Language of document : ECLI:EU:T:2010:476

ARRÊT DU TRIBUNAL (deuxième chambre)

23 novembre 2010 (*)

« Marque communautaire – Procédure d’opposition – Demande de marque communautaire figurative ARTESA NAPA VALLEY – Marque communautaire figurative antérieure ARTESO et marque nationale verbale antérieure LA ARTESA – Motif relatif de refus – Risque de confusion – Article 8, paragraphe 1, sous b), du règlement (CE) n° 40/94 [devenu article 8, paragraphe 1, sous b), du règlement (CE) n° 207/2009 »

Dans l’affaire T‑35/08,

Codorniu Napa, Inc., établie à Napa, Californie (États-Unis), représentée par Mes X. Fàbrega Sabaté et M. Curell Aguilà, puis par Mes Curell Aguilà et J. Güell Serra, avocats,

partie requérante,

contre

Office de l’harmonisation dans le marché intérieur (marques, dessins et modèles) (OHMI), représenté par M. O. Mondéjar Ortuño, en qualité d’agent,

partie défenderesse,

l’autre partie à la procédure devant la chambre de recours de l’OHMI, intervenant devant le Tribunal, étant

Bodegas Ontañón, SA, établie à Quel, La Rioja (Espagne), représentée par Mes J. Grimau Muñoz et J. Villamor Muguerza, avocats,

partie intervenante

ayant pour objet un recours formé contre la décision de la quatrième chambre de recours de l’OHMI du 20 novembre 2007 (affaire R 747/2006-4), relative à une procédure d’opposition entre Bodegas Ontañón, SA et Codorniu Napa, Inc.,

LE TRIBUNAL (deuxième chambre),

composé de Mmes I. Pelikánová, président, K. Jürimäe et M. S. Soldevila Fragoso (rapporteur), juges,

greffier : Mme B. Pastor, greffier adjoint,

vu la requête déposée au greffe du Tribunal le 24 janvier 2008,

vu le mémoire en réponse de l’OHMI déposé au greffe du Tribunal le 20 mai 2008,

vu le mémoire en réponse de l’intervenante déposé au greffe du Tribunal le 5 mai 2008,

à la suite de l’audience du 13 avril 2010,

rend le présent

Arrêt

1        Le 13 mars 2003, la requérante, Codorniu Napa, Inc., a présenté une demande d’enregistrement de marque communautaire à l’Office de l’harmonisation dans le marché intérieur (marques, dessins et modèles) (OHMI), en vertu du règlement (CE) n° 40/94 du Conseil, du 20 décembre 1993, sur la marque communautaire (JO 1994, L 11, p. 1), tel que modifié [remplacé par le règlement (CE) n° 207/2009 du Conseil, du 26 février 2009, sur la marque communautaire (JO L 78, p. 1)].

2        La marque dont l’enregistrement a été demandé est le signe figuratif suivant :

Image not found

3        Les produits pour lesquels l’enregistrement a été demandé relèvent de la classe 33 au sens de l’arrangement de Nice concernant la classification internationale des produits et des services aux fins de l’enregistrement des marques, du 15 juin 1957, tel que révisé et modifié, et correspondent à la description suivante : « Vins produits et mis en bouteille à Napa Valley (Californie, USA) ».

4        La demande de marque communautaire a été publiée au Bulletin des marques communautaire n° 83/2003, du 24 novembre 2003.

5        Le 23 février 2004, l’intervenante, Bodegas Ontañón, SA, a formé opposition au titre de l’article 42 du règlement n° 40/94 (devenu article 41 du règlement n° 207/2009) à l’enregistrement de la marque demandée pour les produits visés au point 3 ci-dessus.

6        L’opposition était fondée sur deux signes. Le premier signe était la marque communautaire figurative reproduite ci-après et faisant l’objet de l’enregistrement n° 2 050 623 

Image not found

pour des produits relevant de la classe 33 au sens de l’arrangement de Nice et correspondant à la description suivante : « Boissons alcooliques (à l’exception des bières) ». Le second signe était la marque espagnole verbale LA ARTESA n° 844194, pour des produits relevant de la classe 33 au sens de l’arrangement de Nice et correspondant à la description suivante : « Vins, spiritueux et liqueurs ».

