptée par des personnes qui n'étaient pas pleinementinformées de l'affaire et qui n'ont pas eu le temps de l'être depuis le prononcé del'arrêt du 15 juin 1994. Le présent moyen ne tendrait pas à exiger que les membresde la Commission soient personnellement présents lors des auditions, mais qu'ilssoient exactement informés de ce qui s'y est dit, grâce à la mise en oeuvre desrègles de procédure, et notamment la consultation du conseiller-auditeur.

320.
    Enfin, Wacker et Hoechst soutiennent que les personnes qui élaborent la décisiondoivent avoir participé aux auditions ou, à tout le moins, doivent pouvoir recueillirà bref délai l'impression que les auditions ont produite sur d'autres participants. Teln'aurait pas été le cas en l'espèce, la plupart des membres de la Commission à ladate de l'audition n'étant plus en fonction à la date de l'adoption de la Décision.

321.
    La Commission estime que les principes d'identité et d'immédiateté n'existent pas.Selon elle, le droit procédural communautaire en matière de concurrence reposesur des autorités revêtues d'une fonction et non sur les personnes qui exercent lesfonctions en cause (arrêt ACF Chemiefarma/Commission, précité, points 71 et 72).Aucune disposition n'imposerait que les différentes étapes d'une procédure enmatière de concurrence se déroulent au cours d'un seul et même mandat desmembres de la Commission.

Appréciation du Tribunal

322.
    Les requérantes font état de la violation d'un principe général imposant lacontinuité dans la composition de l'organe administratif saisi d'une procédurepouvant aboutir à une amende.

323.
    Or, il n'existe aucun principe général de cette nature (arrêtACF Chemiefarma/Commission, précité, point 72).

324.
    Partant, le moyen n'est pas fondé et doit être rejeté.

C — Sur les vices dont serait affectée la procédure administrative

325.
    Les requérantes invoquent, à titre subsidiaire, plusieurs moyens tirés d'irrégularitésqui auraient été commises durant la procédure administrative ayant précédél'adoption de la Décision. Le Tribunal relève, dans ce contexte, que, lors del'audience, Wacker et Hoechst se sont désistées de leur moyen tiré de la violationde l'article 3 du règlement n° 1 du Conseil, du 15 avril 1958, portant fixation durégime linguistique de la Communauté économique européenne (JO 1958, 17, p. 385), ce dont il a été pris acte par le greffier.

326.
    Une distinction entre les moyens peut être établie selon qu'ils concernentl'existence de vices affectant la communication des griefs ou celle de vices affectantl'audition. Quant au moyen tiré de la violation du droit d'accès au dossier de laCommission, il sera examiné après la partie de l'arrêt consacrée au fond.

1. Sur les moyens tirés de l'existence de vices affectant la communication des griefs

a) Sur le moyen tiré de l'existence de vices formels affectant la communication desgriefs

Arguments des parties

327.
    Wacker et Hoechst soutiennent que la Décision est fondée sur une communicationdes griefs irrégulière. En effet, en premier lieu, ceux-ci n'auraient été communiquésque par un agent de la Commission, en violation de l'article 2 du règlementn° 99/63. En second lieu, la communication des griefs, consistant en un volumineuxdocument dont il n'était pas possible de savoir s'il était complet, méconnaîtrait lesdispositions du même article 2, aux termes duquel la Commission communique parécrit les griefs. Les griefs auraient dû, par conséquent, être communiqués dans ununique document écrit. En troisième lieu, la communication des griefs aurait dûêtre signée par son auteur.

328.
    La Commission estime que le moyen est manifestement dépourvu de fondement.

Appréciation du Tribunal

329.
    En ce qui concerne l'argument tiré de la prétendue habilitation d'un agent de laCommission pour communiquer les griefs, il ressort des pièces du dossier que lacommunication des griefs adressée aux requérantes était accompagnée d'une lettresignée par le directeur général adjoint de la DG IV de la Commission, pour ledirecteur général de cette direction générale.

330.
    Or, en signant cette lettre, le directeur général adjoint a agi dans le cadre, non pasd'une délégation de pouvoirs, mais d'une simple délégation de signature que ledirecteur général avait reçue du membre compétent (arrêt de la Cour du 14 juillet1972, Geigy/Commission, 52/69, Rec. p. 787, point 5). Une telle délégation constituele moyen normal par lequel la Commission exerce sa compétence (arrêt VBVB etVBBB/Commission, précité, point 14).

331.
    Dans la mesure où les requérantes n'ont apporté aucune indication qui permettede croire que, en l'occurrence, l'administration communautaire se serait départiede l'observation des règles applicables en la matière (arrêt VBVB etVBBB/Commission, précité, point 14), le grief doit être rejeté.

332.
    Quant aux griefs fondés sur une prétendue méconnaissance des règles de forme dela communication des griefs, ils ne sauraient davantage être accueillis.

333.
    Aux termes de l'article 2, paragraphe 1, du règlement n° 99/63, «[l]a Commissioncommunique par écrit aux entreprises et associations d'entreprises les griefs retenuscontre elles». Cette disposition n'exige pas que la communication des griefs porteune signature manuscrite apposée sur le document lui-même, ni que lacommunication des griefs soit constituée par un acte formellement unique.

334.
    Au vu de ce qui précède, le moyen doit être rejeté.

b) Sur le moyen tiré de la violation de l'article 3 du règlement n° 1 du Conseil

Arguments des parties

335.
    BASF, Hüls et Enichem soutiennent que la Commission a violé l'article 3 durèglement n° 1. La communication des griefs aurait en effet comporté des annexes,indispensables à la bonne compréhension des griefs, non rédigées dans la languede l'État membre dont la juridiction s'exerce sur elles. Cet argument vaudraitégalement à l'égard des documents transmis par la Commission le 3 mai 1988.Enichem ajoute que la Commission a ainsi également violé l'article 4 du règlementn° 99/63.

336.
    La Commission considère que l'argumentation des requérantes est contraire autexte et à l'esprit de l'article 3 du règlement n° 1. L'abondance des réactions de cesrequérantes montrerait d'ailleurs bien que, en fait, elles n'ont eu aucune difficultéparticulière à comprendre l'ensemble du contenu des éléments de preuve.

Appréciation du Tribunal

337.
    Les annexes à la communication des griefs qui n'émanent pas de la Commissionne doivent pas être considérées comme des «textes» au sens de l'article 3 durèglement n° 1 du Conseil. En effet, ces annexes doivent être considérées comme

des pièces à conviction sur lesquelles la Commission s'appuie. Partant, elles doiventêtre portées à la connaissance du destinataire telles qu'elles sont (voir, notamment,arrêt du Tribunal du 6 avril 1995, Tréfilunion/Commission, T-148/89, Rec.p. II-1063, point 21). La Commission n'a donc commis aucune violation desdispositions de l'article 3 du règlement n° 1 du Conseil.

338.
    En ce qui concerne la prétendue violation de l'article 4 du règlement n° 99/63alléguée par Enichem, il y a lieu de relever que le corps de la communication desgriefs qui a été adressé à cette requérante en langue italienne contient des extraitspertinents des annexes. Cette présentation lui a donc permis de savoir avecprécision sur quels faits et quel raisonnement juridique la Commission s'étaitfondée (arrêt Tréfilunion/Commission, précité, point 21). La requérante a parconséquent été en mesure de défendre utilement ses droits.

339.
    Il s'ensuit que le moyen doit être rejeté.

c) Sur le moyen tiré d'une absence de délai suffisant pour préparer la réponse àla communication des griefs

Arguments des parties

340.
    Wacker et Hoechst soutiennent que la Commission ne les a pas mises à même deprendre connaissance du dossier et de faire ensuite utilement connaître leur pointde vue (arrêt de la Cour du 27 octobre 1977, Moli/Commission, 121/76, Rec.p. 1971, point 20). En refusant, en dépit des circonstances de l'espèce, de prorogerle délai qui avait été imparti à l'entreprise pour présenter ses observations enréponse à la communication des griefs, la Commission aurait méconnu tant lesdroits de la défense que les dispositions de l'article 11 du règlement n° 99/63.

341.
    BASF soutient qu'elle n'a pas disposé d'un délai suffisant pour procéder à l'examendes pièces qui lui ont été notifiées par lettre du 3 mai 1988.

342.
    La Commission rétorque à Wacker et à Hoechst que les dispositions de l'article 11du règlement n° 99/63 ont été respectées. La requérante aurait ainsi bénéficié d'undélai de deux mois pour répondre par écrit à la communication des griefs et cinqmois pour préparer l'audition de septembre 1988. Ces délais seraient parfaitementsuffisants, en particulier si on les compare aux délais prévus à l'article 173,cinquième alinéa, du traité (arrêt de la Cour du 14 février 1978, UnitedBrands/Commission, 27/76, Rec. p. 207, points 270 à 273). Le fait que certainesannexes à la communication des griefs n'étaient pas rédigées dans la langue de larequérante ne pourrait modifier cette conclusion, dès lors que la requérante et sonavocat n'ont pu éprouver de difficultés de compréhension.

343.
    En réponse à l'argument de BASF, elle estime que, en ce qui concerne lesdocuments joints en annexe à la lettre de la Commission du 3 mai 1988, la

requérante ne pourrait prétendre, compte tenu du libellé de cette lettre, n'avoircompris qu'après l'adoption de la décision qu'ils étaient utiles à sa défense; c'està elle qu'il appartenait de le déterminer. La lettre ayant été adressée le 3 mai 1988,et les réponses apportées le 10 juin 1988, le délai laissé à la requérante aurait étésuffisant; celle-ci, sans demander de prorogation au-delà de cette date, auraitd'ailleurs soumis d'abondants commentaires. Les dispositions de l'article 11,paragraphe 1, du règlement n° 99/63, auraient ainsi été respectées.

Appréciation du Tribunal

344.
    L'article 2, paragraphe 4, du règlement n° 99/63, dispose: «En communiquant lesgriefs la Commission fixe le délai dans lequel les entreprises et associationsd'entreprises ont la faculté de lui faire connaître son point de vue.» A cette fin,l'article 11, paragraphe 1, du même règlement précise: «La Commission prend enconsidération le temps nécessaire à l'établissement des observations ainsi quel'urgence de l'affaire. Le délai ne peut être inférieur à deux semaines; il peut êtreprorogé.»

345.
    En l'espèce, la communication des griefs a été envoyée aux entreprises concernéesle 5 avril 1988. Celles-ci devaient faire connaître leur point de vue sur les griefsretenus contre elles pour le 16 mai 1988.

346.
    Par lettre du 3 mai 1988, la Commission a adressé aux entreprises destinataires dela communication des griefs une série de documents complémentaires en indiquantque, bien que n'étant pas cités dans les griefs, «[ils] pourraient être pertinents pourl'appréciation de l'affaire dans son ensemble».

347.
    Wacker et Hoechst ont demandé une prorogation du délai jusqu'au 15 juillet 1988.Par lettre du 18 mai 1988, la Commission a décidé de leur accorder uneprorogation jusqu'au 10 juin 1988, compte tenu notamment de l'envoi desdocuments complémentaires le 3 mai 1988.

348.
    En réponse à la demande de prorogation formulée par BASF le 5 mai 1988,parvenue à la Commission le 17 mai suivant, la Commission a, par lettre du24 mai 1988, fixé l'échéance pour la réponse à la communication des griefs au10 juin 1988.

349.
    Le Tribunal estime que, dans les circonstances de la présente affaire, le délaid'environ deux mois ainsi accordé aux requérantes a été suffisant pour leurpermettre de préparer leur réponse à la communication des griefs (en ce sens,arrêt United Brands/Commission, précité, points 272 et 273).

350.
    Il s'ensuit que le moyen doit être rejeté.

2. Sur les moyens tirés de l'existence de vices affectant l'audition

a) Sur le moyen tiré du délai insuffisant pour préparer l'audition

351.
    Wacker et Hoechst soutiennent que le conseiller-auditeur n'a pas disposé d'un délaisuffisant pour préparer l'audition.

352.
    La Commission estime que cette affirmation ne repose sur aucun indice.

353.
    A supposer qu'elles aient qualité pour soulever un tel moyen, les requérantes n'ontpas indiqué en quoi le délai laissé au conseiller-auditeur pour préparer l'auditionne lui aurait pas suffi, ni même allégué en quoi, à supposer leur allégation fondée,cette circonstance aurait pu vicier la procédure administrative.

354.
    Il s'ensuit que le moyen doit être rejeté comme non fondé.

b) Sur le moyen tiré de la violation de l'article 3 du règlement n° 1

Arguments des parties

355.
    BASF, Wacker, Hoechst et Enichem soutiennent que la Commission a violél'article 3 du règlement n° 1. En effet, le procès-verbal de l'audition ne reproduiraitles déclarations des différentes parties que dans la langue dans laquelle elles sesont exprimées, et non uniquement dans la langue de l'État membre dont lajuridiction s'exerce sur ces requérantes. Or, selon BASF, ces déclarations seraientégalement essentielles, puisque, par hypothèse, le grief formulé à l'encontre detoutes les entreprises est d'avoir mis en oeuvre une entente entre elles.

356.
    La Commission estime ce moyen non fondé.

Appréciation du Tribunal

357.
    Il convient de rappeler que, aux termes de l'article 9, paragraphe 4, du règlementn° 99/63, «[l]es déclarations essentielles de chaque personne entendue sontconsignées dans un procès-verbal qui est approuvé par elle après lecture».

358.
    En l'espèce, il est constant que les requérantes ont été en état de prendreutilement connaissance de l'essentiel de leurs propres déclarations consignées dansle procès-verbal.

359.
    En outre, les requérantes, qui ne contestent pas avoir eu la possibilité de suivre cequi a été dit au cours de l'audition grâce à l'interprétation simultanée, n'allèguentpas que, du fait de l'absence de traduction des parties rédigées dans une langueautre que celle de l'État membre dont la juridiction s'exerce sur elles, le procès-verbal comporterait à leur égard des inexactitudes ou omissions substantielles,

susceptibles d'avoir des conséquences préjudiciables pouvant vicier la procédureadministrative (arrêts ACF Chemiefarma/Commission, précité, point 52, etParker Pen/Commission, précité, point 74).

360.
    Il s'ensuit que ce moyen doit être rejeté.

c) Sur le moyen tiré du caractère incomplet du procès-verbal de l'audition

Arguments des parties

361.
    BASF soutient que le procès-verbal de l'audition est incomplet. En effet, il necomporterait pas des parties décisives des déclarations d'autres entreprises. Ainsi,n'auraient pas été jointes au procès-verbal, contrairement à ce qu'il y est indiqué,les plaidoiries faites au nom de l'ensemble des entreprises concernées, la plaidoiriede la requérante et celle des autres entreprises. Or, s'agissant d'accusations decollusion, la prise de connaissance et l'examen des défenses présentées par lesautres parties seraient essentielles. BASF ajoute que la Commission ne peut passe prévaloir de l'article 9, paragraphe 4, du règlement n° 99/63, dès lors que celui-ciconcerne le seul contrôle de l'exactitude du contenu du procès-verbal par la partieentendue, mais non le droit de prendre connaissance des déclarations des autresparties.

362.
    Wacker et Hoechst invoquent un moyen identique fondé sur l'absence de mention,dans le procès-verbal, des exposés communs aux différentes entreprises.

363.
    La Commission estime que le procès-verbal de l'audition, tel que notifié à BASF,est conforme à l'article 9, paragraphe 4, du règlement n° 99/63, en ce qu'il permetà celle-ci d'approuver ses propres déclarations. Transmettre à la requérante, pourapprobation, le texte des déclarations formulées par les autres entreprisesconcernées et leurs conseils lors de l'audition n'aurait donc aucun sens.

364.
    Au demeurant, BASF, Wacker et Hoechst auraient eu connaissance de cesdéclarations, dès lors qu'elles ont assisté à l'audition.

Appréciation du Tribunal

365.
    Lors de la phase orale de la procédure administrative devant la Commission quis'est déroulée du 5 au 8 septembre 1988 et le 19 septembre 1988, les personnesconcernées ont eu la possibilité de faire valoir en commun leurs points de vuerelativement à certains sujets.

366.
    Il ressort du procès-verbal de l'audition, communiqué à chacune des personnes yayant participé, que les interventions communes ont été exposées sous une formerésumée.

367.
    Il en ressort également que le texte complet des différentes interventions faites aunom des personnes concernées devait être contenu dans les annexes qui font partiedu procès-verbal. Or, force est de constater que ces annexes n'ont pas été jointesà ce document.

368.
    Cette circonstance ne constitue cependant pas un vice de la procédureadministrative de nature à entacher d'illégalité la Décision, qui en constituel'aboutissement. En effet, l'article 9, paragraphe 4, du règlement n° 99/63 (citéci-dessus point 357) vise à garantir aux personnes entendues la conformité duprocès-verbal à leurs déclarations essentielles (arrêt du 14 juillet 1972,ICI/Commission, précité, point 29). Or, pour autant que les plaidoiries communesont concerné les requérantes, celles-ci ont pu prendre connaissance de l'essentielde ces déclarations puisque ces dernières ont été consignées dans le procès-verbalde l'audition. En outre, elles ne soutiennent pas que la reproduction de cesdéclarations sous une forme résumée contient des inexactitudes. Enfin, dès lors queces plaidoiries étaient présentées au nom des requérantes, celles-ci ne peuventutilement prétendre qu'elles n'en ont pas eu une connaissance suffisante.

369.
    Quant à l'absence de communication en annexe au procès-verbal du texte del'exposé de BASF ainsi que de celui des autres personnes ayant présenté desobservations, elle ne constitue pas non plus un vice de la procédure administrativede nature à entacher d'illégalité la Décision, dès lors que le procès-verbal mêmerapporte les déclarations essentielles.

370.
    En tout état de cause, il y a lieu de souligner que BASF, Wacker et Hoechst ontparticipé à l'audition et ont pu, à cette occasion, prendre connaissance des sujetseffectivement exposés en commun et des observations présentées à titre individuelpar d'autres personnes.

371.
    Le moyen doit, par conséquent, être rejeté.

d) Sur le moyen tiré du défaut de production de l'avis du conseiller-auditeur

Arguments des parties

372.
    Wacker et Hoechst font valoir qu'elles auraient dû avoir la possibilité de prendreconnaissance de l'avis du conseiller-auditeur et de le commenter. La Commissionse serait donc abstenue illégalement de produire l'avis du conseiller-auditeur.

373.
    BASF et Hüls soutiennent que la Décision est illégale au motif qu'il n'a pas ététenu compte du rapport établi par le conseiller-auditeur. En effet, le rapport établipar le conseiller-auditeur à l'époque de la décision de 1988 pourrait contenir desappréciations, en fait et en droit, allant dans le sens des critiques qui avaient étéformulées par les entreprises. Elles demandent, en conséquence, au Tribunald'inviter la Commission à produire le rapport du conseiller-auditeur.

374.
    La Commission rejette la demande de communication du rapport du conseiller-auditeur, au motif qu'il s'agit d'un document interne auquel les tiers n'ont pasaccès.

Appréciation du Tribunal

375.
    Le Tribunal relève que les droits de la défense n'exigent pas que les entreprisesimpliquées dans une procédure au titre de l'article 85, paragraphe 1, du traité,puissent commenter le rapport du conseiller-auditeur, qui constitue un documentpurement interne à la Commission. Ainsi qu'il a été jugé, ce rapport ayant valeurd'avis pour la Commission, elle n'est en aucune manière tenue de s'y ranger et,dans ces conditions, ce rapport ne présente aucun aspect décisif dont le jugecommunautaire ait à tenir compte pour exercer son contrôle (ordonnance de laCour du 11 décembre 1986, ICI/Commission, 212/86 R, non publiée au Recueil,points 5 à 8). En effet, le respect des droits de la défense est assuré à suffisancede droit dès lors que les différentes instances concourant à l'élaboration de ladécision finale ont été informées correctement de l'argumentation formulée par lesentreprises, en réponse aux griefs que leur a communiqués la Commission, ainsiqu'aux éléments de preuve présentés par la Commission pour étayer ces griefs(arrêt Michelin/Commission, précité, point 7).

376.
    A cet égard, il importe de relever que le rapport du conseiller-auditeur n'a paspour objet de compléter ou de corriger l'argumentation des entreprises, ni deformuler des griefs nouveaux ou de fournir des éléments de preuve nouveaux àl'encontre de celles-ci (notamment, arrêts du Tribunal du 24 octobre 1991,Petrofina/Commission, T-2/89, Rec. p. II-1087, point 54, et Hüls/Commission,précité, point 87).

377.
    Il s'ensuit que les entreprises n'ont pas le droit, au titre du respect des droits de ladéfense, d'exiger la communication du rapport du conseiller-auditeur pour pouvoirle commenter (arrêts Petrofina/Commission, précité, point 55, et Hüls/Commission,précité, point 88).

378.
    Par conséquent, le moyen doit être rejeté.

D — Sur la violation de l'article 190 du traité

Arguments des parties

379.
    Des requérantes soutiennent que l'exigence de motivation requise par l'article 190du traité a été méconnue à plusieurs titres.

380.
    Ainsi, Wacker et Hoechst soutiennent que la Décision n'est pas suffisammentmotivée sur les trois points essentiels suivants: réunion des élements constitutifs de

l'infraction, qualification d'accord ou de pratique concertée et participation de cesrequérantes.

381.
    Montedison souligne que la Décision ne permet pas de comprendre lesconsidérations qui ont amené la Commission à décider de confirmer les amendesdéjà infligées pour des faits qui se sont prétendument produits dix à quinze ansauparavant (arrêt de la Cour du 2 mai 1990, Scarpe, C-27/89, Rec. p. I-1701,point 27, et arrêt du Tribunal du 24 octobre 1991, Atochem/Commission, T-3/89,Rec. p. II-1177, point 222). En l'espèce, aucun intérêt légitime (a contrario, arrêtde la Cour du 2 mars 1983, GVL/Commission, 7/82, Rec. p. 483, et arrêt du18 septembre 1992, Automec/Commission, précité, point 85) ne justifierait lespoursuites engagées à l'encontre d'une entreprise qui se serait retirée du marchédepuis plus de dix ans.

382.
    Selon ICI, la Décision ne fournit aucune explication relativement au retard aveclequel la Commission s'est prononcée, au choix procédural de ne pas de nouveaucommuniquer les griefs et entendre les parties, à l'utilisation de pièces découvertesdans le cadre d'une instruction distincte ou de preuves obtenues en violation dudroit de ne pas s'accuser soi-même, au refus d'autoriser l'accès au dossier dans desconditions conformes à la jurisprudence, à l'imposition d'une amende reposantpourtant sur une erreur de fait et à la conclusion selon laquelle la décision de 1988resterait valable à l'égard de Solvay et de Norsk Hydro.

383.
    Hüls prétend que le texte même de la Décision n'est pas compréhensibleindépendamment des documents auxquels il se réfère; or, aucun d'entre eux neserait joint à la Décision. De plus, dans son appréciation juridique, la Commissionne se référerait ni à des éléments de preuve concrets et déterminés, ni aux faitsexposés au début de la Décision. Enfin, elle fait valoir que la Décision n'est pascorrectement motivée, surtout si l'on tient compte de la durée de la procédure(arrêt Sytraval et Brink's France/Commission, précité, point 77 en combinaison avecle point 56).

384.
    Quant à Enichem, elle soutient que la Commission a manqué d'expliquer lesraisons pour lesquelles elle sanctionne de nouveau les entreprises destinataires,après un laps de temps aussi long. Ni le règlement n° 2988/74, qui pourrait tout auplus justifier les pouvoirs de la Commission, mais non motiver son choix, ni le faitque la Commission avait déjà décidé d'imposer des amendes en 1988, ce quin'implique pas qu'elle était tenue de le faire de nouveau après l'arrêt du15 juin 1994, ne pourraient suffire.

385.
    La Commission estime non fondé ce moyen. Elle soutient que la Décision estconforme aux exigences de l'article 190 du traité.

Appréciation du Tribunal

386.
    Il ressort d'une jurisprudence constante que l'obligation de motiver une décisionindividuelle a pour but de permettre au juge communautaire d'exercer son contrôlesur la légalité de la décision et de fournir à l'intéressé une indication suffisantepour savoir si la décision est bien fondée ou si elle est éventuellement entachéed'un vice permettant d'en contester la validité, étant précisé que la portée de cetteobligation dépend de la nature de l'acte en cause et du contexte dans lequel il aété adopté (voir, notamment, arrêt du Tribunal du 11 décembre 1996, Van MegenSports/Commission, T-49/95, Rec. p. II-1799, point 51).

387.
    En l'espèce, il convient d'abord de souligner que le premier considérant de laDécision vise «le traité instituant la Communauté européenne», ce qui,implicitement mais nécessairement, constitue une référence formelle à la missionassignée à la Commission (ci-dessus points 148 et 149). Cette seule référenceconstitue une motivation suffisante de l'intérêt de la Commission à constater uneinfraction et à sanctionner les entreprises à ce titre. En effet, disposant d'unecompétence discrétionnaire dans la mise en oeuvre des prérogatives qui lui sontdévolues par le traité dans le domaine du droit de la concurrence, la Commissionn'est pas tenue d'expliquer davantage les motifs qui l'ont conduite à choisir cettevoie. Partant, les allégations de Montedison et d'Enichem doivent être rejetées.

388.
    S'agissant de l'insuffisance de motivation invoquée par Wacker, Hoechst et Hüls,il convient de rappeler que, si, en vertu de l'article 190 du traité, la Commission esttenue de mentionner les éléments de fait et de droit dont dépend la justificationlégale de la décision et les considérations qui l'ont amenée à prendre celle-ci, iln'est pas exigé qu'elle discute tous les points de fait et de droit qui ont été soulevésau cours de la procédure administrative (voir, notamment, arrêt Van Landewycke.a./Commission, précité, point 66). A cet égard, le Tribunal estime que les points 7à 27 des considérants constituent un exposé clair des principales pièces considéréespar la Commission comme les preuves de l'infraction. De même, les points 28 à 39des considérants constituent une motivation suffisante des conséquences juridiquesqu'elle a tirées des éléments de fait.

389.
    Le fait que la Commission ne fournisse aucune explication en ce qui concerne leretard avec lequel elle se serait prononcée, le choix procédural de ne pas denouveau communiquer les griefs, ni d'entendre les parties, l'utilisation de piècesdécouvertes dans le cadre d'une instruction distincte ou de preuves obtenues enviolation du droit de ne pas s'accuser soi-même, le refus d'autoriser l'accès audossier dans des conditions conformes à la jurisprudence et l'imposition d'uneamende reposant pourtant sur une erreur de fait, ne saurait constituer un défautde motivation de la décision. En effet, ces arguments invoqués par ICI ne visent,en substance, qu'à contester le bien-fondé de l'appréciation de la Commissionrelative à ces différentes questions. Or, de tels arguments, relevant de l'examen dubien-fondé de la décision sont, dans le présent contexte, dénués de pertinence.

390.
    Enfin, s'agissant de l'argument d'ICI selon lequel la décision ne serait pas motivéerelativement à la validité de la décision de 1988 à l'égard de Norsk Hydro et deSolvay, il suffit de relever que la Décision contient une motivation expresse sur cepoint. Il ressort en effet du point 59 des considérants de la Décision, que «Solvayn'ayant pas introduit de recours en annulation de la décision devant la Cour dejustice et le recours de Norsk Hydro ayant été déclaré irrecevable, la décision89/190 reste valable à leur encontre».

391.
    Au vu de ce qui précède, le présent moyen doit être rejeté.

II — Sur les moyens de fond

392.
    Les requérantes développent, en substance, trois axes d'argumentation. En premierlieu, elles présentent une série de moyens relatifs aux preuves (A). En second lieu,elles contestent l'existence, tant en fait qu'en droit, d'une infraction à l'article 85,paragraphe 1, du traité (B). En troisième lieu, chacune présente des argumentstendant à démontrer que, en toute hypothèse, elle n'a pas participé à la prétendueinfraction qui lui est reprochée (C).

A — Sur les preuves

393.
    Les moyens présentés par les requérantes comportent deux aspects. Tout d'abord,elles contestent la recevabilité de certaines des preuves qui leur sont opposées.Ensuite, elles contestent le caractère probant des éléments retenus à leur charge.

1. Sur la recevabilité des preuves

394.
    Les requérantes font valoir l'irrecevabilité de preuves retenues à leur encontre.Elles invoquent, à cette fin, six moyens: en premier lieu, la violation du principe del'inviolabilité du domicile; en second lieu, celle des principes du droit au silence etdu droit de ne pas contribuer à sa propre incrimination; en troisième lieu, celle del'article 20 du règlement n° 17; en quatrième lieu, elles contestent que le refus derépondre à des demandes de renseignements ou de produire des documents puisseêtre retenu à titre de preuve à leur encontre; en cinquième lieu, elles font valoirque certaines pièces ne leur ont jamais été communiquées, ou, en sixième lieu, neleur ont été communiquées que tardivement.

395.
    Ainsi que le relèvent les requérantes, ces moyens ont en commun que, à lessupposer fondés, les pièces litigieuses devraient être écartées des débats et lalégalité de la décision appréciée sans elles (arrêt AEG/Commission, précité, points24 à 30, et ordonnance du président de la Cour du 26 mars 1987,Hoechst/Commission, 46/87 R, Rec. p. 1549, point 34).

a) Sur le moyen tiré d'une violation du principe de l'inviolabilité du domicile

Arguments des parties

396.
    LVM et DSM soutiennent, à titre liminaire, que le Tribunal peut contrôler laconformité d'une vérification, opérée dans le cadre de l'article 14 du règlementn° 17, avec l'article 8 de la CEDH. En effet, d'une part, cette dernière dispositions'appliquerait directement en droit communautaire. D'autre part, une vérificationdans les locaux professionnels d'une personne physique ou morale, au titre del'article 14, paragraphe 3, du règlement n° 17, constituerait une «perquisition»relevant du champ de l'article 8 de la CEDH.

397.
    Toujours à titre liminaire, les requérantes estiment que, même si elles n'ont pasformé de recours contre les décisions de vérification, elles conservent un intérêt àen faire contrôler la légalité, dans la mesure où la Décision est fondée sur deséléments de preuve irrégulièrement obtenus. De surcroît, la vérification opéréedans les locaux de DSM, le 6 décembre 1983, était fondée sur un mandat, au titrede l'article 14, paragraphe 2, du règlement n° 17, qui ne pouvait faire l'objet d'unrecours en annulation sur le fondement de l'article 173 du traité.

398.
    Dans la première branche de ce moyen, les requérantes estiment que les actes devérification pris par la Commission méconnaissent le principe de l'inviolabilité dudomicile, au sens de l'article 8 de la CEDH, tel qu'interprété par la jurisprudencede la Cour européenne des droits de l'homme (Cour eur. D. H., arrêt Niemietz c.Allemagne du 16 décembre 1992, série A n° 251-B), dont le contrôle irait au-delàde celui effectué en droit communautaire (arrêt Hoechst/Commission, précité, etarrêt de la Cour du 17 octobre 1989, Dow Benelux/Commission, 85/87, Rec.p. 3137).

399.
    Ainsi, en premier lieu, les actes de vérification auraient été adoptés sansautorisations judiciaires préalables. En second lieu, les décisions ou mandats devérification auraient été formulés en termes généraux, sans aucune limitation, etn'auraient donc pas permis d'identifier l'objet de la vérification, comme enattesteraient la décision de vérification du 4 novembre 1987 adressée à LVM et lemandat du 29 novembre 1983, sur le fondement duquel a été effectuée lavérification dans les locaux de DSM, le 6 décembre 1983. En troisième lieu, lesrequérantes estiment que seule une vérification nécessaire peut être effectuée(article 14, paragraphe 1, du règlement n° 17 et article 8 de la CEDH). Or, ce liende nécessité devrait s'apprécier à la lumière de la description des présomptions quela Commission entendait vérifier, description qui faisait précisément défaut enl'espèce.

400.
    Les requérantes concluent que tous les actes de vérification adoptés par laCommission dans la présente affaire sont entachés d'illégalité.

401.
    Enichem, pour sa part, soutient que «la décision suivante de vérification est illégaleparce que son objet était formulé en termes [...] généraux», et méconnaissait ainsil'article 14 du règlement n° 17.

402.
    Dans la deuxième branche du moyen, LVM et DSM contestent la validité del'exécution des vérifications opérées par la Commission. Celles-ci auraient, en effet,empiété sur le secret d'entreprise, compte tenu de la nature et du volume desdocuments effectivement examinés à cette occasion.

403.
    La Commission souligne, à titre liminaire, que la CEDH n'est pas applicable auxprocédures communautaires de concurrence. En outre, le moyen ne serait pasrecevable, faute pour les requérantes d'avoir formé un recours contre la décisionde la Commission ordonnant la vérification litigieuse.

404.
    Sur le bien-fondé du moyen, la Commission considère que la pertinence de lajurisprudence de la Cour (arrêts Hoechst/Commission et Dow Benelux/Commission,précités) n'est pas affectée par l'article 8 de la CEDH, tel qu'interprété par la Coureuropéenne des droits de l'homme.

Appréciation du Tribunal

405.
    En l'espèce, la Commission a procédé à des vérifications, au titre de l'article 14,paragraphe 2, du règlement n° 17, dans les locaux des entreprises suivantes: Shellet ICI, sur le fondement d'un mandat du 16 novembre 1983, DSM, sur lefondement d'un mandat du 29 novembre 1983, EVC, société commune à ICI etEnichem, sur le fondement d'un mandat du 17 juillet 1987, et Hüls, sur lefondement d'un mandat du 17 septembre 1987.

406.
    En outre, la Commission a adopté des décisions de vérification, au titre de l'article14, paragraphe 3, du règlement n° 17, le 15 janvier 1987, dont ont été destinatairesles entreprises Alcudia, Atochem, BASF, Hoechst et Solvay, et le 4 novembre 1987,dont ont été destinataires Wacker et LVM.

407.
    Il convient d'examiner la recevabilité du moyen, qui est contestée par laCommission, puis son bien-fondé.

i) Sur la recevabilité du moyen

408.
    Les décisions de vérification sont, en elles-mêmes, des actes susceptibles de fairel'objet d'un recours en annulation sur le fondement de l'article 173 du traité. Ainsi,l'article 14, paragraphe 3, du règlement n° 17, prévoit expressément que la décisionde vérification indique «le recours ouvert devant la Cour de justice contre ladécision».

409.
    Or, selon une jurisprudence bien établie, une décision adoptée par les institutionscommunautaires qui n'a pas été attaquée par son destinataire dans le délai prévupar l'article 173 du traité devient définitive à son égard. Une telle jurisprudence estfondée notamment sur la considération que les délais de recours visent àsauvegarder la sécurité juridique en évitant la remise en cause indéfinie des actescommunautaires entraînant des effets de droit (notamment arrêt de la Cour du30 janvier 1997, Wiljo, C-178/95, Rec. p. I-585, point 19).

410.
    LVM est donc forclose à se prévaloir de l'illégalité de la décision de vérificationdont elle était destinataire et qu'elle n'a pas attaquée dans les délais, et le moyenest, à ce titre, irrecevable.

411.
    En revanche, LVM et DSM sont recevables à contester, pour autant que des piècesobtenues par la Commission soient utilisées à leur encontre, la légalité desdécisions de vérification adressées à d'autres entreprises, dont il n'est pas acquisqu'elles auraient été sans aucun doute recevables à en contester la légalité dans lecadre d'un recours direct formé à leur encontre.

412.
    De même, les requérantes sont recevables à contester, dans le cadre d'un recoursen annulation formé contre la décision finale, la légalité des mandats devérification, qui ne constituent pas des actes susceptibles de recours au sens del'article 173 du traité.

413.
    Enfin, il ressort de la jurisprudence de la Cour qu'une entreprise n'est pasrecevable à contester la légalité du déroulement des procédures de vérification dansle cadre d'un recours en annulation formé contre l'acte sur le fondement duquella Commission procède à cette vérification. En effet, le contrôle juridictionnel surles conditions dans lesquelles une vérification a été conduite relève d'un recours enannulation formé, le cas échéant, contre la décision finale adoptée par laCommission en application de l'article 85, paragraphe 1, du traité (arrêt DowBenelux/Commission, précité, point 49, et conclusions de l'avocat généralM. Mischo sous cet arrêt, Rec. p. 3149, point 127, in fine; ordonnance du Tribunaldu 9 juin 1997, Elf Atochem/Commission, T-9/97, Rec. p. II-909, point 25).

414.
    Les requérantes sont donc également recevables à contester le déroulement desprocédures de vérification effectuées par la Commission.

415.
    Dans ces conditions, l'irrecevabilité invoquée par la Commission doit être limitéeau moyen soulevé par LVM, en tant qu'il est dirigé contre la décision devérification dont elle a été destinataire.

416.
    Toutefois, en ce qui concerne le moyen tel qu'il est exposé par Enichem, il y a lieude relever que, ni les écritures de la requérante, ni la procédure orale, ne mettentle Tribunal en mesure d'identifier la décision de vérification dont la requéranteconteste la légalité. Dès lors, le moyen, pour autant qu'il est soulevé par Enichem,

doit être déclaré irrecevable, faute pour le Tribunal de pouvoir en comprendre lesens et la portée.

ii) Sur le bien-fondé du moyen

417.
    Pour les raisons précédemment exposées (voir ci-dessus, point 120), il convient decomprendre le moyen comme tiré d'une violation du principe général du droitcommunautaire garantissant une protection contre les interventions de la puissancepublique dans la sphère d'activités privées de toute personne, qu'elle soit physiqueou morale, qui seraient disproportionnées ou arbitraires (arrêtsHoechst/Commission, précité, point 19, Dow Benelux/Commission, précité, point30, et arrêt de la Cour du 17 octobre 1989, Dow Chemical Ibérica e.a./Commission,97/87, 98/87 et 99/87, Rec. p. 3165, point 16).

418.
    Le présent moyen se subdivise en deux branches, l'une relative à la validité desactes de vérification, l'autre à celle de l'exécution de ces actes.

— Sur la première branche du moyen, relative à la validité des actes de vérification

419.
    En premier lieu, il convient de relever qu'il n'est pas contesté que les décisions devérification adressées par la Commission à certaines entreprises, dans le courantde l'année 1987, sont identiques, ou analogues, à celle qui avait été adressée àHoechst le 15 janvier 1987. Or, cette dernière entreprise a formé un recours enannulation contre cette décision, qui a été rejeté par la Cour (arrêtHoechst/Commission, précité). Dans la mesure où les moyens et arguments avancésaujourd'hui par LVM et DSM sont identiques ou similaires à ceux invoqués alorspar Hoechst, le Tribunal ne perçoit pas de raisons de s'écarter de la jurisprudencede la Cour.

420.
    En outre, il convient de relever que cette jurisprudence est fondée sur l'existenced'un principe général de droit communautaire, tel que rappelé ci-dessus, applicableaux personnes morales. La circonstance que la jurisprudence de la Coureuropéenne des droits de l'homme relative à l'applicabilité de l'article 8 de laCEDH aux personnes morales aurait évolué depuis le prononcé des arrêtsHoechst/Commission, Dow Benelux/Commission et Dow Chemical Ibéricae.a./Commission, précités, n'a, dès lors, pas d'incidence directe sur le bien-fondé dessolutions retenues dans ces arrêts.

421.
    En second lieu, il ressort de l'article 14, paragraphe 2, du règlement n° 17, que lesvérifications opérées sur simple mandat reposent sur la collaboration volontaire desentreprises (arrêts Hoechst/Commission, précité, point 31, DowBenelux/Commission, précité, point 42, et Dow Chemical Ibérica e.a./Commission,précité, point 28). Cette constatation ne saurait être modifiée par le fait qu'unesanction est prévue à l'article 15, paragraphe 1, sous c), première partie de laphrase, du règlement n° 17. En effet, une telle sanction ne s'applique que dans

l'hypothèse où, ayant accepté de coopérer à la vérification, l'entreprise présente defaçon incomplète les livres ou autres documents professionnels requis.

422.
    Dès lors que l'entreprise a effectivement collaboré à une vérification opérée surmandat, le moyen tiré d'une ingérence excessive de l'autorité publique est dénuéde fondement, en l'absence d'un quelconque élément invoqué pour soutenir quela Commission serait allée au-delà de la coopération offerte par l'entreprise.

423.
    Il en résulte que cette branche du moyen doit être rejetée.

— Sur la seconde branche du moyen, relative à l'exécution des actes de vérification

424.
    A ce titre, les requérantes font valoir un seul argument, tiré de l'abondance desdocuments copiés et emportés par la Commission, qui aurait ainsi empiété sur lesecret des entreprises.

425.
    Or, le prétendu caractère excessif du volume des documents dont la Commissiona pris copie, qui n'est d'ailleurs pas autrement précisé par les requérantes, nesaurait constituer, en lui-même, un vice entachant le déroulement d'une procédurede vérification, alors que, de surcroît, la Commission procède à une enquête surune entente alléguée entre l'ensemble des producteurs européens d'un secteurdonné. En outre, en vertu de l'article 20, paragraphe 2, du règlement n° 17, lesfonctionnaires et autres agents de la Commission sont tenus de ne pas divulguerles informations qu'ils ont recueillies en application de ce règlement et qui, par leurnature, sont couvertes par le secret professionnel.

426.
    Dès lors, l'irrégularité des vérifications opérées par la Commission n'est pas établie.

427.
    Au vu de ces éléments, le présent moyen doit être rejeté dans son ensemble.

b) Sur le moyen tiré d'une méconnaissance du «droit au silence» et du droit de nepas contribuer à sa propre incrimination

Arguments des parties

428.
    Le moyen peut être divisé en deux branches.

429.
    Dans la première branche de ce moyen, LVM, DSM et ICI rappellent que, envertu de l'article 14, paragraphe 3, du Pacte relatif aux droits civils et politiques etde l'article 6 de la CEDH, tel qu'interprété par la Cour européenne des droits del'homme, tout accusé, y compris une entreprise, a le droit, ab initio, de garder lesilence (Cour eur. D. H., arrêt Funke c. France, précité, point 44, et avis de lacommission européenne des droits de l'homme du 10 mai 1994, Saunders c.Royaume-Uni, points 69, 71 et 76; contra, l'arrêt antérieur de la Cour,Orkem/Commission, précité, points 30 à 35 et 37 à 41, dont l'appréciation,

sensiblement en retrait par rapport à l'arrêt Funke c. France, n'aurait désormaisplus de sens). Or, la Commission ne pourrait méconnaître la jurisprudence de laCour européenne des droits de l'homme (arrêts de la Cour du 18 juin 1991, ERT,C-260/89, Rec. p. I-2925, point 41, et Orkem/Commission, précité, point 30).

430.
    Les requérantes en déduisent que toute information obtenue par la Commissionsur le fondement de l'article 11 du règlement n° 17 devrait être écartée des débats.Cette conclusion s'appliquerait tant aux décisions de demande de renseignements,au sens de l'article 11, paragraphe 5, du règlement n° 17, qu'aux demandes derenseignements, au titre de l'article 11, paragraphe 1, de ce règlement; en effet,puisque les sanctions prévues à l'article 15, paragraphe 1, sous b), de ce mêmerèglement sont applicables dans un cas comme dans l'autre, il s'agirait derenseignements obtenus sous la contrainte, au sens de la jurisprudence de la Coureuropéenne des droits de l'homme.

431.
    Les droits des entreprises lésées ne sauraient être ignorés au motif qu'une telleconclusion est de nature à remettre en cause la légalité de l'article 11 du règlementn° 17 dans son ensemble; la Commission devrait ainsi établir la preuve del'infraction par tout autre moyen compatible avec les articles 6 et 8 de la CEDH.

432.
    Dès lors, aucune des réponses apportées par les entreprises aux demandes derenseignements qui leur ont été adressées par la Commission ne pourraientcontribuer à l'administration de la preuve.

433.
    Dans la seconde branche de ce moyen, LVM, Elf Atochem, DSM, ICI et Enicheminvoquent le droit de ne pas contribuer à sa propre incrimination.

434.
    Dans ces conditions, selon LVM, Elf Atochem, DSM et ICI, les réponses apportéesaux questions qui, dans les arrêts de la Cour du 18 octobre 1989,Orkem/Commission, précité, et Solvay/Commission (27/88, Rec. p. 3355), ont étédéclarées illégales devraient être écartées des débats.

435.
    Elf Atochem met ainsi en cause la décision, au titre de l'article 11, paragraphe 5,du règlement n° 17, dont elle a été destinataire. LVM, DSM et ICI contestent, enrevanche, la légalité de toutes les demandes de renseignements, quels qu'en étaientl'entreprise destinataire et le fondement juridique.

436.
    Enichem soutient que, en obligeant les entreprises à se soumettre à des opérationsde vérification, alors qu'elle ne disposait pas du moindre indice relatif aux pratiquesrecherchées, la Commission aurait conduit les entreprises à s'incriminer elles-mêmes.

437.
    La Commission rappelle, à titre liminaire, que la CEDH n'est pas applicable auxprocédures communautaires de concurrence. En outre, le moyen ne serait pas

recevable, faute pour les requérantes d'avoir formé un recours contre les décisionsde demande de renseignements.

438.
    En toute hypothèse, la Commission observe que les entreprises n'ont, en l'espèce,fourni aucune réponse à l'une quelconque des questions jugées contraires au droitcommunautaire par la Cour (arrêts Orkem/Commission et du 18 octobre 1989,Solvay/Commission, précités).

Appréciation du Tribunal

439.
    Dans le cadre de son enquête dans la présente affaire, la Commission a adressé àla plupart des requérantes des demandes de renseignements, au titre de l'article 11du règlement n° 17. Certaines étaient des demandes de renseignements au titre duparagraphe 1 de cet article, les autres des décisions fondées sur le paragraphe 5 dece même article.

440.
    Il convient d'examiner la recevabilité du moyen, qui est contestée par laCommission, puis son bien-fondé.

— Sur la recevabilité du moyen

441.
    Pour les raisons qui ont été exposées ci-dessus à propos des décisions devérification et qui sont transposables aux décisions de demande de renseignements,les requérantes sont forcloses à invoquer l'illégalité des décisions de demande derenseignements dont elles étaient destinataires et qu'elles n'ont pas contestées dansle délai de deux mois à compter de leur notification.

442.
    Le moyen est, dès lors, irrecevable, pour autant qu'il tend à déclarer illégales lesdécisions de demande de renseignements dont les requérantes ont, respectivement,été destinataires.

— Sur le bien-fondé du moyen

443.
    Les pouvoirs conférés à la Commission par le règlement n° 17 ont pour but depermettre à celle-ci d'accomplir la mission, qui lui est confiée par le traité, deveiller au respect des règles de concurrence dans le marché commun.

444.
    Au cours de la procédure d'enquête préalable, le règlement n° 17 ne reconnaît àl'entreprise qui fait l'objet d'une mesure d'investigation aucun droit de se soustraireà l'exécution de cette mesure au motif que ses résultats pourraient fournir lapreuve d'une infraction aux règles de la concurrence qu'elle a commise. Il luiimpose, au contraire, une obligation de collaboration active, qui implique qu'elletienne à la disposition de la Commission tous les éléments d'information relatifs àl'objet de l'enquête (arrêt Orkem/Commission, précité, point 27, et arrêt du

Tribunal du 8 mars 1995, Société générale/Commission, T-34/93, Rec. p. II-545,point 72).

445.
    En l'absence d'un droit au silence expressément consacré par le règlement n° 17,il convient d'examiner si certaines limitations au pouvoir d'investigation de laCommission au cours de l'enquête préalable ne résultent cependant pas de lanécessité d'assurer le respect des droits de la défense, que la Cour a considérécomme un principe fondamental de l'ordre juridique communautaire (arrêtOrkem/Commission, précité, point 32).

446.
    A cet égard, s'il est vrai que les droits de la défense doivent être respectés dans lesprocédures susceptibles d'aboutir à des sanctions, il importe d'éviter que ces droitsne puissent être irrémédiablement compromis dans le cadre de procéduresd'enquête préalable, qui peuvent avoir un caractère déterminant pourl'établissement du caractère illégal de comportements d'entreprises (arrêtsOrkem/Commission, précité, point 33, et Société générale/Commission, précité,point 73).

447.
    Toutefois, pour préserver l'effet utile de l'article 11, paragraphes 2 et 5, durèglement n° 17, la Commission est en droit d'obliger l'entreprise à fournir tous lesrenseignements nécessaires portant sur des faits dont elle peut avoir connaissanceet à lui communiquer, au besoin, les documents y afférents qui sont en sapossession, même si ceux-ci peuvent servir à établir, à son encontre ou à l'encontred'une autre entreprise, l'existence d'un comportement anticoncurrentiel (arrêtsOrkem/Commission, précité, point 34, du 18 octobre 1989, Solvay/Commission,précité, et Société générale/Commission, précité, point 74).

448.
    La reconnaissance d'un droit au silence absolu, invoqué par les requérantes, iraiten effet au-delà de ce qui est nécessaire pour préserver les droits de la défense desentreprises et constituerait une entrave injustifiée à l'accomplissement, par laCommission, de la mission de veiller au respect des règles de concurrence dans lemarché commun, qui lui est dévolue par l'article 89 du traité. Il convient de relever,en particulier, que, tant dans leurs réponses aux demandes de renseignements quedans la suite de la procédure administrative, lorsque, le cas échéant, la Commissiondécide d'ouvrir celle-ci, les entreprises ont toute faculté pour faire valoir leur pointde vue, notamment sur les documents qu'elles auraient été amenées à produire oules réponses qu'elles auraient apportées à des demandes de la Commission.

449.
    Toutefois, la Commission ne saurait, par une décision de demande derenseignements, porter atteinte aux droits de la défense reconnus à l'entreprise.Ainsi, elle ne saurait imposer à l'entreprise l'obligation de fournir des réponses parlesquelles celle-ci serait amenée à admettre l'existence de l'infraction dont ilappartient à la Commission d'établir la preuve (arrêts Orkem/Commission, précité,points 34, in fine, et 35, du 18 octobre 1989, Solvay/Commission, précité, et Sociétégénérale/Commission, précité, point 74).

450.
    C'est dans les limites ainsi rappelées qu'il convient d'apprécier les arguments desrequérantes.

451.
    En l'espèce, en premier lieu, il est constant que les questions contenues dans lesdécisions de demande de renseignements et mises en cause par les requérantessous cette branche du moyen sont identiques à celles annulées par la Cour dans sesarrêts Orkem/Commission et du 18 octobre 1989, Solvay/Commission, précités. Cesquestions sont donc frappées de la même illégalité.

452.
    Toutefois, ainsi que la Commission l'a souligné, il ressort du dossier que lesentreprises ont ou bien refusé de répondre à ces questions, ou bien nié les faits surlesquels elles étaient ainsi interrogées.

453.
    Dans ces conditions, l'illégalité des questions en cause n'emporte aucuneconséquence sur la légalité de la Décision.

454.
    De fait, les requérantes n'ont identifié aucune réponse qui aurait été apportéeprécisément à ces questions, ni indiqué l'utilisation que la Commission aurait faitede ces réponses dans la Décision.

455.
    En second lieu, une entreprise n'a pas l'obligation de répondre à une demande derenseignements, au titre de l'article 11, paragraphe 1, du règlement n° 17, paropposition aux décisions de demande de renseignements.

456.
    Dans ces conditions, les entreprises sont libres de répondre ou de ne pas répondreà des questions qui leur sont posées au titre de cette disposition. Cette conclusionne saurait être modifiée par le fait qu'une sanction est prévue à l'article 15,paragraphe 1, sous b), première partie de la phrase, du règlement n° 17. En effet,une telle sanction ne s'applique que dans l'hypothèse où, ayant accepté derépondre, l'entreprise fournirait un renseignement inexact.

457.
    Dès lors, par des demandes de renseignements au titre de l'article 11,paragraphe 1, du règlement n° 17, la Commission ne saurait être regardée commeimposant à une entreprise l'obligation de fournir des réponses par lesquelles celle-ciserait amenée à admettre l'existence de l'infraction dont il appartient à laCommission d'établir la preuve.

458.
    En troisième lieu, en ce qui concerne l'argument spécifique d'Enichem, il y a lieude relever que le respect, par la Commission, de l'interdiction qui lui est faited'imposer aux entreprises l'obligation de fournir des réponses par lesquelles celles-ci seraient amenées à admettre l'existence d'une infraction ne peut s'apprécierqu'au regard de la nature et du contenu des questions qui sont posées, et non desindices dont la Commission disposerait au préalable. Au demeurant, il y a lieu derelever que, dans l'arrêt Hoechst/Commission, précité, relatif à une décision devérification semblable à celles adressées aux autres producteurs de PVC, la Cour

a conclu que cette décision contenait les éléments essentiels exigés par l'article 14,paragraphe 3, du règlement n° 17. En particulier, elle a souligné que la décision encause faisait état notamment d'informations indiquant l'existence et l'applicationd'accords ou de pratiques concertées entre certains producteurs de PVC,susceptibles de constituer une infraction à l'article 85 du traité (arrêtHoechst/Commission, précité, point 42). Dans ces conditions, l'argument d'Enichemne saurait être accueilli.

459.
    En conséquence, le moyen doit être rejeté dans son ensemble.

c) Sur le moyen tiré d'une violation de l'article 20, paragraphe 1, du règlementn° 17

Arguments des parties

460.
    LVM, DSM, ICI, Hüls et Enichem rappellent que, en vertu de l'article 20,paragraphe 1, du règlement n° 17, des informations légalement recueillies nepeuvent être utilisées que dans le but pour lequel elles ont été demandées (arrêtDow Benelux/Commission, précité, points 17 et 18, et, sur des questions voisines,arrêts de la Cour du 16 juillet 1992, Asociación Española de Banca Privada e.a.,C-67/91, Rec. p. I-4785, points 35 à 39 et 42 à 54, et du 10 novembre 1993, Otto,C-60/92, Rec. p. I-5683, point 20).

461.
    En conséquence, si la Commission peut utiliser des informations recueillies dansle cadre d'une enquête comme indices pour apprécier l'opportunité d'ouvrir uneautre enquête (arrêt Dow Benelux/Commission, précité, point 19), elle ne pourraitpas utiliser ces éléments à titre de preuve de cette nouvelle infraction (arrêtAsociación Española de Banca Privada e.a., précité, point 42), pour laquelled'autres moyens de preuve devraient être trouvés.

462.
    En l'espèce, lors de l'instruction de l'affaire ayant conduit à l'adoption de ladécision 86/398/CEE de la Commission, du 23 avril 1986, relative à une procédured'application de l'article 85 du traité (IV/31.149 — Polypropylène) (JO L 230, p. 1),la Commission aurait obtenu des documents, dont certains ont été, ensuite,illégalement utilisés comme preuves dans la présente affaire. Il s'agit plusprécisément des documents dits «de planification», du document dit «partage dufardeau», joints respectivement en annexe 3 et 6 à la communication des griefs, etd'une note d'ICI du 15 avril 1981, annexée à la lettre de la Commission du27 juillet 1988. LVM et DSM soulignent que des documents de celle-ci sontégalement en cause.

463.
    Les requérantes en déduisent que, en utilisant ces documents comme preuves dansla présente affaire, la Commission a méconnu l'article 20, paragraphe 1, durèglement n° 17.

464.
    Enichem relève que la Commission a, ce faisant, méconnu également l'article 14,paragraphes 2 et 3, du règlement n° 17, puisqu'elle a recueilli au cours de l'enquêtesur le marché du polypropylène des documents qui sortaient de l'objet de sonmandat.

465.
    La Commission fait valoir, en substance, que les documents litigieux ont étéintégrés dans le dossier de la présente affaire sur le fondement de mandats relatifsau PVC. Dès lors, rien ne s'opposerait à leur utilisation en l'espèce.

