Language of document : ECLI:EU:T:2024:87

DOCUMENT DE TRAVAIL

ORDONNANCE DU TRIBUNAL (quatrième chambre)

7 février 2024 (*)

« Recours en annulation – Médicaments à usage humain – Autorisation de mise sur le marché du médicament Dimethyl fumarate Neuraxpharm - dimethyl fumarate – Lettre de la Commission tirant les conséquences d’un arrêt de la Cour – Acte non susceptible de recours – Irrecevabilité – Actes hypothétiques – Irrecevabilité manifeste »

Dans l’affaire T‑226/23,

Neuraxpharm Pharmaceuticals SL, établie à Barcelone (Espagne), représentée par Mes K. Roox, T. De Meese, J. Stuyck, M. Van Nieuwenborgh et C. Dumont, avocats,

partie requérante,

contre

Commission européenne, représentée par Mmes C. Valero et E. Mathieu, en qualité d’agents,

partie défenderesse,

LE TRIBUNAL (quatrième chambre),

composé de M. R. da Silva Passos (rapporteur), président, Mmes I. Reine et T. Pynnä, juges,

greffier : M. V. Di Bucci,

vu la phase écrite de la procédure,

vu l’ordonnance du 19 juillet 2023, Neuraxpharm Pharmaceuticals/Commission (T‑226/23 R, non publiée, EU:T:2023:409),

rend la présente

Ordonnance

1        Par son recours fondé sur l’article 263 TFUE, la requérante, Neuraxpharm Pharmaceuticals SL, demande l’annulation de la décision figurant dans la lettre de la Commission européenne du 17 mars 2023, avec la référence SANTE.DDG1.B.5/AL/mmc (2023) 2915367, portant sur l’interprétation et les conséquences de l’arrêt du 16 mars 2023, Commission e.a./Pharmaceutical Works Polpharma (C‑438/21 P à C‑440/21 P, EU:C:2023:213) (ci-après l’« acte attaqué »).

 Antécédents du litige

2        La requérante est une société pharmaceutique qui développe et commercialise divers médicaments, notamment des médicaments génériques.

3        Le 9 août 1994, le Bundesinstitut für Arzneimittel und Medizinprodukte (Institut fédéral des médicaments et des dispositifs médicaux, Allemagne) a délivré à Fumapharm AG deux autorisations de mise sur le marché (ci-après les « AMM ») portant sur deux dosages d’un médicament, le Fumaderm, indiqué pour le traitement du psoriasis. Le Fumaderm a été autorisé en tant qu’association médicamenteuse fixe de fumarate de diméthyle ou diméthyle fumarate (ci-après le « DMF ») et de divers sels d’éthylhydrogenfumarate (sels de monoéthyle fumarate). Conformément à l’article 10, paragraphe 1, de la directive 2001/83/CE du Parlement européen et du Conseil, du 6 novembre 2001, instituant un code communautaire relatif aux médicaments à usage humain (JO 2001, L 311, p. 67), la période de protection réglementaire des données du Fumaderm a expiré au cours de l’année 2004. Ces AMM ont été transférées en dernier lieu à Biogen Idec Ltd.

4        Le 28 février 2012, Biogen Idec a, en application de l’article 4, paragraphe 1, du règlement (CE) no 726/2004 du Parlement européen et du Conseil, du 31 mars 2004, établissant des procédures communautaires pour l’autorisation et la surveillance en ce qui concerne les médicaments à usage humain et à usage vétérinaire, et instituant une Agence européenne des médicaments (JO 2004, L 136, p. 1), soumis à l’Agence européenne des médicaments (EMA) une demande d’AMM du médicament à usage humain Tecfidera - diméthyle fumarate (ci‑après le « Tecfidera »).

5        Le 30 janvier 2014, la Commission a adopté la décision d’exécution C(2014) 601 final (ci‑après la « décision d’exécution du 30 janvier 2014 »), portant AMM du Tecfidera au titre du règlement no 726/2004. Un résumé de cette décision d’exécution a été publié au Journal officiel de l’Union européenne (JO 2014, C 59, p. 1).

