Language of document : ECLI:EU:T:2012:250

ARRÊT DU TRIBUNAL (quatrième chambre)

22 mai 2012 (*)

« Marque communautaire — Procédure d’opposition — Demande de marque communautaire figurative représentant une tête de loup — Marques nationales et internationales figuratives antérieures WOLF Jardin et Outils WOLF — Motifs relatifs de refus — Atteinte au caractère distinctif ou à la renommée de la marque antérieure — Article 8, paragraphe 5, du règlement (CE) no 207/2009 »

Dans l’affaire T‑570/10,

Environmental Manufacturing LLP, établie à Stowmarket (Royaume-Uni), représentée par MM. S. Malynicz, barrister, et M. Atkins, solicitor,

partie requérante,

contre

Office de l’harmonisation dans le marché intérieur (marques, dessins et modèles) (OHMI), représenté par M. A. Folliard-Monguiral, en qualité d’agent,

partie défenderesse,

l’autre partie à la procédure devant la chambre de recours de l’OHMI, intervenant devant le Tribunal, étant

Société Elmar Wolf, établie à Wissembourg (France), représentée par Me N. Boespflug, avocat,

ayant pour objet un recours en annulation formé contre la décision de la deuxième chambre de recours de l’OHMI du 6 octobre 2010 (affaire R 425/2010-2), relative à une procédure d’opposition entre la Société Elmar Wolf et Environmental Manufacturing LLP,

LE TRIBUNAL (quatrième chambre),

composé de Mmes I. Pelikánová, président, K. Jürimäe et M. M. van der Woude (rapporteur), juges,

greffier : Mme S. Spyropoulos, administrateur,

vu la requête déposée au greffe du Tribunal le 17 décembre 2010,

vu le mémoire en réponse de l’OHMI déposé au greffe du Tribunal le 24 mars 2011,

vu le mémoire en réponse de l’intervenante déposé au greffe du Tribunal le 18 mars 2011,

à la suite de l’audience du 17 janvier 2012,

rend le présent

Arrêt

 Antécédents du litige

1        Le 9 mars 2006, Entec Industries Ltd a présenté une demande d’enregistrement de marque communautaire à l’Office de l’harmonisation dans le marché intérieur (marques, dessins et modèles) (OHMI), en vertu du règlement (CE) no 40/94 du Conseil, du 20 décembre 1993, sur la marque communautaire (JO 1994, L 11, p. 1), tel que modifié [remplacé par le règlement (CE) no 207/2009 du Conseil, du 26 février 2009, sur la marque communautaire (JO L 78, p. 1)].

2        La marque dont l’enregistrement a été demandé est le signe figuratif suivant :

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3        Les produits pour lesquels l’enregistrement a été demandé relèvent, après la limitation intervenue au cours de la procédure devant l’OHMI, de la classe 7 au sens de l’arrangement de Nice concernant la classification internationale des produits et des services aux fins de l’enregistrement des marques, du 15 juin 1957, tel que révisé et modifié, et correspondent à la description suivante : « Machines pour le traitement professionnel et industriel des déchets de bois et déchets végétaux ; machines professionnelles et industrielles à déchiqueter le bois et à faire des copeaux ».

4        La demande de marque communautaire a été publiée au Bulletin des marques communautaires no 38/2006, du 18 septembre 2006.

5        Le 18 décembre 2006, l’intervenante, la Société Elmar Wolf, a formé opposition, au titre de l’article 42 du règlement no 40/94 (devenu article 41 du règlement no 207/2009), à l’enregistrement de la marque demandée pour les produits visés au point 3 ci-dessus.

6        L’opposition était notamment fondée sur les droits antérieurs suivants :

–        la marque française figurative enregistrée le 8 avril 1999 sous le numéro 99786007, désignant des produits relevant des classes 1, 5, 7, 8, 12 et 31 et dont le signe figuratif de couleur rouge et jaune est reproduit ci-après :

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–        la marque française figurative enregistrée le 22 septembre 1948 sous le numéro 1480873, désignant des produits relevant des classes 7 et 8, la marque internationale figurative enregistrée le 22 juin 1951 sous le numéro 154431, désignant des produits relevant des classes 7 et 8 et ayant effet en Espagne et au Portugal, et la marque internationale figurative enregistrée le 20 janvier 1969 sous le numéro 352868, désignant des produits relevant des classes 7, 8, 12 et 21 et ayant effet en Espagne, le signe figuratif en noir et blanc correspondant à ces trois marques étant reproduit ci-après :

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7        Les motifs invoqués à l’appui de l’opposition étaient ceux visés à l’article 8, paragraphe 1, sous b), du règlement no 40/94 [devenu article 8, paragraphe 1, sous b), du règlement no 207/2009] et à l’article 8, paragraphe 5, du règlement no 40/94 (devenu article 8, paragraphe 5, du règlement no 207/2009).

