Language of document : ECLI:EU:T:2015:838

DOCUMENT DE TRAVAIL

ARRÊT DU TRIBUNAL (sixième chambre)

12 novembre 2015 (*)

« FEOGA – Section ‘Garantie’ – FEAGA et Feader – Dépenses exclues du financement – Corrections financières forfaitaires – Paiements directs – Conditionnalité – Aides à la transformation des agrumes – Conditions d’agrément d’un organisme payeur »

Dans l’affaire T‑255/13,

République italienne, représentée par Mme G. Palmieri, en qualité d’agent, assistée de Mme°B. Tidore et de M. M. Salvatorelli, avvocati dello Stato,

partie requérante,

contre

Commission européenne, représentée par MM. D. Bianchi et P. Rossi, en qualité d’agents,

partie défenderesse,

ayant pour objet une demande d’annulation de la décision d’exécution 2013/123/UE de la Commission, du 26 février 2013, écartant du financement de l’Union européenne certaines dépenses effectuées par les États membres au titre du Fonds européen d’orientation et de garantie agricole (FEOGA), section « Garantie », du Fonds européen agricole de garantie (FEAGA) et du Fonds européen agricole pour le développement rural (Feader) (JO L 67, p. 20), en ce qu’elle contient des corrections financières forfaitaires concernant des dépenses effectuées par la République italienne,

LE TRIBUNAL (sixième chambre),

composé de MM. S. Frimodt Nielsen, président, F. Dehousse et A. M. Collins (rapporteur), juges,

greffier : M. J. Palacio González, administrateur principal,

vu la procédure écrite et à la suite de l’audience du 16 avril 2015,

rend le présent

Arrêt

 Cadre juridique général

 Réglementation générale relative au financement de la politique agricole commune

1        Le règlement (CEE) nº 729/70 du Conseil, du 21 avril 1970, relatif au financement de la politique agricole commune (JO L 94, p. 13), a établi les règles générales applicables au financement de la politique agricole commune (PAC). Ce règlement a été abrogé et remplacé par le règlement (CE) no 1258/1999 du Conseil, du 17 mai 1999, relatif au financement de la politique agricole commune (JO L 160, p. 103), qui régit les dépenses effectuées du 1er janvier 2000 au 16 octobre 2006 dans le cadre du financement de la PAC.

2        L’article 7, paragraphe 2, du règlement no 1258/1999 prévoit que la Commission des Communautés européennes décide des avances mensuelles sur la prise en compte des dépenses effectuées par les organismes payeurs agréés. L’article 7, paragraphe 4, de ce règlement dispose :

« La Commission décide des dépenses à écarter du financement communautaire visé aux articles 2 et 3 lorsqu’elle constate que des dépenses n’ont pas été effectuées conformément aux règles communautaires.

Préalablement à toute décision de refus de financement, les résultats des vérifications de la Commission ainsi que les réponses de l’État membre concerné font l’objet de notifications écrites, à l’issue desquelles les deux parties tentent de parvenir à un accord sur les mesures à prendre.

À défaut d’accord, l’État membre peut demander l’ouverture d’une procédure visant à concilier les positions respectives dans un délai de quatre mois, dont les résultats font l’objet d’un rapport communiqué à la Commission et examiné par elle avant qu’elle ne se prononce sur un éventuel refus de financement.

La Commission évalue les montants à écarter au vu, notamment, de l’importance de la non-conformité constatée. La Commission tient compte de la nature et de la gravité de l’infraction, ainsi que du préjudice financier causé à la Communauté.

[…] »

3        L’article 8, paragraphe 1, du règlement no 1258/1999 dispose :

« Les États membres prennent, conformément aux dispositions législatives, réglementaires et administratives nationales, les mesures nécessaires pour :

a)      s’assurer de la réalité et de la régularité des opérations financées par le Fonds ;

b)      prévenir et poursuivre les irrégularités ;

c)      récupérer les sommes perdues à la suite d’irrégularités ou de négligences.

[…] »

4        Le règlement (CE) no 1290/2005 du Conseil, du 21 juin 2005, relatif au financement de la politique agricole commune (JO L 209, p. 1), a abrogé le règlement no 1258/1999 et est devenu applicable à compter du 1er janvier 2007. Toutefois, son article 49 prévoit que, notamment, l’article 31, qui contient en substance les mêmes dispositions que l’article 7, paragraphe 4, du règlement no 1258/1999, s’applique à partir du 16 octobre 2006 pour les dépenses encourues à partir de cette date.

5        En vertu des dispositions de l’article 2, paragraphe 1, du règlement n° 1290/2005, le Fonds européen agricole de garantie (FEAGA) et le Fonds européen agricole pour le développement rural (Feader) sont institués, conformément à l’article 49 dudit règlement, à compter du 1er janvier 2007 pour financer, respectivement, les mesures de marché et d’autres mesures de la PAC et les programmes de développement rural. Les dépenses financées en vertu du règlement no 1258/1999 par le Fonds européen d’orientation et de garantie agricole (FEOGA), section « Garantie », y compris dans le cadre des programmes de développement rural, sont, à l’issue des périodes transitoires prévues par les articles 38 et 39 du règlement n° 1290/2005, effectuées suivant les règles définies par ce dernier.

6        Le règlement (CE) no 1663/95 de la Commission, du 7 juillet 1995, établissant les modalités d’application du règlement no 729/70 en ce qui concerne la procédure d’apurement des comptes du FEOGA, section « [G]arantie » (JO L 158, p. 6), tel que modifié notamment par le règlement (CE) no 2245/1999 de la Commission, du 22 octobre 1999 (JO L 273, p. 5), prévoit à l’article 8 :

« 1. Si, à l’issue d’une enquête, la Commission considère que les dépenses n’ont pas été effectuées conformément aux règles communautaires, elle communique les résultats de ses vérifications à l’État membre concerné et indique les mesures correctives à prendre pour garantir à l’avenir le respect des règles précitées.

La communication fait référence au présent règlement. L’État membre répond dans un délai de deux mois et la Commission peut modifier sa position en conséquence. Dans des cas justifiés, la Commission peut accorder une prorogation de ce délai.

Après l’expiration du délai accordé pour la réponse, la Commission convoque une discussion bilatérale et les deux parties essayent d’arriver à un accord sur les mesures à prendre, ainsi que sur l’évaluation de la gravité de l’infraction et du préjudice financier causé à la Communauté européenne. Après cette discussion et après toute date fixée par la Commission, en consultation avec l’État membre, après la discussion bilatérale pour la communication d’informations supplémentaires ou, si l’État membre n’accepte pas la convocation dans un délai fixé par la Commission, après l’échéance de ce délai, cette dernière communique formellement ses conclusions à l’État membre en faisant référence à la décision 94/442/CE de la Commission […] Sans préjudice des dispositions du quatrième alinéa du présent paragraphe, cette communication évaluera les dépenses qu’elle envisage d’exclure au titre de l’article 5, paragraphe 2, [sous] c), du règlement […] no 729/70.

L’État membre informe la Commission dans les meilleurs délais des mesures correctives prises pour assurer le respect des règles communautaires et de la date effective de leur mise en œuvre. La Commission adopte, le cas échéant, une ou plusieurs décisions en application de l’article 5, paragraphe 2, [sous] c), du règlement […] no 729/70 pour exclure jusqu’à la date effective de mise en œuvre des mesures correctives les dépenses affectées par le non-respect des règles communautaires.

2. Les décisions visées à l’article 5[,] paragraphe 2[, sous] c), du règlement […] no 729/70 doivent être prises après examen de tout rapport établi par l’organe de conciliation en application des dispositions de la décision 94/442/CE.

[…]. »

7        Le règlement (CE) no 885/2006 de la Commission, du 21 juin 2006, portant modalités d’application du règlement no 1290/2005 du Conseil en ce qui concerne l’agrément des organismes payeurs et autres entités ainsi que l’apurement des comptes du FEAGA et du Feader (JO L 171, p. 90), s’applique à compter du 16 octobre 2006 et son article 11, paragraphes 1 à 3, prévoit, en substance, la même procédure que celle prévue à l’article 8 du règlement no 1663/95.

 Orientations de la Commission

8        Les orientations pour l’application des corrections financières ont été définies dans le document VI/5330/97 de la Commission, du 23 décembre 1997, intitulé « Orientations concernant le calcul des conséquences financières lors de la préparation de la décision d’apurement des comptes du FEOGA-Garantie » (ci-après le « document VI/5330/97 »).

9        L’annexe 2 du document VI/5330/97, relative aux conséquences financières, pour l’apurement des comptes de la section « Garantie » du FEOGA, des carences des contrôles effectués par les États membres, prévoit, au deuxième paragraphe de sa partie intitulée « Introduction », que les corrections financières sont calculées au vu, notamment, de l’importance de la non-conformité constatée et que la Commission tient compte, à cet effet, de la nature et de la gravité de l’infraction ainsi que du préjudice financier causé à la Communauté.

10      Cette annexe prévoit, en premier lieu, un mode d’évaluation de la correction financière sur la base des « erreurs figurant dans les dossiers individuels ». Ce mode d’évaluation appréhende des irrégularités ponctuelles – le cas échéant extrapolées – et aboutit à une correction ponctuelle. Cette même annexe prévoit, en second lieu, un mode d’évaluation de la correction financière sur la base des risques de perte financière. Ce mode d’évaluation appréhende des irrégularités systémiques et aboutit à l’application d’une correction forfaitaire (annexe 2 du document VI/5330/97, huitième à vingt-cinquième alinéas).

11      Selon ce dernier mode d’évaluation, pertinent dans le contexte de l’audit des systèmes, la Commission applique des corrections forfaitaires s’élevant à 2 %, à 5 %, à 10 % ou à 25 % des dépenses déclarées, en fonction de l’ampleur du risque de perte financière pour la Communauté découlant des carences des systèmes de contrôle (annexe 2 du document VI/5330/97, huitième alinéa).

 Antécédents du litige

12      Par sa décision d’exécution 2013/123/UE, du 26 février 2013, écartant du financement de l’Union européenne certaines dépenses effectuées par les États membres au titre du FEOGA, section « Garantie », du FEAGA et du Feader (JO L 67, p. 20, ci-après la « décision attaquée »), la Commission a écarté du financement de l’Union européenne, par des corrections financières forfaitaires, un certain nombre de montants en ce qui concernait la République italienne.

13      Dans le cadre du régime de soutien direct des agriculteurs, la Commission a appliqué des corrections financières à hauteur respectivement de 5 % et de 10 %, représentant un montant total de 48 095 235,86 euros à écarter du financement de l’Union en raison des déficiences détectées dans les contrôles du système de conditionnalité en Italie au cours des années 2005 à 2007.

14      Dans le secteur des fruits et légumes, la Commission a appliqué des corrections financières à hauteur de 25 %, représentant un montant total de 17 913 976,32 euros à écarter du financement de l’Union en raison des déficiences graves constatées dans le cadre du régime d’aides à la transformation des agrumes au cours des années 2005 à 2007.

15      Enfin, en ce qui concerne les conditions d’agrément des organismes payeurs, la Commission a appliqué des corrections à hauteur de 16 %, représentant un montant total de 6 354 112,39 euros à écarter du financement de l’Union en raison des déficiences détectées en ce qui concerne les critères d’agrément de l’organisme payeur de la région de Basilicate (ARBEA) pour les années 2007 à 2009.

16      Au considérant 6 de la décision attaquée, il est indiqué que, pour chacun des cas qu’elle vise, l’évaluation des montants à écarter du financement de l’Union en raison de leur non-conformité avec les règles de l’Union a été communiquée aux États membres dans le cadre d’un rapport de synthèse. En effet, les motifs des corrections qui ont été retenus par la Commission sont résumés dans le rapport de synthèse établi par cette dernière le 15 octobre 2012 (ci-après le « rapport de synthèse ») et concernant les résultats de ses vérifications dans le contexte de la procédure d’apurement de conformité, conformément à l’article 7, paragraphe 4, du règlement nº 1258/1999 et à l’article 31 du règlement nº 1290/2005.

 Procédure et conclusions des parties

17      Par requête déposée au greffe du Tribunal le 7 mai 2013, la République italienne a introduit le présent recours.

18      Le 25 juillet 2013, la Commission a déposé le mémoire en défense.

19      Aucun mémoire en réplique n’ayant été déposé dans le délai imparti, à savoir le 30 septembre 2013, la procédure écrite a été clôturée à cette date.

20      Sur rapport du juge rapporteur, le Tribunal (sixième chambre) a décidé d’ouvrir la procédure orale et, dans le cadre des mesures d’organisation de la procédure prévues à l’article 64 de son règlement de procédure du 2 mai 1991, a posé par écrit des questions à la Commission qui a répondu dans le délai imparti.

21      Les parties ont été entendues en leurs plaidoiries et en leurs réponses aux questions posées par le Tribunal lors de l’audience du 16 avril 2015.

22      La République italienne conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        annuler la décision attaquée en ce qu’elle lui applique des corrections financières forfaitaires de 48 095 235,86 euros, de 17 913 976,32 euros et de 6 354 112,39 euros ;

–        condamner la Commission aux dépens.

23      La Commission conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        rejeter le recours ;

–        condamner la République italienne aux dépens.

 En droit

24      La République italienne invoque à l’encontre de la décision attaquée plusieurs moyens tenant, en substance, à la violation de l’obligation de motivation et à la violation des règles de l’Union régissant la PAC ainsi que de plusieurs principes généraux du droit de l’Union, en ce que la Commission a appliqué, dans la décision attaquée, des corrections financières forfaitaires, premièrement, dans le cadre des obligations en matière de conditionnalité, deuxièmement, à l’égard du secteur de la transformation des agrumes et, troisièmement, dans le cadre des conditions d’agrément des organismes payeurs.

 Sur les corrections financières forfaitaires appliquées dans le cadre des contrôles relatifs à la conditionnalité

 Réglementation de l’Union

–       Sur le système de conditionnalité

25      En vertu du règlement (CE) nº 1782/2003 du Conseil, du 29 septembre 2003, établissant des règles communes pour les régimes de soutien direct dans le cadre de la politique agricole commune et établissant certains régimes de soutien en faveur des agriculteurs et modifiant les règlements (CEE) nº 2019/93, (CE) nº 1452/2001, (CE) nº 1453/2001, (CE) nº 1454/2001, (CE) nº 1868/94, (CE) nº 1251/1999, (CE) nº 1254/1999, (CE) nº 1673/2000, (CEE) nº 2358/71 et (CE) nº 2529/2001 (JO L 270, p. 1), un système de soutien du producteur a remplacé l’ancien système de soutien de la production, instaurant un paiement unique par exploitation subordonné au respect des exigences découlant des normes en matière d’environnement, de sécurité des aliments, de santé et de bien-être des animaux ainsi qu’au maintien de l’exploitation dans de bonnes conditions agricoles et environnementales.

26      L’article 3 du règlement nº 1782/2003, intitulé « Exigences principales », dispose :

« 1. Tout agriculteur percevant des paiements directs est tenu de respecter les exigences réglementaires en matière de gestion visées à l’annexe III, conformément au calendrier fixé dans cette annexe, ainsi que les bonnes conditions agricoles et environnementales établies conformément à l’article 5.

2. L’autorité nationale compétente fournit à l’agriculteur la liste des exigences réglementaires en matière de gestion et des bonnes conditions agricoles et environnementales à respecter. »

27      S’agissant des exigences réglementaires en matière de gestion, l’article 4 du règlement nº 1782/2003 prévoit :

« 1. Les exigences réglementaires en matière de gestion visées à l’annexe III sont fixées par la législation communautaire dans les domaines suivants :

–        santé publique, santé des animaux et des végétaux,

–        environnement,

–        bien-être des animaux.

2. Les actes visés à l’annexe III s’appliquent dans le cadre du présent règlement, dans la version en vigueur et, dans le cas de directives, dans la version mise en œuvre par les États membres. »

28      L’annexe III du règlement nº 1782/2003, tel que modifié, énumère les exigences réglementaires en matière de gestion (ci-après les « ERMG »), numérotées de 1 à 18, renvoyant aux dispositions spécifiques du droit de l’Union qui les régissent. Ainsi, sont applicables, à partir du 1er janvier 2005, les ERMG nos 1 à 5 en matière d’environnement et les ERMG nos 6 à 8 bis concernant notamment l’identification et l’enregistrement des animaux. À partir du 1er janvier 2006, sont applicables les ERMG nos 9 à 12 en matière de santé publique et de santé des animaux et des végétaux ainsi que les ERMG nos 13 à 15 concernant la notification des maladies. Les ERMG nos 16 à 18, en matière de santé des animaux, sont applicables à partir du 1er janvier 2007.

29      S’agissant des exigences relatives au maintien de l’exploitation dans de bonnes conditions agricoles et environnementales, l’article 5, paragraphe 1, du règlement nº 1782/2003 dispose :

« Les États membres veillent à ce que toutes les terres agricoles, en particulier celles qui ne sont plus exploitées à des fins de production, soient maintenues dans de bonnes conditions agricoles et environnementales. Les États membres définissent, au niveau national ou régional, des exigences minimales pour les bonnes conditions agricoles et environnementales sur la base du cadre fixé à l’annexe IV, qui prennent en compte les caractéristiques des zones concernées, notamment les conditions pédologiques et climatiques, les modes d’exploitation existants, l’utilisation des terres, la rotation des cultures, les pratiques agricoles et la structure des exploitations, sans préjudice des normes régissant les bonnes pratiques agricoles appliquées dans le cadre du règlement (CE) n° 1257/1999 et des mesures agroenvironnementales dont l’application dépasse le niveau de référence des bonnes pratiques agricoles. »

30      L’annexe IV du règlement nº 1782/2003 contient un cadre fixant les bonnes conditions agricoles et environnementales (ci-après les « BCAE ») visées à l’article 5 du même règlement. Ces conditions se répartissent en quatre thèmes, à savoir l’érosion du sol, les matières organiques du sol, la structure des sols et le niveau minimal d’entretien. Pour chacun de ces thèmes, des références aux normes à définir par les États membres sont indiquées.