6        Par cette décision, le Tecfidera a été autorisé en tant que médicament monosubstance, composé de DMF, et indiqué pour le traitement de la sclérose en plaques. Dans la décision d’exécution du 30 janvier 2014, la Commission a également décidé que le Tecfidera et le Fumaderm ne faisaient pas partie d’une même autorisation globale de mise sur le marché, au sens de l’article 6, paragraphe 1, second alinéa, de la directive 2001/83.

7        Le 27 novembre 2017, Pharmaceutical Works Polpharma S.A. a déposé une demande auprès de l’EMA visant à obtenir confirmation qu’elle était éligible au dépôt d’une demande d’AMM selon la procédure centralisée, en application de l’article 3, paragraphe 3, du règlement no 726/2004, pour un médicament générique dénommé Dimethyl Fumarate Pharmaceutical Works Polpharma, dérivé du médicament de référence Tecfidera.

8        Par décision du 30 juillet 2018 (ci-après, « la décision de l’EMA du 30 juillet 2018 »), l’EMA a informé Pharmaceutical Works Polpharma qu’elle n’était pas en mesure de valider sa demande du 27 novembre 2017, visée au point 7 ci-dessus. L’EMA a notamment souligné que, selon le considérant 3 de la décision d’exécution du 30 janvier 2014, le Tecfidera, d’une part, et le médicament déjà autorisé Fumaderm, d’autre part, ne faisaient pas partie d’une même autorisation globale au sens de l’article 6, paragraphe 1, second alinéa, de la directive 2001/83, au motif que le monoéthyle fumarate et le DMF étaient tous deux actifs et ne correspondaient pas à la même substance active, car leur fraction thérapeutique n’était pas la même dans l’un et dans l’autre de ces médicaments. Par conséquent, l’EMA a considéré que le Tecfidera bénéficiait de sa propre période de protection réglementaire des données de huit ans et que cette période de protection n’avait pas encore expiré.

9        Par requête déposée au greffe du Tribunal le 9 octobre 2018, Pharmaceutical Works Polpharma a introduit un recours au Tribunal contre la décision de l’EMA du 30 juillet 2018. D’une part, Pharmaceutical Works Polpharma a demandé au Tribunal de déclarer recevable et fondée une exception d’illégalité au titre de l’article 277 TFUE soulevée à l’encontre de la décision d’exécution du 30 janvier 2014, en tant que, dans cette décision d’exécution, la Commission considérait que le Tecfidera ne relevait pas de la même autorisation globale de mise sur le marché que le Fumaderm et, d’autre part, d’annuler la décision de l’EMA du 30 juillet 2018.

10      Par arrêt du 5 mai 2021, Pharmaceutical Works Polpharma/EMA (T‑611/18, EU:T:2021:241), le Tribunal a fait droit à l’exception d’illégalité soulevée par Pharmaceutical Works Polpharma et déclaré la décision d’exécution du 30 janvier 2014 inapplicable. Par voie de conséquence, la décision de l’EMA du 30 juillet 2018, qui reposait sur la décision d’exécution du 30 janvier 2014, s’est trouvée privée de fondement et a été annulée.

11      La Commission, Biogen Netherlands BV et l’EMA ont chacune formé un pourvoi contre l’arrêt du 5 mai 2021, Pharmaceutical Works Polpharma/EMA (T‑611/18, EU:T:2021:241), enregistrés respectivement sous les numéros C‑438/21 P, C‑439/21 P et C‑440/21 P.

12      Par décision d’exécution du 13 mai 2022, la Commission a délivré une AMM à la requérante pour le médicament à usage humain Dimethyl fumarate Neuraxpharm - fumarate de diméthyle (ci-après le « DMF Neuraxpharm »).

13      Par requête déposée au greffe du Tribunal le 17 mai 2022, Biogen Netherlands a introduit un recours en annulation contre la décision d’exécution de la Commission du 13 mai 2022 délivrant l’AMM de la requérante concernant le DMF Neuraxpharm. Ce recours est actuellement pendant devant le Tribunal (affaire T‑278/22).