8        Le 24 septembre 2007, Entec Industries a cédé la demande d’enregistrement à la requérante, Environmental Manufacturing LLP.

9        Le 2 octobre 2007, la requérante a demandé, conformément à l’article 43 du règlement no 40/94 (devenu article 42 du règlement no 207/2009), que l’intervenante apporte des preuves de l’usage des marques antérieures. L’intervenante a alors présenté des éléments documentaires à cet effet.

10      Le 25 janvier 2010, la division d’opposition a rejeté l’opposition fondée sur l’article 8, paragraphe 1, sous b), du règlement no 207/2009, au motif qu’il n’existait aucun risque de confusion entre les marques concernées. La division d’opposition a également rejeté l’opposition fondée sur l’article 8, paragraphe 5, du règlement no 207/2009, au motif que l’intervenante n’avait pas apporté de preuve de l’existence d’un quelconque préjudice porté à la renommée des marques antérieures ou d’un profit indûment tiré de celles-ci.

11      Le 23 mars 2010, l’intervenante a formé un recours auprès de l’OHMI, au titre des articles 58 à 64 du règlement no 207/2009, contre la décision de la division d’opposition.

12      Par décision du 6 octobre 2010 (ci-après la « décision attaquée »), la deuxième chambre de recours de l’OHMI a accueilli le recours et a annulé la décision de la division d’opposition. En ce qui concerne l’article 8, paragraphe 5, du règlement no 207/2009, elle a considéré que les marques antérieures jouissaient d’une renommée élevée dans trois États membres. Ensuite, elle a considéré qu’il existait un certain degré de similitude entre les marques en cause et que le public pertinent pourrait établir un lien entre les signes, eu égard au caractère distinctif et à la renommée des marques antérieures, et à la similitude des produits visés par les marques en cause. Enfin, la chambre de recours a conclu, en se référant aux arguments avancés par l’intervenante, que la marque demandée pourrait diluer l’image unique des marques antérieures et pourrait indûment profiter de leur caractère distinctif ou de leur renommée. En ce qui concerne l’article 42, paragraphes 2 et 3, du règlement no 207/2009, la chambre de recours a considéré que les marques antérieures avaient fait l’objet d’un usage sérieux et continu pour les produits protégés.

 Conclusions des parties

13      La requérante conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        annuler la décision attaquée ;

–        condamner l’OHMI aux dépens.

14      L’OHMI et l’intervenante concluent à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        rejeter le recours ;

–        condamner la requérante aux dépens.

 En droit

15      Au soutien de son recours, la requérante soulève deux moyens. Le premier moyen est tiré de la violation de l’article 42, paragraphes 2 et 3, du règlement no 207/2009. Selon la requérante, l’intervenante n’aurait pas démontré un usage sérieux des marques antérieures pour les produits couverts par la marque demandée. Le second moyen est tiré de la violation de l’article 8, paragraphe 5, dudit règlement. Selon la requérante, la chambre de recours aurait fait une application erronée de cette disposition.

 Sur le premier moyen, tiré de la violation de l’article 42, paragraphes 2 et 3, du règlement no 207/2009

16      L’article 42, paragraphe 2, du règlement no 207/2009 prévoit ce qui suit :

« Sur requête du demandeur, le titulaire d’une marque communautaire antérieure qui a formé opposition apporte la preuve que, au cours des cinq années qui précèdent la publication de la demande de marque communautaire, la marque communautaire antérieure a fait l’objet d’un usage sérieux dans la Communauté pour les produits ou les services pour lesquels elle est enregistrée et sur lesquels l’opposition est fondée, ou qu’il existe de justes motifs pour le non-usage, pour autant qu’à cette date la marque antérieure était enregistrée depuis cinq ans au moins. À défaut d’une telle preuve, l’opposition est rejetée. Si la marque communautaire antérieure n’a été utilisée que pour une partie des produits ou des services pour lesquels elle est enregistrée, elle n’est réputée enregistrée, aux fins de l’examen de l’opposition, que pour cette partie des produits ou services. »

17      Selon l’article 42, paragraphe 3, du règlement no 207/2009, le paragraphe 2 s’applique aux marques nationales antérieures visées à l’article 8, paragraphe 2, sous a), dudit règlement, étant entendu que l’usage dans la Communauté est remplacé par l’usage dans l’État membre où la marque nationale antérieure est protégée.

