Language of document : ECLI:EU:T:2002:155

ARRÊT DU TRIBUNAL (juge unique)

12 juin 2002 (1)

«Fonctionnaires - Rapport de notation - Recours en annulation

- Recours en indemnité»

Dans l'affaire T-187/01,

Arnaldo Mellone , fonctionnaire de la Commission des Communautés européennes, demeurant à Bruxelles (Belgique), représenté par Me É. Boigelot, avocat, ayant élu domicile à Luxembourg,

partie requérante,

contre

Commission des Communautés européennes, représentée par Mme M. Langer et M. J. Currall, en qualité d'agents, ayant élu domicile à Luxembourg,

partie défenderesse,

ayant pour objet une demande tendant, premièrement, à l'annulation de la décision du 10 juillet 2000 par laquelle le directeur général de la direction générale «Emploi et affaires sociales» a rendu définitive la notation du requérant pour la période allant du 1er juillet 1995 au 30 juin 1997 et, en tant que de besoin, de la note rectificative du 18 juillet 2000, ainsi que de la décision du 24 avril 2001 du vice-président de la Commission rejetant sa réclamation, deuxièmement, à ce que le Tribunal déclare que son rapport de notation 1995-1997 n'est pas définitivement établi et qu'il doit être retiré de son dossier et, troisièmement, à la réparation du préjudice professionnel et moral du requérant à hauteur de 10 000 euros,

LE TRIBUNAL DE PREMIÈRE INSTANCE

DES COMMUNAUTÉS EUROPÉENNES,

(juge unique)

juge: M. H. Legal,

greffier: M. J. Palacio González, administrateur,

vu la procédure écrite et à la suite de l'audience du 19 mars 2002,

rend le présent

Arrêt

Cadre juridique du litige

1.
    L'article 25, deuxième alinéa, du statut des fonctionnaires des Communautés européennes (ci-après le «statut») dispose:

«Toute décision individuelle prise en application du présent statut doit être communiquée par écrit, sans délai, au fonctionnaire intéressé. Toute décision faisant grief doit être motivée.»

2.
    L'article 43 du statut prévoit:

«La compétence, le rendement et la conduite dans le service de chaque fonctionnaire, à l'exception de ceux des grades A 1 et A 2, font l'objet d'un rapport périodique établi au moins tous les deux ans, dans les conditions fixées par chaque institution, conformément aux dispositions de l'article 110.

Ce rapport est communiqué au fonctionnaire. Celui-ci a la faculté d'y joindre toutes observations qu'il juge utiles.»

    

Antécédents du litige et procédure

3.
    M. Mellone est fonctionnaire de la Commission de grade A 4, échelon 8. Affecté à la direction générale «Emploi, relations industrielles et affaires sociales» (DG V) en tant que chef adjoint de l'unité 3 «Service de l'emploi, développement local et réadaptation» de la direction A «Emploi et marché du travail» (ci-après l'«unité A.3»), il a été mis à disposition de la direction E «Politique et action sociale», à partir du 16 juin 1995, faisant fonction de chef adjoint de l'unité 5, «Informations et publications» (ci-après l'«unité E.5»), et définitivement affecté à cette dernière unité, en cette qualité, le 15 juin 1997.

4.
    Son rapport de notation pour l'exercice 1995-1997 (ci-après le «rapport de notation») a été établi par M. Lönnroth, chargé de la direction A, en consultation avec la direction E, au sein de la DG V. Ce rapport a donné lieu à un premier dialogue entre le notateur et le requérant, le 15 juillet 1998, et à un second dialogue, le 22 octobre 1998, à la suite duquel le notateur a apporté une modification rédactionnelle mineure.

5.
    M. Mellone a sollicité la saisine du notateur d'appel avec lequel il a eu un entretien le 20 janvier 1999. N'ayant pu obtenir de modification plus substantielle de son rapport de notation, l'intéressé a demandé l'intervention du comité paritaire des notations (ci-après le «CPN»).

6.
    Dans un avis du 7 juin 2000, le CPN, après avoir considéré les aspects positifs et négatifs de l'affectation de M. Mellone à l'unité E.5, et après avoir relevé les erreurs d'appréciation tant de l'intéressé que de l'administration relativement à cette affectation, a invité le notateur d'appel à un réexamen des appréciations portées sur le fonctionnaire et à la suppression de la dernière phrase du point 4, sous b), 1, du rapport de notation.