14      Par arrêt du 16 mars 2023, Commission e.a./Pharmaceutical Works Polpharma (C‑438/21 P à C‑440/21 P, EU:C:2023:213), la Cour a annulé l’arrêt du 5 mai 2021, Pharmaceutical Works Polpharma/EMA (T‑611/18, EU:T:2021:241). Statuant ensuite sur le recours introduit en première instance, la Cour a rejeté l’unique moyen tiré d’une exception d’illégalité de la décision d’exécution du 30 janvier 2014 et, partant, le recours.

 Conclusions des parties

15      La requérante conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        annuler l’acte attaqué, ainsi que toute décision ultérieure dans la mesure où elle perpétue et/ou remplace cet acte, y compris toute mesure réglementaire de suivi, dans la mesure où elle concerne la requérante ;

–        condamner la Commission aux dépens.

16      La Commission conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        rejeter le recours comme irrecevable ;

–        condamner la requérante aux dépens.

 En droit

 Sur les demandes d’annulation

 Sur la recevabilité du recours en tant qu’il est dirigé contre l’acte attaqué

17      En vertu de l’article 130, paragraphes 1 et 7, du règlement de procédure du Tribunal, si la partie défenderesse le demande, le Tribunal peut statuer sur l’irrecevabilité ou l’incompétence sans engager le débat au fond. En l’espèce, la Commission ayant demandé qu’il soit statué sur l’irrecevabilité du recours, le Tribunal, s’estimant suffisamment éclairé par les pièces du dossier, décide de statuer sur cette demande.

18      À l’appui de son exception d’irrecevabilité, la Commission soulève une seule fin de non-recevoir, tirée de ce que l’acte attaqué ne constitue pas un acte attaquable au sens de l’article 263 TFUE, dans la mesure où, compte tenu de sa substance et des pouvoirs de la Commission dans ce domaine, ledit acte n’a pas d’effet obligatoire et ne saurait affecter la situation juridique de la requérante.

19      À l’appui de la fin de non-recevoir qu’elle soulève, la Commission invoque cinq arguments. Premièrement, elle fait valoir que la substance de l’acte attaqué montrerait qu’il n’est pas juridiquement contraignant et ne saurait donc affecter la situation juridique de la requérante. Deuxièmement, la Commission soutient que le contexte et les pouvoirs de la Commission lui permettant d’adopter des mesures dans le secteur des médicaments confirmeraient que l’acte attaqué n’est pas juridiquement contraignant. Troisièmement, elle fait valoir que le caractère juridiquement contraignant d’un acte dépend du contenu de ce dernier et non de son auteur. La Commission considère donc que serait inopérant l’argument de la requérante selon lequel l’acte attaqué serait de nature à produire des effets juridiques en raison du pouvoir de son auteur d’accorder des AMM de médicaments, dans la mesure où le fait que la Commission soit l’autorité chargée de délivrer les AMM et qu’elle soit habilitée par les co-législateurs à adopter des actes juridiquement contraignants à cette fin ne signifie pas que tout document adressé par la Commission aux titulaires d’autorisations constitue un acte juridiquement contraignant et attaquable en vertu de l’article 263 TFUE. Quatrièmement, la Commission considère également comme inopérante l’allégation de la requérante selon laquelle l’acte attaqué aurait déjà produit des effets juridiques, au regard notamment de la position que les autorités allemandes auraient prise à la suite de l’arrêt du 16 mars 2023, Commission e.a./Pharmaceutical Works Polpharma (C‑438/21 P à C‑440/21 P, EU:C:2023:213), dans la mesure où de telles positions ne découleraient pas de l’acte attaqué. Cinquièmement, la Commission soutient qu’il n’y aurait pas de lien de causalité entre l’avis qu’elle a donné dans l’acte attaqué concernant les conséquences de l’arrêt du 16 mars 2023, Commission e.a./Pharmaceutical Works Polpharma (C‑438/21 P à C‑440/21 P, EU:C:2023:213), et le fait qu’elle puisse adopter des actes juridiquement contraignants à la suite dudit arrêt. 