18      La requérante soutient que l’intervenante a seulement démontré qu’elle avait utilisé les marques antérieures pour les machines et instruments de jardinage destinés au grand public, mais pas pour les machines et instruments destinés au jardinage professionnel. Les machines et instruments pour le jardinage domestique constitueraient une sous-catégorie de produits distincte de celle des machines et instruments pour le jardinage professionnel. En se référant à l’arrêt du Tribunal du 14 juillet 2005, Reckitt Benckiser (España)/OHMI — Aladin (ALADIN) (T‑126/03, Rec. p. II‑2861), la requérante fait valoir que la chambre de recours aurait dû tenir compte de cette distinction dans son appréciation de l’usage sérieux des marques antérieures. L’étendue de la protection des marques antérieures aurait dû être limitée en conséquence.

19      L’OHMI et l’intervenante contestent l’argumentation de la requérante.

20      Tout d’abord, il convient de rappeler que l’article 42 du règlement no 207/2009 concerne la démonstration d’un usage sérieux pour les produits ou services sur lesquels l’opposition est fondée. Ces produits sont, en l’espèce, les produits couverts par les marques antérieures invoquées par l’intervenante et non pas les produits couverts par la marque demandée. Or, la requérante ne conteste pas que l’intervenante a démontré un usage sérieux des marques antérieures pour les produits sur lesquels elles sont apposées.

21      Il résulte de l’arrêt ALADIN, point 18 supra, dont se prévaut la requérante, que, si la notion d’usage partiel a pour fonction de ne pas rendre indisponibles des marques dont il n’a pas été fait usage pour une catégorie de produits donnée, elle ne doit néanmoins pas avoir pour effet de priver le titulaire de la marque antérieure de toute protection pour des produits qui, sans être rigoureusement identiques à ceux pour lesquels il a pu prouver un usage sérieux, ne sont pas essentiellement différents de ceux-ci et relèvent d’un même groupe qui ne peut être divisé autrement que de façon arbitraire. Il convient à cet égard d’observer qu’il est en pratique impossible au titulaire d’une marque d’apporter la preuve de l’usage de celle-ci pour toutes les variantes imaginables des produits concernés par l’enregistrement. Par conséquent, la notion de « partie des produits ou services » ne peut s’entendre de toutes les déclinaisons commerciales de produits ou de services analogues, mais seulement de produits ou de services suffisamment différenciés pour pouvoir constituer des catégories ou sous-catégories cohérentes (arrêt ALADIN, point 18 supra, point 46).

22      Or, s’agissant des produits de jardinage visés par les marques antérieures, il n’est pas possible de distinguer des catégories ou sous-catégories de produits cohérentes en fonction de l’usage professionnel ou grand public qu’il peut en être fait. S’il est probable que certains de ces produits s’adressent principalement à une clientèle professionnelle, il n’en demeure pas moins que la plupart de ces produits répondent aux mêmes besoins de jardinage, que les horticulteurs professionnels utilisent les mêmes outils que les jardiniers occasionnels et que ces derniers sont également susceptibles de se procurer des appareils de grande taille, tels que ceux proposés par la requérante. Par exemple, un jardinier professionnel opérant en région urbaine ne verra pas la nécessité de se procurer des machines de grande taille, alors qu’un jardinier occasionnel habitant à la campagne pourra éprouver un tel besoin, notamment s’il doit entretenir des terrains boisés.

23      Bien que la requérante fasse observer à juste titre que la chambre de recours aurait dû examiner la question relative à l’usage sérieux avant d’analyser le bien-fondé de l’opposition menée par l’intervenante, elle n’apporte pas d’élément suffisant pour conclure que la chambre de recours aurait commis une erreur d’appréciation quant à la démonstration par l’intervenante de l’usage sérieux au sens de l’article 42 du règlement no 207/2009.

24      Il convient dès lors de rejeter le premier moyen comme étant non fondé.

 Sur le second moyen, tiré de la violation de l’article 8, paragraphe 5, du règlement no 207/2009

25      Il convient, avant tout, de rappeler que, aux termes de l’article 8, paragraphe 5, du règlement no 207/2009, « [s]ur opposition du titulaire d’une marque antérieure au sens du paragraphe 2, la marque demandée est également refusée à l’enregistrement si elle est identique ou similaire à la marque antérieure et si elle est destinée à être enregistrée pour des produits ou des services qui ne sont pas similaires à ceux pour lesquels la marque antérieure est enregistrée, lorsque, dans le cas d’une marque communautaire antérieure, elle jouit d’une renommée dans la Communauté et, dans le cas d’une marque nationale antérieure, elle jouit d’une renommée dans l’État membre concerné et que l’usage sans juste motif de la marque demandée tirerait indûment profit du caractère distinctif ou de la renommée de la marque antérieure ou qu’il leur porterait préjudice ».