Appréciation du Tribunal

466.
    Avant d'examiner le bien-fondé du moyen, il convient de préciser les faits.

— Sur les faits

467.
    En l'espèce, il est constant, d'une part, que les documents litigieux ont été obtenuspar la Commission, pour la première fois, dans le cadre de l'enquête dans lesecteur du polypropylène, et, d'autre part, qu'ils ont été utilisés comme preuves parla Commission dans la décision attaquée.

468.
    En outre, il ressort du dossier que la Commission a demandé une nouvelle copiedes pièces litigieuses dans le cadre de mandats portant, notamment, sur le PVC.

469.
    Ainsi, en ce qui concerne les documents de planification, la Commission en a prisde nouveau une copie lors d'une vérification ultérieure, sur la base d'un mandat quiconcernait, notamment, le PVC.

470.
    En ce qui concerne l'annexe 6 à la communication des griefs et la note d'ICI du15 avril 1981, la Commission les a identifiées et demandées une seconde fois lorsde la vérification du 23 novembre 1983, sur le fondement d'un mandat portant,notamment, sur le PVC, ce que confirme une lettre d'ICI à la Commission du16 mars 1984. ICI ne peut valablement prétendre s'être néanmoins opposée, danscette lettre, à ce que ces pièces soient incorporées au dossier PVC; bien aucontraire, il ressort explicitement de cette lettre que son auteur en a versévolontairement une nouvelle copie à cette fin.

471.
    En ce qui concerne les documents de DSM, seule cette entreprise et LVM en ontfait état. Toutefois, ni les écritures ni les questions posées lors de l'audience n'ontpermis d'identifier les documents dont il s'agissait. En toute hypothèse, il ressortdu mémoire en réplique de ces deux requérantes que, d'une part, les documentsen cause ont été obtenus par la Commission, pour la première fois, dans le cadrede l'affaire «polypropylène» et, d'autre part, que la Commission les a demandéset obtenus de nouveau en décembre 1983, lors d'une vérification dans les locauxde DSM, sur la base d'un mandat visant, notamment, le PVC.

— Sur le bien-fondé du moyen

472.
    Il est constant que, au vu des articles 14 et 20, paragraphe 1, du règlement n° 17,les informations recueillies au cours des vérifications ne doivent pas être utiliséesdans des buts autres que ceux indiqués dans le mandat de vérification ou ladécision de vérification. Cette exigence vise, en effet, à préserver, outre le secretprofessionnel, les droits de la défense des entreprises. Ces droits seraient gravementcompromis si la Commission pouvait invoquer à l'égard des entreprises des preuvesqui, obtenues au cours d'une vérification, seraient étrangères à l'objet et au but decelle-ci (arrêt Dow Benelux/Commission, précité, point 18).

473.
    Toutefois, on ne saurait en conclure qu'il serait interdit à la Commission d'ouvrirune procédure d'enquête, afin de vérifier l'exactitude ou de compléter desinformations dont elle aurait eu incidemment connaissance au cours d'unevérification antérieure, au cas où ces informations indiqueraient l'existence decomportements contraires aux règles de concurrence du traité (arrêt DowBenelux/Commission, précité, point 19).

474.
    Par ailleurs, il est établi (voir ci-dessus points 467 à 471) que la Commission nes'est pas bornée à introduire d'office, dans la présente affaire, des pièces qu'elleavait obtenues dans une autre, mais qu'elle a demandé ces pièces de nouveau dansle cadre de mandats de vérification portant, notamment, sur le PVC.

475.
    Compte tenu des éléments qui précèdent, il apparaît que le moyen se limite aupoint de savoir si la Commission, ayant obtenu des documents dans une premièreaffaire et les ayant utilisés comme indice pour ouvrir une autre procédure, est endroit de demander, sur le fondement de mandats ou décisions relatifs à cetteseconde procédure, une nouvelle copie de ces documents et de les utiliser alorscomme moyens de preuve dans cette seconde affaire.

476.
    Or, dès lors que la Commission a précisément obtenu de nouveau ces documentssur le fondement de mandats ou de décisions portant, notamment, sur le PVC,conformément à l'article 14 du règlement n° 17, et les a utilisés dans le but qui étaitindiqué dans ces mandats ou décisions, elle a respecté les droits de la défense desentreprises, tels qu'ils découlent de cette disposition.

477.
    Le fait que la Commission ait obtenu, pour la première fois, des documents dansune affaire donnée, ne confère pas une protection à ce point absolu que cesdocuments ne pourraient pas être légalement demandés dans une autre affaire etutilisés comme preuve. A défaut, ainsi que l'a souligné la Commission, lesentreprises seraient incitées, lors d'une vérification dans une première affaire, àdonner tous les documents permettant d'établir une autre infraction et se prémunirainsi de toute poursuite à cet égard. Une telle solution irait au-delà de ce qui estnécessaire pour préserver le secret professionnel et les droits de la défense, etconstituerait donc une entrave injustifiée à l'accomplissement, par la Commission,

de la mission de veiller au respect des règles de concurrence dans le marchécommun.

478.
    Au vu de l'ensemble de ces éléments, le moyen doit être rejeté.

d) Sur le moyen tiré de l'irrecevabilité, à titre de preuve, du refus de répondre àdes demandes de renseignements ou de produire des documents

Arguments des parties

479.
    Elf Atochem et BASF contestent que la Commission puisse utiliser à titre depreuve de l'infraction ou de leur participation à celle-ci le fait de ne pas avoirrépondu à des demandes de renseignements ou de ne pas avoir produit desdocuments. Ceci serait d'autant plus vrai que ces refus s'expliquaient par desraisons objectives.

480.
    La Commission soutient que rien dans la décision ne permet de soutenir une telleallégation.

Appréciation du Tribunal

481.
    Pour l'examen du présent moyen, il convient de distinguer entre la preuve del'infraction et la preuve de la participation d'entreprises à celle-ci.

— Preuve de l'infraction

482.
    S'il est vrai que la Commission a, directement ou indirectement, fait état du refusdes entreprises de répondre à certaines questions (Décision, points 6, in fine, 8, infine, 9, troisième alinéa, 14, premier alinéa, 16, premier alinéa, 18, premier alinéa,20, troisième et quatrième alinéas, 26, troisième et cinquième alinéas, 37, deuxièmealinéa), elle n'a, en revanche, à aucun moment, dans la Décision, utilisé ce faitcomme élément de preuve de l'infraction.

483.
    En réalité, dans ces différents points, elle s'est limitée à indiquer que, n'ayant puobtenir les renseignements demandés aux entreprises, elle devait se fonder surd'autres éléments pour apporter la preuve de l'infraction et, en particulier, faire unusage plus marqué des déductions au vu des informations dont elle disposait.

484.
    Dès lors, cette branche du moyen est non fondée.

— Preuve de la participation à l'infraction

485.
    Dès lors qu'est seule en cause la question de la participation des entreprises àl'entente alléguée, une requérante n'est pas recevable à contester les preuvesretenues pour établir la participation à l'infraction d'autres entreprises. L'examen

du moyen se limite donc à déterminer si, à l'encontre de chacune des requérantesICI et Elf Atochem, la Commission a retenu, comme preuve de leur participation,leur refus ou leur impossibilité de répondre à des demandes de renseignements.

486.
    Si les requérantes n'ont pas été en mesure d'identifier les extraits de la Décisiond'où il ressortirait que leur refus de répondre à des demandes de renseignementsde la Commission a été retenu comme preuve de leur participation à l'infractionalléguée, il ressort du point 26, premier alinéa, in fine, de la Décision, que «laCommission a également tenu compte du rôle joué par chaque producteur et despreuves de la participation de chacun à cette entente. Chaque producteur a reçutoutes les informations nécessaires au cours de la procédure administrative».

487.
    Ces informations incluent les documents intitulés «particularités individuelles», quiétaient annexés à la communication des griefs.

488.
    Dans le cas d'Elf Atochem, sous la rubrique «principales preuves de laparticipation à l'infraction», ce document indique: «[L'entreprise] refuse de fournirtoute information en vertu de l'article 11 du règlement n° 17 au sujet de saparticipation [aux] réunions.»

489.
    Or, le refus ou l'impossibilité de répondre à des demandes de renseignements nepeut, en lui-même, constituer une preuve de la participation d'une entreprise à uneentente.

490.
    Pour l'appréciation de la participation d'Elf Atochem à l'entente, il convient doncde ne pas tenir compte de cette circonstance retenue par la Commission.

491.
    Aucune mention similaire n'apparaît dans les «particularités individuelles» relativesà ICI. Dès lors, en l'absence de toute indication que la Commission aurait retenucomme preuve de la participation à l'entente le refus ou l'impossibilité de cetteentreprise de répondre à des demandes de renseignements, le moyen, pour autantqu'il est soulevé par ICI, doit être rejeté comme non fondé.

e) Sur le moyen tiré du défaut de communication de pièces

Arguments des parties

492.
    Wacker et Hoechst soutiennent, en premier lieu, que les extraits de la presseprofessionnelle, bien que visés dans la liste des annexes à la communication desgriefs, n'y étaient pas joints et ne pourraient donc leur être opposés. Elles fontvaloir, en second lieu, que la note d'ICI du 15 avril 1981, dont se prévaut laCommission, n'était ni mentionnée ni jointe à la communication des griefs. Austade de la réplique, elles soutiennent que cette note ne leur a jamais été adressée.

493.
    Hüls soutient que la note d'ICI du 15 avril 1981 ne peut être regardée comme unepreuve recevable, dès lors qu'elle n'était pas jointe à la communication des griefs.

494.
    Elle allègue, en outre, que l'annexe 15 à la communication des griefs, relative auxventes des quatre producteurs allemands durant le premier trimestre de l'année1984, d'une part, et durant l'année 1984, d'autre part, devrait être écartée desdébats, parce qu'elle a été établie sur le fondement d'éléments non divulgués (arrêtAEG/Commission, précité, point 30).

495.
    La Commission observe que les extraits de la presse professionnelle étaient annexésà la communication des griefs. Par ailleurs, si la note d'ICI du 15 avril 1981 n'étaitpas jointe à cette communication, elle a été adressée aux parties le 28 juillet 1988.Il ne saurait donc en découler une quelconque conséquence sur la légalité de laDécision. Enfin, pour autant que le moyen soulevé par Wacker et Hoechst estfondé sur le défaut de communication de cette pièce, il serait irrecevable, au titrede l'article 48, paragraphe 2, du règlement de procédure.

Appréciation du Tribunal

496.
    En premier lieu, il apparaît que les extraits de la presse professionnelle faisaientpartie de la communication des griefs (annexe spéciale intitulée «initiatives connuesen matière de prix»). En outre, à supposer que Wacker et Hoechst ne les aientnéanmoins pas reçus, il s'agit de documents qui, par nature, étaient publics. Dansces conditions, le défaut de communication de ces pièces, à le supposer établi, nesaurait affecter la légalité de la Décision.

497.
    En second lieu, il convient de relever qu'aucune disposition n'interdit à laCommission de communiquer aux parties, après l'envoi de la communication desgriefs, de nouvelles pièces dont elle estime qu'elles soutiennent sa thèse, sousréserve de donner aux entreprises le temps nécessaire pour présenter leur point devue à ce sujet (arrêt AEG/Commission, précité, point 29). Dès lors, le fait qu'unepièce n'était ni mentionnée ni jointe à la communication des griefs ne sauraitaffecter, en lui-même, la légalité de la Décision. En outre, les requérantes nesoutiennent pas que, après que la Commission leur eut envoyé copie de cette piècepar lettre du 27 juillet 1988, en indiquant sa pertinence au regard du mécanismede quotas allégué, elles n'auraient pas été en mesure de faire valoir utilement leurpoint de vue à cet égard. De fait, elles ont eu la possibilité de s'exprimer, tant parécrit qu'oralement.

498.
    En troisième lieu, le moyen, pour autant qu'il est fondé sur le fait que cette piècen'aurait jamais été communiquée à Wacker et Hoechst, est un moyen nouveau,soulevé au stade de la réplique. En l'absence d'indications qu'il serait fondé sur deséléments de droit et de fait qui se sont révélés pendant la procédure, il doit êtredéclaré irrecevable, au titre de l'article 48, paragraphe 2, du règlement deprocédure.

499.
    En quatrième lieu, il convient de relever que l'annexe 15 de la communication desgriefs ne constitue pas une preuve autonome mais présente, certes de façonsommaire, les éléments du calcul que la Commission a effectué pour conforter sesconclusions tirées de l'annexe 10. Ces conclusions étaient pleinement exposées dansla communication des griefs et la requérante a pu formuler ses observations à leurégard en temps utile. Dès lors, même à supposer que cette annexe 15 soitirrecevable, faute de contenir des éléments d'information suffisants, ilappartiendrait en toute hypothèse au Tribunal de vérifier le bien-fondé desconclusions tirées par la Commission, au point 14 de la Décision, de l'annexe 10à la communication des griefs.

500.
    Le moyen doit, en conséquence, être rejeté.

f) Sur le moyen tiré de la communication tardive de pièces

Arguments des parties

501.
    BASF soutient que l'annexe 3 à la communication des griefs, qui constitue unepièce à charge déterminante, ne lui a été communiquée, dans son intégralité, quelors de l'audition, le 6 septembre 1988. En dépit de la demande formulée lors decette audition, la requérante n'aurait donc pas eu la possibilité de s'exprimer à sonsujet, en violation des articles 3, 4 et 7 du règlement n° 99/63.

502.
    La Commission observe que le présent moyen ne porte pas sur l'annexe 3elle-même, mais sur les annotations manuscrites illisibles qui y étaient portées. Or,la requérante aurait eu une connaissance suffisante de ces annotations.

Appréciation du Tribunal

503.
    Il est constant que les documents constituant l'annexe 3 à la communication desgriefs étaient joints à cette communication, telle qu'elle a été adressée à larequérante le 5 avril 1988. Le moyen est donc limité à la communicationprétendument tardive de la transcription des mentions manuscrites qui sontportées, de façon illisible, sur les quatre pages que comporte cette annexe.

504.
    Il est également constant que la requérante n'a reçu une transcription intégrale desnotes manuscrites que le 6 septembre 1988, à l'occasion de l'audition.

505.
    Toutefois, la seule annotation manuscrite dont la Commission a entendu seprévaloir dans la Décision avait été explicitement mentionnée dans l'annexe à lacommunication des griefs relative aux initiatives de prix connues. Il en ressort quela requérante a eu toute possibilité de faire valoir ses observations à cet égard.

506.
    Dès lors, le moyen doit être rejeté.

507.
    Au vu de l'ensemble de ces éléments, il y a lieu de rejeter les moyens relatifs àl'irrecevabilité de preuves retenues par la Commission à l'encontre des requérantes,sous réserve du point 490 ci-dessus.

2. Sur l'administration de la preuve

508.
    L'argumentation des requérantes à cet égard comporte, en substance, deux moyensou séries de moyens. Tout d'abord, elles contestent la valeur probante de certainstypes de pièces retenues à leur encontre par la Commission. Ensuite, elles fontgrief à celle-ci d'avoir méconnu les principes relatifs à l'administration de la preuve.

a) Sur le moyen tiré du défaut de valeur probante de catégories de preuvesretenues par la Commission

Arguments des parties

509.
    LVM et DSM exposent que, selon les principes de la procédure pénalenéerlandaise et selon le droit à un procès équitable au sens de l'article 6 de laCEDH (Cour eur. D. H. arrêt Kostovski du 20 novembre 1989, série A n° 166,points 39 et 44, et, indirectement, arrêts du Tribunal du 17 décembre 1991,BASF/Commission, T-4/89, Rec. p. II-1523, points 64 à 72, et EnichemAnic/Commission, T-6/89, Rec. p. II-1623, points 69 à 73), la preuve de faits àcharge ne peut être fondée exclusivement ni sur les déclarations de l'accusé ni surles déclarations d'autres entreprises incriminées, qui doivent, par principe, êtretenues pour suspectes, de telle façon qu'elles ne doivent être opposées qu'à leurauteur, ni, enfin, sur des écrits «officieux», dont, par nature, la fiabilité etl'authenticité sont incertaines.

510.
    Dès lors, en l'espèce, la Décision devrait être annulée, pour autant qu'elle estfondée exclusivement sur de telles pièces, sans le soutien d'éléments de preuvelicites.

511.
    La Commission objecte que les dispositions de droit pénal néerlandais etl'interprétation abusivement large de l'arrêt Kostovski, précité, ne sont paspertinentes pour l'application des règles communautaires de concurrence. Ellespriveraient de tout intérêt pratique les articles 11 et 14 du règlement n° 17.

Appréciation du Tribunal

512.
    En premier lieu, aucune disposition ni principe général du droit communautairen'interdit à la Commission de se prévaloir de renseignements et documents tels queceux évoqués par les requérantes. En second lieu, si la thèse des requérantes étaitretenue, la charge de la preuve de comportements contraires aux articles 85 et 86du traité, qui incombe à la Commission, serait insoutenable et incompatible avec

la mission de surveillance de la bonne application de ces dispositions qui lui estattribuée par le traité.

513.
    En particulier, il convient de relever que c'est à tort que les requérantes invoquent,au soutien de leur thèse, les arrêts BASF/Commission et EnichemAnic/Commission, précités. Il ressort, en effet, des motifs de ces arrêts cités par lesrequérantes que le Tribunal, loin de considérer que les déclarations des entreprisesseraient, par principe, dénuées de valeur probante, a conclu que, en l'espèce, lespièces invoquées n'avaient pas le sens et la portée que leur accordait laCommission.

514.
    Dans ces conditions, les moyens invoqués par les requérantes se confondent avecla question de savoir si les constatations de fait opérées par la Commission sontétayées par les éléments de preuve qu'elle a produits.

b) Sur le moyen tiré d'une méconnaissance des règles relatives à l'administrationde la preuve

Arguments des parties

515.
    LVM, Elf Atochem, BASF, DSM, Wacker, Hoechst et ICI soutiennent, dans lecadre de moyens spécifiques, que la Commission a méconnu le principe de laprésomption d'innocence et la charge de la preuve qui lui incombe.

516.
    Elles rappellent que la présomption d'innocence, qui est garantie par l'article 6 dela CEDH, constitue un principe général du droit communautaire et s'appliquepleinement lors de la mise en oeuvre des articles 85 et 86 du traité (arrêts de laCour ACF Chemiefarma/Commission, précité, point 153, du 21 février 1973,Europemballage et Continental Can/Commission, 6/72, Rec. p. 215, du16 décembre 1975, Suiker Unie e.a./Commission, 40/73 à 48/73, 50/73, 54/73, 55/73,56/73, 111/73 et 114/73, Rec. p. 1663, point 301, et du 28 mars 1984, CRAM etRheinzink/Commission, 29/83 et 30/83, Rec. p. 1679; arrêts BASF/Commission,précité, points 70 et 71, et Enichem Anic/Commission, précité, point 70).

517.
    Dès lors, quelles que soient les difficultés pratiques que la Commission rencontredans l'administration de la preuve, la charge de la preuve d'une prétendueinfraction lui incombe, en contrepartie des larges pouvoirs d'enquête qui lui sontreconnus (arrêts Hoechst/Commission et Dow Benelux/Commission, précités).

518.
    A cette fin, la Commission ne pourrait se limiter à des affirmations, suppositionsou inductions. Elle devrait se référer à des indices graves, précis et concordants(par exemple, arrêts Europemballage et Continental Can/Commission, précité,points 31 à 37, United Brands/Commission, précité, points 264 à 267, et SuikerUnie e.a./Commission, précité, point 166; conclusions de l'avocat général SirGordon Slynn sous l'arrêt Musique Diffusion française e.a./Commission, précité,

Rec. p. 1914 et arrêt de la Cour du 31 mars 1993, Ahlström Osakeyhtiöe.a./Commission, C-89/85, C-104/85, C-114/85, C-116/85, C-117/85 et C-125/85 àC-129/85, Rec. p. I-1307); en outre, il devrait exister un lien direct et causal entreles faits et les conclusions qui en sont tirées, qui doivent être raisonnablement etobjectivement exemptes de doutes (arrêt de la Cour du 30 juin 1966, LTM, 56/65,Rec. p. 337, 361 et 362).

519.
    A l'inverse, les entreprises auxquelles est reprochée une infraction à l'article 85 dutraité doivent se voir reconnaître le bénéfice du doute. En outre, elles ne devraientpas nécessairement infirmer les affirmations de la Commission, mais uniquementétablir qu'elles sont incertaines ou insuffisamment étayées (conclusions de l'avocatgénéral Sir Gordon Slynn sous l'arrêt Musique diffusion française e.a./Commission,précitées, Rec. p. 1931). A défaut, les entreprises seraient confrontées à unrenversement illégal de la charge de la preuve; elles seraient ainsi tenues derapporter la preuve négative de leur non-participation à l'entente et contraintesainsi à la «probatio diabolica».

520.
    Or, en l'espèce, la Commission aurait méconnu ces principes et ces règles.

521.
    En effet, selon LVM et DSM, loin de retenir des faits établis, la Commission seserait en effet contentée de ce qu'elle qualifie de preuves indirectes mais qui selimite en réalité à des affirmations, des suppositions et des inductions (par exemple,Décision points 9, 16, 20 et 23).

522.
    En l'espèce, selon Elf Atochem, la Commission, qui reconnaîtrait la faiblesse despreuves dont elle dispose (points 31 et 38 des motifs de la Décision), n'auraitjustifié ni l'exactitude des données sur lesquelles repose son analyse ni le bien-fondéde ses appréciations. En réalité, elle aurait postulé l'existence et, au vu de réunionsentre certains producteurs, sur l'objet desquelles elle admet ne disposer d'aucunedonnée, la mise en oeuvre d'un plan d'ensemble fondé sur des propositions de1980, découvertes chez ICI. Pourtant, elle ne pourrait prouver ni la participationde chaque producteur à ce qu'elle qualifie «d'initiatives communes», ni l'unicité devolonté des entreprises auxquelles elle reproche de mettre en oeuvre ensemble uneinfraction.

523.
    En l'espèce, selon BASF, la méthode d'administration de la preuve retenue par laCommission relèverait du «cercle vicieux». Ainsi, dans un premier temps, laCommission présume que les éléments de preuve produits ont une certaine teneuret, dans un second temps, utilise ces mêmes éléments pour prouver qu'ils ont lateneur préconçue qu'elle leur a attribuée. Cela conduirait à un renversement de lacharge de la preuve inacceptable. Il serait tout aussi inacceptable d'affirmer quel'absence de documents à charge, par exemple sur les réunions entre producteurs,peut servir à créer une présomption de culpabilité. L'absence de documents seraitd'ailleurs inéluctable compte tenu des années écoulées entre la premièreinvestigation et la communication des griefs.

524.
    Wacker et Hoechst soutiennent que, par un usage abusif de la preuve par indice,la Commission a méconnu les règles d'administration de la preuve. Leraisonnement qu'elle a construit consisterait en effet à déduire l'existence del'accord de base de celle des actes d'exécution et réciproquement, mais sans jamaisdémontrer l'existence de l'un et de l'autre.

525.
    En l'espèce, selon la SAV, alors que la Commission reconnaîtrait ne pas disposerdes éléments essentiels de preuve de la participation à l'entente de certainesentreprises, dont la requérante, cette preuve serait tirée, pour chaque participantprésumé, de son adhésion «à l'entente considérée globalement». En réalité, laCommission se serait bornée à déduire la participation de toutes les entreprises duseul fait que certaines y auraient participé (point 25 de la Décision). De fait, lestrois preuves censées établir la participation individuelle de la SAV ne présententaucun caractère probant.

526.
    ICI fait valoir que, en l'espèce, les éléments de preuve ne suffisent pas à justifierde façon convaincante les allégations de fait de la Commission. Ainsi en serait-il àpropos de l'objet des réunions et des engagements qu'auraient pris les producteursà ces occasions (points 9, troisième et quatrième alinéas, de la Décision), de la miseen oeuvre de tout système relatif au «volume» et aux prix, de la conclusion que lesprix résulteraient d'une concertation ou encore du lien de causalité entre lesdocuments de planification et les constatations ultérieures de la Commission sur lesfaits (points 24, deuxième alinéa, et 30, deuxième alinéa, de la Décision).

527.
    En toute hypothèse, ces allégations de fait ne suffiraient pas à justifier lesconclusions juridiques que la Commission en tire, tant en ce qui concernel'existence d'un accord ou d'une pratique concertée qu'en ce qui concernel'affectation du commerce entre États membres (arrêt United Brands/Commission,précité, points 248 à 267, et conclusions de l'avocat général Sir Gordon Slynn sousl'arrêt Musique diffusion française/Commission, précitées, Rec. p. 1930 et 1931).

528.
    Hüls soutient que, sans aucune explication, la Commission a, dans la Décision,qualifié de certitude ce qui, dans la lettre de la Commission du 24 novembre 1987demandant des renseignements à la requérante, n'était encore que des probabilités.En réalité, depuis la demande de renseignements, la Commission aurait eu l'idéepréétablie que la requérante avait enfreint l'article 85 du traité.

529.
    La Commission objecte, en substance, qu'elle n'a pas méconnu la charge de lapreuve qui lui incombe. Elle estime avoir disposé de suffisamment de preuves pourconstater une infraction (point 23 de la Décision). L'inexactitude éventuelle decette affirmation relèverait de l'appréciation au fond. Elle rappelle en particulierque le recours aux preuves indirectes est admis (notamment arrêts du 14 juillet1972, ICI/Commission, précité, points 64 à 68, CRAM et Rheinzink/Commission,précité, points 16 à 20, et Ahlström Osakeyhtiö e.a./Commission, précité, point 71).Ceci serait d'ailleurs indispensable, compte tenu de la prise de conscience

croissante des milieux d'affaires européens de la portée du droit de la concurrence.En outre, les preuves ne devraient pas être considérées isolément, mais dans leurensemble (arrêts du 14 juillet 1972, ICI/Commission, précité, point 68, CRAM etRheinzink/Commission, précité, point 20, et Ahlström Osakeyhtiö e.a./Commission,précité, point 163) et les preuves individuelles ne pourraient être dissociées de leurcontexte (arrêt SIV e.a./Commission, précité, points 91 à 94).

Appréciation du Tribunal

530.
    L'examen du présent moyen se confond avec celui, soulevé notamment par lesmêmes parties requérantes, tiré des erreurs manifestes d'appréciation des faitsqu'aurait commises la Commission, dans l'établissement tant de l'existence del'infraction que de la participation des entreprises à cette infraction.

531.
    Il convient en conséquence de reporter l'analyse du présent moyen, afin deprocéder simultanément à son examen et à celui des autres moyens de fond.

B — Sur la contestation de l'existence d'une infraction à l'article 85, paragraphe 1, dutraité

532.
    Toutes les requérantes mettent en cause l'appréciation des faits portée par laCommission. Seule la SAV ne prétend contester que sa participation à l'ententealléguée, arguant du fait qu'elle n'a pas connaissance de celle-ci. Toutefois, pourdémontrer qu'elle n'a pas participé à cette entente, elle conteste également, aumoins pour partie, les faits constatés par la Commission. Ces dernières objectionssont donc examinées sous le présent titre.

533.
    En outre, les requérantes critiquent la qualification juridique des faits opérée parla Commission.

534.
    Il convient d'examiner successivement les objections en fait et celles en droit.

1. En fait

Rappel sommaire de la Décision

535.
    Dans la première partie de la Décision, intitulée «Les faits», la Commission a, dansune première sous-partie introductive, identifié les entreprises visées par laDécision et fourni certaines informations, notamment, sur le produit en cause, lemarché du PVC et la situation de surcapacité de ce secteur.

536.
    Dans une deuxième sous-partie, elle a procédé à la description de l'infraction, enexaminant successivement les cinq aspects suivants: l'origine de l'entente (point 7de la Décision), les réunions entre producteurs (points 8 et 9), le système de quotas

(points 10 à 14), la surveillance des ventes sur les marchés nationaux (points 15 et16) et les prix cibles et les initiatives en matière de prix (points 17 à 22).

537.
    Sur l'origine de l'entente, la Commission s'est essentiellement fondée sur deuxdocuments trouvés dans les locaux d'ICI, joints en annexe 3 à la communication desgriefs (ci-après dénommés conjointement «documents de planification»). Lepremier de ces documents, intitulé «liste de contrôle», et le second, «réponse auxpropositions», constituent, selon la Commission, un projet de création d'entente.

538.
    Sur les réunions entre producteurs, la Commission s'est, en particulier, référée auxréponses de certains producteurs aux demandes de renseignements adressées parla Commission pendant la procédure administrative préalable.

539.
    Sur les mécanismes de quotas, la Commission a décrit les faits allégués sur lefondement de plusieurs pièces. Elle s'est ainsi référée à trois documents, joints enannexes 6, 7 et 9 à la communication des griefs, d'où il ressort, selon elle, que lesproducteurs de PVC ont instauré entre eux un mécanisme de compensation,destiné à renforcer un système de quotas. La première pièce, intitulée «partage dufardeau», est un document manuscrit trouvé dans les locaux d'ICI, la deuxième undocument émanant d'ICI mais découvert chez un producteur tiers (ci-après«document Alcudia»), la dernière, un document interne de DSM, trouvé dans leslocaux de cette entreprise (ci-après «document DSM»). Elle s'est également fondéesur deux autres pièces, à savoir, une note du 15 avril 1981 trouvée dans les locauxd'ICI et transcrivant le message du directeur général de la division pétrochimiquede Montedison (ci-après «note du 15 avril 1981») (communiquée par laCommission aux requérantes par lettre du 27 juillet 1988) et un tableau découvertdans les locaux d'Atochem (ci-après «tableau Atochem») (annexe 10 à lacommunication des griefs).

540.
    Sur les mécanismes de surveillance des ventes, aux termes desquels les producteurs«domestiques» de certains grands marchés nationaux se seraient informésmutuellement des tonnages qu'ils vendaient sur chacun de ces marchés, laCommission s'est appuyée, à titre principal, sur une série de tableaux découvertsdans les locaux de Solvay (ci-après «tableaux Solvay»), joints en annexe 20 à 40 àla communication des griefs. Elle s'est également référée aux réponses de Solvay,du 25 février 1988, et de Shell, du 3 décembre 1987, à des demandes derenseignements. Ces réponses étaient jointes à la communication des griefs,respectivement en annexes 41 et 42.

541.
    Sur les initiatives de prix, la Commission s'est fondée, pour l'essentiel, sur desdocuments internes de plusieurs producteurs de PVC, joints en annexe P1 à P70à la communication des griefs, ainsi que sur des extraits de la presse professionnellerelatifs à la période de 1980 à 1984, joints en annexe, non numérotée, à lacommunication des griefs.

542.
    Enfin, dans une troisième sous-partie, la Commission a formulé quelquesobservations notamment sur la preuve de l'existence de l'entente (points 23 et 24de la Décision). Elle observe ainsi: «De par la nature de l'infraction en cause dansla présente affaire, toute décision devra se fonder dans une large mesure sur lespreuves indirectes: il se peut que les faits qui constituent l'infraction à l'article 85doivent, du moins en partie, être établis par déduction logique d'autres faitsavérés.» (Point 23 de la Décision.) Après avoir énuméré les principaux élémentsde preuve dont elle estime disposer, la Commission a souligné que «les différentséléments de preuve directe et indirecte doivent en l'espèce être considérésensemble. [...] Dans cette optique, chaque élément de preuve renforce les autresà l'égard des faits en cause et aboutit à la conclusion qu'une entente consistant àpartager les marchés et à fixer les prix a été mise en oeuvre pour le PVC» (point24 de la Décision).

Arguments des requérantes

543.
    Les requérantes soutiennent que la Commission n'est pas parvenue à établir lesfaits dont elle allègue l'existence.

— Sur l'origine de l'entente

544.
    Selon les requérantes, les documents de planification seraient dénués de valeurprobante.

545.
    En premier lieu, BASF, DSM, Wacker, Hoechst, Hüls et Enichem soutiennent qu'iln'est pas établi que ces documents concernaient le PVC; les pièces jointes enannexes 1 et 2 à la communication des griefs auraient ainsi pour seul objet de fairecroire que les documents de planification, qui constituent l'annexe suivante à lacommunication des griefs, sont relatifs à ce secteur d'activité.

546.
    En second lieu, selon BASF et Enichem, il n'est pas établi que ces documentsconcernent des marchés autres que le marché britannique.

547.
    En troisième lieu, BASF, DSM, Wacker, Hoechst, la SAV, Hüls et Enichem fontvaloir que la réponse aux propositions ne constitue pas une réponse à la liste decontrôle. En effet, le premier document serait postérieur au second et les thèmesabordés dans la réponse aux propositions ne correspondent pas à ceux énoncésdans la liste de contrôle. Aucun des documents de planification ne comporteraitd'ailleurs de référence à l'autre. Enfin, le fait que ces documents aient étédécouverts attachés l'un à l'autre ne saurait pallier l'absence de concordance entreeux sur le fond.

548.
    En quatrième lieu, BASF, DSM, Wacker, Hoechst, la SAV, Hüls et Enichemsoulignent que les documents de planification sont rédigés par un inconnu etdestinés à des inconnus; il n'est donc pas établi qu'ils ne sont pas simplement

l'expression des avis de différentes personnes au sein d'ICI, ni qu'ils ont étéadressés ou portés à la connaissance d'autres entreprises.

549.
    En cinquième lieu, les requérantes soutiennent qu'il n'existe pas de preuves du lienentre ces documents et les arrangements restrictifs postérieurs que la Commissioncroit avoir établis.

550.
    En dernier lieu, selon BASF et DSM, si la liste de contrôle se réfère à une réuniondu 18 septembre 1980, sans autre précision, la Commission n'a établi ni que cetteréunion a eu lieu, ni qu'il ne s'agissait pas d'une simple réunion interne d'ICI, niqu'elle était consacrée à l'examen de la liste de contrôle, ni encore qu'elle a eu desrésultats.

— Sur les réunions entre producteurs

551.
    BASF observe que ni la date ni le lieu des réunions n'ont été précisés.

552.
    Selon les requérantes, à l'exception de Shell, la Commission n'a pas établi que cesréunions poursuivaient un objet anticoncurrentiel. En déduisant des réponsesd'entreprises aux demandes de renseignements que l'objet des réunions entreproducteurs était illégal, la Commission aurait indûment méconnu le sens de cesréponses; il ressortirait en effet de celles-ci que les discussions entre producteursportaient sur l'évolution du marché du PVC en général. Cette explication seraitparfaitement plausible, compte tenu de la crise que traversait le secteur et del'importante documentation confirmant le caractère concurrentiel du marché. BASFajoute que la Commission ne peut déduire de l'absence de procès-verbaux de cesréunions leur caractère illicite.

553.
    LVM, BASF, DSM et Enichem soutiennent qu'aucun lien ne permet de rattacherces réunions entre producteurs au prétendu plan d'ensemble. En toute hypothèse,Hüls souligne que l'objet anticoncurrentiel allégué des réunions ne peut être établiau vu des documents de planification, puisque ceux-ci sont dénués de valeurprobante.

— Sur les mécanismes de quotas et de compensation

554.
    Les requérantes contestent la valeur probante des pièces auxquelles la Commissionse réfère.

555.
    En premier lieu, elles rappellent que les documents de planification ne peuventêtre utilement invoqués par la Commission (voir ci-dessus, point 544 et suivants).

556.
    En second lieu, BASF, Wacker, Hoechst et Hüls soutiennent que les documentspartage du fardeau et Alcudia ne concernent pas le PVC et ont été élaborés pardes personnes étrangères à ce secteur; les opinions de celles-ci, fondées sur des

informations parcellaires et des rumeurs, ne pourraient en conséquence constituerune preuve d'infraction.

557.
    Ni l'un ni l'autre de ces documents n'établiraient qu'un mécanisme decompensation a effectivement existé et a été mis en oeuvre. D'ailleurs, le documentAlcudia porterait la mention «projet». En outre, ICI avait déclaré, dans sa réponsedu 9 octobre 1987 à une demande de renseignements, qu'un tel système n'avaitjamais été mis en oeuvre.

558.
    En troisième lieu, le document DSM ne serait pas plus probant.

559.
    Ainsi, DSM, BASF et Hüls observent qu'il ne constituerait en réalité qu'une étudede marché interne, comparant des statistiques globales de la Fides avec les propresventes de DSM. Selon DSM, le terme de compensation qui apparaît sur cedocument ne viserait que la compensation d'indications antérieures inexactes de laFides. Un mécanisme de compensation, au sens où l'entend la Commission, n'auraitd'ailleurs aucun sens, alors que la demande de PVC avait augmenté de 12 % aupremier semestre de 1982 par rapport au même semestre de l'année précédente.

560.
    Wacker et Hoechst font valoir que le document DSM est extrait d'un documentplus volumineux, si bien qu'il ne pourrait être compris isolément.

561.
    BASF souligne enfin que la Commission n'a pas établi un seul cas de compensationentre les producteurs; la mise en oeuvre d'un tel mécanisme, dont les modalités defonctionnement ne sont pas établies, ne serait donc pas prouvée. Les livraisons dequantités minimes de producteur à producteur, afin de faire face à des goulotsd'étranglement, ne peuvent être qualifiées de compensations.

562.
    En quatrième lieu, le tableau Atochem n'aurait aucune valeur probante.

563.
    Elf Atochem relève que ce document, bien que découvert dans les locauxd'Atochem, est en réalité extérieur à cette entreprise et a été trouvé dans le bureaud'une personne sans responsabilité opérationnelle, parmi des dossiers d'étudesgénérales sans rapport avec le PVC.

564.
    En outre, selon BASF, présumé daté de 1984, ce document aurait été établi aposteriori, ce qui n'aurait aucun sens dans un système de quotas. Wacker etHoechst soulignent que l'origine des chiffres qui y sont indiqués est inconnue; cesdonnées pourraient en tout cas résulter d'informations publiques.

565.
    Selon BASF, Wacker, Hoechst et Hüls, la Commission se bornerait à spéculer quel'abréviation «%T», apparaissant sur le tableau Atochem, est une référence à unecible; or, les indications relatives aux producteurs allemands correspondraientexactement à la part que représente leur capacité de production, si bien que «%T»pourrait signifier pourcentage de la capacité totale.

566.
    D'ailleurs, LVM, BASF, DSM et Enichem observent que les tonnages de ventesréels ne correspondent pas aux tonnages exprimés dans le tableau Atochem, ce quiconforterait l'idée selon laquelle les chiffres indiqués ne constituent que desestimations individuelles. En réalité, la Commission ne disposerait des chiffres deventes réels que pour trois des treize entreprises et seuls six des onze chiffresrelatifs à ces trois entreprises correspondraient aux chiffres de ventes effectifs.

567.
    Selon BASF, Wacker, Hoechst et Hüls, en ce qui concerne plus particulièrementles producteurs allemands, leurs ventes seraient agrégées, rendant impossiblel'identification de ceux-ci et de leurs ventes; cette constatation serait incompatibleavec l'existence d'un mécanisme de quotas. En outre, la comparaison de cesprétendues cibles avec les chiffres de ventes effectifs de Hoechst, tels qu'établis etcertifiés par une société agréée d'expertise comptable en octobre 1988, feraitapparaître des différences sensibles, de l'ordre de 5 %.

568.
    En cinquième lieu, BASF conteste la pertinence des pièces sur lesquelles s'appuiela Commission pour étayer son analyse du tableau Atochem.

569.
    Ainsi, les annexes 13 à 16, relatives aux statistiques sur les volumes de venteseffectifs, montreraient simplement que les déclarations faites par les producteursau système Fides sont exactes. Les annexes 17 et 19 ne seraient que des documentsinternes, faisant état des objectifs de vente que se fixent elles-mêmes lesentreprises; l'annexe 18 irait à l'encontre d'un système de quotas, puisqu'ICI yprévoit un recul de sa part de marché pour les mois à venir.

570.
    En sixième lieu, Wacker, Hoechst et Hüls font valoir que la note d'ICI du 15 avril1981 est également dénuée de valeur probante. Non seulement elle ne concerneraitpas le PVC, mais en outre sa signification demeurerait obscure.

— Sur la surveillance des ventes sur les marchés nationaux

571.
    En premier lieu, Hüls soutient que la nature des tableaux Solvay leur retire toutevaleur probante. Ils n'auraient été établis qu'a posteriori, sur le fondementd'informations dont la source est inconnue, en vue de l'établissement d'études demarché. Il ne s'agirait tout au plus que d'hypothèses concernant l'évolution futuredu chiffre d'affaires, qui ne se sont jamais réalisées l'année suivante, etd'estimations, comme l'illustrent les chiffres arrondis. Rédigés en français, et nonen anglais, ces documents ne pourraient être que des documents internes de Solvay.

572.
    En second lieu, LVM observe que les tableaux Solvay n'auraient de valeurprobante que s'ils étaient exacts; or, ils présenteraient des différences sensibles parrapport aux ventes réelles. En effet, la Commission aurait tenu compte des donnéesprovisoires fournies à la Fides, et non des chiffres définitifs de la Fides, qui seulstraduisent les ventes réelles. Or, compte tenu des dates de chargement et delivraison, des différences pourraient exister. En outre, Wacker et Hoechst relèvent

que, pour les producteurs allemands, les tableaux Solvay ne comportent aucunedonnée individualisée, mais uniquement des chiffres globaux.

573.
    En troisième lieu, Hüls souligne que le chiffre global des ventes de PVC sur lemarché allemand (annexe 20 à la communication des griefs), s'il concorde avec lesdéclarations de la Fides, ne devrait pas, selon les règles du système Fides, inclureles livraisons faites à l'entreprise Dynamite Nobel AG; une telle erreur montredonc que les chiffres figurant à l'annexe 20 ne correspondent pas au système Fides.

574.
    En quatrième lieu, LVM, BASF, DSM, Montedison et Enichem reprochent à laCommission d'affirmer, sans démonstration, que des chiffres précis de ventesn'auraient pu être obtenus sans un échange volontaire entre les producteurs. Aucontraire, Solvay aurait expliqué avoir élaboré seule, à des fins internes, lesdocuments statistiques sur lesquels la Commission fonde son accusation. DSMconteste, exemples à l'appui, la conclusion de la Commission selon laquelle uneévaluation précise des parts de marché de chaque producteur ne pourrait êtreobtenue sans un échange d'informations entre eux. En réalité, sur la seule based'informations aisément accessibles, chaque entreprise aurait pu réaliser desestimations précises des ventes des concurrents, sans aucun échange illicited'informations. BASF souligne que la notion même d'échange implique uneréciprocité entre entreprises, ce qui n'est précisément pas allégué. Selon Enichem,si une note se rapportant au tableau de l'annexe 34, et d'ailleurs uniquement àcelui-ci, fait état de données échangées avec les confrères, il ne serait pas préciséqui sont ces confrères; compte tenu de la politique agressive de la requérante, ilne pourrait s'agir que des collègues de travail au sein de Solvay, et non de larequérante. Il ne s'agirait en toute hypothèse que d'échanges de données passées,et non de prévisions.

575.
    En dernier lieu, BASF et Shell soutiennent que la Commission a déformé le sensde la réponse de Shell à une demande de renseignements. En effet, d'une part,Shell aurait indiqué qu'aucune information précise n'avait été communiquée àSolvay; toute communication de ce type aurait concerné les ventes en Europeoccidentale et n'aurait donc pu constituer la source des données figurant dans lesdocuments Solvay, qui comportaient une ventilation pays par pays. D'autre part,Shell aurait ajouté que toute information de cette nature n'avait été communiquéequ'occasionnellement entre janvier 1982 et octobre 1983, alors que les documentsSolvay comportent les chiffres pour la période 1980 à 1984. Ces éléments factuelsconfirmeraient que les documents Solvay n'ont été élaborés qu'à partir desstatistiques officielles publiées et des contacts avec la clientèle.

— Sur les initiatives de prix

576.
    BASF, Wacker, Hoechst et Montedison rappellent que, selon elles, les documentsde planification n'ont pas de valeur probante (voir ci-dessus point 544 et suivants).

577.
    Selon LVM et DSM, l'existence de prix cibles n'était pas concevable sur le marchédu PVC; les prix seraient en effet négociés dans chaque cas particulier.

578.
    LVM, DSM, Wacker et Hoechst font valoir que les annexes P1 à P70 à lacommunication des griefs n'ont pas de valeur probante, dès lors qu'il s'agit derapports internes d'entreprises établis a posteriori.

579.
    En toute hypothèse, selon LVM, BASF, DSM, Wacker, Hoechst, Montedison, Hülset Enichem, ces annexes ne permettent pas de conclure que les initiativesreprochées étaient concertées; en réalité, les initiatives en cause ne seraient que lerésultat de décisions autonomes des entreprises, sans concertation préalable; lesentreprises n'auraient fait que s'adapter intelligemment aux conditions du marché.

580.
    Les requérantes soulignent enfin que les annexes P1 à P70 et les pièces qui leuravaient été adressées par la Commission le 3 mai 1988 révéleraient, au contraire,un marché concurrentiel, dans lequel, notamment, les prix évoluaient rapidementet fréquemment et certains producteurs se montraient agressifs.

581.
    Les extraits de la presse professionnelle ne pourraient constituer ni une preuve, nimême un indice d'infraction. Ils ne pourraient donc suffire à soutenir la thèse dela Commission.

Appréciation du Tribunal

582.
    Il convient de relever que, afin de déterminer l'origine de l'entente, la Commissions'est fondée sur le libellé des documents de planification, sur les renseignementsdonnés par ICI à leur propos, en réponse à une demande de renseignements quilui avait été adressée, et sur la corrélation étroite existant entre les pratiquesenvisagées décrites dans ces documents, d'une part, et les pratiques constatées surle marché, d'autre part.

583.
    Dans ces conditions, il y a lieu d'examiner tout d'abord les différentes pratiquesdont la Commission estime avoir établi l'existence sur le marché, en les mettant enparallèle avec les pratiques prévues dans les documents de planification.

— Sur les systèmes de quotas

584.
    La liste de contrôle, qui constitue le premier des documents de planification,énonçait, en son point 3, des «propositions pour un nouveau cadre de réunions».Cette rubrique, après avoir énuméré sous forme d'initiales ou de sigles le nom decertains producteurs pressentis pour participer à ces réunions, comporte unesubdivision relative aux «propositions relatives aux modalités de fonctionnementde ces réunions», contenant elle-même les éléments suivants: «parts de marché enpourcentage des producteurs et écarts autorisés par rapport à ces parts de marché»et «arrangement pour l'utilisation de nouvelles capacités».

585.
    La réponse aux propositions, qui constitue le second des documents deplanification, énonce, en son point 2, la proposition selon laquelle «à l'avenir, lesquotas en tonnage devraient être exprimés par société et non sur une basenationale», assortie du commentaire suivant: «[F]ermement soutenue, mais, pourêtre réaliste et applicable, un futur système de quotas doit inclure une formuleconvenue pour l'utilisation de nouvelles capacités et d'usines remises en serviceaprès une fermeture temporaire.» Sous le point 3, ce même document comportela proposition suivante: «la part de marché des producteurs devrait être calculéesur la base de celle réalisée en 1979, moyennant correction des anomaliesflagrantes durant cette année», assortie du commentaire suivant: «pleinementsoutenue». Enfin, le point 4 énonce la proposition suivante: «une flexibilité de plusou moins 5 % devrait être appliquée aux parts de marché établies selon le point3 ci-dessus, de telle sorte que les positions réelles sur le marché des producteurspuisse évoluer pour refléter le vrai potentiel de chacun», assortie du commentairesuivant: «beaucoup de doutes à ce sujet, principalement en raison du fait que, sides parts de marché doivent être définies, il serait dangereux d'intégrer uneautorisation d'excéder la part convenue».

586.
    Pour établir l'existence d'un mécanisme de quotas, la Commission s'est, dans saDécision, référée à plusieurs documents dont elle avait pu obtenir copie au coursdes procédures de vérification qu'elle a opérées.

587.
    Elle s'est ainsi fondée, notamment, sur trois documents qui établissent, selon elle,l'existence d'un mécanisme de compensation mis en oeuvre en 1981 entre lesproducteurs de PVC et qui attestent l'existence de mécanismes de quotas dont ilne serait que le corollaire.

588.
    Le document partage du fardeau, découvert dans les locaux d'ICI, concerne, à titreprincipal, un système de répartition du poids des réductions de ventes d'un produitthermoplastique autre que le PVC. Toutefois, il comporte les observationssuivantes: «L'expérience acquise avec des systèmes semblables pour le PVC et lePEBD n'augure rien de bon, mais certaines leçons peuvent en être tirées.» Aprèsl'indication «quantité cible», l'auteur du document poursuit: «Vis-à-vis de quoi lesperformances seront-elles appréciées? Les producteurs de PVC ont pu se fondersur des parts de marché convenues pour 1981.» Enfin, il est indiqué que «lesystème pour le PVC ne permettait des ajustements que lorsque les ventes d'unesociété ou d'un groupe de sociétés étaient inférieures à 95 % de sa 'cible‘. Celapermettait aux sociétés de déborder de leur part de marché sans être pénalisées».

589.
    Le document Alcudia, émanant d'ICI mais découvert chez un producteur espagnol,est relatif à un projet de mécanisme de compensation entre les producteurs dePEBD qui auraient vendu des quantités inférieures à une part prédéterminée etceux qui auraient vendu plus que cette part. Il y est indiqué: «Le système est trèssimilaire à celui instauré récemment par les producteurs de PVC et appliqué pourla moitié des ventes du mois de mai et pour celles du mois de juin.» Ce document

décrit ensuite les principaux éléments de ce système analogue à celui appliqué dansle cas du PVC. Ainsi, les producteurs s'accordent sur leurs ventes ciblescorrespondant à un pourcentage donné des ventes totales. Dès que les donnéesFides provisoires sont connues, les cibles en tonnage sont calculées pour chaqueparticipant et comparées avec les ventes réelles, afin d'établir les variations; descompensations s'opèrent alors entre ceux qui ont dépassé leur quota, et ceux quine l'ont pas atteint. Pour faciliter le fonctionnement, il était également proposé que«les producteurs soient 'groupés‘ dans l'espoir que des arrangements au sein d'ungroupe puissent être trouvés pour annuler les variations». Il était égalementmentionné qu'un système alternatif pourrait consister à ne tenir compte que desvariations supérieures à 5 %. Au terme de ce document, l'auteur compare laproposition de système pour le PEBD avec «l'arrangement PVC» et indiquenotamment à ce propos: «Le système peut-il fonctionner alors que deux ou troisdes producteurs n'y participent pas? Dans le cas du PVC, un seul producteur neparticipe pas au système.»

590.
    Le Tribunal estime que le libellé de ces documents appuie de façon probante lesconclusions que la Commission en a tirées.

591.
    S'il est exact que l'un et l'autre document concernent un autre produitthermoplastique, il n'en reste pas moins que les extraits cités par la Commissiondans sa Décision concerne explicitement le PVC.

592.
    En outre, du libellé de ces documents, il ressort que le mécanisme de compensationen question a été effectivement mis en oeuvre par les producteurs de PVC, àl'exception de l'un d'entre eux. Le document Alcudia, en particulier, ne constitueun projet que dans la mesure où il concerne l'autre produit thermoplastique encause, à savoir le PEBD.

593.
    Enfin, l'objection des requérantes selon laquelle ces documents ne seraient pasfiables, puisque leur auteur était étranger au secteur du PVC, ne saurait êtreaccueillie. En effet, l'un et l'autre des documents comportent des indicationsprécises, notamment en matière de date, de pourcentage et de nombre departicipants au système PVC, qui conduisent à la conclusion que les auteurs avaientune connaissance exacte du mécanisme auquel ils se référaient et dont ilsentendaient tirer les leçons au vu de «l'expérience acquise».

594.
    La Commission se réfère également au document DSM, daté du 12 août 1982.

595.
    Ainsi qu'elle l'observe aux pénultième et dernier alinéas du point 11 de la Décision,l'auteur du document constate une différence importante, de l'ordre de 12 %, entreles statistiques de ventes de PVC au premier semestre de 1982 en Europe del'Ouest et celles du premier semestre de 1981, alors que la croissance de lademande dans cette zone géographique avait été sensiblement moindre; il observeen outre des évolutions sensiblement différentes d'un marché géographique à

l'autre. Il indique ensuite que des explications tirées de l'évolution normale dumarché (baisse des importations de pays tiers en Europe de l'Ouest, stockage etaugmentation du niveau d'activité), qui avaient été initialement envisagées (voirégalement, à cet égard, l'annexe P22 à la communication des griefs, qui est undocument de DSM du 12 juillet 1982), ne peuvent être retenues. L'auteur poursuit:«Cela pourrait peut-être s'expliquer par une fausse déclaration concernant lesventes du premier semestre [de] 1981 (compensation !). Des vérifications seronteffectuées à ce sujet.»

596.
    Il ressort ainsi de ce document que l'évolution du marché au premier semestre de1982 par rapport au premier semestre de 1981 ne pouvait pas s'expliquer par desfacteurs normaux propres au marché, mais plutôt par de fausses déclarations deventes pour le premier semestre de 1981. Ces fausses déclarations trouvaient elles-mêmes leur raison d'être dans les mécanismes de compensation entre producteurs.Ainsi que l'a constaté la Commission, ce document, qu'il convient de lirenotamment au vu des deux précédemment examinés, qui démontrent l'existenced'un mécanisme de compensation au cours du premier semestre de l'année 1981,établit que certains producteurs avaient sans doute déclaré, pour ce semestre, deschiffres de ventes inférieurs à la réalité, afin de ne pas être soumis à ce mécanisme.

597.
    Ce document permet également de conclure que, en raison du comportement decertains producteurs, ce mécanisme n'a pas fonctionné de manière optimale. Cecidoit d'ailleurs être rapproché du document partage du fardeau, dans lequel il étaitindiqué que «l'expérience acquise avec des systèmes semblables pour le PVC et lePEBD n'augure rien de bon».

598.
    Dans ce contexte, l'interprétation alternative du terme compensation proposée parDSM, au demeurant peu claire, ne présente aucune crédibilité. On ne sauraitadmettre en effet que, afin de corriger des erreurs dans leurs déclarations ausystème Fides pour une année, les producteurs déclarent l'année suivante desventes en intégrant celles omises l'année passée.

599.
    Pour établir l'existence d'un mécanisme de quotas, la Commission se réfèreégalement à une note découverte chez ICI datée du 15 avril 1981. Cette note estle texte d'un message adressé par le directeur général de la division pétrochimiquede Montedison à ICI. Il comporte l'extrait suivant: «ICI, pour le PVC par exemple,pourrait disposer pour la fin de 1981 de nouvelles capacités en Allemagne et ademandé une majoration de son quota de 30 kilotonnes depuis janvier 1981.» Ainsique l'a rappelé la Commission, à cette date, ICI envisageait d'ouvrir une nouvelleusine en Allemagne, tout en procédant à la fermeture d'une ancienne usine ailleurs.

600.
    Il convient de relever que cette note, si elle concerne en premier lieu un autreproduit thermoplastique, porte spécifiquement, dans l'extrait rappelé ci-dessus, surle PVC.

601.
    En outre, les requérantes n'ont pas été en mesure d'apporter une quelconqueinterprétation du terme «quota» contenue dans cette note autre que celle retenuepar la Commission. A cet égard, il convient de rappeler que cette note est latranscription d'un message émanant d'un dirigeant d'une société concurrente, sibien que l'on ne saurait considérer que le terme de «quota» se référait à desimples objectifs internes d'ICI.

602.
    La Commission a enfin considéré que le système de régulation des volumes ainsiétabli avait perduré au moins jusqu'au mois d'avril 1984. Elle s'est fondée pour celasur le tableau Atochem, intitulé «PVC — premier trimestre».