7        Le motif invoqué à l’appui de l’opposition était celui visé à l’article 8, paragraphe 1, sous b), du règlement n° 40/94 [devenu article 8, paragraphe 1, sous b), du règlement n° 207/2009].

8        Le 31 mars 2006, la division d’opposition a fait droit à l’opposition en se fondant uniquement sur la comparaison entre la marque communautaire figurative antérieure ARTESO et la marque demandée. Dans sa décision, la division d’opposition a estimé qu’il était superflu d’examiner si les preuves de l’usage de la marque espagnole verbale LA ARTESA étaient suffisantes pour établir l’usage effectif de ladite marque.

9        Le 30 mai 2006, la requérante a formé un recours auprès de l’OHMI, au titre des articles 57 à 62 du règlement n° 40/94 (devenus articles 58 à 64 du règlement n° 207/2009), contre la décision de la division d’opposition.

10      Par décision du 20 novembre 2007 (ci-après la « décision attaquée »), la quatrième chambre de recours de l’OHMI a rejeté le recours. En particulier, elle a considéré que les éléments verbaux « arteso » et « artesa » occupaient une position centrale et prédominaient dans les marques en conflit, que l’élément graphique de la marque demandée n’était pas particulièrement distinctif et que l’expression « napa valley » était descriptive de l’origine géographique des produits et ne pouvait pas être considérée comme un élément distinctif et dominant. Ensuite, la chambre de recours a considéré, d’une part, que les produits visés étaient identiques, et d’autre part, que, nonobstant des différences manifestes entre les éléments graphiques des marques en conflit, lesdites marques partageaient leurs éléments les plus distinctifs et dominants, possédant ainsi un certain degré de similitude sur le plan visuel et étant similaires sur le plan phonétique. Au vu de cela, la chambre de recours a conclu qu’il existait un risque de confusion entre lesdits signes. Concernant les preuves de l’usage sérieux de la marque espagnole antérieure, la chambre de recours a considéré inutile de les examiner étant donné que, sur la base d’un des droits antérieurs, il était entièrement fait droit aux conclusions de l’opposante.

 Conclusions des parties

11      La requérante conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        annuler la décision attaquée ;

–        condamner l’OHMI aux dépens.

12      L’OHMI et l’intervenante concluent à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        rejeter le recours ;

–        condamner la requérante aux dépens.

 En droit

13      La requérante soulève un seul moyen à l’appui de son recours, tiré de la violation de l’article 8, paragraphe 1, sous b), du règlement nº 40/94.

 Arguments des parties

14      La requérante considère que les signes en cause ne sont pas suffisamment similaires pour créer un risque de confusion.

15      Elle soutient que, en évaluant l’existence d’un risque de confusion, la chambre de recours n’a pas suivi l’approche retenue dans la jurisprudence du Tribunal, puisque elle n’a pas effectué une analyse globale des signes en cause. Notamment, la chambre de recours se serait limitée à isoler et à comparer les éléments verbaux, en leur conférant un caractère dominant, et aurait dissocié les composants graphiques desdits signes, en les considérant comme accessoires. Ces éléments graphiques ne seraient examinés qu’une fois comparés les éléments verbaux, afin d’établir s’ils constituent un élément de différenciation suffisant pour écarter l’existence d’un risque de confusion.

16      La requérante estime que les éléments verbaux des marques en conflit ne dominent pas l’image desdites marques et que les éléments figuratifs, eu égard à l’impression d’ensemble qu’ils produisent, ne sont pas négligeables. Au contraire, ils jouiraient d’une importance analogue à celle des éléments verbaux, car ils occuperaient une place au moins équivalente à celle desdits éléments, leur taille serait bien supérieure, et ils confèreraient aux signes une forme très particulière et originale.

17      Elle affirme que, d’un point de vue phonétique, les deux signes en conflit sont clairement différents, puisque la marque demandée est formée de trois mots et de sept syllabes (« ar », « te », « sa », « na », « pa », « va », « lley »), alors que la marque antérieure comprend un mot unique de trois syllabes (« ar », « te », « so »). De même, elle souligne que, d’un point de vue phonétique, la marque demandée est plus longue que la marque antérieure.