26      Il ressort également du libellé de l’article 8, paragraphe 5, du règlement no 207/2009 que son application est soumise aux conditions suivantes : premièrement, l’identité ou la similitude des marques en conflit ; deuxièmement, l’existence d’une renommée de la marque antérieure invoquée en opposition ; troisièmement, l’existence d’un risque que l’usage sans juste motif de la marque demandée tire indûment profit du caractère distinctif ou de la renommée de la marque antérieure ou leur porte préjudice. Ces conditions sont cumulatives et l’absence de l’une d’entre elles suffit à rendre inapplicable ladite disposition [arrêt du Tribunal du 25 mai 2005, Spa Monopole/OHMI — Spa-Finders Travel Arrangements (SPA‑FINDERS), T‑67/04, Rec. p. II‑1825, point 30].

27      S’agissant de la troisième condition mentionnée au point précédent, l’article 8, paragraphe 5, du règlement no 207/2009 distingue trois types de risques distincts, à savoir que l’usage sans juste motif de la marque demandée, premièrement, porte préjudice au caractère distinctif de la marque antérieure, deuxièmement, porte préjudice à la renommée de la marque antérieure ou, troisièmement, tire indûment profit du caractère distinctif ou de la renommée de la marque antérieure. Le premier type de risque visé par cette disposition est caractérisé lorsque la marque antérieure n’est plus en mesure de susciter une association immédiate avec les produits pour lesquels elle est enregistrée et employée. Il vise la dilution de la marque antérieure à travers la dispersion de son identité et de son emprise sur l’esprit du public. Le deuxième type de risque visé est constitué lorsque les produits ou les services visés par la marque demandée peuvent être perçus par le public d’une manière telle que la force d’attraction de la marque antérieure s’en trouve diminuée. Le troisième type de risque visé est celui que l’image de la marque renommée ou les caractéristiques projetées par cette dernière soient transférées aux produits désignés par la marque demandée, de sorte que leur commercialisation puisse être facilitée par cette association avec la marque antérieure renommée [voir arrêt du Tribunal du 22 mars 2007, Sigla/OHMI — Elleni Holding (VIPS), T‑215/03, Rec. p. II‑711, points 36 à 42, et la jurisprudence citée]. Lorsque les deux premières conditions visées au point précédent sont réunies, la présence d’un seul de ces trois types d’atteinte suffit pour que l’article 8, paragraphe 5, du règlement no 207/2009 soit d’application (arrêt de la Cour du 27 novembre 2008, Intel Corporation, C‑252/07, Rec. p. I‑8823, point 28).

28      En l’espèce, la requérante soutient que la chambre de recours a commis des erreurs dans son analyse de l’article 8, paragraphe 5, du règlement no 207/2009, tant en ce qui concerne le risque qu’il soit porté préjudice au caractère distinctif des marques antérieures (ci-après le « risque de dilution ») qu’en ce qui concerne le risque que la requérante tire indûment profit du caractère distinctif ou de la renommée des marques antérieures (ci-après le « risque de parasitisme »).

29      Il convient d’examiner d’abord ces griefs pour autant qu’ils concernent le risque de dilution puis d’apprécier, le cas échéant, ces griefs pour autant qu’ils visent le risque de parasitisme.

 Sur le public pertinent

30      Au point 16 de la décision attaquée, la chambre de recours a conclu, pour les produits visés relevant de la classe 7 au sens de l’arrangement de Nice, que le public pertinent était composé du grand public en Espagne, en France et au Portugal, normalement informé et raisonnablement attentif et avisé.

31      La requérante fait valoir que le risque de dilution doit être apprécié par rapport à la perception du public ciblé par les marques antérieures alors que le risque de parasitisme doit être apprécié par rapport à la perception du public ciblé par la marque demandée. Dans la mesure où la chambre de recours n’aurait pas fait cette distinction, en considérant que le public était toujours le même, indépendamment de l’atteinte en cause, elle aurait commis une erreur de droit.

32      Il y a lieu de relever, à l’instar de la requérante, que le public à prendre en considération varie en fonction du type d’atteinte allégué par le titulaire de la marque antérieure. En effet, d’une part, tant le caractère distinctif que la renommée d’une marque doivent être appréciés par rapport à la perception qu’en a le public pertinent, qui est constitué par le consommateur moyen des produits ou des services pour lesquels cette marque est enregistrée, normalement informé et raisonnablement attentif et avisé. Partant, l’existence des atteintes constituées par le préjudice porté au caractère distinctif ou à la renommée de la marque antérieure doit être appréciée à l’égard du consommateur moyen des produits ou des services pour lesquels cette marque est enregistrée, normalement informé et raisonnablement attentif et avisé. D’autre part, s’agissant de l’atteinte constituée par le profit indûment tiré du caractère distinctif ou de la renommée de la marque antérieure, dans la mesure où ce qui est prohibé est l’avantage tiré de cette marque par le titulaire de la marque postérieure, l’existence de ladite atteinte doit être appréciée à l’égard du consommateur moyen des produits ou des services pour lesquels la marque postérieure est enregistrée, normalement informé et raisonnablement attentif et avisé (arrêt Intel Corporation, point 27 supra, points 33 à 36).