7.
    Par décision du 10 juillet 2000, notifiée le 17 juillet à M. Mellone, Mme Quintin, directeur général de la direction générale nouvellement intitulée «Emploi et affaires sociales» et notateur d'appel de l'intéressé, a fait connaître à ce dernier qu'elle avait décidé de maintenir sa notation inchangée, laquelle devenait définitive. Cette décision a ensuite fait l'objet d'une note datée du 18 juillet 2000 portant rectification d'une erreur de plume.

8.
    Le notateur d'appel a refusé, par lettre du 28 août 2000, de reconsidérer sa décision comme le lui avait demandé M. Mellone le 20 juillet 2000.

9.
    M. Mellone a introduit une réclamation au titre de l'article 90, paragraphe 2, du statut, enregistrée par le secrétariat général de la Commission le 12 octobre 2000, à l'encontre de la décision du 10 juillet 2000.

10.
    Cette réclamation a fait l'objet, le 24 avril 2001, d'une décision explicite, notifiée le 7 mai 2001, par laquelle l'autorité investie du pouvoir de nomination (ci-après l'«AIPN») a refusé de revenir sur le rapport de notation et a accordé une indemnisation de 20 000 francs belges (BEF) à M. Mellone, en dédommagement des retards intervenus dans la procédure de notation le concernant.

11.
    C'est dans ces conditions que le requérant a introduit, conformément à l'article 91, paragraphe 3, du statut, le présent recours, par requête déposée au greffe du Tribunal le 7 août 2001.

12.
    Conformément aux dispositions des articles 14, paragraphe 2, et 51 du règlement de procédure du Tribunal, la première chambre du Tribunal a attribué l'affaire à M. H. Legal, siégeant en qualité de juge unique. Entendues conformément à l'article 51, paragraphe 2, du règlement de procédure, les parties ont déclaré qu'elles n'avaient aucune objection à présenter à cet égard.

13.
    Les parties ont été entendues en leurs plaidoiries et en leurs réponses aux questions orales du Tribunal lors de l'audience du 19 mars 2002.

    

Conclusions des parties

14.
    Le requérant conclut à ce qu'il plaise au Tribunal:

-     annuler la décision en date du 10 juillet 2000 par laquelle le directeur général de la direction générale «Emploi et affaires sociales» de la Commission a rendu définitive sa notation pour la période 1995-1997, en tant que de besoin, la note rectificative du 18 juillet 2000 et la décision du 24 avril 2001 du vice-président de la Commission rejetant sa réclamation;

-     déclarer, par voie de conséquence, que le rapport de notation n'est pas définitivement établi, ne doit pas figurer au dossier personnel de l'agent mais en être retiré;

-    condamner la Commission à lui verser une indemnité de 10 000 euros en réparation des dommages professionnel et moral consécutifs, notamment, à l'établissement tardif de son rapport de notation;

-     condamner la Commission aux dépens.

15.
    La Commission conclut à ce qu'il plaise au Tribunal:

-     rejeter le recours;

-     statuer sur les dépens comme de droit.

    

Sur la recevabilité du deuxième chef de conclusions

16.
    Selon une jurisprudence constante, il n'appartient pas au juge communautaire d'adresser des injonctions à l'administration ou de faire des déclarations en droit dans le cadre du contrôle de légalité fondé sur l'article 91 du statut (arrêt du Tribunal du 5 novembre 1996, Mazzocchi-Alemanni/Commission, T-21/95 et T-186/95, RecFP p. I-A-501 et II-1377, point 44).

17.
    En ce qu'il demande au Tribunal de déclarer que son rapport de notation n'est pas définitivement établi et ne doit pas figurer dans son dossier personnel mais en être retiré, M. Mellone présente des conclusions qui tendent à obtenir une déclaration en droit ou une injonction à l'encontre de l'administration.

18.
    Ce deuxième chef de conclusions est, dès lors, irrecevable.

Sur la demande d'annulation

19.
    Le requérant articule quatre moyens au soutien de sa demande d'annulation.

Sur le premier moyen, tiré d'un défaut de motivation

Arguments des parties

20.
    Le requérant soutient que la décision du 10 juillet 2000 n'est pas motivée, en méconnaissance de l'obligation de motivation énoncée à l'article 25, deuxième alinéa, du statut.

21.
    M. Mellone rappelle que l'obligation de motiver les décisions faisant grief est un principe essentiel de droit communautaire consacré par une jurisprudence constante et souligne l'importance particulière qui s'y attache lorsque la notation du fonctionnaire connaît une régression.

22.
    Il expose que le notateur d'appel n'a pas précisé les raisons pour lesquelles il s'écartait de l'avis du CPN alors que le rapport de notation, lui-même, ne contient pas de motivation relative aux appréciations négatives portées à son égard.