18      La requérante considère que, contrairement à ce qu’affirme la chambre de recours, l’expression « napa valley » ne peut pas être exclue de la comparaison phonétique des signes en conflit, car l’expression « artesa napa valley » sera utilisée dans sa totalité par le public lors de l’achat de produits, constituant, ainsi, un élément de différenciation supplémentaire de la marque demandée.

19      Elle affirme que, d’un point de vue conceptuel, le fait que l’élément verbal « artesa » de la marque demandée ait une signification déterminée en espagnol contribue à neutraliser les similitudes phonétiques avec la marque antérieure, dont l’élément verbal « arteso », sans signification en espagnol, pourrait évoquer un personnage mythologique, comme celui placé au-dessus dudit élément.

20      Elle ajoute que les deux marques dégagent des impressions conceptuelles différentes, car l’expression « napa valley » de la marque demandée fournit aux consommateurs des informations conceptuelles non équivoques et son élément graphique exprime une idée de modernité. En revanche, les éléments verbal et figuratif de la marque antérieure associeraient le signe à la mythologie classique.

21      La requérante précise que les vins et les boissons alcooliques en général sont commercialisés dans des supermarchés, dans des magasins d’alimentation et dans des restaurants, ce qui permet aux consommateurs d’examiner les étiquettes des bouteilles. Ainsi, les consommateurs percevraient les marques en cause de manière visuelle plutôt que phonétique.

22      La requérante souligne que l’expression « napa valley », figurant dans la marque demandée, indique une origine géographique différente de celle des produits désignés par la marque antérieure. Cette circonstance contribuerait à différencier la marque demandée de la marque antérieure, car l’origine géographique des boissons alcoolisées serait normalement considérée comme une particularité à laquelle le consommateur moyen accorde une attention importante.

23      La requérante conclut que, étant donné que les signes présentent d’importantes différences graphiques et que, dans le secteur des produits en cause, l’aspect visuel des signes est plus important que l’aspect phonétique, les marques figuratives en conflit peuvent « coexister pacifiquement » sur le marché.

24      L’OHMI et l’intervenante contestent l’ensemble des arguments avancés par la requérante.

 Appréciation du Tribunal

25      Aux termes de l’article 8, paragraphe 1, sous b), du règlement n° 40/94, sur opposition du titulaire d’une marque antérieure, la marque demandée est refusée à l’enregistrement lorsque, en raison de son identité ou de sa similitude avec une marque antérieure et en raison de l’identité ou de la similitude des produits ou des services que les deux marques désignent, il existe un risque de confusion dans l’esprit du public du territoire sur lequel la marque antérieure est protégée. Le risque de confusion comprend le risque d’association avec la marque antérieure. Par ailleurs, en vertu de l’article 8, paragraphe 2, sous a), i), du règlement n° 40/94 [devenu article 8, paragraphe 2, sous a), i), du règlement n° 207/2009], il convient d’entendre par marques antérieures les marques enregistrées dans la Communauté européenne, dont la date de dépôt est antérieure à celle de la demande de marque communautaire.

26      Selon une jurisprudence constante, constitue un risque de confusion le risque que le public puisse croire que les produits ou les services en cause proviennent de la même entreprise ou d’entreprises liées économiquement. Selon cette même jurisprudence, le risque de confusion doit être apprécié globalement, selon la perception que le public pertinent a des signes et des produits ou des services en cause, et en tenant compte de tous les facteurs pertinents en l’espèce, notamment de l’interdépendance entre la similitude des signes et celle des produits ou des service désignés [arrêts du Tribunal du 9 juillet 2003, Laboratorios RTB/OHMI – Giorgio Beverly Hills (GIORGIO BEVERLY HILLS), T‑162/01, Rec. p. II‑2821, points 30 à 33, et du 16 décembre 2008, Torres/OHMI – Navisa Industrial Vinícola Española (MANSO DE VELASCO), T‑259/06, non publié au Recueil, points 23 et 24].