20      La requérante estime, au contraire, que les circonstances particulières de la présente affaire confèrent à l’acte attaqué le caractère d’acte attaquable.

21      Premièrement, la requérante fait valoir que l’acte attaqué établit, sans équivoque et définitivement, la position de la Commission concernant les conséquences de l’arrêt du 16 mars 2023, Commission e.a./Pharmaceutical Works Polpharma (C‑438/21 P à C‑440/21 P, EU:C:2023:213), et qu’elle affecte négativement sa position juridique en restreignant ses droits. Elle soutient que, par sa substance et s’agissant d’une lettre de la Commission, l’acte attaqué est susceptible de produire des effets juridiques en raison des pouvoirs de cette institution d’accorder une AMM, ce qui serait souligné par le fait que la Commission a même demandé à la requérante un engagement écrit à cet égard et a, en outre, menacé de prendre des mesures réglementaires de suivi, lui imposant ainsi un retrait ou une révocation de facto de l’AMM concernant le DMF Neuraxpharm.

22      Deuxièmement, la requérante considère que l’acte attaqué est une décision indépendante et autonome et n’est donc pas un acte préparatoire de l’adoption d’une future décision de révocation de l’AMM concernant le DMF Neuraxpharm, dans la mesure où son objectif était de mettre en œuvre l’arrêt du 16 mars 2023, Commission e.a./Pharmaceutical Works Polpharma (C‑438/21 P à C‑440/21 P, EU:C:2023:213), et, plutôt que de révoquer ladite AMM, d’aboutir à un retrait du marché forcé du médicament produit par la requérante.

23      Troisièmement, la requérante estime que les actions récentes des autorités nationales, notamment les autorités italiennes et allemandes, qui ont récemment adopté des démarches similaires à celle de la Commission dans l’acte attaqué, confirmeraient le caractère contraignant de ce dernier.

24      À cet égard, il résulte d’une jurisprudence constante que ne constituent des actes ou des décisions susceptibles de faire l’objet d’un recours en annulation que les mesures produisant des effets juridiques obligatoires de nature à affecter les intérêts de la partie requérante, en modifiant de façon caractérisée sa situation juridique [voir ordonnance du 14 mai 2012, Sepracor Pharmaceuticals (Ireland)/Commission, C‑477/11 P, non publiée, EU:C:2012:292, point 51 et jurisprudence citée]. En revanche, la forme dans laquelle des actes ou des décisions sont pris est, en principe, indifférente en ce qui concerne la possibilité de les attaquer par un recours en annulation (arrêt du 11 novembre 1981, IBM/Commission, 60/81, EU:C:1981:264, point 9).

25      Il ressort également d’une jurisprudence bien établie que les effets de droit obligatoires doivent être appréciés au regard de la substance de l’acte en cause et en fonction de critères objectifs, tels que le contenu de cet acte, en tenant compte, le cas échéant, du contexte de l’adoption de ce dernier ainsi que des pouvoirs de l’institution qui en est l’auteure (voir ordonnance du 14 octobre 2021, Amazon.com e.a./Commission, T‑19/21, EU:T:2021:730, point 17 et jurisprudence citée).

26      Ainsi, non seulement les actes préparatoires échappent au contrôle juridictionnel prévu à l’article 263 TFUE, mais également tout acte ne produisant pas d’effets juridiques obligatoires de nature à affecter les intérêts du justiciable, tels que les actes confirmatifs et les actes de pure exécution, les simples recommandations et avis ainsi que, en principe, les instructions internes [voir ordonnance du 14 mai 2012, Sepracor Pharmaceuticals (Ireland)/Commission, C‑477/11 P, non publiée, EU:C:2012:292, point 52 et jurisprudence citée].