23.
    M. Mellone observe que, dans la décision de rejet de sa réclamation, l'AIPN a reconnu qu'il était souhaitable que la décision définitive du notateur d'appel indique les raisons du maintien de la notation.

24.
    La Commission indique que la présente demande tend en fait à l'annulation du rapport de notation, que celui-ci comporte une motivation relative aux appréciations portées sur le requérant et que la décision du notateur d'appel, confirmant ledit rapport de notation, n'avait pas à spécifier les motifs l'ayant conduit à ne pas suivre l'avis du CPN.

Appréciation du Tribunal

25.
    À titre liminaire, il convient de préciser que la décision du 10 juillet 2000, qui indique explicitement que le notateur d'appel maintient, après avis du CPN, la notation établie par son prédécesseur dans tous ses élements et rend définitives les notations du requérant pour la période allant du 1er juillet 1995 au 30 juin 1997, fait partie intégrante du rapport de notation.

26.
    Il y a donc lieu d'examiner, d'une part, si le rapport initial satisfait à l'obligation de motivation et, d'autre part, si le notateur d'appel était tenu d'indiquer les raisons pour lesquelles il ne suivait pas l'avis du CPN.

27.
    Selon une jurisprudence constante, l'administration a l'obligation de motiver le rapport de notation de façon suffisante et circonstanciée et de mettre l'intéressé en mesure de formuler des observations sur cette motivation, le respect de ces exigences étant d'autant plus important lorsque la notation connaît une régression par rapport à la notation antérieure (voir, en ce sens, arrêt de la Cour du 6 février 1986, Castille/Commission, 173/82, 157/83 et 186/84, Rec. p. 497, point 27; arrêts du Tribunal du 16 juillet 1992, Della Pietra/Commission, T-1/91, Rec. p. II-2145, points 30 et 32, et du 9 mars 1999, Hubert/Commission, T-212/97, RecFP p. I-A-41 et II-185, point 79).

28.
    La motivation circonstanciée du rapport de notation figure au point 4, sous b), «appréciation d'ordre général», qui explicite en trois points, relatifs, respectivement, à la compétence, au rendement et à la conduite dans le service, la grille d'analyse figurant au point 4, sous a), «appréciation analytique», et commente les appréciations portées dans la grille analytique (arrêt du Tribunal du 21 octobre 1992, Maurissen/Cour des comptes, T-23/91, Rec. p. II-2377, point 41).

29.
    En l'espèce, les appréciations d'ordre général envisagent les différentes activités dans lesquelles M. Mellone s'est trouvé impliqué au sein de l'unité E.5.

30.
    Sous le point consacré à la compétence de l'intéressé, ces appréciations rappellent la longue expérience acquise par M. Mellone au sein du Fonds social européen et dans le cadre de ses activités relatives au traité CECA et signalent qu'il a effectuéun travail méthodique dans l'organisation du premier forum sur la politique sociale européenne et pour la constitution d'un réseau de consultants, démontrant à cette occasion sa maîtrise des procédures et sa compréhension des exigences administratives. Elles indiquent toutefois que M. Mellone n'aurait pas montré la rapidité d'adaptation, la flexibilité et l'approche créative nécessaires dans le domaine de l'information et des publications relevant de l'unité E.5, où il était affecté, et dans les fonctions de chef adjoint d'unité qu'il y exerçait de fait, compte tenu de son grade. Sa participation au travail de l'unité aurait pâti d'un comportement jugé trop hiérarchique pour pouvoir coïncider avec les méthodes de travail du service.

31.
    De telles appréciations sont suffisamment précises et argumentées pour satisfaire à l'obligation de motivation énoncée à l'article 25 du statut.

32.
    S'agissant de l'obligation particulière qu'aurait eu le notateur d'appel d'indiquer les raisons pour lesquelles il ne suivait pas l'avis du CPN, il résulte de l'article 7 des dispositions générales d'exécution de l'article 43 du statut adoptées par la Commission (ci-après les «DGE») relatif à cet organe que celui-ci a un rôle consultatif et que ses avis ne lient pas le notateur d'appel. Ce dernier a pour mission de vérifier, en toute indépendance, les appréciations portées par le premier notateur. Il lui est, par conséquent, loisible, s'il l'estime indiqué, de confirmer l'appréciation du premier notateur (arrêt de la Cour du 1er juin 1983, Seton/Commission, 36/81, 37/81 et 218/81, Rec. p. 1789, point 20, et arrêt du Tribunal du 26 octobre 1994, Marcato/Commission, T-18/93, RecFP p. I-A-215 et II-681, point 46).