31      Les dispositions du règlement n° 1782/2003 ont été développées par le règlement (CE) nº 796/2004 de la Commission, du 21 avril 2004, portant modalités d’application de la conditionnalité, de la modulation et du système intégré de gestion et de contrôle prévus par le règlement nº 1782/2003 (JO L 141, p. 18).

32      Selon l’article 2, point 30, du règlement n° 796/2004, on entend par « ‘conditionnalité’ : les exigences réglementaires en matière de gestion et les bonnes conditions agricoles et environnementales conformément aux articles 4 et 5 du règlement (CE) n° 1782/2003 ».

33      Il résulte de ces dispositions que le règlement n° 1782/2003 établit un nouveau système d’obligations à respecter par les États membres, d’une part, et par les agriculteurs, d’autre part, en introduisant la nouvelle notion de « conditionnalité », distincte de celle d’éligibilité pour l’octroi des aides. Ce règlement introduit, en effet, un principe selon lequel tout agriculteur percevant des paiements directs est tenu de respecter, d’une part, les ERMG fixées par la législation de l’Union et, d’autre part, les BCAE établies par les États membres.

34      Dans ce cadre, les paiements directs à un agriculteur qui remplit les conditions d’éligibilité pour l’octroi des aides, mais qui ne remplit pas les conditions résultant du système de conditionnalité, sont réduits ou supprimés conformément aux articles 6 et 7 du règlement n° 1782/2003. Les règles relatives aux réductions et aux exclusions des paiements sont fixées par les articles 66 et 67 du règlement n° 796/2004.

35      Conformément à l’article 9 du règlement n° 1782/2003, les montants résultant des réductions et des exclusions des paiements, lorsque les exigences de conditionnalité ne sont pas respectées, sont portés au crédit du FEOGA, section « Garantie », les États membres pouvant conserver 25 % desdits montants.

–       Sur les contrôles des obligations en matière de conditionnalité

36      Aux termes de l’article 25 du règlement n° 1782/2003, les États membres procèdent à des contrôles sur place pour vérifier si l’agriculteur respecte les obligations en matière de conditionnalité.

37      En outre, selon l’article 23, paragraphe 1, du règlement nº 796/2004, les contrôles administratifs et les contrôles sur place prévus par ce même règlement sont effectués de façon à assurer une vérification efficace du respect des conditions d’octroi des aides ainsi que des exigences et des normes applicables en matière de conditionnalité.

38      S’agissant des contrôles sur place, l’article 44 du règlement nº 796/2004 prévoit que, sauf si d’autres taux de contrôles minimaux sont prévus par la législation applicable, ces contrôles doivent porter sur 1 % au moins de l’ensemble des agriculteurs ayant présenté des demandes d’aide relevant de la responsabilité de l’autorité de contrôle concernée.

–       Orientations de la Commission

39      La Commission a adopté, le 9 juin 2006, le document AGRI/2005/64043, intitulé « Communication de la Commission sur le traitement, par la Commission, dans le contexte de l’apurement des comptes du FEOGA, section ‘Garantie’, des insuffisances constatées dans les systèmes de contrôle de conditionnalité [article 3 du règlement (CE) n° 1782/2003] mis en œuvre par les États membres » (ci-après le « document AGRI/2005/64043 »).

40      Au point 2 du document AGRI/2005/64043, la Commission relève que, bien que les exigences relatives à la conditionnalité, telles que prévues aux annexes III et IV du règlement n° 1782/2003, ne constituent pas des conditions d’éligibilité, il est nécessaire d’adopter une approche cohérente à l’égard des carences relatives à ces exigences et à ces conditions. Il est également indiqué que les dysfonctionnements du système de contrôle d’un État membre dans l’application des règles de conditionnalité font courir un risque au FEOGA en ce sens que les dépenses déclarées au FEOGA sont surévaluées d’un montant équivalent à 100 % des sanctions qui auraient pu être imposées si l’État membre avait appliqué correctement la réglementation.

41      Les sanctions qui auraient pu être infligées constituent le montant du risque engendré pour le FEOGA, lequel est fixé par la Commission à 10 % du montant total des paiements directs auxquels la conditionnalité est applicable. Ce coefficient est déterminé, conformément au document AGRI/2005/64043, en fonction de la moyenne arithmétique des taux de sanction établis par l’article 66, paragraphes 1 et 4, du règlement n° 796/2004 et par l’article 67 du même règlement (3 % en cas de négligence, 9 % et 15 % en cas de récidive), soit 9 %, majoré de 1 % pour couvrir le risque minimal de non-conformité intentionnelle (point 3.2.1 du document AGRI/2005/64043). Conformément au point 3.2.2 dudit document, ce coefficient de risque, fixé à 10 %, est réduit à 3 % pour la première année d’application de la conditionnalité et à 6 % pour la deuxième année de cette application. Le coefficient de risque est affecté de taux de correction de l’aide à hauteur de 2 %, de 5 % ou de 10 %, en fonction de la gravité des infractions (point 3.1 du document AGRI/2005/64043 et exemple cité au point 3.2.1 du même document).

42      S’agissant des taux de correction mentionnés au point précédent, le point 3.1 du document AGRI/2005/64043 prévoit ce qui suit :

« Lorsque des défaillances sont constatées dans l’application d’un ou de plusieurs contrôles secondaires dans le cadre du système de conditionnalité, il y a lieu d’appliquer une correction de 2 %. […]

Lorsque les obligations à respecter dans le cadre de la conditionnalité, établies dans un acte, par exemple dans chaque directive ou [chaque] règlement figurant à l’annexe III du règlement (CE) n° 1782/2003, ou dans une norme [mentionnée à] l’annexe IV dudit règlement, sont contrôlées mais sans respecter le nombre, la fréquence ou la rigueur préconisés par les règlements ou la législation nationale (dans le cas d’une directive ou d’une norme relative aux BCAE) ou quand les contrôles n’entraînent pas l’application des sanctions réglementaires prévues, il convient d’appliquer une correction de 5 %.

Lorsque les obligations à respecter dans le cadre de la conditionnalité ne sont pas contrôlées ou lorsque ces contrôles sont si mal ou si rarement réalisés qu’ils sont totalement inefficaces et n’entraînent l’application d’aucune sanction réglementaire, il y a lieu d’appliquer une correction de 10 % […] »

43      Au point 4 du document AGRI/2005/64043, la Commission mentionne d’autres éléments à prendre en compte lors du calcul du montant des corrections à appliquer, tels que la quantification du dommage financier réel que les carences identifiées ont pu causer et la réitération des carences. Il est également précisé que les corrections applicables en matière de conditionnalité complètent celles applicables en matière d’éligibilité et que le défaut de transposition d’une directive par un État membre ou sa transposition incorrecte ou incomplète ne comporteront pas de corrections financières, mais feront l’objet des procédures prévues aux articles 258 TFUE et 260 TFUE.

 Enquêtes, position finale de la Commission et rapport de synthèse concernant les corrections appliquées en matière de conditionnalité

44      Dans le cadre de trois enquêtes portant respectivement les références AC/2005/44, XC/2007/0107 et XC/2007/030, les services de la Commission ont effectué des vérifications en Italie, du 26 au 29 septembre 2005 et du 3 au 7 décembre 2007, ainsi qu’un audit documentaire sur le système de contrôle des exigences en matière de conditionnalité mis en place par cet État membre. À la suite d’un échange de correspondances, deux réunions bilatérales ont eu lieu entre la Commission et les autorités italiennes, le 14 juillet 2006 et le 4 mai 2009, dont les procès-verbaux ont été communiqués à la République italienne, respectivement, le 24 octobre 2006 et le 23 juillet 2009.

45      Par lettre du 20 juillet 2011, les services de la Commission ont informé les autorités italiennes qu’ils avaient constaté de graves lacunes dans les contrôles des exigences de conditionnalité effectués par les organismes payeurs sur l’ensemble du territoire pour les années 2005 à 2007 et que, dès lors, ils proposaient que des corrections forfaitaires à hauteur de 10 % soient appliquées pour les dépenses relatives à ces années.

46      Le 13 février 2012, l’organe de conciliation, qui avait été saisi par la République italienne, a émis un rapport dans lequel il a conclu qu’il n’était pas possible de concilier la position des autorités italiennes avec celle des services de la Commission. Il a suggéré qu’une analyse plus détaillée des carences soit effectuée par ces derniers, notamment en faisant une distinction par région concernée et par type d’exploitation agricole, séparant, par exemple, les exploitations comportant des animaux et celles n’en comportant pas. L’organe de conciliation a également suggéré aux autorités italiennes qu’elles fournissent des informations additionnelles pour permettre une telle analyse plus détaillée.

47      À la suite du rapport final de l’organe de conciliation, les services de la Commission ont établi leur position finale sur les corrections financières proposées. D’une part, les coefficients de risque de 3 % pour 2005, de 6 % pour 2006 et de 10 % pour 2007 ont été appliqués aux montants des paiements correspondant aux années en question, conformément aux orientations du document AGRI/2005/64043. D’autre part, les corrections financières proposées ont été calculées de manière forfaitaire. La Commission a indiqué que les cas où des lacunes relatives à des obligations à respecter dans le cadre de la conditionnalité n’avaient pas été contrôlées ou dont les contrôles avaient été inefficaces, qui, conformément aux orientations du document AGRI/2005/64043, comportaient une correction forfaitaire à hauteur de 10 %, concernaient spécifiquement des exploitations agricoles comprenant des animaux. Ainsi, la Commission a proposé des corrections financières forfaitaires à hauteur de 10 % pour les dépenses effectuées par la République italienne pour les années 2005 à 2007 concernant ces exploitations agricoles. Par ailleurs, elle a proposé des corrections financières forfaitaires à hauteur de 5 % pour les dépenses effectuées pour ces mêmes années concernant les exploitations agricoles sans animaux. Cette position a été communiquée à la République italienne par lettre du 21 août 2008.

48      Dans la décision attaquée, la Commission a décidé d’appliquer à l’égard de la République italienne les corrections financières proposées par ses services dans la position finale, pour un montant total de 48 095 235,86 euros. L’évaluation des carences constatées par la Commission, qui constituaient la base de sa décision, a été exposée dans le rapport de synthèse.

49      Ainsi, la Commission a identifié, au point 13.6.1 du rapport de synthèse, les lacunes suivantes dans l’exécution des contrôles clés des exigences en matière de conditionnalité :

–        l’absence de contrôles ou la mise en œuvre de contrôles partiels des différentes ERMG à l’égard de certaines catégories d’agriculteurs seulement ;

–        l’absence de vérification pour les agriculteurs sélectionnés portant sur toutes les exigences et normes auxquelles ils étaient soumis ;

–        l’absence de supervision par les organismes payeurs des activités des services vétérinaires chargés de certaines vérifications des ERMG et la non-communication à ces organismes des rapports de contrôle rédigés par lesdits services ;

–        l’absence de vérification du respect de certaines normes relatives aux BCAE prévues à l’annexe IV du règlement nº 1782/2003 ;

–        le report d’une partie considérable des contrôles annuels sur l’année suivante, en violation de l’article 6 du règlement nº 1782/2003 et de l’article 66 du règlement nº 796/2004 ;

–        l’examen incorrect des cas de non-conformité relevés au sein des exploitations, s’agissant notamment de la définition de l’étendue et de la gravité des non-conformités avec les exigences en matière de conditionnalité ;

–        l’application incorrecte des sanctions réglementaires prévues, du fait d’une prise en compte erronée de l’annuité des paiements à réduire ou à exclure, les pourcentages des réductions ayant été erronément appliqués, de l’hétérogénéité des calculs par les différents organismes de contrôle concernant les sanctions, de la mauvaise application des mesures de tolérance, de la réduction erronée des sanctions lorsque des mesures correctrices étaient appliquées, de l’absence d’application du principe d’intentionnalité et de la non-prise en compte des non-conformités détectées lors des contrôles relatifs à l’éligibilité.

50      S’agissant des contrôles complémentaires, la Commission a relevé, au point 13.6.2 du rapport de synthèse, des carences concernant l’analyse incorrecte du risque pour les fonds concernés, dans la mesure où la sélection de l’échantillon d’agriculteurs à contrôler était effectuée sur une base qui ne comprenait pas tous les critères pertinents.

 Observations liminaires relatives à l’interprétation des moyens

51      Les griefs et les arguments avancés par la République italienne à l’encontre de la décision attaquée concernant les corrections financières forfaitaires appliquées dans le cadre des exigences liées à la conditionnalité peuvent être regroupés, en substance, en trois moyens, tirés, respectivement, d’un défaut de motivation, d’erreurs de droit et d’appréciation des faits et de la méconnaissance des principes généraux de proportionnalité, de légalité, de sécurité juridique, de protection de la confiance légitime et de coopération loyale reconnus par le droit de l’Union.

 Considérations de principe

52      Il ressort d’une jurisprudence constante que le FEAGA ne finance que les dépenses effectuées conformément au droit de l’Union dans le cadre de l’organisation commune des marchés agricoles (arrêts du 8 mai 2003, Espagne/Commission, C‑349/97, Rec, EU:C:2003:251, point 45 ; du 14 février 2008, Espagne/Commission, T‑266/04, EU:T:2008:37, point 97, et du 12 septembre 2012, Grèce/Commission, T‑356/08, EU:T:2012:418, point 12).

53      En outre, il appartient à la Commission, aux fins de prouver l’existence d’une violation des règles de la politique agricole commune, non de démontrer d’une façon exhaustive l’insuffisance des contrôles effectués par les administrations nationales ou l’irrégularité des chiffres transmis par elles, mais de présenter un élément de preuve du doute sérieux et raisonnable qu’elle éprouve à l’égard de ces contrôles ou de ces chiffres. Cet allégement de l’exigence de la preuve pour la Commission s’explique par le fait que c’est l’État membre qui est le mieux placé pour recueillir et vérifier les données nécessaires à l’apurement des comptes du FEAGA (arrêts du 11 janvier 2001, Grèce/Commission, C‑247/98, Rec, EU:C:2001:4, points 7 à 9 ; du 1er juillet 2009, Espagne/Commission, T‑259/05, EU:T:2009:232, point 112, et Grèce/Commission, point 52 supra, EU:T:2012:418, point 13).

54      En effet, la gestion du financement du FEAGA repose principalement sur les administrations nationales chargées de veiller à la stricte observation des règles de l’Union. Ce régime, fondé sur la confiance entre les autorités nationales et l’Union, ne comporte aucun contrôle systématique de la part de la Commission, que celle-ci serait d’ailleurs matériellement dans l’impossibilité d’assurer. Seul l’État membre est en mesure de connaître et de déterminer avec précision les données nécessaires à l’élaboration des comptes du FEAGA, la Commission ne jouissant pas de la proximité nécessaire pour obtenir les renseignements dont elle a besoin auprès des agents économiques (arrêts du 1er octobre 1998, Irlande/Commission, C‑238/96, Rec, EU:C:1998:451, point 30 ; du 7 juillet 2005, Grèce/Commission, C‑5/03, Rec, EU:C:2005:426, point 97, et du 17 octobre 2012, Espagne/Commission, T‑491/09, EU:T:2012:550, point 25).

55      C’est, en conséquence, à l’État membre qu’il incombe de présenter la preuve la plus détaillée et complète de la réalité de ses contrôles ou de ses chiffres et, le cas échéant, de l’inexactitude des affirmations de la Commission (arrêt Grèce/Commission, point 52 supra, EU:T:2012:418, point 13).

56      L’État membre concerné, pour sa part, ne saurait infirmer les constatations de la Commission sans étayer ses propres allégations par des éléments établissant l’existence d’un système de contrôle fiable et opérationnel. Dès lors qu’il ne parvient pas à démontrer que les constatations de la Commission sont inexactes, celles-ci constituent des éléments susceptibles de faire naître des doutes sérieux quant à la mise en place d’un ensemble adéquat et efficace de mesures de surveillance et de contrôle (arrêts du 28 octobre 1999, Italie/Commission, C‑253/97, Rec, EU:C:1999:527, point 7 ; Espagne/Commission, point 52 supra, EU:C:2003:251, point 48 ; Grèce/Commission, point 52 supra, EU:T:2012:418, point 35, et du 12 juillet 2011, Slovénie/Commission, T‑197/09, EU:T:2011:348, point 40).

57      C’est à la lumière de ces considérations de principe qu’il convient d’examiner les moyens avancés par la République italienne au soutien du recours en ce qu’il vise les dispositions de la décision attaquée concernant les corrections financières forfaitaires appliquées dans le cadre des exigences liées à la conditionnalité (voir point 50 ci-dessus).

