Language of document : ECLI:EU:T:2022:686

ARRÊT DU TRIBUNAL (première chambre)

9 novembre 2022 (*)

« Fonction publique – Agents contractuels – Pensions – Droits à pension acquis avant l’entrée au service de l’Union – Transfert au régime de l’Union – Bonification d’annuités – Demande de restitution du montant des droits à pension nationaux transférés – Rejet de la demande – Règle du “minimum vital” – Enrichissement sans cause – Égalité de traitement »

Dans l’affaire T‑604/21,

WP,

WQ,

WR,

représentés par Me N. de Montigny, avocate,

parties requérantes,

contre

Commission européenne, représentée par M. B. Mongin et Mme M. Brauhoff, en qualité d’agents,

partie défenderesse,

LE TRIBUNAL (première chambre),

composé, lors des délibérations, de M. H. Kanninen, président, Mmes O. Porchia (rapporteure) et M. Stancu, juges,

greffier : M. L. Ramette, administrateur,

vu la phase écrite de la procédure,

à la suite de l’audience du 15 juillet 2022,

rend le présent

Arrêt

1        Par leur recours fondé sur l’article 270 TFUE, les requérants, WP, WQ et WR, en qualité d’ayants droit de A, demandent l’annulation de la décision de l’Office « Gestion et liquidation des droits individuels » (PMO) de la Commission européenne du 16 novembre 2020 (ci-après la « décision attaquée ») rejetant la demande de restitution des droits à pension nationaux acquis par cette personne avant son décès et transférés vers le régime des pensions des institutions de l’Union européenne (ci-après le « RPIUE ») ainsi que l’annulation de la décision de la Commission du 15 juin 2021 rejetant la réclamation présentée par ladite personne (ci-après la « décision de rejet de la réclamation »), au titre de l’article 90 du statut des fonctionnaires de l’Union européenne (ci-après le « statut »).

 Antécédents du litige

2        Après avoir travaillé en qualité d’agent auxiliaire puis d’agent intérimaire à la Commission, A y a travaillé en qualité d’agent contractuel du 1er août 2005 au 1er août 2020. En cette dernière qualité, il a cotisé au RPIUE.

3        Le 29 mars 2010, il a fait une demande de transfert vers le RPIUE de ses droits à pension acquis dans le cadre du régime de pension [confidentiel] (1) préalablement à son entrée au service de la Commission (ci-après les « droits à pension [confidentiel] »).

4        Par note du 10 octobre 2011, A a reçu le calcul provisoire des annuités pour le transfert de tels droits, soit 14 années, 4 mois et 4 jours, et, le 4 novembre 2011, il a donné son accord sur un tel calcul ainsi que sur le transfert de ses droits à pension [confidentiel], à savoir 110 906,93 euros, vers le RPIUE. Par note du 13 juin 2012, le PMO de la Commission lui a indiqué que le capital correspondant à ces droits avait été transféré et qu’il lui donnait droit aux annuités indiquées.

5        Le 4 juin 2020, ledit PMO a adressé à A un avis de fixation de ses droits à pension d’ancienneté avec effet au 1er août 2020, date de sa mise à la retraite. Il lui a indiqué que ses droits à pension s’élevaient à 60 % du salaire d’un AST 01, échelon 1, et que ses droits correspondaient au minimum vital prévu à l’article 77, quatrième alinéa, du statut.

6        Le 14 septembre 2020, A a demandé la restitution de ses droits à pension [confidentiel], augmentés des intérêts acquis sur ces droits.

7        Le 16 novembre 2020, le PMO de la Commission a pris la décision attaquée.

8        A a introduit, au titre de l’article 90, paragraphe 2, du statut, une réclamation contre cette décision le 15 février 2020, qui a été enregistrée par la Commission le 22 février suivant (ci-après la « réclamation »).

9        Le [confidentiel], A est décédé.

10      Le 15 juin 2021, l’autorité habilitée à conclure les contrats d’engagement de la Commission (ci-après l’« AHCC ») a pris la décision de rejet de la réclamation.

 Conclusions des parties

11      Les requérants concluent à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        annuler la décision attaquée ainsi que, pour autant que de besoin, la décision de rejet de la réclamation ;

–        condamner la Commission aux dépens.

12      La Commission conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        rejeter le recours comme étant irrecevable et, en tout état de cause, comme étant non fondé ;

–        condamner les requérants aux dépens.

 En droit

 Sur la recevabilité

13      La Commission invoque l’irrecevabilité du présent recours au motif que les requérants ne justifient pas d’un intérêt à agir.

14      Elle soutient premièrement que A a perçu une pension d’ancienneté en application de l’article 77, quatrième alinéa, du statut, qui serait supérieure à celle résultant du deuxième alinéa de cet article avec le transfert des droits à pension [confidentiel] vers le RPIUE. Les requérants ne rapporteraient pas la preuve que le patrimoine de A a été appauvri.

15      Deuxièmement, l’existence d’un éventuel enrichissement sans cause serait sans incidence sur le droit à des pensions de survie et d’orphelin auxquelles les requérants pourraient prétendre, ces pensions étant calculées sur la base du minimum vital auquel A pouvait prétendre, avec ou sans enrichissement sans cause.

16      Troisièmement, même si l’enrichissement sans cause était établi et le capital correspondant au transfert des droits à pension [confidentiel] était remboursé, les requérants ne démontreraient pas que ce capital tomberait dans le patrimoine de A ainsi que dans sa succession, ni qu’il ne serait pas versé au profit du fonds de pension national dont ce capital provient.

17      Quatrièmement, les requérants n’indiqueraient pas que, à défaut de transfert des droits à pension [confidentiel], ils auraient bénéficié d’une pension nationale de survie ou d’orphelin.

