Language of document : ECLI:EU:T:2009:205

Affaire T-498/04

Zhejiang Xinan Chemical Industrial Group Co. Ltd

contre

Conseil de l’Union européenne

« Dumping — Importations de glyphosate originaire de Chine — Statut d’entreprise évoluant en économie de marché — Article 2, paragraphe 7, sous b) et c), du règlement (CE) nº 384/96 »

Sommaire de l'arrêt

1.      Politique commerciale commune — Défense contre les pratiques de dumping — Marge de dumping — Détermination de la valeur normale — Importations en provenance de pays n'ayant pas une économie de marché tels que visés à l'article 2, paragraphe 7, sous b), du règlement nº 384/96 — Application des règles relatives aux pays à économie de marché — Application réservée aux producteurs satisfaisant aux conditions cumulatives énoncées à l'article 2, paragraphe 7, sous c), du règlement nº 384/96 — Absence d'intervention significative de l'État — Notion — Charge de la preuve

(Règlement du Conseil nº 384/96, art. 2, § 7, c), 1er tiret)

2.      Politique commerciale commune — Défense contre les pratiques de dumping — Marge de dumping — Détermination de la valeur normale — Importations en provenance de pays n'ayant pas une économie de marché tels que visés à l'article 2, paragraphe 7, sous b), du règlement nº 384/96 — Procédure d'évaluation des conditions permettant à un producteur de pouvoir bénéficier du statut d'entreprise évoluant en économie de marché — Pouvoir d'appréciation des institutions — Prise en compte du contrôle étatique — Admissibilité — Assimilation du contrôle étatique à une intervention significative de l'État — Inadmissibilité

(Règlement du Conseil nº 384/96, art. 2, § 7, b) et c))

3.      Politique commerciale commune — Défense contre les pratiques de dumping — Marge de dumping — Détermination de la valeur normale — Importations en provenance de pays n'ayant pas une économie de marché tels que visés à l'article 2, paragraphe 7, sous b), du règlement nº 384/96 — Application des règles relatives aux pays à économie de marché — Application réservée aux producteurs satisfaisant aux conditions cumulatives énoncées à l'article 2, paragraphe 7, sous c), du règlement nº 384/96 — Prise en compte tant des activités domestiques que des activités d'exportation

(Règlement du Conseil nº 384/96, art. 2, § 7, b) et c))

1.      Il ressort clairement du libellé de l’article 2, paragraphe 7, sous c), premier tiret, du règlement antidumping de base nº 384/96 que l’existence ou non d’une intervention significative de l’État doit être appréciée au regard de la façon dont les « décisions des entreprises concernant les prix et les coûts des intrants » sont arrêtées. En effet, il exige de la part du producteur-exportateur concerné d’établir que ses décisions sont arrêtées, d’une part, « en tenant compte des signaux du marché » et, d’autre part, « sans intervention significative de l’État ». Par ailleurs, l’emploi des termes « à cet égard » renforce davantage le lien entre les décisions pertinentes et l’intervention de l’État.

Par conséquent, un comportement de l’État qui ne serait pas de nature à influer sur les décisions pertinentes ne saurait constituer une « intervention significative » au sens de l’article 2, paragraphe 7, sous c), premier tiret, du règlement antidumping de base nº 384/96.

En outre, compte tenu du libellé de cette disposition, de sa finalité et de son contexte, la notion d’« intervention significative de l’État » ne peut être assimilée à toute influence sur les activités d’une entreprise ou à toute implication dans son processus décisionnel, mais doit être comprise comme une action des pouvoirs publics qui est de nature à rendre ses décisions incompatibles avec les conditions d’une économie de marché.

En particulier, l’emploi même de l’expression « intervention significative » témoigne de la volonté du législateur communautaire de permettre un certain degré d’influence de l’État sur les activités d’une entreprise ou d’implication dans son processus décisionnel qui serait dépourvu d’un effet quelconque sur la façon dont les décisions concernant les prix et les coûts des intrants sont arrêtées.

(cf. points 84-87)

2.      Aux fins de l’interprétation et de l’application de l’article 2, paragraphe 7, sous c), premier tiret, du règlement antidumping de base nº 384/96, il convient de tenir compte du fait que les États visés par l’article 2, paragraphe 7, sous b), de ce même règlement ne sont pas considérés comme des États connaissant une économie de marché, et ce malgré les réformes qui y ont été accomplies. Il s’agit d’une appréciation par le législateur communautaire de la situation économique, juridique et politique dans ces pays tiers, qui est expressément reconnue à l’article 2, paragraphe 7, dudit règlement et qui justifie le traitement spécifique réservé aux importations en provenance de ces États en ce qui concerne la détermination de la valeur normale. Il doit être présumé, par conséquent, que les conditions dans lesquelles les entreprises opèrent dans ces pays ne sont pas comparables, sauf preuve contraire, à celles que connaissent les pays dotés d’une économie de marché.