 Sur le premier moyen, tiré de l’insuffisance de motivation de la décision attaquée

58      Il y a lieu de rappeler que l’obligation de motivation constitue une formalité substantielle qui doit être distinguée de la question du bien-fondé de la motivation, celui-ci relevant de la légalité au fond de l’acte litigieux. Selon une jurisprudence constante, la motivation exigée par l’article 296 TFUE doit être adaptée à la nature de l’acte en cause et faire apparaître de façon claire et non équivoque le raisonnement de l’institution, auteur de l’acte, de manière à permettre aux intéressés de connaître les justifications de la mesure prise et à la juridiction compétente d’exercer son contrôle (arrêt du 29 avril 2004, Pays-Bas/Commission, C‑159/01, Rec, EU:C:2004:246, point 65).

59      Dans le contexte particulier de l’élaboration des décisions relatives à l’apurement des comptes au titre des dépenses financées par le FEOGA, la motivation d’une décision refusant de retenir à la charge de celui-ci une partie des dépenses déclarées doit être considérée comme suffisante dès lors que l’État destinataire a été étroitement associé au processus d’élaboration de cette décision et qu’il connaissait les raisons pour lesquelles la Commission estimait ne pas devoir mettre à la charge du FEOGA la somme litigieuse (arrêt du 21 mars 2002, Espagne/Commission, C‑130/99, Rec, EU:C:2002:192, point 126).

60      Force est de constater que, en l’espèce, la République italienne a été étroitement associée à la procédure décrite aux points 44 à 50 ci-dessus. Dans cette mesure, elle ne saurait faire valoir une insuffisance de motivation de la décision à laquelle a abouti cette procédure.

61      En tout état de cause, elle ne fournit pas d’éléments spécifiques pour étayer ses allégations relatives à l’insuffisance de motivation de la décision attaquée, se bornant à invoquer une telle insuffisance en complément de ses arguments qui visent à mettre en cause le bien-fondé des constatations de la Commission.

62      Ainsi, lorsqu’elle invoque l’insuffisance de motivation de la décision attaquée, la République italienne ne soutient pas ne pas avoir eu connaissance des raisons pour lesquelles la Commission a effectué les corrections financières litigieuses. En réalité, elle fait valoir non pas un défaut de motivation, mais une erreur de fond, en affirmant que la Commission n’a pas tenu compte des allégations formulées au cours de la procédure d’apurement de conformité et, dès lors, a commis une erreur de droit et d’appréciation des faits en concluant qu’il existait des lacunes dans le système de contrôle des exigences de conditionnalité sur son territoire, y compris en ce qui concerne la non-transposition des directives relatives aux BCAE. Il convient donc d’examiner l’ensemble de ces allégations dans le cadre du moyen tiré d’erreurs de droit et d’appréciation des faits.

63      Partant, il y a lieu de rejeter le moyen de la République italienne tiré d’une insuffisance de motivation de la décision attaquée en ce qui concerne l’application des corrections financières forfaitaires en matière de conditionnalité.

 Sur le deuxième moyen, relatif aux erreurs de droit et d’appréciation des faits infirmant l’application des corrections forfaitaires en matière de conditionnalité

64      Ce moyen se divise en deux branches, relatives, la première, aux lacunes constatées par la Commission et, la seconde, aux corrections forfaitaires que celle-ci a appliquées au vu de ces lacunes.

–       Sur la première branche, relative aux lacunes identifiées par la Commission dans les contrôles et les sanctions en matière de conditionnalité

65      Cette branche est articulée en sept griefs, correspondant, en substance, aux lacunes constatées par la Commission.

–       Sur les constatations relatives aux contrôles des ERMG en matière d’environnement, de santé publique et de santé des animaux et des végétaux

66      La République italienne conteste, en substance, l’appréciation des faits effectuée par la Commission l’ayant conduite à constater les lacunes dans les contrôles clés mentionnées dans le rapport de synthèse.

67      S’agissant des contrôles relatifs aux ERMG en matière d’environnement, il y a lieu de relever qu’ils visent, en vertu de l’annexe III du règlement nº 1782/2003, notamment les exigences relatives à la conservation des oiseaux sauvages (ERMG no 1), telles qu’elles sont prévues à l’article 3, à l’article 4, paragraphes 1, 2 et 4, et aux articles 5, 7 et 8 de la directive 79/409/CEE du Conseil, du 2 avril 1979, concernant la conservation des oiseaux sauvages (JO L 103, p. 1), à la protection des eaux souterraines (ERMG no 2), telles qu’elles sont prévues aux articles 4 et 5 de la directive 80/68/CEE du Conseil, du 17 décembre 1979, concernant la protection des eaux souterraines contre la pollution causée par certaines substances dangereuses (JO 1980, L 20, p. 43), et à la conservation des habitats naturels ainsi que de la faune et de la flore sauvages (ERMG nos 5), telles qu’elles sont prévues par les articles 6, 13 et 15 et par l’article 22, sous b), de la directive 92/43/CEE du Conseil, du 21 mai 1992, concernant la conservation des habitats naturels ainsi que de la faune et de la flore sauvages (JO L 206, p. 7).

68      En matière de santé publique et de santé des animaux et des végétaux, les contrôles en cause visent, notamment, les exigences relatives à l’identification et à l’enregistrement des animaux (ERMG no 6), telles qu’elles sont prévues aux articles 3 à 5 de la directive 92/102/CEE du Conseil, du 27 novembre 1992, concernant l’identification et l’enregistrement des animaux (JO L 355, p. 32), et à la sécurité des denrées alimentaires (ERMG no 11), telles qu’elles sont prévues aux articles 14 et 15 et à l’article 17, paragraphe 1, ainsi qu’aux articles 18 et 20 du règlement (CE) nº 178/2002 du Parlement européen et du Conseil, du 28 janvier 2002, établissant les principes généraux et les prescriptions générales de la législation alimentaire, instituant l’Autorité européenne de sécurité des aliments et fixant des procédures relatives à la sécurité des denrées alimentaires (JO L 31, p. 1).

69      Au point 13.6.1.1, 1, du rapport de synthèse, la Commission indique que, pour les exercices 2005 à 2007, les ERMG nos 1 et 5 n’ont donné lieu à des contrôles qu’auprès d’agriculteurs déclarant des parcelles dans des zones de protection spéciale et sur des sites d’importance communautaire, alors que ces ERMG étaient applicables à tous les agriculteurs. En outre, pour l’exercice 2006 et pour tout le territoire, à l’exception des régions relevant de la compétence de deux organismes payeurs, l’ERMG no 2 n’aurait donné lieu à des contrôles qu’auprès d’agriculteurs titulaires d’une autorisation pour le traitement et l’élimination de produits agricoles contenant des substances dangereuses, alors qu’une telle exigence serait applicable à tous les agriculteurs utilisant des substances prévues par la directive 80/68, telles que des huiles minérales et des hydrocarburants. S’agissant de l’ERMG no 6, la Commission indique qu’elle n’a pas été contrôlée du tout pendant l’exercice 2005. Par ailleurs, la Commission constate que, pour l’exercice 2006, l’ERMG no 11 a été contrôlée seulement auprès des producteurs de lait qui vendent directement aux consommateurs, alors que tous les producteurs de lait, y compris ceux qui ne vendent pas directement aux consommateurs, étaient concernés.

70      La République italienne ne conteste pas ces constatations. En ce qui concerne les ERMG nos 1 et 5, elle fait valoir qu’elle a effectué des contrôles prévus par la législation nationale applicable. À cet égard, elle invoque l’article 4, paragraphe 2, du règlement nº 1782/2003, qui a été reproduit par l’article 5, paragraphe 2, du règlement (CE) no 73/2009 du Conseil, du 19 janvier 2009, établissant des règles communes pour les régimes de soutien direct en faveur des agriculteurs dans le cadre de la politique agricole commune et établissant certains régimes de soutien en faveur des agriculteurs, modifiant les règlements (CE) no 1290/2005, (CE) no 247/2006 et (CE) no 378/2007, et abrogeant le règlement (CE) no 1782/2003 (JO L 30, p. 16), actuellement en vigueur, selon lequel les actes relatifs à la conditionnalité s’appliquent dans leur version en vigueur et, s’agissant des directives, telles qu’elles sont mises en œuvre par les États membres. Or, dans la mesure où la République italienne n’aurait pas transposé les directives relatives aux ERMG en question, ce serait la procédure en manquement, telle qu’elle est prévue aux articles 258 TFUE et 260 TFUE, qui serait applicable, à l’exclusion de la procédure d’apurement de conformité. S’agissant de l’ERMG no 11, elle soutient que la réglementation communautaire en question n’était ni explicite ni claire.

71      Ces arguments ne sauraient infirmer les constatations de la Commission.

72      En premier lieu, il convient de rappeler que, en vertu de l’annexe III du règlement nº 1782/2003, sont applicables, à partir du 1er janvier 2005, les ERMG nos 1 à 5 en matière d’environnement et les ERMG nos 6 à 8 bis concernant l’identification et l’enregistrement des animaux. À partir du 1er janvier 2006, sont applicables les ERMG nos 9 à 12 en matière de santé publique et de santé des animaux et des végétaux. En outre, en vertu de l’article 9 du règlement nº 796/2004, les États membres doivent mettre en place un système qui garantit un contrôle efficace du respect de la conditionnalité.

73      Le fait que certaines des ERMG en cause fassent l’objet de précisions par référence aux articles des directives qui ont établi originairement ces exigences ne change pas la nature obligatoire des exigences prévues par le règlement nº 1782/2003 et des dispositions du règlement nº 796/2004, qui sont obligatoires dans tous leurs éléments et directement applicables dans tout État membre.

74      En deuxième lieu, la République italienne ne saurait se prévaloir de ses propres violations du droit de l’Union, à savoir le fait de ne pas avoir transposé dans les délais impartis les directives applicables, pour échapper aux obligations imposées par les règlements applicables. En effet, il ressort de la jurisprudence qu’un État membre ne saurait justifier le non-respect d’une obligation qui lui incombe dans le contexte de la réglementation relative au FEOGA en invoquant les carences de l’ordre juridique interne (voir, en ce sens, arrêt du 13 décembre 2012, Grèce/Commission, T‑588/10, EU:T:2012:688, point 122).

75      En troisième lieu, il convient de rappeler la jurisprudence constante selon laquelle les États membres ne sauraient invoquer leurs dispositions nationales pour échapper aux obligations relevant du droit de l’Union.

76      En effet, conformément aux principes généraux qui sont à la base du système institutionnel de l’Union et qui régissent les relations entre celle-ci et les États membres, il appartient à ces derniers d’assurer sur leur territoire respectif l’exécution des réglementations de l’Union, notamment dans le cadre de la politique agricole commune. En outre, les règles nationales en exécution de ces règlements ne peuvent pas avoir pour résultat de rendre pratiquement impossible la mise en œuvre de la réglementation de l’Union (voir arrêt du 27 février 2013, Pologne/Commission, T‑241/10, EU:T:2013:96, points 81 et 82 et jurisprudence citée).

77      Par ailleurs, il ressort de la jurisprudence qu’il incombe aux États membres d’effectuer des contrôles adéquats, même si la réglementation de l’Union n’a pas défini de manière exhaustive les modalités de ces contrôles (arrêt du 31 janvier 2012, Espagne/Commission, T‑206/08, EU:T:2012:33, point 77).

78      Il en découle que le présent grief doit être rejeté.

–       Sur les constatations relatives aux lacunes identifiées dans les contrôles des ERMG en matière de bien-être des animaux

79      La République italienne fait valoir, en substance, que la Commission ne saurait reprocher à l’ensemble des organismes payeurs de son territoire des lacunes généralisées dans les contrôles des ERMG nos 6 à 8 bis et 10 à 18 concernant le bien-être des animaux parce que chaque organisme payeur a mis en œuvre des systèmes de contrôle différents.

80      S’agissant des contrôles relatifs aux ERMG en matière de bien-être des animaux, il y a lieu de relever qu’ils visent, en vertu de l’annexe III du règlement nº 1782/2003, notamment les exigences relatives à l’identification et à l’enregistrement des animaux (ERMG nos 6 à 8 bis), applicables à compter du 1er janvier 2005. Ces contrôles visent également les exigences relatives à la santé des animaux, notamment en ce qui concerne l’interdiction d’utilisation de certaines substances à effet hormonal ou thyréostatique et des substances β-agonistes dans les spéculations animales (ERMG no 10) et la prévention, le contrôle et l’éradication de certaines encéphalopathies spongiformes transmissibles (ERMG no 12), ainsi que les exigences relatives à la notification des maladies, notamment en ce qui concerne la fièvre aphteuse (ERMG no 13), certaines maladies animales ainsi que des mesures spécifiques à l’égard de la maladie vésiculeuse du porc (ERMG no 14) et la fièvre catarrhale du mouton ou « bluetongue » (ERMG no 15), toutes ces exigences étant applicables à compter du 1er janvier 2006. En outre, ces contrôles visent les exigences relatives à la santé des animaux, notamment en ce qui concerne la protection des veaux (ERMG no 16), des porcs (ERMG no 17) et des animaux dans les élevages (ERMG no 18), applicables à compter du 1er janvier 2007.

81      Outre les constatations figurant au point 13.6.1.1, 1, du rapport de synthèse relatives à l’absence de contrôles des ERMG nos 6 et 11, telles qu’elles sont mentionnées au point 69 ci-dessus, ainsi qu’au point 13.6.1.1, 3, de ce même rapport, la Commission a indiqué que ses enquêtes avaient démontré que les activités des services vétérinaires chargés des contrôles des ERMG en matière de bien-être des animaux n’étaient ni connues ni supervisées par les organismes payeurs, qui sont les responsables de la régularité de la mise en œuvre du système de conditionnalité. En outre, selon la Commission, ces services vétérinaires n’avaient pas d’instructions précises de l’agence des paiements agricoles italienne (AGEA) concernant les points à contrôler. De même, les organismes payeurs n’auraient pas été informés des modalités de sélection des échantillons de contrôle, des modalités mêmes de contrôle et de l’analyse des cas de non-conformité par les services vétérinaires, ceux-ci décidant eux-mêmes des sanctions. Par ailleurs, les rapports de contrôle établis par les services vétérinaires n’auraient pas été transmis aux organismes payeurs. Ces lacunes constituent, selon la Commission, une violation de l’article 9 du règlement nº 796/2004, qui prévoit qu’un système de contrôle efficace du respect de la conditionnalité doit être mis en œuvre par les États membres. Cela aurait créé des risques pour les fonds concernés pour les exercices 2005 à 2007 sur l’ensemble du territoire italien.

82      La République italienne indique, en ce qui concerne l’organisme payeur ARTEA, et ce sans fournir aucun élément de preuve, que les contrôles en question ont été effectués par cet organisme payeur lui-même et, pour certaines ERMG, également par l’agence locale de santé, ce qui constituerait un niveau de contrôle supplémentaire. S’agissant de l’organisme payeur AVEPA, elle indique, de manière non étayée, que c’est l’organisme payeur lui-même qui a réalisé les contrôles en question en 2005 sur un échantillon sélectionné par l’AGEA selon des critères de risque et de causalité. Des lignes directrices auraient été adoptées à partir de l’année 2006 pour réglementer les rapports avec les organismes spécialisés chargés des contrôles, prévoyant, notamment, la collecte des résultats des contrôles par des services spécialisés. En ce qui concerne l’organismo pagatore regione Lombardia (organisme payeur de la région de Lombardie, OPLO), la République italienne présente un manuel opérationnel pour des contrôles de conditionnalité pour l’exercice 2006, un exemple de rapport d’un contrôle des ERMG nos 1 à 9 et 11, qui aurait été effectué auprès d’un agriculteur le 27 décembre 2006, ainsi qu’une copie du livret d’étable de l’agriculteur contrôlé.

83      Or, en vertu de la jurisprudence citée aux points 53 à 56 ci-dessus, les affirmations non étayées concernant les organismes payeurs ARTEA et AVEPA ne sauraient démontrer que les constatations faites par la Commission dans la décision attaquée sont inexactes. En outre, les documents invoqués par la République italienne concernant les contrôles coordonnés par l’OPLO ne sauraient démontrer, pour les années 2005 à 2007, l’application effective du manuel opérationnel en question ni que l’organisme payeur a été effectivement informé des activités de contrôle par les services vétérinaires, les a supervisées, a reçu de manière régulière les rapports de contrôle établis par ces services et a décidé des sanctions à imposer dans les cas de non-conformité détectés.

84      Ainsi, la Commission était fondée à conclure, au regard des lacunes qu’elle a identifiées, telles qu’elles sont résumées au point 69 ci-dessus, que, au cours des exercices 2005 à 2007, la République italienne n’avait pas mis en place un système efficace, tel que cela était prescrit par l’article 9 du règlement nº 796/2004, pour assurer que toutes les ERMG en matière de bien-être des animaux étaient effectivement contrôlées.

85      Partant, il y a lieu de rejeter le présent grief.

–       Sur les constatations relatives aux échantillons de contrôle sélectionnés par les services vétérinaires

86      La République italienne fait valoir, en substance, que la sélection d’échantillons de contrôle qui a été effectuée sur son territoire a eu pour effet d’accroître le nombre d’entreprises contrôlées et que, dès lors, aucun risque pour les fonds concernés n’a été généré.