33      Il s’ensuit que la chambre de recours est, en principe, tenue d’identifier le public pertinent en fonction du type d’atteinte qu’elle examine sur la base de l’article 8, paragraphe 5, du règlement no 207/2009.

34      Toutefois, le fait que la chambre de recours n’ait pas fait cette distinction dans le cas d’espèce ne saurait influer sur le résultat de son analyse du risque de dilution. En effet, ainsi qu’il ressort du point 32 ci-dessus et ainsi que le constate la requérante elle-même dans sa requête, le public pertinent aux fins de l’appréciation d’un tel risque est le public ciblé par les marques antérieures. Or, c’est précisément ce public que la chambre de recours a retenu aux fins de son analyse.

35      Par conséquent, le grief visant l’erreur de droit commise par la chambre de recours dans la définition du public pertinent est inopérant pour autant qu’il concerne l’analyse du risque de dilution et, partant, ne peut qu’être écarté.

 Sur le lien entre les marques en litige

36      Il résulte de la jurisprudence que la protection conférée par l’article 8, paragraphe 5, du règlement no 207/2009 n’est pas subordonnée à la constatation d’un degré de similitude tel entre les marques en cause qu’il existe, dans l’esprit du public concerné, un risque de confusion entre celles-ci. Il suffit que le degré de similitude entre ces marques ait pour effet que le public concerné établisse un lien entre elles [voir, en ce sens, arrêt du Tribunal du 16 mai 2007, La Perla/OHMI — Worldgem Brands (NIMEI LA PERLA MODERN CLASSIC), T‑137/05, non publié au Recueil, point 34, et la jurisprudence citée].

37      Selon la jurisprudence de la Cour relative à l’interprétation de l’article 4, paragraphe 4, sous a), de la première directive 89/104/CEE du Conseil, du 21 décembre 1988, rapprochant les législations des États membres sur les marques (JO L 40, p. 1), dont le contenu est, en substance, identique à celui de l’article 8, paragraphe 5, du règlement no 207/2009, peuvent être cités comme facteurs pertinents pour apprécier l’existence du lien susvisé le degré de similitude entre les marques en conflit, la nature des produits ou des services pour lesquels les marques en conflit sont respectivement enregistrées, y compris le degré de proximité ou de dissemblance de ces produits ou services, ainsi que le public concerné, l’intensité de la renommée de la marque antérieure, le degré de caractère distinctif, intrinsèque ou acquis par l’usage, de la marque antérieure, l’existence d’un risque de confusion dans l’esprit du public (arrêt Intel Corporation, point 27 supra, point 42).

38      En l’espèce, la requérante fait valoir que la chambre de recours n’a pas appliqué les critères cités au point précédent pour apprécier si les consommateurs des produits en cause établissaient un lien entre les marques en conflit.

39      La requérante estime que la probabilité qu’un tel lien puisse être établi est extrêmement faible. En premier lieu, la requérante soutient que les preuves d’usage fournies par l’intervenante montraient que l’usage des marques antérieures, et donc leur renommée, se limitaient au secteur du jardinage grand public. Étant donné que les produits de la requérante se limitent au secteur professionnel et spécialisé, il serait extrêmement improbable que les consommateurs moyens des produits pour lesquels les marques antérieures jouissaient d’une renommée rencontrent la marque demandée. En second lieu, il y aurait de grandes différences entre les marques en conflit.

40      L’OHMI et l’intervenante considèrent que ces arguments ne sont pas fondés.

41      Tout d’abord, il convient de rappeler que le lien entre les marques en conflit doit être apprécié globalement, en tenant compte de tous les facteurs pertinents du cas d’espèce (arrêt de la Cour du 23 octobre 2003, Adidas-Salomon et Adidas Benelux, C‑408/01, Rec. p. I‑12537, point 30).

42      Si, dans l’arrêt Intel Corporation, point 27 supra (point 42), la Cour a énuméré une série de critères à l’aide desquels l’existence d’un tel lien peut être établi, cette énumération ne constitue pas une liste exhaustive dont l’application intégrale s’impose dans chaque cas d’espèce. Au contraire, il se peut qu’un lien entre les marques en conflit s’établisse sur la base de certains de ces critères ou que l’existence d’un tel lien résulte de facteurs qui ne figurent pas dans l’arrêt Intel Corporation, point 27 supra. En effet, la question de savoir si le public pertinent fait, ou non, un rapprochement entre les marques en conflit est une question factuelle qui ne peut trouver sa réponse que dans les faits et circonstances propres à chaque cas d’espèce.