603.
    Ce tableau comporte neuf colonnes:

—    la première énumère l'ensemble des producteurs européens de PVC actifssur le marché à cette époque;

—    les deuxième, troisième et quatrième colonnes comportent, pour chacun desproducteurs européens, à l'exception des quatre producteurs allemands,dont les ventes apparaissent groupées, l'indication des ventes réalisées pour,respectivement, les mois de janvier, de février et de mars. Pour les deuxpremiers mois, le tableau comporte la mention «FIN» et pour le derniermois, la mention «Q». Il n'est pas contesté que ces indicationscorrespondent aux statistiques définitives (en anglais: «final») et rapides (enanglais: «quick») communiquées au système d'échange d'informations Fides;c'est d'ailleurs ce qui ressort de la réponse d'Atochem du 5 mai 1987, jointeen annexe 11 à la communication des griefs, à une demande derenseignements de la Commission. Le système Fides est, ainsi qu'il estrappelé dans la Décision (point 12, troisième alinéa), un service statistiqueà l'échelle du secteur, géré par une société comptable de Zurich, dans lecadre duquel les producteurs abonnés communiquent leurs propres chiffresde ventes, d'abord sous une forme rapide, puis sous une forme définitive,à un bureau central qui collecte ces informations et établit des statistiquesglobales et anonymes pour l'ensemble du marché d'Europe occidentale;

—    la cinquième indique les ventes totales pour le premier trimestre;

—    la sixième correspond au pourcentage des ventes des producteurs européenspar rapport au total des ventes de ceux-ci durant le premier trimestre;

—    la septième est intitulée «%T»;

—    la huitième indique les ventes du mois d'avril, avec la mention «Q»;

—    la dernière indique la part des producteurs par rapport aux ventes totalesdes producteurs européens pendant le premier quadrimestre.

604.
    La Commission a conclu que le sigle «%T» était manifestement la référence à unpourcentage «cible» (en anglais «target»). Elle tire également de ce document laconclusion que les producteurs cités échangeaient leurs chiffres de ventes en dehorsdu système Fides officiel pour surveiller le fonctionnement d'un système de quotas.Enfin, la Commission a examiné dans quelle mesure les producteurs avaient atteintla cible qui leur aurait été attribuée.

605.
    A titre liminaire, le Tribunal estime que l'identité exacte de l'auteur du documentn'est pas déterminante. Seul importe de savoir si les conclusions tirées par laCommission du tableau Atochem sont fondées.

606.
    En outre, il n'est pas contesté que ce tableau porte sur les premiers mois del'année 1984, ainsi qu'il ressort d'ailleurs de la réponse d'Atochem du 5 mai 1987à une demande de renseignements. Compte tenu du fait que, pour les mois demars et d'avril 1984, le tableau ne comporte que les statistiques «rapides», et nondéfinitives, ce tableau peut être daté du mois de mai 1984.

607.
    En premier lieu, l'interprétation donnée au sigle «%T» par la Commission doitêtre confirmée. A cet égard, il y a lieu de relever que l'on ne saurait admettre quece sigle ne concerne que des cibles purement internes aux entreprises; celan'expliquerait en effet nullement la raison pour laquelle l'auteur du documentdisposait de l'ensemble des cibles internes des différents producteurs. En outre,l'interprétation de ce sigle ne peut être dissociée du contexte de la présente affaire,et notamment des autres documents qui établissent de façon probante l'existenced'un mécanisme de quotas entre les producteurs de PVC. Par ailleurs, il ressort dutableau que le document ne comporte pas l'indication des parts de marché parrapport au total des ventes en Europe occidentale, puisque les importations ne sontpas prises en compte, mais bien la part de marché respective des producteursrapportée au marché représenté par l'ensemble de ceux-ci, ce qui confirme quel'objectif était de vérifier la part de marché dans le cadre du mécanisme collusoire.Enfin, il y a lieu de relever que les requérantes n'ont apporté aucune autreexplication plausible de la signification du sigle «%T» dans le contexte de laprésente affaire.

608.
    En second lieu, la Commission s'est efforcée de vérifier si les tonnages de ventesindiqués dans le tableau pour les différents producteurs correspondaient auxtonnages effectivement déclarés par les entreprises à la Fides. A cet égard, laCommission a souligné qu'elle n'avait pas pu obtenir de tous les producteurs copiede ces déclarations et n'était donc pas en mesure de procéder à un contrôlesystématique des données chiffrées de ventes apparaissant dans le tableau.Toutefois, la Commission a obtenu les chiffres de ventes de certaines entreprises.Or, il résulte de ces données que dix des chiffres de ventes qu'elle a pu vérifier sontidentiques aux déclarations des producteurs à la Fides. En outre cinq autres chiffresde ventes, relatifs à Solvay et à LVM, font apparaître un montant proche de celuiindiqué dans le tableau.

609.
    Enfin, la Commission s'est efforcée de calculer les ventes des quatre producteursallemands pour le premier trimestre de l'année 1984. A cette fin, elle a utilisé lesdonnées déclarées à la Fides par trois d'entre eux (BASF, Wacker et Hüls), dontelle avait pu obtenir copie, et les chiffres de ventes déclarés par Hoechst elle-mêmedans sa réponse du 27 novembre 1987 à une demande de renseignements de laCommission. Elle est ainsi parvenue à un total de 198 353 tonnes, qu'elle acomparé au total de 198 226 tonnes, tel qu'il résulte du tableau Atochem. Il y a lieude relever que la différence entre ces deux totaux est effectivement négligeable etconforte la thèse de la Commission selon laquelle un tel résultat ne pouvait êtreobtenu sans un échange de données entre les producteurs.

610.
    La Commission a fait référence au résultat de ce calcul et aux conclusions qu'elleen tirait dans la communication des griefs. Lors de l'audition devant la Commission,Hoechst a toutefois démenti les chiffres qu'elle avait elle-même initialementproduits et en a fourni de nouveaux. La Commission a néanmoins pu établir queceux-ci ne présentaient aucune crédibilité. Ainsi indique-t-elle dans la Décision(point 14, note de bas de page n° 1) que les «nouveaux chiffres fournis par Hoechstlors de l'audition (mais sans aucun document à l'appui) [...] ne sont manifestementpas fiables: ils impliqueraient que Hoechst aurait utilisé ses installations à plus de105 %, alors que les autres producteurs auraient atteint un taux d'utilisation de70 % seulement». De fait, Hoechst a reconnu que ces nouveaux chiffres étaienterronés et a fourni à la Commission une troisième série de chiffres, par lettre du21 octobre 1988.

611.
    Cette nouvelle série de chiffres comporte, par rapport à ceux initialement fournis,une rectification négligeable des chiffres de ventes de Hoechst en Europe, qui, audemeurant, ne ferait que confirmer la précision des chiffres apparaissant dans letableau Atochem, mais ajoute, en tant que «ventes aux consommateurs» au sensdes déclarations Fides, la consommation propre de Hoechst pour son usine deKalle. Le Tribunal considère toutefois que, compte tenu des circonstances danslesquels ces chiffres ont été produits, ils ne peuvent être considérés commeprésentant une fiabilité suffisante de nature à remettre en cause ceux fournis parla requérante elle-même en réponse à une demande de renseignements.

612.
    Les producteurs allemands font toutefois observer que leurs ventes sont agrégées,et non individualisées; dès lors, il suffirait que trois des quatre producteursallemands aient participé à cet échange d'informations pour que la part duquatrième soit déduite, par simple soustraction, des données officielles globalesémanant de la Fides. Dès lors, le tableau Atochem ne serait probant à l'égardd'aucun des quatre producteurs en cause. Cet argument ne saurait être retenu. Eneffet, les tableaux émanant de la Fides présentent de façon agrégée les ventesoriginaires d'Allemagne, et non simplement celles des quatre producteursallemands; or, ces statistiques, pour le premier trimestre de 1984, font apparaîtreun total de ventes sensiblement supérieur au seul total des ventes de BASF, deWacker, de Hoechst et de Hüls. Dans ces conditions, le Tribunal estime que la

connaissance des chiffres de ventes de trois d'entre eux ne permettait pas d'obtenir,par simple soustraction, un total des ventes des quatre producteurs allemands aussiexact que celui apparaissant dans le tableau Atochem.

613.
    Il y a lieu de relever, par ailleurs, que les chiffres de ventes mentionnés dans letableau Atochem sont précis, à l'exception de ceux indiqués pour les entreprisesICI et Shell, qui font apparaître des données manifestement arrondies; or, dans lecas d'ICI, le tableau comporte en note de bas de page la mention suivante:«calculé sur la base des données Fides». Ces constatations confortent la conclusionde la Commission que, pour les autres producteurs, les chiffres ne sont pas desimples estimations calculées au vu de données officielles, mais bien desinformations fournies par les producteurs eux-mêmes. Il y a lieu de rappeler à cetitre que, si les producteurs adressent individuellement à la Fides leurs propresdéclarations de chiffres de ventes, ceci se fait sur une base confidentielle; lesproducteurs ne reçoivent en retour que des données agrégées, et non les donnéesindividuelles déclarées par les autres producteurs.

614.
    En troisième lieu, la Commission s'est efforcée de vérifier si la part relative desproducteurs entre eux pour 1984 correspondait à la part cible, telle qu'elle apparaîtdans le tableau Atochem. Elle a ainsi pu constater, au vu des informations qu'ellea pu obtenir, que la part de marché de Solvay en 1984 était identique à la partcible mentionnée dans le tableau Atochem. Par ailleurs, elle a pu déterminer quela part de marché des quatre producteurs allemands pour 1984, soit 24 %, étaitvoisine de la part cible indiquée dans ce tableau, soit 23,9 %. Enfin, la part demarché d'ICI pour 1984 s'est élevée à 11,1 %, alors que la part cible de cetteentreprise dans le tableau Atochem était de 11 %. A cet égard, il est d'ailleurssignificatif de relever, avec la Commission, que deux documents internes d'ICI du18 septembre 1984 et du 16 octobre 1984, produits en annexe 17 et 18 à lacommunication des griefs, se réfèrent précisément à une «cible» de 11 % pourl'entreprise.

615.
    Enichem soutient que sa part de ventes s'est élevée à 12,3 % en 1984, ce qui seraitnettement inférieur à celle indiquée dans le tableau Atochem. Cette objection nesaurait être retenue. Cette requérante a été invitée à préciser les bases surlesquelles elle avait établi sa part de marché pour 1984, mais n'a pas été en mesured'apporter une quelconque explication sur les éléments qu'elle avait retenus. Enoutre, le Tribunal relève que, dans ses annexes à la requête (volume III, annexe 2),la requérante a produit un tableau récapitulant les ventes d'Enichem, année parannée, pour la période de 1979 à 1986, dont on peut comprendre que les parts demarché ont, pour chacune de ces années, été calculées de façon identique. Or, pourles années 1979 à 1982, la requérante a, à la demande du Tribunal dans le cadredes mesures d'organisation de la procédure, tenté d'expliquer comment elle avaitcalculé sa part de marché. Il en ressort que la requérante s'est bornée, d'une part,à énoncer ses chiffres de ventes pour chacune de ces années, sans aucun élémentde nature à soutenir cette affirmation. D'autre part, ces chiffres de ventes ont été

rapportés, non à celui des ventes de producteurs européens en Europe occidentale,mais aux chiffres de la consommation européenne, nécessairement plus élevéepuisqu'elle inclut les importations. Ce faisant, la part de marché alléguée par larequérante s'en trouve substantiellement réduite.

616.
    Dès lors, le Tribunal conclut que les données avancées par Enichem ne peuventêtre regardées comme présentant une quelconque fiabilité.

617.
    Il s'ensuit que les appréciations factuelles portées par la Commission dans saDécision doivent être confirmées.

— Sur la surveillance des ventes sur les marchés nationaux

618.
    La liste de contrôle contient, au titre des propositions relatives aux modalités defonctionnement du nouveau cadre de réunions, l'extrait suivant: «Informationsmensuelles sur les ventes de chaque producteur, par pays».

619.
    Afin d'établir l'existence d'un mécanisme par lequel les producteurs domestiquesde certains grands marchés nationaux se sont informés mutuellement des tonnagesqu'ils vendaient sur chacun de ces marchés, la Commission s'est principalementréférée aux tableaux Solvay.

620.
    Ces tableaux se présentent de façon uniforme.

621.
    Les tableaux relatifs au marché allemand (annexes 20 à 23 à la communication desgriefs) comportent plusieurs colonnes. La première contient les mentions suivantes:«consommation M. N.» (c'est-à-dire «consommation sur le marché national»),«importations des tiers», «ventes des producteurs nationaux»; cette dernièrerubrique est suivie du nom des principaux producteurs nationaux. Les colonnessuivantes correspondent successivement à des «hypothèses» pour une annéedonnée, suivie d'une colonne «réalisations» pour cette même année. Chacune deces colonnes se divise en deux, l'une exprimée en tonnage, l'autre en pourcentage;en face de chacune des rubriques de la première colonne apparaissent des donnéeschiffrées. Il y a lieu de relever que les ventes de chacun des producteurs allemandssont indiquées; dès lors, l'argument de Wacker et de Hoechst, tiré de ce que leschiffres de ventes des producteurs allemands sont agrégés, et non individualisés,manque en fait.

622.
    Les autres tableaux, relatifs aux marchés français (annexes 24 à 28 à lacommunication des griefs), du Benelux (annexes 29 à 32) et italien (annexes 33 à40) comportent également plusieurs colonnes. La première contient le nom deproducteurs nationaux, une rubrique intitulée «total des producteurs nationaux»,une rubrique «importations», distinguant parfois les importations «d'autres paysFides» et celles de «pays tiers (non Fides)», et une rubrique «marché total». Lesdeux colonnes suivantes comportent la mention de deux années successives;

chacune de ces colonnes se subdivise en deux, l'une exprimée en tonnages, l'autreen pourcentages; en face de chacune des rubriques de la première colonneapparaissent des données chiffrées. Dans certains cas, une colonne supplémentaireapparaît, qui indique, en pourcentage, l'évolution d'une année sur l'autre. En outre,dans certains cas, une colonne «prévisions», portant sur l'année en cours, estajoutée.

623.
    Ainsi qu'il ressort de la Décision, ce que la Commission a confirmé en réponse àune question du Tribunal, le présent grief ne concerne que les marchés allemand,italien et français.

624.
    Il convient de relever, tout d'abord, que les tableaux Solvay ne mentionnent pasuniquement des «hypothèses» mais également des «réalisations». Dès lors quel'échange d'informations repose sur des «réalisations», il ne peut s'agir qued'informations passées; l'argument selon lequel il ne s'agirait que d'estimationsfutures manque donc en fait. De surcroît, les tableaux Solvay pouvant être datésdu début du mois de mars suivant l'année pour laquelle des données de ventes parproducteur et par pays sont échangées, celles-ci ne peuvent être regardées commesuffisamment anciennes pour perdre tout caractère confidentiel.

625.
    En outre, s'il est exact que les tableaux comportent des chiffres en kilotonnes, lecas échéant assorti d'une décimale, on ne saurait en déduire pour autant que, dece fait, il ne s'agirait que d'estimations effectuées par Solvay seule. De fait, leschiffres de ventes de Solvay, entreprise dont sont issus ces tableaux, ne sont eux-mêmes indiqués qu'en kilotonnes.

626.
    La Commission s'est efforcée de vérifier que les ventes indiquées dans les tableauxcorrespondaient aux ventes effectuées par les producteurs qui y sont mentionnés.Elle n'a toutefois pas été en mesure de vérifier tous les chiffres qui y étaientcontenus, compte tenu du fait que la plupart des producteurs ont dit être dansl'incapacité de fournir leurs statistiques de ventes.

627.
    Cette vérification a conduit à la constatation que, sur le marché allemand, leschiffres de ventes des producteurs Hüls, BASF et ICI que la Commission avait puobtenir étaient, pour différentes années, identiques ou voisins de ceux mentionnésdans les tableaux Solvay (point 16, deuxième alinéa, de la Décision). Il y a lieu derelever à cet égard que, dans sa requête, BASF a souligné que ces documents«donnent une image très fidèle de l'état des ventes des principaux concurrents».Hüls a néanmoins fait observer que les tableaux Solvay pour l'Allemagne relatifsà l'exercice 1980 indiquent des ventes globales de 736,7 kilotonnes; or, pour ce quiconcerne Wacker et Hoechst, ce montant inclurait, ainsi qu'il ressort d'une note debas de page portée sur l'annexe 20 à la communication des griefs, «le travail àfaçon pour [l'entreprise Dynamite Nobel AG]», qui n'est pas inclus dans lesstatistiques Fides. Toutefois, cette objection n'explique précisément pas commentSolvay a eu connaissance des chiffres de ventes correspondant à ce «travail à

façon» et confirme au contraire la conclusion de la Commission selon laquelle lesproducteurs se sont communiqués leurs chiffres de ventes en dehors du systèmeFides.

628.
    En ce qui concerne le marché français, la Commission a constaté que les chiffresde ventes de Shell, de LVM et d'Atochem figurant dans les tableaux Solvay pourcertaines années étaient très proches des chiffres de ventes réels qu'elle avait puobtenir (point 16, troisième alinéa, de la Décision).

629.
    En ce qui concerne le marché italien, la Commission n'a pu obtenir aucune donnéede ventes réelles. Les requérantes dont les noms apparaissent dans ces tableauxn'ont pas contesté l'exactitude des chiffres qui y sont mentionnés. En outre, ainsique la Commission l'a relevé, le premier tableau relatif au marché italien porte lecommentaire suivant: «La répartition du marché national entre les différentsproducteurs pour 80 a été indiquée sur la base de l'échange de données avec nosconfrères.» Par ailleurs, les tableaux joints en annexe 37 et 39 à la communicationdes griefs, qui sont relatifs aux ventes en 1983, comportent, en marge du nom duplus petit producteur sur le marché italien, la mention «estimations». Enfin, Solvay,dans sa réponse du 25 février 1988 à une demande de renseignements, a indiqué:«En raison des particularités de la situation italienne, nous ne pouvons exclure quecertains chiffres de ventes aient été communiqués entre concurrents.» Dans cecontexte, l'explication du terme «confrères» proposée par Enichem ne saurait êtreretenue.

630.
    Néanmoins, les requérantes soutiennent que ces chiffres ne sont pas nécessairementle résultat d'un échange entre producteurs. A ce titre, elles ne prétendent pas queles données mentionnées dans les tableaux Solvay étaient elles-mêmes publiques,mais plutôt qu'elles pouvaient être calculées au vu d'informations obtenues sur lemarché ou d'informations déjà publiques. Elles se fondent en cela sur lesexplications qu'avait données Solvay sur l'élaboration de ces tableaux, qui, seloncette entreprise, pouvaient être réalisés sans contacts avec les concurrents.

631.
    A cet égard, il y a lieu de rappeler que, dans sa réponse du 3 décembre 1987 à unedemande de renseignements, Shell a indiqué que, «à plusieurs reprises, au coursde la période allant de janvier 1982 à octobre 1983, Solvay téléphonait pour obtenirconfirmation de ses estimations des tonnages vendus par les sociétés du groupeShell»; néanmoins, elle a précisé qu'aucune information précise n'avait étécommuniquée.

632.
    Sur le marché français, Solvay a indiqué que le volume du marché global pouvaitêtre déterminé avec précision au vu, notamment, des statistiques de la Fides. Enretranchant le volume de ses propres ventes, Solvay obtenait le volume total desventes de ses concurrents sur le marché français. Pour déterminer les ventes dechaque producteur, Solvay a indiqué ce qui suit: «Si le client appartient à ungroupe produisant du PVC mais effectue néanmoins une partie de son

approvisionnement auprès d'autres producteurs, l'on estime forfaitairement que lasociété mère effectue 80 % des approvisionnements de sa filiale, le restant étantréparti entre les autres concurrents; si nous savons que l'un des consommateurs dePVC s'approvisionne principalement auprès d'un producteur, les responsablesfrançais [de Solvay] estiment forfaitairement que ce producteur approvisionne pour50 % des besoins de ce client; enfin, si l'approvisionnement du client est effectuépar plusieurs producteurs en dehors des cas prévus ci-dessus, la répartition se faitentre les différents fournisseurs de manière linéaire en fonction de leur nombre(par exemple: s'il y a quatre fournisseurs pour un client déterminé, les responsablesfrançais attribuent à chacun d'eux 25 % des approvisionnements de ce client).»Ainsi, Solvay détermine la part de chaque producteur auprès de ses propres clients.Enfin, «pour déterminer les quantités totales effectivement vendues par lesconcurrents sur l'ensemble du marché, les responsables français [de Solvay]appliquent les parts de marché ainsi calculées au chiffre total de la consommationde PVC [...] et ils obtiennent ainsi le total approximatif des ventes [des] concurrents[de Solvay]».

633.
    Force est de constater que cette méthode de calcul alléguée par Solvay, et dont seprévalent les autres requérantes, repose sur des estimations forfaitaires et laisseune place importante aux approximations et aléas. Le Tribunal considère que cetteprétendue modalité de calcul ne saurait permettre la détermination précise etexacte des ventes de chacun des producteurs telles qu'elles apparaissent dans lestableaux Solvay.

634.
    De même, en ce qui concerne le marché allemand, Solvay a indiqué que la part desventes de chacun des concurrents était déterminée grâce à des «entretiens avec laclientèle», à des informations publiques (statistiques officielles et presse spécialisée)et à la «connaissance approfondie du marché de [ses] responsables allemands». LeTribunal ne peut pas plus admettre que cette méthode permette à Solvay, endehors de tout échange avec les concurrents, de parvenir à des résultats aussi précisque ceux mentionnés dans les tableaux Solvay. A ce titre, il y a lieu de soulignerqu'il ressort des réponses des requérantes à une question du Tribunal que lenombre de clients de chaque producteur s'élevait parfois à plusieurs centaines.

635.
    Enfin, les exemples donnés par DSM pour démontrer que les chiffres de ventespeuvent être aisément définis au vu d'informations publiques sont dénués depertinence. Ces exemples sont en effet relatifs à l'évaluation du marché global età celle de la part de marché de la requérante elle-même, ce qui n'est nullement encause dans la Décision.

636.
    Les objections factuelles des requérantes doivent, dans ces conditions, être rejetées.

— Sur les prix cibles et les initiatives de prix

637.
    Ainsi qu'il a déjà été relevé (ci-dessus point 584), la liste de contrôle énonce, enson point 3, des propositions relatives aux modalités de fonctionnement du nouveaucadre de réunions envisagé. Après l'énumération, sous forme d'initiales ou de sigles,du nom de dix producteurs de PVC, le document contient les extraits suivants:«comment parvenir à une meilleure transparence en matière de prix», «rabais enfaveur des importateurs (2 % au maximum?)», «prix plus élevés au Royaume-Uniet en Italie (nivellement par le haut?)» et «lutte contre le tourisme». Il comporteégalement une rubrique intitulée «propositions de prix», dans laquelle on peutnotamment lire: «période de stabilité (nous sommes prêts à accepter la situationdu deuxième trimestre 1980, mais seulement pour une période limitée)» et«niveaux de prix d'octobre à décembre 1980 et dates de mise en oeuvre». Enfin,sous la rubrique relative à une réunion fixée au 18 septembre 1980, il estnotamment indiqué: «engagement à trouver sur les mouvements de prixoctobre/décembre».

638.
    La réponse aux propositions comporte deux points relatifs aux prix. La premièreproposition, au terme de laquelle «il devrait y avoir un niveau commun de prix enEurope de l'Ouest», est suivie de la réponse: «Proposition soutenue, mais desdoutes sont émis sur la possibilité d'abandonner le rabais traditionnel auximportateurs.» La sixième proposition énonce qu'une «augmentation de prix nedevrait pas être tentée pendant [une] période de stabilisation de trois mois»pendant laquelle les fournisseurs ne devraient établir de contact qu'avec les clientsqu'ils ont livrés pendant les trois mois précédents (point 5 de la réponse auxpropositions); elle est assortie de la réponse suivante: «[...] en raison des pertesactuellement subies, la possibilité d'une augmentation de prix le 1er octobre nedevrait pas être écartée, bien que des difficultés à cet égard existent, à savoirdifficultés d'obtenir un soutien unanime et d'avoir à appliquer une telle hausse àun moment de baisse probable de la demande en Europe de l'Ouest.»

639.
    Dans sa Décision, la Commission a identifié une quinzaine d'initiatives de prix (voirle tableau 1 joint en annexe à la Décision), dont la première serait intervenue le1er novembre 1980.

640.
    Dans le cadre des présents recours, LVM et DSM sont les seules requérantes àcontester l'existence même des initiatives de prix relevées par la Commission, aumotif que de telles initiatives de prix seraient inconcevables dans le secteur duPVC. A cet égard, il suffit de relever que les annexes P1 à P70 à la communicationdes griefs se réfèrent de manière systématique à des prix cibles et à des initiativesde prix. Indépendamment de la question de savoir s'il s'agissait d'actionsindividuelles ou concertées, cette constatation suffit à rejeter l'argument de cesrequérantes.

641.
    L'existence même des initiatives de prix doit donc être considérée comme établie.Il convient dès lors d'examiner si, comme le soutient la Commission, ces initiativesétaient le résultat d'une collusion entre les producteurs de PVC.

642.
    A titre liminaire, il y a lieu de relever que, si les annexes P1 à P70 constituent, pourcertaines, des documents internes d'entreprises établis après les dates d'initiativesde prix identifiées par la Commission, on ne saurait en déduire qu'elles ne peuvent,de ce seul fait, constituer une preuve de ce que les initiatives étaient le résultatd'une collusion. Il convient en effet de vérifier le contenu des pièces en cause.

643.
    Les requérantes ne contestent pas que les documents produits par la Commissionfont apparaître que, à des dates identiques, des augmentations ont été planifiéespour porter le prix du PVC à un même niveau, qui était, en règle générale,largement supérieur à celui prévalant sur le marché dans les jours précédant cesaugmentations. De fait, pour chacune des initiatives identifiées par la Commission,cette constatation ressort du libellé même des annexes P1 à P70. Les extraits de lapresse professionnelle, produits par la Commission en annexe à la communicationdes griefs, confirment d'ailleurs ces augmentations aux dates relevées par laCommission.

644.
    En outre, le Tribunal estime, après un examen attentif des annexes P1 à P70, queces initiatives ne peuvent être considérées comme purement individuelles. En effet,tant au vu du libellé de ces annexes que de leur examen croisé, le Tribunal a acquisla conviction que ces pièces constituent la preuve matérielle d'une collusion entreproducteurs en matière de prix au niveau européen.

645.
    Ainsi peut-on lire, à l'annexe P1, qui est un document émanant d'ICI, après qu'aété souligné le fait que «la demande de PVC sur le marché d'Europe de l'Ouesten octobre a considérablement augmenté, par anticipation de l'augmentation deprix du 1er novembre», l'indication suivante: «[L]a majoration de prix annoncéepour le 1er novembre vise à amener tous les prix ouest-européens [de PVC'suspension‘] à un niveau minimum de 1,50 DM.» Ce document doit êtrerapproché des annexes P2 et P3, issues de Wacker et indiquant une augmentationidentique à la même date, et de l'annexe P4, émanant de Solvay, qui, en ce quiconcerne le mois de novembre 1980, comporte la phrase suivante: «[C]ertainsimportateurs offrent des rabais au détriment de producteurs britanniques,contrairement à ce qui était planifié.» En outre, l'annexe P5, issue de DSM, seréfère également à l'initiative de prix du 1er novembre.

646.
    De même, en ce qui concerne la deuxième initiative de prix prévue pour le1er janvier 1981 tendant à porter le prix du PVC à 1,75 DM, il y est fait référencedans les annexes P2 et P8, émanant de Wacker, P4, émise par Solvay, P6 et P7,provenant d'ICI, et P9, émanant de DSM. En particulier, l'annexe P4, après laphrase citée au point précédent, indique: «[L]a perspective pour décembre n'estpas bonne, en dépit d'une autre augmentation de prix annoncée pour le 1er janvier

1981.» L'annexe P6 contient le passage suivant: «[U]ne nouvelle augmentation desprix a été annoncée [...] à 1,75 DM[...] pour tous les marchés d'Europe de l'Ouestà partir du 1er janvier 1981.»

647.
    L'initiative prévue pour le 1er janvier 1982, destinée à porter les prix du PVC à1,60 DM, est établie au vu de deux documents émanant d'ICI, joints en annexe P19et P22 à la communication des griefs, et de deux documents provenant de DSM,joints en annexe P20 et P21. L'annexe P22 porte le commentaire suivant:«'[L']initiative‘ du secteur est d'augmenter les prix à 1,60 DM/380 UKL/tonne,mais elle ne paraît pas prometteuse — BP et Shell refusent de coopérer.»L'annexe P21 indique: «[L]es perspectives pour janvier [1982] ne sont pasfavorables. En dépit d'une augmentation de prix annoncée, nous constatonsmaintenant une baisse des prix par rapport au niveau de décembre. Surtout, lesfournisseurs britanniques n'ont même pas informé les clients britanniques del'augmentation des prix.» A ce titre, il y a lieu de relever que, si l'on peut admettrequ'une entreprise soit informée, par exemple par l'intermédiaire des clients, qu'unconcurrent a annoncé une augmentation de prix ou, au contraire, qu'il n'a pasannoncé une telle augmentation, on ne saurait admettre qu'elle soit informée dece qu'un producteur n'a pas annoncé une augmentation de prix qu'il aurait dûannoncer. Ceci ne peut s'expliquer que par le fait que cette majoration attendueavait été préalablement convenue entre producteurs.

648.
    L'initiative annoncée pour le 1er mai 1982, destinée à porter les prix à 1,35 DM, setrouve confirmée par les annexes P23 et P26, émanant d'ICI, P24, provenant deDSM, et P25, émise par Wacker. En particulier, l'auteur de l'annexe P23,examinant le niveau des prix en avril 1982 sur le marché européen, et plusparticulièrement sur les marchés allemand et français, ajoute le commentairesuivant: «[L]e glissement des prix a été arrêté à la fin du mois, en raison del'annonce d'une augmentation générale des prix européens à 1,35 DM/kg pour le1er mai.» A l'annexe P24, relative au mois de mai 1982, il est relevé que, «en raisonde la majoration des prix annoncée», les prix de DSM ont augmenté, mais il estprécisé: «[C]eci est bien en-deçà de l'augmentation planifiée à des niveaux de1,35 DM/1,40 DM. Les raisons principales en sont les échecs sur les marchésallemands et du Benelux et l'absence de coopération des producteurs britanniqueset scandinaves à l'augmentation des prix. En France et en Italie, la majoration aété plus réussie.»

649.
    L'initiative du 1er septembre 1982, destinée à amener les prix à un niveau de1,50 DM/kg, se trouve établie au vu notamment des annexes P29, P39 et P41,émanant de DSM, P30 et P34, issues d'ICI, et P31 à P33, émise par Wacker. Al'annexe P29, datée du 12 août 1982, on peut lire, en ce qui concerne les prix dumois d'août: «[U]ne certaine pression est ressentie sur les marchés allemands, belgeet luxembourgeois, ce qui est plutôt surprenant puisqu'une augmentation de prixmajeure est planifiée pour le 1er septembre.» Sous le titre «prix du mois deseptembre», le document poursuit: «[U]ne augmentation de prix majeure jusqu'à

un niveau d'approximativement 1,50 DM/kg est planifiée. Jusqu'à présent, nousavons noté que tous les principaux producteurs annoncent cette augmentation deprix et seules très peu de déviations ont été relevées.» L'annexe P32 contient lecommentaire suivant: «[S]ur le marché d'Europe de l'Ouest, des efforts trèsintensifs sont effectués pour consolider les prix au 1er septembre.» L'annexe P33contient l'observation suivante: «[L]'augmentation de prix introduite au1er septembre pour le PVC portant à un prix minimum de 1,50 DM/kg a étécouronnée de succès sur le plan de la tendance générale, mais nous trouvonsencore en octobre des cas dans lesquels nos concurrents fournissent à 1,35 DM et1,40 DM/kg.» A l'annexe P34, l'auteur du document, examinant la situation dumarché ouest-européen en général, relève une augmentation de la demande enoctobre 1982 par rapport au mois précédent, et ajoute: «[T]outefois, ceci était engrande partie due aux efforts en vue d'augmenter les prix au 1er septembre quiavaient en conséquence conduit à des approvisionnements avant cette date.»L'annexe P41 comporte le commentaire suivant, relatif à l'initiative du1er septembre: «Le succès de l'augmentation de prix dépend désormais trèslargement de la discipline des producteurs allemands.»

650.
    On peut encore se référer à l'augmentation de prix intervenue, en deux temps, les1er avril 1983 et 1er mai 1983, dont l'objectif était de porter les prix du PVC,respectivement, à 1,60 DM, avec un minimum de 1,50 DM, et à 1,75 DM, avec unminimum de 1,65 DM. Il y a lieu de rappeler tout d'abord que Shell, dans saréponse du 3 décembre 1987 à une demande de renseignements (annexe 42 à lacommunication des griefs), a indiqué que, lors d'une réunion à Paris le 2 ou le3 mars 1983 entre les producteurs d'Europe de l'Ouest de PVC, «des propositionsont été faites par d'autres producteurs en ce qui concerne des augmentations deprix et un contrôle des volumes», même si elle a ajouté qu'aucun engagement n'yavait été pris. ICI a confirmé la tenue de cette réunion (annexe 4 à lacommunication des griefs). L'annexe P43, émanant d'ICI, comporte le passagesuivant: «[I]nformez tous les clients à partir du lundi 7 mars [1983] que les prixseront augmentés à 1.60 DM, assortis de rabais pour les clients de catégorie 1 etde catégorie 2 de respectivement 10 et 5 pfennig.» Cette augmentation devaitintervenir le 1er avril 1983, ainsi qu'il ressort du reste du texte du télex. L'auteur del'annexe P49, issue de Shell et datée du 13 mars 1983, après avoir souligné la baissedes prix en mars jusqu'à un niveau de 1,20 DM/kg, indique: «[U]ne initiativeimportante est prévue pour enrayer cette érosion; des cibles minimales ont étéfixées à 1,50 et 1,65 DM/kg, respectivement pour mars et avril.» Un télex d'ICI du6 avril 1983, joint en annexe P45 à la communication des griefs, comporte lecommentaire suivant: «[L]es informations provenant du marché semblentclairement indiquer que le secteur dans son ensemble applique désormais l'initiativede prix du 1er avril 1983.» Un document de Wacker du 25 avril 1983 (annexe P46)fait état des «efforts en vue d'augmenter les prix du PVC en avril à 1,50 DM/kget en mai à 1,65 DM/kg». Un rapport interne de DSM du 24 juin 1983 (annexeP48), après avoir indiqué une baisse des prix en Europe de l'Ouest durant lepremier trimestre de l'année 1983, indique: «[D]epuis le 1er avril, une tentative a

été conduite pour augmenter les prix en Europe de l'Ouest. L'augmentationplanifiée jusqu'à un niveau de 1,50 DM au 1er avril et de 1,65 DM au 1er mai aéchoué.»

651.
    Il y a lieu de relever en outre que, dans un mémorandum d'ICI du 31 janvier 1983,joint en annexe 44 à la communication des griefs, il était indiqué que, «en Europe,les 'prix cibles‘ sont très bien connus des industriels et constituaient en tant quetels des 'prix affichés‘». L'auteur ajoutait: «[I]l est communément admis que cesprix affichés ne pourront être atteints sur un marché déprimé [...] mais l'annoncea un effet psychologique sur l'acheteur. C'est comme dans le secteur automobile,où le 'prix de barème‘ est fixé à un niveau tel que l'acheteur est satisfait lorsqu'ilobtient une réduction de 10 à 15 %, il estime faire une 'bonne affaire‘, mais leconstructeur ou le garage conserve une marge suffisante.» Dans ces conditions,l'auteur recommandait «que le secteur du PVC annonce à grand renfort depublicité des prix cibles bien supérieurs aux prix qui pourront vraisemblablementêtre atteints, par exemple 1,65 DM par kilogramme en mars» (soulignementssupprimés).

652.
    On peut noter de surcroît que la presse professionnelle a elle-même fait référence,en certaines occasions, à une collusion entre les producteurs de PVC. Ainsi, dansla revue European Chemical News du 1er juin 1981 peut-on lire: «les plusimportants producteurs européens de produits plastiques font un effort concertépour imposer des augmentations de prix significatives pour le [PVC], en vued'atteindre les niveaux de prix du début de l'année 1981». Le 4 avril 1983, cettemême revue indique: «les producteurs européens [de PVC] entreprennent unetentative déterminée en vue d'augmenter les prix à compter du début du moisd'avril. Ils se seraient rencontrés à Paris au milieu du mois de mars pour discuterd'augmentations de prix».

653.
    Au vu de l'examen minutieux des nombreuses pièces produites par la Commissionen annexes à la communication des griefs et relatives aux prix du PVC, dont lespoints 645 à 650 ci-dessus ne constituent que des exemples, le Tribunal considèrequ'il est établi, au vu des éléments de preuve matériels rapportés par laCommission, que les «augmentations de prix», «initiatives de prix» ou «prix cibles»auxquels se réfèrent ces documents ne constituaient pas de simples décisionsindividuelles autonomes prises par chacun des producteurs, mais qu'elles étaient lerésultat d'une collusion entre eux.

654.
    Il y a lieu de relever toutefois dès à présent que plusieurs des annexes P1 à P70font état de l'échec ou du succès mitigé de certaines initiatives de prix, ce que laCommission a relevé au point 22 de la Décision.

655.
    Ces échecs ou succès mitigés trouvent leur explication dans divers facteurs soulignéspar la Commission au point 22 et qui sont explicitement mentionnés dans certainesdes annexes P1 à P70. Ainsi, afin de s'approvisionner à des prix plus intéressants,

certains clients ont parfois réalisé des achats importants dans les jours précédantl'entrée en vigueur d'une augmentation de prix annoncée. C'est notamment ce quiressort des annexes P8, P12, P21, P23, P30 et P39.

656.
    En outre, à la lecture des annexes P1 à P70, il apparaît que les producteurs ont,au moins en certaines occasions, cherché à trouver un équilibre entre le maintiend'un volume de ventes et de relations avec des clients particuliers, d'une part, etl'augmentation des prix, d'autre part.

657.
    Ainsi, les clients importants se voyaient parfois accorder des ristournes ou rabaisspéciaux (par exemple annexe P17), ou des accords temporaires étaient conclusavec des clients pour leur assurer des livraisons aux prix antérieurs à l'augmentationprogrammée (notamment annexe P21). Plusieurs documents obtenus par laCommission révèlent que, en certaines occasions, les producteurs marquaient leurintention de soutenir une initiative de prix prévue, tout en s'assurant que cela nesoit pas au détriment des volumes de ventes. Ainsi peut-on lire dans un télex d'ICI,adressé le 18 décembre 1981 aux différentes filiales en Europe et relatif àl'initiative de prix de janvier 1982: «[I]l demeure des doutes sur le point de savoirsi ces niveaux de prix seront atteints; restez donc vigilants sur la situation desclients individuels à travers l'Europe [...] il est très important que nous trouvionsun bon équilibre entre l'augmentation des prix et le maintien des parts de ventesdans cette période difficile.» Une note de Wacker du 9 août 1982 (annexe P31)comporte l'observation suivante: «[L]a stratégie de Wacker pour les mois à venirest la suivante: nous nous situerons dans le sillage des efforts d'augmentation deprix qui se dessinent chez nos concurrents, mais nous ne tolérerons en aucun casde nouvelles diminutions sur les quantités. En d'autres termes, si le marchén'accepte pas cette augmentation, nous exercerons la flexibilité nécessaire enmatière de prix au moment voulu.» De même, une note de DSM non datée(annexe P41) comporte le commentaire suivant à propos de l'initiative du1er janvier 1983 à venir: «DSM soutiendra la tentative d'augmenter les prix, maispas en tant que chef de file. L'augmentation de prix sera soutenue dans la limitede la défense de nos parts de marché.»

658.
    A l'inverse, plusieurs documents démontrent l'intention de producteurs de soutenirfermement une initiative de prix, ou le soutien effectif d'une telle initiative, en dépitdes risques induits sur les volumes de ventes. Ainsi peut-on citer, par exemple, dansle cas de DSM, l'annexe P13, dans laquelle on peut lire que DSM a «fermementsoutenu l'initiative de prix» et l'annexe P41, qui contient l'extrait suivant:«[L]'augmentation de prix en septembre et la décision de DSM de soutenir trèsfermement cette augmentation ont conduit à une perte de volumes, mais à de bienmeilleurs prix.» En ce qui concerne ICI, on peut relever, notamment, les annexesP16, datée du 14 juillet 1981 et relative à l'initiative de prix du 1er juin, qui se réfèreà la position ferme d'ICI sur les prix, P30, du 20 octobre 1982, dans laquelle il estfait état de ce qu'ICI a «maintenu une ligne particulièrement dure» sur les prix enseptembre, et P34, relative à l'initiative de septembre 1982, où il est indiqué: «[D]e

nouveau, nous avons totalement soutenu l'augmentation de prix». On peut encoreciter, dans le cas de Wacker, l'annexe P15, relative à l'initiative de prix du1er septembre 1981 destinée à porter le prix cible à 1,80 DM: «Wacker Chemie adécidé, à titre de politique d'ensemble et dans l'intérêt de la consolidation urgentedes prix, de ne faire aucune affaire en-dessous de 1,80 DM en septembre.»

659.
    Ainsi que la Commission l'a relevé au point 22 de la Décision, certains producteursse sont vu, en certaines occasions, reprocher leur comportement agressif sur lemarché, qui perturbait ou faisait échouer des initiatives de prix que d'autresproducteurs entendaient soutenir. Ainsi, dans une note de DSM du 25 février 1981(annexe P9), l'auteur indique-t-il que «l'initiative de prix annoncée pour le1er janvier [1981] à un niveau de 1,75 DM n'a, de façon certaine, pas été couronnéede succès» et poursuit: «[L]'attitude agressive de certains fournisseurs français etitaliens durant les trois derniers mois a conduit à une concurrence féroce sur lesgrands clients, ce qui a abouti à une baisse des prix.» De même, l'annexe P23, issued'ICI et datée du 17 mai 1982, fait état de préoccupations d'ICI sur sa part demarché au Royaume-Uni et précise: «Shell, BP et DSM ont été particulièrementagressifs sur ce marché.» Un document de DSM du 1er juin 1981, adressé par laCommission aux entreprises par lettre du 3 mai 1988, souligne, à propos desmarchés belge et luxembourgeois au mois d'avril 1981: «[U]ne tentatived'augmentation des prix a échoué après une semaine. L'agressivité de BASF,Solvay, ICI et la SAV a conduit à un niveau de prix qui n'était ni meilleur, ni pire,que celui du mois précédent.» Un autre document de DSM d'octobre 1981 indique,pour ces mêmes marchés géographiques: «[E]n août, des pressions se sont exercéessur les prix. Un comportement plus agressif de plusieurs producteurs (BASF, laSAV, Solvay, Anic et ME) a été relevé.» Un document d'ICI du 19 avril 1982relève: «[I]l est difficile d'obtenir confirmation sur l'identité des producteurs quitirent les prix vers le bas, mais tant Shell que Solvay ont été signalés commeprobables coupables.»

660.
    En réalité, le succès d'une initiative de prix ne pouvait intervenir que dans unenvironnement favorable, dont les producteurs n'avaient pas la maîtrise. Ainsi, ilressort de l'annexe P52 qu'ICI estimait que plusieurs facteurs contribuaient ausuccès prévisible de l'initiative prévue le 1er mai 1983, parmi lesquels des stocksréduits, une reprise de la demande, des rumeurs de pénurie, en particulier pourl'exportation, l'augmentation des prix sur les marchés extérieurs et les effets de larationalisation du secteur. D'autres documents mettent en avant l'évolution de lademande (par exemple, annexes P27, P31, P45, P47) ou celle des importations enprovenance de pays tiers (par exemple, annexes P16 et P31). A l'inverse, desfacteurs tels que la surcapacité, l'augmentation des importations, la baisse des prixsur les marchés des pays tiers, le grand nombre de producteurs de PVC en Europede l'Ouest ou l'ouverture de nouvelles installations par Shell et ICI, apparaissaientcomme des facteurs fragilisant le niveau des prix (annexe P21, issue de DSM etrelative à l'année 1981).

661.
    Il convient de conclure de cet examen que la Commission a exactement appréciéles faits de l'espèce en ce qui concerne les initiatives de prix.

— Sur l'origine de l'entente

662.
    Au vu de l'examen précédemment effectué, il apparaît qu'il existe une corrélationétroite entre les projets décrits dans les documents de planification et les pratiqueseffectivement constatées sur le marché du PVC, dès les premiers mois qui ont suivil'élaboration de ces documents, tant en termes de prix que de régulation desvolumes, qui constituent les deux principaux aspects de l'infraction reprochée. Enoutre, mais dans une moindre mesure, il existe une corrélation entre les projetsdécrits dans les documents de planification et les pratiques reprochées en matièred'échanges d'informations entre producteurs.

663.
    Il convient d'examiner les arguments des requérants relatifs à l'origine de l'ententeau vu du libellé des documents de planification, des informations données par ICIà leur propos dans sa réponse à une demande de renseignements de la Commissiondu 30 avril 1984, jointe en annexe 4 à la communication des griefs, et de cettecorrélation entre les documents de planification et les pratiques effectivementconstatées sur le marché dans les semaines qui ont suivi leur élaboration.

664.
    Il y a lieu tout d'abord de relever que, dans sa réponse à la demande derenseignements, ICI a indiqué que, compte tenu de l'endroit où les documentsavaient été trouvés par la Commission, il était raisonnable de penser qu'ilsconcernaient le PVC. La corrélation entre les documents de planification et lespratiques effectivement constatées sur le marché du PVC confirme cetteconclusion.

665.
    Ensuite, l'identité exacte de l'auteur des documents de planification n'apparaît pasdéterminante. Seule importe la question de savoir si ces documents peuvent êtreregardés comme un projet de création d'entente, ainsi que le soutient laCommission. Au demeurant, le document «réponse aux propositions» comporte lenom de son auteur; celui-ci, M. Sheaff, était le directeur de la division «plastiques»d'ICI au début des années 1980. Dans sa réponse à une demande derenseignements, ICI a indiqué qu'il était raisonnable de penser que M. Sheaff étaitégalement l'auteur du document «liste de contrôle».

666.
    Le Tribunal ne saurait admettre l'objection selon laquelle les documents deplanification ne concerneraient que le marché britannique ou les marchésbritanniques et italiens. A cet égard, il y a lieu de rappeler que le point 1 de laréponse aux propositions porte sur un «niveau de prix commun pour l'Europe del'Ouest». Le point 2 de cette réponse concerne la possibilité d'un système dequotas «par entreprise, plutôt que sur une base nationale», ce qui exclut à tout lemoins l'hypothèse qu'un seul marché géographique serait concerné. En outre, aupoint 6 de la réponse aux propositions, dans lequel est examinée la possibilité d'une

augmentation de prix lors du dernier trimestre de 1980, il est fait état des difficultésqui résulteront, notamment, d'une baisse de «la demande en Europe de l'Ouest»dans son ensemble. En outre, la liste de contrôle, si elle se réfère plus spécialementen deux points aux marchés britannique et italien, comporte un point 3 intitulé«proposition pour un nouveau cadre de réunions»; or, ce point contient despropositions formulées en termes généraux, dont rien ne laisse penser qu'elles aientété limitées à un ou deux marchés géographiques; bien au contraire, le fait que cespropositions soient présentées directement après la liste des principaux producteurseuropéens de PVC conforte la conclusion que les marchés britanniques et/ouitaliens n'étaient pas les seuls visés. Il y a lieu de rappeler enfin que les documentsde planification évoquaient notamment deux pratiques, relatives l'une à desinitiatives de prix, dont la première était envisagée pour le dernier trimestre de1980, l'autre à un système de quotas assorti d'un mécanisme de compensation; or,il ressort de l'analyse précédemment effectuée qu'une initiative est intervenue le1er novembre 1980, en vue de «porter tous les prix du PVC qualité suspensiond'Europe de l'Ouest à un minimum de 1,50 DM», et qu'un mécanisme decompensation a été mis en oeuvre dès les premiers mois de 1981, auquelparticipaient l'ensemble des producteurs européens, à l'exception de Shell. Cettecorrélation conforte la conclusion que les documents de planification ne seréféraient pas simplement à un ou deux marchés nationaux.

667.
    L'allégation des requérantes selon laquelle les documents de planification eux-mêmes n'auraient jamais été diffusés en dehors des locaux d'ICI n'est pasdéterminante. Seul importe le point de savoir si le contenu de ces documentstraduit l'existence d'un projet visant à organiser le marché du PVC en dehors dulibre jeu de la concurrence.

668.
    L'argument selon lequel les deux documents de planification n'auraient pas de lienentre eux ne saurait être retenu. A cet égard, il y a lieu de rappeler tout d'abordque ces documents ont été découverts dans les locaux d'ICI et qu'ils étaientmatériellement attachés l'un à l'autre. En outre, il convient de relever que la listede contrôle comportait l'énumération de certains thèmes, qui, d'une façon générale,portaient sur des mécanismes de contrôle des volumes de ventes et de régulationdes prix. Ces thèmes sont eux-mêmes abordés, de façon plus précise, dans laréponse aux propositions. De surcroît, certains points plus détaillés se retrouventdans l'un et l'autre des documents. Ainsi en est-il de la référence à une période destabilité de trois mois, de la possibilité d'une augmentation de prix durant le derniertrimestre de l'année 1980, de la nécessité de trouver un arrangement pour tenircompte de nouvelles capacités de production ou encore de la possibilité devariations par rapport aux parts de marché préfixées, avec la même référence à unseuil de 5 % et aux réserves émises à ce propos. On ne saurait dès lors admettreque ces deux documents sont sans relation l'un avec l'autre.

669.
    Les requérantes soutiennent toutefois que, au vu des documents de planification,la Commission a, à tort, conclu que le second document de planification constitue

le résumé de la réponse des producteurs de PVC aux propositions formulées parICI (point 7, dernier alinéa, de la Décision). A cet égard, elles relèvent que lesdocuments de planification pourraient bien n'être que l'expression des opinions ouobservations d'agents d'ICI ou celles d'agents d'ICI et de Solvay, entreprise viséeplus spécialement aux points 5 et 6 de la liste de contrôle. En outre, la réponse auxpropositions serait un document antérieur à la liste de contrôle, ce qui réduirait ànéant la thèse de la Commission.

670.
    Le Tribunal considère que le libellé même des documents de planification nepermet pas de considérer, comme l'a fait la Commission aux points 7, dernieralinéa, et 10, premier alinéa, de la Décision, que le second document deplanification constituait la réponse des autres producteurs de PVC aux propositionsfaites par ICI, pas plus qu'il ne permet de conclure que ces documents ne seraientque la seule expression d'avis d'agents d'ICI.

671.
    Même à supposer exacte la thèse des requérantes, il y a lieu de relever que cettecirconstance n'affecterait pas le système probatoire de la Commission. En effet,ainsi qu'il résulte de l'examen auquel il a été procédé préalablement, laCommission a produit de nombreuses pièces établissant l'existence des pratiquesdécrites dans la Décision. En outre, il demeure que les documents de planification,et plus particulièrement la liste de contrôle, qui émanent d'un importantresponsable d'ICI, énoncent de façon claire l'existence d'un projet de créationd'entente dans le chef de cette entreprise, qui était, à la date d'élaboration de cesdocuments, l'un des principaux producteurs européens de PVC; en outre, lespratiques qui étaient prévues dans ces documents ont été constatées, dans lessemaines qui ont suivi, sur le marché du PVC en Europe de l'Ouest. A tout lemoins, il apparaît ainsi que ces documents de planification constituent la base surlaquelle des consultations et discussions entre producteurs ont été menées et ontconduit à la mise en oeuvre effective des mesures illicites envisagées.

672.
    A cet égard, s'il est exact que les documents produits par la Commission à l'appuide ses constatations factuelles relatives aux pratiques sur le marché du PVC ne fontaucune référence aux documents de planification, le Tribunal considère que lacorrélation étroite entre ces pratiques et celles décrites dans ces documentsdémontre à suffisance l'existence d'un lien entre elles.

673.
    La Commission a, dès lors, conclu, à juste titre, que les documents de planificationpouvaient être regardés comme étant à l'origine de l'entente qui s'est matérialiséedans les semaines qui ont suivi leur élaboration.

— Sur les réunions entre producteurs

674.
    Il convient de relever tout d'abord que l'existence même de réunions informellesentre producteurs, intervenues en dehors du cadre des associations professionnelles,n'est pas contestée par les requérantes.

675.
    En outre, aux fins de l'appréciation des faits au regard de l'article 85 du traité, iln'est pas indispensable que la date et, a fortiori, le lieu, des réunions entreproducteurs soient établis par la Commission. Au demeurant, il ressort de laréponse d'ICI du 5 juin 1984 à une demande de renseignements de la Commission(annexe 4 à la communication des griefs) que ces réunions ont eu lieu «assezrégulièrement, approximativement une fois par mois, et à différents niveaux deresponsabilité». ICI a précisé que, compte tenu, notamment, du fait qu'aucundocument relatif à ces réunions n'avait pu être retrouvé, elle n'était pas en mesured'indiquer les dates et lieux des réunions tenues depuis août 1980. En revanche,elle a pu identifier les lieux et dates de neuf réunions informelles entre producteursau cours des dix premiers mois de l'année la plus récente, à savoir 1983. Sixréunions se seraient ainsi tenues à Zurich, les 15 février, 11 mars, 18 avril, 10 mai,18 juillet et 11 août 1983, deux à Paris, les 2 mars et 12 septembre 1983, et une àAmsterdam, le 10 juin 1983. ICI a en outre énuméré les entreprises qui auraientparticipé à au moins certaines de ces réunions informelles, à savoir, par ordrealphabétique: Anic, Atochem, BASF, DSM, Enichem, Hoechst, Hüls, ICI,Kemanord, LVM, Montedison, Norsk Hydro, PCUK, la SAV, Shell, Solvay etWacker.

676.
    Shell, dans sa réponse du 3 décembre 1987 à une demande de renseignements(annexe 42 à la communication des griefs), a confirmé avoir participé aux réunionsde Paris du 2 mars 1983 et de Zurich du 11 août 1983, pour lesquelles laCommission avait recueilli la preuve de sa participation sous la forme d'indicationsportées dans un agenda.

677.
    BASF, dans sa réponse du 8 décembre 1987 à une demande de renseignements dela Commission (annexe 5 à la communication des griefs), a également indiqué que,de 1980 à octobre 1983, des réunions se sont tenues entre producteurs de PVC,«parfois jusqu'à une par mois». Elle a également énuméré les entreprisesreprésentées, régulièrement ou irrégulièrement, à ces réunions, à savoir, par ordrealphabétique: Anic, Atochem, Enichem, Hoechst, Hüls, ICI, LVM, Montedison,Norsk Hydro, Shell, Solvay et Wacker.

678.
    On peut enfin relever que, dans le cadre des présents recours, Montedisonreconnaît l'existence de réunions informelles entre producteurs, dont la pressespécialisée faisait état.

679.
    Si elles ne contestent pas l'existence de ces réunions informelles entre producteurs,les requérantes portent en revanche leurs critiques sur l'objet de ces réunions, qui,selon elles, ne serait pas établi.

680.
    Il convient de rappeler tout d'abord que, en dépit du nombre de réunions qui sesont tenues pendant la période concernée et des mesures d'enquête effectuées autitre des articles 11 et 14 du règlement n° 17, la Commission n'a pu obtenir aucunprocès-verbal ou compte-rendu de ces réunions. Contrairement à ce que

soutiennent les requérantes, il ne ressort pas du point 9 de la Décision que laCommission aurait, de ce seul fait, conclu que les réunions poursuivaient un objetanticoncurrentiel.