87      Au point 13.6.1.1, 2, du rapport de synthèse, la Commission indique que, pour les exercices 2006 et 2007, les services vétérinaires auxquels les autorités italiennes, à l’exception de l’organisme payeur ARTEA, ont délégué les contrôles sur place relatifs aux ERMG nos 10, 12 à 18 et une partie des ERMG nos 6 à 8 bis ont procédé suivant leur propre sélection de contrôles à effectuer. En outre, en raison du fait que l’ERMG no 11 doit également être contrôlée dans le cadre des ERMG nos 10 et 12, cette ERMG n’aurait pas toujours été contrôlée auprès de tous les agriculteurs sélectionnés. La Commission en déduit que les agriculteurs sélectionnés n’ont pas fait l’objet des contrôles relatifs à toutes les exigences qui leur étaient applicables en matière de conditionnalité, en violation de l’article 47 du règlement nº 796/2004, qui prévoit que les contrôles effectués auprès des agriculteurs sélectionnés doivent comporter des vérifications des normes et des exigences qui relèvent de la responsabilité des autorités nationales dans le but de détecter tout cas de non-conformité et de repérer les situations qui doivent faire l’objet de contrôles supplémentaires.

88      La République italienne ne conteste pas les constatations de la Commission, se bornant à affirmer que, un taux minimal de contrôles n’étant pas encore entré en vigueur à l’époque, le système de sélection d’échantillons appliqué a permis le contrôle d’un nombre supérieur d’entreprises.

89      Or, il ressort d’une jurisprudence constante que, lorsqu’un règlement institue des mesures spécifiques de contrôle, les États membres sont tenus de les appliquer, sans qu’il soit nécessaire d’apprécier le bien-fondé de leur thèse selon laquelle un système de contrôle différent éventuellement appliqué serait plus efficace (arrêts Espagne/Commission, point 59 supra, EU:C:2002:192, point 87 ; du 9 septembre 2004, Grèce/Commission, C‑332/01, Rec, EU:C:2004:496, point 62, et Grèce/Commission, point 74 supra, EU:T:2012:688, point 126).

90      Dans ces circonstances, il y a lieu de rejeter le présent grief.

–       Sur les constatations relatives aux lacunes dans le contrôle des BCAE

91      La République italienne fait valoir que les dispositions de l’annexe IV du règlement nº 1782/2003 n’étaient pas d’application obligatoire durant la période 2005 à 2007.

92      Au point 13.6.1.1, 4, du rapport de synthèse, la Commission constate que, pour les exercices 2005 à 2007, les normes relatives à la rotation des cultures, l’utilisation de machines appropriées et la densité minimale du bétail ou les régimes appropriés à cet égard n’ont été ni définis ni, partant, contrôlés. En outre, pour les exercices 2005 et 2006, les autorités italiennes auraient dérogé à la condition relative à la gestion du chaume et n’auraient pas établi un inventaire des terrasses sur leur territoire pour pouvoir procéder au contrôle de la condition relative au maintien des particularités topographiques.

93      La République italienne ne remet pas en cause les constatations de la Commission. Elle se borne à invoquer le règlement nº 73/2009, en vertu duquel une partie des conditions dont l’absence de contrôles lui est reprochée par la Commission est devenue d’application facultative, et elle fait valoir que la réglementation relative au maintien des particularités topographiques était incomplète et ambiguë.

94      En premier lieu, il convient de constater que le règlement nº 73/2009, entré en vigueur le 1er janvier 2009, n’est pas applicable aux faits de l’espèce, qui concernent les exercices 2005 à 2007.

95      En deuxième lieu, le règlement nº 1782/2003 est entré en vigueur le 28 octobre 2003, date à laquelle l’ensemble de ses dispositions sont devenues obligatoires et directement applicables dans l’Union. Aux termes de l’article 5, paragraphe 1, de ce règlement, les États membres doivent définir au niveau national ou régional des exigences minimales pour les BCAE sur la base du cadre fixé dans son annexe IV.

96      En troisième lieu, il ressort clairement de l’article 5, paragraphe 1, du règlement nº 1782/2003 qu’il incombe aux États membres de définir les BCAE, en tenant compte des caractéristiques inhérentes aux zones concernées, l’annexe IV de ce règlement fixant le cadre pour ces conditions, ce qui, au demeurant, a été reconnu par la République italienne lors de l’audience. Ces dispositions ne sauraient donc être considérées comme ambiguës. En outre, les BCAE devant s’adapter aux conditions spécifiques des zones concernées, leur définition et leur mise en œuvre ont été nécessairement déléguées aux États membres. Les dispositions du règlement nº 1782/2003 ne sauraient, partant, être qualifiées d’incomplètes. Il ressort également sans équivoque de l’article 25, paragraphe 1, du règlement nº 1782/2003 que les États membres doivent contrôler le respect des obligations visées au chapitre 1 dudit règlement, dont celles relevant des BCAE.

97      En tout état de cause, il est de jurisprudence constante que, même si la réglementation pertinente n’impose pas expressément aux États membres d’instaurer des mesures de surveillance et des modalités de contrôle, il n’en reste pas moins que cette obligation peut découler, le cas échéant implicitement, du fait que, en vertu des règles relatives aux fonds, il incombe aux États membres d’organiser un système efficace de contrôle et de surveillance (voir arrêt du 17 mai 2013, Bulgarie/Commission, T‑335/11, EU:T:2013:262, point 134 et jurisprudence citée). En outre, les États membres ont l’obligation de prendre toutes les mesures nécessaires pour assurer que les contrôles à effectuer ne laissent subsister aucun doute quant à la régularité des dépenses mises à la charge du FEOGA. Ils doivent donc faire en sorte que la qualité des contrôles effectués soit d’un niveau tel qu’elle ne puisse faire l’objet de critiques (arrêt du 9 septembre 2011, Grèce/Commission, T‑344/05, EU:T:2011:440, point 269).

98      Partant, le présent grief doit être rejeté.

–       Sur les constatations relatives au report des contrôles à l’année suivante

99      Au point 13.6.1.1, 5, du rapport de synthèse, la Commission constate, sur la base d’informations fournies par la République italienne, qu’une partie significative des contrôles sur place pour les exercices 2005 et 2007 n’ont pas été effectués au cours des années en question, mais ont été reportés à l’année suivante, ce qui aurait généré un risque pour les fonds concernés.

100    La République italienne ne conteste pas ces constatations, mais invoque l’ambiguïté des dispositions applicables.

101    Il ressort du libellé et de l’économie des dispositions relatives aux exigences en matière de conditionnalité, notamment de l’article 6 du règlement nº 1782/2003 et de l’article 66 du règlement nº 796/2004, que, lorsque des situations de non-conformité sont constatées, l’agriculteur ayant demandé des aides subit une réduction ou une exclusion des paiements pour l’exercice au cours duquel la ou les non-conformités ont été constatées. Ainsi, dans la mesure où, en vertu de l’article 3 du règlement nº 1782/2003, tout agriculteur percevant des paiements directs est tenu de respecter les exigences en matière de conditionnalité, il doit en être déduit que ces exigences doivent être remplies pour l’exercice au titre duquel les aides sont demandées. Il en découle que, pour être utiles, les contrôles de ces exigences doivent avoir lieu durant l’année en question.

102    En outre, à la lumière de la jurisprudence citée au point 97 ci-dessus, les arguments de la République italienne doivent être rejetés.

103    Il y a donc lieu de rejeter le présent grief.

–       Sur les constatations relatives à l’examen des cas de non-conformité

104    La République italienne fait valoir, en substance, qu’elle a défini et appliqué de manière raisonnable les éléments caractérisant les cas de non-conformité.

105    Au point 13.6.1.3, 1, du rapport de synthèse, la Commission a pour sa part considéré que les notions d’étendue et de gravité des cas de non-conformité n’avaient pas été correctement définies par les autorités italiennes en constatant que, dans un nombre significatif des cas de non-conformité, la notion de caractère « persistant » des cas de non-conformité bénéficiait d’un niveau moyen de prise en considération et que, par ailleurs, les notions d’ « étendue », de « gravité » et de caractère « persistant » avaient souvent été confondues. Ces lacunes auraient été identifiées lors des enquêtes conduites en 2005 et auraient perduré lors des enquêtes conduites en 2007, sans que des mesures aient été prises pour y remédier.

106    La République italienne se réfère aux critères figurant dans le manuel opérationnel des autorités italiennes, qui précisent la notion d’ « étendue » par rapport à l’importance de la non-conformité, celle de « gravité » par rapport au nombre d’éléments infractionnels et leur nature ainsi que celle de « durée » par rapport au délai dont l’entreprise a besoin pour revenir à une situation de conformité. Elle soutient qu’un degré moyen de prise en considération a été attribué aux cas de non-conformité dont l’appréciation s’était révélée particulièrement difficile, ceux-ci conduisant à une réduction de 3 % des aides en question, ce qui correspondrait au taux de réduction indiqué à l’article 66 du règlement nº 796/2004 pour les cas de non-conformité dus à la négligence de l’agriculteur. Par ailleurs, elle reproche à la Commission de ne pas avoir fourni de précisions en ce qui concerne ces notions, alors que de telles précisions auraient été demandées par les États membres.

107    À cet égard, il y a lieu de relever que, dans la mesure où les affirmations de la République italienne ne sont soutenues par aucun élément de preuve, elles ne sauraient infirmer les constatations de la Commission, en application de la jurisprudence citée aux points 53 à 56 ci-dessus.

108    Par ailleurs, force est de constater que les critères indiqués par la République italienne ne correspondent pas exactement aux définitions d’« étendue », de « gravité » et de caractère « persistant » prévues par l’article 41 du règlement nº 796/2004. En effet, l’ « étendue » est définie par rapport à l’incidence du cas de non-conformité, notamment selon que les conséquences de celle-ci sont circonscrites à l’exploitation concernée ou se manifestent au-delà de cette dernière. La « gravité » est définie par rapport à l’importance des conséquences de la non-conformité compte tenu des objectifs de l’exigence ou de la norme concernée. Le caractère « persistant » des cas de non-conformité est à déterminer en fonction de la durée des effets de la non-conformité et de la possibilité d’y mettre un terme par des moyens raisonnables.

109    En outre, il y a lieu de relever qu’il n’est pas prévu par le règlement nº 796/2004 que l’appréciation spécifique du caractère « persistant » des cas de non-conformité puisse être remplacée par l’application par défaut d’un degré « moyen » de conformité, même si cette appréciation se révèle difficile. Enfin, même à supposer qu’un manque de précision des dispositions pertinentes ait été établi, l’argument à cet égard de la République italienne ne saurait prospérer, à la lumière de la jurisprudence constante citée au point 97 ci-dessus.

110    Il découle de ce qui précède que le présent grief doit être rejeté.

–       Sur les constatations relatives aux sanctions appliquées par la République italienne

111    Par ce grief, la République italienne conteste les lacunes constatées par la Commission relatives aux taux des sanctions et aux mesures de tolérance appliquées par les autorités italiennes et à la non-application par celles-ci du principe de non-conformité intentionnelle.

112    S’agissant des taux de sanction, la République italienne conteste les constatations de la Commission, en soutenant que, en vertu de l’article 66 du règlement nº 796/2004, les organismes payeurs peuvent appliquer une réduction de 1 % sur le montant total des paiements directs et que, en Italie, il a toujours été possible d’appliquer des réductions supérieures à 1 % lorsque plusieurs cas de non-conformité étaient constatés. Des modifications auraient été introduites dans le système à la suite des remarques de la Commission visant à ce que des taux de réduction de 1 %, de 3 % et de 5 % puissent aussi être appliqués par les autorités italiennes dans des cas individuels de non-conformité.

113    Premièrement, au point 13.6.1.4, 1 à 3, du rapport de synthèse, la Commission a constaté que les autorités italiennes avaient erronément appliqué des taux de réduction aux paiements demandés au cours de l’année précédant celle pendant laquelle les contrôles sur place avaient révélé des cas de non-conformité, en violation de l’article 6 du règlement nº 1782/2003 et de l’article 66 du règlement nº 796/2004. Ces lacunes auraient créé des risques pour les fonds concernés lors des exercices 2005 à 2007. Deuxièmement, sur la base des statistiques fournies par la République italienne elle-même, la Commission a constaté que, pour les exercices 2005 et 2006, une vaste majorité des sanctions appliquées à la suite de non-conformités révélées par des contrôles sur place n’étaient pas supérieures à 1 %, ce qui aurait représenté un risque pour les fonds concernés pendant ces exercices. Troisièmement, la Commission a constaté un manque de coordination entre les organismes payeurs et les services vétérinaires effectuant les contrôles sur place. Ce manque de coordination aurait eu pour conséquence, d’une part, que les organismes payeurs n’ont pas pu déterminer le niveau approprié des sanctions à appliquer, ne disposant pas de toutes les informations nécessaires qui ne leur auraient pas été transmises par les services vétérinaires, et, d’autre part, que des sanctions ont été déterminées par les services vétérinaires eux-mêmes sur la base de non-conformités qui, ainsi que la République italienne elle-même l’aurait reconnu, n’auraient pas été nécessairement qualifiées comme telles par les organismes payeurs.

114    La République italienne ne conteste pas les lacunes constatées par la Commission et reconnaît même, s’agissant des taux de réduction appliqués, que ce n’est qu’à partir de 2007 qu’il aurait été effectivement possible d’appliquer des taux de réduction de 1 %, de 3 % et de 5 % dans des cas individuels de non-conformité.

115    S’agissant des mesures de tolérance appliquées par les autorités italiennes, la Commission a constaté, au point 13.6.1.4, 3 et 5, du rapport de synthèse, qu’un nombre significatif de cas de non-conformité identifiés lors des contrôles par les services vétérinaires n’avaient pas été sanctionnés, ces services les ayant considérés comme mineurs ou l’organisme payeur n’ayant pas reçu les informations pertinentes. En outre, des mesures de tolérance non prévues par la réglementation applicable en matière de conditionnalité auraient été appliquées par les organismes payeurs, notamment en ce qui concerne les BCAE. Par ailleurs, les autorités italiennes auraient établi des mesures correctives que les agriculteurs pouvaient mettre en œuvre dans les quinze jours suivant le contrôle sur place pour obtenir des réductions de sanction, de telles mesures correctives et réductions de sanction n’étant pas prévues par la réglementation applicable en matière de conditionnalité. La Commission en déduit qu’un risque pour les fonds concernés a été créé lors des exercices 2005 à 2007.

116    La République italienne ne conteste pas ces constatations. Elle invoque le principe d’application progressive du système de conditionnalité, qui serait à la base de la notion de cas mineur de non-conformité, prévue par le règlement (CE) no 146/2008 du Conseil, du 14 février 2008, modifiant le règlement (CE) no 1782/2003 établissant des règles communes pour les régimes de soutien direct dans le cadre de la politique agricole commune et établissant certains régimes de soutien en faveur des agriculteurs et le règlement (CE) no 1698/2005 concernant le soutien au développement rural par le Feader (JO L 46, p. 1), ainsi que par le règlement (CE) no 319/2008 de la Commission, du 7 avril 2008, modifiant, d’une part, le règlement (CE) no 795/2004 portant modalités d’application du régime de paiement unique prévu par le règlement (CE) no 1782/2003 du Conseil établissant des règles communes pour les régimes de soutien direct dans le cadre de la politique agricole commune et établissant certains régimes de soutien en faveur des agriculteurs et, d’autre part, le règlement (CE) no 796/2004 portant modalités d’application de la conditionnalité, de la modulation et du système intégré de gestion et de contrôle prévus par le règlement (CE) no 1782/2003 du Conseil (JO L 95, p. 63).

117    S’agissant des lacunes concernant le principe de non-conformité intentionnelle, la Commission a constaté, au point 13.6.1.4, 7, du rapport de synthèse, que ce principe n’avait été appliqué qu’à partir de 2006, et ce de manière progressive, ce qui aurait généré un risque pour les fonds concernés pendant l’exercice 2005.

118    La République italienne ne remet pas en cause les constatations de la Commission. Elle se borne à faire valoir des difficultés rencontrées par tous les États membres pour se prononcer sur la nature intentionnelle des cas de non-conformité, lesquelles auraient été communiquées à la Commission et auxquelles cette dernière ferait même référence dans un de ses documents de travail.

119    Il y a lieu de relever que les constatations de la Commission, qui au demeurant ne sont pas contestées en tant que telles par la République italienne, ne sauraient être infirmées par des allégations non étayées de cette dernière, à la lumière de la jurisprudence citée aux points 53 à 56 ci-dessus. En outre, dans la mesure où ces allégations se fondent sur le prétendu caractère plus avancé des mesures appliquées par les autorités italiennes par rapport à celles effectivement prévues par la réglementation applicable en matière de conditionnalité, elles ne sauraient être accueillies, en application de la jurisprudence citée au point 89 ci-dessus. Par ailleurs, les allégations relatives à la difficulté d’interprétation du principe d’intentionnalité ne sauraient être retenues à l’encontre des constatations de la Commission, à la lumière de la jurisprudence citée au point 97 ci-dessus.

120    Dans ces circonstances il y a lieu de rejeter le présent grief.

121    Tous les griefs de la première branche du présent moyen ayant été écartés, il y a lieu de rejeter cette branche dans son ensemble.

–       Sur la seconde branche du deuxième moyen, relative aux corrections appliquées par la Commission

122    La République italienne fait valoir, en substance, que les corrections forfaitaires à hauteur de 5 % et de 10 % appliquées par la Commission sont erronées, de telles corrections n’étant pas applicables aux faits de l’espèce. Elle conteste également l’application des corrections forfaitaires en ce qui concerne les dépenses effectuées sur l’ensemble du territoire.