Ainsi, le fait qu’une société établie dans un pays dépourvu d'une économie de marché soit contrôlée par l’État peut soulever des doutes quant à la question de savoir si ce dernier ne dépasse pas le rôle d’un actionnaire normal respectant les règles du marché et si le management de la société est suffisamment indépendant de l’État, pour pouvoir arrêter des décisions autonomes en ce qui concerne les prix et les coûts des intrants, et en réponse aux signaux du marché reflétant l’offre et la demande.

Par ailleurs, il ressort de l’article 2, paragraphe 7, sous c), premier tiret, du règlement antidumping de base nº 384/96, aux termes duquel les décisions des entreprises sont « arrêtées », que le législateur communautaire a exigé spécifiquement que le processus décisionnel de l’entreprise concernée soit libre de toute intervention significative de la part de l’État.

Or, la prise de décisions autonomes et motivées par des considérations commerciales est en principe une caractéristique propre au secteur privé. Par conséquent, il est légitime pour les institutions communautaires, dans le cadre de l’exercice du large pouvoir d’appréciation dont elles jouissent dans ce domaine, mais sous le contrôle du juge communautaire qui doit s'assurer que tous les éléments pertinents avancés ont été pris en compte et évalués avec toute la diligence requise, de tenir compte, dans leur examen des preuves produites par l’exportateur concerné, de la circonstance que l’entreprise concernée est contrôlée par l’État.

Cependant, le contrôle étatique n’est pas en tant que tel incompatible avec la prise de décisions commerciales par l’entreprise concernée selon les conditions d’une économie de marché et ne signifie notamment pas que ses décisions concernant les prix et les coûts des intrants sont guidées par des considérations étrangères à une entreprise opérant dans de telles conditions.

Or, l'assimilation du contrôle étatique à une « intervention significative de l’État » au sens de l’article 2, paragraphe 7, sous c), premier tiret, du règlement antidumping de base nº 384/96, conduirait à exclure, par principe, les sociétés contrôlées par l’État du bénéfice du statut d'entreprise évoluant en économie de marché, indépendamment du contexte factuel, juridique et économique concret dans lequel elles opèrent et, plus particulièrement, de la question de savoir si elles ont présenté des preuves suffisantes pour établir que l’État ne dépassait pas le rôle d’un actionnaire normal dans un pays doté d’une économie de marché, que les décisions de l’entreprise étaient arrêtées de façon autonome et indépendamment de considérations qui sont propres aux pouvoirs publics et que ces décisions étaient donc guidées exclusivement par des considérations purement commerciales, propres à une entreprise opérant dans les conditions d’une économie de marché. Une telle approche est incompatible avec le système institué par l'article 2, paragraphe 7, sous b) et c).

Par conséquent, si le contrôle de l'État sur une entreprise est un élément qui peut éventuellement être pris en compte, il ne suffit pas, à lui seul, à démontrer l'existence d'une intervention significative de l'État et ne permet donc pas de conclure au caractère non pertinent des éléments de preuve fournis par l'exportateur concerné aux fins de l'article 2, paragraphe 7, sous c), premier tiret, du règlement antidumping de base nº 384/96.

(cf. points 89-92, 97-101, 106)

3.      L’article 2, paragraphe 7, du règlement antidumping de base nº 384/96 conditionne la détermination de la valeur normale conformément aux règles énoncées à l’article 2, paragraphes 1 à 6, dudit règlement à la démonstration par le producteur concerné qu’il opère dans les conditions d’une économie de marché. Ces « conditions d’une économie de marché » ne doivent pas concerner exclusivement les activités domestiques du producteur en cause. En effet, l’absence de restrictions quant aux activités d’exportation et, notamment, la liberté de négocier les prix à l’exportation constituent des caractéristiques propres à une économie de marché. En outre, l’article 2, paragraphe 7, sous c), dudit règlement, lequel énonce les éléments de preuve à apporter par le producteur pour qu'il puisse être considéré comme opérant dans les conditions d'une économie du marché, ne fait aucunement référence aux activités domestiques des producteurs concernés. En particulier, la mention visant les « décisions des entreprises concernant les prix » n’est assortie d’aucune réserve en vertu de laquelle ces décisions devraient concerner seulement le marché domestique du producteur.

Par conséquent, si l’article 2, paragraphe 7, du règlement antidumping de base nº 384/96 concerne la détermination de la valeur normale, qui, dans le cadre de ce règlement, constitue une notion différente de celle des prix à l’exportation, il ne s’ensuit pas que le comportement des producteurs-exportateurs concernés s’agissant des prix à l’exportation est dépourvu de toute pertinence aux fins de l’application de l’article 2, paragraphe 7, sous b) et c), dudit règlement.

(cf. points 114-116)