27      En outre, des mesures intermédiaires dont l’objectif est de préparer la décision finale ne constituent pas, en principe, des actes qui peuvent faire l’objet d’un recours en annulation. Parmi de tels actes intermédiaires figurent notamment des actes qui expriment une opinion provisoire de l’institution [voir ordonnance du 14 mai 2012, Sepracor Pharmaceuticals (Ireland)/Commission, C‑477/11 P, non publiée, EU:C:2012:292, point 55 et jurisprudence citée].

28      En effet, un recours en annulation dirigé contre des actes exprimant une opinion provisoire de la Commission pourrait obliger le juge de l’Union à porter une appréciation sur des questions sur lesquelles l’institution concernée n’a pas encore eu l’occasion de se prononcer de manière définitive et aurait ainsi, pour conséquence, une anticipation des débats au fond et une confusion des différentes phases des procédures administrative et judiciaire. Admettre un tel recours serait donc incompatible avec les systèmes de répartition des compétences entre la Commission et le juge de l’Union et des voies de recours, prévus par le traité, ainsi qu’avec les exigences d’une bonne administration de la justice et d’un déroulement régulier de la procédure administrative de la Commission [voir ordonnance du 14 mai 2012, Sepracor Pharmaceuticals (Ireland)/Commission, C‑477/11 P, non publiée, EU:C:2012:292, point 56 et jurisprudence citée].

29      À cet égard, il convient de constater que les pouvoirs de la Commission concernant l’octroi et le retrait d’une AMM et la procédure concernant l’exercice de ces pouvoirs sont prévus au règlement no 726/2004. D’une part, selon l’article 81 dudit règlement, toute décision modifiant ou retirant une AMM indique de façon précise les motifs sur lesquels elle se fonde et ne peut être prise que selon les procédures prévues au même règlement. D’autre part, l’article 10, paragraphe 1, du règlement no 726/2004 dispose que la Commission est tenue de préparer un projet de la décision à prendre et de transmettre ce projet aux États membres et au demandeur.

30      C’est donc uniquement en respectant les dispositions du règlement no 726/2004, notamment les articles 10 et 81 de ce dernier, que la Commission peut, non seulement, octroyer, mais également modifier, suspendre ou retirer une AMM.

31      En l’espèce, il y a dès lors lieu de déterminer, à l’aune de la jurisprudence mentionnée aux points 24 à 28 ci-dessus, si, par l’acte attaqué, la Commission a adopté un acte produisant des effets juridiques obligatoires de nature à affecter les intérêts de la requérante en modifiant de façon caractérisée sa situation juridique au sens de l’article 263 TFUE.

32      À cet égard, en premier lieu, il convient de constater que, dans l’acte attaqué, la Commission a pris acte de l’arrêt du 16 mars 2023, Commission e.a./Pharmaceutical Works Polpharma (C‑438/21 P à C‑440/21 P, EU:C:2023:213).

33      En deuxième lieu, dans ledit acte, la Commission a demandé à la requérante d’agir dans le respect de la durée de la période de protection du marché concernant le médicament de référence du DMF Neuraxpharm. La Commission a demandé à la requérante de lui fournir pour le 30 mars 2023, au plus tard, un engagement écrit à cet effet.

34      En troisième lieu, dans l’acte attaqué, la Commission a indiqué qu’elle se réservait le droit d’adopter des décisions concernant toute mesure réglementaire qui pouvait être prise sur la base de l’arrêt du 16 mars 2023, Commission e.a./Pharmaceutical Works Polpharma (C‑438/21 P à C‑440/21 P, EU:C:2023:213).

35      Dans l’acte attaqué, la Commission s’est donc limitée, d’une part, à demander à la requérante d’agir dans le respect de la durée de la période de protection du marché concernant le médicament de référence du DMF Neuraxpharm et de lui fournir pour le 30 mars 2023, au plus tard, un engagement écrit à cet effet et, d’autre part, à se réserver le droit d’adopter des décisions concernant toute mesure réglementaire qui pouvait être prise sur la base de l’arrêt du 16 mars 2023, Commission e.a./Pharmaceutical Works Polpharma (C‑438/21 P à C‑440/21 P, EU:C:2023:213).