123    Au point 13.6.6 du rapport de synthèse, la Commission a résumé les différentes lacunes constatées pour les exercices 2005 à 2007 en indiquant les corrections forfaitaires proposées, en application des orientations prévues dans le document AGRI/2005/64043.

124    Il convient de relever qu’une partie significative de ces lacunes sont de type structurel, en ce qu’elles relèvent de graves carences dans la législation nationale et dans les procédures suivies par les autorités italiennes dans la mise en œuvre du système de conditionnalité et des contrôles y afférents. D’autres lacunes ont été constatées de manière généralisée auprès de l’ensemble des organismes payeurs qui ont fait l’objet d’enquêtes, les exceptions, indiquées par la Commission dans le rapport de synthèse, étant peu nombreuses. Partant, c’est sans commettre d’erreur de droit que la Commission a considéré que les lacunes constatées avaient généré un risque pour les fonds concernés pour ce qui est des paiements effectués sur l’ensemble du territoire de la République italienne.

125    S’agissant des exploitations comprenant des animaux, la Commission a constaté, pour les trois exercices pertinents, de graves lacunes dans les contrôles des ERMG en matière de bien-être des animaux, résumées notamment aux points 81 et 87 ci-dessus, ces contrôles n’ayant pas du tout été effectués ou présentant de graves déficiences. En outre, ainsi que cela a été indiqué au point 115 ci-dessus, de graves carences ont été constatées concernant l’application des sanctions correspondantes.

126    Il convient de rappeler que, en vertu des orientations de la Commission figurant dans le document AGRI/2005/64043, il y a lieu d’appliquer une correction forfaitaire de 10 % lorsque les exigences relevant de la conditionnalité ne sont pas contrôlées ou si ces contrôles sont effectués de manière insuffisante ou ne respectent pas la fréquence requise et s’ils se révèlent totalement inefficaces pour ce qui est de l’éventuelle imposition de sanctions.

127    Ainsi, compte tenu des sévères lacunes constatées, la Commission a appliqué à bon droit une correction forfaitaire de 10 % sur l’ensemble des paiements versés pour ces exploitations au cours des trois exercices concernés, d’autant plus que, comme cela est précisé à juste titre au point 13.6.6 du rapport de synthèse, chacune des graves lacunes constatées aurait suffi, à elle seule, à justifier une correction forfaitaire de 10 %.

128    En outre, ainsi qu’il ressort du point 13.6.7 du rapport de synthèse, la Commission a correctement appliqué des coefficients de risque de 3 % pour 2005 et de 6 % pour 2006, ces années étant les première et deuxième années d’application du système de conditionnalité, et le coefficient de risque par défaut de 10 % pour l’exercice 2007.

129    S’agissant de toutes les exploitations agricoles, comprenant ou non des animaux, et pour les exercices 2005 à 2007, la Commission a considéré, notamment, que des ERMG en matière d’environnement n’avaient été que partiellement contrôlées (point 69 ci-dessus), qu’une partie significative des BCAE n’avait été ni définie ni contrôlée (point 92 ci-dessus), que des contrôles avaient été reportés à l’année suivante (point 99 ci-dessus) et que des sanctions avaient été appliquées selon des taux erronés (point 113 ci-dessus). En outre, la Commission a constaté, au point 13.6.2.1 du rapport de synthèse, des déficiences dans les contrôles complémentaires, pour les trois exercices en cause, du fait de la sélection des échantillons de contrôle suivant des critères également erronés.

130    Il convient de rappeler que, en vertu des orientations de la Commission figurant dans le document AGRI/2005/64043, il y a lieu d’appliquer une correction forfaitaire de 5 % lorsque les obligations à respecter dans le cadre de la conditionnalité sont contrôlées sans que soient respectés le nombre, la fréquence ou la rigueur préconisés par les règlements ou la législation nationale applicables ou quand les contrôles effectués n’entraînent pas l’application des sanctions réglementaires prévues.

131    Partant, au vu des lacunes constatées par la Commission dans le cadre de l’application du régime de conditionnalité en ce qui concerne les exploitations comprenant ou non des animaux, il ne saurait lui être reproché d’avoir décidé d’appliquer une correction forfaitaire de 5 % sur l’ensemble des paiements versés pour ces exploitations pour les exercices 2005 à 2007, après application, respectivement, des coefficients de risque de 3 %, de 6 % et de 10 % pour chacune de ces années, d’autant plus que chacune des lacunes constatées aurait justifié, à elle seule, une telle correction à un taux d’au moins 5 %.

132    Il s’ensuit que la seconde branche du présent moyen et, partant, le deuxième moyen dans son ensemble, en ce qu’ils visent les dispositions de la décision attaquée concernant les corrections financières forfaitaires appliquées dans le cadre des contrôles relatifs à la conditionnalité, doivent être rejetés comme non fondés.

 Sur le troisième moyen, relatif à la violation des principes généraux de proportionnalité, de légalité, de sécurité juridique, de protection de la confiance légitime et de coopération loyale

133    La République italienne, sans fournir d’arguments spécifiques, se borne à invoquer la violation des principes généraux de proportionnalité, de légalité, de sécurité juridique, de protection de la confiance légitime et de coopération loyale comme conclusion des arguments avancés au soutien des branches et griefs qu’elle fait valoir à l’encontre des constatations de la Commission, qui ont été analysés dans le cadre du deuxième moyen.

134    Or, les griefs et branches issus du deuxième moyen et visant à établir des erreurs de droit et d’appréciation des faits infirmant les constatations de la Commission et l’application des corrections forfaitaires correspondantes dans la décision attaquée ont été rejetés comme non fondés. Ils ne sauraient, partant, être accueillis au soutien du moyen tiré de la violation des principes généraux de droit invoqué par la République italienne.

135    Toutefois, à supposer que l’invocation de la violation des principes généraux du droit de l’Union puisse être comprise indépendamment des arguments visant à établir des erreurs de droit et d’appréciation des faits qui ont déjà été rejetés, la République italienne ne saurait en tout état de cause s’en prévaloir en l’espèce.

136    En effet, s’agissant du principe de proportionnalité, il convient de rappeler la jurisprudence constante selon laquelle ce principe, en tant que principe général du droit de l’Union, exige que les actes des institutions de l’Union ne dépassent pas les limites de ce qui est approprié et nécessaire à la réalisation des objectifs poursuivis par la réglementation en cause. Ainsi, lorsqu’un choix s’offre entre plusieurs mesures appropriées, il convient de recourir à la moins contraignante et les inconvénients causés ne doivent pas être démesurés par rapport aux buts visés (arrêts du 12 juillet 2001, Jippes e.a., C‑189/01, Rec, EU:C:2001:420, point 81, et du 6 mai 2010, Comune di Napoli/Commission, T‑388/07, EU:T:2010:177, point 143).

137    Or, une correction appliquée par la Commission, conformément aux orientations qu’elle a adoptées en la matière, tend à éviter de mettre à la charge des fonds de l’Union des montants n’ayant pas servi au financement d’un objectif poursuivi par la réglementation de l’Union en cause et ne constitue pas une sanction (voir, en ce sens, arrêt du 31 mars 2011, Grèce/Commission, T‑214/07, EU:T:2011:130, point 136 et jurisprudence citée). La jurisprudence a ainsi reconnu que les taux forfaitaires retenus dans les orientations permettaient à la fois le respect du droit de l’Union et la bonne gestion des ressources de cette dernière ainsi que d’éviter que la Commission n’exerce son pouvoir discrétionnaire en imposant aux États membres des corrections démesurées et disproportionnées (arrêts du 10 septembre 2008, Italie/Commission, T‑181/06, EU:T:2008:331, point 234, et Grèce/Commission, point 52 supra, EU:T:2012:418, point 175).

138    Partant, à la lumière de cette jurisprudence, la République italienne ne saurait invoquer la violation du principe de proportionnalité du fait que la Commission, ayant constaté de graves lacunes dans l’application et le contrôle du régime de conditionnalité par les autorités italiennes, a appliqué des corrections forfaitaires suivant les orientations qu’elle avait établies à cet égard.

139    S’agissant des principes de légalité et de sécurité juridique, il convient d’emblée de souligner que, ainsi qu’il ressort de la jurisprudence citée au point 137 ci-dessus, les corrections financières forfaitaires appliquées aux fins d’écarter du financement de l’Union des dépenses ayant été irrégulièrement effectuées ne constituent pas des sanctions.

140    En outre, force est de constater que les obligations pour les États membres relevant des exigences de conditionnalité, les contrôles inhérents à l’application effective de ces exigences et les conséquences à tirer dans les cas de non-conformité découlent de manière claire et précise de la réglementation décrite aux points 25 à 38 ci-dessus.

141    Par ailleurs, il ressort du document AGRI/2005/64043 (points 39 à 43 ci-dessus) que la Commission a fourni des orientations détaillées sur la méthode de calcul et les taux des corrections forfaitaires à appliquer en fonction des lacunes et des dysfonctionnements constatés. À cet égard, il résulte de la jurisprudence que ces orientations contribuent à renforcer la transparence des décisions individuelles adressées aux États membres, en indiquant les lignes générales sur le fondement desquelles la Commission envisage, en application de la réglementation pertinente, d’adopter ultérieurement ces décisions (arrêt du 6 novembre 2014, Grèce/Commission, T‑632/11, EU:T:2014:934, point 46).

142    Partant, la République italienne ne saurait invoquer la violation du principe de légalité à l’encontre de la décision attaquée. Au regard de ces mêmes motifs, elle ne saurait davantage invoquer la violation du principe de sécurité juridique, qui exige que les règles du droit de l’Union soient claires et précises, afin que les intéressés puissent s’orienter dans des situations et des relations juridiques relevant de l’ordre juridique de l’Union (voir arrêt du 30 avril 2014, Dunamenti Erőmű/Commission, T‑179/09, EU:T:2014:236, point 101 et jurisprudence citée).

143    Quant au principe de protection de la confiance légitime, il ressort d’une jurisprudence constante que le droit de s’en prévaloir s’étend à tout particulier qui se trouve dans une situation de laquelle il ressort que l’administration de l’Union, en lui fournissant des assurances précises, a fait naître chez lui des espérances fondées (voir arrêt Grèce/Commission, point 52 supra, EU:T:2012:418, point 108 et jurisprudence citée). Ainsi, constituent de telles assurances, quelle que soit la forme sous laquelle ils sont communiqués, des renseignements précis, inconditionnels et concordants, émanant de sources autorisées et fiables (voir, en ce sens, arrêt Kögler/Cour de justice, C‑82/98 P, Rec, EU:C:2000:282, point 33). En revanche, nul ne peut invoquer une violation de ce principe en l’absence d’assurances précises que lui aurait fournies l’administration (arrêts du 24 novembre 2005, Allemagne/Commission, C‑506/03, EU:C:2005:715, point 58 ; du 22 juin 2006, Belgique et Forum 187/Commission, C‑182/03 et C‑217/03, Rec, EU:C:2006:416, point 147, et du 19 novembre 2009, Denka International/Commission, T‑334/07, Rec, EU:T:2009:453, point 148).

144    Or, en l’espèce, la République italienne n’a pas indiqué quelles étaient les assurances précises que la Commission lui aurait fournies concernant les lacunes constatées et les corrections forfaitaires appliquées. Il ressort plutôt du dossier relatif aux enquêtes de la Commission, décrites aux points 44 à 50 ci-dessus, que ses services, à plusieurs reprises, ont communiqué à la République italienne des informations détaillées sur leurs constatations et les corrections financières qu’ils proposaient d’appliquer. Partant, il ressort du dossier non pas que la Commission a donné des assurances précises qui infirmeraient les carences constatées et les corrections financières imposées, mais, au contraire, que la République italienne a été informée de manière régulière de ces constatations et des corrections financières qui pourraient en découler.

145    Dans ces circonstances, la République italienne ne saurait invoquer la violation du principe de protection de la confiance légitime.

146    S’agissant du principe de coopération loyale, il convient de rappeler la jurisprudence selon laquelle le refus de financement des dépenses non conformes aux exigences de la conditionnalité ne saurait constituer une violation de ce principe (arrêt Grèce/Commission, point 74 supra, EU:T:2012:688, point 296).

147    En l’espèce, dans la mesure où la Commission a constaté de graves lacunes dans l’application du système de conditionnalité par la République italienne qui ont, partant, généré des risques de pertes pour les fonds concernés, la Commission, en décidant d’appliquer des corrections forfaitaires et d’écarter ces montants du financement de l’Union, conformément aux dispositions de droit de l’Union, n’a pas agi en violation du principe de coopération loyale.

148    Il découle de ce qui précède que le troisième moyen et, partant, tous les griefs avancés par la République italienne à l’encontre des dispositions de la décision attaquée concernant les corrections financières forfaitaires appliquées dans le cadre des contrôles relatifs aux exigences en matière de conditionnalité doivent être rejetés comme non fondés.

 Sur les corrections financières appliquées dans le cadre de la transformation des agrumes

 Réglementation communautaire

149    Le règlement (CE) nº 2202/96 du Conseil, du 28 octobre 1996, instituant un régime d’aide aux producteurs de certains agrumes (JO L 297, p. 49), a mis en œuvre un dispositif de soutien financier aux producteurs, qui repose notamment sur la conclusion de contrats liant, d’une part, les organisations de producteurs reconnues ou préreconnues au titre du règlement (CE) no 2200/96 du Conseil, du 28 octobre 1996, portant organisation commune des marchés dans le secteur des fruits et légumes (JO L 297, p. 1), et, d’autre part, les transformateurs ou leurs associations ou unions légalement constituées.

150    L’article 24, paragraphe 1, sous d), du règlement (CE) no 2111/2003 de la Commission, du 1er décembre 2003, portant modalités d’application du règlement no 2202/96 (JO L 317, p. 5), prévoit que les États membres prennent les mesures nécessaires pour vérifier les registres des organisations de producteurs et des transformateurs, prévus aux articles 25 et 26 dudit règlement, et leur concordance avec la comptabilité imposée par la législation nationale aux organisations de producteurs et aux transformateurs.

151    L’article 27 du règlement no 2111/2003, intitulé « Contrôles », prévoit :

« 1. Pour chaque organisation de producteurs livrant des oranges douces, mandarines, clémentines, satsumas, citrons, pamplemousses et pomélos en vue de leur transformation, les contrôles suivants sont effectués pour chaque produit et chaque campagne de commercialisation :

a)      des contrôles physiques portant au minimum sur :

i)      5 % des superficies visées à l’article 9, paragraphe 1, point a), et à l’article 15, paragraphe 1, point a) ;

ii)      20 % des quantités livrées à la transformation, afin de vérifier la concordance avec les certificats de livraisons visés à l’article 17, paragraphe 2, et le respect des exigences minimales de qualités fixées à l’annexe I ;

b)      des contrôles administratifs et comptables portant au minimum sur :

i)      5 % des producteurs couverts par les contrats, afin de vérifier notamment la cohérence, par producteur, entre les superficies, la récolte totale, la quantité livrée à l’organisation de producteurs, la quantité livrée à la transformation, d’une part, et les versements des aides prévues à l’article 23 et les paiements reçus, d’autre part ;

ii)      10 % des accords visés à l’article 15, paragraphe 3 ;

c)      des contrôles administratifs et comptables, afin de vérifier la concordance entre les quantités totales livrées à l’organisation de producteurs par les producteurs visés à l’article 15, paragraphes 1 et 2, les quantités totales livrées à la transformation, la totalité des certificats de livraison visés à l’article 17, paragraphe 2, la totalité des quantités reprises dans les demandes d’aides, d’une part, et les versements des aides prévus à l’article 23, ainsi que les paiements reçus du transformateur, d’autre part ;

d)      des contrôles sur toutes les demandes d’aide et documents justificatifs et des contrôles croisés sur toutes les parcelles déclarées.

2. Pour les transformateurs d’oranges douces, mandarines, clémentines, satsumas, citrons, pamplemousses et pomélos, les contrôles suivants sont effectués pour chaque usine, chaque produit et chaque campagne de commercialisation :

a)      des contrôles administratifs et comptables portant au minimum sur :

i)      5 % des lots reçus dans le cadre de chaque type de contrat (de courte durée ou pluriannuel), afin de vérifier que les quantités concernées sont couvertes par un contrat et par les certificats de livraison visés à l’article 17, paragraphe 2, sur l’identification précise du moyen de transport utilisé et sur le respect des exigences minimales prévues à l’annexe I ;

ii)      10 % des virements des prix visés à l’article 7, paragraphe 1, point f) ;

b)      des contrôles physiques et comptables portant sur au moins 10 % des produits finis obtenus, afin de vérifier le rendement de la matière première en termes de produits finis obtenus dans le cadre des contrats et hors contrats ;

c)      des contrôles administratifs et comptables, sur la base des factures émises et reçues et sur la base des données comptables, afin de vérifier la concordance de la quantité de produits finis obtenus de matières premières reçues et des quantités de produits finis achetés avec les quantités de produits finis vendus ;

d)      des contrôles physiques et comptables portant sur la totalité des stocks de produits finis, au moins une fois chaque année, afin de vérifier leur concordance avec les produits finis élaborés, les produits finis achetés et les produits finis vendus.