27      Aux fins de l’application de l’article 8, paragraphe 1, sous b), du règlement n° 40/94, un risque de confusion présuppose à la fois une identité ou une similitude des marques en conflit et une identité ou une similitude des produits ou des services qu’elles désignent. Il s’agit là de conditions cumulatives [arrêts du Tribunal du 22 janvier 2009, Commercy/OHMI – easyGroup IP Licensing (easyHotel), T‑316/07, Rec. p. II‑43, point 42, et du 23 septembre 2009, Viñedos y Bodegas Príncipe Alfonso de Hohenlohe/OHMI – Byass (ALFONSO), T‑291/07, non publié au Recueil, point 25].

28      Par ailleurs, selon la jurisprudence, dans le cadre de l’appréciation globale du risque de confusion, il convient de prendre en compte le consommateur moyen de la catégorie de produits concernée, normalement informé et raisonnablement attentif et avisé. Il y a également lieu de prendre en considération le fait que le niveau d’attention du consommateur moyen est susceptible de varier en fonction de la catégorie de produits ou de services en cause [arrêts du Tribunal du 13 février 2007, Mundipharma/OHMI – Altana Pharma (RESPICUR), T‑256/04, Rec. p. II‑449, point 42, et ALFONSO, précité, point 27].

29      En l’espèce, le risque de confusion a été apprécié par la chambre de recours eu égard aux deux marques communautaires, la marque antérieure désignant des « boissons alcooliques (à l’exception des bières) » et la marque demandée des « vins produits et mis en bouteille à Napa Valley (Californie, USA) ». La chambre de recours a considéré, au point 20 de la décision attaquée, que les produits couverts par la marque antérieure étaient identiques à ceux visés par la marque demandée, ce qui n’a pas été contesté directement par la requérante.

30      De même, la chambre de recours a considéré au point 16 de la décision attaquée que, compte tenu de la nature des produits en cause et du fait que la marque antérieure est une marque communautaire, le public pertinent était composé des consommateurs moyens européens, ce qui n’a pas non plus été contesté par la requérante.

 Sur la comparaison des signes en conflit

31      L’appréciation globale du risque de confusion doit, en ce qui concerne la similitude visuelle, phonétique ou conceptuelle des signes en conflit, être fondée sur l’impression d’ensemble produite par ceux-ci, en tenant compte, notamment, de leurs éléments distinctifs et dominants. La perception des marques qu’a le consommateur moyen des produits ou des services en cause joue un rôle déterminant dans l’appréciation globale dudit risque. À cet égard, le consommateur moyen perçoit normalement une marque comme un tout et ne se livre pas à un examen de ses différents détails (voir arrêt de la Cour du 12 juin 2007, OHMI/Shaker, C‑334/05 P, Rec. p. I‑4529, point 35, et la jurisprudence citée).

32      L’appréciation de la similitude entre deux marques ne peut se limiter à prendre en considération uniquement un composant d’une marque complexe et à le comparer avec une autre marque. Il y a lieu, au contraire, d’opérer la comparaison en examinant les marques en cause, considérées chacune dans son ensemble, ce qui n’exclut pas que l’impression d’ensemble produite dans la mémoire du public pertinent par une marque complexe puisse, dans certaines circonstances, être dominée par un ou plusieurs de ses composants (voir arrêt OHMI/Shaker, précité, point 41, et la jurisprudence citée). Ce n’est que si tous les autres composants de la marque sont négligeables que l’appréciation de la similitude pourra se faire sur la seule base de l’élément dominant (arrêts de la Cour OHMI/Shaker, précité, point 42, et du 20 septembre 2007, Nestlé/OHMI, C‑193/06 P, non publié au Recueil, point 43). Tel pourrait notamment être le cas lorsque ce composant est susceptible de dominer à lui seul l’image de cette marque que le public pertinent garde en mémoire, de telle sorte que tous les autres composants de la marque sont négligeables dans l’impression d’ensemble produite par celle-ci (arrêt Nestlé/OHMI, précité, point 43).

33      En l’espèce, la chambre de recours a considéré que les marques en cause partageaient leurs éléments les plus distinctifs et dominants et possédaient, donc, un certain degré de similitude sur le plan visuel et étaient similaires sur le plan phonétique.