33.
    Dans ce cadre, dès lors que le rapport de notation comporte une motivation suffisante, ce qui est le cas en l'espèce, ainsi qu'il a été constaté au point 30 ci-dessus, il ne saurait être exigé du notateur d'appel qu'il fournisse des explications complémentaires sur les raisons qui le conduisent à ne pas suivre les recommandations du CPN que si l'avis de cet organe consultatif fait état de circonstances spéciales propres à jeter le doute sur la validité ou le bien-fondé de l'appréciation initiale et appelle de ce fait une appréciation spécifique du notateur d'appel quant aux conséquences éventuelles à tirer de ces circonstances.

34.
    En l'espèce, le CPN s'est borné à inviter le notateur d'appel à réexaminer globalement les appréciations du rapport de notation initial, en vue de les rapprocher de la moyenne de celles attribuées aux fonctionnaires du même grade et à supprimer une phrase très critique au sujet des aptitudes de M. Mellone au regard des fonctions exercées dans l'emploi occupé. Cette invitation à atténuer la netteté des appréciations négatives portées sur le fonctionnaire n'a pas été assortie de considérations spécifiques de nature à en remettre en cause la validité ou le bien-fondé. Dans ces circonstances, le notateur d'appel n'était pas tenu de motiver son refus de suivre l'avis du CPN.

35.
    Il résulte de ce qui précède que le premier moyen, tiré d'un défaut de motivation de la décision du 10 juillet 2000, doit être rejeté.

Sur le deuxième moyen, tiré d'une violation de l'article 43 du statut, des DGE, en particulier de leurs articles 5, 6 et 7, et du guide de la notation

Arguments des parties

36.
    Le requérant soutient que le rapport de notation litigieux fait une présentation erronée de ses attributions car il mentionnerait des tâches qui n'étaient pas les siennes.

37.
    Il estime que la période de référence du rapport de notation, au terme de laquelle il a été définitivement affecté à son poste, a été inexactement prise en compte et que les critiques émises paraissent liées à des circonstances postérieures à la période allant du 1er juillet 1995 au 30 juin 1997.

38.
    M. Mellone considère que les appréciations portées sur ses compétences, son rendement et sa conduite dans le service sont injustes et infondées.

39.
    Il soutient que la procédure de notation n'a pas donné lieu à un dialogue effectif et constructif, tant avec le premier notateur qu'avec le notateur d'appel.

40.
    Le requérant souligne que, nonobstant le pouvoir discrétionnaire du notateur, le CPN a un rôle important, prévu par les DGE et que ce dernier avait, en l'espèce, formulé des recommandations pertinentes dont le notateur d'appel ne pouvait s'écarter sans en indiquer explicitement les raisons.

41.
    M. Mellone indique que les délais raisonnables ont, en outre, été largement dépassés, la procédure de notation ayant débuté avec un an de retard.

42.
    La Commission soutient que les dispositions de l'article 43 du statut et les DGE n'ont pas été méconnues. Elle estime que le rapport de notation décrit les attributions exactes du fonctionnaire, dans la mesure où, compte tenu de son grade et des fonctions de chef adjoint d'unité exercées, l'administration était en droit d'attendre qu'il participe aux tâches générales de l'unité. Le rapport de notation ne mentionnerait, en outre, aucun fait étranger à la période de référence.

43.
    La défenderesse considère que la procédure de notation s'est déroulée dans des conditions régulières, a comporté la consultation des supérieurs hiérarchiques effectifs du requérant et donné lieu aux dialogues et aux saisines sollicités par l'intéressé.

44.
    La Commission rappelle que le notateur d'appel, qui a, en l'espèce, attentivement réexaminé le rapport de notation de M. Mellone, n'était pas tenu par les textes de suivre l'avis, au demeurant nuancé, du CPN, non plus que de motiver sonappréciation définitive. Elle souligne, en particulier, que le CPN n'a relevé aucun vice de procédure ou autre irrégularité.

45.
    La Commission ajoute que le retard dans la procédure de notation ne saurait, en tout état de cause, à lui seul affecter la validité du rapport de notation.

Appréciation du Tribunal

46.
    En ce qui concerne la première branche du moyen, relative à la présentation erronée qui aurait été faite de ses attributions, il est constant que M. Mellone, administrateur principal, qui était chef adjoint de l'unité A 3 avant sa mise à disposition, le 16 juin 1995, de l'unité E.5, a exercé, de fait, dans cette dernière unité, les fonctions de chef adjoint d'unité jusqu'à ce qu'il soit confirmé dans ce poste et ces fonctions, le 15 juin 1997.