Dans le cas des transformateurs ou des usines de transformation qui n’ont pas bénéficié du régime d’aide au cours de la campagne de commercialisation précédente, les contrôles visés au point d) seront effectués au minimum deux fois par an au cours de la première année pendant laquelle ils participent au régime. »

152    L’article 14, paragraphe 2, du règlement (CE) no 1432/2003 de la Commission, du 11 août 2003, portant modalités d’application du règlement (CE) no 2200/96 du Conseil en ce qui concerne la reconnaissance des organisations de producteurs et la préreconnaissance des groupements de producteurs (JO L 203, p. 18), sous le titre « Contrôle démocratique des organisations de producteurs », dispose :

« Aucun membre d’une organisation de producteurs ne peut disposer de plus de 20 % des droits de vote. Toutefois, l’État membre peut augmenter ce pourcentage jusqu’à un maximum de 49 % en proportion de la contribution du membre à la valeur de la production commercialisée par l’organisation de producteurs. »

153    Dans le document AGRI/17933/2000, la Commission fournit des orientations relatives aux contrôles clés et aux contrôles secondaires. En particulier, à l’annexe 16 de ce document, la Commission définit, dans le secteur des agrumes, six contrôles clés, parmi lesquels figurent notamment les contrôles de la bonne tenue des registres et de leur concordance avec la comptabilité imposée par la législation nationale aux organisations de producteurs et aux transformateurs.

 Enquêtes, position finale de la Commission et rapport de synthèse concernant les corrections appliquées au secteur des fruits et légumes (transformation des agrumes en Calabre)

154    Dans le cadre d’une enquête menée par l’Office européen de lutte antifraude (OLAF), un mécanisme généralisé de fraude dans le secteur de la transformation des agrumes a été découvert dans la région de Calabre, qui a fait l’objet notamment d’enquêtes pénales par les autorités italiennes. Par ailleurs, les services de la Commission ont été informés de soupçons sur des irrégularités et des activités frauduleuses concernant le régime d’aides à ce secteur.

155    À la suite de ces informations, les services de la Commission ont lancé deux enquêtes portant respectivement les références FV/2007/315/IT et FV/2007/355/IT relatives à la transformation des agrumes dans la région de Calabre, lors desquelles ils ont effectué des vérifications en Italie du 16 au 20 avril 2007 ainsi qu’un audit documentaire. À la suite d’un échange de correspondances, deux réunions bilatérales ont eu lieu entre la Commission et les autorités italiennes le 4 décembre 2007 et le 30 janvier 2008, dont les procès-verbaux ont été communiqués à la République italienne, respectivement le 16 janvier 2008 et le 25 février 2009.

156    Par lettre du 17 novembre 2011, les services de la Commission ont informé les autorités italiennes des conclusions de leurs enquêtes, constatant de graves carences dans les contrôles physiques, administratifs et comptables dans le cadre du régime d’aides à la transformation des agrumes, qui persistaient pendant les campagnes de commercialisation 2004/2005 et 2005/2006, et ce en dépit des carences et de la fraude qui avaient été constatées notamment dans le cadre d’une enquête antérieure relative à la campagne 2003/2004 et portant la référence FV/2005/315/IT. Les services de la Commission ont considéré que ces carences avaient créé un risque financier important pour les fonds concernés et, dès lors, ont proposé notamment que des corrections forfaitaires à hauteur de 25 % soient appliquées en ce qui concerne les dépenses effectuées durant la campagne de commercialisation 2004/2005, en se réservant la possibilité de proposer ces corrections également pour les dépenses effectuées durant la campagne de commercialisation 2005/2006.

157    Le 7 mai 2012, l’organe de conciliation, qui avait été saisi par la République italienne, a émis un rapport dans lequel il a conclu qu’il n’était pas possible de concilier la position des autorités italiennes avec celle des services de la Commission et a confirmé les graves carences du système de contrôles par les autorités italiennes, qui ressortaient des enquêtes menées par lesdits services, tout en invitant la République italienne à apporter des éléments de preuve relatifs, d’une part, aux contrôles qui auraient été effectués et, d’autre part, à la suite qui aurait été donnée aux irrégularités identifiées.

158    À la suite du rapport final de l’organe de conciliation, et au vu des informations présentées par la République italienne relatives notamment à des montants déjà remboursés aux fonds concernés, les services de la Commission ont arrêté leur position finale sur les corrections financières à proposer. Ces corrections ont été établies à hauteur de 25 % en ce qui concerne les dépenses effectuées par la République italienne en Calabre pour la campagne de commercialisation 2004/2005. Un montant de 7 188 344,05 euros, qui avait été remboursé aux fonds concernés après récupération par les autorités italiennes d’aides qui avaient été irrégulièrement versées, a été déduit du montant de base sur lequel la correction de 25 % a été appliquée. Ainsi calculées, les corrections proposées s’élevaient à un montant total de 17 913 976,32 euros. Cette position finale a été communiquée à la République italienne par lettre du 12 octobre 2012.

159    Dans la décision attaquée, la Commission a décidé d’appliquer à l’égard de la République italienne les corrections financières proposées par ses services dans la position finale communiquée à cette dernière, pour un montant total de 17 913 976,32 euros. L’évaluation des carences constatées par la Commission, qui constituent la base de sa décision, a été exposée dans le rapport de synthèse.

160    Ainsi, la Commission a identifié, au point 4.1 du rapport de synthèse, de graves carences dans le système des contrôles opérés dans le secteur de la transformation des agrumes en Calabre, notamment en ce qui concerne :

–        les contrôles de concordance entre les registres d’organisations de producteurs et leur comptabilité officielle, au titre de l’article 24, paragraphe 1, sous d), du règlement no 2111/2003 ;

–        les contrôles administratifs et comptables portant sur des échantillons d’organisations de producteurs, au titre de l’article 27, paragraphe 1, sous b), i), du règlement no 2111/2003 ;

–        les contrôles physiques auprès des organisations de producteurs de la qualité des produits bénéficiant des aides, au titre de l’article 27, paragraphe 1, sous a), ii), du règlement no 2111/2003 ;

–        les contrôles de concordance entre les registres des transformateurs d’agrumes et leur comptabilité officielle, au titre de l’article 24, paragraphe 1, sous d), du règlement no 2111/2003 ;

–        les contrôles administratifs et comptables portant sur les lots d’agrumes reçus par les transformateurs, au titre de l’article 27, paragraphe 2, sous a), i), du règlement no 2111/2003 ;

–        les contrôles physiques et comptables auprès des transformateurs portant sur des échantillons de produits finis, au titre de l’article 27, paragraphe 2, sous b), du règlement no 2111/2003 ;

–        les contrôles administratifs et comptables auprès des transformateurs portant sur les matières premières, les produits finis achetés et les produits finis revendus, au titre de l’article 27, paragraphe 2, sous c), du règlement no 2111/2003 ;

–        le non-respect des critères de reconnaissance des organisations de producteurs prévus par l’article 14, paragraphe 2, du règlement no 1432/2003.

 Observations liminaires

161    En premier lieu, il convient de souligner que, en l’espèce, ce ne sont pas les cas de fraude découverts en Calabre qui constituent la base des corrections forfaitaires appliquées par la Commission. Ces cas constituent des cas spécifiques qui ont fait l’objet de plusieurs enquêtes menées par l’OLAF et dont les suites, y compris des procédures pénales en Italie, sont indépendantes des enquêtes pertinentes en l’espèce.

162    Il s’agit, en l’espèce, de constatations de lacunes de type structurel effectuées par la Commission lors des enquêtes portant les références FV/2007/315/IT et FV/2007/355/IT, à savoir de graves lacunes dans le système des contrôles dans le cadre du régime des aides à la transformation des agrumes en Calabre, telles qu’elles sont résumées au point 160 ci-dessus.

163    Partant, les arguments de la République italienne relatifs aux mesures qu’elle a prises et qui auraient permis de détecter les cas de fraude en Calabre et à celles qu’elle a entamées à la suite de ces cas de fraude ne sont pas pertinents pour mettre en cause les constatations de la Commission en l’espèce.

164    Le fait que la République italienne, en s’acquittant des obligations qui lui incombent de poursuivre les cas de fraude et de récupérer les sommes irrégulièrement versées, ait d’ores et déjà adopté des mesures à l’égard de ces cas de fraude est sans conséquence en ce qui concerne les lacunes constatées par la Commission. En effet, ces actions n’exonèrent pas la République italienne de son obligation de mettre en œuvre les contrôles prévus par la législation applicable.

165    En deuxième lieu, il ressort du point 4.1.5.3 du rapport de synthèse, intitulé « Conclusions », que, au regard de constatations effectuées à la suite des enquêtes portant les références FV/2007/315/IT et FV/2007/355/IT, des corrections financières forfaitaires ont été appliquées pour la campagne 2004/2005. Ainsi, ces corrections ne concernent ni d’autres enquêtes antérieures concernant les aides à la transformation des agrumes en Calabre, notamment l’enquête portant la référence FV/2005/315/IT, ni les campagnes 2005/2006 et 2006/2007, qui ont fait l’objet d’enquêtes séparées portant les références FV/2008/315/IT et FV/2008/316/IT.

166    En troisième lieu, les observations de principe formulées aux points 52 à 56 ci-dessus trouvent également à s’appliquer dans le cadre des appréciations qui suivent.

 Sur les moyens invoqués par la République italienne, relatifs aux corrections forfaitaires dans le secteur de la transformation des agrumes

167    Les arguments invoqués par la République italienne à l’encontre des dispositions de la décision attaquée relatives aux corrections forfaitaires dans le secteur de la transformation des agrumes peuvent être regroupés, en substance, en deux moyens, tirés, le premier, d’une erreur de droit, en ce que la décision attaquée aurait appliqué des corrections financières forfaitaires en violation des articles 32 et 33 du règlement no 1290/2005 ainsi que de l’article 70 du règlement (CE) no 1083/2006  du Conseil, du 11 juillet 2006, portant dispositions générales sur le Fonds européen de développement régional, le Fonds social européen et le Fonds de cohésion, et abrogeant le règlement (CE) n° 1260/1999 (JO L 210, p. 25), et, le second, d’une violation des principes de subsidiarité, ne bis in idem, de légalité, de sécurité juridique, de protection de la confiance légitime ainsi que de l’obligation de motivation.

–       Sur le premier moyen, tiré d’une erreur de droit tenant à l’application dans le secteur de la transformation des agrumes de corrections financières forfaitaires en violation des articles 32 et 33 du règlement no 1290/2005 ainsi que de l’article 70 du règlement no 1083/2006

168    La République italienne fait valoir, en substance, qu’en appliquant des corrections forfaitaires à hauteur de 25 % en ce qui concerne les dépenses effectuées en Calabre dans le cadre du régime d’aides à la transformation des agrumes, du fait des lacunes constatées par la Commission, celle-ci aurait commis une violation des articles 32 et 33 du règlement no 1290/2005 ainsi que de l’article 70 du règlement no 1083/2006.

169    Il ressort du rapport de synthèse, ainsi que cela est résumé au point 160 ci-dessus, que la Commission a constaté l’existence de huit lacunes sévères dans les contrôles comptables, administratifs et physiques devant être effectués auprès des organisations de producteurs et des transformateurs d’agrumes, tels qu’ils sont prévus aux articles 24 et 27 du règlement no 2111/2003, et dans les procédures de reconnaissance des organisations de producteurs, telles qu’elles sont prévues à l’article 14 du règlement no 1432/2003. La Commission a considéré que, dans le contexte des activités frauduleuses dans le secteur de la transformation d’agrumes en Calabre, notamment au cours des exercices 2004/2005 et 2005/2006, ainsi qu’elles ont été révélées par les enquêtes de l’OLAF, et au vu de l’inefficacité des mesures entreprises par les autorités italiennes à la suite d’une enquête antérieure portant la référence FV/2005/315/IT, ces lacunes représentaient un risque important pour les fonds concernés qui justifiait l’application d’une correction forfaitaire à hauteur de 25 %.

170    Force est de constater que la République italienne ne conteste aucune des constatations de la Commission.

171    En effet, en ce qui concerne les lacunes relatives au système de contrôles reprochées aux autorités italiennes, la République italienne souligne que les cas de fraude relatifs aux aides à la transformation des agrumes en Calabre n’étaient pas dus auxdites lacunes et que seule une partie des entités opérant dans ce secteur en Calabre avait été impliquée dans les cas de fraude.

172    Elle indique, sans fournir la moindre précision ni le moindre élément de preuve à cet égard, que les carences constatées par la Commission ont été dûment contestées.

173    En outre, il convient de considérer que les arguments avancés par la République italienne ne démontrent pas que les articles 32 et 33 du règlement no 1290/2005 et l’article 70 du règlement no 1083/2006 ont été violés.

174    Premièrement, il y a lieu de relever que l’article 33 du règlement no 1290/2005, qui contient des dispositions spécifiques au Feader, et l’article 70 du règlement no 1083/2006, qui concerne ce même Fonds ainsi que le Fonds social européen (FSE) et le Fonds de cohésion, ne sont pas applicables en l’espèce, le régime d’aide aux producteurs de certains agrumes relevant du FEOGA, section « Garantie », auquel a succédé le FEAGA.

175    Deuxièmement, en présence des graves lacunes constatées par la Commission, l’application par celle-ci d’une correction financière forfaitaire à hauteur de 25 % relève de l’application de la procédure d’apurement de conformité telle qu’elle était d’abord prévue par l’article 7, paragraphe 4, du règlement no 1258/1999, remplacé ensuite par l’article 31 du règlement no 1290/2005, lu en combinaison avec l’article 8, paragraphe 1, du règlement no 1663/95, remplacé enfin par l’article 11, paragraphe 1, du règlement no 885/2006 et les orientations de la Commission prévues à l’annexe 2 document VI/5330/97. Ces dernières prévoient, en particulier, que, lorsque des irrégularités systémiques sont constatées, il y a lieu d’appliquer une correction forfaitaire qui, dans les cas graves, peut s’élever à 25 %.

176    Troisièmement, l’existence d’un enrichissement sans cause, la violation du principe de proportionnalité et le défaut de caractère raisonnable ne sauraient être invoqués en l’espèce à l’appui du premier moyen au regard du seul remboursement aux fonds concernés d’une partie des sommes récupérées par la République italienne dans le cadre des poursuites des cas de fraude constatés dans la région de Calabre. Ainsi que cela est précisé au point 158 ci-dessus, la somme effectivement remboursée a été déduite de la base sur laquelle les corrections financières ont été appliquées. Il ne s’agit donc pas d’une double correction imposée à la République italienne, mais de l’application de la procédure prévue par les dispositions mentionnées au point 175 ci-dessus, qui, partant, ne saurait être qualifiée de disproportionnée ou de déraisonnable.

177    Compte tenu de ce qui précède, au vu des affirmations vagues et ambiguës de la République italienne, qui ne sont au demeurant aucunement étayées, et à la lumière de la jurisprudence citée aux points 53 à 56 ci-dessus, il y a lieu de rejeter le présent moyen comme non fondé.

–       Sur le second moyen, tiré de la violation des principes de subsidiarité, ne bis in idem, de légalité, de sécurité juridique, de protection de la confiance légitime ainsi que de l’obligation de motivation

178    La République italienne soutient que la Commission a violé le principe de subsidiarité en imposant les corrections financières en question sans tenir compte des procédures pénales en cours qui relèvent de la compétence nationale.

179    En vertu du principe de subsidiarité, tel qu’il est consacré à l’article 5, paragraphe 3, TUE, l’Union n’intervient, dans les domaines qui ne relèvent pas de sa compétence exclusive, que si et dans la mesure où les objectifs de l’action envisagée ne peuvent pas être réalisés de manière suffisante par les États membres et peuvent donc, en raison des dimensions ou des effets de l’action envisagée, être mieux réalisés à l’échelle de l’Union (arrêt du 17 juin 2009, Portugal/Commission, T‑50/07, EU:T:2009:206, point 105).

180    Il y a lieu de constater qu’il ressort expressément du considérant 5 du règlement n° 1258/1999 que, si la responsabilité du contrôle des dépenses du FEOGA, section « Garantie », incombe en premier lieu aux États membres, il n’en demeure pas moins que la Commission, en sa qualité de responsable de l’exécution du budget de l’Union, d’une part, doit vérifier les conditions dans lesquelles les paiements et les contrôles ont été effectués et, d’autre part, ne peut financer les dépenses que lorsque ces conditions offrent toutes les assurances nécessaires quant à la conformité aux règles de l’Union. Il est en outre précisé que, dans le cadre d’un système décentralisé de gestion des dépenses de l’Union, il est essentiel que la Commission, en sa qualité d’institution chargée du financement, ait le droit et les moyens d’effectuer toutes les vérifications relatives à la gestion des dépenses qu’elle juge nécessaires (arrêt Portugal/Commission, point 179 supra, EU:T:2009:206, point 106).

181    De même, notamment les considérants 4 et 8 du règlement n° 1290/2005, qui a remplacé à compter du 1er janvier 2007 le règlement n° 1258/1999, renvoient, d’une part, aux contrôles nationaux en ce qui concerne les procédures d’autorisation, de validation et de paiement menées par les organismes payeurs agréés dans les États membres et, d’autre part, aux actions visant à contrôler la bonne application de la gestion des fonds de l’Union par les autorités des États membres, qui incombent à la Commission, aux fins d’assurer la bonne gestion financière de ces fonds.

182    Par ailleurs, il ressort de la jurisprudence constante citée au point 97 ci-dessus que, en vertu des règles de l’Union relatives aux fonds de l’Union, il incombe aux États membres d’organiser un système efficace de contrôles et de surveillance et qu’ils ont l’obligation de prendre toutes les mesures nécessaires pour assurer que les contrôles à effectuer ne laissent subsister aucun doute quant à la régularité des dépenses mises à la charge du FEOGA (voir, en ce sens, arrêt Portugal/Commission, point 179 supra, EU:T:2009:206, point 107).