36      Dès lors, dans l’acte attaqué, la Commission n’a pas, et ne le pouvait d’ailleurs pas sans enfreindre les dispositions du règlement no 726/2004, notamment ses articles 10 et 81, modifié, suspendu ou retiré l’AMM de la requérante concernant le DMF Neuraxpharm, ce que la requérante ne conteste d’ailleurs pas.

37      En outre, si la Commission a indiqué dans l’acte attaqué qu’elle se réservait le droit de prendre toute autre décision quant aux éventuelles mesures réglementaires de suivi à rendre à la suite de l’arrêt du 16 mars 2023, Commission e.a./Pharmaceutical Works Polpharma (C‑438/21 P à C‑440/21 P, EU:C:2023:213), il ne ressort ni du libellé ni du contenu dudit acte que la Commission aurait ainsi entendu enclencher la procédure de modification, de suspension ou de retrait de l’AMM de la requérante concernant le DMF Neuraxpharm.

38      Force est donc de constater que, ainsi que, par ailleurs, la requérante l’admet, l’acte attaqué ne saurait être considéré comme étant un acte préparatoire en vue de l’adoption, dans la cadre de la procédure prévue à l’article 10 du règlement no 726/2004, d’une décision finale qui procèderait à une modification, à une suspension ou à un retrait de l’AMM octroyée à la requérante concernant le DMF Neuraxpharm. De même, la Commission n’a pas non plus élaboré l’acte attaqué dans le cadre d’une procédure spéciale distincte de celle prévue par le règlement no 726/2004, ce qui la requérante ne fait d’ailleurs pas valoir.

39      Bien au contraire, ainsi que la requérante l’a fait remarquer dans ses observations écrites, la Commission l’a informée sur la procédure en cours visant à adopter une décision d’exécution révoquant son AMM concernant le DMF Neuraxpharm.

40      Cependant, la requérante considère que l’acte attaqué est une décision indépendante et autonome de la Commission, dans la mesure où son objectif serait de mettre en œuvre l’arrêt du 16 mars 2023, Commission e.a./Pharmaceutical Works Polpharma (C‑438/21 P à C‑440/21 P, EU:C:2023:213), et, plutôt que de révoquer ladite AMM, d’aboutir à un retrait forcé du médicament qu’elle produit.

41      À cet égard, il suffit de constater que, par l’acte attaqué, la Commission s’est bornée à transmettre à la requérante son interprétation de l’arrêt du 16 mars 2023, Commission e.a./Pharmaceutical Works Polpharma (C‑438/21 P à C‑440/21 P, EU:C:2023:213), et son avis sur les conséquences juridiques d’un tel arrêt, notamment en ce qui concernait la requérante. Si la Commission a demandé à la requérante, à la suite dudit arrêt, de lui fournir un engagement écrit en vue du respect de la durée de la période de protection du marché concernant le médicament de référence du DMF Neuraxpharm, elle a également indiqué qu’elle se réservait le droit d’adopter des décisions concernant toute mesure réglementaire qui pouvait être prise sur la base de l’arrêt susmentionné.

42      Le contenu de l’acte attaqué indique donc que celui-ci pouvait constituer tout au plus une indication provisoire sur les intentions de la Commission quant au projet de décision qu’elle aurait été susceptible de présenter aux États membres, notamment à la suite de l’arrêt du 16 mars 2023, Commission e.a./Pharmaceutical Works Polpharma (C‑438/21 P à C‑440/21 P, EU:C:2023:213), dans le cadre de la procédure, prévue à l’article 10, paragraphe 2 et à l’article 81 du règlement no 726/2004, aux fins de l’adoption d’une décision définitive de modification, de suspension ou de retrait de l’AMM de la requérante concernant le DMF Neuraxpharm.

43      Il s’ensuit que la simple intention exprimée par la Commission dans l’acte attaqué ne permettait pas de préjuger de manière certaine de la prise d’une décision définitive au regard de l’AMM de la requérante concernant le DMF Neuraxpharm, à arrêter en application de l’article 10, paragraphe 2 et de l’article 81 du règlement no 726/2004.