47.
    Dès lors, compte tenu du grade et de la position hiérarchique de M. Mellone, l'administration était en droit d'attendre de ce fonctionnaire que, en plus des missions dont il était spécifiquement chargé, il participe aux diverses tâches relevant de l'unité et supervise leur exécution par les fonctionnaires et agents subordonnés.

48.
    M. Mellone ne saurait donc faire grief à l'administration de ce que le rapport de notation mentionne des tâches de communication, comme la rédaction de discours, articles et communiqués de presse, qui auraient incombé, selon lui, à d'autres collègues, ni par conséquent se prévaloir d'une méconnaissance des dispositions de l'article 5, paragraphe 1, des DGE selon lesquelles la notation est faite au regard des tâches attribuées et effectuées.

    

49.
    S'agissant de la deuxième branche du moyen, relative à la période de référence qui aurait été inexactement prise en compte pour l'établissement du rapport de notation, il apparaît que les appréciations d'ordre général du rapport de notation accompagnant les appréciations analytiques portent bien sur les compétences, le rendement et la conduite de M. Mellone pendant les deux années correspondant à l'exercice de notation. Nonobstant l'établissement tardif du rapport de notation, aucune donnée tangible du dossier ne vient corroborer la thèse du requérant selon laquelle des circonstances postérieures, en particulier certains incidents relationnels survenus entre M. Mellone et d'autres membres de sa direction après la clôture de la période de référence du rapport de notation, auraient été prises en considération pour l'élaboration dudit rapport.

50.
    M. Mellone ne saurait par conséquent soutenir que sa notation a été faite en violation de l'article 1er des DGE, qui prévoit une évaluation biennale de la compétence, du rendement et de la conduite dans le service du fonctionnaire.

51.
    Sur la troisième branche du moyen, par laquelle M. Mellone reproche au notateur d'appel d'avoir confirmé des appréciations injustes et infondées portées sur lui, ilconvient de rappeler le très large pouvoir d'appréciation reconnu aux notateurs dans les jugements relatifs au travail des personnes qu'ils ont la charge de noter (arrêt Seton/Commission, précité, point 23). Il n'appartient pas au Tribunal, sauf en cas d'erreurs de fait manifestes ou de détournement de pouvoir, de contrôler le bien-fondé de l'appréciation portée par l'administration sur les aptitudes professionnelles d'un fonctionnaire, lorsqu'elle comporte des jugements complexes de valeur qui, par leur nature même, ne sont pas susceptibles d'une vérification objective (arrêt Hubert/Commission, précité, point 142).

52.
    En l'espèce, il n'apparaît pas possible de tenir pour établi que les appréciations détaillées contenues dans le rapport de notation, résumées aux points 29 et 30 ci-dessus, par lesquelles l'AIPN a considéré que M. Mellone manquait de certaines qualités requises dans une unité s'occupant de tâches de communication et qu'il avait, dans les fonctions de chef adjoint d'unité, une approche excessivement rigide et hiérarchique occasionnant des difficultés relationnelles, seraient entachées d'erreur manifeste d'appréciation.

53.
    À cet égard, la circonstance que l'AIPN a nommé M. Mellone au poste de chef adjoint d'unité, le 15 juin 1997, au terme de la période de notation, qui serait, selon le requérant, révélatrice des contradictions de l'administration, n'établit pas que les appréciations contenues dans le rapport de notation seraient manifestement erronées. En effet, d'une part, il est constant que M. Mellone a, dès sa mise à disposition de la direction E, exercé de fait les fonctions de chef d'unité adjoint, qui correspondaient à son grade et qu'il assumait dans son précédent poste. D'autre part, cette nomination définitive constitue, en tout état de cause, une décision distincte de celle établissant définitivement le rapport de notation, objet du présent litige, qui ne saurait avoir d'incidence sur la légalité dudit rapport.

54.
    M. Mellone n'est par conséquent pas fondé à soutenir que, après avoir pris connaissance de l'avis du CPN, le notateur d'appel aurait conclu la procédure de notation en méconnaissance des prescriptions de l'article 3, sous g), du guide de la notation relatives à l'arrêt définitif de cette notation.

55.
    Le requérant, soutient, dans une quatrième branche du moyen, que la procédure de notation n'a pas donné lieu à un dialogue effectif et constructif, tant avec le premier notateur qu'avec le notateur d'appel. À cet égard, il ressort du dossier que M. Mellone, mis à la disposition d'un service autre que celui dont il relevait dans l'organigramme, a été noté par le supérieur hiérarchique dont dépend le poste qu'il occupait dans l'organigramme, M. Lönnroth, après consultation des supérieurs hiérarchiques effectifs de l'intéressé.