183    Ainsi, c’est en se fondant sur le pouvoir de contrôle prévu à l’article 7, paragraphe 4, du règlement n° 1258/1999 et à l’article 31, paragraphe 1, du règlement n° 1290/2005 que la Commission a apprécié si le système de contrôles dans le cadre du régime des aides à la transformation des agrumes, tel qu’il est prévu par le règlement no 2111/2003, avait été mis en place dans la région de Calabre.

184    Ce pouvoir de contrôle que la Commission a exercé lorsqu’elle a entamé la procédure qui a donné lieu à la décision attaquée est sans préjudice des mesures que les États membres doivent prendre, notamment en vertu de l’article 9 du règlement no 1290/2005, à la suite d’irrégularités qui sont détectées dans les dépenses mises à la charge du FEOGA.

185    Il en découle que c’est en exerçant les compétences qui lui ont été attribuées et sans violer le principe de subsidiarité que la Commission a apprécié, en sa qualité de responsable de l’exécution du budget de l’Union, l’existence et l’efficacité du système de contrôles mis en œuvre par la République italienne dans la région de Calabre, dans le cadre du régime des aides à la transformation des agrumes.

186    La République italienne invoque la violation du principe ne bis in idem en faisant valoir que des corrections forfaitaires lui ont été appliquées alors que, dans l’hypothèse où des sommes irrégulièrement versées ne seraient pas récupérées, ces sommes seront, en vertu de l’article 32 du règlement no 1290/2005, à sa charge à hauteur de 50 %.

187    À cet égard, il y a lieu de relever que, certes, l’article 32 du règlement no 1290/2005 prévoit que, lorsque des cas spécifiques d’irrégularités ou de négligences sont constatés, les sommes irrégulièrement payées doivent être récupérées par l’État membre en question auprès des bénéficiaires en cause. Il est également prévu que, lorsque ce recouvrement n’a pas eu lieu dans un délai déterminé, l’absence de ce recouvrement est supportée à hauteur de 50 % par l’État membre concerné et à hauteur de 50 % par le budget de l’Union. Toutefois, la procédure prévue par l’article 32 du règlement no 1290/2005 est, ainsi que cela a été indiqué aux points 162 à 164 ci-dessus, distincte et sans préjudice de la procédure d’apurement de conformité, prévue par l’article 7, paragraphe 4, du règlement no 1258/1999, remplacé par l’article 31 du règlement no 1290/2005, à l’issue de laquelle ont été appliquées les corrections financières forfaitaires imposées par la décision attaquée.

188    Par la procédure d’apurement de conformité, la Commission écarte du financement de l’Union les dépenses qui n’ont pas été effectuées conformément aux règles de l’Union applicables, y compris de manière forfaitaire, lorsque, comme en l’espèce, en présence d’irrégularités systémiques, une évaluation de toutes les irrégularités individuelles n’est pas viable et qu’il est procédé à une évaluation sur la base des risques de perte pour les fonds concernés afin de calculer les montants à écarter. En effet, ainsi que le soutient à juste titre la Commission, les corrections forfaitaires appliquées en l’espèce ne concernent pas les cas individuels d’irrégularités déjà constatés, mais concernent l’ensemble des dépenses effectuées dans le secteur en question, dont la régularité ne peut pas être déterminée compte tenu de l’absence ou de l’inefficacité des contrôles, ce qui représente un risque de perte financière pour les fonds concernés.

189    Ainsi, d’une part, les États membres, destinataires des décisions de la Commission à l’issue de la procédure d’apurement de conformité, ne sont pas déchargés du fait de ces décisions des obligations qui leur incombent s’agissant de la récupération des sommes qui se trouvent avoir été irrégulièrement payées. D’autre part, en vertu de l’article 31, paragraphe 4, du règlement no 1290/2005, la Commission prend en compte, lors de la procédure d’apurement de conformité, les procédures administratives ou judiciaires visant à la récupération par les États membres des sommes irrégulièrement payées.

190    En effet, en l’espèce, ainsi que cela a été indiqué au point 158 ci-dessus, la Commission a pris en compte, lorsqu’elle a calculé les corrections forfaitaires en question, le montant qui avait été remboursé par les autorités italiennes au titre des sommes irrégulièrement versées qu’elles avaient réussi à récupérer.

191    Partant, en appliquant des corrections forfaitaires au titre des risques de pertes pour les fonds concernés au regard des graves lacunes constatées dans le système de contrôles dans le cadre du régime des aides à la transformation des agrumes en Calabre et en ayant pris en considération les sommes déjà remboursées au budget de l’Union par la République italienne, la Commission n’a pas commis de violation du principe ne bis in idem.

192    Il y a lieu de relever que la République italienne n’a fourni aucune argumentation à l’appui du moyen tiré de la violation des principes de légalité, de sécurité juridique et de protection de la confiance légitime qu’elle invoque à l’encontre des corrections financières appliquées dans le secteur de la transformation des agrumes en Calabre. En effet, elle se contente d’invoquer la violation de ces principes en conclusion de ses allégations relatives aux erreurs de droit infirmant l’application des corrections forfaitaires litigieuses.

193    Selon la jurisprudence, conformément à l’article 44, paragraphe 1, sous c), du règlement de procédure du 2 mai 1991, toute requête doit contenir l’indication de l’objet du litige et l’exposé sommaire des moyens invoqués. Cette indication doit être suffisamment claire et précise pour permettre à la partie défenderesse de préparer sa défense et au Tribunal de statuer sur le recours, le cas échéant, sans autres informations à l’appui. Afin de garantir la sécurité juridique et une bonne administration de la justice, il faut, pour qu’un recours soit recevable, que les éléments essentiels de fait et de droit sur lesquels se fonde celui-ci ressortent, à tout le moins sommairement, mais d’une façon cohérente et compréhensible, du texte de la requête elle-même (arrêt du 3 février 2005, Chiquita Brands e.a./Commission, T‑19/01, Rec, EU:T:2005:31, point 64).

194    Partant, dans la mesure où la République italienne n’a fourni aucune argumentation au soutien de la violation des principes qu’elle invoque, il y a lieu de rejeter le moyen en cause, en ce qu’il repose sur la violation desdits principes, comme irrecevable.

195    En tout état de cause, même s’il fallait considérer que la violation de ces principes est soutenue par les arguments que la République italienne fait valoir dans le cadre du moyen relatif aux erreurs de droit infirmant l’application des corrections forfaitaires dans le secteur de la transformation des agrumes, ces arguments ainsi que le moyen en question dans son ensemble ayant été rejetés comme non fondés, ils ne sauraient davantage fonder la violation des principes en cause telle qu’elle est invoquée dans le cadre du présent moyen.

196    S’agissant de l’obligation de motivation, une simple lecture du rapport de synthèse, tel qu’il est résumé au point 160 ci-dessus, démontre que la décision attaquée contient les raisons pour lesquelles la Commission a effectué des corrections financières dans le secteur de la transformation des agrumes en Calabre et, partant, qu’elle a été suffisamment motivée. Par ailleurs, la République italienne a été étroitement associée à chaque étape de la procédure décrite aux points 154 à 160 ci-dessus. Dans cette mesure, elle ne saurait faire valoir, en vertu de la jurisprudence citée au point 59 ci-dessus, une insuffisance de motivation de la décision à laquelle a abouti cette procédure.

197    Il y a donc lieu de rejeter le présent moyen comme non fondé et, s’agissant de la prétendue violation des principes de légalité, de sécurité juridique et de protection de la confiance légitime, comme irrecevable et, en tout état de cause, comme non fondé.

198    Partant, l’ensemble des griefs avancés par la République italienne à l’encontre des dispositions de la décision attaquée relatives aux corrections financières appliquées dans le cadre de la transformation des agrumes en Calabre doivent être rejetés.

 Sur les corrections financières forfaitaires relatives aux manquements aux conditions d’agrément de l’organisme payeur ARBEA

 Réglementation de l’Union

–       Règlement nº 1290/2005

199    L’article 6 du règlement nº 1290/2005 prévoit :

« 1. Les organismes payeurs sont les services ou organismes des États membres qui, en ce qui concerne les paiements qu’ils effectuent ainsi que pour la communication et la conservation des informations, offrent suffisamment de garanties pour que :

a)      l’éligibilité des demandes et, dans le cadre du développement rural, la procédure d’attribution des aides, ainsi que leur conformité avec les règles communautaires, soient contrôlées avant l’ordonnancement du paiement ;

b)      les paiements effectués soient comptabilisés de manière exacte et exhaustive ;

c)      les contrôles prévus par la législation communautaire soient entrepris ;

d)      les documents requis soient présentés dans les délais et sous la forme prévus par les règles communautaires ;

e)      les documents soient accessibles et conservés de façon à garantir leur intégrité, leur validité et leur lisibilité dans le temps, y compris pour les documents électroniques au sens des règles communautaires.

À l’exception du paiement des aides communautaires, l’exécution de ces tâches peut être déléguée.

2. Les États membres agréent comme organismes payeurs les services ou organismes répondant aux conditions prévues au paragraphe 1.

[…] »

–       Règlement nº 885/2006

200    L’article 1er, paragraphe 1, du règlement no 885/2006 prévoit :

« Pour être agréé, tout organisme payeur tel que défini à l’article 6, paragraphe 1, du règlement (CE) no 1290/2005 doit disposer d’une structure administrative et d’un système de contrôle interne satisfaisant aux conditions fixées à l’annexe I du présent règlement […], en matière :

a)      d’environnement interne ;

b)      d’activités de contrôle ;

c)      d’information et de communication ;

d)      de suivi.

Les États membres peuvent fixer des conditions d’agrément supplémentaires en vue de prendre en compte la taille, les responsabilités et d’autres spécificités des organismes payeurs. »

201    L’annexe I du règlement no 885/2006 précise les éléments sur lesquels portent les conditions d’agrément. Ainsi, s’agissant de l’environnement interne, ces conditions concernent la structure organisationnelle, les normes à suivre en matière de ressources humaines et la délégation de tâches. Quant aux activités de contrôle, sont prévues des procédures d’ordonnancement des demandes, de paiement, comptables, des procédures relatives aux acomptes, aux valeurs mobilières et aux créances ainsi que la constitution d’une piste d’audit à l’égard de ces procédures. S’agissant de l’information et de la communication, sont prévues des dispositions relatives, d’une part, à la communication et à la prise en compte des modifications de la réglementation de l’Union pertinente et, d’autre part, à la sécurité des systèmes d’information. S’agissant du suivi, il est prévu, d’une part, un suivi continu par des actions de contrôle interne en ce qui concerne les services techniques et les entités déléguées, les modifications des systèmes de contrôle et le traitement des demandes, des requêtes ou d’autres informations alléguant des irrégularités et, d’autre part, que des évaluations soient menées séparément par un service d’audit interne.

202    L’article 2 du règlement no 885/2006, intitulé « Révision de l’agrément », dispose :

« 1. L’autorité compétente assure une supervision permanente des organismes payeurs qui relèvent de sa responsabilité, en se fondant, notamment, sur les certificats et rapports établis par l’organisme de certification conformément à l’article 5, paragraphes 3 et 4, et prend les mesures qui s’imposent en cas de déficience. Tous les trois ans, l’autorité compétente informe la Commission par écrit des résultats de sa supervision, en indiquant si les organismes payeurs continuent à remplir les conditions d’agrément.

2. Les États membres mettent en place un dispositif assurant la transmission immédiate à l’autorité compétente de toute information pouvant laisser suspecter qu’un organisme payeur ne remplit pas les conditions d’agrément.

3. Si un organisme payeur agréé ne remplit plus une ou plusieurs conditions d’agrément, ou présente à cet égard des déficiences telles qu’elles compromettent sa capacité à exécuter les tâches indiquées à l’article 6, paragraphe 1, du règlement (CE) no 1290/2005, l’autorité compétente soumet l’agrément à une phase de test et élabore un plan visant à remédier aux déficiences constatées dans un délai à fixer selon la gravité du problème mais qui ne peut dépasser douze mois à compter du début de ladite phase de test. Dans certains cas dûment justifiés, la Commission peut, sur demande de l’État membre concerné, autoriser la prolongation de ce délai.

4. L’autorité compétente porte à la connaissance de la Commission tout plan élaboré en vertu du paragraphe 3 ainsi que les informations relatives à la mise en œuvre de tels plans.

5. En cas de retrait de l’agrément, l’autorité compétente procède sans délai à l’agrément d’un autre organisme payeur conformément à l’article 6, paragraphe 2, du règlement (CE) no 1290/2005 et à l’article 1er du présent règlement, afin d’éviter toute interruption des paiements au profit des bénéficiaires.

6. Si la Commission constate que l’autorité compétente n’a pas rempli son obligation d’élaborer un plan correctif en vertu du paragraphe 3, ou que l’organisme payeur conserve son agrément sans avoir pleinement mis en œuvre un tel plan dans les délais impartis, elle agit en ce qui concerne les déficiences restantes conformément à la procédure d’apurement de conformité prévue à l’article 31 du règlement (CE) no 1290/2005. »

–       Orientations de la Commission

203    Les orientations pour l’application des corrections financières définies dans le document VI/5330/97 de la Commission, du 18 décembre 1997, ont été précisées par la communication [COM (2010) 2498] de la Commission, du 30 avril 2010, établissant un addendum audit document pour les cas de non-conformité des organismes payeurs avec les conditions d’agrément et de carence relatives aux contrôles ex-post (ci-après la « communication 2010/2498 »). La partie A de la communication 2010/2498 concerne spécifiquement la non-conformité avec les conditions d’agrément des organismes payeurs.

204    Il est indiqué, au paragraphe 2 de la partie A de la communication 2010/2498, que, conformément à l’article 2, paragraphe 6, du règlement no 885/2006, une procédure d’apurement est engagée lorsqu’un organisme payeur agréé ne remplit plus une ou plusieurs conditions d’agrément ou présente à cet égard des déficiences telles qu’elles compromettent sa capacité à exécuter les tâches indiquées à l’article 6, paragraphe 1, du règlement nº 1290/2005 et lorsque les États membres n’ont pas mis en œuvre le plan correctif nécessaire dans les délais impartis et conformément aux procédures applicables. Spécifiquement, s’agissant de ce dernier cas de figure, la Commission précise que la procédure d’apurement est engagée si l’autorité compétente ne soumet pas l’agrément de l’organisme payeur déficient à une phase de test ou n’élabore pas un plan visant à remédier aux déficiences constatées, conformément à l’article 2, paragraphe 3, du règlement nº 885/2006, ou si l’autorité compétente a pleinement rétabli l’agrément à l’issue de la phase de test alors que le plan d’action n’a pas été intégralement mis en œuvre par l’organisme payeur.

205    La méthode de calcul du montant des corrections financières à appliquer par la Commission est décrite de façon détaillée aux paragraphes 4 et 5 de la partie A de la communication 2010/2498, en tenant compte notamment de la gravité de la carence et de la nature des conditions qui ne sont pas respectées ou qui présentent des déficiences. Ainsi, des corrections forfaitaires à hauteur de 5 % sont proposées lorsque les carences affectent les conditions relatives à la structure organisationnelle, aux activités de contrôle et au suivi. Des corrections forfaitaires à hauteur de 2 % sont proposées lorsque les carences affectent les conditions relatives aux ressources humaines, à la délégation des fonctions, à la sécurité des systèmes d’information et aux contrôles internes. Il est précisé que ces corrections peuvent être appliquées de manière cumulative et que, dans le cas de carences graves concernant toutes les conditions d’agrément ou dans des circonstances exceptionnelles, des corrections à hauteur de 25 % et même de 100 % peuvent être appliquées. Ces corrections peuvent être majorées en cas de récidive.

206    En outre, il est précisé, au paragraphe 3 de la partie A de la communication 2010/2498, que les lignes directrices contenues dans ledit document sont applicables aux corrections financières relatives à des dépenses effectuées à partir de l’exercice 2007.

 Enquêtes, position finale de la Commission et rapport de synthèse sur les corrections appliquées concernant les conditions d’agrément d’un organisme payeur

207    Après avoir constaté que l’organisme payeur ARBEA ne réunissait plus les conditions d’agrément prévues par le règlement nº 885/2006, les autorités italiennes, à la demande des services de la Commission et en vertu de l’article 2, paragraphe 3, du règlement nº 885/2006, ont soumis cet organisme payeur à une phase test de douze mois qui a commencé le 2 avril 2008. Conformément à ce même article, un plan d’action a été élaboré pour remédier aux déficiences détectées.

208    Par lettre du 27 février 2009, les services de la Commission ont invité les autorités italiennes à prendre toutes les mesures nécessaires avant le rétablissement de l’agrément de l’organisme payeur en question.

209    À la suite du rétablissement de l’agrément de l’organisme payeur ARBEA par les autorités italiennes, le 31 mars 2009, les services de la Commission ont entamé les enquêtes portant, respectivement, les références FA/2008/64, FA/2008/103, FA/2009/064, FA/2009/104. Ces services, ayant constaté que, en dépit du rétablissement de son agrément, ARBEA ne réunissait toujours pas les conditions d’agrément et que le plan d’action établi à cet effet n’avait pas été mis en œuvre par les autorités italiennes, ont lancé la procédure d’apurement de conformité prévue par l’article 31 du règlement no 1290/2005. Après un échange de correspondances, une réunion bilatérale a eu lieu entre la Commission et les autorités italiennes, le 10 décembre 2009, dont le procès-verbal a été communiqué à la République italienne le 14 juin 2010.