44      Dès lors, l’acte attaqué ne doit être interprété que comme étant une recommandation ou un avis de la Commission, au sens de la jurisprudence mentionnée au point 26 ci-dessus, portant sur l’interprétation et les conséquences de l’arrêt du 16 mars 2023, Commission e.a./Pharmaceutical Works Polpharma (C‑438/21 P à C‑440/21 P, EU:C:2023:213) (voir, en ce sens et par analogie, arrêt du 23 novembre 1995, Nutral/Commission, C‑476/93 P, EU:C:1995:401, point 30). Tout au plus, l’acte attaqué pourrait être interprété comme une mesure intermédiaire qui exprime une opinion provisoire de la Commission, au sens de la jurisprudence mentionnée au point 27 ci-dessus.

45      Or, dans le cadre d’un recours en annulation introduit en vertu de l’article 263 TFUE contre la décision qui aura été adoptée par la Commission à la suite de la procédure, entretemps entamée (voir point 39 ci-dessus), de retrait de l’AMM octroyée à la requérante concernant le DMF Neuraxpharm, cette dernière pourra contester une telle décision et, ainsi, bénéficier d’une protection juridictionnelle effective à l’égard de ladite AMM.

46      Par conséquent, il y a lieu de conclure que l’acte attaqué ne constitue pas un acte produisant des effets juridiques obligatoires de nature à affecter les intérêts de la requérante en modifiant de façon caractérisée sa situation juridique au sens de l’article 263 TFUE.

47      Cette conclusion n’est pas affectée par l’allégation de la requérante selon laquelle les actions récentes des autorités nationales, notamment les autorités italiennes et allemandes, qui ont récemment adopté des démarches similaires à celle de la Commission dans l’acte attaqué, confirmeraient le caractère contraignant de cet acte.

48      À cet égard, ainsi que la Commission le fait valoir à juste titre, il suffit de constater que l’acte attaqué n’impose aucun comportement à des autorités nationales, qui n’y sont même pas mentionnées.

49      De telles démarches de la part des autorités nationales ne découlent donc pas de l’acte attaqué et sont, dès lors, sans incidence sur la question de savoir si ce dernier constituerait un acte produisant des effets juridiques obligatoires de nature à affecter les intérêts de la requérante en modifiant de façon caractérisée sa situation juridique au sens de l’article 263 TFUE, d’autant plus que, ainsi que la Commission l’a fait valoir à juste titre, de telles démarches ont été adoptées à l’égard d’une entreprise différente de la requérante et concernant un médicament qui n’est pas produit par la requérante, à savoir, le Dimethyl fumarate Hexal, produit par Hexal AG.

50      Il résulte des appréciations qui précèdent que l’acte attaqué n’est pas un acte produisant des effets juridiques au sens de l’article 263 TFUE, de sorte que l’exception d’irrecevabilité soulevée par la Commission doit être accueillie et que, partant, le recours doit être rejeté comme irrecevable en tant qu’il est dirigé contre l’acte attaqué.

 Sur la recevabilité du recours en tant qu'il est dirigé contre des décisions ultérieures à l’introduction du recours

51      En vertu de l’article 126 du règlement de procédure, lorsque le Tribunal est manifestement incompétent pour connaître d’un recours ou lorsqu’un recours est manifestement irrecevable ou manifestement dépourvu de tout fondement en droit, le Tribunal peut, sur proposition du juge rapporteur, à tout moment décider de statuer par voie d’ordonnance motivée, sans poursuivre la procédure. En l’espèce, le Tribunal, s’estimant suffisamment éclairé par les pièces du dossier, décide de statuer sans poursuivre la procédure.

52      La requérante demande l’annulation de toute décision ultérieure à l’acte attaqué dans la mesure où elle perpétue et/ou remplace cet acte, y compris toute mesure réglementaire de suivi, dans la mesure où elle concerne la requérante.