56.
    Il a bénéficié des deux dialogues prévus par l'article 5 des DGE, le premier, le 15 juillet 1998 en présence de Mme Devonic, directeur de la direction E, et le second, le 22 octobre 1998, en présence de Mme Devonic et de M. Nobbs, chef de l'unité E.5. Ayant sollicité l'intervention du notateur d'appel, il a eu un entretien avec celui-ci le 20 janvier 1999 conformément à l'article 6 des DGE, en présenced'un représentant syndical, comme il en avait exprimé le souhait. Enfin, le CPN, dont il avait demandé la saisine, a émis, le 7 juillet 2000, son avis comme le prévoit l'article 7 des DGE.

57.
    La circonstance que les entretiens et avis susmentionnés n'ont pas conduit à la réformation de la notation de M. Mellone ne signifie ni qu'il n'a pas été écouté, ni que la procédure a été irrégulière. Le requérant n'a, en outre, pas démontré que les entretiens qu'il a eus avec ses notateurs auraient été purement formels.

58.
    Il résulte de ce qui précède que M. Mellone ne saurait soutenir que la procédure de notation n'a pas satisfait aux prescriptions des articles 5 et 7 des DGE relatives aux dialogues entre le fonctionnaire et les notateurs.

59.
    Aucune irrégularité ne peut donc être retenue dans le déroulement de la procédure prévue par les dispositions d'application du statut.

60.
    En ce qui concerne la cinquième et dernière branche du moyen, relative au dépassement allégué des délais raisonnables, il est constant que la procédure de notation pour l'exercice 1995-1997 a débuté avec un an de retard, au mois de juillet 1998, alors que, selon le calendrier figurant en annexe 2 du guide de la notation, elle aurait dû commencer au mois de juillet 1997 et qu'elle s'est achevée par la décision du 10 juillet 2000, qui a rendu définitive la notation de M. Mellone.

61.
    Toutefois, il ressort d'une jurisprudence bien établie que le retard mis pour mener à son terme la procédure de notation ne saurait affecter à lui seul la validité du rapport de notation ni par conséquent en justifier l'annulation (arrêt de la Cour du 15 mars 1989, Bevan/Commission, 140/87, Rec. p. 701, point 16, et arrêt Marcato/Commission, précité, point 36).

62.
    Il résulte de ce qui précède que le deuxième moyen, relatif aux règles et à la procédure applicables en matière de notation, ne peut, en aucune de ses branches, être accueilli.

Sur le troisième moyen, tiré d'une violation de principes généraux du droit, tels les principes de bonne administration, de protection de la confiance légitime et de sécurité juridique

Arguments des parties

63.
    M. Mellone soutient que l'administration a méconnu, en l'espèce, les principes généraux du droit, tels les principes de bonne administration, de protection de la confiance légitime et de sécurité juridique.

64.
    La Commission estime avoir déjà démontré que les principes évoqués ont été respectés et fait observer que le requérant n'étaye pas ses griefs.

Appréciation du Tribunal

65.
    Les violations reprochées à la Commission n'étant pas autrement argumentées que par l'énoncé des principes dont la méconnaissance est alléguée, M. Mellone ne met pas le Tribunal en mesure d'apprécier le bien-fondé du présent moyen. Celui-ci doit, par conséquent, être rejeté.

Sur le quatrième moyen, tiré du détournement de pouvoir

Arguments des parties

66.
    Le requérant soutient qu'il est victime depuis 1993, et surtout depuis 1997, de pressions, d'intimidations ainsi que d'un harcèlement moral et que ce climat agressif a influé négativement sur l'établissement de sa notation.

67.
    La Commission fait valoir que le requérant n'apporte pas le moindre indice du détournement de pouvoir allégué.

Appréciation du Tribunal

68.
    Selon une jurisprudence constante, une décision n'est entachée de détournement de pouvoir que si elle apparaît, sur la base d'indices objectifs, pertinents et concordants, avoir été prise pour atteindre des fins autres que celles excipées (arrêt de la Cour du 21 juin 1984, Lux/Cour des comptes, 69/83, Rec. p. 2447, point 30) et, s'agissant, plus particulièrement de la notation des fonctionnaires par le notateur d'appel, si celui-ci a, dans l'élaboration du rapport de notation, usé de ses compétences à des fins autres que celles pour lesquelles ces compétences lui ont été conférées (arrêt Marcato/Commission, précité, point 54).