43      Or, en l’espèce, la chambre de recours a dûment tenu compte de certains des critères d’appréciation identifiés dans l’arrêt Intel Corporation, point 27 supra, contrairement à ce qu’affirme la requérante. Elle a rappelé, au point 26 de la décision attaquée, que les marques antérieures bénéficiaient d’une renommée élevée, qu’il existait un certain degré de similitude entre les marques en conflit et que les produits visés par ces marques étaient identiques ou très semblables.

44      S’agissant plus particulièrement du degré de similitude entre les marques en conflit, la chambre de recours a effectué, aux points 19 à 23 de la décision attaquée, une analyse détaillée de la similitude visuelle des deux marques qui représentent toutes les deux l’image d’un canidé, de l’absence de nécessité d’effectuer une comparaison phonétique pour une marque purement figurative et, enfin, de la similitude conceptuelle entre ces marques.

45      S’il est vrai, comme le fait observer la requérante, que les canidés représentés par les deux marques sont différents, l’un étant dessiné de façon détaillée avec un air agressif et l’autre, apparemment plus affable, étant représenté de façon plus sommaire, il n’en demeure pas moins que la chambre de recours a dûment tenu compte de ces différences dans son analyse et qu’elle a constaté à juste titre, au point 19 de la décision attaquée, que ces différences ne sont pas d’une importance telle que le public pertinent, qui fait preuve d’un niveau d’attention moyen et d’une mémoire imparfaite, n’associera pas l’image de la marque demandée avec celle des marques antérieures.

46      En ce qui concerne la similitude des produits visés par les marques en conflit, il y a lieu de rappeler que le grief de la requérante se fonde sur la prémisse erronée selon laquelle une distinction cohérente peut être effectuée entre, d’une part, des machines et outils destinés au grand public et, d’autre part, les machines et instruments destinés aux horticulteurs professionnels. En effet, il ressort de l’analyse de ce grief au point 22 ci-dessus que les produits couverts par les marques antérieures s’adressent aux jardiniers tant professionnels qu’occasionnels et que la demande des produits proposés par la requérante est également susceptible de provenir d’utilisateurs aussi bien professionnels qu’occasionnels.

47      Il s’ensuit que la chambre de recours a estimé à bon droit que le public pertinent pouvait établir un lien entre les signes représentés par les deux marques en conflit et que le grief que la requérante a formulé à cet égard doit être rejeté comme étant non fondé.

 Sur les effets économiques du rapprochement entre les marques en conflit

48      S’agissant du risque de dilution, la requérante fait valoir, en se référant au point 77 de l’arrêt Intel Corporation, point 27 supra, que le titulaire de la marque antérieure doit alléguer et prouver que l’usage de la marque postérieure aura un impact sur le comportement des consommateurs des produits couverts par la marque antérieure ou qu’il existe un risque sérieux que tel soit le cas à l’avenir. La chambre de recours aurait omis d’examiner cet impact dans le cas d’espèce.

49      La requérante soutient que l’intervenante aurait dû présenter des arguments expliquant concrètement comment la dilution lui porterait préjudice. Ainsi, la simple mention d’une dilution ne suffirait pas pour justifier l’application de l’article 8, paragraphe 5, du règlement no 207/2009.

50      Tout d’abord, il convient de rappeler que le motif de refus tiré du risque de dilution, tel que prévu à l’article 8, paragraphe 5, du règlement no 207/2009, contribue, avec les autres motifs relatifs de refus énoncés audit article, à préserver la fonction première de la marque, à savoir sa fonction d’origine. S’agissant du risque de dilution, cette fonction est compromise lorsque se trouve affaiblie l’aptitude de la marque antérieure à identifier les produits ou les services pour lesquels elle est enregistrée et utilisée comme provenant du titulaire de ladite marque, l’usage de la marque postérieure entraînant une dispersion de l’identité de la marque antérieure et de son emprise sur l’esprit du public. Tel est notamment le cas lorsque la marque antérieure, qui suscitait une association immédiate avec les produits ou les services pour lesquels elle est enregistrée, n’est plus en mesure de le faire (arrêt Intel Corporation, point 27 supra, point 29).