681.
    Dans sa réponse aux demandes de renseignements, ICI a indiqué que ces réunionsportaient sur un grand nombre de questions, «y compris des discussions sur les prixet les volumes». Plus précisément, elle a indiqué que, «pendant la périodeconcernée, des discussions ont certainement eu lieu durant ces réunions entreproducteurs en ce qui concerne les niveaux de prix et la marge nécessaires pourpermettre aux producteurs de réduire l'étendue des pertes qu'ils subissaient. SelonICI, chaque producteur a exprimé ses propres points de vue à cet égard, qui ontété débattus. Souvent, les producteurs avaient des vues divergentes sur les niveauxde prix appropriés [...] Toutefois, un consensus apparent s'est dégagé sur ce quiaurait pu représenter des niveaux de prix auxquels les producteurs pourraientaspirer; cependant, aucun engagement de prix ferme n'est ressorti de cesdiscussions. Selon les appréciations d'ICI à l'époque, et encore aujourd'hui, un telconsensus était plus apparent que réel. Il est certain, pour autant qu'ICI le sache,que chaque partie à ces discussions s'est sentie libre de prendre toute actionautonome qu'elle considérait appropriée aux circonstances individuelles qui luiétaient propres».

682.
    Dans sa réponse du 3 décembre 1987 à une demande de renseignements, Shell areconnu avoir participé à deux réunions énumérées par ICI. S'agissant de lapremière, qui s'est tenue à Paris le 2 mars 1983, elle a indiqué: «[A]u cours de laréunion, ont été discutées les difficultés que rencontrait le secteur et despropositions ont été faites par d'autres producteurs en ce qui concerne uneaugmentation des prix et un contrôle des volumes. [Le représentant de Shell] n'apas soutenu ces propositions. [Il] ne peut se souvenir si un accord ou un consensussur une initiative de prix ou sur les volumes a été trouvé.» S'agissant de la seconderéunion, qui s'est tenue à Zurich le 11 août 1983, Shell a indiqué que «certainsproducteurs ont exprimé leur opinion sur une initiative de prix. [Le représentantde Shell] n'a pas soutenu ces points de vue. [Il] ne peut se souvenir si un accordou un consensus a été trouvé».

683.
    A ce titre, il convient de relever que, contrairement à ce que prétendent lesrequérantes, la Commission n'a pas détourné le sens des réponses de certainesentreprises aux demandes de renseignements. Elle a ainsi rappelé que chacun deces producteurs avaient, en dépit de l'objet des réunions, soutenu qu'aucun«engagement» n'y aurait été pris (voir les points 8, deuxième alinéa, de laDécision, en ce qui concerne ICI, et 9, premier alinéa, en ce qui concernenotamment Shell et Hoechst).

684.
    Par ailleurs, il y a lieu de rappeler que les documents de planification comportaientl'intention expresse de mettre en place un «nouveau cadre de réunions» entreproducteurs, au cours desquelles seraient discutés des arrangements en matière de

prix, de contrôle de volume et d'échange d'informations. En outre, la Commissiona établi l'existence de réunions entre producteurs pendant la période concernée.Enfin, ainsi qu'il ressort de l'analyse précédemment effectuée, la Commission aétabli l'existence, pendant la période concernée, de mécanismes de quotas, derégulation des prix et d'échanges d'informations entre producteurs.

685.
    De la coïncidence étroite entre ce qui était prévu dans les documents deplanification, d'une part, et les pratiques effectivement mises en oeuvre sur lemarché du PVC, la Commission a exactement conclu que les réunions informellesentre producteurs avaient effectivement eu pour objet les thèmes énoncés dans lesdocuments de planification.

686.
    Au vu de ces éléments, il y a lieu de conclure que la Commission a correctementdéterminé l'objet des réunions entre producteurs qui se sont tenues de 1980 à 1984.

687.
    Dans ces conditions, les objections des requérantes sur la partie «en fait» de laDécision doivent être rejetées.

2. En droit

688.
    Les requérantes reprochent à la Commission plusieurs erreurs de droit dansl'application de l'article 85 du traité. En premier lieu, la Commission aurait commisune erreur de droit en qualifiant d'accord «et/ou» de pratique concertée lescomportements qu'elle reproche aux entreprises (a). En second lieu, en l'espèce,la Commission n'aurait correctement qualifié ni l'existence d'un accord ni celled'une pratique concertée (b). En troisième lieu, elle aurait également méconnul'article 85 du traité dans la détermination de l'objet ou de l'effet de la collusionallégué (c). En dernier lieu, elle aurait également commis une erreur de droit dansla qualification de l'affectation du commerce entre États membres (d).

a) Sur la qualification d'accord «et/ou» de pratique concertée

Arguments des requérantes

689.
    LVM, Elf Atochem, DSM, Hüls et Enichem soutiennent que la Commission a violél'article 85, paragraphe 1, du traité en se bornant à indiquer, dans le dispositif desa Décision, que les entreprises avaient participé à un accord «et/ou» à unepratique concertée.

690.
    Certes, les requérantes prennent acte de ce que le Tribunal a admis la possibilitéd'une qualification conjointe (notamment arrêt du Tribunal du 17 décembre 1991,DSM/Commission, T-8/89, Rec. p. II-1833, points 234 et 235).

691.
    Toutefois, en l'espèce, selon Enichem, la Commission, en retenant une qualificationjuridique alternative, et non cumulative, serait allée au-delà de cette jurisprudence.

692.
    LVM, Elf Atochem, DSM et Hüls soutiennent, pour leur part, que la jurisprudenceprécitée ne peut trouver à s'appliquer que dans des circonstances particulières.Ainsi, ce n'est que dans l'hypothèse où la preuve de l'une et de l'autre desqualifications a été établie qu'une telle solution est applicable. Or, en l'espèce, laCommission n'aurait précisément qualifié ni l'existence d'un accord ni celle d'unepratique concertée.

693.
    LVM, DSM et Enichem rappellent que la distinction entre ces deux qualificationsjuridiques emporte des différences sur l'administration de la preuve.

Appréciation du Tribunal

694.
    Il convient de relever, à titre liminaire, que l'argumentation de LVM, Elf Atochem,DSM et Hüls ne tend pas à contester le principe même de la qualification d'accord«et/ou» de pratique concertée retenue à l'article 1er de la Décision, mais plutôt lefait qu'une telle qualification puisse être retenue en l'espèce, puisque ni l'existenced'un accord ni celle d'une pratique concertée n'auraient été établies. La réponseà ce moyen dépend donc de celle apportée au moyen suivant.

695.
    Seule Enichem conteste ainsi le principe même de la qualification d'accord «et/ou»de pratique concertée.

696.
    Il y a lieu de relever que, dans le cadre d'une infraction complexe, qui a impliquéplusieurs producteurs pendant plusieurs années poursuivant un objectif derégulation en commun du marché, on ne saurait exiger de la Commission qu'ellequalifie précisément l'infraction, pour chaque entreprise et à chaque instant donné,d'accord ou de pratique concertée, dès lors que, en toute hypothèse, l'une et l'autrede ces formes d'infraction sont visées à l'article 85 du traité.

697.
    La Commission est ainsi en droit de qualifier une telle infraction complexe d'accord«et/ou» de pratique concertée, dans la mesure où cette infraction comporte deséléments devant être qualifiés d'«accord» et des éléments devant être qualifiés de«pratique concertée».

698.
    Dans une telle situation, la double qualification doit être comprise non comme unequalification exigeant simultanément et cumulativement la preuve que chacun deces éléments de fait présente les éléments constitutifs d'un accord et d'une pratiqueconcertée, mais bien comme désignant un tout complexe comportant des élémentsde fait dont certains ont été qualifiés d'accord et d'autres de pratique concertée ausens de l'article 85, paragraphe 1, du traité, lequel ne prévoit pas de qualificationspécifique pour ce type d'infraction complexe.

699.
    Le présent moyen, tel que soulevé par Enichem, doit, dès lors, être rejeté.

b) Sur la qualification, en l'espèce, d'«accord» et/ou de «pratique concertée»

Arguments des requérantes

700.
    Les requérantes soutiennent que la Commission n'a établi ni l'existence d'un accordni celle d'une pratique concertée.

701.
    BASF et ICI estiment que, pour qualifier un accord, au sens de l'article 85,paragraphe 1, du traité, il doit exister des éléments révélateurs d'un engagementen faveur d'objectifs communs et de l'existence d'une obligation réciproque (arrêtsde la Cour du 15 juillet 1970, Buchler/Commission, 44/69, Rec. p. 733, point 25, etVan Landewyck e.a./Commission, précité, point 86). Aux termes de l'article 85,paragraphe 1, du traité, un accord doit être conclu entre deux parties au moins qui,même si ce n'est pas de manière contraignante, ont manifesté une volonté deréaliser un comportement déterminé de nature à fausser le jeu de la concurrence(arrêt de la Cour du 20 juin 1978, Tepea/Commission, 28/77, Rec. p. 1391). Il nesuffirait donc pas d'établir l'existence d'une unité de vues entre les producteurs.

702.
    Or, en l'espèce, les requérantes rappellent que, ainsi qu'il ressortirait de l'examendes faits, il n'est pas établi que la «liste de contrôle», dont on ne sait si elle a étéadressée à d'autres entreprises ou, au moins, portée à leur connaissance, constitueune proposition de collusion. Rien ne démontre que la «liste de contrôle», quiconstituerait une proposition, ait été discutée, établie d'un commun accord etacceptée par d'autres producteurs. Ensuite, la «réponse aux propositions» nepourrait être l'acceptation de la prétendue entente, comme il ressort de soncontenu même. Il ne serait de toute façon pas établi que les avis exprimés dans la«réponse aux propositions» émanent de l'un quelconque des autres producteurs dePVC.

703.
    En outre, les requérantes soutiennent que l'existence même des réunions ne permetpas d'établir leur objet. Aucun lien ne permettrait d'ailleurs de les rattacher auprétendu plan d'ensemble. De fait, les documents utilisés par la Commission en cequi concerne les initiatives de prix montreraient que les entreprises ont poursuivides politiques de prix autonomes, au vu de l'évolution du marché; aucun enrevanche ne prouverait une concertation préalable entre producteurs.

704.
    Selon Elf Atochem, la Commission n'aurait pas établi avec certitude l'existenced'un accord. La seule existence de réunions ne suffirait pas à mettre en évidencel'objet de telles réunions, ni l'adhésion de chacune des parties prenantes. LaCommission ne pourrait conclure qu'est en cause un «large accord permanent» auvu de circonstances qui révèlent au plus des comportements qui ne sont nigénéraux, ni uniformes, ni permanents. Au mieux y aurait-il alors une pluralitéd'accords distincts et successifs.

705.
    Les requérantes ne contestent pas la définition de la pratique concertée retenueau point 32, troisième alinéa, de la Décision (arrêts de la Cour du 14 juillet 1972,ICI/Commission, précité, point 112, Suiker Unie/Commission, précité, point 174, du14 juillet 1981, Züchner, 172/80, Rec. p. 2021, points 12 à 14, et CRAM etRheinzink/Commission, précité, point 20). Toutefois, Elf Atochem, BASF, ICI etHüls soulignent que la notion de pratique concertée impliquerait deux éléments,l'un subjectif (la concertation), l'autre objectif (un comportement sur le marché,c'est-à-dire une pratique). Or, en l'espèce, la Commission n'aurait établi ni l'un nil'autre de ces éléments. En particulier, en ne procédant pas à un examen ducomportement des entreprises sur le marché, la Commission se serait abstenue dedémontrer l'existence même d'une pratique concertée.

706.
    LVM et DSM soutiennent que la Commission a, en violation de l'article 85 dutraité, cherché à sanctionner une tentative d'infraction. En effet, dès lors qu'il estquestion d'objet ou d'effet, il doit nécessairement exister des actes d'exécution.Échapperaient ainsi à l'article 85 du traité la tentative ou l'intention de conclureun accord interdit et, par nature, toute forme de concertation qui n'a pas conduità l'accomplissement d'actes d'exécution sous la forme de «pratiques». LVM etDSM contestent ainsi que la seule participation à des réunions qui avaient un objetinterdit puisse être qualifiée de fait punissable.

707.
    Elf Atochem fait valoir que le parallélisme de comportement ne peut constituerqu'une preuve imparfaite d'une pratique concertée (arrêt Ahlström Osakeyhtiöe.a./Commission, précité); en outre, la charge de la preuve ne saurait être inverséepar la seule constatation d'un tel parallélisme (conclusions de l'avocat généralM. Darmon sous l'arrêt Ahlström Osakeyhtiö e.a./Commission, précité, Rec.p. I-1445). De surcroît, la requérante soutient que même ce parallélisme decomportement, en matière de prix ou de quotas et de compensations, n'a pas étéétabli par la Commission.

708.
    BASF soutient que le seul fait que des entreprises concurrentes procèdent à unehausse de prix ne signifie pas que celles-ci se sont concertées (arrêt du 14 juillet1972, ICI/Commission, précité). Elle souligne, à cet égard, l'importancedéterminante du prix pour la commercialisation du PVC, compte tenu du fait qu'ils'agit d'un produit pondéreux interchangeable. Le prix s'établirait ainsi à un niveaud'équilibre de l'offre et de la demande. La baisse de prix par un producteur, uniquemoyen pour lui d'accroître ses parts de marché, conduirait nécessairement à uneffondrement général des prix, compte tenu du faible nombre d'offrants. Al'inverse, une augmentation de prix ne serait couronnée de succès que si lesconditions du marché le permettaient; à défaut, les autres producteurs ne suivraientpas cette augmentation et l'initiateur de la hausse soit perdrait des parts demarché, soit se verrait contraint de baisser ses prix de nouveau.

709.
    Wacker et Hoechst font observer que la Commission s'est, à tort, abstenued'examiner le comportement effectif des entreprises sur le marché.

710.
    Selon la SAV, la Commission a méconnu son obligation de procéder à un examenapprofondi et objectif du contexte économique de l'entente alléguée (arrêts LTM,Suiker Unie e.a./Commission, Ahlström Osakeyhtiö e.a./Commission, et SIVe.a./Commission, précités). En l'espèce, la Commission n'a formulé que quelquesgénéralités sur le marché (points 5 et 6 des motifs de la Décision), mais n'anullement examiné le fonctionnement réel de celui-ci.

711.
    Selon Montedison, la Commission n'a pas tenu compte des conditions de fixationde prix dans le cas de produits destinés à des utilisateurs industriels; en réalité, lesbarèmes de prix seraient publiés régulièrement, le prix appliqué par la principaleentreprise du secteur permettant aux autres de se positionner, sans que celan'emporte un renoncement à l'autonomie de leur comportement (arrêt Suiker Uniee.a./Commission, précité). La Commission se bornerait à opposer à ces évidencesl'objet des réunions tel qu'il était énoncé dans les documents de planification, laparticipation à ces réunions de la quasi-totalité des producteurs de PVC et lesrapports commerciaux internes des producteurs (Décision, point 21). Or, rien nedémontrerait que la proposition de 1980, rédigée au sein d'une entreprise, ait étéacceptée et exécutée, la requérante n'y étant d'ailleurs pas mentionnée; en outre,le seul fait que la quasi-totalité des producteurs ont participé à des réunions nerévèle rien sur le contenu de celles-ci; enfin, les rapports commerciaux internes neconcerneraient pas la requérante. Celle-ci ajoute que, à le supposer établi, le faitqu'elles succédaient aux réunions ne signifierait pas que les augmentations debarèmes étaient le fruit d'une concertation.

712.
    Enichem observe que le fait qu'aucune initiative de prix n'ait jamais réussi laissepenser qu'il s'agit d'efforts individuels. En outre, les documents recueillis par laCommission (annexes P à la communication des griefs) illustreraient le caractèrehautement concurrentiel du marché, qui ne pourrait être simplement imputé à uneentente indisciplinée; en effet, en l'absence de preuves directes, l'allégationd'entente devrait précisément être étayée par le comportement collusoire effectifdes participants présumés, ce qui n'est pas le cas en l'espèce.

713.
    LVM, Elf Atochem, DSM, la SAV, ICI, Hüls et Enichem soutiennent que, àsupposer établies les constatations de fait de la Commission, il suffirait auxentreprises incriminées d'invoquer des circonstances qui donnent un éclairagedifférent à ces faits et qui permettent ainsi de substituer une autre explication àcelle retenue par la Commission (arrêts CRAM et Rheinzink/Commission, précité,point 16, et Ahlström Osakeyhtiö e.a./Commission, précité, notamment points 70et 72).

714.
    Or, en l'espèce, en ce qui concerne les initiatives de prix, la Commission auraitrejeté sans démonstration l'explication avancée par les requérantes et fondée surla théorie économique de la «fixation barométrique des prix». Pourtant, de cettethéorie résulterait la conclusion que les initiatives de prix ne sont que le résultat dufonctionnement normal du marché, sans concertation entre les entreprises.

Appréciation du Tribunal

715.
    Selon une jurisprudence constante, pour qu'il y ait accord, au sens de l'article 85,paragraphe 1, du traité, il suffit que les entreprises en cause aient exprimé leurvolonté commune de se comporter sur le marché d'une manière déterminée(notamment arrêts ACF Chemiefarma/Commission, précité, point 112, etVan Landewyck e.a./Commission, précité, point 86).

716.
    Il convient de souligner, tout d'abord, que l'argumentation des requérantes tend,au moins pour partie, à démontrer que les documents de planification ne peuventêtre qualifiés d'accord, au sens de l'article 85, paragraphe 1, du traité. Cetteargumentation est toutefois dénuée de pertinence.

717.
    En effet, il ressort des motifs de la Décision, et plus particulièrement de sespoints 29 à 31, relatifs au caractère et à la structure de l'accord, que la Commissionn'a pas qualifié les documents de planification d'accord au sens de cette disposition.D'ailleurs, ainsi qu'il a été souligné, dans la partie «faits» de la Décision, laCommission énonce qu'elle considère ces documents comme un «projet de créationd'entente».

718.
    En outre, l'argumentation des requérantes consiste à reprendre les objectionsfactuelles qui ont été précédemment exposées et rejetées par le Tribunal.

719.
    Dans ces conditions, les requérantes ne sauraient utilement soutenir quel'élaboration, au cours de réunions entre producteurs, et la mise en oeuvre encommun de mécanismes de quotas et de compensation, d'initiatives de prix etd'échanges d'informations sur leurs ventes effectives, pendant plusieurs années, neconstituent pas l'expression d'une volonté commune de se comporter sur le marchéd'une manière déterminée.

720.
    En outre, si l'article 85 du traité distingue la notion de «pratique concertée» decelle d'«accords entre entreprises» ou de «décisions d'association d'entreprises»,c'est dans le dessein d'appréhender sous les interdictions de cet article une formede coordination entre entreprises qui, sans avoir été poussée jusqu'à la réalisationd'une convention proprement dite, substitue sciemment une coopération pratiqueentre elles aux risques de la concurrence (arrêt du 14 juillet 1972, ICI/Commission,précité, point 64). Les critères de coordination et de coopération retenus par lajurisprudence de la Cour, loin d'exiger l'élaboration d'un véritable «plan», doiventêtre compris à la lumière de la conception inhérente aux dispositions du traitérelatives à la concurrence et selon laquelle tout opérateur économique doitdéterminer de manière autonome la politique qu'il entend suivre sur le marchécommun. S'il est exact que cette exigence d'autonomie n'exclut pas le droit desopérateurs économiques de s'adapter intelligemment au comportement constaté ouà escompter de leurs concurrents, elle s'oppose cependant rigoureusement à touteprise de contact directe ou indirecte entre de tels opérateurs ayant pour objet ou

pour effet soit d'influencer le comportement sur le marché d'un concurrent actuelou potentiel, soit de dévoiler à un tel concurrent le comportement que l'on estdécidé à, ou que l'on envisage de, tenir soi-même sur le marché (arrêt Suiker Uniee.a./Commission, précité, points 173 et 174).

721.
    Les requérantes ne mettent pas en cause cette jurisprudence, que la Commissiona rappelé au point 33 de la Décision, mais son application en l'espèce.

722.
    Toutefois, en organisant, pendant plus de trois années, et en participant à desréunions dont l'objet a été correctement établi par la Commission, les producteursont pris part à une concertation par laquelle ils ont substitué sciemment unecoopération pratique entre eux aux risques de la concurrence.

723.
    Ainsi, chaque producteur a non seulement poursuivi le but d'éliminer par avancel'incertitude relative au comportement futur de ses concurrents, mais il anécessairement dû prendre en compte, directement ou indirectement, lesinformations obtenues au cours de ces réunions pour déterminer la politique qu'ilentendait suivre sur le marché.

724.
    Les requérantes se fondent toutefois sur les arrêts CRAM etRheinzink/Commission et Ahlström Osakeyhtiö e.a./Commission, précités, pourcontester les conclusions de la Commission.

725.
    Il ressort de cette jurisprudence que, lorsque le raisonnement de la Commission estfondé sur la supposition que les faits établis ne peuvent pas être expliquésautrement qu'en fonction d'une concertation entre les entreprises, il suffit auxrequérantes d'établir des circonstances qui donnent un éclairage différent aux faitsétablis par la Commission et qui permettent ainsi de substituer une autreexplication des faits à celle retenue par la Commission (arrêts CRAM etRheinzink/Commission, précité, point 16, et Ahlström Osakeyhtiö e.a./Commission,précité, notamment points 70, 126 et 127).

726.
    Cette jurisprudence ne saurait trouver à s'appliquer en l'espèce.

727.
    En effet, ainsi que la Commission l'a relevé au point 21 de la Décision, la preuvede la concertation entre les entreprises ne résulte pas de la simple constatationd'un parallélisme de comportements sur le marché, mais de pièces d'où il ressortque les pratiques étaient le résultat d'une concertation (voir ci-dessus points 582et suivants).

728.
    Dans ces conditions, il incombe aux requérantes, non pas simplement de présenterune prétendue explication alternative des faits constatés par la Commission, maisbien de contester l'existence de ces faits établis au vu des pièces produites par laCommission. Or, ainsi qu'il résulte de l'examen des faits, tel n'a pas été le cas enl'espèce.

729.
    Il s'ensuit que c'est à bon droit que la Commission a retenu, à titre subsidiaire, laqualification de pratique concertée, au sens de l'article 85, paragraphe 1, du traité.

730.
    Enfin, il y a lieu de relever, ainsi qu'il ressort du point 31 de la Décision, que lespratiques mises en oeuvre sont le résultat d'une collusion qui s'est poursuiviependant plusieurs années, reposant sur les mêmes mécanismes et poursuivant lemême objet commun. Dès lors, c'est à juste titre que la Commission a conclu queces pratiques devaient être regardées comme une seule collusion permanente,plutôt que comme la succession d'accords distincts.

731.
    Le moyen doit, en conséquence, être rejeté dans son ensemble.

c) Sur la qualification d'objet ou d'effet anticoncurrentiel

Arguments des requérantes

732.
    LVM et DSM font valoir que la notion de restriction de concurrence exige, commeéléments essentiels aux fins de la constatation d'une infraction, un comportementmanifeste et son effet sur le marché. En l'espèce, en l'absence de comportementsprouvés, la Commission aurait dû s'attacher à démontrer un effet sur le marché duPVC. Tel ne serait pas le cas, la Commission s'étant contentée d'affirmations, denature d'ailleurs spéculative.

733.
    LVM, DSM, Wacker et Hoechst soutiennent que la Commission s'est illégalementabstenue de procéder, ou de faire procéder, à une analyse économique des effetsde l'entente alléguée, alors qu'elle est tenue d'apprécier les effets sur un marchéet de tenir compte du contexte économique (notamment arrêts LTM, précité, etAhlström Osakeyhtiö e.a./Commission, précité, point 70). De surcroît, elle auraitrejeté sans démonstration l'ensemble des conclusions économiques auxquelles étaitparvenu un expert mandaté par les entreprises incriminées, d'où il ressortait quele marché du PVC était caractérisé par une vive concurrence. Wacker et Hoechstdemandent que, pour pallier l'examen insuffisant des effets de l'entente auquel laCommission a procédé, soit ordonnée une expertise en vue d'apprécier ceux-ci, ouque leur soit octroyé un délai pour demander et obtenir une telle expertise. LaSAV, pour sa part, souligne que la Commission s'est limitée à formuler quelquesgénéralités sur le marché (points 5 et 6 de la Décision), mais n'a nullementexaminé le fonctionnement réel de celui-ci.

734.
    Selon ICI, dans l'appréciation de l'effet de l'entente alléguée sur les prix, laCommission a omis de tenir compte des éléments de preuve de nature économiquequi avaient été avancés. Or, ceux-ci auraient prouvé que le marché du PVC secaractérisait par une vive concurrence, confirmant ainsi que les prix du PVCn'étaient sujets à aucune influence autre que le libre jeu de la concurrence. De soncôté, la Commission n'aurait apporté aucun élément au soutien de sa thèse, qui ne

reposerait que sur de simples affirmations. En réalité, quoi qu'il ait pu se passerau cours des réunions, il n'y aurait eu aucun effet sur les prix.

735.
    BASF reproche à la Commission un examen insuffisant des effets de la prétendueentente, ce que confirmerait la suppression d'un passage au point 37 de la versionallemande de la Décision par rapport à celle de la décision de 1988.

736.
    Montedison rappelle, pour sa part, que, à la suite de l'augmentation substantielledes prix du pétrole en 1979, le secteur du PVC a été frappé par une grave crise.Toutes les entreprises, de 1980 à 1986, auraient ainsi produit à perte, conduisantcertaines d'entre elles à se retirer du marché. Face à cette situation, elles auraientfait usage de leur droit de réunion et de libre expression de leurs opinionsrespectives. Ainsi, les pratiques incriminées ne seraient pas le résultat deconcertations illicites; elles ne constitueraient que des tentatives de récupérationpartielle des pertes, seul comportement rationnel dans un marché en crise. Desurcroît, les pratiques incriminées n'auraient pas eu d'effet sur la concurrence; laCommission a ainsi elle-même constaté que les initiatives de prix n'ont connu qu'unéchec total ou un succès mitigé.

737.
    Hüls prétend que les initiatives de prix alléguées n'ont pas produit d'effets, les prixdu marché demeurant inférieurs aux prix cibles allégués.

738.
    Enichem soutient que la Commission n'a pas apporté la preuve de l'existenced'effets sur le marché. Le prétendu effet psychologique dont se prévaut laCommission ne correspondrait ainsi à aucun concept juridique précis. De surcroît,l'évolution des prix de janvier 1981 à octobre 1984 n'aurait été que minime.

Appréciation du Tribunal

739.
    Il ressort de l'examen des faits que l'infraction reprochée consistait notamment àfixer en commun des prix et des volumes de ventes sur le marché du PVC. Unetelle infraction, explicitement mentionnée, à titre d'exemples, à l'article 85,paragraphe 1, du traité, poursuivait un objet anticoncurrentiel.

740.
    La circonstance que le secteur du PVC traversait, à l'époque des faits reprochés,une grave crise, ne saurait conduire à la conclusion que les conditions d'applicationde l'article 85, paragraphe 1, du traité, n'étaient pas remplies. Si cette situation dumarché peut être, le cas échéant, prise en compte en vue d'obtenir, à titreexceptionnel, une exemption au titre de l'article 85, paragraphe 3, du traité, forceest de constater que les producteurs de PVC n'ont, à aucun moment, présenté unetelle demande d'exemption, sur le fondement de l'article 4, paragraphe 1, durèglement n° 17. Il convient de relever, enfin, que la Commission n'a pas ignoré,dans son appréciation, la crise que traversait le secteur, ainsi qu'il ressort enparticulier du point 5 de la Décision; en outre, elle en a tenu compte dans ladétermination du montant de l'amende.

741.
    Selon une jurisprudence constante, aux fins de l'application de l'article 85,paragraphe 1, du traité, la prise en considération des effets concrets d'un accordest superflue, dès lors qu'il apparaît que celui-ci a pour objet d'empêcher, derestreindre ou de fausser le jeu de la concurrence à l'intérieur du marché commun(notamment, arrêt de la Cour du 13 juillet 1966, Consten et Grundig/Commission,56/64 et 58/64, Rec. p. 429, 496). Dès lors, pour autant que le moyen exposé parles requérantes doive être compris comme exigeant la démonstration d'effetsanticoncurrentiels réels, alors même que l'objet anticoncurrentiel descomportements reprochés est établi, il ne saurait être accueilli.

742.
    En outre, il apparaît que deux phrases du point 37 de la version allemande de ladécision de 1988, relatif aux effets de l'entente, ont été supprimées dans la versionallemande de la Décision. Dès lors que cette suppression avait pour seul objetd'harmoniser les différentes versions linguistiques de la Décision, les requérantesne peuvent conclure de cette circonstance qu'elle traduirait la preuve d'un exameninsuffisant des effets de l'infraction.

743.
    Il y a lieu de relever enfin que, contrairement à ce que soutiennent certainesrequérantes, la Commission ne s'est pas limitée à une analyse spéculative des effetsde l'infraction reprochée. Elle s'est en effet bornée, au point 37 de la Décision, àsouligner que savoir si à long terme les niveaux de prix auraient été bien plus basen l'absence de collusion relève d'une pure spéculation.

744.
    Pour autant, la Commission a exactement conclu que l'infraction reprochée n'étaitpas restée sans effets.

745.
    Ainsi, la fixation de prix cibles européens a nécessairement altéré le jeu de laconcurrence sur le marché du PVC. Les acheteurs ont ainsi vu leur marge denégociations des prix limitée. D'ailleurs, ainsi qu'il a déjà été relevé (ci-dessuspoint 655), plusieurs des annexes P1 à P70 montrent que les acheteurs ont souventprocédé à des achats avant la date de mise en application d'une initiative de prix.Ceci confirme la conclusion de la Commission selon laquelle les acheteurs étaientconscients de ce que les initiatives de prix des producteurs limiteraient leurpossibilité de négociations et ne seraient donc pas dépourvues d'effets.

746.
    S'il est exact que certaines initiatives ont été considérées comme des échecs par lesproducteurs (voir ci-dessus point 654), ce que la Commission n'a nullement ignorédans la Décision, il demeure que plusieurs des annexes P1 à P70 font état de laréussite, totale ou partielle, d'initiatives de prix. De fait, les producteurs eux-mêmesont constaté à diverses reprises qu'une initiative de prix avait soit mis un terme àune période de baisse des prix, soit abouti à l'accroissement des prix pratiqués surle marché. Peuvent être ainsi relevées, à titre d'exemples, les annexes P3(«l'augmentation pour le 1er novembre [1980] s'est imposée, de sorte qu'unedeuxième action a été entreprise»), P5 («l'augmentation de prix au 1er novembre[1980] n'a pas été totalement couronnée de succès, mais les prix ont augmenté

substantiellement»), P17 («les augmentations de prix de juin [1981] sontprogressivement acceptées à travers toute l'Europe»), P23 («le glissement des prixa été arrêté à la fin du mois [d'avril 1982], en raison de l'annonce d'uneaugmentation générale des prix européens à un niveau de 1,35 DM pour le1er mai») ou P33 («l'augmentation de prix introduite au 1er septembre [1982] pourle PVC homopolymère, portant le prix à un minimum de 1,50 DM/kg, a étécouronnée de succès sur le plan de la tendance générale»).

747.
    Il ressort ainsi des constatations objectives effectuées par les producteurseux-mêmes à l'époque des faits que les initiatives de prix ont produit un effet surle niveau des prix du marché.

748.
    D'ailleurs, ainsi que la Commission l'a souligné (point 38 de la Décision), lespratiques reprochées ont été décidées pendant plus de trois ans. Il est dès lors peuprobable que les producteurs aient, à l'époque, considéré qu'elles étaienttotalement dépourvues d'efficacité et d'utilité.

749.
    Il s'ensuit que la Commission a correctement apprécié les effets de l'infractionreprochée. Dès lors, et compte tenu en particulier des constatations objectives desproducteurs eux-mêmes à l'époque des faits, la Commission n'était pas tenue deprocéder à une analyse économique approfondie des effets de l'entente sur lemarché. Dans ces conditions, il n'y a pas lieu de faire droit à la demande deWacker et Hoechst, tendant à ce que soit ordonnée l'élaboration d'une telleanalyse.

750.
    Dès lors, le présent moyen doit être rejeté.

d) Sur la qualification d'affectation du commerce entre États membres

Arguments des parties

751.
    LVM et DSM soutiennent que la Commission n'a pas démontré que les pratiquesqu'elle reproche aient affecté le commerce entre États membres. Ainsi, ce n'est pasle fait que l'accord était «susceptible» de produire un effet sur le commerce quiest déterminant pour l'affectation du commerce entre États membres, mais soneffet économique; or, cet effet, ou la possibilité de cet effet, doivent être démontrés(arrêts de la Cour LTM, précité, Rec. p. 360, et du 11 juillet 1985, Remiae.a./Commission, 42/84, Rec. p. 2545, point 22).

752.
    Selon ICI, dans l'examen du caractère sensible de l'affectation, la Commission seserait contentée d'affirmations non étayées. Elle aurait ainsi omis de tenir comptedes éléments de preuve de nature économique qu'avait avancés la requérante danssa réponse à la communication des griefs. En réalité, quoi qu'il ait pu se passer aucours des réunions de producteurs, cela n'aurait eu aucune incidence sur leséchanges entre États membres.

Appréciation du Tribunal

753.
    L'article 85, paragraphe 1, du traité requiert que les accords et pratiques concertéessoient susceptibles d'affecter le commerce entre États membres. Dès lors, laCommission n'a pas l'obligation de démontrer l'existence réelle d'une telleaffectation (arrêt de la Cour du 17 juillet 1997, Ferriere Nord/Commission,C-219/95 P, Rec. p. I-4411, points 19 et 20).

754.
    En outre, il résulte de la jurisprudence qu'un accord, une pratique concertée ouune décision d'association d'entreprises échappent à la prohibition de l'article 85lorsqu'ils n'affectent le marché que d'une manière insignifiante, compte tenu de lafaible position qu'occupent les intéressés sur le marché des produits en cause (arrêtde la Cour du 9 juillet 1969, Völk, 5/69, Rec. p. 295, point 7).

755.
    En l'espèce, ainsi que la Commission l'a relevé au point 39 de sa Décision, lescomportements reprochés s'étendaient à l'ensemble des États membres etcouvraient pratiquement l'ensemble des ventes de ce produit industriel dans laCommunauté. En outre, la plupart des producteurs vendaient leurs produits dansplus d'un État membre. Il n'est enfin pas contesté que les échangesintracommunautaires étaient considérables, compte tenu des déséquilibres existantentre l'offre et la demande sur les divers marchés nationaux.

756.
    Dès lors, la Commission a correctement conclu au point 39 de la Décision que lescomportements reprochés étaient susceptibles d'affecter de manière sensible leséchanges entre États membres.

e) Sur les autres moyens de droit

Sur le moyen tiré d'un détournement de pouvoir

757.
    BASF estime que la Commission a commis un détournement de pouvoir enrefusant de procéder aux vérifications nécessaires pour étayer ses affirmations, tanten ce qui concerne les effets de l'entente sur le marché, le contexte économique,la durée de l'infraction et l'existence d'entraves au libre jeu du marché. Elle auraitainsi abusé du pouvoir discrétionnaire qui lui est reconnu à l'article 15,paragraphe 2, du règlement n° 17.

758.
    La Commission souligne que ce moyen n'est que la répétition de moyensprécédents et doit donc être rejeté pour les mêmes raisons. En toute hypothèse,elle conteste avoir usé de ses pouvoirs à des fins autres que celles excipées.

759.
    En l'absence d'indices objectifs, pertinents et concordants, d'où il apparaîtrait quela Décision a été prise dans le but exclusif, ou tout au moins déterminant,d'atteindre des fins autres que celles excipées, ce moyen doit être rejeté.

Sur le moyen tiré d'un défaut de concordance entre le dispositif et les motifs de laDécision

760.
    Shell fait valoir un défaut de concordance entre l'article 1er du dispositif de laDécision et les motifs de celle-ci. Elle observe, dans les motifs de la Décision, que,en premier lieu, elle n'est mise en cause qu'au titre d'une pratique concertée, etnon d'un accord entre entreprises (Décision, point 34), en second lieu, touteparticipation de sa part dans l'élaboration des documents de planification est exclue(point 48), en troisième lieu, sa prétendue participation s'étendrait de janvier 1982à octobre 1983 (points 48 et 54) et, en dernier lieu, sa participation était limitée(points 48 et 53). Or, sur chacun de ces points, le dispositif serait différent.

761.
    Il convient de rappeler que le dispositif d'une décision doit se comprendre au vudes motifs qui le sous-tendent.

762.
    En l'espèce, l'article 1er du dispositif, en ce qu'il se réfère non seulement à unaccord, mais également à une pratique concertée exclut toute contradiction avecle point 34 de la Décision. En outre, dès lors que cet article se réfère à desinfractions «pour les périodes indiquées dans la présente décision», la requérantene peut utilement se prévaloir d'une contradiction avec les motifs de la Décision,tant en ce qui concerne son défaut de participation au projet de création d'ententeen 1980 que la durée de sa participation. Enfin, rien dans le dispositif ne permetde conclure que la Commission n'ait pas tenu compte du rôle limité de larequérante, tel qu'il est exposé aux points 48 et 53 des motifs de la Décision.

763.
    Dès lors, le moyen doit être rejeté.

C — Sur la participation des requérantes à l'infraction constatée

764.
    Les requérantes reprochent à la Commission, en premier lieu, d'avoir retenu leprincipe d'une responsabilité collective (1). Elle soutiennent, en second lieu, queleur participation à l'infraction n'est en toute hypothèse pas établie (2).

1. Sur la prétendue imputation d'une responsabilité collective

Arguments des parties

765.
    Elf Atochem, BASF, la SAV, ICI et Enichem soulignent que la responsabilité d'uneentreprise ne peut être que personnelle, en vertu d'un principe universellementreconnu.

766.
    En l'espèce, la Commission aurait méconnu ce principe. En effet, elle affirme, aupoint 25 de la Décision, qu'il n'est pas nécessaire de prouver que chaqueparticipant a pris part à chaque manifestation de l'entente, mais qu'il suffitd'apprécier leur participation à l'entente «considérée globalement».

767.
    La Commission observe que, ainsi qu'il ressortirait notamment des points 25,deuxième alinéa, 26, premier alinéa, et 31, in fine, de la Décision, elle étaitparfaitement consciente de la nécessité de prouver l'adhésion individuelle desrequérantes à l'entente reprochée.

Appréciation du Tribunal

768.
    Au point 25, deuxième alinéa, de la Décision, la Commission a indiqué ce qui suit:«En ce qui concerne l'administration pratique de la preuve, la Commissionconsidère qu'il est nécessaire non seulement de démontrer l'existence d'une ententepar des éléments convaincants, mais également de prouver que chaque participantprésumé a adhéré au système commun. Cela ne veut pas dire pour autant qu'ilfaille nécessairement des documents attestant que chaque participant a pris partà chaque manifestation de l'infraction. [...] En l'espèce, il n'a pas été possible, vul'absence de documents sur les prix, de prouver la participation effective de chaqueproducteur aux initiatives de prix concertées. C'est pourquoi la Commission aexaminé, pour chaque participant présumé, s'il existait des preuves suffisantes etcertaines de son adhésion à l'entente considérée globalement, plutôt que despreuves de sa participation à chaque manifestation de celle-ci.»

769.
    Au point 31, in fine, de la Décision, il est indiqué: «L'essence même de la présenteaffaire réside dans une association de producteurs pendant un laps de tempsconsidérable afin d'atteindre un objectif illicite commun, où chaque participant doitnon seulement assumer la responsabilité découlant de son rôle direct, mais aussipartager la responsabilité du fonctionnement de l'entente dans son ensemble.»

770.
    Il ressort ainsi, notamment, de la première phrase du point 25, deuxième alinéa,de la Décision, que la Commission n'a pas ignoré la nécessité de prouver laparticipation de chaque entreprise à l'entente reprochée.

771.
    A cette fin, elle s'est référée à la notion d'entente considérée «globalement» ou«dans son ensemble». On ne saurait toutefois en déduire que la Commission auraitretenu le principe d'une responsabilité collective, en ce sens qu'elle aurait imputéà certaines entreprises la participation à des faits auxquels elles seraient étrangèresau seul motif que la participation d'autres entreprises à ces faits est, en revanche,établie.

772.
    En effet, la notion d'entente considérée «globalement» ou «dans son ensemble»est indissociable de la nature de l'infraction en cause. Celle-ci consiste, ainsi qu'ilressort de l'examen des faits, en l'organisation régulière, pendant une durée deplusieurs années, de réunions entre producteurs concurrents dont l'objet étaitl'établissement de pratiques illicites, destinées à organiser artificiellement lefonctionnement du marché du PVC.

773.
    Or, une entreprise peut être tenue pour responsable d'une entente globale mêmes'il est établi qu'elle n'a participé directement qu'à un ou plusieurs des élémentsconstitutifs de celle-ci, dès lors, d'une part, qu'elle savait, ou devait nécessairementsavoir, que la collusion à laquelle elle participait, en particulier au travers deréunions régulières organisées pendant plusieurs années, s'inscrivait dans undispositif d'ensemble destiné à fausser le jeu normal de la concurrence, et, d'autrepart, que ce dispositif recouvrait l'ensemble des éléments constitutifs de l'entente.

774.
    En l'espèce, si, en l'absence de documents, la Commission n'a pas été en mesurede prouver la participation de chaque entreprise à la mise en oeuvre des initiativesde prix, mise en oeuvre qui constitue l'une des manifestations de l'entente, elle anéanmoins considéré être en mesure de démontrer que chaque entreprise avait entout cas participé aux réunions entre producteurs ayant pour objet, notamment, lafixation de prix en commun.

775.
    Ainsi qu'il ressort du point 20, quatrième et cinquième alinéas: «La Commissionn'ayant pas obtenu de documents sur les prix de tous les producteurs, elle n'est pasen mesure de démontrer qu'ils ont tous instauré simultanément des barèmesidentiques, voire appliqué les prix 'cibles‘ 'européens‘ en marks allemands. Cequ'elle peut en revanche démontrer, c'est que l'un des objets principaux desréunions auxquelles ils ont tous participé était de fixer des objectifs de prix et decoordonner des initiatives en matière de prix.»

776.
    Cette même idée est exprimée au point 26, cinquième alinéa: «Le degré deresponsabilité de chaque participant dépend non pas des documents qui, par hasardou non, sont disponibles dans son entreprise, mais de sa participation à l'ententeconsidérée globalement. Ainsi, le fait que la Commission n'ait pas obtenu depreuves concernant le comportement de certaines entreprises en matière de prixn'atténue en rien leur implication, étant donné qu'il est prouvé qu'elles ontpleinement participé à une entente dans le cadre de laquelle des initiatives enmatière de prix étaient planifiées.»

777.
    Il apparaît ainsi que, dans la Décision, la Commission soutient avoir été en mesurede démontrer que chaque entreprise avait participé, d'une part, à certainesmanifestations de l'entente et, d'autre part, au vu d'un faisceau d'indicesconcordants, aux réunions entre producteurs au cours desquelles ceux-cis'entendaient, notamment, sur les prix à pratiquer dans les jours qui suivaient. Ace titre, la Commission s'est valablement référée au fait que l'entreprise était citéedans les documents de planification, dont les projets ont été mis en oeuvre etconstatés sur le marché du PVC dans les semaines qui ont suivi leur élaboration,que sa participation aux autres manifestations de l'entente était prouvée ou encoreque l'entreprise avait été citée par BASF et ICI comme participant aux réunionsentre producteurs.

778.
    Il ressort de l'ensemble de ces éléments que la Commission n'a pas imputé àchaque entreprise une responsabilité collective, ou encore une responsabilité duchef d'une manifestation de l'entente à laquelle elle serait restée étrangère, maisbien la responsabilité des faits auxquels chacune avait participé.

2. Sur la participation individuelle des requérantes à l'infraction

779.
    Toutes les requérantes dans les présentes affaires, à l'exception d'ICI, contestentqu'ait été établie leur participation à l'infraction reprochée, soit dans le cadre d'unmoyen spécifique, soit dans le cadre d'autres moyens relatifs, par exemple, àl'établissement des faits ou aux règles en matière de charge de la preuve.

780.
    Dans ces conditions, il y a lieu d'examiner successivement la situation de chacunedes requérantes, à l'exception d'ICI. L'examen de cette question est indissociablede celui de la valeur probante des pièces auxquelles se réfère la Commission, etdes conséquences juridiques qu'elle en a tirées, qui ont été précédemmentexaminées.

a) DSM

Arguments des requérantes

781.
    En premier lieu, les requérantes nient avoir participé à des réunions entreproducteurs au cours desquelles les prix et les parts de marché auraient étédiscutés. Les éléments de preuve de la Commission à cet égard seraient en effetmanifestement insuffisants. Ainsi, tout d'abord, la mention du nom de DSM sur laliste de contrôle, dont la valeur probante a déjà été contestée, ne démontrerait nique la réunion qui y est prévue a eu lieu, ni que DSM y a participé. Ensuite, lesdéclarations d'ICI, émises d'ailleurs sous toutes réserves, concerneraient des faitsintervenus en 1983, année au cours de laquelle DSM avait quitté le marché duPVC. Enfin, DSM n'aurait pas été identifiée par BASF comme ayant participé auxréunions.

782.
    En second lieu, sur le prétendu système de quotas, les requérantes considèrentcomme dépourvu de valeur probatoire le document DSM, seul utilisé à leurencontre par la Commission, dans lequel apparaît le terme «compensation». Mêmeà supposer que le terme ait le sens que la Commission lui prête, cela ne signifieraitpas que les requérantes ont participé à un tel mécanisme.

783.
    En troisième lieu, sur la surveillance des ventes, les requérantes contestent que laCommission ait établi l'existence d'un tel mécanisme.

784.
    En dernier lieu, sur les prix cibles et les initiatives de prix, les requérantesrappellent que l'existence même d'initiatives de prix concertées n'est pas établie.

Appréciation du Tribunal

785.
    DSM a été identifiée par ICI comme participant aux réunions entre producteurs(voir ci-dessus point 675) dont la Commission a démontré le caractère illicite (voirci-dessus points 679 à 686). Contrairement à ce qu'indiquent les requérantes, lesdéclarations d'ICI ne concernent pas uniquement la période postérieure à janvier1983, mais bien les réunions informelles qui ont eu lieu au rythme approximatifd'une par mois «à compter d'août 1980», ce que BASF a confirmé (voir ci-dessuspoints 675 et 677).

786.
    En outre, DSM apparaissait explicitement dans les documents de planificationcomme membre pressenti du «nouveau cadre de réunions» envisagé par ICI.Compte tenu de la corrélation étroite existant entre les pratiques envisagées dansces documents et celles constatées sur le marché du PVC dans les semaines qui ontsuivi (voir ci-dessus points 662 et suivants), la mention du nom de DSM peut êtreconsidérée comme un indice de sa participation à l'infraction reprochée.

787.
    Plusieurs documents utilisés par la Commission pour établir l'existence d'initiativesde prix communes (voir ci-dessus points 637 à 661) sont issus de DSM. Plusieursde ces documents, et en particulier les annexes P5, P13, P28 et P41, font en outreétat de ce que DSM a «fermement soutenu» ces initiatives de prix.

788.
    Le document Alcudia, confirmant, avec d'autres pièces, l'existence d'un mécanismede contrôle des volumes de ventes entre producteurs de PVC, désigneindirectement DSM, dès lors que l'on peut y lire que, «dans le cas du PVC, un seulproducteur ne participe pas [au système de compensation]» (voir ci-dessuspoint 589); or, en réponse à une demande de renseignements, ICI a indiqué queShell était le producteur en question. En outre, le document DSM, dont laCommission a conclu, à juste titre, qu'il confirmait l'existence d'un mécanisme decompensation entre les producteurs (voir ci-dessus points 594 à 598), est un rapportmensuel sur l'état du marché établi par les services de DSM.

789.
    En ce qui concerne la surveillance des ventes, les requérantes ne mettent en causeque l'existence d'un tel mécanisme. Or, ce grief a déjà été examiné et rejeté par leTribunal (voir ci-dessus points 618 à 636).

790.
    Au vu de l'ensemble de ces éléments, la Commission a, à juste titre, conclu queDSM avait participé à l'infraction reprochée.

b) Atochem

Arguments de la requérante

791.
    Selon la requérante, la Commission n'a apporté aucun élément de preuve duconsentement ou de la participation d'Elf Atochem à l'entente reprochée.

792.
    S'agissant des initiatives de prix, la requérante souligne qu'aucun document nementionne sa dénomination, ou celle de ses sociétés constituantes. Rien dans ledossier n'établirait qu'Elf Atochem ait adopté un comportement parallèle à celuides autres producteurs de PVC. Bien au contraire, plusieurs documents établiraientde sa part un comportement concurrentiel et non coordonné.

793.
    S'agissant du système allégué de quotas, de compensations et de surveillance dumarché, la requérante fait valoir que les deux documents sur le fondement desquelselle est incriminée (tableau Atochem et tableaux Solvay) sont sans valeur probante.La Commission reconnaîtrait elle-même, au point 11 de la Décision, qu'unediscipline n'a guère existé. Selon la requérante, les variations constantes des partsde marché d'Elf Atochem sont à l'évidence incompatibles avec l'existence d'un telsystème auquel l'entreprise aurait participé.

794.
    La Commission n'aurait apporté la preuve ni de sa présence aux réunions entreproducteurs, ni de sa participation, active ou passive, aux décisions qui auraient puy être prises.

Appréciation du Tribunal

795.
    Atochem a été citée par ICI comme participant aux réunions entre producteurs(voir ci-dessus point 675), dont la Commission a établi le caractère illicite (voirci-dessus points 679 à 686).

796.
    La présence de la requérante à ces réunions a été confirmée par BASF (voirci-dessus point 677).

797.
    En outre, les documents de planification mentionnent, parmi les membrespressentis par ICI pour participer au «nouveau cadre de réunions», la «nouvellesociété française», dont il n'est contesté ni qu'il s'agissait de la société Chloé, nique cette dernière est devenue par la suite Atochem.

798.
    Pour les raisons déjà exposées (voir ci-dessus point 788), le document Alcudiadésigne indirectement Atochem.

799.
    Le tableau Atochem, récapitulant les ventes des différents producteurs encore actifsau premier semestre 1984 et les cibles correspondantes (voir ci-dessus points 602et suivants), a été découvert au siège de cette entreprise. A supposer, comme larequérante le soutient, que ce tableau n'ait pas été élaboré par ses services, ildemeure qu'il comporte l'indication tant d'une cible de vente que des chiffres deventes la concernant.

800.
    Quant à l'argument d'Atochem selon lequel «l'évolution des productions ne traduitpas l'existence des quotas allégués» (requête, p. 12), il est fondé sur un tableau quiconstituait l'annexe 1 à la réponse de la requérante à la communication des griefs.

Or, il suffit de constater que ce tableau est relatif aux années 1986 et 1987, qui nesont pas en cause dans la présente affaire.

801.
    Enfin, parmi les chiffres de ventes qui apparaissent dans les tableaux Solvay et quela Commission a été en mesure de vérifier, l'un concerne Atochem et est exact(voir ci-dessus point 628).

802.
    Par ailleurs, si la Commission n'a pu obtenir aucun barème de prix d'Atochem quilui aurait permis de vérifier que cette entreprise avait mis en oeuvre les initiativesde prix communes, les annexes P1 à P70 indiquent que les producteurs français nesont pas restés extérieurs à cette manifestation de l'entente. Ainsi, au-delà desdocuments, tels que les annexes P1, P6, P15, P19, P22, P26, P29, P32, P45 et P48,dans lesquels il est fait référence à des «initiatives générales» destinées àaugmenter «l'ensemble des prix européens» ou encore à des «initiatives dusecteur», certaines annexes évoquent plus spécifiquement le marché français etpermettent de conclure que les initiatives de prix y étaient annoncées et appliquées.C'est notamment ce qui ressort des annexes P21, P23, P24, P30, P31 et P38.

803.
    S'il est exact que deux documents font référence à l'attitude agressive deproducteurs français en termes de prix, il y a lieu de relever que ceci n'est pas denature à infirmer les conclusions de la Commission. En effet, en premier lieu, celle-ci en a tenu compte dans son examen des faits, notamment au point 22, troisièmealinéa, de la Décision, où il est précisé: «Il est également vrai qu'un certain nombrede producteurs qui ont participé aux réunions se sont vu reprocher leurcomportement 'agressif‘ ou 'pertubateur‘ sur certains marchés par les autresproducteurs qui se considéraient comme d'ardents défenseurs des initiatives de prixet étaient disposés à accepter une perte sur le plan des tonnages pour imposer uneaugmentation de prix.» La Commission s'est également référée à cette circonstancedans son appréciation juridique, notamment au point 31, premier alinéa, de laDécision, où il est précisé: «Sur tel ou tel aspect des arrangements, un producteurou un groupe de producteurs déterminé peut avoir, de temps en temps, émis desréserves ou exprimé son désaccord sur un point spécifique.» Par ailleurs, lecomportement agressif occasionnel de certains producteurs contribuait à l'échec decertaines initiatives, ce qui ressort des points 22, 37 et 38 de la Décision. En secondlieu, la circonstance que la requérante n'aurait occasionnellement pas mis enoeuvre une initiative de prix prévue n'affecte pas la conclusion de la Commission;en effet, en ce qui concerne plus spécialement les entreprises pour lesquelles celle-ci n'avait pu obtenir aucun barème de prix, la Commission s'est limitée à affirmerque ces entreprises avaient de toute façon participé aux réunions entre producteursdont l'objet était, notamment, la fixation d'objectifs de prix (voir ci-dessus points774 et suivants), et non la mise en oeuvre effective de ces initiatives (arrêtAtochem/Commission, précité, point 100).

804.
    Au vu de la conjonction de ces éléments, c'est à bon droit que la Commission aconclu à la participation de la requérante à l'infraction reprochée.

c) BASF

Arguments de la requérante

805.
    La requérante conteste qu'il existe des preuves suffisantes de son adhésion àl'entente considérée globalement. En l'espèce, ces preuves se limiteraient auxdocuments de planification, à la participation à des réunions régulières, au tableauAtochem et aux tableaux Solvay.

806.
    Or, en premier lieu, la valeur probante des documents de planification aurait déjàété contestée. En l'absence de toute preuve qu'elle avait connaissance de cesdocuments et qu'elle y a souscrit, ils ne pourraient prouver la participation de larequérante à l'entente.

807.
    En second lieu, aucune preuve ne permettrait de conclure que la requérante aadhéré à des accords violant le droit de la concurrence qui auraient été adoptéslors des réunions entre producteurs, ce qui ne pourrait, d'ailleurs, se déduire de laseule existence de réunions. En toute hypothèse, la requérante rappelle avoirdéclaré, dans sa réponse du 8 décembre 1987 à une demande de renseignements,qu'elle n'avait participé à aucune réunion après octobre 1983, à supposer qu'il y enait encore eu.

808.
    En troisième lieu, le seul fait que le nom de la requérante est mentionné dans letableau Atochem, à son insu, ne suffirait pas à établir sa participation à uneentente illicite. Ce document ne démontrerait ni que BASF s'est vu attribuer unquota propre, ni qu'elle a adhéré à un système de quotas. Les tableaux Solvay,pour leur part, ne permettraient pas d'établir que la requérante a participé à deséchanges d'informations avec ses concurrents.

Appréciation du Tribunal

809.
    La requérante a reconnu avoir participé aux réunions informelles entreproducteurs, dont la Commission a établi l'illégalité au regard de l'article 85,paragraphe 1, du traité (voir ci-dessus points 679 à 686).