69.
    Or, si M. Mellone fait état de pressions qu'aurait subies son premier notateur pour établir des appréciations négatives, d'un climat agressif et vexatoire à son égard et du harcèlement moral dont il aurait été victime, il ressort seulement d'une réclamation du requérant, datée du 29 décembre 1998, produite au dossier, que celui-ci a eu des relations conflictuelles avec certains responsables et collègues de sa direction après la période concernée par l'exercice de notation en cause et qu'un incident plus vif s'est produit au début du mois de juillet 1998. Ces circonstances, qui n'établissent pas la réalité des pressions alléguées, ne démontrent pas davantage que la situation professionnelle et relationnelle de M. Mellone aurait connu en 1998 une dégradation qui aurait déterminé le contenu de son rapport de notation, ni qu'un détournement de pouvoir aurait été commis. Le moyen doit, par conséquent, être rejeté.

70.
    Il résulte de tout ce qui précède que les conclusions tendant à l'annulation de la décision du 10 juillet 2000 rendant définitif le rapport de notation de M. Mellone, pour la période 1995-1997, de la note rectificative du 18 juillet 2000 et de la décision du 24 avril 2001 en tant qu'elle a rejeté sa réclamation doivent être rejetées.

Sur la demande en réparation

Arguments des parties

71.
    M. Mellone expose que les appréciations négatives contenues dans son rapport de notation et le retard enregistré dans l'établissement de celui-ci lui ont causé un préjudice professionnel et moral mettant en jeu la responsabilité contractuelle de la Communauté et justifiant une indemnisation qu'il chiffre à 10 000 euros.

72.
    La Commission indique que M. Mellone ne fournit aucun élément de preuve établissant qu'il aurait été victime de harcèlement moral dans le cadre de la procédure de notation et ne démontre pas davantage l'existence d'un préjudice moral non plus que celle d'un préjudice professionnel.

73.
    Elle ajoute que les retards imputables à l'administration dans la procédure de notation ont conduit la Commission à accorder un dédommagement de 20 000 BEF au requérant, ce qui lui paraît une indemnisation suffisante.

Appréciation du Tribunal

74.
    Il convient de relever, à titre liminaire, que M. Mellone, fonctionnaire de la Commission, se trouve avec son employeur dans une relation statutaire et non contractuelle et que le dommage allégué est strictement lié à sa qualité de fonctionnaire. Or, ainsi que le rappelle une jurisprudence constante, un litige entre un fonctionnaire et l'institution dont il dépend ou dépendait, et visant à la réparation d'un dommage, doit être envisagé, lorsqu'il a son origine dans le lien d'emploi qui unit l'intéressé à l'institution, dans le cadre de l'article 236 CE et des articles 90 et 91 du statut et se trouve, en ce qui concerne, notamment, sa recevabilité, en dehors du champ d'application des articles 235 CE et 288 CE (arrêt de la Cour du 22 octobre 1975, Meyer-Burckhardt/Commission, 9/75, Rec. p. 1171, point 7, et arrêt du Tribunal du 12 décembre 1996, Altmann e.a./Commission, T-177/94 et T-377/94, Rec. p. II-2041, point 149).

75.
    Les présentes conclusions, dès lors qu'elles invoquent la responsabilité contractuelle des institutions et se réfèrent à l'article 288, premier alinéa, CE, sont ainsi fondéessur une cause juridique erronée. Toutefois, dès lors que la demande en réparation figurait déjà dans la réclamation introduite par le requérant au titre de l'article 90, paragraphe 2, du statut, il y a lieu de considérer les conclusions susvisées comme introduites dans le cadre de l'article 236 CE et des articles 90 et 91 du statut, dont les dispositions ont été respectées.

76.
    Aux termes de l'article 43, premier alinéa, du statut, «la compétence, le rendement et la conduite dans le service de chaque fonctionnaire [...] font l'objet d'un rapport périodique établi au moins tous les deux ans, dans les conditions fixées par chaque institution, conformément aux dispositions de l'article 110». L'article 7, dernier alinéa, des DGE prévoit, en outre, que «toute la procédure doit être terminée au plus tard pour le 31 décembre».

77.
    Selon une jurisprudence constante, l'administration doit veiller à la rédaction périodique des rapports de notation aux dates imposées par le statut et à leur établissement régulier (arrêt de la Cour du 18 décembre 1980, Gratreau/Commission, 156/79 et 51/80, Rec. p. 3943, point 15), tant pour des motifs de bonne administration que pour sauvegarder les intérêts des fonctionnaires (arrêt du Tribunal du 28 mai 1997, Burban/Parlement, T-59/96, RecFP p. I-A-109 et II-331, point 44).