51      Il ressort de l’arrêt Intel Corporation, point 27 supra, qu’il appartient au titulaire de la marque antérieure qui se prévaut de la protection accordée à l’article 8, paragraphe 5, du règlement no 207/2009 de rapporter la preuve que l’usage de la marque postérieure porterait préjudice au caractère distinctif de sa marque antérieure. À cette fin, le titulaire de la marque antérieure n’est pas tenu de démontrer l’existence d’une atteinte effective et actuelle à sa marque. En effet, lorsqu’il est prévisible qu’une telle atteinte découlera de l’usage que le titulaire de la marque postérieure peut être amené à faire de sa marque, le titulaire de la marque antérieure ne saurait être obligé d’en attendre la réalisation effective pour pouvoir faire interdire ledit usage. Le titulaire de la marque antérieure doit toutefois établir l’existence d’éléments permettant de conclure à un risque sérieux qu’une telle atteinte se produise dans le futur (arrêt Intel Corporation, point 27 supra, points 37, 38 et 71).

52      À cette fin, le titulaire de la marque antérieure doit apporter des éléments permettant de conclure prima facie à un risque futur non hypothétique de préjudice (arrêt SPA-FINDERS, point 26 supra, point 40). Une telle conclusion peut être établie notamment sur la base de déductions logiques résultant d’une analyse des probabilités et en prenant en compte les pratiques habituelles dans le secteur commercial pertinent ainsi que toute autre circonstance de l’espèce [arrêt du Tribunal du 16 avril 2008, Citigroup et Citibank/OHMI — Citi (CITI), T‑181/05, Rec. p. II‑669, point 78].

53      Il ne saurait toutefois être exigé que, en sus de ces éléments, le titulaire de la marque antérieure démontre un effet supplémentaire de l’arrivée de la marque postérieure sur le comportement économique du consommateur moyen des produits ou des services pour lesquels la marque antérieure est enregistrée. En effet, une telle condition ne figure ni dans l’article 8, paragraphe 5, du règlement no 207/2009 ni dans l’arrêt Intel Corporation, point 27 supra.

54      S’agissant du point 77 de l’arrêt Intel Corporation, point 27 supra, il ressort du choix des termes « il s’ensuit » et de la structure du point 81 du même arrêt que la modification du comportement économique du consommateur, à laquelle se réfère la requérante à l’appui de son grief, est établie dès lors que le titulaire de la marque antérieure a réussi à démontrer, conformément au point 76 dudit arrêt, que se trouve affaiblie l’aptitude de cette marque à identifier les produits ou les services pour lesquels elle est enregistrée et utilisée comme provenant du titulaire de ladite marque, l’usage de la marque postérieure entraînant une dispersion de l’identité de la marque antérieure et de son emprise sur l’esprit du public.

55      Il convient d’examiner si la chambre de recours a fait une juste application de ces principes dans le cas d’espèce.

56      S’agissant, en premier lieu, de l’allégation selon laquelle l’intervenante se serait limitée à évoquer le risque de dilution sans l’étayer davantage, la chambre de recours précise, au point 30 de la décision attaquée, que l’intervenante a développé son argumentation pendant la procédure de recours. Elle a notamment fait valoir que l’usage de la marque demandée entraînerait une érosion de la renommée des marques antérieures, dans la mesure où le public pertinent cesserait d’associer ses produits à ces marques, et que la partie figurative de ces marques se trouverait banalisée et perdrait son pouvoir distinctif élevé.

57      Bien que le résumé des arguments avancés par l’intervenante au point 30 de la décision attaquée soit succinct, il y a lieu de considérer que l’intervenante a bien avancé des arguments de nature à faire apparaître un risque non hypothétique de réalisation du préjudice que l’usage de la marque demandée pourrait porter aux marques antérieures.

58      S’agissant, en second lieu, de l’analyse du bien-fondé des arguments ainsi avancés par l’intervenante, il convient d’observer, premièrement, que la chambre de recours a attaché, au point 36 de la décision attaquée, une grande importance au caractère fortement distinctif des signes antérieurs en précisant que l’élément de la tête de loup n’avait aucun lien évident avec les produits en cause. En effet, il n’existe pas de rapport entre l’élément figuratif figurant la tête de loup utilisé dans les marques antérieures et les produits vendus par l’intervenante, l’utilisation de cet élément s’expliquant essentiellement par la circonstance que le nom de la société de l’intervenante contient le mot « wolf », qui veut dire « loup » en allemand.

59      La chambre de recours a dès lors fait une analyse correcte du caractère fortement distinctif des marques antérieures. Or, conformément à la jurisprudence, plus le caractère distinctif et la renommée de la marque antérieure seront importants, plus l’existence d’une atteinte sera probable (arrêt Intel Corporation, point 27 supra, points 67 et 74, et arrêt SPA-FINDERS, point 26 supra, point 41).

60      Deuxièmement, la chambre de recours a estimé, au considérant 36 de la décision attaquée, qu’il fallait tenir compte du caractère identique ou semblable des produits en cause.