810.
    Cette présence aux réunions a été confirmée par ICI (voir ci-dessus point 675).

811.
    La requérante était identifiée dans les documents de planification, comme membrepressenti du «nouveau cadre de réunions». Si, comme il a déjà été indiqué, cesdocuments constituent, au mieux, un «projet de création d'entente» (voir ci-dessuspoints 670 à 673) et ne peuvent dès lors être regardés comme la preuve de laparticipation de la requérante à l'infraction reprochée, le fait que la requérante ya été citée peut être considéré comme un indice de cette participation.

812.
    Pour les raisons déjà exposées (voir ci-dessus point 788), le document Alcudiadésigne indirectement BASF.

813.
    La dénomination de BASF apparaît dans le tableau Atochem et celui-ci comporte,fût-ce sous une forme agrégée, les données de ventes et le pourcentage des ventescibles des quatre producteurs allemands (voir ci-dessus point 612).

814.
    BASF est également citée dans les tableaux Solvay. Parmi les chiffres de ventesmentionnés que la Commission a été en mesure de vérifier, deux concernent larequérante et sont exacts (voir ci-dessus point 627).

815.
    Par ailleurs, si la Commission n'a pu obtenir aucun barème de prix de BASF quilui aurait permis de vérifier que cette entreprise avait mis en oeuvre les initiativesde prix communes, les annexes P1 à P70 indiquent que les producteurs allemandsne sont pas restés extérieurs à cette manifestation de l'entente. Ainsi, au-delà desdocuments, tels que les annexes P1, P6, P15, P19, P22, P26, P29, P32, P45 et P48,dans lesquels il est fait référence à des «initiatives générales» destinées àaugmenter «l'ensemble des prix européens» ou encore à des «initiatives dusecteur», certaines annexes évoquent plus spécifiquement le marché allemand etpermettent de conclure que les initiatives de prix y étaient annoncées et appliquées.C'est notamment ce qui ressort des annexes P23, P24, P26, P29, P30, P41 et P58.

816.
    Au vu de la conjonction de ces éléments, c'est à bon droit que la Commission aconclu à la participation de la requérante à l'infraction reprochée.

d) Shell

Arguments de la requérante

817.
    Dans la première branche de ce moyen, la requérante reproche à la Commissiond'avoir ignoré la structure particulière du groupe Shell. En effet, bien quedestinataire de la Décision, elle ne serait ni producteur, ni fournisseur de PVC. Ellene serait qu'une société de services dont le rôle de conseil n'emporterait pas lapossibilité d'imposer aux sociétés d'exploitation Shell la mise en oeuvre d'uneentente, tant en matière de prix que de quotas de production. En outre, laCommission n'aurait pas été en droit de supposer que, dans la mesure où larequérante aurait pu conseiller aux sociétés d'exploitation du groupe d'atteindre unprix particulier dans un cas précis, ces sociétés auraient effectivement procédé ence sens.

818.
    Dans la deuxième branche du moyen, la requérante soutient que la preuve de saparticipation aux réunions entre producteurs est fondée, dans une large mesure, surl'aveu de la participation de ses représentants à deux d'entre elles.

819.
    Or, la première réunion, qui s'est tenue à Paris le 2 mars 1983, aurait uniquementtendu à examiner la crise frappant l'industrie pétrochimique européenne et lanécessité de restructurer ce secteur, notamment au vu du premier projet de rapportdu groupe de travail Gatti/Grenier, mis en place à la suite de réunions avec laCommission. En outre, une initiative commune ne pourrait y avoir été décidée,puisque la presse professionnelle avait fait état de l'augmentation de prix deuxsemaines auparavant; ainsi serait-il indiqué dans le numéro de la revue EuropeanChemical News du 21 février 1983: «Il semble que les producteurs envisagent desaugmentations de prix à un niveau de 1,50-1,65 DM/kg mais leur calendrier estincertain». Enfin, en toute hypothèse, le représentant de Shell n'aurait soutenuaucune prétendue initiative, comme le prouve le fait que, moins de quatre semainesaprès la réunion, les sociétés du groupe Shell ont fixé un prix cible de 1,35 DM/kg,nettement inférieur au prix cible prétendu de 1,60 DM/kg ou au prix minimalsectoriel prétendu de 1,50 DM/kg.

820.
    La seconde réunion, qui a eu lieu à Zurich en août 1983, aurait eu pour objetl'examen des conditions de commercialisation du PVC, des prix dominants sur lemarché et de la nécessité pour le secteur de relever les prix. Le représentant deShell n'aurait soutenu aucune de ces thèses. Aucun document interne de larequérante ne serait d'ailleurs révélateur d'un quelconque prix cible pour cettepériode, et tout prix sectoriel visé dans la documentation de la requérante à cetteépoque aurait manifestement pour origine des sources professionnellesindépendantes.

821.
    Dans la troisième branche de ce moyen, la requérante soutient que les seulséléments de preuve concernant le système de quotas sont les documents deplanification de 1980 et le tableau Atochem, se rapportant sans doute à 1984. Or,au vu de la Décision, Shell n'aurait pas participé à l'élaboration du plan de 1980et sa participation alléguée aurait cessé en octobre 1983. Quant au mécanisme decompensation, la Décision (point 26, deuxième alinéa, in fine) reconnaîtraitexplicitement que Shell n'y a pas participé.

822.
    Dans la quatrième branche du moyen, relative aux mécanismes de surveillance desventes sur les marchés domestiques, la requérante observe que la preuve de cesmécanismes est fondée, d'une part, sur les tableaux Solvay, d'autre part, sur desentretiens téléphoniques entre Solvay et Shell, dont celle-ci a reconnu l'existencedans sa réponse à une demande de renseignements.

823.
    Or, les tableaux Solvay viseraient les grands marchés nationaux suivants:l'Allemagne, l'Italie, le Benelux et la France. En l'espèce, seuls ces deux derniersmarchés pourraient être pertinents, puisque Shell n'est un producteur domestiqueni en Allemagne ni en Italie. Toutefois, en ce qui concerne le Benelux, laCommission reconnaîtrait elle-même que les chiffres indiqués ne correspondent pasaux déclarations Fides individuelles. En ce qui concerne la France, contrairementaux affirmations de la Commission, les chiffres attribués à Shell dans les tableaux

Solvay seraient nettement distincts de ceux contenus dans les déclarations de Shellà Fides.

824.
    Par ailleurs, la Commission aurait déformé la réponse de Shell à la demande derenseignements. En effet, d'une part, aucune information précise n'aurait étécommuniquée à Solvay; ces communications n'auraient concerné que les ventes enEurope occidentale et n'auraient donc pu constituer la source des tableaux Solvay,qui comportent une ventilation pays par pays. D'autre part, ces informationsn'auraient été communiquées qu'occasionnellement entre janvier 1982 et octobre1983, alors que les tableaux Solvay comportent les chiffres pour la période 1980 à1984. Ceci confirmerait que ces tableaux n'ont été élaborés qu'à partir desstatistiques officielles publiées et des contacts avec la clientèle.

825.
    Dans la cinquième branche du moyen, relative aux initiatives de prix, la requérantesoutient, tout d'abord, que la Décision fait apparaître des contradictions quant audegré de participation de Shell. En effet, la Décision affirmerait tout à la fois queShell a participé à ces initiatives de prix (point 20), qu'elle en était informée(point 26) et qu'elle en avait simplement connaissance (point 48).

826.
    En outre, hormis deux cas isolés, la requérante n'aurait pas participé aux réunionsentre producteurs.

827.
    Les sociétés du groupe Shell auraient établi leurs prix de façon indépendante.Ainsi, sur les quatre initiatives pour lesquelles la Commission dispose de documentsissus de Shell, la requérante fait observer que les initiatives sectorielles avaienttoujours été signalées dans la presse spécialisée au préalable. En outre, les prixcibles fixés par Shell ne correspondraient pas aux prétendus prix cibles du secteur.Le seul cas de concordance quantitative remonterait au 1er septembre 1982;toutefois, dans ce cas, Shell n'aurait fixé son prix cible que le 9 septembre 1982 etce prix cible n'aurait dû intervenir que le 1er octobre 1982; en outre, dès le mois denovembre 1982, Shell aurait ramené son prix cible à un niveau inférieur(1,40 DM/kg au lieu de 1,50 DM/kg).

828.
    Dans la sixième branche de ce moyen, la requérante fait valoir qu'une pratiqueconcertée était incompatible avec la stratégie de Shell, qui avait mis en service en1981 une nouvelle usine de PVC, dont la capacité immédiate de 100 kt par andevait être exploitée à plein régime. Les deux usines de PVC de Shell auraient euune charge de travail supérieure à la moyenne sectorielle et les parts de marchéde Shell se seraient, de ce fait, largement accrues. Dans ces conditions, accepter unquota fondé sur la position obtenue en 1979 n'aurait eu aucun sens. En réalité,aucune année ne pourrait servir de référence acceptable, dès lors que Shell mettaiten service une nouvelle usine.

Appréciation du Tribunal

829.
    Dans la première branche du moyen, la requérante soutient que, compte tenu desspécificités du groupe Royal Dutch-Shell, il lui est impossible de dicter uncomportement, fût-il anticoncurrentiel, aux sociétés d'exploitation du groupe.

830.
    Au point 46 de la Décision, examinant les particularités du groupe Royal Dutch-Shell, la Commission n'a pas ignoré que «les différentes sociétés 'd'exploitation‘du secteur de la chimie disposent d'une grande autonomie de gestion» et que larequérante est «une société de services».

831.
    Toutefois, elle a souligné, ce qui n'est pas contesté, que la requérante assume laresponsabilité «de la coordination et de la planification stratégique des activités dugroupe dans le secteur des thermoplastiques». Ainsi, elle détient une mission deconseil à l'égard des sociétés d'exploitation du groupe.

832.
    En outre, au même point 46 de la Décision, la Commission a souligné que larequérante «était en contact avec l'entente» et «assistait aux réunions en 1983».Ainsi, plusieurs annexes à la communication des griefs relatives aux initiatives deprix sont issues de la requérante (annexes P35, P36, P49, P50, P51, P53, P54, P55et P59). Or, ces annexes, notamment, constituent la preuve de l'existenced'initiatives concertées entre producteurs (voir ci-dessus points 637 et suivants) etmontrent que la requérante était, à tout le moins, informée de manière précise desprix cibles fixés et des dates prévues à cette fin. En outre, le représentant de Shellaux deux réunions auxquelles la requérante reconnaît avoir participé en 1983 étaitM. Lane, alors vice-président de la requérante.

833.
    Enfin, la Commission a considéré que «la définition donnée par la Cour de la'pratique concertée‘ est tout particulièrement de nature à couvrir le cas de Shellqui a collaboré avec l'entente sans en être membre à part entière et qui a puadapter son propre comportement sur le marché à la lumière de ses contacts avecl'entente» (Décision, point 34). Dans ces conditions, même si la requérante n'étaitpas en mesure d'imposer des prix aux filiales de ventes, il reste que, en étant encontact avec l'entente et en renvoyant vers les filiales les informations ainsiobtenues, elle était l'élément moteur de la participation du groupe Shell à lapratique concertée. A ce titre, il y a lieu de relever que les annexes précitées à lacommunication des griefs issues de la requérante, indiquant tant les prix cibles queleur date de mise en oeuvre, étaient adressées, ainsi qu'il ressort de leur libellé, àl'ensemble des filiales du groupe en Europe.

834.
    Dans ces conditions, la prétendue structure particulière du groupe Royal Dutch-Shell ne peut être en soi un obstacle à la constatation que la requérante était enmesure de participer à une pratique contraire aux dispositions de l'article 85,paragraphe 1, du traité et, a fortiori, d'être destinataire de la Décision.

835.
    Quant à la preuve de la participation de la requérante à l'entente, il convient derappeler que la Commission a, notamment aux points 48 et 53 de la Décision,reconnu le rôle moindre de la requérante dans l'infraction reprochée. Dès lors, ily a lieu d'examiner si la Commission a apporté suffisamment d'éléments pourétablir que la requérante a «agi en marge de l'entente» (point 53 de la Décision).

836.
    A ce titre, tant ICI que BASF ont identifié la requérante comme participant auxréunions informelles entre producteurs (voir ci-dessus points 675 et 677). Shelladmet avoir participé à deux réunions, pour lesquelles la Commission avait recueillila preuve de sa participation sous la forme d'indications portées dans un agenda(voir ci-dessus point 676). Toutefois, elle nie que ces réunions aient eu un objetanticoncurrentiel ou qu'elle ait pris part à une quelconque collusion à cetteoccasion.

837.
    Sur la première réunion, à Paris, le 2 mars 1983, le Tribunal a jugé que laCommission avait établi l'objet anticoncurrentiel qu'elle poursuivait (voir ci-dessuspoints 650 et 652).

838.
    L'article de presse dont se prévaut la requérante, tiré de la revue EuropeanChemical News du 21 février 1983, n'affecte pas cette conclusion. En effet, lestermes mêmes de cet article cités par la requérante sont ambigus, en ce qu'ils nepermettent pas de conclure à des initiatives individuelles. En outre, l'article étaitimprécis sur la date des initiatives; en revanche, les documents postérieurs dequelques jours à la réunion du 2 mars 1983 et trouvés par la Commission dans leslocaux des entreprises, notamment ceux de Shell, font apparaître la date exacte desinitiatives.

839.
    Shell soutient enfin que, en toute hypothèse, elle n'a pas soutenu d'initiative deprix. A cette fin, elle fait valoir que, le 31 mars 1983, elle a fixé son prix cible à1,35 DM/kg, soit à un niveau inférieur à celui prétendument fixé de concert par lesproducteurs. Il demeure que Shell était informée du niveau de prix décidé par lesproducteurs le 2 mars 1983 et de la date de mise en oeuvre de cette initiative, ainsiqu'il ressort de l'annexe P49, datée du 13 mars 1983. De ce fait, par saparticipation à la réunion du 2 mars 1983, la requérante, loin de déterminer sapolitique de prix de manière autonome, dans l'incertitude du comportement de sesconcurrents, a nécessairement dû prendre en compte, directement ouindirectement, les informations obtenues de ceux-ci au cours de cette réunion.

840.
    Quant à la seconde réunion, qui s'est tenue à Zurich, en août 1983, la requérantea reconnu, en réponse à une demande de renseignements de la Commission, que,au cours de cette réunion, «certains producteurs ont exprimé leur opinion sur uneinitiative de prix». En outre, plusieurs annexes à la communication des griefs, tellesque les annexes P53, P54, P55, P56, P57, P58 et P60, démontrent qu'une initiativea effectivement été prévue et mise en oeuvre pour le mois de septembre 1983.Enfin, les annexes P53, P54 et P55, émanant de la requérante, permettent de

conclure que celle-ci a pris part à cette initiative, contrairement à ce qu'elleaffirme. Elle en avait de surcroît connaissance avant la diffusion dans le public.Ainsi, la presse professionnelle dont la requérante s'est prévalue dans sa réponseà la communication des griefs, n'en a fait état qu'à la fin du mois de septembre.

841.
    Le document Alcudia, relatif au mécanisme de compensation, est sans valeurprobante à l'égard de la requérante, dès lors que, au vu des réponses d'ICI à unedemande de renseignements, Shell était le seul producteur à ne pas y participer(voir ci-dessus point 788). Ainsi qu'il ressort notamment du point 48 de la Décision,cette constatation contribue à la conclusion de la Commission selon laquelle larequérante a agi en marge de l'entente.

842.
    Le tableau Atochem concerne le premier trimestre de 1984 et peut être daté demai 1984 (voir ci-dessus point 606), alors que, aux termes du point 54, troisièmealinéa, de la Décision, Shell avait pris ses distances avec l'entente depuisoctobre 1983. De fait, le tableau Atochem ne comporte les chiffres de ventes deShell que sous une forme arrondie. Toutefois, dans la mesure où ce tableau faitapparaître un pourcentage cible pour la requérante, cible qui ne pouvait avoir étédécidée qu'avant le premier trimestre de 1984, ce document indique que Shell n'estpas restée étrangère au mécanisme de quotas à la fin de 1983.

843.
    En ce qui concerne le mécanisme de surveillance des ventes (voir ci-dessus points618 à 636), seuls deux des marchés géographiques visés par les tableaux Solvay sontpertinents à l'égard de Shell, à savoir le Benelux et la France.

844.
    La Commission, en réponse à une question du Tribunal, a confirmé que le griefrelatif à la surveillance des ventes ne portait pas sur le marché du Benelux, ainsiqu'il résultait déjà de la communication des griefs.

845.
    En revanche, il y a lieu de rappeler la précision des chiffres attribués à Shell, pourle marché français, tant pour les ventes de 1982 que pour celles de 1983 (voir ci-dessus point 628). Cette précision confirme que Shell a, au moins sur le marchéfrançais, participé à l'échange d'informations. Dans sa réponse à une demande derenseignements du 3 décembre 1987, la requérante avait déclaré que, «à plusieursreprises, au cours de la période allant de janvier 1982 à octobre 1983, Solvaytéléphonait pour obtenir confirmation de ses estimations des tonnages vendus parles sociétés du groupe Shell». La requérante rappelle avoir également déclaréqu'«aucune information précise n'a été donnée»; toutefois, la précision des chiffresde ventes sur le marché français contredit cette affirmation.

846.
    En ce qui concerne la prétendue contradiction dont la Décision serait entachée surle degré de participation de Shell aux initiatives de prix, il convient de relever quele point 20 de la Décision ne concerne que la démonstration du caractère collectifdes initiatives de prix. Au point 26 de la Décision, il est indiqué que la requéranteétait informée de ces initiatives, et, au point 48, qu'elle en était informée et qu'elle

les soutenait. A cet égard, il suffit de relever que, si le point 48 complète lepoint 26, il ne comporte pas de contradiction avec celui-ci.

847.
    Ainsi qu'il a déjà été dit, les documents produits par la Commission établissent quela requérante a participé aux initiatives de prix décidées lors des réunions entreproducteurs des 2 mars 1983 et 11 août 1983 (voir ci-dessus points 836 à 840). Demême, l'annexe P59, qui est un document de la requérante daté du 28 octobre 1983montre que celle-ci était parfaitement informée de l'initiative décidée pour le1er novembre 1983, destinée à porter les prix du PVC à un niveau de 1,90 DM/kg.Quant à l'initiative prévue pour septembre 1982, il est vrai que, dès le mois dejuillet 1982, la revue European Chemical News avait annoncé tant l'initiative deprix que son montant et sa date. Toutefois, le libellé même de cet article ne peutsoutenir la conclusion d'initiatives individuelles. Ainsi indique-t-il notamment: «Lesproducteurs [de PVC] discutent d'une augmentation des prix en septembre etoctobre (la colonne 'prix fabricant‘ dans le tableau ci-après reflète ces prix ciblesprévus).» De fait, ainsi qu'il a déjà été jugé (voir ci-dessus point 649), lesdocuments produits par la Commission permettent de conclure que l'initiative encause était le résultat d'une concertation entre producteurs du secteur. Lacirconstance que Shell n'a adopté le prix cible convenu qu'au début du mois deseptembre pour une mise en oeuvre au mois d'octobre 1982 n'appparaît pas, dansces conditions, déterminante. Au demeurant, les annexes P34 et P39, issues d'ICIet de DSM respectivement, montrent que «l'initiative de prix s'est poursuivie enoctobre».

848.
    Au vu de l'ensemble de ces éléments, il y a lieu de conclure que, contrairement àce qu'elle prétend, la requérante n'est pas restée étrangère aux mécanismescollusoires décidés par les producteurs de PVC. La Commission a exactement établila participation de la requérante à l'infraction reprochée.

849.
    Dans ces conditions, l'argument tiré par la requérante de la stratégie commercialequi était la sienne au début de la décennie 1980-1990 ne saurait prospérer. De fait,par sa participation à l'infraction reprochée, la requérante a été en mesured'adapter son comportement commercial en fonction de sa connaissance del'attitude des autres producteurs.

e) LVM

Arguments de la requérante

850.
    En premier lieu, la requérante nie avoir participé à des réunions entre producteursau cours desquelles les prix et les parts de marché auraient été discutés. Leséléments de preuve de la Commission seraient en effet manifestement insuffisants.Ainsi, tout d'abord, les documents de planification seraient antérieurs de près de30 mois à la date de constitution de LVM; la mention du nom de DSM et de laSAV, les sociétés mères de la requérante, ne pourrait avoir le moindre caractère

probant à l'égard de celle-ci. Ensuite, les déclarations d'ICI et de BASF, identifiantLVM comme participant aux réunions entre producteurs, auraient été émises soustoutes réserves. Enfin, il serait inexact d'affirmer que la requérante a refusé derépondre, dans sa lettre du 28 janvier 1988, à la demande d'informations du 23décembre 1987, fondée sur l'article 11 du règlement n° 17; en toute hypothèse, celane prouverait pas sa participation aux réunions.

851.
    En second lieu, sur le prétendu système de quotas, la requérante soutient que leseul document utilisé à son encontre par la Commission, à savoir le tableauAtochem, n'est pas probant. Il comporterait en effet des chiffres de ventessensiblement différents de ceux des ventes réelles.

852.
    En troisième lieu, sur la surveillance des ventes, la requérante estime que lestableaux Solvay n'auraient de valeur probante que s'ils étaient exacts, ce qui neserait pas le cas.

853.
    En dernier lieu, sur les prix cibles et les initiatives de prix, la requérante rappelleque l'existence même d'initiatives de prix concertées n'est pas établie. En réalité,elle n'aurait fait que s'adapter intelligemment aux conditions du marché (voirannexes P13, P21 et P29 à la communication des griefs).

Appréciation du Tribunal

854.
    Il y a lieu de relever que LVM n'a été créée qu'au début de 1983. Dès lors, lacirconstance que des documents antérieurs, produits par la Commission au soutiende ses conclusions, tels que les documents de planification, ne mentionnent pas lenom de la requérante est sans pertinence pour l'appréciation de la participation decette entreprise à l'infraction. De son côté, la requérante ne peut utilement seprévaloir, à l'appui de ses prétentions, des annexes P13, P21 et P29 à lacommunication des griefs, qui portent sur des faits antérieurs à sa création etconcernent DSM.

855.
    LVM a été citée par ICI comme participant aux réunions informelles entreproducteurs (voir ci-dessus point 675) dont la Commission a démontré qu'ellespoursuivaient un objet contraire aux dispositions de l'article 85, paragraphe 1, dutraité (voir ci-dessus points 679 à 686).

856.
    La présence de la requérante à ces réunions a été confirmée par BASF (voir ci-dessus point 677).

857.
    Certains documents utilisés par la Commission pour établir, à juste titre, l'existenced'initiatives de prix communes, tels que les annexes P57, P58 et P64, proviennentde cette entreprise.

858.
    Le tableau Atochem comporte le nom de la requérante et l'indication d'unpourcentage de ventes cibles qui lui est attribué; en outre, les chiffres de ventes decette société qui y sont indiqués sont proches des chiffres de ventes réels (voirci-dessus point 608).

859.
    Les tableaux Solvay comportent une référence explicite à LVM. Parmi les chiffresmentionnés que la Commission a été en mesure de vérifier, deux concernent cetteentreprise et correspondent, sous une forme arrondie en kilotonnes, à ses chiffresde ventes réelles (voir ci-dessus points 625 et 628).

860.
    Au vu de la conjonction de ces éléments, c'est à bon droit que la Commission aconclu à la participation de la requérante à l'infraction reprochée.

f) Wacker

Arguments de la requérante

861.
    Selon la requérante, il ne ressort pas des documents de planification qu'elle auraitparticipé à des discussions, négociations ou réunions telles que celles qui lui sontreprochées. Les informations fournies par ICI et BASF, qui l'ont identifiée commeayant participé à des réunions entre producteurs, ne seraient ni précises, ni fiables.

862.
    La requérante nie ensuite avoir participé à un système de quotas et à unmécanisme de compensation, d'une part, et à une entente sur les prix, d'autre part.Aucun document ne viendrait conforter les allégations de la Commission à ce titre.

Appréciation du Tribunal

863.
    Wacker a été citée par ICI comme participant aux réunions informelles entreproducteurs (voir ci-dessus point 675), dont la Commission a établi qu'ellespoursuivaient un objet contraire aux dispositions de l'article 85, paragraphe 1, dutraité (voir ci-dessus points 679 à 686).

864.
    La présence de la requérante à ces réunions informelles a été confirmée par BASF(voir ci-dessus point 677).

865.
    Le nom de Wacker apparaissait dans les documents de planification commemembre pressenti du «nouveau cadre de réunions», sous l'initiale «W»; à l'époquedes faits, seule Wacker avait une dénomination sociale commençant par cetteinitiale.

866.
    Plusieurs documents utilisés par la Commission pour établir l'existence d'initiativesde prix communes (voir ci-dessus points 637 à 661), tels que les annexes P2, P3, P8,P15, P25, P31, P32, P33, P47, P62 et P65, émanent de cette entreprise. Ils font

largement référence à des initiatives de prix, à des actions d'augmentation de prixdécidées et à des efforts intensifs du secteur pour consolider les prix.

867.
    Pour les mêmes raisons que celles déjà exposées (voir ci-dessus point 788), ledocument Alcudia désigne indirectement Wacker.

868.
    La requérante est citée dans le tableau Atochem et celui-ci comporte, fût-ce sousune forme agrégée, les données de ventes et le pourcentage de ventes cibles desquatre producteurs allemands (voir ci-dessus point 612).

869.
    Les tableaux Solvay comportent l'indication des chiffres de ventes de la requérante,chiffres qui n'ont pas été contestés.

870.
    Au vu de la conjonction de ces éléments, c'est à bon droit que la Commission aconclu à la participation de la requérante à l'infraction reprochée.

g) Hoechst

Arguments de la requérante

871.
    Selon la requérante, il ne ressort pas des documents de planification qu'elle auraitparticipé à des discussions, négociations ou réunions telles que celles qui lui sontreprochées. Les informations fournies par ICI et BASF, qui l'ont identifiée commeayant participé à des réunions entre producteurs, ne seraient ni précises, ni fiables.

872.
    La requérante nie ensuite avoir participé à un système de quotas et à unmécanisme de compensation, d'une part, et à une entente sur les prix, d'autre part.Aucun document ne viendrait conforter les allégations de la Commission à ce titre.

Appréciation du Tribunal

873.
    Hoechst a été citée par ICI comme participant aux réunions informelles entreproducteurs (voir ci-dessus point 675), dont la Commission a établi qu'ellespoursuivaient un objet contraire aux dispositions de l'article 85, paragraphe 1, dutraité (voir ci-dessus points 679 à 686).

874.
    La présence de la requérante à ces réunions informelles a été confirmée par BASF(voir ci-dessus point 677).

875.
    Pour les raisons déjà exposées (voir ci-dessus point 788), le document Alcudiadésigne indirectement Hoechst.

876.
    La requérante est citée dans le tableau Atochem et celui-ci comporte, fût-ce sousune forme agrégée, les données de ventes et le pourcentage de ventes cibles desquatre producteurs allemands (voir ci-dessus point 612).

877.
    Les tableaux Solvay comportent l'indication des chiffres de ventes de la requérante,chiffres qui n'ont pas été contestés.

878.
    Par ailleurs, si la Commission n'a pu obtenir aucun barème de prix de Hoechst quilui aurait permis de vérifier que cette entreprise avait mis en oeuvre les initiativesde prix communes, les annexes P1 à P70 indiquent que les producteurs allemandsne sont pas restés extérieurs à cette manifestation de l'entente. Ainsi, au-delà desdocuments, tels que les annexes P1, P6, P15, P19, P22, P26, P29, P32, P45 et P48,dans lesquels il est fait référence à des «initiatives générales» destinées àaugmenter «l'ensemble des prix européens» ou encore à des «initiatives dusecteur», certaines annexes évoquent plus spécifiquement le marché allemand etpermettent de conclure que les initiatives de prix y étaient annoncées et appliquées.C'est notamment ce qui ressort des annexes P23, P24, P26, P29, P30, P41 et P58.

879.
    Au vu de la conjonction de ces éléments, c'est à bon droit que la Commission aconclu à la participation de la requérante à l'infraction reprochée.

h) SAV

Arguments de la requérante

880.
    La requérante soutient qu'il n'existe aucune preuve de sa participation à l'ententealléguée. Elle rappelle que trois documents ont été retenus par la Commission àson encontre, dont aucun n'est probant.

881.
    Ainsi, la liste de contrôle, qui est un des documents de planification, ne serait qu'undocument interne d'ICI. Il ne s'agirait que d'une proposition unilatérale de celle-ci.La requérante n'y serait mentionnée qu'en tant que producteur de PVC ouqu'entreprise pressentie par ICI pour participer au groupe d'entreprises indiquédans ce document, et non comme participant à une entente. Mais rien n'établiraitqu'une telle proposition ait été adressée à d'autres producteurs ou que ceux-cil'aient acceptée. Quant à la réponse aux propositions, elle ne pourrait être uneréponse à la liste de contrôle, puisqu'elle serait au contraire antérieure. En toutétat de cause, la réponse aux propositions ne prouverait pas que la SAV y a prispart, puisqu'aucun nom n'est mentionné sur ce document.

882.
    La réponse d'ICI, du 5 juin 1984, à la demande de renseignements de laCommission du 30 avril 1984 ne mentionnerait avec précision les dates et lieux deréunions que pour l'année 1983; or, précisément, la SAV aurait cessé toute activitédirecte de production ou de commercialisation sur le marché du PVC avec effet au1er janvier 1983. En outre, cette réponse serait formulée en termes vagues et sousréserve; à l'inverse, la requérante aurait toujours nié avoir participé à dequelconques réunions et BASF n'aurait pas identifié la requérante commeparticipant à des réunions (Décision, point 26, note 10). Enfin, à supposer que laSAV ait participé à certaines réunions, il ne serait pas démontré qu'il y ait été

discuté de prix ou de volumes. La Commission aurait d'ailleurs déformé les proposd'ICI, qui a toujours affirmé que les réunions ne poursuivaient pas d'objetanti concurrentiel.

883.
    En ce qui concerne les tableaux Solvay, la requérante soutient que les chiffres deventes qui lui sont attribués sur le marché français, loin d'être exacts, comme leprétend la Commission, présentent des différences de l'ordre de 8 à 25 % parrapport à ses ventes réelles. Ainsi, il ne serait pas démontré que la requérante aitparticipé à un quelconque échange d'informations, constitutif d'une infractionpropre, ni d'ailleurs, qu'elle ait participé à un quelconque arrangement collusoiredont l'échange d'informations serait l'instrument.

884.
    Enfin, la requérante soutient que sa participation à l'entente alléguée n'est en toutétat de cause pas plausible. En effet, nouvelle venue sur le marché du PVC depuis1977, dans un contexte défavorable de marché surcapacitaire, elle aurait mené unepolitique agressive, qui se serait traduite par une augmentation des tonnagesvendus et des parts de marché détenues. En réalité, la requérante n'aurait euaucun intérêt à participer à une entente du type de celle alléguée par laCommission. Celle-ci ne pourrait d'ailleurs se retrancher derrière l'affirmation selonlaquelle les réunions entre producteurs avaient en tout état de cause un objetanticoncurrentiel, puisque précisément aucune preuve, ou aucune preuve suffisante,ne permettrait de démontrer que la SAV a participé à ces réunions.

Appréciation du Tribunal

885.
    La requérante a été identifiée par ICI parmi les participants aux réunionsinformelles entre les producteurs (voir ci-dessus point 675), dont la Commission adémontré qu'elles poursuivaient un objet contraire aux dispositions de l'article 85,paragraphe 1, du traité (voir ci-dessus points 679 à 686). S'il est vrai qu'ICI n'aprécisé les dates et lieux des réunions que pour la seule année 1983, il n'endemeure pas moins qu'elle a indiqué que des réunions informelles ont été tenues«à compter d'août 1980», au rythme approximatif d'une par mois (voir ci-dessuspoint 675). C'est donc à juste titre que la Commission considère la réponse d'ICIcomme un indice permettant d'établir la participation de la requérante àl'infraction.

886.
    La requérante apparaît dans les documents de planification comme membrepressenti du «nouveau cadre de réunions» envisagé. Ainsi qu'il ressort de laDécision, les documents de planification ne constituent qu'un «projet de créationd'entente» et ne peuvent, dès lors, être regardés comme la preuve de laparticipation de la requérante à l'infraction reprochée. Toutefois, le fait que larequérante y a été citée constitue un indice de cette participation, compte tenu dela corrélation étroite entre les pratiques qui y étaient décrites et celles constatéessur le marché dans les semaines qui ont suivi (voir ci-dessus points 662 à 673).

887.
    Pour les raisons précédemment exposées (voir ci-dessus point 788), le documentAlcudia, confirmant, avec d'autres documents, l'existence de mécanismes decompensation entre les producteurs de PVC, désigne indirectement la requérante.

888.
    En ce qui concerne les tableaux Solvay, la SAV a produit un tableau, extrait de sacomptabilité, tendant à démontrer que les chiffres de ventes qui la concernent,c'est-à-dire ceux concernant le marché français durant les années 1980 à 1982,comportent des différences sensibles, de l'ordre de 8 à 25 %, par rapport auxchiffres de ventes réelles. Il est certes impossible de savoir si les montants produitspar la SAV, extraits de sa comptabilité, ont été calculés de la même manière queceux apparaissant dans les tableaux Solvay. Toutefois, en l'absence de dénégationssérieuses de la Commission, il y a lieu de conclure que ces tableaux ne peuvent êtreconsidérés comme probants à l'encontre de la requérante.

889.
    Si la Commission n'a pu obtenir aucun barème de prix de la SAV qui lui auraitpermis de vérifier que cette entreprise avait mis en oeuvre les initiatives de prixcommunes, les annexes P1 à P70 indiquent que les producteurs français ne sont pasrestés extérieurs à cette manifestation de l'entente. Ainsi, au-delà des documents,tels que les annexes P1, P6, P15, P19, P22, P26, P29, P32, P45 et P48, dans lesquelsil est fait référence à des «initiatives générales» destinées à augmenter «l'ensembledes prix européens» ou encore à des «initiatives du secteur», certaines annexesévoquent plus spécifiquement le marché français et permettent de conclure que lesinitiatives de prix y étaient annoncées et appliquées. C'est notamment ce qui ressortdes annexes P21, P23, P24, P30, P31 et P38.

890.
    S'il est exact que deux documents font référence à l'attitude agressive deproducteurs français en termes de prix, il y a lieu de relever que ceci n'est pas denature à infirmer les conclusions de la Commission. En effet, en premier lieu,celle-ci en a tenu compte tant dans son examen des faits que dans son appréciationjuridique (voir ci-dessus point 801). En second lieu, la circonstance que larequérante n'aurait occasionnellement pas mis en oeuvre une initiative de prixprévue n'affecte pas la conclusion de la Commission; en effet, en ce qui concerneplus spécialement les entreprises pour lesquelles la Commission n'avait pu obteniraucun barème de prix, la Commission s'est limitée à affirmer que ces entreprisesavaient de toute façon participé aux réunions entre producteurs dont l'objet était,notamment, la fixation d'objectifs de prix (voir ci-dessus points 774 et suivants), etnon la mise en oeuvre effective de ces initiatives (arrêt Atochem/Commission,précité, point 100).

891.
    Au vu de l'ensemble de ces éléments, il y a lieu de conclure que les documentsproduits par la Commission sont suffisants pour établir que la requérante a,contrairement à ce qu'elle soutient, participé à l'infraction reprochée. Toutefois, ilappartiendra au Tribunal de vérifier si les observations formulées ci-dessus, enparticulier en ce qui concerne les tableaux Solvay, affectent les conclusions de laCommission sur la durée de la participation de la requérante à l'infraction.

i) Montedison

Arguments de la requérante

892.
    La requérante relève tout d'abord qu'elle n'est mentionnée ni dans les documentsde planification ni dans le tableau Atochem.

893.
    En outre, les éléments retenus à sa charge ne seraient pas probants.

894.
    En premier lieu, le fait d'avoir été cité par ICI et BASF comme ayant participé àau moins quelques-unes des réunions ne démontrerait rien de répréhensible. Enoutre, seule Montedison, et non Montedipe, est citée par ICI et BASF, alors queMontedison avait cessé la production de PVC le 1er janvier 1981; cela signifieraitque sa participation avait cessé avant cette date.

895.
    En second lieu, la requérante estime que, s'agissant des échanges d'informationsrelatives au marché italien, informations au demeurant publiques, la Commissiona omis de faire état des commentaires portés en bas de page du document surlequel elle s'appuie, qui mentionnent expressément la vive concurrence existant surle marché.

896.
    En troisième lieu, en ce qui concerne la participation à un système decompensation, le document Alcudia ne serait pas probant. La requérante nie qu'untel mécanisme ait jamais été mis en oeuvre; aucune entreprise italienne n'auraitadhéré individuellement à celui-ci, comme en atteste le fait que le documentlitigieux ne mentionne que d'une façon générale les producteurs italiens. Asupposer qu'un tel mécanisme ait été mis en oeuvre dans les faits, il ne se seraitagi que de l'une de ces mesures de rationalisation prises en vertu d'accordsbilatéraux, que la Commission avait elle-même préconisées en remplacement ducartel de crise.

897.
    En quatrième lieu, la requérante observe qu'aucune des initiatives de prixidentifiées par la Commission ne concernait Montedipe, alors propriétaire del'entreprise. En toute hypothèse, les actes illicites accomplis n'auraient consisté qu'àrechercher un prix idéal qui aurait permis aux producteurs de réduire leurs pertes.Toutefois, le prix pratiqué effectivement par Montedipe aurait toujours éténettement inférieur au prix cible et se serait toujours écarté du prix du marché,preuve évidente que la requérante a agi en toute autonomie.

Appréciation du Tribunal

898.
    Ainsi que l'a relevé la requérante, Montedison n'est visée ni dans les documents deplanification ni dans le tableau Atochem, qui concerne une période postérieure àla date à laquelle Montedison a quitté le marché du PVC. Cette circonstanceressort, notamment, des points 7 et 13 de la Décision.

899.
    Montedison a été citée par ICI comme participant aux réunions informelles entreproducteurs (voir ci-dessus point 675), dont la requérante a confirmé l'existence etdont la Commission a établi qu'elles poursuivaient un objet contraire auxdispositions de l'article 85, paragraphe 1, du traité (voir ci-dessus points 679 à 686).

900.
    Cette présence aux réunions a été confirmée par BASF (voir ci-dessus point 677).

901.
    Certes, ICI et BASF ont cité Montedison, plutôt que Montedipe, qui a reprisl'activité de production de PVC de Montedison à compter du 1er janvier 1981.Toutefois, il ne saurait en être conclu que Montedison est restée étrangère àl'infraction reprochée dès le 1er janvier 1981.

902.
    En effet, si Montedison a transféré les activités de production à Montedipe enjanvier 1981, ce n'est qu'en 1983 qu'elle a abandonné toute activité dans le secteurdu PVC (voir, notamment, Décision, point 13, premier alinéa). En outre, enréponse à une question du Tribunal, la requérante a reconnu que, pendant toutecette période, elle détenait, directement ou par le biais de sociétés contrôlées,l'intégralité du capital social de Montedipe. Enfin, la note d'ICI du 15 avril 1981,qui contribue à apporter la preuve de systèmes de contrôle des volumes de ventesentre producteurs, est la transcription d'un message adressé par le directeur de ladivision pétrochimique de Montedison (voir ci-dessus points 599 à 601), ce quiconfirme que cette dernière société n'est pas restée étrangère à l'infractionreprochée, contrairement à ce que soutient la requérante.

903.
    Pour les raisons qui ont déjà été exposées (voir ci-dessus point 788), le documentAlcudia, qui constitue l'un des documents permettant d'établir la mise en oeuvred'un mécanisme de compensation entre producteurs de PVC, désigne indirectementMontedison. La requérante ne peut utilement prétendre qu'un tel mécanismeaurait été préconisé par la Commission en juillet 1982, lors de contacts entre celle-ci et neuf producteurs européens, relatifs à la restructuration du secteur de lapétrochimie. En effet, non seulement la Commission avait manifesté à cetteoccasion son refus de tout accord de prix ou de quotas de ventes entre producteurs,mais, en outre, ces contacts sont postérieurs à la mise en oeuvre du mécanisme decompensation dont la Commission a démontré l'existence en l'espèce.

904.
    De surcroît, la note d'ICI du 15 avril 1981 fait référence au mécanisme de quotas;or, cette note est la transcription d'un message adressé par M. Diaz, anciendirecteur général de la division pétrochimique de Montedison, à ICI (voir ci-dessuspoints 599 à 601).

905.
    Quant aux tableaux Solvay relatifs au marché italien (annexes 33 à 41 à lacommunication des griefs), pour les raisons déjà indiquées (voir ci-dessus points 629à 635), la requérante ne peut prétendre que les chiffres de ventes qu'ils comportentpouvaient être déterminés au vu de données publiques. En outre, si la seconde notede bas de page que comporte l'annexe 34 fait état d'une vive concurrence, cela

n'explique pas comment Solvay avait connaissance des chiffres de ventes de chacunde ses concurrents. A ce titre, il convient de rappeler que la première note de basde page portée sur ce document précise: «La répartition du marché national entreles différents producteurs pour 1980 a été indiquée sur la base de l'échange dedonnées avec nos confrères.» (Voir ci-dessus point 629.)

906.
    En ce qui concerne les initiatives de prix, dont la Commission a démontré qu'ils'agissait d'initiatives concertées adoptées en violation de l'article 85, paragraphe 1,du traité (voir ci-dessus points 637 à 661), la requérante produit un tableau danslequel elle compare les prix cibles allégués par la Commission et les prixeffectivement pratiqués par Montedison (point 10 de la requête). Elle déduit de ladifférence entre eux qu'elle ne peut avoir participé aux initiatives de prix.Toutefois, la requérante ne précise à aucun moment ni la source des chiffres dontelle affirme qu'ils constituent les prix effectivement pratiqués par elle, ni la dateprécise à laquelle ces prix effectivement pratiqués ont été constatés. En toutehypothèse, ce tableau montre que les prix effectivement pratiqués par larequérante, à les supposer exacts, étaient inférieurs aux prix cibles; or, laCommission a toujours reconnu que les entreprises n'étaient pas parvenues àatteindre les prix cibles. Enfin, la requérante, comme d'autres producteurs, ne sevoit pas reprocher la mise en oeuvre des initiatives de prix, la Commission n'ayantpu obtenir de celle-ci des documents relatifs aux prix, mais n'est mise en cause quepour sa participation aux réunions informelles entre producteurs au coursdesquelles était décidée la fixation de prix cibles (voir ci-dessus points 774 à 777).

907.
    Par ailleurs, les annexes P1 à P70 indiquent que les producteurs italiens ne sont pasrestés extérieurs à cette manifestation de l'entente. Ainsi, au-delà des documents,tels que les annexes P1, P6, P15, P19, P22, P26, P29, P32, P45 et P48, dans lesquelsil est fait référence à des «initiatives générales» destinées à augmenter «l'ensembledes prix européens» ou encore à des «initiatives du secteur», certaines annexesévoquent plus spécifiquement le marché italien et permettent de conclure que lesinitiatives de prix devaient s'appliquer en Italie, même si elles montrent quel'augmentation prévue n'a parfois pas eu lieu, ce qui suscitait les critiques desconcurrents. C'est notamment ce qui ressort des annexes P9, P24, P26 et P28.

908.
    Au vu de la conjonction de ces éléments, c'est à bon droit que la Commission aconclu à la participation de la requérante à l'infraction reprochée.

j) Hüls

Arguments de la requérante

909.
    La requérante soutient, en premier lieu, que rien ne permet d'établir un lien entreelle et les documents de planification. Ainsi, il ne serait pas prouvé que la liste decontrôle, établie par un tiers, ait été communiquée à la requérante, ou que celle-ciait participé à l'élaboration de la réponse aux propositions et ait donc donné son

accord aux prétendues planifications. L'abréviation «H», portée sur ces documents,ne signifierait pas nécessairement Hüls: d'une part, Hüls et Hoechst seraient, en1984, deux producteurs allemands de taille semblable, d'autre part, la lettre Haurait été, en 1980, l'initiale de cinq producteurs de PVC. La présomption de laCommission serait ainsi réduite à néant, d'autant que, jusqu'en 1985, la requérantene s'appelait pas Hüls AG, mais Chemische Werke Hüls AG, généralement connuesous l'abréviation CWH.

910.
    En second lieu, la preuve de la participation de la requérante à des réunionsillicites et de la régularité de cette participation n'aurait pas été rapportée, enl'absence de procès-verbaux. Les déclarations d'ICI et de BASF ne seraient pasprobantes, puisque ces deux entreprises ont toujours nié l'objet illicite des réunions.

911.
    En troisième lieu, la participation de la requérante aux initiatives de prix ne seraitpas démontrée, en l'absence de documents internes de l'entreprise en matière deprix. Elle ne pourrait par ailleurs être déduite de la participation aux réunions,puisque, précisément, la requérante n'a pas assisté aux réunions illicites.

912.
    En quatrième lieu, la note d'ICI du 15 avril 1981 n'établirait pas la participationde la requérante à un système de quotas. La participation au prétendu mécanismede compensation mis en place pour renforcer ce système ne serait pas plusdémontrée. Par ailleurs, le tableau Atochem ne serait pas probant, puisque leschiffres qui y sont mentionnés comportent des différences sensibles avec les ventesréelles.

913.
    En dernier lieu, la Commission n'aurait pas apporté la preuve de la participationde la requérante à un prétendu échange d'informations. Les tableaux Solvay neseraient en effet pas probants.

Appréciation du Tribunal

914.
    Hüls a été citée par ICI comme participant aux réunions informelles entreproducteurs (voir ci-dessus point 675), dont la Commission a établi l'objetanticoncurrentiel (voir ci-dessus points 679 à 686).

915.
    La présence de représentants de cette entreprise aux réunions a été confirmée parBASF (voir ci-dessus point 677).

916.
    Selon les documents de planification, le «groupe de planification des 6» devait êtrecomposé de «S», «ICI», «W», «H» et de la «nouvelle société française». Aprèsavoir rappelé que ICI avait refusé de confirmer l'identité des entreprises ainsidésignées, la Commission a indiqué dans sa Décision (point 7): «Il ressortclairement du contexte et de la liste des participants proposés [...] que 'H‘ est,selon toute probabilité, Hüls, le plus gros producteur allemand de PVC (Hoechst,la seule autre possibilité, n'était qu'un petit producteur de PVC).»

917.
    La requérante conteste tout d'abord que «H» puisse désigner Hüls. En effet,jusqu'en 1985, la dénomination complète de la requérante était Chemische WerkeHüls AG, et le sigle correspondant CWH. Cette argumentation ne saurait êtreretenue. En effet, dans les documents de planification, l'indication des membresproposés du «nouveau cadre de réunions» est faite sous la forme de simplesinitiales, plutôt que sous celle d'un sigle officiel et reconnu. En outre, tant letableau Atochem que la réponse d'ICI à une demande de renseignements, quidatent de 1984, se réfèrent à Hüls. De même, plusieurs annexes au mémoireintroductif de la requérante, datant du début des années 1980, font apparaître unpapier commercial portant, en grands caractères, la mention Hüls, et, en petitscaractères, le sigle «CWH». Si l'appellation Hüls n'était donc pas la dénominationofficielle de la requérante, elle en était manifestement l'appellation usuelle.

918.
    Or, ainsi que la Commission l'a souligné dans la Décision, il apparaît que, à la dated'élaboration des documents de planification, Hüls était le plus importantproducteur et vendeur allemand de PVC et l'un des principaux en Europe. Cetteconstatation est confirmée par les réponses des requérantes à une question duTribunal. En outre, les quatre autres entreprises désignées comme membrespressentis du «groupe de planification» étaient également les principauxproducteurs de PVC en Europe en 1980.

919.
    Pour les raisons déjà exposées (voir ci-dessus point 788), le document Alcudia,relatif aux mécanismes de compensation, désigne indirectement Hüls.

920.
    La requérante est désignée dans le tableau Atochem et celui-ci comporte, fût-cesous une forme agrégée, les données de ventes et le pourcentage des ventes ciblesdes quatre producteurs allemands (voir ci-dessus point 612).

921.
    Hüls est également citée dans les tableaux Solvay. Parmi les chiffres de ventesmentionnés que la Commission a été en mesure de vérifier, trois concernent larequérante et sont exacts (voir ci-dessus point 627).

922.
    Par ailleurs, si la Commission n'a pu obtenir aucun barème de prix de Hüls qui luiaurait permis de vérifier que cette entreprise avait mis en oeuvre les initiatives deprix communes, les annexes P1 à P70 indiquent que les producteurs allemands nesont pas restés extérieurs à cette manifestation de l'entente. Ainsi, au-delà desdocuments, tels que les annexes P1, P3, P15, P19, P22, P26, P29, P32, P45 et P48,dans lesquels il est fait référence à des «initiatives générales» destinées àaugmenter «l'ensemble des prix européens» ou encore à des «initiatives dusecteur», certaines annexes évoquent plus spécifiquement le marché allemand etpermettent de conclure que les initiatives de prix y étaient annoncées et appliquées.C'est notamment ce qui ressort des annexes P23, P24, P26, P29, P30, P41 et P58.

923.
    Au vu de la conjonction de ces éléments, c'est à bon droit que la Commission aconclu à la participation de la requérante à l'infraction reprochée.

k) Enichem

Arguments de la requérante

924.
    Selon la requérante, la Commission n'a pas établi qu'elle ait participé à l'unequelconque des manifestations de l'entente.

925.
    Ainsi, en premier lieu, en ce qui concerne l'origine de l'entente, aucuneresponsabilité ne pourrait être imputée à la requérante. En effet, celle-ci n'auraitpas pris part à la rédaction des documents de planification. En outre, le seul faitd'être citée, à son insu, par des entreprises tierces qui auraient eu l'intention del'inviter à participer à des réunions, ne serait pas de nature à faire naître une telleresponsabilité. Enfin, il ne serait pas établi que la réponse aux propositionsconstitue effectivement la réponse des personnes auxquelles la liste de contrôledevait être adressée.

926.
    En second lieu, en ce qui concerne les réunions entre producteurs, la requéranteobserve qu'ICI et BASF ont cité les noms d'Anic ou d'Enichem; or, du moisd'octobre 1981 au mois de février 1983, il n'aurait pas existé de sociétéd'exploitation répondant, en tout ou en partie, à ces dénominations. En outre, entoute hypothèse, la Commission aurait dû encore prouver l'identité des participantset le rythme de ces participations.

927.
    En troisième lieu, en ce qui concerne les initiatives de prix, la requérante fait valoirqu'il n'existe aucune preuve de sa participation à ces initiatives. L'absence dedocuments internes d'Enichem en matière de prix ne pourrait signifier, comme levoudrait la Commission, que ces documents, parce que compromettants, auraientété cachés ou détruits; un tel raisonnement, purement spéculatif, violerait leprincipe selon lequel la charge de la preuve incombe à la Commission. Par ailleurs,rien n'établirait même la participation de la requérante aux réunions qui, selon laCommission, ont précédé les augmentations de prix. Au contraire, plusieursdocuments montreraient qu'Enichem a adopté sur le marché italien une politiquede prix agressive.

928.
    En quatrième lieu, en ce qui concerne les quotas, la requérante souligne quel'unique document mentionnant Enichem ou Anic est le tableau Atochem. Or, nonseulement ce seul document ne pourrait suffire à établir la participation de larequérante, mais en outre il ne serait pas probant, compte tenu de l'écartsignificatif entre les données de ventes qui y sont citées (toutes supérieures à14 %), et les données réelles (12,3 %). Dans ces conditions, la constatation que,durant la période visée par l'enquête, les parts de marché ont substantiellementchangé, démontrerait qu'il n'a pas existé d'entente en matière de quotas.

929.
    En cinquième lieu, en ce qui concerne le contrôle des ventes, les seuls éléments depreuve de la participation d'Enichem seraient les tableaux Solvay. Or, ceux-ci neprésenteraient aucun caractère probant.

930.
    La requérante conclut que, en l'absence de preuves à l'encontre d'Enichem, ilimporte peu que celles-ci doivent être considérées dans leur ensemble, et nonisolément. En tout état de cause, les quatre documents dans lesquels apparaît lenom de la requérante (annexes 3, 10 et 34 et les déclarations de BASF et d'ICI),seraient trop isolés pour établir l'adhésion continue de la requérante à une ententecomplexe, surtout lorsque, par ailleurs, la politique agressive d'Enichem estdémontrée.

Appréciation du Tribunal

931.
    Anic et Enichem, entreprise à laquelle a été imputée le comportement d'Anic, ontété citées par ICI comme participant aux réunions (voir ci-dessus point 675), dontla Commission a établi l'objet anticoncurrentiel qu'elles poursuivaient (voirci-dessus points 679 à 686).

932.
    La présence d'Anic et d'Enichem aux réunions a été confirmée par BASF (voirci-dessus point 677).

933.
    Enichem fait toutefois observer que, d'octobre 1981 à février 1983, aucune sociétéd'exploitation du PVC ne portait le nom d'Anic ou d'Enichem, si bien que lesréponses d'ICI et de BASF ne permettraient pas de conclure à sa participationpendant cette période. Cet argument ne saurait être retenu. De fait, ainsi que l'arelevé la Commission, le groupe auquel appartient la requérante n'a pas quitté lemarché du PVC pendant cette période, mais avait transféré ses activités dans cesecteur à une société commune, dont toutes les activités PVC provenaient dugroupe ENI et ont été reprises par celui-ci en février 1983. En outre, les tableauxSolvay pour l'année 1982 sur le marché italien, montrent que cette filiale communea poursuivi la participation à l'infraction reprochée. Enfin, Anic elle-même n'avaitpas disparu, dès lors que ce n'est qu'à la fin de 1982 qu'elle a transféré à la sociétécommune en question le capital d'une autre société du groupe ENI, SIL, elle-mêmepropriétaire de sites de production de PVC en Italie.

934.
    Anic est une des entreprises désignées dans les documents de planification. Comptetenu de la corrélation étroite entre les pratiques décrites dans ces documents etcelles constatées sur le marché du PVC dans les semaines qui ont suivi, cesdocuments, fussent-ils internes à ICI, comme le soutiennent les requérantes,constituent un indice de la participation de la requérante à l'infraction reprochée.

935.
    Le tableau Atochem, qui contribue à la démonstration de l'existence d'unmécanisme de quotas de ventes, comporte l'indication tant du nom de larequérante que de ses chiffres de ventes pour le premier trimestre de 1984 et d'un

pourcentage cible de ventes qui lui était attribué. Les contestations de larequérante sur la réalité des chiffres de ventes la concernant ont été précédemmentexaminées et rejetées (voir ci-dessus point 615).

936.
    En outre, pour les raisons déjà exposées (voir ci-dessus point 788), le documentAlcudia, relatif aux mécanismes de compensation entre producteurs, désigneindirectement Enichem.

937.
    Au demeurant, l'argument selon lequel les parts de marché des producteursauraient été profondément modifiées pendant la période d'enquête, ce qui seraitincompatible avec un mécanisme de quotas, est fondé sur un simple renvoi à la«réalité des faits» (réplique, p. 23) et n'est assorti d'aucun élément probatoire. Entoute hypothèse, il y a lieu de rappeler, ainsi qu'il ressort de la Décision elle-même,que les documents établissant l'existence de mécanismes de compensation entreproducteurs permettent également de tirer la conclusion que ces mécanismes n'ontpas correctement fonctionné (voir ci-dessus points 588 et 597). Enfin, dans le casparticulier d'Enichem, l'évolution des parts de marché n'apparaît pas déterminante,compte tenu des nombreuses restructurations qu'a connues le groupe pendant lapériode d'infraction, par l'acquisition des activités de concurrents dans le secteurdu PVC.