34      À cet égard, la requérante considère que l’élément graphique n’est pas négligeable dans l’impression d’ensemble produite par chaque signe et conteste le fait que la chambre de recours ait, dans le cadre de l’appréciation du risque de confusion, pris exclusivement en compte les éléments verbaux.

–       Sur la similitude visuelle

35      Conformément à la jurisprudence, lors de l’appréciation du caractère dominant d’un ou de plusieurs composants déterminés d’une marque complexe, il convient de prendre en compte, notamment, les qualités intrinsèques de chacun de ces composants en les comparant à celles des autres composants. En outre et de manière accessoire, peut être prise en compte la position relative des différents composants dans la configuration de la marque complexe [arrêts du Tribunal du 23 octobre 2002, Matratzen Concord/OHMI – Hukla Germany (MATRATZEN), T‑6/01, Rec. p. II‑4335, point 35, et du 13 décembre 2007, Cabrera Sánchez/OHMI – Industrias Cárnicas Valle (el charcutero artesano), T‑242/06, non publié au Recueil, point 47].

36      Il convient donc d’examiner si l’élément verbal s’impose comme l’élément dominant dans l’impression d’ensemble produite par chacune des marques en conflit.

37      En premier lieu, il convient de préciser que lorsqu’un signe consiste à la fois en des éléments figuratifs et en des éléments verbaux, il ne s’ensuit pas automatiquement que c’est l’élément verbal qui doit toujours être considéré comme dominant [voir, en ce sens, arrêt du Tribunal du 24 novembre 2005, Simonds Farsons Cisk/OHMI – Spa Monopole (KINJI by SPA), T‑3/04, Rec. p. II‑4837, point 45]. En effet, dans le cas d’une marque complexe, l’élément figuratif peut détenir une place équivalente à celle de l’élément verbal [voir, en ce sens, arrêts du Tribunal du 12 décembre 2002, Vedial/OHMI – France Distribution (HUBERT), T‑110/01, Rec. p. II‑5275, point 53, et el charcutero artesano, précité, point 55].

38      En second lieu, ainsi qu’il a été rappelé au point 32 ci-dessus, ce n’est que si tous les autres composants de la marque sont négligeables que l’appréciation de la similitude pourra se faire sur la seule base de l’élément dominant.

39      En l’espèce, contrairement à ce que la chambre de recours a conclu, l’élément verbal présent dans les deux marques en conflit ne constitue pas l’élément dominant, eu égard, d’une part, aux différents éléments figuratifs dont lesdites marques sont composées et, d’autre part, à la position que les éléments en cause occupent dans les signes. Ces éléments figuratifs, notamment leur forme, leur taille et leur couleur, placés au-dessus des éléments verbaux, contribuent nettement à déterminer l’image de chacune des marques en cause que le public pertinent garde en mémoire, de sorte qu’ils ne peuvent pas être négligés lors de la perception de celles-ci.

40      En effet, l’image de la marque antérieure retenue par les consommateurs représente, en noir et blanc, un centaure chevauché par un cavalier, les deux personnages tenant un bâton qui supporte une amphore à chacune de ses extrémités, au-dessous du dessin étant écrit en caractères majuscules le mot « arteso ». En revanche, s’agissant de la marque demandée, l’image retenue par les consommateurs est un rectangle vertical qui contient, d’une part, dans sa partie supérieure au fond gris, un triangle contenant lui-même un élément sinueux, au-dessous duquel est écrit le mot « artesa » en lettres dorées majuscules sur fond noir, et, d’autre part, dans sa partie inférieure, l’expression « napa valley », également écrite en lettres dorées majuscules sur fond noir.

41      Dès lors, ainsi que la requérante l’a fait valoir à juste titre, la comparaison visuelle entre les signes en conflit doit être effectuée sur la base de l’ensemble de leurs différents éléments constitutifs, figuratifs et verbaux.

42      Dans ces circonstances, il convient d’analyser la similitude des signes en conflit en fonction de l’impression globale produite par l’ensemble de leurs différents éléments constitutifs et de vérifier si la conclusion à laquelle la chambre de recours est parvenue à l’issue de son examen est affectée par l’erreur qu’elle a commise.