53      À cet égard, il ressort de la jurisprudence que de telles conclusions, qui tendent à ce que le Tribunal se prononce sur la légalité d’actes hypothétiques non encore adoptés, sont irrecevables et ne peuvent être que rejetées (voir arrêt du 29 janvier 2020, Aquino e.a./Parlement, T‑402/18, EU:T:2020:13, points 38 et 39 et jurisprudence citée). En effet, le Tribunal ne peut être valablement saisi que d’une demande tendant à l’annulation d’un acte existant et faisant grief (arrêt du 16 septembre 2013, Bank Kargoshaei e.a./Conseil, T‑8/11, non publié, EU:T:2013:470, point 47).

54      Il s’ensuit que le recours est manifestement irrecevable en tant qu’il est dirigé contre toute décision ultérieure à l’acte attaqué dans la mesure où elle perpétue et/ou remplace cet acte, y compris toute mesure réglementaire de suivi, dans la mesure où elle concerne la requérante.

55      Compte tenu de l’ensemble des considérations qui précèdent, le recours doit être rejeté.

 Sur la demande de mesure d’organisation de la procédure ou de mesure d’instruction

56      Dans ses observations écrites, la requérante demande au Tribunal d’ordonner à la Commission de produire les communications que cette dernière a échangées avec les autorités nationales italiennes et allemandes concernant les conséquences de l’arrêt du 16 mars 2023, Commission e.a./Pharmaceutical Works Polpharma (C‑438/21 P à C‑440/21 P, EU:C:2023:213).

57      À cet égard, il convient de rappeler que l’article 90 du règlement de procédure prévoit que les mesures d’organisation de la procédure sont décidées par le Tribunal. Par ailleurs, il ressort de l’article 92, paragraphe 1, du règlement de procédure que le Tribunal est seul compétent pour apprécier l’utilité de mesures d’instruction aux fins de la solution du litige (arrêt du 10 juillet 2012, Interspeed/Commission, T‑587/10, non publié, EU:T:2012:355, point 81).

58      En l’espèce, dans la mesure où le présent litige peut être tranché sur la base des pièces versées au dossier, la mesure demandée par la requérante est sans utilité aux fins de la solution du litige. Ainsi, il y a lieu de rejeter cette demande.

 Sur les dépens

59      Aux termes de l’article 134, paragraphe 1, du règlement de procédure, toute partie qui succombe est condamnée aux dépens, s’il est conclu en ce sens. La requérante ayant succombé, il y a lieu de la condamner aux dépens, y compris ceux afférents à la procédure de référé, conformément aux conclusions de la Commission.

Par ces motifs,

LE TRIBUNAL (quatrième chambre)

ordonne :

1)      Le recours est rejeté comme irrecevable en tant qu’il est dirigé contre la décision figurant dans la lettre de la Commission européenne du 17 mars 2023, avec la référence SANTE.DDG1.B.5/AL/mmc (2023) 2915367, portant sur l’interprétation et les conséquences de l’arrêt du 16 mars 2023, Commission e.a./Pharmaceutical Works Polpharma (C438/21 P à C440/21 P, EU:C:2023:213).

2)      Le recours est rejeté comme manifestement irrecevable en tant qu’il est dirigé contre toute décision ultérieure à la décision figurant dans la lettre de la Commission européenne du 17 mars 2023, avec la référence SANTE.DDG1.B.5/AL/mmc (2023) 2915367, portant sur l’interprétation et les conséquences de l’arrêt du 16 mars 2023, Commission e.a./Pharmaceutical Works Polpharma (C438/21 P à C440/21 P, EU:C:2023:213), dans la mesure où elle perpétue et/ou remplace cette décision, y compris toute mesure réglementaire de suivi, dans la mesure où elle concerne la requérante.

3)      Neuraxpharm Pharmaceuticals SL est condamnée à supporter, outre ses propres dépens, ceux exposés par la Commission européenne, y compris ceux afférents à la procédure de référé.

Fait à Luxembourg, le 7 février 2024.

Le greffier

 

Le président

V. Di Bucci

 

R. da Silva Passos


*      Langue de procédure : l’anglais.