938.
    Les tableaux Solvay comportent l'indication du nom de la requérante et ses ventessur le marché italien. En outre, le tableau joint en annexe 34 à la communicationdes griefs porte le commentaire suivant: «La répartition du marché national entreles différents producteurs pour 80 a été indiquée sur la base de l'échange avec nosconfrères [...]» Or, l'entente trouvant son origine dans les documents deplanification, qui datent d'août 1980, c'est précisément pour cette année 1980 quel'échange pouvait être effectif pour la première fois (voir ci-dessus point 629).

939.
    La requérante fait encore valoir que la Commission aurait dû préciser l'identité desentreprises participant à chacune des réunions et, par voie de conséquence, établiravec quelle régularité chacune y participait. Il y a lieu de relever que la régularitéde la présence d'une entreprise aux réunions entre producteurs n'affecte pas saparticipation à l'infraction, mais le degré de sa participation. En outre, exiger dela Commission qu'elle établisse la régularité de la participation rendrait en pratiqueimpossible la sanction d'une entente entre entreprises, hormis le cas dans lequelseraient découverts des procès-verbaux ou compte rendus de réunions illicitesmentionnant le nom des participants. Enfin, s'il est vrai qu'ICI et BASF, dans leurréponse aux demandes de renseignements, ont indiqué que les entreprises qu'ellescitaient avaient participé plus ou moins régulièrement aux réunions (voir ci-dessuspoints 675 et 677), la Commission en a dûment tenu compte (notamment point 8,troisième alinéa, et point 26, troisième alinéa). Elle a également pris enconsidération cette circonstance dans la détermination du niveau des amendes(point 53 de la Décision), sous réserve de l'examen de la situation des entreprisespour lesquelles leur rôle de chef de file ou, au contraire, leur rôle limité, serait

avéré. De fait, si la Commission avait pu obtenir la preuve de la participation dechacune des entreprises à l'ensemble des réunions entre producteurs au coursdesquelles, pendant près de quatre années, ont été fixés des initiatives de prixconcertées et des mécanismes de volumes de ventes, les amendes infligées, qui nedépassent pas 3 200 000 écus, apparaîtraient d'un montant proportionnellementfaible au regard de la gravité de l'infraction.

940.
    Enfin, les annexes P1 à P70 indiquent que les producteurs italiens ne sont pasrestés extérieurs aux initiatives de prix. Ainsi, au-delà des documents, tels que lesannexes P1, P6, P15, P19, P22, P26, P29, P32, P45 et P48, dans lesquels il est faitréférence à des «initiatives générales» destinées à augmenter «l'ensemble des prixeuropéens» ou encore à des «initiatives du secteur», certaines annexes évoquentplus spécifiquement le marché italien et permettent de conclure que les initiativesde prix devaient s'appliquer en Italie, même si elles montrent que l'augmentationprévue n'a parfois pas eu lieu, ce qui suscitait les critiques des concurrents. C'estnotamment ce qui ressort des annexes P9, P24, P26, P28 et P58.

941.
    Au vu de la conjonction de ces éléments, c'est à bon droit que la Commission aconclu à la participation de la requérante à l'infraction reprochée.

D — Sur l'imputabilité de l'infraction et l'identification des destinataires de la Décision

1. Sur l'imputabilité de l'infraction

Arguments des requérantes

942.
    Elf Atochem conteste la motivation de la Décision relative à l'absence deresponsabilité d'Elf Atochem pour les activités de la société PCUK, dont la plusgrande partie de l'activité chimique avait été apportée à Atochem lors de lacréation de celle-ci en 1983. En effet, cette motivation reposerait sur le fait qu'ElfAtochem «est indiscutablement responsable d'ATO Chimie/Chloe/Orgavyl»(Décision, point 42, sixième alinéa), et non sur la règle selon laquelle, lorsquel'entreprise cédante d'une activité continue à exister en tant qu'entité distincteaprès la cession, l'entreprise cessionnaire ne supporte aucune responsabilité pourd'éventuels agissements anticoncurrentiels du cédant antérieurs à la cession.

943.
    DSM rappelle que, à compter du 1er janvier 1983, les activités PVC de DSM NVont été transférées à LVM, filiale commune de DSM NV et de EMC Belgique SA,et que LVM a été tenue pour responsable de ses propres faits. En l'espèce, ceserait donc pour la période antérieure à cette date que se pose la question del'imputabilité de l'infraction. Or, par acte du 19 décembre 1984, aurait étéconstituée la société DSM Kunststoffen BV, filiale à 100 % de DSM NV. Les droitset obligations appartenant jusqu'alors à la branche «matières plastiques» de DSMNV lui auraient été transférés. Bien que DSM Kunststoffen soit une filiale

autonome de DSM NV, ce serait pourtant à cette dernière qu'a été imputéel'infraction.

944.
    Ce faisant, la Commission aurait incorrectement appliqué les règles de droitcommunautaire. Le principe serait que, lorsque les droits et obligations, ainsi queles activités économiques auxquelles se rapporte l'infraction alléguée, ont ététransférés à une autre entreprise, cette infraction doit être imputée à cette autreentreprise, successeur en droit de la première et, dès lors, destinataire de ladécision (arrêt CRAM et Rheinzink/Commission, précité, points 6 à 9; arrêt duTribunal du 28 avril 1994, AWS Benelux/Commission, T-38/92, Rec. p. II-211,point 30). L'élément déterminant en matière d'imputation d'une infraction seraitle comportement autonome de l'entreprise sur le marché, et non sa structurejuridique (arrêt du 14 juillet 1972, ICI/Commission, précité, point 133; arrêt duTribunal du 10 mars 1992, Shell/Commission, T-11/89, Rec. p. II-757, points 311 et312). Or, les requérantes auraient toujours affirmé l'autonomie de comportementde DSM Kunststoffen, sans être démenties par la Commission, à qui incombaitpourtant la charge de la preuve (arrêt AEG/Commission, précité, point 50). Pourla période courant du début de l'infraction présumée au début de l'année 1983,l'infraction aurait donc dû être imputée à DSM Kunststoffen.

945.
    Montedison observe qu'elle n'est qu'une entité intermédiaire entre le holding et lasociété opérationnelle, puisqu'elle a cessé de produire du PVC le 31 décembre1980. Pendant les deux années qui ont suivi, cette activité de production auraitrelevé de la filiale Montedipe et, en 1983, cette branche de l'entreprise seraitpassée définitivement sous le contrôle d'Enichem. La Commission n'aurait jamaisdémontré que Montedipe était dépourvue d'autonomie de gestion par rapport àMontedison.

946.
    Enichem fait valoir que, de l'avis de la Commission, afin d'attribuer laresponsabilité d'une infraction, il convient tout d'abord d'identifier l'entreprise quia commis celle-ci, puis de déterminer ce qu'il en est advenu; si l'entreprise qui acommis l'infraction cède simplement sa branche d'activités PVC à un tiers, maissubsiste comme sujet de droit indépendant, elle conserverait la responsabilité del'infraction; en revanche, si l'entreprise qui a commis l'infraction est absorbée parune autre entreprise, et cesse donc d'exister, ce serait l'acquéreur qui doit alorsassumer la responsabilité des infractions passées. La requérante relève le caractèrehybride de cette thèse, relevant selon le cas d'un examen juridique ou d'uneappréciation économique.

947.
    Enichem fait remarquer que tant sa branche d'activité PVC que, d'une façongénérale, le secteur du PVC en Italie ont connu de profondes modifications,pendant et après la période couverte par l'enquête.

948.
    Ainsi, la société dont la dénomination actuelle est Enichem Anic, et qui aurait dûêtre destinataire de la Décision, aurait eu une activité de production de PVC

jusqu'à la fin de 1981, puis de nouveau à partir du début de 1983 jusqu'au transfertdes activités à EVC, filiale commune créée en octobre 1986 entre Enichem et ICI.Dans l'intervalle, la société qui a opéré sur le marché du PVC aurait été la sociétéEnoxy, filiale commune créée entre ENI et la société américaine Occidental.

949.
    En revanche, durant toute cette période, Enichem, sous différentes dénominations,n'aurait joué que le rôle de holding des participations de l'État italien dans lesdifférentes sociétés d'exploitation qui se sont succédé dans le secteur du PVC.

950.
    Enfin, les activités d'entreprise dans le secteur du PVC qui, en 1986, ont étéapportées à EVC, auraient été gérées, au cours de la période prise en compte parla Commission, par une pluralité d'entreprises autonomes (Anic; Occidental;Montedison, dont les activités PVC exercées par sa filiale Montedipe ont étécédées, en mars 1983, à Enoxy, devenue société à part entière d'Enichem, depuisla cession, par Occidental, de ses parts, également au mois de mars 1983; Sir, dontles activités ont été cédées au groupe ENI en décembre 1981 et Rumianca, filialede Sir, dont les activités chimiques ont également été cédées au groupe ENI), quitoutes ont subsisté comme sujets de droit.

951.
    Pourtant, au vu du point 43 de la Décision, il apparaîtrait que la Commission aattribué à la requérante, Enichem, la responsabilité pour les infractions commisesau cours de la période d'enquête, donc par toutes les entreprises, y compris Sir,Rumianca et Enoxy (mais à l'exception de Montedipe). Or, s'agissant de Sir etRumianca, elles auraient fait partie du groupe Sir Finanziaria, qui subsiste encoreaujourd'hui et qui, en conséquence, devrait continuer de supporter la responsabilitépour la participation de ses anciennes filiales. De même, Occidental, qui subsisteaujourd'hui en tant que personne juridique, devrait supporter solidairement laresponsabilité de l'infraction pour la période de décembre 1981 à février 1983,durant laquelle elle gérait conjointement Enoxy; au lieu de cela, la Décisionn'attribuerait aucune responsabilité à Occidental, en violation du principe de non-discrimination. En réalité, Enichem Anic ne pourrait être considérée commeresponsable que des infractions commises par Anic, jusqu'à la fin de 1981, et parEnoxy Chimica, depuis février 1983 (arrêts Suiker Unie e.a./Commission, précité,points 74 à 88, CRAM et Rheinzink/Commission, précité, et EnichemAnic/Commission, précité, points 228 et suivants).

Appréciation du Tribunal

952.
    A titre liminaire, il apparaît qu'Elf Atochem ne conteste pas la conclusion àlaquelle la Commission est parvenue, à savoir de ne pas lui imputer laresponsabilité des actes de PCUK, mais uniquement la motivation qui la sous-tend.Dans ces conditions, l'examen du moyen soulevé par cette requérante ne pourraitconduire à une annulation, même partielle, d'une disposition de la Décision. Dèslors, en l'absence d'intérêt à agir de la requérante, le moyen doit être rejeté.

953.
    Il ressort de la jurisprudence que, lorsque l'existence d'une infraction est établie,il convient de déterminer la personne physique ou morale qui était responsable del'exploitation de l'entreprise au moment où l'infraction a été commise afin qu'elleréponde de celle-ci. Toutefois, lorsque, entre le moment où l'infraction est commiseet le moment où l'entreprise en cause doit en répondre, la personne responsablede l'exploitation de cette entreprise a cessé d'exister juridiquement, il convient delocaliser, dans un premier temps, l'ensemble des éléments matériels et humainsayant concouru à la commission de l'infraction pour identifier, dans un secondtemps, la personne qui est devenue responsable de l'exploitation de cet ensemble,afin d'éviter que, en raison de la disparition de la personne responsable de sonexploitation au moment de la commission de l'infraction, l'entreprise puisse ne pasrépondre de celle-ci.

954.
    Il apparaît que les règles énoncées par la Commission au point 41, deuxième alinéaet suivants, de la Décision, sont conformes à ces principes.

955.
    Il convient en conséquence d'examiner l'application que la Commission a faite deces principes, successivement dans le cas de DSM, de Montedison et d'Enichem.

956.
    L'argumentation de DSM ne porte que sur l'imputabilité de l'infraction reprochéeà DSM, donc pour la période antérieure à la création de LVM (voir ci-dessuspoint 943).

957.
    Or, en l'espèce, contrairement aux situations examinées dans les arrêts invoquéspar la requérante, il n'est pas contesté, d'une part, que DSM est l'entreprise qui acommis l'infraction reprochée avant la constitution de LVM et, d'autre part, que,malgré la réorganisation à laquelle elle a procédé, par la filialisation de son activité«matières plastiques», à une date postérieure aux faits reprochés, DSM subsistejuridiquement. Dès lors, c'est à juste titre que la Commission a, en application desprincipes ci-dessus rappelés, retenu la responsabilité de DSM pour la périodelitigieuse.

958.
    Dans de telles circonstances, la filialisation de la branche d'activités n'a pasd'influence sur la détermination de l'entreprise responsable de l'infraction.

959.
    Dès lors, le moyen soulevé par DSM doit être rejeté.

960.
    Selon une jurisprudence constante, la circonstance qu'une filiale a une personnalitéjuridique distincte ne suffit pas à écarter la possibilité que son comportement soitimputé à la société mère, notamment lorsque la filiale ne détermine pas de façonautonome son comportement sur le marché, mais applique pour l'essentiel lesinstructions qui lui sont imparties par la société mère (arrêt du 14 juillet 1972,ICI/Commission, précité, points 132 et 133).

961.
    En l'espèce, Montedison a confirmé qu'elle détenait la totalité du capital dessociétés Montedipe et Montepolimeri, si bien que ces filiales doivent être regardéescomme suivant nécessairement une politique tracée par les organes statutaires quifixent la politique de sa société mère (arrêt AEG/Commission, précité, point 50).

962.
    Dès lors, le moyen soulevé par Montedison doit être rejeté.

963.
    Le moyen soulevé par Enichem comporte, en ce qui concerne l'imputabilité del'infraction reprochée, deux griefs. Le premier est relatif à l'imputabilité des actesde deux sociétés, Sir et Rumianca, commis avant leur incorporation au groupeauquel appartient la requérante. Le second concerne l'imputabilité des actescommis durant les mois de janvier 1982 à février 1983 par Enoxy.

964.
    En premier lieu, selon la requérante, la Commission lui a imputé la responsabilitédes actes de Sir et de Rumianca, dont les activités PVC ont été acquises par legroupe ENI en décembre 1981, par le biais d'Anic; or, puisque l'anciennemaison mère de ces deux sociétés subsiste, celle-ci aurait dû supporter laresponsabilité de l'infraction. A l'appui de sa thèse, la requérante se réfère aupoint 43 de la Décision, d'où il ressort qu'«Enichem regroupe les entreprisespubliques italiennes du secteur de la chimie qui fonctionnaient auparavant sous lenom d'Anic», et qu'Enichem doit «assumer la responsabilité de l'activité d'Anic»et donc de toutes les sociétés qui lui étaient liées.

965.
    Toutefois, il n'apparaît pas que la Commission ait retenu la responsabilitéd'Enichem du fait des activités de Sir et de Rumianca antérieures à leur intégrationdans le groupe auquel appartient la requérante.

966.
    En effet, tout d'abord, Sir et Rumianca ne sont pas visées par la Décision. Aucungrief n'étant formulé à leur encontre, aucune responsabilité pour des faits illicitesde leur part ne peut avoir été imputée à la requérante. Ensuite, le point 43 de laDécision signifie tout au plus que les activités PVC de Sir et de Rumianca ne sontimputées à la requérante, notamment pour le calcul de la part de marché en vuede la détermination du montant des amendes, que depuis le jour où elles ont étéintégrées à Anic. En revanche, il ne permet pas de conclure que la responsabilitépour d'éventuelles pratiques illicites de Sir et de Rumianca antérieures à cetteintégration ait été imputée à Enichem.

967.
    En second lieu, il ressort du dossier et des réponses de la requérante aux questionsposées par le Tribunal lors de l'audience, que, le 29 décembre 1981, ENI etOccidental ont créé une société commune, Enoxy, à laquelle a été transférél'ensemble du secteur PVC contrôlé par ENI, par l'intermédiaire d'Anic; Occidentala transféré à Enoxy, pour sa part, des activités autres que le PVC. En février 1983,ENI a repris la participation d'Occidental dans le capital d'Enoxy; quelques joursplus tard, ENI a cédé toutes ses parts dans le capital du groupe Enoxy àEnichimica SpA (aujourd'hui Enichem SpA).

968.
    Dans ces circonstances, la requérante reproche à la Commission, tout d'abord, delui avoir imputé la responsabilité d'actes de la société Occidental, l'autremaison mère d'Enoxy. Toutefois, ce grief relève d'une simple affirmation que riendans la Décision ne vient étayer.

969.
    Ensuite, la requérante fait grief à la Commission de ne pas avoir également tenuOccidental pour responsable des actes d'Enoxy, dont elle était pourtant l'une desdeux maisons mères. Toutefois, dès lors que le groupe auquel appartient larequérante est demeuré présent sur le marché du PVC de janvier 1982 à octobre1983, par le biais d'une société commune à laquelle elle avait transmis son activitédans le secteur du PVC, la circonstance que la Commission n'a pas égalementpoursuivi Occidental n'exclut pas la responsabilité du groupe auquel appartient larequérante (arrêt Ahlström Osakeyhtiö e.a./Commission, précité, point 197).

970.
    Dans ces conditions, le moyen soulevé par Enichem doit également être rejeté.

2. Sur l'identification des destinataires de la Décision

Arguments des requérantes

971.
    DSM soutient, en premier lieu, que la Commission a commis une erreur de droiten adressant la Décision à DSM NV, plutôt qu'à DSM Kunststoffen. En effet, laresponsabilité de l'infraction commise avant 1983 par DSM NV devrait êtreimputée à la seule société DSM Kunststoffen, filiale à 100 % de DSM NV crééepar acte du 19 décembre 1984; c'est donc cette société qui aurait dû êtredestinataire de la Décision.

972.
    En second lieu, les requérantes soutiennent qu'elles sont victimes d'unediscrimination. En effet, la Commission aurait retenu, au profit de Shell, unargument analogue au leur (Décision, point 46). A l'inverse, la Commission lesaurait traitées de la même façon qu'Enichem et Montedison, alors que lessituations de fait sont distinctes (Décision, point 45).

973.
    En troisième lieu, selon les requérantes, la Commission a méconnu l'obligation demotivation. En effet, si elle n'est pas tenue de répondre à tous les arguments defait soulevés par les entreprises incriminées (arrêt ACF Chemiefarma/Commission,précité, point 77), elle a pourtant répondu à des griefs semblables formulés pard'autres entreprises (Décision, points 45 et 46). La motivation à l'égard desrequérantes aurait d'ailleurs dû être d'autant plus circonstanciée qu'elles avaientexplicitement soulevé ce moyen lors de la phase administrative (arrêt AWSBenelux/Commission, précité, point 27).

974.
    Enichem fait valoir que, pour qu'un groupe d'entreprises soit le destinataireapproprié d'une décision, il faut qu'il constitue une seule organisation unitaired'éléments personnels, matériels et immatériels poursuivant de façon durable le

but, notamment, de produire et de vendre un produit déterminé (arrêtShell/Commission, précité, points 312 et 313). Or, en l'espèce, il n'existerait aucunepreuve établissant le rôle d'Enichem à la tête de cet ensemble de sociétés(Décision, point 45 in fine).

975.
    En réalité, Enichem, en tant que holding, n'aurait assumé aucune responsabilité àl'égard des activités du secteur des matières thermoplastiques, dont le PVC. Lespoints 43 et 45 de la Décision seraient, à ce titre, contradictoires, au motif qu'il nepeut être affirmé qu'Enichem est, tout à la fois, responsable en qualité de principalholding d'un groupe et successeur de la société opérationnelle du même groupe.

976.
    En réalité, Enichem Anic, selon sa dénomination à compter du 27 mai 1985, seraitle seul sujet de droit qui peut représenter la continuité entre les différentes sociétésdu groupe qui ont opéré, sous différentes raisons sociales, dans le secteur du PVCjusqu'à ce que, en 1986, l'activité soit confiée à la société EVC, filiale communecréée avec ICI. Enichem Anic (sous ses diverses dénominations) aurait géré demanière autonome, par rapport à Enichem, le cycle entier de production desmatières thermoplastiques et de commercialisation directe en Italie. Par ailleurs,toutes les sociétés qui s'occupaient de la commercialisation à l'étranger des produitsd'Enichem Anic, y compris les filiales d'Enichem International, qui n'est pas unefiliale à part entière d'Enichem, l'auraient fait sur la base de contrats dedistribution ou d'agences avec Enichem Anic. Seule Enichem Anic aurait donc puêtre destinataire de la Décision.

977.
    Pour conforter son point de vue, la requérante observe que la décision du24 novembre 1987, prise en application de l'article 11, paragraphe 5, du règlementn° 17, était adressée à Enichem Anic (à l'époque Enichem Base). En outre, lavérification du 21 janvier 1987 aurait été effectuée dans les locaux de cetteentreprise. Par ailleurs, si la communication des griefs a été adressée à Enichem,ce serait uniquement parce que la Commission croyait que cette société était lasociété d'exploitation du groupe, et non en raison du fait qu'elle était un holdingdu groupe. Enfin, la requérante souligne que la décision 86/398 du 23 avril 1986,dans l'affaire du polypropylène, a été adressée à Anic SpA, c'est-à-dire à EnichemAnic, puisque telle était la dénomination de la société depuis le 27 mai 1985.

Appréciation du Tribunal

978.
    Ainsi que la Commission l'a relevé au point 44 de la Décision, si la notiond'entreprise, au sens de l'article 85, paragraphe 1, du traité, ne se confond pasnécessairement avec celle de société dotée de la personnalité juridique, il estnécessaire, pour l'application et l'exécution des décisions, d'identifier une entitédotée de la personnalité juridique qui sera destinataire de l'acte.

979.
    Dès lors que DSM est le seul auteur de l'infraction et constitue donc la seulesociété, disposant de la personnalité juridique, à laquelle l'infraction est imputée,

la question même de l'identification du destinataire ne se pose pas. Le destinatairene pouvait être que la société DSM NV, seul auteur de l'infraction.

980.
    Cette conclusion découlant de l'application directe des principes rappelés aupoint 44 de la Décision, le rappel de ceux-ci constitue une motivation suffisantedans le cas de la requérante.

981.
    Par ailleurs, dans le cas de DSM, une seule entreprise, qui subsiste juridiquement,a commis l'infraction. Ni Shell, ni Enichem, ni Montedison, ne se trouvent dans lamême situation. Dès lors, le prétendu traitement différent accordé à ces troisentreprises par la Commission, lors de la détermination du destinataire de laDécision, ne saurait constituer une discrimination à l'encontre de DSM.

982.
    Les moyens et arguments soulevés par DSM doivent, dès lors, être rejetés.

983.
    Au point 45 de la Décision, la Commission a indiqué ce qui suit: «Enichem etMontedison ont affirmé que le destinataire d'une décision devait être la société dugroupe qui assume actuellement la responsabilité des activités dans le secteur desthermoplastiques. La Commission note toutefois que, dans les deux cas, laresponsabilité commerciale est partagée par d'autres sociétés du groupe. Ainsi,alors qu'Enichem Anic SpA est responsable des ventes de PVC d'Enichem enItalie, ses opérations commerciales internationales sont dirigées par EnichemInternational SA, une société ayant son siège à Zurich, et, dans chaque Étatmembre, les ventes de PVC sont assurées par la filiale nationale d'Enichem. C'estpourquoi la Commission considère que le destinataire de la présente décision doitêtre le principal holding qui est à la tête des groupes Enichem et Montedison.»

984.
    Montedison a confirmé que, pendant la période d'infraction, elle détenaitl'intégralité du capital des sociétés Montedipe et Montepolimeri. Dans cettehypothèse, il apparaît superflu de vérifier si la requérante pouvait influencer demanière déterminante le comportement commercial de ses filiales (arrêtAEG/Commission, précité, point 50).

985.
    Dans ces conditions, la Commission a, à juste titre, adressé la Décision àMontedison.

986.
    Il y a lieu de souligner que, ainsi que le reconnaît Enichem, le moyen qu'ellesoulève «ne constitue pas une fin en soi, mais le fondement essentiel desdéveloppements ultérieurs relatifs au montant de l'amende, laquelle a évidemmentété calculée en fonction du chiffre d'affaires du holding, bien supérieur à celui dela société d'exploitation» (réplique, p. 15). Or, en l'espèce, il apparaît que, ainsiqu'elle en a le droit (notamment arrêts de la Cour du 15 juillet 1970,Boehringer/Commission, précité, point 55, et du 8 novembre 1983, IAZe.a./Commission, 96/82 à 102/82, 104/82, 105/82, 108/82 et 110/82, Rec. p. 3369,points 51 à 53), la Commission a déterminé au préalable un montant global de

l'amende, qui a ensuite été réparti entre les entreprises en fonction de la part demarché moyenne détenue par chacune et d'éventuelles circonstances atténuantesou aggravantes propres à chacune. Dès lors, sous réserve de l'application del'article 15, paragraphe 2, du règlement n° 17, fixant le seuil maximal de l'amendesusceptible d'être infligée par la Commission, le chiffre d'affaires du holding n'a pasété pris en compte pour la détermination du montant de l'amende individuelleinfligée à la requérante. Dans cette mesure, la requérante n'a pas d'intérêt àsoulever le présent moyen.

987.
    Au demeurant, ainsi qu'il ressort du point 45 de la Décision, Enichem Anic n'étaitqu'une des sociétés d'exploitation du PVC au sein du groupe ENI. Elle contrôlaitainsi des établissements de production en Italie et était en charge de lacommercialisation en Italie. D'autres sociétés du groupe, contrôlées parl'intermédiaire de la société de droit suisse Enichem International SA, étaient enrevanche responsables de la commercialisation en dehors de ce marchégéographique. On ne saurait dès lors admettre qu'une société telle qu'EnichemAnic, qui ne représente qu'une partie de l'activité PVC du groupe, soitnécessairement seule destinataire de la Décision.

988.
    En outre, il est constant que la requérante n'est qu'un holding, sans activitéopérationnelle. La requérante a confirmé que «pendant l'ensemble de la périoded'enquête, Enichem SpA [sous différentes dénominations] a continué à ne jouerque le rôle de holding des participations de l'État dans les différentes sociétésd'exploitation qui se sont succédé dans le secteur du PVC» (voir requête, p. 57).

989.
    En présence d'une telle situation, dans laquelle il existe une multitude de sociétésopérationnelles, tant en termes de production que de commercialisation, répartiesde surcroît en fonction de marchés géographiques spécifiques, la Commission necommet pas d'erreur de droit en décidant d'adresser sa décision au holding dugroupe, plutôt que, comme le voudrait la requérante, à l'une des sociétésopérationnelles du groupe.

990.
    Il est exact que, dans l'affaire polypropylène, la Commission avait adressé ladécision à Enichem Anic, et non à la requérante. Toutefois, cette seule constatationne peut conduire à la conclusion que le choix de la requérante comme personnalitéjuridique destinataire de la Décision serait nécessairement erroné. En effet, d'unepart, il n'est nullement établi que l'organisation du groupe ENI dans le secteur dupolypropylène était, à l'époque des faits, identique à celle prévalant dans le secteurdu PVC. D'autre part, en toute hypothèse, le fait que la Commission a, dans uneaffaire, adressé la décision à une société donnée ne peut la lier dans d'autresaffaires.

991.
    La circonstance qu'une décision de demande de renseignements a été adressée àEnichem Anic et qu'une procédure de vérification est intervenue au siège de cettemême entreprise n'est pas déterminante pour l'identité du destinataire de la

Décision, dès lors que, aux termes des articles 11 et 14 du règlement n° 17, touteentreprise peut faire l'objet d'une demande de renseignements ou d'une procédurede vérification.

992.
    Dès lors, le moyen doit être rejeté.

III — Sur les moyens relatifs à l'accès au dossier

A — Sur les conditions dans lesquelles la Commission a donné accès à son dossier lorsde la procédure administrative

Arguments des parties

993.
    Certaines requérantes reprochent à la Commission de ne leur avoir donné accèsqu'à une partie de son dossier administratif.

994.
    Au stade de la réplique, se fondant sur les arrêts du Tribunal du 29 juin 1995,Solvay/Commission (T-30/91, Rec. p. II-1775), et ICI/Commission, T-36/91, précité,ces requérantes confirment que, ainsi qu'elles le soutenaient dans leur requête,l'accès limité au dossier constitue la violation d'une forme substantielle affectantles droits de la défense. En effet, la seule possibilité que des documents à déchargeexistent suffirait pour constater une violation des droits de la défense, qui nepourrait être régularisée par le Tribunal dans le cadre de son contrôle juridictionnel(arrêts du 29 juin 1995, Solvay/Commission, T-30/91, précité, point 98, etICI/Commission, T-36/91, précité, point 108). Dès lors, la Décision devrait êtreannulée.

995.
    Dans son mémoire en défense, dans les différentes affaires, la Commission arappelé que le point 27 de la Décision expose les raisons pour lesquelles ellen'avait pas accueilli les demandes des entreprises, formées durant la procédureadministrative, d'avoir pleinement accès au dossier.

996.
    Confirmant les raisons ainsi invoquées, elle soutient avoir donné régulièrementaccès à son dossier administratif.

997.
    Ainsi, la jurisprudence ne reconnaîtrait pas un droit absolu d'accès à ce dossier(arrêts de la Cour VBVB et VBBB/Commission, précité, et du 3 juillet 1991,AKZO/Commission, C-62/86, Rec. p. I-3359; arrêt du Tribunal du 1er avril 1993,BPB Industries et British Gypsum/Commission, T-65/89, Rec. p. II-389). Dans lamesure où le moyen des requérantes consisterait à demander un tel accès intégral,il serait donc non fondé.

998.
    La Commission ne serait tenue de donner accès qu'à l'ensemble des pièces surlesquelles s'appuient ses conclusions. Or, non seulement tel aurait été le cas enl'espèce, mais la Commission serait même allée au-delà de ces exigences en

adressant à ces entreprises, le 3 mai 1988, des pièces supplémentaires qui, à sonavis, étaient susceptibles d'être utiles à la défense (Décision, point 27, dernieralinéa, in fine).

999.
    Dans certaines affaires, la Commission conteste le principe posé par le Tribunaldans l'arrêt du 17 décembre 1991, Hercules Chemicals/Commission (T-7/89, Rec.p. II-1711), selon lequel elle est tenue de respecter les principes qu'elle a elle-même fixés dans le Douzième Rapport sur la politique de concurrence et, enconséquence, de divulguer, au-delà des documents à charge, les pièces de sondossier administratif, sous certaines réserves.

1000.
    Les requérantes n'auraient pas démontré la mauvaise foi des agents de laCommission.

1001.
    Si des documents utiles à la défense existaient dans le dossier des autresentreprises, l'entreprise dont ils émanaient s'en serait prévalue.

1002.
    De surcroît, les requérantes auraient été autorisées à procéder à un échange desdocuments entre elles, sur le fondement d'une levée réciproque de confidentialité,sous réserve toutefois qu'un tel échange ne porte pas sur des donnéescommerciales sensibles, dont l'échange pourrait constituer une restriction deconcurrence (voir Décision, point 27, troisième alinéa).

1003.
    La Commission rappelle, enfin, le caractère confidentiel des documents quecomportait son dossier administratif. S'agissant de documents commerciaux internesà chaque entreprise, il résulterait tant de l'article 214 du traité que de l'article 20,paragraphe 2, du règlement n° 17 qu'elle était tenue de ne pas les divulguer. Audemeurant, la Commission a fourni, durant la procédure administrative, une listedes pièces que contient le dossier.

1004.
    Les entreprises devraient, à tout le moins, identifier les pièces qu'elles considèrentcomme susceptibles d'être utiles à leur défense.

1005.
    Au stade de la duplique, la Commission fait observer que les arrêts du 29 juin1995, Solvay/Commission, T-30/91, et ICI/Commission, T-36/91, précités, confirmentqu'il n'existe pas un droit absolu d'accès au dossier administratif. En particulier, lesentreprises ne peuvent avoir un droit d'accès ni aux documents comportant dessecrets d'affaires ou d'autres informations confidentielles ni aux documents internesde la Commission. Dans ces conditions, ce serait à juste titre que n'ont pas étédivulgués aux entreprises les documents commerciaux émanant de chacune d'elles.

1006.
    La Commission relève que la distinction entre documents à charge et à déchargeest déterminante. Tandis que l'éventuel défaut d'accès à des documents à chargen'entraînerait que l'élimination de ces documents en tant que moyen de preuve(arrêt du 29 juin 1995, ICI/Commission, T-37/91, précité, point 71), le défaut

d'accès à des documents à décharge aurait pour conséquence l'illégalité de ladécision, le Tribunal ne pouvant régulariser la violation des droits de la défenseintervenue au stade de la procédure administrative (arrêt du 29 juin 1995,Solvay/Commission, T-30/91, précité, point 98).

1007.
    Toutefois, afin de déterminer s'il existe des pièces à décharge dans les documentsnon divulgués, il ne suffirait pas d'affirmer qu'une telle possibilité existe, mais ilconviendrait de procéder à une sorte d'examen de plausibilité. Or, en l'absence descirconstances propres aux arrêts précités du 29 juin 1995 dans les affaires T-30/91et T-36/91, à savoir, d'une part, la constatation d'infractions reposant sur descomportements parallèles, et non sur des preuves directes, et, d'autre part, le faitque les entreprises concernées au titre de l'article 85 du traité s'étaient vu en outrereprocher un abus de position dominante, rien n'indiquerait que, dans les piècesnon communiquées, il ait pu se trouver des documents éventuellement à décharge.

1008.
    La Commission conclut que le seul défaut de communication de pièces lors de laprocédure administrative ne peut, en lui-même, conduire à l'annulation de laDécision.

Appréciation du Tribunal

1009.
    A titre liminaire, il convient de relever que Montedison n'a pas, dans sa requête,soulevé de moyen relatif à l'accès au dossier.

1010.
    Il est constant entre les parties que, lors de la procédure administrative, laCommission n'a octroyé l'accès qu'à une partie de son dossier administratif. Ainsi,outre les documents issus de ses propres services, chaque requérante a disposé del'ensemble des pièces sur lesquelles la Commission appuyait ses conclusions etd'une série d'autres documents, adressés par lettre du 3 mai 1988.

1011.
    L'accès au dossier dans les affaires de concurrence a pour objet de permettre auxdestinataires d'une communication des griefs de prendre connaissance des élémentsde preuve figurant dans le dossier de la Commission, afin qu'ils puissent seprononcer utilement, sur la base de ces éléments, sur les conclusions auxquelles laCommission est parvenue dans sa communication des griefs. L'accès au dossierrelève ainsi des garanties procédurales visant à protéger les droits de la défense.Or, le respect de ces droits dans toute procédure susceptible d'aboutir à dessanctions constitue un principe fondamental du droit communautaire, qui doit êtreobservé en toutes circonstances, même s'il s'agit d'une procédure de caractèreadministratif. Le respect effectif de ce principe exige que l'entreprise ait été miseen mesure, dès le stade de la procédure administrative, de faire connaître utilementson point de vue sur la réalité et la pertinence des faits, griefs et circonstancesallégués par la Commission (arrêts du Tribunal du 29 juin 1995,Solvay/Commission, T-30/91, précité, point 59, ICI/Commission, T-36/91, précité,point 69, ICI/Commission, T-37/91, précité, point 49, et la jurisprudence citée).

1012.
    A ce titre, dans le cadre de la procédure contradictoire organisée par le règlementn° 17, il ne saurait appartenir à la seule Commission de décider quels sont lesdocuments utiles à la défense (arrêts du 29 juin 1995, Solvay/Commission, T-30/91,précité, point 81, et ICI/Commission, T-36/91, précité, point 91). Eu égard auprincipe général d'égalité des armes, il ne saurait être admis que la Commissionpuisse décider seule d'utiliser ou non des documents contre les requérantes, alorsque celles-ci n'y ont pas eu accès et n'ont donc pas pu prendre la décisioncorrespondante de les utiliser ou non pour leur défense (arrêts du 29 juin 1995,Solvay/Commission, T-30/91, précité, point 83, et ICI/Commission, T-36/91, précité,point 93).

1013.
    En outre, une éventuelle violation des droits de la défense a un caractère objectifet ne dépend pas de la bonne ou de la mauvaise foi des fonctionnaires de laCommission (arrêts du 29 juin 1995, Solvay/Commission, T-30/91, précité, point 84,et ICI/Commission, T-36/91, précité, point 94).

1014.
    Par ailleurs, la défense d'une entreprise ne peut pas dépendre de la bonne volontéd'une autre entreprise qui est censée être sa concurrente et contre laquelle desreproches similaires ont été soulevés par la Commission. L'instruction corrected'une affaire de concurrence étant à la charge de la Commission, celle-ci ne peutla déléguer aux entreprises dont les intérêts économiques et procéduraux sontsouvent opposés. En conséquence, il est sans pertinence, au regard de la violationdes droits de la défense, que les entreprises mises en cause aient été autorisées àprocéder à un échange de documents. En effet, une telle coopération desentreprises, par ailleurs aléatoire, ne peut en aucun cas éliminer le devoir de laCommission de garantir elle-même, pendant l'instruction d'une infraction au droitde la concurrence, le respect des droits de la défense des entreprises concernées(arrêt Solvay/Commission, T-30/91, précité, points 85 et 86, et ICI/Commission,T-36/91, précité, points 95 et 96).

1015.
    Toutefois, ainsi que la Commission l'a souligné, l'accès au dossier ne sauraits'étendre aux documents internes de l'institution, aux secrets d'affaires d'autresentreprises et aux autres informations confidentielles (arrêt BPB Industries etBritish Gypsum/Commission, point 29).

1016.
    A cet égard, il y a lieu de rappeler que, selon un principe général qui s'appliquependant le déroulement de la procédure administrative et dont l'article 214 dutraité et diverses dispositions du règlement n° 17 constituent l'expression, lesentreprises ont droit à la protection de leurs secrets d'affaires. Toutefois, ce droitdoit être mis en balance avec la garantie des droits de la défense (arrêts du 29 juin1995, Solvay/Commission, T-30/91, précité, point 88, et ICI/Commission, T-36/91,précité, point 98).

1017.
    Dans ces conditions, la Commission ne saurait se référer, de manière générale, àla confidentialité pour justifier le refus total de divulgation des pièces de son

dossier. En l'espèce, elle ne soutient d'ailleurs pas sérieusement que l'intégralité desinformations contenues dans ces pièces étaient couvertes par la confidentialité. Dèslors, la Commission était en mesure de préparer, ou de faire préparer, une versionnon confidentielle des documents en cause ou, le cas échéant, si cela s'avéraitdifficile, d'établir une liste des documents concernés suffisamment précise pourpermettre à l'entreprise de déterminer, en connaissance de cause, si les documentsdécrits étaient susceptibles d'être pertinents pour sa défense (arrêts du 29 juin1995, Solvay/Commission, T-30/91, précité, points 89 à 95, et ICI/Commission,T-36/91, points 99 à 105).

1018.
    En l'espèce, force est de constater qu'aucune version non confidentielle desdocuments en cause n'a été préparée. Par ailleurs, si la Commission a effectivementfourni aux requérantes une liste des documents que contenait son dossier, cetteliste ne présentait aucune utilité pour les requérantes. En effet, elle se bornait àindiquer l'entreprise dont étaient issues, de manière globale, les pagescorrespondantes du dossier administratif.

1019.
    Au vu de l'ensemble de ces éléments, il y a lieu de conclure que, lors de laprocédure administrative dans la présente affaire, la Commission n'a pasrégulièrement donné accès au dossier aux requérantes.

1020.
    Toutefois, cette circonstance ne saurait, en elle-même, conduire à l'annulation dela Décision.

1021.
    En effet, une violation alléguée des droits de la défense doit être examinée enfonction des circonstances de chaque cas d'espèce, en ce qu'elle dépendessentiellement des griefs retenus par la Commission pour établir l'infractionreprochée à l'entreprise concernée. Ainsi, il s'agit de vérifier si les possibilités dedéfense de la requérante ont été affectées par les conditions dans lesquelles ellea eu accès au dossier administratif de la Commission. A cet égard, pour constaterune violation des droits de la défense, il suffit qu'il soit établi que la non-divulgationdes documents en question a pu influencer, au détriment de la requérante, ledéroulement de la procédure et le contenu de la décision (arrêts du 29 juin 1995,Solvay/Commission, T-30/91, précité, points 60 et 68, et ICI/Commission, T-36/91,précité, points 70 et 78; voir également, dans le domaine des aides d'État, arrêt du11 novembre 1987, France/Commission, point 13).

1022.
    Si tel était le cas, la procédure administrative serait viciée et la Décision devraitêtre annulée. En effet, la violation des droits de la défense intervenue au stade dela procédure administrative ne saurait être régularisée lors de la procédure devantle Tribunal, qui se limite à un contrôle juridictionnel dans le seul cadre des moyenssoulevés et qui ne peut donc pas remplacer une instruction complète de l'affairedans le cadre d'une procédure administrative. En effet, si les requérantes avaientpu se prévaloir, lors de la procédure administrative, des documents susceptibles deles disculper, elles auraient éventuellement pu influencer les appréciations portées

par le collège des membres de la Commission (arrêts du 29 juin 1995,Solvay/Commission, T-30/91, précité, point 98, et ICI/Commission, T-36/91, précité,point 108).

1023.
    Par lettre du 7 mai 1997, dans le cadre des mesures d'organisation de la procédureet sous réserve de l'appréciation des moyens invoqués par les requérantes, leTribunal a décidé d'accorder à chacune d'entre elles l'accès au dossier de laCommission, à l'exception des documents internes de la Commission et dedocuments comportant des secrets d'affaires ou d'autres informationsconfidentielles. Il a invité les parties à lui faire connaître toute informationconfidentielle qui pourrait subsister dans le dossier. Enfin, les requérantes qui lesouhaitaient ont été invitées à présenter, pour le 31 juillet 1997, des observationsprécises, motivées et aussi brèves que possible, en vue de démontrer en quoi, selonelles, le défaut de communication de ces pièces avait pu affecter leur défense. Lesrequérantes devaient soumettre une copie des pièces auxquelles elles seréféreraient.

1024.
    Aucune des requérantes n'a soulevé de problème de confidentialité.

1025.
    Afin de tenir compte des délais nécessaires à la Commission pour s'assurer auprèsd'entreprises tierces que des pièces issues de celles-ci ne seraient pas couvertes parla confidentialité, et en considération de la demande du conseil de BASF, fondéesur d'impérieux motifs personnels, le Tribunal a prorogé le délai octroyé auxrequérantes pour déposer leurs observations sur les pièces qu'elles avaientconsultées jusqu'au 31 août 1997, puis jusqu'au 22 septembre 1997.

1026.
    Ainsi qu'il a déjà été relevé, seules Wacker et Hoechst n'ont pas répondu àl'invitation du Tribunal et n'ont donc pas déposé d'observations au greffe duTribunal. A l'audience, le conseil de ces deux requérantes a indiqué que descontraintes personnelles l'avaient empêché de consulter le dossier de laCommission et de déposer des observations. Toutefois, le Tribunal constate qu'iln'a, à aucun moment, été saisi d'une demande de prorogation de délai à ce titreet que Wacker et Hoechst n'ont, à aucun moment, déposé d'observations. Dans cesconditions, il y a lieu de considérer que ces deux requérantes ne sont pas parvenuesà démontrer que l'absence de communication de pièces pendant la procédureadministrative a violé leurs droits de la défense.

1027.
    La Commission a déposé ses observations le 12 décembre 1997.

1028.
    En outre, ainsi qu'il a déjà été relevé, Montedison n'avait pas soulevé de moyensrelatifs à l'accès au dossier administratif. Dès lors, il n'y a pas lieu de tenir comptedes observations déposées par cette requérante.

1029.
    Il convient, dans ces conditions, d'examiner la portée des observations présentéespar les neuf autres requérantes à la suite de la mesure d'organisation de laprocédure décidée par le Tribunal.

B — Sur les observations déposées dans le cadre de la mesure d'organisation de laprocédure

Arguments des requérantes

1030.
    Les neuf requérantes qui ont valablement soumis des observations ont produit unesérie de pièces dont le défaut de divulgation aurait pu, selon elles, affecter leursdroits de la défense.

1031.
    Certaines requérantes soulignent que non seulement la Commission ne leur a pasdonné accès au dossier lors de la procédure administrative, mais qu'en outre elleavait délibérément obscurci certains passages des pièces qu'elle avaitcommuniquées. Or, ces passages comporteraient des commentaires qui auraient pusoutenir les thèses des requérantes.

1032.
    Certaines requérantes font valoir également que, compte tenu du temps écoulé, iln'est plus possible de procéder à un examen effectif des pièces qu'elles ont puconsulter.

1033.
    D'autres enfin observent que les pièces auxquelles elles se réfèrent suffisent déjàà démontrer en quoi leurs droits de la défense ont pu être affectés, mais qued'autres documents auraient pu également être produits pour soutenir cetteconclusion.

1034.
    DSM et LVM demandent par ailleurs au Tribunal d'ordonner la production descomptes rendus de vérifications opérées par la Commission au siège desentreprises.

Appréciation du Tribunal

1035.
    A titre liminaire, il y a lieu de relever que le présent contrôle a pour objet devérifier si le défaut de divulgation de pièces ou d'extraits de pièces a pu affecterles possibilités de défense des requérantes. La circonstance que des passages depièces, révélés depuis lors, avaient été initialement obscurcis par la Commission lorsde la procédure administrative ne modifie pas la portée du contrôle opéré par leTribunal. A cet égard, il convient de rappeler qu'une éventuelle violation des droitsde la défense a un caractère objectif et ne dépend pas de la bonne ou de lamauvaise foi des fonctionnaires de la Commission.

1036.
    Par ailleurs, les requérantes ont disposé d'un délai de près de trois mois pourconsulter le dossier de la Commission et déposer leurs observations. Dès lors qu'il

appartient aux entreprises qui se sont prévalues d'un accès incomplet au dossieradministratif de démontrer en quoi leurs droits de la défense auraient été affectés,ce pour quoi elles ont disposé d'un délai suffisant, il y a lieu de ne prendre encompte que les pièces qu'elles ont produites. Les requérantes ne peuvent utilementse limiter à se référer à l'absence d'exhaustivité des documents qu'elles ontidentifiés dans leurs observations et joints à celles-ci.

1037.
    Enfin, l'examen auquel il doit être procédé présente un caractère objectif, auregard des conclusions retenues par la Commission dans sa Décision. L'anciennetédes documents en cause ne saurait dès lors constituer un obstacle à la recherched'une éventuelle violation des droits de la défense.

1038.
    Dans les circonstances de l'espèce, il convient d'examiner simultanément lesobservations des requérantes.

1039.
    A cet égard, en premier lieu, les requérantes ne sauraient se prévaloir de piècesou d'extraits de pièces dont elles disposaient déjà lors de la procédureadministrative. Tel est en particulier le cas des documents annexés à lacommunication des griefs ou à la lettre de la Commission du 3 mai 1988. En effet,l'objet même de la mesure d'organisation de la procédure décidée par le Tribunalest d'examiner si des pièces non divulguées aux requérantes lors de la procédureadministrative auraient pu, si elles avaient été communiquées, affecter lesconclusions de la Commission. Cette réserve ne s'applique toutefois pas aux piècesdéjà communiquées, lorsque les requérantes se prévalent d'extraits qui avaient étéoccultés. Doivent ainsi être exclues les annexes 9, 10, 11, 15, 21 et 23 auxobservations de DSM et de LVM, 4 et 6 à celles d'Elf Atochem, 134 à celles deBASF, 10 à celles de la SAV, 13 à celles d'ICI, 12, 15 et 26 à celles de Hüls, et 9,26 et 28 à celles d'Enichem.

1040.
    En deuxième lieu, aux fins du présent examen, doivent également être écartés lespièces et extraits de pièces dont se prévalent les requérantes, alors qu'ilsconcernent une période antérieure à l'origine de l'entente ou postérieure à la datede fin de l'infraction prise en compte par la Commission pour la détermination dumontant de l'amende. A cette fin, ce n'est pas la date du document qui importe,mais bien la pertinence de l'extrait invoqué par les requérantes au regard de lapériode d'infraction. Dans ces conditions, doivent être écartées les annexes 8, 16à 18 et 23 à 29 aux observations de DSM et de LVM, 2 et 3 à celles d'ElfAtochem, 132 à 138, 141 et 142 à celles de BASF, 1, 2, 6 à 9 et 11 à celles de laSAV, 18, 25, 27 et 34 à celles de Hüls, et 1, 11, 15, 26, 32 (4), 40, 45, 54 (2) et (3)à celles d'Enichem.

1041.
    En troisième lieu, certains documents invoqués par les parties ne concernent pasles griefs formulés par la Commission. Leur défaut de divulgation ne saurait dèslors avoir affecté les possibilités de défense des entreprises. Tel est le cas dedocuments concernant les marchés des pays tiers (voir Décision, point 39, note de

bas de page n° 1) ou les ventes de produits dérivés (notamment annexes 7 auxobservations d'Elf Atochem et 3 et 4 à celles de la SAV).

1042.
    De même, les requérantes mentionnent certains documents faisant état deconsignes de prix données oralement; dès lors, cela contredirait la thèse de laCommission selon laquelle le fait même qu'il n'existe pas de consignes écrites, pourplusieurs des producteurs, prouverait que ceux-ci avaient «quelque chose» àcacher. Toutefois, si la Commission a effectivement constaté l'absence dedocuments sur les prix dans certaines entreprises et contesté qu'aucun objectif deprix n'ait pu être fixé par écrit, elle n'en a pas pour autant conclu que cetteabsence prouvait la participation de ces entreprises aux initiatives de prix (voirDécision, point 20). Les pièces invoquées par les requérantes à cet égard n'ontdonc pas de pertinence. Au demeurant, le Tribunal relève que les requérantes nefont qu'une lecture partielle de ces documents, qui indiquent explicitement que lesinstructions orales seront complétées par l'envoi de tarifs écrits (en particulier,annexes 30 aux observations de DSM et de LVM et 41 à celles d'Enichem).

1043.
    Il convient dès lors d'examiner les autres pièces produites par les requérantes.

1044.
    D'une façon générale, certaines requérantes soulignent le fait que les documentsqu'elles produisent ne font aucune référence à l'existence d'un accord ou d'unepratique concertée entre les entreprises (annexes 19 et 31 aux observations deDSM et de LVM et 135 à celles de BASF). Toutefois, le silence de documents nesaurait être regardé comme étant de nature à modifier les conclusions de laCommission, fondées sur des preuves documentaires. Tel est en particulier le casde communiqués de presse ou de lettres adressées par un producteur à ses clients,pour annoncer une augmentation de prix. En effet, on ne peut s'attendre à ce quede tels documents indiquent que cette augmentation intervient en concertation avecd'autres producteurs.

1045.
    De même, les requérantes se réfèrent à trois documents internes de Shell, intitulés«business plans» des 12 juillet 1982, 19 avril 1983 et 4 novembre 1983 et couvrantrespectivement les périodes 1982/1986, 1983/1987 et 1984/1987 (annexes 1 à 3 auxobservations de DSM et de LVM, et 1 et 2 à celles d'ICI). Indépendamment de laconfidentialité qui s'attachait à ces documents à l'époque de la procédureadministrative, il y a lieu de relever que le fait que ces documents ne mentionnentpas l'existence d'une infraction à l'article 85 du traité ne saurait être regardécomme susceptible de mettre en cause les preuves documentaires produites par laCommission. Ces documents concernent, par nature, des prévisions de marché pourle futur. Les références à une «pression concurrentielle» prévue ou l'hypothèse(«underlying assumption») d'une politique de prix pleinement concurrentielle nepeuvent affecter les conclusions de la Commission fondées sur des documentspostérieurs contemporains aux faits reprochés, qui établissent l'existenced'initiatives de prix en 1983 et en 1984, auxquelles Shell a notamment participé.

1046.
    Certaines requérantes relèvent que quelques pièces illustrent la situation desurcapacité du marché, les pertes subies par les producteurs à l'époque des faits etla restructuration de certaines d'entre elles (par exemple, annexes 139 auxobservations de BASF et 13 à celles de Hüls).

1047.
    Toutefois, la Commission a pleinement tenu compte de la situation du marché etdes entreprises (Décision, points 5 et 36), y compris lors de la détermination dumontant de l'amende (Décision, point 52, deuxième alinéa). En outre, il y a lieu derappeler que ces circonstances ne sont pas de nature, en elles-mêmes, à exclurel'application de l'article 85 du traité (voir ci-dessus point 740).

1048.
    LVM et DSM se prévalent d'un document manuscrit de 1983, qui contenait latranscription des annotations manuscrites portées sur les documents de planification(annexe 6 à leurs observations). Toutefois, elles n'expliquent pas en quoi cesannotations, qui avaient été fournies aux requérantes lors de l'audition devant laCommission en septembre 1988 (voir ci-dessus points 503 à 505), affecteraient lesens des documents de planification.

1049.
    Les requérantes se prévalent ensuite de pièces qui contrediraient directement lavaleur probante de celles produites par la Commission à l'appui de ses conclusions.

1050.
    Ainsi, certains documents montreraient que le terme «compensation» n'a pas lesens que lui prête la Commission dans la Décision (notamment annexe 5 auxobservations d'Elf Atochem et 11 à celles d'ICI). Toutefois, l'utilisation d'un mêmeterme dans des contextes manifestement différents ne peut être de nature àremettre en cause les conclusions de la Commission. A cet égard, il y a lieu derappeler que l'existence d'un mécanisme de compensation, tel que la Commissionl'a identifié dans la Décision, résulte explicitement des documents partage dufardeau et Alcudia (voir ci-dessus points 588 à 593). C'est également ce qui ressorttant du libellé du document DSM que du rapprochement de ce document avec lesdeux précédents (voir ci-dessus points 594 à 598).

1051.
    En outre, Elf Atochem renvoie à un document montrant l'évolution des parts demarché de Shell en 1981, ce qui serait incompatible avec un système decompensations entre producteurs (annexe 1 aux observations de la requérante).Toutefois, il ressort de la Décision que Shell était précisément l'unique producteurqui n'a pas participé à ce mécanisme et que la Commission n'a retenu laparticipation de Shell à l'infraction qu'à compter de 1982.

1052.
    DSM, LVM et Enichem se prévalent également de tableaux joints à la réponsed'ICI à une demande de renseignements (annexes 37 aux observations de DSM etde LVM et 37 à 39 à celles d'Enichem). Si cette réponse du 5 juin 1984 était jointeen annexe 4 à la communication des griefs, en revanche, les tableaux en cause,comportant les prix cibles internes d'ICI de septembre 1980 à décembre 1983, parmarché national, avaient été supprimés. Or, les requérantes soulignent que ces

tableaux révèlent l'existence de prix cibles distincts de ceux identifiés par laCommission dans sa Décision. Ces différences remettraient en cause le caractèreconcerté des initiatives de prix.

1053.
    Toutefois, il convient de rappeler que les tableaux en question avaient été établisaux fins de la procédure de constatation de l'infraction. La circonstance qu'ICIaffirme qu'il s'agissait d'initiatives de prix internes de l'entreprise ne peut dès lorsêtre de nature à affecter les conclusions de la Commission au regard des piècesqu'elle a produites. Indépendamment de la question des taux de change utilisés parEnichem pour convertir en marks allemands — monnaie dans laquelle les initiativessont libellées dans les tableaux joints à la Décision — les prix cibles déclarés parICI — qui étaient libellés en monnaie nationale —, il y a lieu de relever que lesrequérantes ignorent les commentaires et réserves qu'ICI avait elle-même formulésen préambule à ces tableaux. Ainsi ICI indiquait-elle, d'une part, que les prixétaient ceux pratiqués à l'égard de clients de «second rang», d'autre part, quel'absence d'indication d'une initiative de prix pour un mois donné ne signifiait pasqu'il n'y en ait pas eu, mais qu'il n'en existait plus de traces écrites. De fait, ilapparaît que ces tableaux ne mentionnent pas des initiatives de prix qui ressortentpourtant explicitement des documents issus de cette entreprise et annexés à lacommunication des griefs. En outre, les différences relevées par Enichem reposentsur l'indication, par ICI, des prix aux clients de «second rang», mais sontcontredites si l'on tient compte des prix aux clients principaux, tels qu'ils sontindiqués dans les annexes à la communication des griefs.