61      À cet égard, il convient de rappeler, d’abord, que l’article 8, paragraphe 5, du règlement no 207/2009 peut être invoqué à l’appui d’une opposition formée aussi bien à l’encontre d’une demande de marque communautaire visant des produits et des services non identiques ou non semblables à ceux désignés par la marque antérieure qu’à l’encontre d’une demande de marque communautaire visant des produits identiques ou semblables à ceux de la marque antérieure (voir, par analogie, arrêts de la Cour du 9 janvier 2003, Davidoff, C‑292/00, Rec. p. I‑389, points 24 à 26, et Adidas-Salomon et Adidas Benelux, point 41 supra, points 19 à 22).

62      Force est de constater, ensuite, que le fait pour des concurrents d’utiliser des signes ayant une certaine similitude pour des produits identiques ou semblables compromet l’association immédiate que le public pertinent fait entre les signes et les produits en cause, ce qui est de nature à porter atteinte à l’aptitude de la marque antérieure à identifier les produits pour lesquels elle est enregistrée comme provenant du titulaire de ladite marque. En l’espèce, il y a lieu, dès lors, de considérer que l’utilisation, par la requérante, de la tête d’un canidé comme marque pour des appareils de jardinage et d’horticulture, identiques ou semblables à ceux vendus par l’intervenante sous des marques se référant également à des têtes de canidés, implique nécessairement que les consommateurs de ces appareils cesseront à terme d’associer l’image du canidé, de façon immédiate, avec les produits de l’intervenante.

63      À cet égard, il convient de rappeler également que la marque agit comme moyen de transmission d’autres messages concernant, notamment, les qualités ou caractéristiques particulières des produits ou des services qu’elle désigne, ou les images et sensations qu’elle projette, tels que, par exemple, le luxe, le style de vie, l’exclusivité, l’aventure et la jeunesse. En ce sens, la marque possède une valeur économique intrinsèque autonome et distincte par rapport à celle des produits ou des services pour lesquels elle est enregistrée. Les messages en question que véhicule notamment une marque renommée ou qui lui sont associés confèrent à celle‑ci une valeur importante et digne de protection, et ce d’autant plus que, dans la plupart des cas, la renommée d’une marque est le résultat d’efforts et d’investissements considérables de son titulaire (arrêt VIPS, point 27 supra, point 35).

64      Or, en l’espèce, le fait pour les marques antérieures de ne plus susciter une association immédiate avec les produits pour lesquels elles sont enregistrées et employées saperait les efforts commerciaux consentis par l’intervenante pour le développement de ses marques.

65      Troisièmement, la chambre de recours a constaté, au point 37 de la décision attaquée, que la requérante n’a jamais indiqué de « juste motif » au sens de l’article 8, paragraphe 5, du règlement no 207/2009 expliquant ou justifiant l’utilisation d’une tête de canidé dans la marque demandée. Ce constat n’a pas été contesté par la requérante.

66      Partant, c’est à bon droit que la chambre de recours a estimé que l’utilisation de la marque demandée était susceptible de porter préjudice au caractère distinctif des marques antérieures. Le grief de la requérante tiré de la nécessité de démontrer les effets économiques du rapprochement entre les marques en conflit ne saurait donc être accueilli.

67      Dans la mesure où la chambre de recours a ainsi fait une juste application de l’article 8, paragraphe 5, du règlement no 207/2009 en raison du risque de dilution généré par la marque demandée, il n’y a plus lieu d’examiner le risque de parasitisme sur lequel la décision attaquée se fonde également. En effet, ainsi qu’il été observé au point 27 ci-dessus, la présence d’un seul des trois types d’atteinte visés à l’article 8, paragraphe 5, du règlement no 207/2009 suffit pour que ladite disposition soit d’application.

68      À la lumière de tout ce qui précède, le second moyen doit être rejeté comme étant non fondé.

69      Le recours doit dès lors être rejeté dans son ensemble.

 Sur les dépens

70      Aux termes de l’article 87, paragraphe 2, du règlement de procédure du Tribunal, toute partie qui succombe est condamnée aux dépens, s’il est conclu en ce sens. La requérante ayant succombé, il y a lieu de la condamner aux dépens, conformément aux conclusions de l’OHMI et à celles de l’intervenante.

Par ces motifs,

LE TRIBUNAL (quatrième chambre)

déclare et arrête :

1)      Le recours est rejeté.

2)      Environmental Manufacturing LLP est condamnée aux dépens.

Pelikánová

Jürimäe

Van der Woude

Ainsi prononcé en audience publique à Luxembourg, le 22 mai 2012.

Signatures


* Langue de procédure : l’anglais.