43      Conformément à la jurisprudence, la circonstance selon laquelle les deux marques en conflit comprennent des éléments verbaux similaires ne permet pas, à elle seule, de conclure à l’existence d’une similitude visuelle entre les signes en conflit. La présence dans les signes d’éléments figuratifs ayant une configuration particulière est susceptible d’aboutir à ce que l’impression globale fournie par chaque signe soit différente [voir, en ce sens, arrêts du Tribunal du 9 juillet 2003, Laboratorios RTB/OHMI – Giorgio Beverly Hills (GIORGIO AIRE), T‑156/01, Rec. p. II‑2789, points 73 et 74, et KINJI by SPA, précité, point 48].

44      Certes, comme il a été souligné au point 39 ci-dessus, les signes en conflit présentent d’importantes différences concernant la forme, la taille et la couleur de leurs éléments graphiques qui constituent, s’agissant de la marque antérieure, la représentation en noir et blanc d’un centaure chevauché par un cavalier et, s’agissant de la marque demandée, la représentation en différentes couleurs d’un triangle contenant un élément sinueux et placé dans un rectangle. Néanmoins, malgré ces différences, la comparaison entre lesdits signes révèle une forte similitude entre les éléments verbaux « arteso » et « artesa », qui sont écrits en caractères majuscules semblables, qui sont placés dans une position similaire, au-dessous des éléments graphiques, et dont les seules différences sont la couleur et leur dernière voyelle. En ce qui concerne l’élément verbal « napa valley », étant donné sa position, la taille de ses lettres, plus petites que celles utilisées pour l’élément « artesa », et la faible séparation entre les lettres qui le composent, celui-ci ne se détache que très peu de l’ensemble de la marque demandée et se présente comme un élément secondaire de ladite marque, qui ne saurait jouer un rôle déterminant dans la différentiation sur le plan visuel des signes en conflit. Dès lors, contrairement à ce que prétend la requérante, la présence dans les deux signes de la partie verbale commune « artes » permet de constater un faible degré de similitude sur le plan visuel entre ces marques.

45      Au vu de ce qui précède, le Tribunal considère que les signes en conflit présentent un faible degré de similitude visuelle.

–       Sur la similitude phonétique

46      Du point de vue phonétique, il ne peut être contesté que les éléments verbaux « arteso » et « artesa » figurant dans les deux marques en cause présentent de fortes similitudes. En effet, comme il a déjà été relevé au point 44 ci-dessus, lesdits mots diffèrent seulement par leur dernière voyelle.

47      Cependant, la requérante affirme que la chambre de recours a commis une erreur en n’ayant pas pris en considération, lors de la comparaison phonétique des signes en conflit, l’élément verbal de la marque demandée « napa valley », qui renforcerait les différences entre lesdits signes.

48      À cet égard, il convient de relever que, a priori, l’expression « artesa napa valley » de la marque demandée produit une impression phonétique différente de celle produite par le mot « arteso ».

49      Néanmoins, en l’espèce, l’expression « napa valley » occupe une place secondaire par rapport au mot « artesa » et, en tant qu’élément secondaire de la marque demandée, elle sera écartée par le public pertinent au moment d’énoncer ladite marque. En outre, comme la chambre de recours l’a relevé au point 32 de la décision attaquée, le public pertinent anglophone percevra plutôt cet élément comme une indication de l’origine géographique des produits en question, et non comme un élément distinctif de la marque demandée. De ce fait, il est fort probable que, en se référant à la marque demandée, les consommateurs se limitent à mentionner le mot « artesa » [arrêt du Tribunal du 14 novembre 2007, Castell del Remei/OHMI – Bodegas Roda (CASTELL DEL REMEI ODA), T‑101/06, non publié au Recueil, point 66]. Dès lors, contrairement aux affirmations de la requérante, l’élément verbal « napa valley » n’est pas suffisant pour écarter l’existence de toute similitude phonétique entre les signes en conflit.

50      Eu égard à ce qui précède, il y a lieu de conclure qu’il existe une forte similitude phonétique entre les deux signes en conflit.