1054.
    Hüls invoque une lettre d'ICI du 7 mars 1983, qui remettrait en causel'interprétation donnée à l'annexe P45 à la communication des griefs, du 6 avril1983, relative à l'initiative de prix, en deux temps, des 1er avril et 1er mai 1983(annexe 11 aux observations de Hüls). En effet, cette lettre montrerait qu'ICI a fixéses prix de manière individuelle, en fonction notamment de l'état de la demandesur le marché, en courant le risque d'une perte de clients.

1055.
    A cet égard, il y a lieu de rappeler, tout d'abord, que l'existence de l'initiativecommune en cause a été établie au vu de plusieurs pièces (notamment annexes 42et P42 à P53 à la communication des griefs), et non de la seule pièce P45. Enoutre, la Commission a établi l'existence d'une réunion entre producteurs à Parisle 2 mars 1983, au cours de laquelle ont été discutés tant les volumes de ventes quele niveau des prix. Par ailleurs, Hüls a également produit un telex d'ICI du 4 mars1983 (annexe 10 aux observations de cette requérante), d'où il ressort qu'ICI adécidé une action ferme destinée à porter les prix à 1,50 DM/kg à compter du1er avril. Ainsi, deux jours après la réunion de Paris, ICI a décidé une augmentationde prix dont la date et le niveau correspondent à ceux de l'initiative identifiée parla Commission dans la Décision. Enfin, un autre télex d'ICI du début mars 1983(annexe 19 aux observations de Hüls) se réfère non seulement à l'initiative de prixdu 1er avril 1983, mais également à celle du 1er mai 1983 destinée à porter le prixà un niveau minimal de 1,65 DM/kg. Ceci doit être rapproché également de

l'annexe P43 à la communication des griefs, non datée mais, au vu de son contenu,antérieure au lundi 7 mars 1983. Or, ce document indiquait déjà la décision d'uneinitiative de prix à compter du 1er avril et du 1er mai 1983, avec mention des prixcibles.

1056.
    Dans ces conditions, la lettre d'ICI du 7 mars 1983, signée par le représentant d'ICIaux réunions entre producteurs, loin d'affecter les conclusions de la Commission,les conforte au contraire. Si l'auteur s'interroge sur les chances de succès de cetteinitiative, compte tenu de l'échec de l'initiative précédente du 1er janvier 1983, quia été également identifiée par la Commission dans la Décision, ceci ne remet pasen cause le fait qu'elle était le résultat d'une concertation entre les producteursintervenue cinq jours plus tôt à Paris.

1057.
    DSM, LVM (annexe 30 à leurs observations respectives) et Hüls (annexe 20 à sesobservations) se prévalent également d'un document d'ICI du 19 avril 1983, quiétablirait que cette entreprise n'a été informée de l'initiative de prix qu'au vu desinformations obtenues sur le marché. Toutefois, les requérantes ignorent le fait quedès les premiers jours du mois de mars, c'est-à-dire immédiatement après laréunion des producteurs du 2 mars 1983 à Paris, ICI était déjà informée de la dateet du niveau de l'initiative du 1er mai 1983 (voir ci-dessus point 1055). Le documentdu 19 avril 1983 renvoie d'ailleurs lui-même à une précédente lettre du 10 mars1983.

1058.
    Enichem produit en outre une série de pièces qui remettraient en cause laconclusion de la Commission selon laquelle les initiatives étaient fixées en marksallemands pour être ensuite converties en monnaie nationale. Cette discussion n'atoutefois pas de portée. D'une part, il ressort des annexes P1 à P70 que les prixcibles européens étaient effectivement convenus en marks allemands. Larequérante s'est d'ailleurs elle-même prévalue d'extraits de nombreux documentsqui confirment cet état de fait (par exemple, annexes 2 et 36 à ses observations).D'autre part, il est évident que, en vue de leur mise en oeuvre, ces prix devaientêtre convertis en monnaie nationale. Enfin, la Commission n'a jamais prétendu queles initiatives de prix avaient eu pour effet d'assurer que les prix effectivementpratiqués sur chaque marché national soient identiques.

1059.
    Certaines pièces montreraient que les entreprises étaient informées par leurs clientsou la presse professionnelle des initiatives de prix des autres producteurs (annexes31 et 33 aux observations de DSM et de LVM, 140 à celles de BASF, 9 et 33 àcelles de Hüls, 3 à 6 et 10 à 12 à celles d'Enichem). Toutefois, ces pièces nepermettent pas de déduire que les entreprises n'auraient été informées que par cesvoies de l'existence d'une initiative de prix. En revanche, elles sont en cohérenceavec l'idée selon laquelle les requérantes cherchaient à vérifier, auprès des clientsou à travers la presse professionnelle, si les concurrents avaient effectivementannoncé une augmentation des prix et s'ils l'avaient mise en oeuvre à la dateprévue — ce qui ressortait également de pièces déjà communiquées dans les annexes

P1 à P70. Compte tenu du fait que ces initiatives n'étaient souvent pas suivies auniveau requis, cette information permettait surtout à chacun de s'assurer des suitesd'une initiative et d'adopter sa politique au regard de la réussite ou de l'échec, totalou partiel, d'une initiative.

1060.
    Les autres pièces invoquées par les requérantes tendraient à démontrer la viveconcurrence que connaissait le marché du PVC pendant la période d'infraction, cequi serait tout à fait incompatible avec les conclusions de la Commission. Enparticulier, les requérantes se réfèrent à des documents qui identifient desconcurrents «agressifs», ou encore qui soulignent la présence de conditionséconomiques favorables ou non à une augmentation des prix, ce qui signifieraitbien que les initiatives n'étaient pas concertées, mais décidées unilatéralement auvu de l'état du marché.

1061.
    Ces pièces ne visent pas à remettre en cause directement d'autres fournies par laCommission à l'appui de ses conclusions, mais à démontrer l'existence d'une viveconcurrence incompatible avec celles-ci.

1062.
    Toutefois, il ressort de la Décision que ces circonstances ont été pleinement prisesen compte. Ainsi la Commission ne prétend-elle pas que les prix aient connu uneaugmentation constante durant la période d'infraction, ni même qu'ils soient restésstables au cours de cette période. Bien au contraire, les tableaux annexés à laDécision montrent que les prix n'ont cessé de fluctuer, atteignant leur plus basniveau au premier trimestre de 1982. La Commission a ainsi explicitement reconnuque les initiatives de prix avaient connu un succès mitigé et qu'elles étaient parfoisconsidérées comme des échecs (Décision, points 22 et 36 à 38). Elle a égalementindiqué certaines des raisons de ces résultats: outre les éléments extérieurs auxproducteurs (achats anticipés des consommateurs, importations de pays tiers, chutede la demande, en particulier en 1981 et en 1982, rabais spéciaux...), elle a relevéque certains producteurs ont parfois donné une préférence à leurs volumes deventes au détriment des prix (Décision, points 22 et 38) et que, compte tenu descaractéristiques du marché, il aurait été vain de tenter des initiatives de prixconcertées si les conditions n'avaient pas été propices à une majoration (Décision,point 38). La Commission n'a en outre pas ignoré l'existence de comportements«agressifs» de certaines entreprises (Décision, point 22). De même, elle a soulignéque les documents partage du fardeau, Alcudia et DSM, s'ils attestent l'existenced'un mécanisme de compensation entre producteurs, permettent également deconclure que ces mécanismes n'ont pas correctement fonctionné (Décision,point 11). C'est au regard de l'ensemble de ces considérations que la Commissiona déterminé le montant de l'amende infligée aux requérantes.

1063.
    Au demeurant, il convient de relever que tant les annexes P1 à P70 que lesdocuments envoyés par la Commission aux parties en mai 1988 fournissaient déjàune base documentaire abondante permettant aux requérantes de soutenir, comme

elles l'ont d'ailleurs fait, l'existence des circonstances dont elles se prévalentaujourd'hui.

1064.
    Il importe enfin de relever que, au-delà des extraits dont se prévalent lesrequérantes, certaines des pièces produites, lues dans leur ensemble ou en liaisonavec les pièces annexées à la communication des griefs, confortent au contraire lesconclusions de la Commission.

1065.
    Ainsi, il apparaît que des concurrents dénoncés comme agressifs à une date donnéesoutenaient au contraire l'initiative de prix précédente ou suivante. Ainsi ICI seprévaut-elle d'un document de Shell de juillet 1982, dans lequel elle est décritecomme un probable concurrent agressif (annexe 4 à ses observations); pourtant,l'annexe P37 à la communication des griefs, issue d'ICI, témoigne du fort soutienapporté par cette entreprise à l'initiative de prix de septembre 1982. Uneconstatation identique ressort du rapprochement de l'annexe 12 aux observationsd'ICI avec les annexes P38 et P40 à la communication des griefs. En ce quiconcerne DSM, la même conclusion ressort, notamment, des annexes P5, P13, P28et P41 à la communication des griefs.

1066.
    De même, par exemple, dans une note interne de Wacker, du 7 juin 1982 (annexes7 aux observations de Shell, 5 à celles de la SAV, et 14 à celles d'ICI), l'auteur,après avoir souligné la chute des prix catastrophique, indique — extrait dont seprévalent les requérantes: «Gain de parts de marché [en Allemagne, pour lapériode de janvier à mai 1982] important: Shell et Enoxy; gain de parts de marchémoyen: DSM, [la] SAV, PCUK; pertes au dessus de la moyenne, outre Wacker:Hoechst, Orgavyl et CWH, ainsi que BASF.» Toutefois, à la ligne suivante, l'auteurpoursuit: «Depuis mai, des efforts sont en cours en vue d'assainir les prix du PVChomopolymère.» Ces efforts, prétendument individuels dans un marchéconcurrentiel, consistaient à fixer, pour le 1er mai 1982, un prix cible supérieur de35 % au prix du marché, puis, pour le 1er juin 1982, un prix cible supérieur de plusde 10 % à la cible précédente (soit respectivement des prix de 1,35 DM/kg et de1,50 DM/kg, correspondant au montant des prix cibles identifiés par la Commissionà ces dates). Ceci est à rapprocher de l'annexe P25 à la communication des griefs,également issue de Wacker, dans laquelle l'auteur, en dépit de cette haussesubstantielle dans le contexte concurrentiel décrit par les requérantes, ajoute: «Lechiffre des quantités vendues devrait être bon en mai.» De même, l'auteur del'annexe P23 à la communication des griefs, après avoir constaté la chute des prixen avril à un niveau de 1 DM/kg, indique: «Le glissement des prix a été arrêté àla fin du mois, en raison de l'annonce d'une augmentation générale des prixeuropéens à 1,35 DM/kg au 1er mai.» Enfin, le Tribunal relève que tant la note deWacker du 3 mars 1982, communiquée par la Commission aux parties le 3 mai1988, que l'annexe P25 à la communication des griefs, permettaient de soutenir lemême argument que celui invoqué par les requérantes au vu de la note de Wackerdu 7 juin 1982.

1067.
    De même, une note de Solvay du 22 mars 1983 (annexe 43 aux observationsd'Enichem), après avoir souligné la situation préoccupante en matière de prix etl'agressivité de certains producteurs, comporte le commentaire suivant:«Aujourd'hui nous sommes, encore une fois, à la veille d'une tentative de haussedes prix.» Il y a lieu de rappeler, à cet égard, que la Commission a identifié, au vude documents émanant d'autres entreprises, une initiative intervenue le 1er avril1983. Le document en cause comporte de surcroît une mention des initiatives demai, de juin et de septembre 1982, toutes trois identifiées par la Commission danssa Décision.

1068.
    Enfin, un grand nombre de documents produits par les requérantes comportent uneréférence explicite à des «initiatives de prix» dont les dates et les niveauxcorrespondent exactement à celles identifiées par la Commission dans la Décision.

1069.
    Shell se prévaut également de documents d'ICI qui confirmeraient, ce qu'elle atoujours soutenu, que, compte tenu de son rôle de société de services, elle n'étaitpas en mesure d'imposer un quelconque comportement aux sociétés de ventes dugroupe dans les différents États membres (annexes 2 et 3 aux observations deShell). Toutefois, cette circonstance ressort explicitement de la Décision (point 46),même si la Commission a néanmoins considéré que la requérante devait êtredestinataire de la Décision, notamment au vu du fait qu'elle était l'entité quiassurait le contact avec l'entente. A ce titre, il convient de relever que, dans l'unede ces pièces (annexe 3 aux observations de Shell), qui constitue un compte rendude réunion entre ICI et Shell, celle-ci a indiqué «quel est désormais le cheminqu'ICI doit suivre à l'intérieur de Shell» afin de parvenir à la coordination au seindu groupe.

1070.
    Aucun document n'a été produit en ce qui concerne spécifiquement les réunionsentre producteurs et le mécanisme de surveillance des ventes.

1071.
    Il y a lieu de relever enfin que les compte rendus de vérifications opérées au siègedes entreprises, dont certaines requérantes demandent la production, sont desdocuments internes de la Commission. En tant que tels, ils ne sont pas accessiblesaux requérantes (voir ci-dessus point 1015). La circonstance que deux de cescompte rendus ont néanmoins été divulgués ne saurait affecter cette conclusion.

1072.
    En ce qui concerne ces deux compte rendus, eu égard au fait qu'ils n'auraient pasen tout état de cause été fournis, à juste titre, lors de l'accès au dossier s'il avait étéeffectué en 1988, ils doivent être écartés, indépendamment de leur contenu. Audemeurant, ces documents, rédigés le lendemain ou dans les jours qui ont suivi lavérification opérée les 20 et 21 janvier 1987 dans les locaux de BASF, d'où ilressort qu'aucun indice d'une pratique concertée n'a pu être découvert, ne sont pasde nature à remettre en cause la valeur probante des pièces réunies par laCommission à l'appui de ses conclusions finales.

1073.
    Par ailleurs, sans formellement en demander la production, Hüls et Enichem ontrelevé que, au-delà des documents internes de la Commission et de pièces pourlesquelles la confidentialité n'avait pas été levée par l'entreprise dont ils émanaient,quelques pages du dossier n'ont pas été communiquées aux requérantes. Est ainsien cause, une demande de renseignements adressée à la société Kemanord lors dela procédure d'enquête; une telle demande ne saurait, par nature, comporter unquelconque élément utile à la défense des requérantes. Les autres documentsconsistent en des lettres ou pages de couverture de télécopie adressées à laCommission par des entreprises tierces ou vice-versa. Ainsi que la Commission l'asouligné, à défaut d'avoir obtenu de ces entreprises une levée de confidentialité, ilne lui appartenait pas de dévoiler ces documents. Au demeurant, aucun indice nelaisse supposer que ces pièces aient pu présenter une quelconque utilité dans lecadre du présent examen. Enichem a également souligné l'existence d'une lettre deWacker qui n'aurait pas été communiquée. Toutefois, il ressort de la lettre de laCommission au greffe du Tribunal du 17 juillet 1997 que cette pièce était etdemeurait à la disposition des requérantes.

1074.
    Ainsi, il résulte de l'examen exhaustif des pièces invoquées par les requérantes,auquel le Tribunal a procédé, qu'aucune d'entre elles n'établit que le déroulementde la procédure et la Décision aient pu être influencés, à son détriment, par ledéfaut de divulgation d'un document dont elle aurait dû avoir connaissance.

1075.
    Au vu de l'ensemble de ces éléments, les moyens exposés par les requérantesrelatifs à l'accès au dossier administratif de la Commission doivent être rejetés.

Sur les amendes

1076.
    Toutes les requérantes ont soulevé des conclusions subsidiaires, tendant àl'annulation des amendes infligées ou à la réduction de leur montant. Leurargumentation comporte cinq branches. En premier lieu, elles se prévalent demoyens tirés de l'écoulement du temps et des règles relatives à la prescription,telles qu'elles ressortent du règlement n° 2988/74 (I). En second lieu, ellesinvoquent une violation de l'article 15, paragraphe 2, du règlement n° 17 (II). Entroisième lieu, elles reprochent une insuffisance de motivation (III). En quatrièmelieu, elles font valoir que la Commission a commis certaines erreurs d'appréciation(IV). En dernier lieu, elles soutiennent que certains principes généraux du droitcommunautaire ont été violés (V).

I — Sur les moyens tirés de l'écoulement du temps et de la prescription

1077.
    A l'appui des conclusions en annulation des amendes ou en réduction de leurmontant, les requérantes soulèvent tout d'abord des moyens identiques à ceuxexposés à l'appui des conclusions en annulation de la Décision (voir ci-dessuspoints 100 à 119), tirés de l'écoulement du temps.

1078.
    Pour les mêmes raisons que celles précédemment exposées (voir ci-dessuspoints 120 à 136), ces moyens doivent être rejetés.

1079.
    Il convient dès lors d'examiner les moyens relatifs à la violation du règlementn° 2988/74.

Arguments des requérantes

1080.
    Les requérantes soutiennent que le pouvoir d'infliger des amendes était prescrit,en application du règlement n° 2988/74. A cet égard, elles font valoir les huitarguments suivants.

1081.
    En premier lieu, selon BASF, les différentes étapes de la procédure administrativequi ont précédé l'adoption de la décision de 1988 n'ont pas pu interrompre laprescription, puisque leurs effets ont été anéantis par l'arrêt du 15 juin 1994.

1082.
    En second lieu, trois requérantes soutiennent que, à leur égard, les faits étaientdéjà prescrits, au moins partiellement, lors de l'adoption de la décision de 1988.Montedison et Hüls observent ainsi que, puisque le premier acte interrompant laprocédure à leur encontre date, pour l'une, de novembre 1987, pour l'autre, dedécembre 1987, les faits antérieurs à, respectivement, novembre 1982 etdécembre 1982, seraient prescrits. Afin d'attester que, au 1er novembre 1982, ellen'était plus en contact avec l'entente, Montedison conclut à ce qu'il plaise auTribunal entendre en qualité de témoins, l'administrateur délégué et le dirigeantresponsable de sa filiale Montedipe qui étaient en fonction le 1er novembre 1982.DSM soutient que, puisqu'elle a quitté le marché en janvier 1983, les faits étaientprescrits dès janvier 1988.

1083.
    En troisième lieu, selon BASF et ICI, la décision de 1988 n'est pas un actesusceptible d'interrompre la prescription au sens de l'article 2, paragraphe 1, durèglement n° 2988/74; elle a, en toute hypothèse, été annulée et ne produirait doncaucun effet de droit, y compris en matière de prescription.

1084.
    En quatrième lieu, selon LVM, BASF, DSM, ICI et Hüls, les recours formés contrela décision de 1988 n'ont pas suspendu la prescription. En effet, une décisionconstatant une infraction et infligeant une amende ne serait pas visée par l'article 3du règlement n° 2988/74.

1085.
    En cinquième lieu, selon ICI et Hüls, même si les recours formés contre unedécision constatant une infraction et infligeant une amende sont susceptibles desuspendre la prescription, tel ne serait pas le cas des recours formés contre ladécision de 1988. En effet, le délai écoulé ne serait imputable qu'à la Commission,seule responsable de la nullité de la décision de 1988.

1086.
    En sixième lieu, selon LVM et DSM, si le recours formé contre la décision de 1988a suspendu la prescription, il en découlerait une discrimination entre Solvay etNorsk Hydro, d'une part, et les autres entreprises, d'autre part. En effet, la décisionde 1988, annulée erga omnes par la Cour, ne pourrait plus être exécutée à l'égarddes deux premières entreprises.

1087.
    En septième lieu, selon LVM, DSM et ICI, le recours de Solvay formé à l'encontred'une demande de renseignements, qui a donné lieu à l'arrêt du 18 octobre 1989,Solvay/Commission, précité, n'a pas pu suspendre la prescription à l'égard desautres entreprises.

1088.
    En dernier lieu, selon LVM, BASF, DSM et ICI, compte tenu du délai absolu deprescription édicté à l'article 2, paragraphe 3, seconde phrase, du règlementn° 2988/74, le pouvoir de la Commission d'infliger des amendes était en toutehypothèse prescrit lorsque celle-ci a adopté la Décision, le 27 juillet 1994.

Appréciation du Tribunal

1089.
    Il résulte de l'article 1er du règlement n° 2988/74 que le pouvoir de la Commissionde prononcer des amendes est soumis à un délai de prescription de cinq ans en cequi concerne les infractions à l'article 85, paragraphe 1, du traité. La prescriptioncourt à compter du jour où l'infraction a été commise ou, pour les infractionscontinues ou continuées, à compter du jour où l'infraction a pris fin. Elle esttoutefois susceptible d'être interrompue et suspendue, conformément,respectivement, aux articles 2 et 3 du règlement n° 2988/74.

1090.
    Ainsi qu'il a déjà été jugé (ci-dessus points 183 à 193), la validité des actespréparatoires antérieurs à l'adoption de la décision de 1988 n'a pas été mise encause par l'annulation de cette décision par la Cour dans l'arrêt du 15 juin 1994.Par conséquent, ces actes ont effectivement interrompu la prescription, au sens del'article 2 du règlement n° 2988/74.

1091.
    En l'espèce, il ressort de la Décision (point 6) que des vérifications ont été opérées,les 21, 22 et 23 novembre 1983, dans les locaux d'ICI et de Shell et, le 6 décembre1983, dans ceux de DSM. Une demande de renseignements écrite a été adresséeà ICI par décision du 30 avril 1984. Des vérifications ont été opérées les 20 et21 janvier 1987 dans les locaux, notamment, d'Atochem, d'Enichem et de Solvay,puis, ultérieurement en 1987, dans ceux de Hüls, de Wacker et de LVM. Enfin, lacommunication des griefs a été notifiée aux entreprises le 5 avril 1988.

1092.
    Or, en premier lieu, chacun de ces actes a interrompu la prescription,conformément à l'article 2, paragraphe 1, sous a), sous b) et sous d), du règlementn° 2988/74. En second lieu, la prescription court à nouveau à partir de chaqueinterruption, conformément à l'article 2, paragraphe 3, première phrase, de cerèglement. En troisième lieu, cette interruption vaut à l'égard de toutes les

entreprises ayant participé à l'infraction, conformément à l'article 2, paragraphe 2,du règlement.

1093.
    Dès lors, le pouvoir de la Commission d'infliger des amendes pour des faitsremontant, au plus tôt, au mois d'août 1980, n'était pas prescrit lorsque celle-ci aadopté la décision de 1988. Dans ces conditions, il n'y a pas lieu de faire droit à lademande de Montedison d'entendre des témoins.

1094.
    Les requérantes contestent ensuite que les recours formés contre la décision de1988, auxquels elles étaient toutes parties, aient pu suspendre la prescription.

1095.
    En vertu de l'article 3 du règlement n° 2988/74, «[l]a prescription en matière depoursuites est suspendue aussi longtemps que la décision de la Commission faitl'objet d'une procédure pendante devant la Cour de justice des Communautéseuropéennes».

1096.
    Les requérantes considèrent que le terme «décision» utilisé à cet article 3 désigneles actes énumérés à l'article 2 de ce règlement. La décision finale constatant uneinfraction et infligeant une amende n'étant pas visée par cette énumération, lesrecours formés contre la décision de 1988 n'auraient pas suspendu la prescription.

1097.
    Toutefois, il apparaît que les actes énumérés à l'article 2, paragraphe 1, durèglement, ne constituent pas tous des actes devant être qualifiés de décisions. Telest en particulier le cas des demandes de renseignements écrites au titre del'article 11, des mandats de vérification au titre de l'article 14 du règlement n° 17,ou encore de la communication des griefs, qui ne sont que des actes préparatoires.Il ne saurait dès lors être admis que le terme «décision» utilisé à l'article 3 durèglement renvoie aux actes énumérés à l'article 2 de ce règlement.

1098.
    En réalité, l'objet même de cet article 3 est de permettre la suspension de laprescription lorsque la Commission est empêchée d'intervenir pour une raisonobjective qui ne lui est pas imputable, tenant au fait même qu'un recours estpendant. En effet, une décision de la Commission infligeant une amende ne peutêtre regardée comme définitive aussi longtemps que court le délai légal pourformer un recours à son encontre ou, le cas échéant, qu'un recours est pendant; auterme de ce recours, en cas d'annulation, la Commission peut être amenée àadopter une nouvelle décision. A ce titre, il y a lieu de souligner que les articles 2du règlement, relatif à l'interruption, et 3, relatif à la suspension, poursuivent desobjets différents. Si le premier vise à tirer les conséquences de l'adoption d'actesd'instruction et de poursuite par la Commission, le second vise au contraire àremédier à la situation dans laquelle la Commission se trouve empêchée d'agir.

1099.
    Les requérantes ne peuvent utilement prétendre que, puisque la décision de 1988a été annulée en raison d'une violation des formes substantielles imputable à la

Commission, les recours formés contre cette décision n'ont pu suspendre laprescription.

1100.
    En effet, l'article 3 du règlement, selon lequel la prescription est suspendue aussilongtemps qu'une procédure est pendante devant la Cour, n'a de sens que si unedécision constatant une infraction et infligeant une amende, qui fait l'objet durecours, est annulée. Or, ainsi que l'a relevé la Commission, toute annulation d'unacte qu'elle a adopté lui est nécessairement imputable, en ce sens qu'elle traduitune erreur de sa part. Dès lors, affirmer, comme le font les requérantes, qu'unrecours n'a pas pour effet de suspendre la prescription s'il aboutit à reconnaîtreune erreur imputable à la Commission priverait de tout sens l'article 3 durèglement. C'est le fait même qu'un recours est pendant devant le Tribunal ou laCour qui justifie la suspension, et non les conclusions auxquelles parviennent cesjuridictions dans leur arrêt.

1101.
    Dans ces conditions, il y a lieu de conclure que la prescription a été suspendueaussi longtemps que la décision de 1988 faisait l'objet d'une procédure pendantedevant le Tribunal et la Cour, à laquelle toutes les requérantes étaient parties.Même s'il ne devait être tenu compte que de la date du dernier recours déposédevant le Tribunal, le 24 avril 1989, et que la période écoulée entre la date duprononcé de l'arrêt du Tribunal et celle de la saisine de la Cour ne devait pas êtreprise en considération, la prescription aurait été suspendue pendant une duréeminimale de quatre ans, onze mois et 22 jours. Dès lors, même si, comme lesoutiennent les requérantes, la communication des griefs, notifiée le 5 avril 1988,devait être le dernier acte interruptif de prescription, ainsi qu'il ressort del'article 2, paragraphe 1, sous d), du règlement n° 2988/74, le pouvoir de laCommission de prononcer des amendes n'était pas prescrit le 27 juillet 1994, dated'adoption de la Décision.

1102.
    Les requérantes font toutefois valoir que, si les recours formés contre la décisionde 1988 ont suspendu la prescription, il en résulterait une discrimination entreSolvay et Norsk Hydro, d'une part, et les autres entreprises, d'autre part.

1103.
    Toutefois, cette argumentation repose sur le postulat selon lequel l'annulation dela décision de 1988 par la Cour aurait produit un effet erga omnes. Or, il suffit derappeler que, ainsi qu'il a déjà été jugé (voir ci-dessus points 167 à 174), tel n'estpas le cas.

1104.
    De surcroît, à supposer même que la thèse des requérantes soit exacte, celan'affecterait pas la conclusion objective selon laquelle, à leur égard, le pouvoir dela Commission de prononcer des amendes n'était pas prescrit.

1105.
    Quant au délai maximal de prescription de dix ans, tel qu'il ressort de l'article 2,paragraphe 3, seconde phrase, du règlement n° 2988/74, il y a lieu de rappeler qu'ilest prorogé à raison de la période pendant laquelle la prescription a été suspendue

en raison des recours pendants devant le Tribunal et la Cour (article 2,paragraphe 3, in fine, du règlement). Ainsi qu'il a été dit, cette suspension a duréau moins quatre ans, onze mois et 22 jours. Dès lors, le pouvoir de la Commissionde prononcer des amendes pour des faits remontant, au plus tôt, au mois d'août1980, n'était pas non plus prescrit, au regard de l'article 2, paragraphe 3, durèglement n° 2988/74, le 27 juillet 1994, date d'adoption de la Décision.

1106.
    Au vu de l'ensemble de ces éléments, il y a lieu de conclure que le pouvoir de laCommission d'infliger des amendes n'était pas prescrit lorsqu'a été adoptée laDécision. Dès lors, il n'y a pas lieu de déterminer si l'adoption de la décision de1988 a également interrompu la prescription ou si le recours formé par Solvaycontre une décision de demande de renseignements dont elle était destinataire asuspendu la prescription à l'égard des autres entreprises; en effet, ces éléments, s'ilsétaient fondés, ne pourraient que conforter la conclusion que la prescription n'étaitpas acquise.

II — Sur les moyens tirés de la violation de l'article 15, paragraphe 2, du règlementn° 17

1107.
    Les requérantes contestent l'appréciation du caractère délibéré et de la durée del'infraction. En outre, elles mettent en cause le chiffre d'affaires pris en compte auxfins de la détermination de l'amende. Enfin, elles reprochent à la Commission dene pas avoir tenu compte de certaines circonstances atténuantes.

Sur le caractère délibéré de l'infraction

1108.
    LVM, DSM, Wacker, Hoechst et Enichem contestent que la Commission ait établil'existence d'une infraction commise de propos délibéré, au sens de l'article 15,paragraphe 2, du règlement n° 17.

1109.
    Aux termes de cet article dans sa rédaction en vigueur à la date d'adoption de laDécision, «[l]a Commission peut, par voie de décision, infliger aux entreprises desamendes de mille écus au moins et d'un million d'écus au plus, ce dernier montantpouvant être porté à dix pour cent du chiffre d'affaires réalisé au cours del'exercice social précédent par chacune des entreprises ayant participé à l'infraction,lorsque, de propos délibéré ou par négligence [...] elles commettent une infractionaux dispositions de l'article 85, paragraphe 1, [...] du traité».

1110.
    En l'espèce, il est constant que la Commission n'a retenu que le caractère délibéréde l'infraction, et non la simple négligence (point 51, paragraphe 2, de la Décision).

1111.
    Pour qu'une infraction aux règles de concurrence du traité puisse être considéréecomme ayant été commise de propos délibéré, il n'est pas nécessaire quel'entreprise ait eu conscience d'enfreindre ces règles, mais il suffit qu'elle n'ait puignorer que sa conduite avait pour objet de restreindre la concurrence (arrêt du

Tribunal du 6 avril 1995, Ferriere Nord/Commission, T-143/89, Rec. p. II-917,point 41).

1112.
    En l'espèce, la gravité intrinsèque de l'infraction répétée à l'article 85,paragraphe 1, du traité, et en particulier sous a) et sous c), telle que décrite etanalysée dans le présent arrêt, révèle que les requérantes n'ont pas agi parimprudence, ni même par négligence, mais bien de propos délibéré.

1113.
    Dès lors, le moyen doit être rejeté.

Sur la durée de l'infraction

Arguments des requérantes

1114.
    Les requérantes soutiennent que la Décision devrait être annulée, au moinspartiellement, ou l'amende annulée ou réduite, pour divers vices intervenus dansla détermination de la durée de l'infraction (arrêts Hoffmann-LaRoche/Commission, précité, points 140 et 141, Musique Diffusion françaisee.a./Commission, précité, points 129 et 130, Petrofina/Commission, précité,points 249 et suivants, du 17 décembre 1991, BASF/Commission, précité, points 64à 72 et 259 à 262, et Dunlop Slazenger/Commission, précité).

1115.
    LVM et DSM reprochent à la Commission de ne pas avoir indiqué de façonsuffisamment précise la date de commencement et de cessation de l'infractionreprochée (respectivement points 48 et 54 de la Décision).

1116.
    Plus spécifiquement, compte tenu du fait que la responsabilité de DSM cesse, selonles termes de la Décision, lors de la constitution de LVM, soit le 1er janvier 1983,DSM relève la contradiction que comportent les points 42, 48 et 54 de la Décisionsur la date de cessation de l'infraction qui lui est reprochée.

1117.
    Selon Elf Atochem, la Commission n'a pas été en mesure d'apporter la preuve dela durée de l'infraction alléguée. Ni la date de début, ni la date de cessation del'infraction ne seraient ainsi établies de façon précise.

1118.
    BASF estime qu'il n'existe pas de preuve qu'elle ait adhéré à l'entente dès 1980.Sa participation à l'infraction jusqu'en mai 1984 ne serait pas non plus établie; cetteconclusion reposerait en effet sur le tableau Atochem, dont la valeur probante adéjà été contestée. La requérante affirme n'avoir, en toute hypothèse, pas participéà des réunions postérieures à octobre 1983, date des premières vérifications de laCommission dans le secteur du polypropylène. A tout le moins, ceci devraitconduire à une réduction de l'amende.

1119.
    Wacker et Hoechst soutiennent, au stade de la réplique, que la Décision necomporte pas une motivation suffisante sur l'appréciation de la durée de

l'infraction. En effet, en violation du principe de culpabilité individuelle, la duréede la participation de chaque destinataire de la Décision — à l'exception du cas deShell et d'ICI, ne serait pas indiquée. En réalité, rien ne démontrerait, en l'espèce,que chacune d'elles ait participé à l'infraction dès le mois d'août 1980, débutprésumé de l'entente, et jusqu'en mai 1984, date présumée de la fin de l'entente.

1120.
    Montedison relève que la Décision comporte une contradiction de motifs. En effet,la Commission reconnaîtrait, au point 43, dernier alinéa, de la Décision, que larequérante a quitté le marché du PVC au mois de mars 1983. Pourtant, ainsi qu'ilressort des points 26 et 51 de la Décision, la Commission aurait pris en compte lapériode postérieure à ce mois de mars 1983.

1121.
    Hüls considère que la Décision n'expose pas les motifs qui justifient l'amendeinfligée. En particulier, la Commission aurait omis de préciser à quelle date larequérante avait commencé à participer à l'entente, et à quelle date elle avait cesséde le faire, se limitant à indiquer une durée de l'entente valable pour la plupart desentreprises. La Commission aurait ainsi méconnu l'obligation de motivation.

1122.
    Dans le cadre d'un moyen relatif au défaut de motivation, Enichem soutient que,en violation de l'article 15, paragraphe 2, du règlement n° 17, la Commission n'aétabli ni la durée de l'infraction, ni la durée de la participation de chaqueentreprise à l'infraction alléguée.

Appréciation du Tribunal

1123.
    Il convient d'examiner tout d'abord les arguments exposés ci-dessus qui relèvent duseul contrôle du respect de l'obligation de motivation.

1124.
    A cet égard, sous réserve du cas de DSM, qui sera examiné ci-après (points 1127et suivants), aux points 48 et 54 de la Décision, la Commission a indiqué de façonclaire, d'une part, la durée de l'infraction retenue à l'encontre de chacune desrequérantes, d'autre part, les pièces ou éléments sur lesquels elle s'appuie pourétablir cette durée. Tant les requérantes que le Tribunal sont ainsi en mesure decontrôler le bien-fondé des appréciations de la Commission.

1125.
    En outre, si le règlement n° 17 impose à la Commission de déterminer la durée del'infraction prise en compte aux fins de la fixation du montant de l'amende, enrevanche, il n'impose pas de déterminer à quelle date ultérieure l'infraction aeffectivement cessé. Dans ces conditions, il ne saurait être reproché à laCommission un défaut de motivation relatif à la date de cessation effective del'infraction. A ce titre, à supposer que l'infraction ait effectivement cessé, cela neconduirait pas à l'annulation de l'article 2 de la Décision, mais priverait celui-cid'effet, pour autant qu'il enjoint aux entreprises de cesser les pratiques reprochées.

1126.
    Dans l'analyse de la durée de l'infraction, la Commission a constaté queMontedison a cédé ses activités à Enichem en mars 1983 (point 43, dernier alinéa,de la Décision). Cette constatation n'est pas contredite par les points 26, quatrièmealinéa, et 51, troisième alinéa, de la Décision. En effet, ceux-ci visent des périodespostérieures et ne concernent que les entreprises qui étaient encore actives sur lemarché du PVC, et non, à l'évidence, la requérante. Le moyen tiré d'unecontradiction de motifs à cet égard doit, dès lors, être rejeté.

1127.
    En ce qui concerne la date retenue pour la fin de la participation de DSM àl'infraction reprochée, il y a lieu de relever que la Décision se réfère au «début de1983» (point 42, septième alinéa), au mois d'«avril 1983» (point 48, quatrièmealinéa) et au «milieu de 1983» (point 54, deuxième alinéa, in fine). S'il est exactque la position de la Commission n'apparaît pas avec clarté, étant toutefois préciséque seuls les points 48 et 54 concernent une question identique, il demeure que ladate d'avril 1983 est la seule mentionnée dans la partie de la Décisionexplicitement consacrée à la «durée de l'infraction».

1128.
    Dans ses écritures dans la présente affaire, la Commission a confirmé qu'elle a prisen compte le mois d'avril 1983, parce qu'il serait inconcevable que le rôle de DSMdans le secteur du PVC ait disparu du jour au lendemain, le 1er janvier 1983.

1129.
    Dans le cadre de son pouvoir de pleine juridiction, le Tribunal relève tout d'abordque, par convention du 22 février 1983, EMC Belgique (agissant pour la SAV) etDSM ont transféré leurs activités respectives de production de PVC à LVM, et ceavec effet au 1er janvier 1983.

1130.
    En outre, il ressort de l'annexe P41 à la communication des griefs, qui émane deDSM, que celle-ci «soutiendra la tentative d'augmenter les prix» «à compter du1er janvier [1983]» et qu'une nouvelle augmentation interviendra si la précédenteest couronnée de succès. Cette pièce confirme la thèse de la Commission selonlaquelle les décisions prises par DSM avant son retrait du marché ont pu encoreproduire des effets dans les mois qui ont suivi. La deuxième initiative de prix quela Commission a identifiée en 1983 datant du 1er avril 1983, le Tribunal considèreque, aux fins de la détermination de l'amende, les effets de la participation deDSM à l'entente doivent être regardés comme s'étant poursuivis jusqu'à cette date.

1131.
    Dès lors, les moyens tirés de vices de motivation dont serait entachée la Décisionen ce qui concerne la durée de l'infraction doivent être rejetés.

1132.
    Certaines requérantes estiment ensuite que la Commission n'a pas apporté lapreuve de la durée de leur participation à l'infraction reprochée.

1133.
    Toutefois, ainsi qu'il a été relevé, la Décision comporte une indication suffisammentprécise de la durée de l'infraction reprochée à l'encontre de chacune desrequérantes et des pièces sur lesquelles la Commission se fonde à cette fin. Or, il

apparaît que les arguments des requérantes tendent à contester la valeur probantede ces pièces, qui a déjà été examinée dans le détail dans le cadre de la partie «Enfait» du présent arrêt (points 535 et suivants).

1134.
    Il y a ainsi lieu de rappeler que, dans les documents de planification, diversesentreprises, dont la «nouvelle société française», BASF et Wacker, étaientidentifiées comme participants pressentis au nouveau cadre de réunions. Le projetde création d'entente que comportaient ces documents a été mis en oeuvre dès lessemaines qui ont suivi, notamment par une initiative de prix générale à compter du1er novembre 1980, dont l'existence transparaissait dans les documents deplanification. En outre, tant ICI que BASF ont admis l'existence de réunions entreproducteurs, dont la Commission a déterminé l'objet anticoncurrentiel, à compterd'août 1980. Dans le cas de Hoechst, la Commission a constaté, au point 48,troisième alinéa, de la Décision, que cette entreprise n'était pas citée dans lesdocuments de planification. Toutefois, dès le début de l'année 1981, les tableauxSolvay comportent l'indication des chiffres de ventes de cette requérante pour lemarché allemand en 1980.

1135.
    De même, le Tribunal a confirmé la valeur probante du tableau Atochem et ladernière initiative de prix identifiée par la Commission dans la période retenue auxfins de la détermination de l'amende date du 1er avril 1984. Hormis les cas d'ICIet de Shell (voir point 54, troisième alinéa, de la Décision et ci-dessus point 613),toutes les entreprises encore actives dans le secteur du PVC au premier trimestre1984, dont Elf Atochem, BASF, Wacker et Hoechst, sont identifiées dans le tableauAtochem.

1136.
    Dès lors, au vu de ces éléments, il y a lieu de rejeter les moyens exposés par lesrequérantes relatifs à la durée de l'infraction.

1137.
    Toutefois, dans le cas de la SAV, il convient de rappeler que les tableaux Solvayne peuvent être regardés comme probants à l'encontre de cette entreprise (voirci-dessus point 888).

1138.
    Dans ces conditions, le dernier document permettant d'identifier la requérantecomme participant à l'infraction reprochée consiste dans le document Alcudia (voirci-dessus point 887). Or, le mécanisme de compensation qui y est décrit, de mêmeque dans d'autres documents, ne concerne spécifiquement que la période écouléeau cours du premier semestre de 1981 (voir ci-dessus points 587 à 601).

1139.
    En outre, le Tribunal considère que les documents en matière de prix visés aupoint 889 ci-dessus ne peuvent, en eux-mêmes, être regardés comme suffisants pouraffirmer la participation de la requérante à l'infraction au-delà du premier semestrede l'année 1981. En effet, si ces documents sont susceptibles de constituer un indicesupplémentaire pouvant conforter, au vu d'autres pièces, la conclusion qu'uneentreprise a participé à l'infraction, en revanche, pour la période au cours de

laquelle ils ne sont corroborés par aucun élément additionnel, ils ne peuvent êtreconsidérés comme suffisants pour affirmer la participation d'une entreprise àl'infraction.

1140.
    Dans ces conditions, force est de constater que, à défaut de valeur probante destableaux Solvay en ce qui concerne la SAV, il n'est pas démontré que celle-ci aitparticipé à l'infraction après le premier semestre de 1981.

1141.
    En conséquence, la participation de la requérante à l'infraction ne doit êtreconsidérée comme établie, aux fins de la détermination de l'amende, que pour lapériode allant du mois d'août 1980 au mois de juin 1981, et non au mois d'avril1983, comme cela ressort de la Décision.

1142.
    L'article 1er de la Décision doit donc être annulé, pour autant que, par renvoi auxmotifs de la Décision, il est reproché à la SAV d'avoir participé à l'infraction encause après le premier semestre de 1981.

1143.
    L'amende doit en conséquence être réduite, compte tenu de la durée ainsi établieet de la gravité de l'infraction à laquelle cette entreprise a participé. Libellée eneuros, par application de l'article 2, paragraphe 1 du règlement (CE) n° 1103/97 duConseil, du 17 juin 1997, fixant certaines dispositions relatives à l'introduction del'euro (JO L 162, p. 1), l'amende infligée à la SAV doit être ramenée à 135 000euros.

Sur le chiffre d'affaires pris en compte

Arguments des requérantes

1144.
    Enichem observe, tout d'abord, que le chiffre d'affaires au sens de l'article 15,paragraphe 2, du règlement n° 17, est le chiffre d'affaires de l'exercice fiscalprécédant la Décision, soit, en l'espèce, celui de 1993. Or, alors que le rapportentre l'amende et ce chiffre d'affaires serait nécessairement distinct du rapport quiexistait entre l'amende et le chiffre d'affaires de 1987, la Commission auraitnéanmoins infligé une amende d'un montant identique, en valeur absolue. A cetégard, le fait que l'amende infligée demeure inférieure au seuil maximal de 10 %énoncé à l'article 15 ne serait pas pertinent.

1145.
    Ensuite, compte tenu du fait qu'Enichem a, en 1986, cessé toute activité dans lesecteur du PVC, si bien qu'elle n'avait plus ni en 1987, ni en 1993, de chiffred'affaires propre à ce secteur, il serait inéquitable de retenir le chiffre d'affairesglobal d'Enichem, même si cela est possible (arrêt Parker Pen/Commission, précité,point 94). Ceci serait d'autant plus vrai que le chiffre d'affaires pris en compteserait celui d'Enichem, destinataire erroné de la Décision, plutôt que celui de lasociété d'exploitation Enichem Anic.

Appréciation du Tribunal

1146.
    Il convient de rappeler, tout d'abord, que le chiffre d'affaires indiqué à l'article 15,paragraphe 2, du règlement n° 17, cité ci-dessus au point 1109, a pour objet dedéterminer le montant maximal de l'amende susceptible d'être infligée à uneentreprise en raison d'une violation de l'article 85, paragraphe 1, du traité.

1147.
    Dès lors, la seule évolution du rapport entre, d'une part, l'amende infligée dans ladécision de 1988 et le chiffre d'affaires réalisé au cours de l'exercice socialprécédent, soit en 1987, et, d'autre part, l'amende, d'un montant en écus identique,infligée dans la Décision et le chiffre d'affaires réalisé au cours de l'exercice socialprécédent, soit en 1993, ne conduit pas en lui-même à une méconnaissance del'article 15, paragraphe 2, du règlement n° 17. Tel ne serait le cas que si, en raisonde cette évolution, l'amende infligée en 1994 dépassait le seuil maximal fixé à cetarticle. Or, il est constant que l'amende infligée est substantiellement inférieure àce taux maximal.

1148.
    Ensuite, pour la détermination du montant de l'amende effectivement infligée à larequérante, la Commission a tenu compte en particulier de l'importance respective,sur le marché du PVC, de chaque participant à l'infraction (point 53, premieralinéa, de la Décision). Or, cette importance a été appréciée en fonction de la partde marché moyenne, et non du chiffre d'affaires, de chacune des requérantes, aucours de la seule période d'infraction.

1149.
    Les moyens exposés par la requérante doivent, en conséquence, être rejetés.

Sur le défaut de prise en compte de certaines circonstances atténuantes

Arguments des requérantes

1150.
    Au soutien de leurs conclusions en réduction de l'amende qui leur a été infligée,les requérantes se prévalent des circonstances suivantes, que la Commission auraitignorées.

1151.
    BASF et ICI soulignent le retard intervenu dans l'adoption de la Décision etl'inertie condamnable de la Commission, qui n'a poursuivi qu'en 1987 lesvérifications entamées en 1983. Si elle était intervenue plus tôt, les infractionsauraient sans doute cessé avant mai 1984 (arrêts Istituto Chemioterapico etCommercial Solvents/Commission, précité, point 51, et DunlopSlazenger/Commission, précité, point 167).

1152.
    Wacker, Hoechst et la SAV rappellent la crise que traversait le secteur du PVC etles pertes substantielles subies pendant la période concernée par la Décision.

1153.
    Wacker et Hoechst font valoir leur comportement irréprochable depuis 1988, l'effetpréventif qui s'attachait déjà à la décision initiale et leur retrait du marché depuis1993.

1154.
    Hoechst et la SAV soulignent leur faible importance sur le marché à l'époque desfaits incriminés et l'absence d'effets perceptibles de leurs comportements sur lemarché.

1155.
    La SAV se prévaut de sa qualité de nouvelle venue sur le marché du PVC et del'absence de précédentes infractions aux règles communautaires de la concurrence.

1156.
    ICI met en avant l'absence d'effet avéré sur le marché (notamment arrêt SuikerUnie e.a./Commission, précité, points 612 et suivants), la coopération dont elle afait preuve en répondant aux questions de la Commission au titre de l'article 11 durèglement n° 17 et l'action qu'elle a menée en vue de garantir à l'avenir le respectdu droit communautaire de la concurrence (voir notamment décision 88/86/CEEde la Commission, du 18 décembre 1987, relative à une procédure d'application del'article 85 du traité (IV/31.017 — Fisher-Price/Quaker Oats Ltd — Toyco) (JO 1988,L 49, p. 19).

Appréciation du Tribunal

1157.
    A titre liminaire, il y a lieu de rappeler que la gravité des infractions doit êtreétablie en fonction d'un grand nombre d'éléments tels que, notamment, lescirconstances particulières de l'affaire, son contexte et la portée dissuasive desamendes, et ce, sans qu'ait été établie une liste contraignante ou exhaustive decritères devant obligatoirement être pris en compte (ordonnance de la Cour du25 mars 1996, SPO e.a./Commission, C-137/95 P, Rec. p. I-1611, point 54).

1158.
    En premier lieu, la Cour a jugé que, si la gravité d'une infraction justifie uneamende importante, il y a lieu de prendre en considération que sa durée aurait puêtre abrégée si la Commission était intervenue plus rapidement (arrêt IstitutoChemioterapico et Commercial Solvents/Commission, précité, point 51). Enl'espèce, la Commission a eu les premiers doutes sur l'existence de l'infraction enoctobre 1983 et aucune amende n'a été infligée pour la période postérieure aumois de mai 1984. Il convient dès lors de déterminer si, en raison d'un prétendumanque de diligence durant cette période, la Commission a pu indirectementcontribuer à la prolongation de cette infraction. Or, il y a lieu de rappeler que laCommission a procédé à des vérifications dès novembre 1983 et a adressé à ICIune demande de renseignements en décembre 1983 et une décision de demandede renseignements en avril 1984. Il ne saurait, dans ces conditions, être reprochéà la Commission un manque de diligence qui aurait pu contribuer à prolonger ladurée de l'infraction prise en compte dans le cadre de la détermination du montantdes amendes. Ceci est d'autant plus vrai dans le cas d'ICI qu'aucune amende n'amême été infligée pour la période postérieure à octobre 1983.

1159.
    En second lieu, au point 52, deuxième alinéa, de la Décision, la Commission aindiqué avoir réduit le montant des amendes en raison du fait que, pendant unegrande partie de la période visée par la Décision, les entreprises en cause ontdéclaré des pertes substantielles dans le secteur du PVC, en raison de la crisetraversée à l'époque par ce secteur d'activité. Cette constatation suffit à rejeterl'argument des requérantes fondé sur la crise du marché du PVC et les pertessubstantielles des producteurs pendant la période en cause (voir arrêtDSM/Commission, précité, point 304).

1160.
    En troisième lieu, ainsi qu'il a déjà été jugé (ci-dessus points 744 à 749), c'est à tortque les requérantes prétendent que l'infraction n'a pas produit d'effets, même siles initiatives de prix n'ont remporté qu'un succès mitigé, comme le reconnaît elle-même la Commission dans sa Décision. Les requérantes ne peuvent dès lorssoutenir que l'absence d'effets constituerait une circonstance atténuante.

1161.
    En quatrième lieu, la coopération d'ICI durant la procédure administrative n'a pasdépassé ce qui résultait des obligations qui lui incombaient en vertu de l'article 11,paragraphes 4 et 5, du règlement n° 17. Dès lors, sa collaboration ne sauraitconstituer une circonstance atténuante (arrêt du Tribunal du 10 mars 1992,Solvay/Commission, T-12/89, Rec. p. II-907, point 341). De surcroît, le Tribunalrelève que l'essentiel de l'argumentation au fond d'ICI tend à démontrer que laCommission a mal interprété ses réponses aux demandes de renseignements.

1162.
    En cinquième lieu, s'il est certes important qu'ICI ait pris des mesures pourempêcher que de nouvelles infractions au droit communautaire de la concurrencesoient commises à l'avenir par des membres de son personnel, cela ne change rienà la réalité de l'infraction constatée en l'espèce. Le seul fait que, dans certains cas,la Commission a pris en considération, dans sa pratique décisionnelle antérieure,la mise en place d'un programme d'information en tant que circonstance atténuanten'impliquait pas pour elle une obligation de procéder de la même façon enl'espèce. Il en est d'autant plus ainsi que l'infraction en cause constituait uneviolation manifeste de l'article 85, paragraphe 1, sous a) et sous c), du traité. Ainsique la Commission l'a relevé au point 51, deuxième alinéa, de la Décision, ICI faitd'ailleurs partie des entreprises qui s'étaient déjà vu infliger des amendes en raisond'une collusion dans le secteur chimique [décision 69/243/CEE de la Commission,du 24 juillet 1969, relative à une procédure au titre de l'article 85 du traité(IV/26.267 — Matières colorantes) (JO L 195, p. 11)].

1163.
    En sixième lieu, ni le comportement irréprochable d'une entreprise depuisl'adoption de la décision de 1988 ni l'absence d'infractions antérieures n'atténuentla réalité et la gravité de l'infraction commise. En réalité, ces éléments constituentune circonstance normale dont la Commission n'a pas à tenir compte commecirconstance atténuante (notamment arrêt DSM/Commission, précité, point 317).

1164.
    En septième lieu, le fait qu'une entreprise a quitté le marché du PVC avantl'adoption de la Décision n'affecte ni la réalité, ni la gravité, ni la durée del'infraction qui lui est reprochée. Il ne justifie donc pas la réduction d'une amende.

1165.
    En huitième lieu, le fait qu'une entreprise soit une nouvelle venue sur un marchéne saurait atténuer la gravité de l'infraction précédemment décrite à laquelle ellea participé (arrêt du 10 mars 1992, Solvay/Commission, précité, point 339).

1166.
    En neuvième lieu, le seul fait que la décision de 1988 a été adoptée n'a pas d'effetdissuasif. Seule l'amende présente un caractère à la fois répressif et préventif. Or,la décision de 1988 a été annulée et avec elle les amendes qui étaient infligées.

1167.
    En dernier lieu, il ressort du point 53, premier alinéa, de la Décision que, pourdéterminer le montant des amendes à infliger aux diverses entreprises, laCommission a tenu compte de leur importance respective sur le marché du PVC.Dans ces conditions, les requérantes ne peuvent se prévaloir de leur faible taille surle marché pour obtenir une réduction de l'amende.

1168.
    Au vu de l'ensemble de ces éléments, c'est à tort que les requérantes reprochentà la Commission de ne pas avoir tenu compte des circonstances atténuantesalléguées.

III — Sur les moyens tirés de la violation de l'obligation de motivation

Arguments des requérantes

1169.
    LVM, Elf Atochem, DSM, Wacker, Hoechst, Hüls et Enichem estiment que laDécision ne contient aucun élément spécifique permettant de comprendre le niveaudes amendes infligées à chacune (arrêts ACF Chemiefarma/Commission, précité,point 176, et Suiker Unie e.a./Commission, précité, points 622 et 623).

1170.
    La Commission n'aurait ainsi fait connaître ni la nature des paramètres objectifsutilisés pour évaluer la responsabilité des entreprises, ni leur importance respective.Ni l'énumération, en termes généraux, de critères retenus ni l'existence d'amendesdifférentes à chacune des entreprises ne suffiraient à combler cette lacune.

1171.
    Selon les requérantes, la mise à disposition de telles données ne devrait plusrelever d'un souhait (arrêts Enichem Anic/Commission, précité, point 274, etTréfilunion/Commission, précité, point 142), mais d'un droit. A défaut, l'article 6de la CEDH serait méconnu, en ce qu'il garantit à tout accusé le droit deconnaître, de façon précise et détaillée, la motivation de la sanction qui lui estinfligée, en ce compris les critères utilisés pour mesurer la sanction et les «clés decalcul».