210    Le 8 avril 2010, les autorités italiennes ont ouvert la procédure visant à retirer l’agrément de l’organisme payeur ARBEA, qui a abouti à la décision du 12 mai 2010 arrêtant le retrait de l’agrément avec effet au 15 octobre 2010.

211    Par lettre du 21 décembre 2010, les services de la Commission ont informé les autorités italiennes de leur position à la suite des enquêtes mentionnées ci-dessus, selon laquelle l’organisme payeur ARBEA ne réunissait pas les conditions d’agrément lors des exercices financiers 2007 à 2009, et ce même après le rétablissement de son agrément le 31 mars 2009. Ces services proposaient une correction forfaitaire à hauteur de 25 % à appliquer à l’égard des dépenses effectuées pendant les trois exercices en cause par cet organisme payeur.

212    Le 31 mai 2011, l’organe de conciliation, qui avait été saisi par la République italienne, a émis un rapport dans lequel il concluait qu’il n’était pas possible de concilier la position des autorités italiennes avec celle des services de la Commission. Il a suggéré aux parties qu’elles examinent, d’une part, les résultats des mesures entreprises par les autorités italiennes dans le cadre de l’opération de mise à jour par laquelle ces dernières avaient notamment procédé à la récupération de sommes irrégulièrement payées et, d’autre part, dans quelle mesure ces résultats justifiaient une révision de la correction forfaitaire proposée.

213    À la suite du rapport final de l’organe de conciliation, les services de la Commission ont révisé les corrections financières et ont communiqué aux autorités italiennes, par lettre du 22 décembre 2011, leur position finale sur les corrections à proposer, à savoir des corrections forfaitaires à hauteur de 16 % pour les dépenses effectuées en 2007, en 2008 et en 2009, pour un montant total de 55 144 932 euros.

214    La République italienne a, par la suite, informé les services de la Commission des mesures d’organisation et des actions correctives qui avaient été ultérieurement mises en œuvre, lesquelles visaient à neutraliser les conséquences financières générées par les carences constatées. Eu égard à ces mesures et aux informations additionnelles fournies par les autorités italiennes, les services de la Commission ont révisé leur position. Ils ont procédé à un nouveau calcul du risque effectivement supporté par les fonds concernés, notamment dans les domaines pour lesquels l’organisme payeur ARBEA lui-même, et non d’autres organismes délégués, avait été directement responsable et dans lesquels les carences détectées avaient pu avoir un impact, à savoir, d’une part, les domaines relevant des fonds concernés et n’ayant pas trait au système intégré de gestion et de contrôle et, d’autre part, le domaine relatif à la gestion des dettes. Ainsi, les services de la Commission ont proposé des corrections financières pour un montant total de 6 553 797,44 euros. Cette nouvelle position a été communiquée aux autorités italiennes par lettre du 3 décembre 2012.

215    Dans la décision attaquée, la Commission a décidé d’appliquer à l’égard de la République italienne des corrections forfaitaires à hauteur de 16 % pour certaines dépenses effectuées au cours des exercices 2007 à 2009 pour un montant total de 6 354 112,39 euros. L’évaluation des carences constatées par la Commission, qui sont à la base de sa décision, a été exposée dans le rapport de synthèse.

216    Ainsi, la Commission a identifié, au point 19.11.1 du rapport de synthèse, des conditions d’agrément de l’organisme payeur ARBEA qui, durant les exercices 2007 à 2009, n’avaient pas été respectées ou présentaient de graves carences, à savoir :

–        une insuffisance des ressources humaines ;

–        le non-renouvellement des conventions de délégation des fonctions avec des entités externes ;

–        des déficiences dans les mesures de contrôle relatives au Feader ;

–        des lacunes graves dans la gestion des créances ;

–        un défaut de mise en œuvre du système de suivi par des actions de contrôle interne ;

–        une absence de planification de la sécurité des systèmes d’information.

217    La Commission a conclu dans le rapport de synthèse que l’article 2, paragraphe 6, du règlement no 885/2006 était applicable en l’espèce, les déficiences constatées affectant six conditions d’agrément dont trois, à savoir celles relatives à la structure organisationnelle, aux activités de contrôle et au suivi par des actions de contrôle interne, constituaient des conditions principales d’agrément. Toutefois, compte tenu notamment du retrait ultérieur de l’agrément de l’organisme payeur ARBEA ainsi que d’autres mesures prises par les autorités italiennes, la Commission a considéré qu’une correction forfaitaire générale de 25 % n’était pas justifiée et qu’il convenait d’appliquer des corrections financières de façon individuelle pour chacune des conditions déficientes ou non respectées. À ce titre, chacune de ces corrections devait être considérée de manière spécifique pour chaque domaine des fonds concernés par rapport auquel l’organisme payeur ARBEA aurait eu un rôle dans la gestion et le contrôle des dépenses effectuées, en évitant ainsi un chevauchement avec d’autres enquêtes en cours. Ainsi, d’une part, les domaines relevant des fonds concernés et n’ayant pas trait au système intégré de gestion et de contrôle et, d’autre part, le domaine relatif à la gestion des dettes ont été considérés comme relevant de la seule responsabilité de l’ARBEA, où les déficiences constatées ont généré un risque pour des fonds concernés, ce qui justifiait l’application de corrections forfaitaires à hauteur de 16 % pour les dépenses concernées.

 Sur les moyens invoqués par la République italienne à l’encontre des corrections forfaitaires relatives aux manquements aux conditions d’agrément de l’organisme payeur ARBEA

218    Les arguments avancés par la République italienne à l’encontre des dispositions de la décision attaquée relatives aux corrections financières forfaitaires relatives aux manquements aux conditions d’agrément de l’organisme payeur ARBEA peuvent être regroupés, en substance, en trois moyens relatifs, le premier, à l’application rétroactive des orientations de la Commission, le deuxième, à la violation du règlement no 885/2006 et, le troisième, à la violation de principes généraux du droit de l’Union et de l’obligation de motivation.

–       Sur l’application des orientations de la Commission

219    La République italienne fait valoir que la communication 2010/2498, adoptée en mai 2010, a été appliquée aux faits de l’espèce, qui concernent les exercices financiers 2007 à 2009, en violation du principe de non-rétroactivité applicable en matière de sanctions.

220    Il y a lieu de relever, tout d’abord, que les corrections financières appliquées par la Commission en l’espèce relèvent de l’article 2, paragraphe 6, du règlement no 885/2006. En effet, en vertu de cette disposition, lorsque la Commission constate que l’autorité compétente n’a pas rempli son obligation d’élaborer un plan correctif à l’égard d’un organisme payeur qui ne remplit plus une ou plusieurs conditions d’agrément ou que cet organisme payeur conserve son agrément alors que le plan correctif n’a pas été pleinement mis en œuvre, la procédure d’apurement de conformité prévue à l’article 31 du règlement no 1290/2005 doit être entamée pour ce qui est des carences qui perdurent. À l’issue de cette procédure, sont écartées du financement de l’Union les dépenses que la Commission considère comme n’ayant pas été effectuées de manière conforme à la réglementation applicable.

221    Partant, la base juridique des corrections financières appliquées en l’espèce est l’article 2, paragraphe 6, du règlement no 885/2006, lu en combinaison avec l’article 31 du règlement no 1290/2005, pleinement en vigueur pendant la période correspondant aux exercices financiers 2007 à 2009. Or, ainsi que cela a été indiqué au point 137 ci-dessus, les orientations de la Commission, telles que celles faisant l’objet de la communication 2010/2498, concernent uniquement la méthode de calcul de ces corrections qui sont appliquées en vertu de la législation applicable. Ainsi, après l’établissement et la publication de ces orientations, les décisions de la Commission appliquant de telles corrections doivent être conformes à celles-ci dans un souci de transparence et en vertu, précisément, des principes de sécurité juridique et de protection de la confiance légitime, dont la République italienne invoque, à tort, la violation en l’espèce.

222    Par ailleurs, dans ce même souci de transparence, il est indiqué au point 3 de la communication 2010/2498 que la Commission appliquera les orientations qu’elle comporte dans ses décisions concernant les dépenses effectuées à partir de l’exercice financier 2007.

223    Il en découle que c’est sans commettre d’erreur de droit que la Commission a suivi les orientations prévues par la communication 2010/2498 pour le calcul des corrections financières à appliquer lorsqu’elle a adopté la décision attaquée, le 26 février 2013.

224    Partant, le présent moyen doit être rejeté comme non fondé.

–       Sur la violation du règlement no 885/2006

225    La République italienne fait valoir que la Commission a erronément apprécié des carences dans la structure organisationnelle de l’organisme payeur ARBEA, en violation du règlement no 885/2006.

226    Au point 19.11.1 du rapport de synthèse (voir point 216 ci-dessus), la Commission a constaté la persistance de graves carences en ce qui concerne des éléments relevant des conditions d’agrément de l’organisme payeur qui avaient fait l’objet d’un plan correctif. La Commission a indiqué que ce plan, venu à expiration le 31 mars 2009, n’avait pas été mis en œuvre à l’égard des éléments en cause alors que l’agrément de l’organisme payeur avait été rétabli à cette date.

227    La République italienne ne conteste pas ces constatations et reconnaît que le plan correctif n’a pas été totalement exécuté et que, en raison du déroulement des procédures prévues par le droit italien, ce n’est qu’en décembre 2010 que l’activité de l’organisme payeur en question a cessé.

228    Ainsi, il doit être considéré que la Commission n’a pas commis d’erreur de droit lorsque, ayant constaté de graves carences dans les conditions d’agrément de l’organisme payeur ARBEA, alors que cet agrément avait été rétabli, elle a, en application de l’article 2, paragraphe 6, du règlement no 885/2006, entamé la procédure d’apurement de conformité et écarté du financement de l’Union, en application de l’article 31 du règlement n° 1290/2005, des dépenses effectuées par cet organisme payeur, en fonction du risque que ces carences avaient créé pour les fonds concernés.

229    Cette conclusion ne saurait être infirmée par les arguments de la République italienne selon lesquels les autorités italiennes ont pris toutes les mesures possibles et ont procédé conformément aux procédures nationales applicables pour retirer l’agrément de l’organisme payeur, ce qui n’a pu être effectif qu’en décembre 2010. En effet, il ressort de la jurisprudence citée au point 74 ci-dessus qu’un État membre ne saurait faire valoir les carences de son propre ordre juridique pour échapper à ses obligations découlant du droit de l’Union.

230    Les arguments de la République italienne, selon lesquels la Commission a commis une erreur d’appréciation en ce qu’elle a constaté une carence dans la condition relative à la structure organisationnelle de l’organisme payeur ARBEA uniquement en ce qui concernait le secteur de la gestion des dettes, ne sauraient être retenus, dans la mesure où ils ne sont étayés par aucun élément de preuve. En outre, force est de constater que ces arguments reposent sur une compréhension erronée de la méthode de calcul des corrections forfaitaires appliquées, telle qu’elle est définie dans le rapport de synthèse. En effet, les carences constatées pour ce qui est des six éléments des conditions d’agrément, telles qu’elles sont résumées au point 216 ci-dessus, concernaient l’organisme payeur dans son ensemble. Or, lorsque le risque effectivement supporté par les fonds concernés du fait de ces carences a été apprécié, la Commission a considéré que les carences de l’organisme payeur ARBEA, y compris la carence concernant sa structure organisationnelle, étaient de nature à faire supporter aux fonds concernés un risque dans des domaines relevant de la seule responsabilité dudit organisme, notamment le domaine de la gestion des dettes. Or, compte tenu de la nature horizontale du domaine en cause, la Commission a indiqué à bon droit que les lacunes relevant de la structure organisationnelle de l’ARBEA auraient eu des effets également sur les autres domaines relevant de son activité, ce qui, au demeurant, n’a pas eu d’incidence sur le calcul des corrections forfaitaires appliquées.

231    Dans ces circonstances, le présent moyen doit être rejeté comme non fondé.

–       Sur la violation de principes généraux du droit de l’Union et de l’obligation de motivation

232    La requérante invoque, sans faire valoir le moindre argument particulier à cet égard, la violation de principes généraux de droit, notamment le principe de coopération loyale, et celle de l’obligation de motivation.

233    À cet égard, il suffit de constater que, en vertu de la jurisprudence citée au point 193 ci-dessus, ce moyen doit être déclaré irrecevable.

234    En tout état de cause, même si l’invocation abstraite de la violation de ces principes et de cette obligation devait être comprise comme reposant sur les arguments avancés au soutien des deux moyens relatifs aux corrections forfaitaires relatives aux conditions d’agrément de l’organisme payeur ARBEA, ces arguments ainsi que les moyens en question dans leur ensemble ayant été rejetés comme non fondés, ils ne sauraient davantage démontrer la violation que fait valoir la République italienne dans le cadre du présent moyen.

235    Dès lors, le présent moyen doit être rejeté comme irrecevable et, en tout état de cause, comme non fondé.

236    En conclusion, l’ensemble des moyens et des griefs soulevés par la République italienne ayant été rejetés, il y a lieu de rejeter le recours dans son intégralité.

 Sur les dépens

237    Aux termes de l’article 134, paragraphe 1, du règlement de procédure du Tribunal, toute partie qui succombe est condamnée aux dépens, s’il est conclu en ce sens. La République italienne ayant succombé, il y a lieu de la condamner aux dépens, conformément aux conclusions de la Commission.

Par ces motifs,

LE TRIBUNAL (sixième chambre)

déclare et arrête :

1)      Le recours est rejeté.

2)      La République italienne est condamnée à supporter ses propres dépens ainsi que ceux exposés par la Commission européenne.

Frimodt Nielsen

Dehousse

Collins

Ainsi prononcé en audience publique à Luxembourg, le12 novembre 2015.

Signatures

Table des matières


Cadre juridique général

Réglementation générale relative au financement de la politique agricole commune

Orientations de la Commission

Antécédents du litige

Procédure et conclusions des parties

En droit

Sur les corrections financières forfaitaires appliquées dans le cadre des contrôles relatifs à la conditionnalité

Réglementation de l’Union

– Sur le système de conditionnalité

– Sur les contrôles des obligations en matière de conditionnalité

– Orientations de la Commission

Enquêtes, position finale de la Commission et rapport de synthèse concernant les corrections appliquées en matière de conditionnalité

Observations liminaires relatives à l’interprétation des moyens

Considérations de principe

Sur le premier moyen, tiré de l’insuffisance de motivation de la décision attaquée

Sur le deuxième moyen, relatif aux erreurs de droit et d’appréciation des faits infirmant l’application des corrections forfaitaires en matière de conditionnalité

– Sur la première branche, relative aux lacunes identifiées par la Commission dans les contrôles et les sanctions en matière de conditionnalité

– Sur les constatations relatives aux contrôles des ERMG en matière d’environnement, de santé publique et de santé des animaux et des végétaux

– Sur les constatations relatives aux lacunes identifiées dans les contrôles des ERMG en matière de bien-être des animaux

– Sur les constatations relatives aux échantillons de contrôle sélectionnés par les services vétérinaires

– Sur les constatations relatives aux lacunes dans le contrôle des BCAE

– Sur les constatations relatives au report des contrôles à l’année suivante

– Sur les constatations relatives à l’examen des cas de non-conformité

– Sur les constatations relatives aux sanctions appliquées par la République italienne

– Sur la seconde branche du deuxième moyen, relative aux corrections appliquées par la Commission

Sur le troisième moyen, relatif à la violation des principes généraux de proportionnalité, de légalité, de sécurité juridique, de protection de la confiance légitime et de coopération loyale

Sur les corrections financières appliquées dans le cadre de la transformation des agrumes

Réglementation communautaire

Enquêtes, position finale de la Commission et rapport de synthèse concernant les corrections appliquées au secteur des fruits et légumes (transformation des agrumes en Calabre)

Observations liminaires

Sur les moyens invoqués par la République italienne, relatifs aux corrections forfaitaires dans le secteur de la transformation des agrumes

– Sur le premier moyen, tiré d’une erreur de droit tenant à l’application dans le secteur de la transformation des agrumes de corrections financières forfaitaires en violation des articles 32 et 33 du règlement no 1290/2005 ainsi que de l’article 70 du règlement no 1083/2006

– Sur le second moyen, tiré de la violation des principes de subsidiarité, ne bis in idem, de légalité, de sécurité juridique, de protection de la confiance légitime ainsi que de l’obligation de motivation

Sur les corrections financières forfaitaires relatives aux manquements aux conditions d’agrément de l’organisme payeur ARBEA

Réglementation de l’Union

– Règlement nº 1290/2005

– Règlement nº 885/2006

– Orientations de la Commission

Enquêtes, position finale de la Commission et rapport de synthèse sur les corrections appliquées concernant les conditions d’agrément d’un organisme payeur

Sur les moyens invoqués par la République italienne à l’encontre des corrections forfaitaires relatives aux manquements aux conditions d’agrément de l’organisme payeur ARBEA

– Sur l’application des orientations de la Commission

– Sur la violation du règlement no 885/2006

– Sur la violation de principes généraux du droit de l’Union et de l’obligation de motivation

Sur les dépens


* Langue de procédure : l’italien.