78.
    L'administration dispose, à cet effet, d'un délai raisonnable, dont tout dépassement doit être justifié par l'existence de circonstances particulières (arrêt de la Cour du 5 mai 1983, Ditterich/Commission, 207/81, Rec. p. 1359, point 25). En effet, le retard survenu dans l'établissement des rapports de notation est de nature, en lui-même, à porter préjudice au fonctionnaire, du seul fait que le déroulement de sa carrière peut être affecté par le défaut d'un tel rapport à un moment où des décisions le concernant doivent être prises (arrêt Castille/Commission, précité, point 36). Un fonctionnaire qui ne possède qu'un dossier individuel irrégulier et incomplet subit de ce fait un préjudice moral tenant à l'état d'incertitude et d'inquiétude dans lequel il se trouve quant à son avenir professionnel (arrêt du Tribunal du 8 novembre 1990, Barbi/Commission, T-73/89, Rec. p. II-619, point 41). En l'absence de circonstances particulières justifiant les retards constatés, l'administration commet une faute de service de nature à engager sa responsabilité (arrêt Burban/Parlement, précité, point 50).

79.
    En revanche, un fonctionnaire ne saurait se plaindre du retard apporté dans l'élaboration de son rapport de notation lorsque ce retard lui est imputable, à tout le moins partiellement, ou lorsqu'il y a concouru de façon notable (arrêt du Tribunal du 16 décembre 1993, Moritz/Commission, T-20/89 RV, Rec. p. II-1423, point 50).

80.
    En l'espèce, le rapport de notation de M. Mellone aurait dû être établi et lui être adressé à partir du 1er juillet 1997. Or, la procédure de notation a débuté avec un an de retard, le premier dialogue avec le notateur ayant eu lieu, comme cela est indiqué au point 4 ci-dessus, le 15 juillet 1998. La saisine du notateur d'appel, aveclequel le fonctionnaire a eu un entretien le 20 janvier 1999, puis celle du CPN, le 21 juin 1999, ainsi que certains reports de rendez-vous ou délais de réaction de M. Mellone ont concouru à l'allongement de la procédure. Néanmoins, il est constant que, outre le retard initial, une année s'est écoulée entre la saisine du CPN et l'avis émis par celui-ci, le 7 juillet 2000, et que le rapport de notation n'a été définitivement arrêté que le 10 juillet 2000. Ainsi, alors que l'arrêt définitif de la notation par le notateur d'appel aurait dû être effectué, selon le calendrier prévu, avant le 31 décembre 1997, cet événement a eu lieu, en l'espèce, deux ans, six mois et dix jours plus tard.

81.
    Il apparaît donc que la Commission a pris un retard particulièrement important dans l'établissement du rapport de notation, sans qu'il puisse être établi que M. Mellone ait été, pour une part notable, responsable de ce retard.

82.
    Dans ces circonstances, il y a lieu de constater que l'administration a commis à l'égard de M. Mellone une faute de service donnant droit à la réparation du dommage moral subi par l'intéressé.

83.
    Toutefois, la Commission a déjà reconnu sa responsabilité dans la réalisation de ce dommage en accordant, par la décision susmentionnée du 24 avril 2001, une indemnité d'un montant de 20 000 BEF, équivalant à 495,79 euros, à M. Mellone.

84.
    Aucun chef de préjudice spécifique tenant à ce retard n'étant mis en avant par M. Mellone, le montant déjà accordé peut être admis comme constituant une juste réparation du préjudice moral subi par le requérant.

85.
    Quant aux autres causes de préjudice alléguées, il convient de constater que le requérant n'avance pas d'autres griefs que ceux dont la pertinence a été écartée dans le cadre de la demande en annulation.

86.
    Il y a lieu, dans ces circonstances, de rejeter les conclusions en indemnité.

87.
    Il résulte de tout ce qui précède que le recours doit être rejeté dans son intégralité.

Sur les dépens

88.
    Aux termes de l'article 87, paragraphe 2, du règlement de procédure du Tribunal, toute partie qui succombe est condamnée aux dépens s'il est conclu en ce sens. Toutefois, en vertu de l'article 88 du même règlement, dans les litiges entre les Communautés et leurs agents, les frais exposés par les institutions restent à la charge de celles-ci. Le requérant ayant succombé, chacune des parties supportera ses propres dépens.

Par ces motifs,

LE TRIBUNAL (juge unique)

déclare et arrête:

1)    Le recours est rejeté.

2)    Chacune des parties supportera ses propres dépens.

Ainsi prononcé en audience publique à Luxembourg, le 12 juin 2002.

Le greffier

Le juge

H. Jung

H. Legal


1: Langue de procédure: le français.