Appréciation du Tribunal

1172.
    Selon une jurisprudence constante, la motivation exigée par l'article 190 du traité,qui constitue une forme substantielle au sens de l'article 173 du traité, doit êtreadaptée à la nature de l'acte en cause et doit faire apparaître de façon claire etnon équivoque le raisonnement de l'institution, auteur de l'acte, de manière àpermettre aux intéressés de connaître les justifications de la mesure prise et à lajuridiction compétente d'exercer son contrôle. L'exigence de motivation doit êtreappréciée en fonction des circonstances de l'espèce, notamment du contenu del'acte, de la nature des motifs invoqués et de l'intérêt que les destinataires oud'autres personnes concernées directement et individuellement par l'acte peuventavoir à recevoir des explications. Il n'est pas exigé que la motivation spécifie tousles éléments de fait et de droit pertinents, dans la mesure où la question de savoirsi la motivation d'un acte satisfait aux exigences de l'article 190 du traité doit êtreappréciée au regard non seulement de son libellé, mais aussi de son contexte, ainsique de l'ensemble des règles juridiques régissant la matière (notamment arrêt dela Cour du 2 avril 1998, Commission/Sytraval et Brink's France, C-367/95 P, Rec.p. I-1719, point 63).

1173.
    Pour ce qui est d'une décision infligeant des amendes à plusieurs entreprises pourune infraction aux règles communautaires de la concurrence, la portée del'obligation de motivation doit être notamment appréciée à la lumière du fait quela gravité des infractions doit être établie en fonction d'un grand nombred'éléments tels que, notamment, les circonstances particulières de l'affaire, soncontexte et la portée dissuasive des amendes, et ce, sans qu'ait été établie une listecontraignante ou exhaustive de critères devant obligatoirement être pris en compte(ordonnance SPO e.a./Commission, précitée, point 54). En outre, lors de la fixationdu montant de chaque amende, la Commission dispose d'un pouvoir d'appréciationet ne saurait être considérée comme tenue d'appliquer, à cet effet, une formulemathématique précise (arrêt du Tribunal du 6 avril 1995, Martinelli/Commission,T-150/89, Rec. p. II-1165, point 59).

1174.
    En l'espèce, la Commission a exposé, aux points 51 à 54 de la Décision leséléments qu'elle a pris en compte dans la détermination de l'amende. Il ressort enparticulier des points 52 et 53 de la Décision que la méthode utilisée par laCommission en l'espèce comporte deux étapes, ainsi qu'en attestent la formulationliminaire de chacun de ces paragraphes et l'énoncé des critères, successivementgénéraux et individuels, qui y sont mentionnés.

1175.
    Dans un premier temps, la Commission a fixé un montant global, comme elle esten droit de le faire (notamment arrêts du 15 juillet 1970, Boehringer/Commission,précité, point 55, et IAZ e.a./Commission, précité, points 51 à 53). Pour déterminerle montant des amendes à infliger, ainsi qu'il ressort du point 52 de la Décision, laCommission a pris en compte divers critères, à savoir la nature et la gravité del'infraction reprochée, l'importance du produit industriel en cause et la valeur des

ventes s'y rapportant — soit près de 3 milliards d'écus par an en Europe occidentale— et la taille globale des entreprises impliquées.

1176.
    Elle a également souligné qu'étaient pris en compte, à titre de circonstancesatténuantes, d'une part, la circonstance que les entreprises avaient connu des pertessubstantielles pendant une grande partie de la période visée par la Décision,d'autre part, le fait que la majeure partie des entreprises avaient déjà étécondamnées à des amendes importantes pour leur participation à une infractiondans le secteur des thermoplastiques (polypropylène) pendant pratiquement lamême période.

1177.
    Le montant global des amendes ainsi déterminé était, dans la décision de 1988,c'est-à-dire en ce compris les cas de Solvay et de Norsk Hydro, de 23 500 000 écus.

1178.
    Dans un second temps, la Commission a réparti ce montant global entre lesentreprises sanctionnées. Pour déterminer le montant des amendes à infliger auxdiverses entreprises, la Commission a tenu compte, ainsi qu'il ressort des points 53et 54 de la Décision, du niveau de participation de chacune d'entre elles, du rôlequ'elles y ont joué (dans la mesure où elle a pu l'établir) et de leur importancerespective sur le marché du PVC. A cette fin, elle s'est efforcée d'examiner dansquelle mesure certaines entreprises pouvaient être qualifiées de chef de file, cequ'elle n'est pas parvenu à faire, ou, à l'inverse, si certaines pouvaient êtreconsidérées comme n'ayant joué, comme Shell, qu'un rôle en marge de l'infraction;elle a également pris en compte, pour chacune, la durée de leur participation àl'infraction reprochée, ainsi qu'il ressort du point 54 de la Décision.

1179.
    Interprétés à la lumière de l'exposé détaillé, dans la Décision, des allégationsfactuelles formulées à l'égard de chaque destinataire de la Décision, les points 51à 54 de la Décision contiennent une indication suffisante et pertinente des élémentsd'appréciation pris en considération pour déterminer la gravité et la durée del'infraction commise par chacune des entreprises en cause.

1180.
    Il est certes souhaitable que les entreprises — afin de pouvoir arrêter leur positionen toute connaissance de cause — puissent connaître en détail, selon tout systèmeque la Commission jugerait opportun, le mode de calcul de l'amende qui leur a étéinfligée dans une décision constatant une infraction aux règles communautaires dela concurrence, sans être obligées, pour ce faire, d'introduire un recoursjuridictionnel contre la décision (arrêt Trefilunion/Commission, précité, point 142).

1181.
    Il y a toutefois lieu de relever que de telles données chiffrées ne constituent pasune motivation supplémentaire et a posteriori de la Décision, mais la traductionchiffrée des critères énoncés dans la Décision, lorsque ceux-ci sont eux-mêmessusceptibles d'être quantifiés.

1182.
    A cet égard, il appartient au Tribunal, en application des articles 64 et 65 durèglement de procédure, de demander à la Commission, s'il le juge nécessaire pourl'examen des moyens invoqués par les requérantes, des explications concrètes surles différents critères retenus par elle et exposés dans la Décision.

1183.
    De fait, lors des recours formés contre la décision de 1988, le Tribunal avaitdemandé à la Commission d'apporter, lors de l'audience, des précisions sur lecalcul des amendes infligées. A cette fin, la Commission avait produit un tableau,qui a été joint en annexe aux requêtes dans la présente procédure.

1184.
    Dans ces conditions, les moyens des requérantes tirés de la motivation insuffisantede la Décision quant aux critères pris en compte aux fins de la détermination del'amende, doivent être rejetés.

IV — Sur les erreurs de droit et les erreurs manifestes d'appréciation

Arguments des requérantes

1185.
    En premier lieu, LVM et DSM font valoir que, parmi les critères énumérés dansla Décision en vue de la détermination du montant de l'amende, ceux relatifs àl'importance du produit en cause et à la position globale des entreprises sur lemarché (Décision, point 52) sont difficiles à comprendre et, a fortiori, à mesurer.Celui relatif à l'importance économique du contrevenant serait inadmissible; ilconduirait en effet à déterminer le montant de l'amende en fonction des ressourcesde chacune des entreprises, plutôt que de la gravité de leur comportement.

1186.
    En second lieu, les requérantes rappellent que, lors de l'audience devant leTribunal dans les recours formés contre la décision de 1988, la Commission avaitproduit un tableau expliquant les modalités de calcul des amendes. De ce tableau,il apparaîtrait que la Commission a tenu compte de la part de marché moyenne dechacune des entreprises pour la période de 1980 à 1984 dans le secteur du PVC.Or, les parts de marché retenues pour certaines requérantes seraientmanifestement erronées. Les amendes devraient être réduites proportionnellement.

1187.
    Elf Atochem relève ainsi que, pour le calcul de l'amende qui lui a été infligée, laCommission lui a attribué une part de marché moyenne sur la période de 1980 à1984 de 13 %, soit une part supérieure à la part réelle.

1188.
    ICI souligne que sa part de marché moyenne était de 8,1 % au cours de la périodede 1980 à 1984, et même de 7,4 % s'il n'est tenu compte que de la période de 1980à 1983, seule période pendant laquelle la requérante a été incriminée; le tableauproduit par la Commission, en revanche, lui attribuerait une part de marchémoyenne de 11 %.

1189.
    Enfin, Enichem observe que la Commission lui aurait attribué une part de marchémoyenne de 15 %, sur la période de 1980 à 1984, sensiblement plus élevée que lamoyenne réelle, et même plus élevée que la part de marché détenue en 1984(12,3 %).

Appréciation du Tribunal

1190.
    Il y a lieu de relever tout d'abord que, contrairement à ce que prétendent LVM etDSM, la Commission est en droit de tenir compte tant du volume et de la valeurdes marchandises faisant l'objet de l'infraction que de la taille et de la puissanceéconomique des entreprises concernées (arrêts du 15 juillet 1970,Boehringer/Commission, précité, point 55, et IAZ e.a./Commission, précité,point 52).

1191.
    Ensuite, le Tribunal constate que, en réponse à une question du Tribunal lors del'examen des recours formés contre la décision initiale, la Commission avaitprésenté à l'audience un tableau récapitulant des données chiffrées relatives à ladétermination du montant des amendes. De ce tableau, qui a été produit par lesrequérantes dans la présente procédure, il ressort que, afin de répartir l'amendeglobale entre les entreprises, le critère relatif à l'importance de chacune d'elles surle marché du PVC, qui est énoncé dans la Décision (point 53), a été quantifié auvu de la part de marché moyenne de 1980 à 1984 sur le marché du PVC enEurope occidentale au sens de la Fides. En réalité, il apparaît que cette part demarché constituait l'élément déterminant, en ce sens qu'une entreprise détenantune part de marché donnée supportait une part équivalente de l'amende globale.A ce «taux pivot», la Commission a appliqué les modifications — à la hausse ou àla baisse — identifiées dans la Décision, par exemple en fonction de la durée de laparticipation ou de la constatation du rôle moindre d'une des requérantes. Ainsi,une entreprise ayant pleinement participé pendant toute la durée de l'infraction sevoyait infliger une part de l'amende globale correspondant à environ 110 % de sapart de marché moyenne.

1192.
    Il convient d'examiner les arguments des requérantes au vu de ces éléments.

1193.
    En ce qui concerne Atochem, la requérante a produit, à la demande du Tribunal,sa part de marché moyenne pour la période de 1980 à 1984, qui était de l'ordre de10,5 %.

1194.
    En ce qui concerne ICI, la requérante a produit des chiffres d'où il ressort que sapart de marché moyenne pour la période de 1980 à 1983, seule période pendantlaquelle sa participation est retenue dans la Décision, était de 7 %.

1195.
    En l'absence de contestations sérieuses de ces chiffres de la part de la Commission,il y a lieu de considérer que, en attribuant une part de marché moyenne à ElfAtochem et à ICI de, respectivement, 13 et 11 %, la Commission a exagéré la part

de marché de ces deux requérantes et fait supporter à celles-ci, en conséquence,une part de l'amende trop élevée.

1196.
    Dès lors, il convient de réduire la part de l'amende infligée à Elf Atochem et à ICI.

1197.
    L'amende infligée à Elf Atochem doit être fixée à une part de l'amende globaleéquivalente à sa part de marché moyenne, majorée en raison du fait que larequérante a participé à l'infraction reprochée pendant toute la durée identifiée parla Commission et en tenant compte du fait qu'elle ne bénéficie d'aucunecirconstance atténuante particulière. L'amende doit, en conséquence, être ramenéeà 11 % de l'amende globale, soit, en chiffres arrondis, à 2 600 000 euros.

1198.
    L'amende infligée à ICI doit être fixée à une part de l'amende globale équivalenteà sa part de marché moyenne, minorée en raison du fait que la requérante a prisses distances par rapport à l'infraction reprochée dès octobre 1983. L'amende doit,en conséquence, être fixée à 6,6 % de l'amende globale, soit, en chiffres arrondis,à 1 550 000 euros.

1199.
    En ce qui concerne Enichem, la requérante soutient que sa part de marchémoyenne était de l'ordre de 2,7 % en 1980 et en 1981, 5,5 % en 1982, 12,8 % en1983 et 12,3 % en 1984, si bien que la part de marché moyenne sur l'ensemble dela période s'établirait à un peu plus de 7 %.

1200.
    Toutefois, en premier lieu, ainsi qu'il a déjà été jugé (ci-dessus point 615), leschiffres produits par la requérante ne présentent pas une certitude suffisante.

1201.
    En second lieu, contrairement à ce qu'affirme la requérante, la Commission ne luia pas attribué une part de marché moyenne de 15 % durant la période de 1980 à1984. Dans le tableau produit par la Commission, il est ainsi explicitement indiquéque cette part de marché porte sur l'année 1984. En outre, une note de bas depage mentionne que cette part est le résultat de l'acquisition des activités deMontedison dans le secteur du PVC en mars 1983, dont il n'est pas contesté qu'elleavait substantiellement augmenté la part de marché de la requérante. De fait, si laCommission avait retenu une part de marché moyenne de 15 % sur l'ensemble dela période, l'amende infligée à la requérante devrait être supérieure à cellesinfligées à Elf Atochem et à Solvay, qui se trouvaient, tant en termes de durée quede rôle dans l'infraction, dans une situation identique à celle de la requérante, maisdont les parts de marché telles que retenues par la Commission étaient inférieuresà 15 %; or, il apparaît au contraire que l'amende infligée à Enichem estsubstantiellement inférieure à celle de ces deux entreprises.

1202.
    En troisième lieu, la part de marché indiquée dans les particularités individuellesjointes à la communication des griefs, soit 12 %, n'est pas contradictoire avec lapart indiquée dans le tableau produit par la Commission; en effet, la premièreconcerne l'année 1983 dans son ensemble, alors que la seconde ne concerne que

la part de marché après l'acquisition des activités de Montedison dans le secteurdu PVC.

1203.
    En dernier lieu, il apparaît que la requérante a été condamnée à une amendereprésentant 10,6 % de l'amende globale. Dans ces conditions, compte tenu desmodes de calcul retenus par la Commission, il apparaît que la requérante s'est vuattribuer une part de marché moyenne en Europe occidentale de moins de 10 %.

1204.
    En l'absence de contestations sérieuses de la part de la requérante, il n'y a dès lorspas lieu de réduire l'amende qui lui a été infligée.

1205.
    Il convient, dans ces conditions, de rejeter les moyens exposés par les requérantes,sous réserve de ce qui a été précédemment jugé dans les cas d'Elf Atochem etd'ICI (voir ci-dessus points 1193 à 1198).

1206.
    Le Tribunal est conscient du fait que, puisque la Commission a déterminé aupréalable un montant global, réparti ensuite entre les entreprises, la réduction dumontant de l'amende infligée à certaines entreprises devrait conduire àl'augmentation corrélative de celles infligées aux autres entreprises, afin de parvenirau même montant global. Toutefois, dans les circonstances de l'espèce, le Tribunalconsidère, dans l'exercice du pouvoir de pleine juridiction qui lui est dévolu sur lefondement de l'article 172 du traité, qu'il n'y a pas lieu de procéder à une telleaugmentation.

V — Sur la violation de principes généraux du droit

1207.
    Les requérantes invoquent la violation de divers principes généraux, à savoir celuide l'individualité des peines, celui de la proportionnalité, et, enfin, celui de l'égalitéde traitement.

Sur les moyens tirés de la violation du principe d'individualité des peines

1208.
    Selon Elf Atochem, Wacker, Hoechst, la SAV, Hüls et Enichem, en affirmant quechaque producteur est responsable non seulement des décisions individuelles quilui sont attribuées, mais également de la mise en oeuvre de l'entente dans sonensemble, la Commission aurait retenu le principe d'une responsabilité collective.Ce faisant, elle aurait méconnu les principes d'individualité et de personnalité despeines.

1209.
    Ainsi qu'il a été jugé (ci-dessus points 768 à 778), chacune des requérantes n'estsanctionnée que pour les faits qui lui sont individuellement reprochés.

1210.
    Dès lors, le moyen doit être rejeté.

Sur les moyens tirés de la violation du principe de proportionnalité

Arguments des requérantes

1211.
    Shell rappelle, en premier lieu, que les points 48 et 53 de la Décision relèventexpressément le rôle limité qu'a joué Shell, en marge des arrangements et, ensecond lieu, que la participation alléguée de Shell ne s'étend que de janvier 1982à octobre 1983, soit durant 21 mois. Dans ces conditions, l'amende infligée seraitdisproportionnée.

1212.
    Montedison soutient que l'amende est disproportionnée compte tenu de la brèvedurée de l'infraction.

1213.
    Enichem observe que l'amende infligée dans la Décision, identique à celle infligéedans la décision initiale, est libellée en écus. Or, compte tenu de la fortedépréciation de la lire italienne entre les dates d'adoption de ces deux décisions,l'amende due par la requérante, en lires italiennes, serait en réalitésubstantiellement supérieure à celle infligée en 1988. Si l'on admet que la durée etla gravité de l'infraction n'ont, bien entendu, pas changé par rapport à la décisionde 1988 et que l'amende infligée à cette époque est présumée proportionnée, il enrésulte que l'amende aujourd'hui supportée par Enichem, libellée en monnaienationale, serait disproportionnée.

1214.
    La requérante ajoute qu'elle n'avait aucune raison de se prémunir contre un risquede change, puisque l'arrêt du Tribunal puis celui de la Cour l'auraient déchargéede toute obligation de payer une amende. Elle fait remarquer que, à son égard, laseule monnaie de référence est celle de l'État dans lequel l'entreprise a son siège(arrêt de la Cour du 9 mars 1977, Société anonyme Générale sucrièree.a./Commission, 41/73, 43/73 et 44/73, Rec. p. 445, points 12 et 13 et partie en faitde l'arrêt, p. 455). Elle observe encore que, par exemple, par conversion préalablede l'amende initiale en lires italiennes, il aurait été aisé d'éviter l'effet préjudiciablede la dévaluation de cette monnaie.

Appréciation du Tribunal

1215.
    Aux termes de l'article 15, paragraphe 2, du règlement n° 17, pour déterminer lemontant de l'amende, il y a lieu de prendre en considération la durée et la gravitéde l'infraction. C'est donc au regard de l'ensemble des circonstances de l'infractionqu'il convient d'apprécier le caractère proportionné de l'amende.

1216.
    En l'espèce, Montedison n'a nullement démontré en quoi l'amende infligée seraitdisproportionnée, au regard de la gravité et de la durée de l'infraction.

1217.
    L'argumentation présentée par Shell repose sur des considérations que laCommission a prises en compte lors de la détermination du montant de l'amende

et qui ont conduit au prononcé d'une amende proportionnellement moinsimportante que celle infligée aux autres entreprises (Décision, point 53 in fine).Aucun élément ne vient confirmer que le montant de l'amende ainsi fixé seraitdisproportionné.

1218.
    En ce qui concerne les arguments d'Enichem, il convient de relever que, auxtermes de l'article 3 de la Décision, les amendes infligées sont libellées en écus.L'article 4 de la Décision dispose que les amendes infligées sont payables en écus.

1219.
    Aucun élément ne fait apparaître que l'amende infligée, exprimée en écus, seraitdisproportionnée au regard de la gravité et de la durée de l'infraction.

1220.
    En outre, la Commission est en droit d'exprimer le montant de l'amende en écus,unité monétaire convertible en monnaie nationale. La conversion possible de l'écuen monnaie nationale différencie cette unité monétaire de l'unité de compteinitialement mentionnée à l'article 15, paragraphe 2, du règlement n° 17, dont laCour a expressément reconnu que, n'étant pas une monnaie de paiement, elleimpliquait nécessairement la détermination du montant de l'amende en monnaienationale (arrêt Société anonyme Générale sucrière e.a./Commission, précité,point 15).

1221.
    Il est par ailleurs constant que l'amende infligée à la requérante à l'article 3 de laDécision et exprimée en écus est identique à celle fixée à l'article 3 de la décisionde 1988. De fait, l'objet même poursuivi par la Commission était l'adoption d'unedécision identique, sur le fond, à celle de 1988 qui avait été annulée pour violationdes formes substantielles.

1222.
    En outre, à raison du fait même que les amendes étaient, dès la décision de 1988,exprimées en écus et en l'absence d'une monnaie commune unique dans laquellela Commission aurait pu exprimer les amendes, ou de taux de change fixes entreles devises des États membres, les risques de modification des taux de changedemeurent inévitables. Enichem aurait pu se couvrir contre de tels risques, aussilongtemps que l'affaire était pendante devant le Tribunal, puis devant la Cour dansle cadre du pourvoi. Il y a lieu de rappeler enfin que, le jour même du prononcéde l'arrêt du 15 juin 1994, la Commission a indiqué, par un communiqué de presse,son intention d'adopter de nouveau la décision, ce qui a été fait un mois plus tard.

1223.
    Enfin, il y a lieu de relever qu'il n'est pas contesté que l'amende infligée, mêmelibellée en monnaie nationale, demeure substantiellement inférieure au seuilmaximal énoncé à l'article 15, paragraphe 2, du règlement n° 17.

1224.
    Au vu de ces éléments, les moyens exposés par les requérantes doivent être rejetés.

Sur les moyens tirés de la violation du principe d'égalité de traitement

Arguments des requérantes

1225.
    Les requérantes se prévalent de quatre types de violations du principe d'égalité detraitement.

1226.
    En premier lieu, LVM, Shell, DSM, ICI et Enichem soutiennent chacune êtrevictime d'un traitement inégal par rapport à certaines autres requérantes.

1227.
    En second lieu, Enichem soutient que l'amende qui lui a été infligée est supérieureà celle imposée dans d'autres décisions concernant des secteurs qui traversent unecrise moindre que celle du secteur du PVC [décision 84/405/CEE de laCommission, du 6 août 1984, relative à une procédure d'application de l'article 85du traité (IV/30.350 — Zinc Producer Group) (JO L 220, p. 27)].

1228.
    En troisième lieu, Enichem conteste la discrimination dont elle est victime enraison de l'évolution du taux de change écu/lire italienne entre la date d'adoptionde la décision de 1988 et celle de la Décision. Si les amendes libellées en écus sontidentiques à celles de 1988, les amendes converties en monnaie nationale sont, enrevanche, différentes, compte tenu des fluctuations de change intervenues depuislors. La requérante, dont l'amende, convertie en monnaie nationale, asubstantiellement augmenté, serait ainsi discriminée par rapport à d'autresdestinataires de la Décision. En réalité, elle se trouverait pénalisée du fait qu'ellea utilisé, avec succès, les voies de droit qui lui étaient ouvertes à l'encontre de ladécision initiale.

1229.
    En quatrième lieu, LVM, DSM, ICI et Enichem contestent la discrimination dontelles sont victimes vis-à-vis de Solvay et de Norsk Hydro, qui, en droit, échappentà toute sanction pécuniaire. En effet, d'une part, Solvay et Norsk Hydro ne sevoient pas infliger d'amendes par la Décision. D'autre part, ces entrepriseséchappent à toute sanction prononcée dans la décision de 1988, puisque cettedécision a été annulée à l'égard de toutes les entreprises, conformément à l'effeterga omnes de l'arrêt de la Cour du 15 juin 1994. D'ailleurs, même si la décisionde 1988 n'avait pas été annulée à l'égard de Solvay et de Norsk Hydro, il reste quela Commission ne pourrait en obtenir l'exécution: tout d'abord, parce que l'article192 du traité énonce la nécessité pour l'autorité nationale de vérifier l'authenticitéde la décision de 1988, ce qui est impossible puisque cette décision a été annuléepour défaut d'authentification; ensuite, parce que le délai de prescription pourl'application des sanctions est aujourd'hui dépassé (article 4 du règlementn° 2988/74).

Appréciation du Tribunal

1230.
    En premier lieu, ainsi qu'il a été rappelé, la détermination du montant desamendes individuelles est le résultat de la pondération de divers éléments, enparticulier l'importance de l'entreprise sur le marché, la durée de sa participationou encore le rôle qu'elle a pu jouer, en particulier dans le cas de Shell.

1231.
    Or, il n'a été nullement démontré par les requérantes que la Commission auraittraité de manière différente des situations identiques ou traité de manière identiquedes situations différentes. En réalité, tous les cas de discrimination entre lesrequérantes allégués par elles reposent sur la comparaison de leur propre situationavec celle d'une ou de plusieurs autres requérantes dont l'importance sur lemarché, la durée de la participation ou le rôle dans l'infraction sont différents.

1232.
    En second lieu, il convient de relever que la détermination du montant desamendes repose sur une variété de critères, qui doivent être appréciés au cas parcas, en fonction de l'ensemble des circonstances de l'espèce. De surcroît, le fait quela Commission a appliqué, dans le passé, des amendes d'un certain niveau àcertains types d'infractions ne saurait la priver de la possibilité d'élever ce niveaudans les limites indiquées au règlement n° 17, si cela est nécessaire pour assurer lamise en oeuvre de la politique de concurrence (notamment arrêt Musique Diffusionfrançaise e.a./Commission, précité, point 109). Il n'est dès lors pas établi que laCommission ait, en l'espèce, méconnu le principe d'égalité de traitement parrapport à sa pratique antérieure.

1233.
    En troisième lieu, s'agissant de la discrimination qui résulterait de la dévaluationou de la dépréciation de certaines devises nationales par rapport à d'autres, leTribunal relève que les amendes infligées aux différentes requérantes ont étéexprimées en écus. Ainsi libellées, il est constant que les amendes infligées àchacune des requérantes à l'article 3 de la Décision sont identiques à cellesinfligées dans la décision de 1988.

1234.
    Les risques de taux de change sont inhérents à l'existence de devises nationalesdistinctes dont la parité est susceptible de fluctuer à tout moment. Enichem neprétend d'ailleurs pas que la fixation des amendes en devise nationale résoudraitles effets de telles fluctuations lorsque, comme en l'espèce, sont en cause desentreprises dont le siège est situé dans différents États membres et dont lesamendes seraient fixées dans la devise nationale de chacun de ces États.

1235.
    Ainsi qu'il a déjà été jugé, la Commission est en droit d'exprimer les amendesinfligées en écus, ce qui permet d'ailleurs aux entreprises de comparer plusfacilement les montants des amendes infligées à chacune d'elles. En outre, l'objetmême de la Commission était l'adoption d'une décision, identique, sur le fond, àcelle de 1988, en se limitant à corriger le vice formel qui avait conduit à sonannulation par la Cour. Enfin, compte tenu du fait que les amendes étaient, dès la

décision de 1988, exprimées en écus, et des risques inévitables en matière de tauxde change, la requérante aurait pu se prémunir contre de tels risques, ainsi qu'il aété dit ci-dessus (point 1222).

1236.
    En quatrième lieu, la prétendue discrimination dont les requérantes seraientvictimes à l'égard de Solvay et de Norsk Hydro est fondée sur le postulat selonlequel l'annulation de la décision de 1988 par la Cour aurait produit un effet ergaomnes. Or, il suffit de rappeler que, ainsi qu'il a déjà été jugé (voir ci-dessuspoints 167 à 174), tel n'est pas le cas.

1237.
    En toute hypothèse, il y a lieu de rappeler que, dès lors qu'une entreprise a, parson comportement, violé l'article 85, paragraphe 1, du traité, elle ne sauraitéchapper à toute sanction au motif qu'un autre opérateur économique ne se seraitpas vu infliger d'amende, alors même que le Tribunal n'est pas saisi de la situationde ce dernier (notamment arrêt Ahlström Osakeyhtiö e.a./Commission, précité,point 197).

1238.
    Dans ces conditions, l'ensemble des moyens des requérantes tirés de la violationde principes généraux du droit, doivent être rejetés.

1239.
    Au vu de ces éléments, l'ensemble des moyens exposés par les requérantes àl'appui de leurs conclusions en annulation ou en réduction de l'amende doivent êtrerejetés, sous les réserves suivantes.

1240.
    Conformément aux points 1143, 1197 et 1198 ci-dessus, les amendes infligées à ElfAtochem, à la SAV et à ICI doivent être réduites à, respectivement,2 600 000 euros, 135 000 euros et 1 550 000 euros.

Sur les autres conclusions

1241.
    Au-delà des conclusions précédemment examinées et de celles relatives aux dépens,les requérantes ont présenté certaines autres conclusions (voir ci-dessus points 27à 30).

1242.
    Parmi celles-ci, certaines ont déjà été examinées, compte tenu de leur lien étroitavec les moyens soulevés au soutien des conclusions en annulation de la Décisionou de celles en annulation ou en réduction de l'amende et qui ont été rejetés (voirci-dessus points 268, 365 à 371, 375 à 377 et 1091).

1243.
    En ce qui concerne les conclusions tendant à ce que soient versés au dossier lesactes produits lors des recours formés contre la décision de 1988, elles doivent êtrerejetées pour les mêmes raisons que celles exposées ci-dessus (point 39).

1244.
    Dans ces conditions, il convient d'examiner, d'une part, les conclusions enannulation de l'article 2 de la Décision (I), d'autre part, la demande, exposée parMontedison, de réparation du préjudice prétendument subi (II).

I — Sur les conclusions en annulation de l'article 2 de la Décision

Arguments des requérantes

1245.
    Au stade de la réplique, sans l'inclure formellement dans ses conclusions, Hoechstfait valoir que l'article 2 du dispositif de la Décision, emportant injonction de cesserle comportement délictueux, est illégal en ce qui la concerne. En effet, il netiendrait pas compte du fait que la requérante n'exerçait plus d'activité dans lesecteur du PVC au jour de l'adoption de la Décision.

1246.
    DSM rappelle que, en vertu de l'article 3, paragraphe 1, du règlement n° 17, laCommission peut obliger les entreprises à mettre fin à l'infraction qu'elle aconstatée. En l'espèce, l'article 2 de la Décision ordonnerait, notamment, que cessetout échange d'informations confidentielles entre les producteurs de PVC; or, nil'article 1er de la Décision ni, d'ailleurs, les motifs de la Décision ne permettraientde conclure qu'une semblable infraction ait été constatée. La Commission auraitdonc excédé les pouvoirs qui lui sont conférés par l'article précité du règlementn° 17.

Appréciation du Tribunal

1247.
    En ce qui concerne le moyen soulevé par Hoechst, sans qu'il y ait lieu des'interroger sur sa recevabilité au regard de l'article 48, paragraphe 2, du règlementde procédure, il suffit de relever que l'article 2 de la Décision s'adresseexplicitement aux entreprises «encore actives dans le secteur du PVC». Dès lors,l'argumentation au soutien de cette conclusion est manifestement dépourvue detout fondement.

1248.
    En vertu de l'article 3, paragraphe 1, du règlement n° 17, la Commission, lorsqu'elleconstate une infraction, notamment, aux dispositions de l'article 85 du traité, peutobliger par voie de décision les entreprises intéressées à mettre fin à l'infractionconstatée. Ainsi qu'il ressort du point 50 de la Décision, l'article 2 de celle-ci a étéadopté en application de cette disposition. Après avoir rappelé le contenu decelle-ci, la Commission a ainsi indiqué: «On ignore si les réunions, ou du moins unsystème quelconque de communication des prix et des tonnages entre les sociétés,ont jamais réellement cessé. En conséquence, il convient d'inclure dans toutedécision l'obligation formelle, pour les entreprises qui exercent toujours desactivités dans le secteur du PVC, de mettre fin à l'infraction et de s'abstenirdorénavant de toute pratique collusoire ayant un objet ou un effet similaire.»

1249.
    Il est de jurisprudence constante que l'application de l'article 3, paragraphe 1, durèglement n° 17, peut comporter l'interdiction de continuer certaines activités,pratiques ou situations, dont l'illégalité a été constatée (arrêts de la Cour IstitutoChemioterapico et Commercial Solvents/Commission, précité, point 45, et du 6 avril1995, RTE et ITP/Commission, C-241/91 P et C-242/91 P, Rec. p. I-743, point 90),mais aussi celle d'adopter un comportement futur similaire (arrêt du Tribunal du6 octobre 1994, Tetra Pak/Commission, T-83/91, Rec. p. II-755, point 220).

1250.
    En outre, dans la mesure où l'application de l'article 3, paragraphe 1, du règlementn° 17, doit se faire en fonction de l'infraction constatée, la Commission a le pouvoirde préciser l'étendue des obligations qui incombent aux entreprises concernées afinqu'il soit mis fin à cette infraction. De telles obligations pesant sur les entreprisesne doivent toutefois pas dépasser les limites de ce qui est approprié et nécessairepour atteindre le but recherché, à savoir le rétablissement de la légalité au regarddes règles qui ont été méconnues (arrêt RTE et ITP/Commission, précité,point 93).

1251.
    En l'espèce, à l'article 2 de la Décision, la Commission ordonne tout d'abord auxentreprises encore actives dans le secteur du PVC de mettre fin immédiatementaux infractions relevées dans la Décision.

1252.
    Elle enjoint ensuite aux entreprises de s'abstenir à l'avenir, dans le secteur encause, de tout accord ou pratique concertée pouvant avoir un objet ou un effetidentique ou similaire.

1253.
    De semblables injonctions relèvent manifestement du pouvoir dont la Commissiondispose au titre de l'article 3, paragraphe 1, du règlement n° 17.

1254.
    Ensuite, parmi ces accords ou pratiques concertées ayant un objet ou un effetanalogue à celui des pratiques reprochées dans la Décision, la Commission a visé«tout échange de renseignements du type généralement couvert par le secretprofessionnel, au moyen duquel les participants seraient informés directement ouindirectement de la production, des livraisons, du niveau des stocks, des prix devente, des coûts ou des plans d'investissement d'autres producteurs». Dès lors quela Commission est en droit d'interdire, pour l'avenir, tout accord ou pratique ayantun objet identique ou analogue à celui du comportement constaté dans la Décision,elle a inclus, à juste titre, les échanges de renseignements en question. En effet,d'une part, la Décision comporte en particulier un grief fondé spécifiquement surl'échange de données de ventes; d'autre part, les réunions entre producteursreposaient sur l'échange d'informations en matière de prix et de volumes de ventes,puisqu'elles tendaient à définir, en commun, la politique à suivre en la matière. Demême, la Commission est en droit d'interdire les échanges en matière de vente etde prix de vente, qui sont visés dans la Décision, mais également les échangesd'informations d'une autre nature, qui permettraient «indirectement» d'aboutir àun résultat «identique ou similaire». En particulier, de l'échange de données

individualisées en termes de production et de niveau de stocks, il pourrait êtreaisément déduit les ventes de chacun; ne pas reconnaître à la Commission lepouvoir d'interdire un tel échange permettrait aux entreprises de contourneraisément l'injonction qui leur est faite de ne pas continuer ou adopter de nouveaudes comportements tels que ceux constatés dans la Décision.

1255.
    Quant à l'interdiction d'échange de renseignements de type généralement couvertpar le secret professionnel, «qui permettrait aux entreprises de suivre l'exécutionde tout accord exprès ou tacite ou de toute pratique concertée se rapportant auxprix ou au partage de marché», elle présente un lien direct avec les pratiquesconstatées dans la Décision, qui fait reproche aux entreprises d'avoir mis en oeuvre,en commun, des mécanismes de contrôle des volumes de ventes et des initiativesde prix.

1256.
    Aux termes de la première partie de la seconde phrase de l'article 2 de la Décision,«[t]out système d'échange de données générales auquel les producteurs seraientabonnés pour le secteur du PVC est géré de manière à exclure toute donnéepermettant d'identifier le comportement de producteurs déterminés». Dans laDécision, les systèmes d'échange de données générales auxquels les producteursseraient abonnés ne sont pas mis en cause, en raison du fait même qu'ils nepermettent pas d'identifier le comportement de producteurs déterminés, mais selimitent à la communication de données agrégées (voir point 12, troisième alinéa,de la Décision). La deuxième phrase de l'article 2 tend donc simplement à éviterque les producteurs ne puissent contourner l'interdiction qui leur est faite decontinuer ou d'adopter de nouveau des comportements tels que ceux constatésdans la Décision, en substituant à leur mécanisme de réunions régulières unsystème d'échange de données individualisées, qui aboutirait au même résultat.Cette phrase ne tend donc qu'à préciser la notion d'accord ou de pratiqueconcertée ayant un objet ou un effet similaire, énoncée à la phrase précédente.

1257.
    La seconde partie de la seconde phrase de l'article 2 de la Décision est redondantepar rapport à la première. Elle tend en fait simplement à préciser que l'interdictiond'échanger des données individualisées, permettant d'identifier le comportementde chaque producteur, dans le cadre d'un système auquel les producteurs seraientabonnés, ne saurait, bien entendu, être contournée par le biais d'échanges directsentre les producteurs.

1258.
    Enfin, la seconde phrase de l'article 2 de la Décision indique clairement que, à ladifférence de la situation rencontrée par le Tribunal dans le cadre des recoursformés contre la décision 94/601/CE de la Commission, du 13 juillet 1994, relativeà une procédure d'application de l'article 85 du traité (IV/C/33.833 — Carton)(JO L 243, p. 1), la Commission n'a pas inclus une interdiction couvrant également,sous certaines conditions, les données échangées sous une forme agrégée.

1259.
    Au vu de l'ensemble de ces éléments, il apparaît que les obligations pesant sur lesentreprises, au titre de l'article 2 de la Décision, ne dépassent pas les limites de cequi est approprié et nécessaire pour assurer le rétablissement de la légalité auregard des règles qui ont été méconnues). En adoptant l'article 2 de la Décision,la Commission n'a donc pas outrepassé les pouvoirs qui lui sont conférés en vertude l'article 3, paragraphe 1, du règlement n° 17.

1260.
    Dès lors, les conclusions en annulation de l'article 2 de la Décision doivent êtrerejetées.

II — Sur la demande de réparation du préjudice prétendument subi

1261.
    Montedison conclut à ce qu'il plaise au Tribunal condamner la Commission auversement de dommages et intérêts, à raison des frais liés à la constitution de lagarantie bancaire et pour tout autre frais relatif à la Décision.

1262.
    Le Tribunal relève que la requête ne permet pas d'identifier les moyens de droitsur lesquels la requérante entend fonder ses conclusions en la matière.

1263.
    Il s'ensuit que la requête ne satisfait pas, sur ce point, aux exigences minimalesétablies par l'article 19 du statut de la Cour et par l'article 44, paragraphe 1,sous c), du règlement de procédure pour qu'un recours soit recevable. Dès lors, cesconclusions doivent être rejetées comme irrecevables (arrêt ParkerPen/Commission, précité, points 99 et 100).

1264.
    En outre, à supposer que la faute reprochée à la Commission corresponde auxdifférents griefs exposés par la requérante à l'appui de ses conclusions enannulation, que le Tribunal a rejetées, force serait alors de constater que lesconclusions en réparation du préjudice subi seraient en toute hypothèse infondées.

Conclusion

1265.
    Il résulte de l'ensemble de l'examen auquel le Tribunal a procédé que l'article 1erde la Décision doit être annulé, dans la mesure où il retient que la SAV a participéà l'infraction reprochée après le premier semestre de l'année 1981. Les amendesinfligées à Elf Atochem, à la SAV et à ICI doivent être réduites à un montant de,respectivement, 2 600 000 euros, 135 000 euros et 1 550 000 euros. Les recoursdoivent être rejetés pour le surplus.

Sur les dépens

1266.
    Aux termes de l'article 87, paragraphe 2, du règlement de procédure, toute partiequi succombe est condamnée aux dépens, s'il est conclu en ce sens. En outre, siplusieurs parties succombent, le Tribunal décide du partage des dépens.

1267.
    LVM, BASF, Shell, DSM, Wacker, Hoechst, Montedison, Hüls et Enichem ayantsuccombé en toutes leurs conclusions, il y a lieu de les condamner aux dépens dela Commission, conformément aux conclusions de celle-ci.

1268.
    Elf Atochem et ICI ayant succombé en une partie de leurs conclusions, il y a lieude condamner ces requérantes et la Commission à supporter chacune leurs propresdépens.

1269.
    La SAV ayant succombé en une partie de ses conclusions mais ayant obtenu gainde cause sur une partie significative de celles-ci, il y a lieu de condamner cetterequérante à supporter deux tiers de ses propres dépens, et de condamner laCommission à supporter, outre ses propres dépens, un tiers des dépens de larequérante.

Par ces motifs,

LE TRIBUNAL (troisième chambre élargie)

déclare et arrête:

1)    Les affaires T-305/94, T-306/94, T-307/94, T-313/94, T-314/94, T-315/94, T-316/94, T-318/94, T-325/94, T-328/94, T-329/94 et T-335/94 sont jointes auxfins de l'arrêt.

2)    L'article 1er de la décision 94/599/CE de la Commission, du 27 juillet 1994,relative à une procédure d'application de l'article 85 du traité CE (IV/31.865— PVC) est annulé, dans la mesure où il retient que la Société artésiennede vinyle a participé à l'infraction reprochée après le premier semestre del'année 1981.

3)    Les amendes infligées à Elf Atochem SA, à la Société artésienne de vinyleet à Imperial Chemical Industries plc à l'article 3 de cette décision sontréduites à un montant de, respectivement, 2 600 000 euros, 135 000 euroset 1 550 000 euros.

4)    Les recours sont rejetés pour le surplus.

5)    Chaque requérante supportera ses propres dépens et les dépens exposés parla Commission dans l'affaire qu'elle a introduite. Toutefois, dans lesaffaires T-307/94 et T-328/94, Elf Atochem SA, Imperial Chemical

Industries plc et la Commission supporteront chacune leurs propresdépens. Dans l'affaire T-318/94, la Société artésienne de vinyle supporteradeux tiers de ses propres dépens et la Commission supportera, outre sespropres dépens, un tiers des dépens de la requérante.

Tiili
Lenaerts
Potocki

Ainsi prononcé en audience publique à Luxembourg, le 20 avril 1999.

Le greffier

Le président

H. Jung

V. Tiili

Table des matières

    Faits à l'origine du litige

II - 3

    Procédure

II - 6

    Conclusions des parties

II - 8

    Sur la recevabilité des moyens au regard des articles 44, paragraphe 1, 46, paragraphe 1, et48, paragraphe 2, du règlement de procédure

II - 9

        I — Sur les exceptions d'irrecevabilité fondées sur l'article 44, paragraphe 1, sous c),du règlement de procédure

II - 9

            Arguments des parties

II - 9

            Appréciation du Tribunal

II - 10

        II — Sur l'exception d'irrecevabilité fondée sur l'article 46, paragraphe 1, du règlementde procédure

II - 11

            Arguments des parties

II - 11

            Appréciation du Tribunal

II - 12

        III — Sur les exceptions d'irrecevabilité fondées sur l'article 48, paragraphe 2, durèglement de procédure

II - 12

            Arguments des parties

II - 12

            Appréciation du Tribunal

II - 13

    Sur les conclusions en annulation de la Décision

II - 15

        I — Sur les moyens tirés de l'existence de vices de forme et de procédure

II - 15

            A — Sur les effets de l'arrêt du 15 juin 1994 annulant la décision de 1988

II - 16

                1. Sur le pouvoir de la Commission d'adopter une nouvelle décision aprèsl'arrêt du 15 juin 1994

II - 16

                    a) Sur les moyens tirés de la prétendue impossibilité pour laCommission d'adopter la Décision

II - 16

                    Sur le moyen tiré de la violation de l'autorité de la chose jugée

II - 16

                    — Arguments des parties

II - 17

                    — Appréciation du Tribunal

II - 18

                    Sur le moyen tiré de la violation du principe non bis in idem

II - 19

                    — Arguments des parties

II - 19

                    — Appréciation du Tribunal

II - 20

                    b) Sur les moyens tirés de l'écoulement du temps

II - 21

                    Arguments des parties

II - 21

                    — Sur le moyen tiré d'une violation du principe du délai raisonnable

II - 21

                    — Sur le moyen tiré de l'abus de droit

II - 23

                    — Sur le moyen tiré de la violation des principes relatifs à un procèséquitable

II - 23

                    Appréciation du Tribunal

II - 24

                    c) Sur les moyens tirés de la prétendue méconnaissance, par laCommission, de son pouvoir d'appréciation

II - 27

                    Arguments des parties

II - 28

                    Appréciation du Tribunal

II - 29

                2. Sur la portée de l'arrêt du 15 juin 1994

II - 31

                    a) Sur les griefs tirés de l'effet erga omnes de l'arrêt du 15 juin 1994

II - 31

                    Arguments des parties

II - 31

                    Appréciation du Tribunal

II - 32

                    b) Sur les griefs tirés de l'invalidité des actes de procédure ayant précédél'adoption de la Décision

II - 33

                    Arguments des parties

II - 33

                    Appréciation du Tribunal

II - 35

                3. Sur les modalités d'adoption de la Décision, après l'annulation de ladécision de 1988

II - 37

                    Exposé sommaire de l'argumentation des requérantes

II - 37

                    — En ce qui concerne les étapes procédurales prévues par le droitdérivé

II - 38

                    — En ce qui concerne le droit d'être entendu allégué par lesrequérantes

II - 42

                    Arguments de la Commission

II - 45

                    Appréciation du Tribunal

II - 48

            B — Sur les irrégularités commises lors de l'adoption et de l'authentification dela Décision

II - 52

                1. Sur les moyens tirés de l'illégalité du règlement intérieur de laCommission du 17 février 1993

II - 52

                    Arguments des parties

II - 52

                    Appréciation du Tribunal

II - 53

                    — Sur la recevabilité de l'exception d'illégalité

II - 54

                    — Sur l'illégalité de l'article 16, premier alinéa, du règlement intérieur dufait du non-respect de l'exigence de sécurité juridique

II - 56

                2. Sur les moyens tirés de la violation du principe de collégialité et durèglement intérieur de la Commission

II - 58

                    Arguments des parties

II - 58

                    Appréciation du Tribunal

II - 58

                3. Sur le moyen relatif à la composition du dossier soumis à la délibérationdu collège des membres de la Commission

II - 59

                4. Sur les moyens tirés de la violation des principes d'identité entre l'organeayant délibéré et l'organe ayant statué, d'une part, et d'immédiateté,d'autre part

II - 59

                    Arguments des parties

II - 59

                    Appréciation du Tribunal

II - 60

            C — Sur les vices dont serait affectée la procédure administrative

II - 61

                1. Sur les moyens tirés de l'existence de vices affectant la communication desgriefs

II - 61

                    a) Sur le moyen tiré de l'existence de vices formels affectant lacommunication des griefs

II - 61

                    Arguments des parties

II - 61

                    Appréciation du Tribunal

II - 61

                    b) Sur le moyen tiré de la violation de l'article 3 du règlement n° 1 duConseil

II - 62

                    Arguments des parties

II - 62

                    Appréciation du Tribunal

II - 62

                    c) Sur le moyen tiré d'une absence de délai suffisant pour préparer laréponse à la communication des griefs

II - 63

                    Arguments des parties

II - 63

                    Appréciation du Tribunal

II - 64

                2. Sur les moyens tirés de l'existence de vices affectant l'audition

II - 65

                    a) Sur le moyen tiré du délai insuffisant pour préparer l'audition

II - 65

                    b) Sur le moyen tiré de la violation de l'article 3 du règlement n° 1

II - 65

                    Arguments des parties

II - 65

                    Appréciation du Tribunal

II - 65

                    c) Sur le moyen tiré du caractère incomplet du procès-verbal del'audition

II - 66

                    Arguments des parties

II - 66

                    Appréciation du Tribunal

II - 66

                    d) Sur le moyen tiré du défaut de production de l'avis du conseiller-auditeur

II - 67

                    Arguments des parties

II - 67

                    Appréciation du Tribunal

II - 68

            D — Sur la violation de l'article 190 du traité

II - 68

                Arguments des parties

II - 68

                Appréciation du Tribunal

II - 70

        II — Sur les moyens de fond

II - 71

            A — Sur les preuves

II - 71

                1. Sur la recevabilité des preuves

II - 71

                    a) Sur le moyen tiré d'une violation du principe de l'inviolabilité dudomicile

II - 72

                    Arguments des parties

II - 72

                    Appréciation du Tribunal

II - 73

                    i) Sur la recevabilité du moyen

II - 73

                    ii) Sur le bien-fondé du moyen

II - 75

                    — Sur la première branche du moyen, relative à la validité des actes devérification

II - 75

                    — Sur la seconde branche du moyen, relative à l'exécution des actes devérification

II - 76

                    b) Sur le moyen tiré d'une méconnaissance du «droit au silence» et dudroit de ne pas contribuer à sa propre incrimination

II - 76

                    Arguments des parties

II - 76

                    Appréciation du Tribunal

II - 78

                    — Sur la recevabilité du moyen

II - 78

                    — Sur le bien-fondé du moyen

II - 78

                    c) Sur le moyen tiré d'une violation de l'article 20, paragraphe 1, durèglement n° 17

II - 81

                    Arguments des parties

II - 81

                    Appréciation du Tribunal

II - 82

                    — Sur les faits

II - 82

                    — Sur le bien-fondé du moyen

II - 83

                    d) Sur le moyen tiré de l'irrecevabilité, à titre de preuve, du refus derépondre à des demandes de renseignements ou de produire desdocuments

II - 84

                    Arguments des parties

II - 84

                    Appréciation du Tribunal

II - 84

                    — Preuve de l'infraction

II - 84

                    — Preuve de la participation à l'infraction

II - 84

                    e) Sur le moyen tiré du défaut de communication de pièces

II - 85

                    Arguments des parties

II - 85

                    Appréciation du Tribunal

II - 86

                    f) Sur le moyen tiré de la communication tardive de pièces

II - 87

                    Arguments des parties

II - 87

                    Appréciation du Tribunal

II - 87

                2. Sur l'administration de la preuve

II - 88

                    a) Sur le moyen tiré du défaut de valeur probante de catégories depreuves retenues par la Commission

II - 88

                    Arguments des parties

II - 88

                    Appréciation du Tribunal

II - 88

                    b) Sur le moyen tiré d'une méconnaissance des règles relatives àl'administration de la preuve

II - 89

                    Arguments des parties

II - 89

                    Appréciation du Tribunal

II - 92

            B — Sur la contestation de l'existence d'une infraction à l'article 85, paragraphe1, du traité

II - 92

                1. En fait

II - 92

                    Rappel sommaire de la Décision

II - 92

                    Arguments des requérantes

II - 94

                    — Sur l'origine de l'entente

II - 94

                    — Sur les réunions entre producteurs

II - 95

                    — Sur les mécanismes de quotas et de compensation

II - 95

                    — Sur la surveillance des ventes sur les marchés nationaux

II - 97

                    — Sur les initiatives de prix

II - 98

                    Appréciation du Tribunal

II - 99

                    — Sur les systèmes de quotas

II - 99

                    — Sur la surveillance des ventes sur les marchés nationaux

II - 107

                    — Sur les prix cibles et les initiatives de prix

II - 111

                    — Sur l'origine de l'entente

II - 118

                    — Sur les réunions entre producteurs

II - 120

                2. En droit

II - 123

                    a) Sur la qualification d'accord «et/ou» de pratique concertée

II - 123

                    Arguments des requérantes

II - 123

                    Appréciation du Tribunal

II - 124

                    b) Sur la qualification, en l'espèce, d'«accord» et/ou de «pratiqueconcertée»

II - 125

                    Arguments des requérantes

II - 125

                    Appréciation du Tribunal

II - 128

                    c) Sur la qualification d'objet ou d'effet anticoncurrentiel

II - 130

                    Arguments des requérantes

II - 130

                    Appréciation du Tribunal

II - 131

                    d) Sur la qualification d'affectation du commerce entre États membres

II - 133

                    Arguments des parties

II - 133

                    Appréciation du Tribunal

II - 134

                    e) Sur les autres moyens de droit

II - 134

                    Sur le moyen tiré d'un détournement de pouvoir

II - 134

                    Sur le moyen tiré d'un défaut de concordance entre le dispositif et lesmotifs de la Décision

II - 135

            C — Sur la participation des requérantes à l'infraction constatée

II - 135

                1. Sur la prétendue imputation d'une responsabilité collective

II - 135

                    Arguments des parties

II - 135

                    Appréciation du Tribunal

II - 136

                2. Sur la participation individuelle des requérantes à l'infraction

II - 138

                    a) DSM

II - 138

                    Arguments des requérantes

II - 138

                    Appréciation du Tribunal

II - 139

                    b) Atochem

II - 139

                    Arguments de la requérante

II - 139

                    Appréciation du Tribunal

II - 140

                    c) BASF

II - 142

                    Arguments de la requérante

II - 142

                    Appréciation du Tribunal

II - 142

                    d) Shell

II - 143

                    Arguments de la requérante

II - 143

                    Appréciation du Tribunal

II - 146

                    e) LVM

II - 149

                    Arguments de la requérante

II - 149

                    Appréciation du Tribunal

II - 150

                    f) Wacker

II - 151

                    Arguments de la requérante

II - 151

                    Appréciation du Tribunal

II - 151

                    g) Hoechst

II - 152

                    Arguments de la requérante

II - 152

                    Appréciation du Tribunal

II - 152

                    h) SAV

II - 153

                    Arguments de la requérante

II - 153

                    Appréciation du Tribunal

II - 154

                    i) Montedison

II - 156

                    Arguments de la requérante

II - 156

                    Appréciation du Tribunal

II - 156

                    j) Hüls

II - 158

                    Arguments de la requérante

II - 158

                    Appréciation du Tribunal

II - 159

                    k) Enichem

II - 161

                    Arguments de la requérante

II - 161

                    Appréciation du Tribunal

II - 162

            D — Sur l'imputabilité de l'infraction et l'identification des destinataires de laDécision

II - 164

                1. Sur l'imputabilité de l'infraction

II - 164

                    Arguments des requérantes

II - 164

                    Appréciation du Tribunal

II - 166

                2. Sur l'identification des destinataires de la Décision

II - 169

                    Arguments des requérantes

II - 169

                    Appréciation du Tribunal

II - 170

        III — Sur les moyens relatifs à l'accès au dossier

II - 173

            A — Sur les conditions dans lesquelles la Commission a donné accès à son dossierlors de la procédure administrative

II - 173

                Arguments des parties

II - 173

                Appréciation du Tribunal

II - 175

            B — Sur les observations déposées dans le cadre de la mesure d'organisation dela procédure

II - 179

                Arguments des requérantes

II - 179

                Appréciation du Tribunal

II - 179

    Sur les amendes

II - 188

        I — Sur les moyens tirés de l'écoulement du temps et de la prescription

II - 188

            Arguments des requérantes

II - 189

            Appréciation du Tribunal

II - 190

        II — Sur les moyens tirés de la violation de l'article 15, paragraphe 2, du règlementn° 17

II - 193

            Sur le caractère délibéré de l'infraction

II - 193

            Sur la durée de l'infraction

II - 194

                Arguments des requérantes

II - 194

                Appréciation du Tribunal

II - 195

            Sur le chiffre d'affaires pris en compte

II - 198

                Arguments des requérantes

II - 198

                Appréciation du Tribunal

II - 199

            Sur le défaut de prise en compte de certaines circonstances atténuantes

II - 199

                Arguments des requérantes

II - 199

                Appréciation du Tribunal

II - 200

        III — Sur les moyens tirés de la violation de l'obligation de motivation

II - 202

            Arguments des requérantes

II - 202

            Appréciation du Tribunal

II - 203

        IV — Sur les erreurs de droit et les erreurs manifestes d'appréciation

II - 205

            Arguments des requérantes

II - 205

            Appréciation du Tribunal

II - 206

        V — Sur la violation de principes généraux du droit

II - 208

            Sur les moyens tirés de la violation du principe d'individualité des peines

II - 208

            Sur les moyens tirés de la violation du principe de proportionnalité

II - 209

                Arguments des requérantes

II - 209

                Appréciation du Tribunal

II - 209

            Sur les moyens tirés de la violation du principe d'égalité de traitement

II - 211

                Arguments des requérantes

II - 211

                Appréciation du Tribunal

II - 212

    Sur les autres conclusions

II - 213

        I — Sur les conclusions en annulation de l'article 2 de la Décision

II - 214

            Arguments des requérantes

II - 214

            Appréciation du Tribunal

II - 214

        II — Sur la demande de réparation du préjudice prétendument subi

II - 217

    Conclusion

II - 217


1: Langues de procédure: l'allemand, l'anglais, le français, l'italien, le néerlandais.