–       Sur la similitude conceptuelle

51      Selon la jurisprudence, les différences conceptuelles peuvent être de nature à neutraliser les similitudes visuelles et phonétiques si au moins une des marques en cause a, pour le public pertinent, une signification claire et déterminée, de sorte que ce public est susceptible de la saisir immédiatement [arrêt du Tribunal du 14 octobre 2003, Phillips-Van Heusen/OHMI – Pash Textilvertrieb und Einzelhandel (BASS), T‑292/01, Rec. p. II‑4335, point 54].

52      En l’espèce, comme la chambre de recours l’a relevé au point 34 de la décision attaquée et l’OHMI l’a fait valoir, le mot « arteso » ne possède aucune charge sémantique et le mot « artesa », qui désigne un récipient ayant une forme spécifique pour pétrir le pain, est très peu usité en espagnol, son utilisation étant limitée à un public spécialisé. En outre, le terme « artesa » étant un mot espagnol, celui-ci n’aura aucune signification pour le reste du public pertinent communautaire non hispanophone. Dès lors, le public pertinent, tel qu’il a été défini au point 30 ci‑dessus, n’attribuera pas de contenu conceptuel auxdits éléments verbaux.

53      Contrairement à ce que soutient la requérante, il y a lieu de considérer que l’expression « napa valley » n’est pas suffisante afin d’éviter que le public puisse croire que les produits en cause proviennent de la même entreprise ou d’entreprises liées économiquement. Certes, ainsi qu’il a été relevé au point 49 ci-dessus, l’expression en cause sera perçue comme une indication de l’origine géographique des produits en cause par une partie significative du public pertinent, mais sans que ce dernier attribue au signe un contenu conceptuel particulier.

54      L’argument de la requérante, selon lequel les éléments figuratifs des signes en conflit évoqueraient des concepts différents, ne saurait infirmer cette conclusion. D’une part, la représentation d’un centaure chevauché par un cavalier transportant une perche avec des amphores est allusive des origines mythologiques du vin et fait donc référence au vin et à sa production. Dès lors, le signe évoquera, eu égard au public pertinent, le vin, mais sans que cette évocation constitue une signification claire et déterminée pour le public pertinent qui puisse être de nature à établir une différence conceptuelle entre les deux signes.

55      D’autre part, s’agissant de la marque demandée, la stylisation de l’élément graphique rend difficile la transmission d’un contenu conceptuel et, surtout que celui-ci soit clairement perçu par le consommateur moyen. Dès lors, il n’est pas possible de conclure que la marque demandée fait allusion, dans l’impression d’ensemble qu’elle produit, à une idée de modernité qui sera immédiatement perçue par le public concerné.

56      Compte tenu de ce qui précède, il y a lieu de conclure que, sur le plan conceptuel, les consommateurs ne relèveront, eu égard aux signes en cause, aucune connotation sémantique particulière leur permettant d’établir une différence ou une similitude entre les deux signes.

 Sur l’appréciation globale du risque de confusion

57      L’appréciation globale du risque de confusion implique une certaine interdépendance entre les facteurs pris en compte et, notamment, la similitude des marques et celle des produits ou des services désignés. Ainsi, un faible degré de similitude entre les produits ou les services désignés peut être compensé par un degré élevé de similitude entre les marques, et inversement [voir, par analogie, arrêt de la Cour du 29 septembre 1998, Canon, C‑39/97, Rec. p. I‑5507, point 17, et arrêt du Tribunal du 14 décembre 2006, Mast-Jägermeister/OHMI – Licorera Zacapaneca (VENADO avec cadre e.a.), T‑81/03, T‑82/03 et T‑103/03, Rec. p. II‑5409, point 74].

58      En l’espèce, la chambre de recours a considéré que les signes comparés possédaient un certain degré de similitude sur le plan visuel et étaient similaires sur le plan phonétique et a donc conclu, au vu de l’identité des produits en cause, qu’il existait un risque de confusion entre les deux marques.

59      En revanche, la requérante considère que les signes présentent d’importantes différences graphiques et que, étant donné l’importance de l’aspect visuel des signes dans le secteur des produits en cause, les marques en conflit peuvent « coexister pacifiquement » sur le marché.

60      À cet égard, il y a lieu de préciser que, dans le cadre de l’appréciation globale du risque de confusion, les aspects visuel, phonétique ou conceptuel des signes en conflit n’ont pas toujours le même poids et il importe alors d’analyser les conditions objectives dans lesquelles les marques peuvent se présenter sur le marché [arrêt du Tribunal du 6 octobre 2004, New Look/OHMI – Naulover (NLSPORT, NLJEANS, NLACTIVE et NLCollection), T‑117/03 à T‑119/03 et T‑171/03, Rec. p. II‑3471, point 49].

61      En effet, l’importance des éléments de similitude ou de différence entre les signes en conflit peut dépendre, notamment, des caractéristiques intrinsèques de ceux-ci ou des conditions de commercialisation des produits ou des services que ceux-ci désignent. Si les produits désignés par les marques en cause sont normalement vendus dans des magasins où le consommateur choisit lui-même le produit et doit, dès lors, se fier principalement à l’image de la marque appliquée sur ce produit, une similitude visuelle des signes sera, en règle générale, d’une plus grande importance (arrêts NLSPORT, NLJEANS, NLACTIVE et NLCollection, précité, point 49, et el charcutero artesano, précité, point 80). Si, en revanche, le produit est surtout vendu oralement, il sera normalement attribué plus de poids à une similitude phonétique des signes [arrêt du Tribunal du 8 février 2007, Quelle/OHMI – Nars Cosmetics (NARS), T‑88/05, non publié au Recueil, point 68].

62      Dans le secteur des vins, à la différence des boissons non alcooliques visées dans l’arrêt KINJI by SPA, précité (points 57 et 58), les consommateurs de ces produits sont habitués à les désigner et à les reconnaître en fonction de l’élément verbal qui sert à les identifier, en particulier dans les bars ou les restaurants, dans lesquels les vins sont commandés oralement après avoir vu leur nom sur la carte [arrêts du Tribunal du 13 juillet 2005, Murúa Entrena/OHMI – Bodegas Murúa (Julián Murúa Entrena), T‑40/03, Rec. p. II‑2831, point 56, et du 12 mars 2008, Sebirán/OHMI – El Coto De Rioja (Coto D’Arcis), T‑332/04, non publié au Recueil, point 38]. Dès lors, en l’espèce, il convient d’attacher une importance particulière à la similitude phonétique entre les signes en cause.

63      En l’espèce, il a été constaté que les produits en cause concernés par les deux marques, à savoir les vins, sont identiques et que les signes présentent une forte similitude phonétique ainsi qu’une faible similitude visuelle. Dans ces circonstances, le Tribunal considère que, au vu de la façon dont les consommateurs désignent les produits en cause, et, partant, de l’importance à accorder à la similitude phonétique, il existe un risque de confusion entre les deux signes au sens de l’article 8, paragraphe 1, sous b), du règlement n° 40/94.

64      Par ailleurs, le fait que les produits visés par la marque demandée soient produits, tel qu’indiqué sur ladite marque, dans la vallée du Napa (Napa valley) ne saurait empêcher l’existence d’un risque de confusion. Conformément à la jurisprudence, il peut exister un risque de confusion même lorsque, pour le public, les produits en cause ont des lieux de production différents [arrêt Canon, précité, points 29 et 30, et arrêt du Tribunal du 8 décembre 2005, Castellblanch/OHMI – Champagne Roederer (CRISTAL CASTELLBLANCH) T‑29/04, Rec. p. II‑5309, point 52].

65      Par conséquent, il y a lieu de rejeter le moyen et, dès lors, le recours dans son ensemble.

 Sur les dépens

66      Aux termes de l’article 87, paragraphe 2, du règlement de procédure du Tribunal, toute partie qui succombe est condamnée aux dépens, s’il est conclu en ce sens. La requérante ayant succombé, il y a lieu de la condamner aux dépens, conformément aux conclusions de l’OHMI et de l’intervenante.

Par ces motifs,

LE TRIBUNAL (deuxième chambre)

déclare et arrête :

1)      Le recours est rejeté.

2)      Codorniu Napa, Inc. est condamnée aux dépens.

Pelikánová

Jürimäe

Soldevila Fragoso

Ainsi prononcé en audience publique à Luxembourg, le 23 novembre 2010.

Signatures


* Langue de procédure : l’espagnol.