18      La Commission ajoute que la jurisprudence invoquée par les requérants ne démontre pas leur intérêt à agir, mais leur qualité pour agir.

19      À cet égard, selon la jurisprudence constante de la Cour, un recours en annulation intenté par une personne physique ou morale n’est recevable que dans la mesure où cette dernière a un intérêt à voir annuler l’acte attaqué. Un tel intérêt suppose que l’annulation de cet acte soit susceptible, par elle-même, d’avoir des conséquences juridiques et que le recours puisse ainsi, par son résultat, procurer un bénéfice à la partie qui l’a intenté (arrêts du 4 juin 2015, Andechser Molkerei Scheitz/Commission, C‑682/13 P, non publié, EU:C:2015:356, point 25 ; du 17 septembre 2015, Mory e.a./Commission, C‑33/14 P, EU:C:2015:609, point 55, et ordonnance du 6 avril 2017, Proforec/Commission, C‑176/16 P, non publiée, EU:C:2017:290, point 32).

20      Selon cette jurisprudence, il appartient à la partie requérante d’apporter la preuve de son intérêt à agir, qui constitue la condition essentielle et première de tout recours en justice (voir, en ce sens, arrêt du 17 septembre 2015, Mory e.a./Commission, C‑33/14 P, EU:C:2015:609, point 58). En particulier, pour qu’un recours en annulation d’un acte, présenté par une personne physique ou morale, soit recevable, il faut que la partie requérante justifie de façon pertinente l’intérêt que présente pour elle l’annulation de cet acte (arrêt du 4 juin 2015, Andechser Molkerei Scheitz/Commission, C‑682/13 P, non publié, EU:C:2015:356, points 26 à 28, et ordonnance du 6 avril 2017, Proforec/Commission, C‑176/16 P, non publiée, EU:C:2017:290, points 33 et 34).

21      En l’espèce, il ne peut être valablement contesté que A avait, avant son décès, intérêt à agir contre la décision attaquée. En effet, par la procédure engagée par lui, il cherchait, en plus du bénéfice de sa pension d’ancienneté calculée à partir du minimum vital prévu à l’article 77, quatrième alinéa, du statut, à récupérer les sommes correspondant aux droits à pension [confidentiel] transférés vers le RPIUE.

22      Or, si l’issue de ladite procédure, qui s’est terminée par la décision de rejet de la réclamation, laquelle avait été formée par A, avant son décès, peut avoir des effets sur le patrimoine de cette personne, les requérants, en qualité d’ayants droit de celle-ci, ont aussi un intérêt à agir, comme ils le relèvent à juste titre. En effet, cette procédure est susceptible, par son résultat, de leur procurer un bénéfice, en leur permettant notamment de récupérer, dans le cadre de la succession, les sommes dont A revendiquait avoir droit avant son décès.

23      Il importe d’ajouter que les arguments de la Commission ne permettent pas de démontrer l’irrecevabilité du présent recours.

24      D’une part, certains arguments ont trait au fond du litige en ce qu’ils ne se distinguent pas de la question de l’existence de l’enrichissement sans cause ou de celle de l’évaluation du préjudice. À l’audience, la Commission a d’ailleurs admis, en réponse à une question du Tribunal, que, si l’enrichissement sans cause était établi, il y aurait certainement un intérêt à agir des requérants.

25      De plus, la question de savoir si les sommes que A avait demandées avant son décès seront récupérées sous la forme d’un versement en capital ou sous une autre forme telle qu’une pension nationale d’ancienneté vise les conditions d’exécution de la décision mettant fin définitivement à la présente procédure et non la démonstration de l’absence d’intérêt à agir des requérants.

26      D’autre part, les autres arguments de la Commission sont étrangers à la présente affaire en ce qu’ils visent la question de savoir si les héritiers peuvent, par ailleurs, bénéficier d’une pension de survie ou d’orphelin au niveau européen ou au niveau national.

27      Il convient donc de rejeter la fin de non-recevoir soulevée par la Commission.

 Sur le fond

28      À l’appui de leur recours, les requérants invoquent deux moyens, le premier étant tiré de l’enrichissement sans cause et, le second, de la violation du principe d’égalité de traitement.

 Sur le premier moyen

29      Tout d’abord, pour ce qui concerne l’enrichissement, les requérants soutiennent que, à défaut de disposition statutaire expresse, les sommes correspondant aux droits à pension [confidentiel]conduisent à un enrichissement sans cause de l’Union. La base légale relative au transfert des droits à pension nationaux vers le RPIUE invoquée par la Commission ne serait pas pertinente. La règle de l’irrévocabilité permettrait à l’Union de s’enrichir dans l’éventualité où il s’avérerait, au moment de la fixation des droits à pension, que le patrimoine de l’agent se verrait appauvri, alors que, en principe, le transfert des droits à pension nationaux vers le RPIUE avait vocation à lui faire bénéficier de plus de droits à pension.

30      Les requérants soulignent que A a obtenu la confirmation, seulement lors de la réception de l’avis de fixation de ses droits à pension le 4 juin 2020, que le transfert des droits à pension [confidentiel] d’un montant de 110 906,93 euros n’avait aucune incidence, aucun intérêt ni aucune contrepartie sur le montant finalement alloué au titre de sa pension d’ancienneté. L’Union se serait donc enrichie dudit montant.

31      Les requérants précisent que c’est seulement au moment du calcul des droits à pension qu’il est possible de déterminer s’il y a une contrepartie à l’appauvrissement réalisé par le transfert des droits à pension nationaux vers le RPIUE. Ils invoquent, à cet égard, l’arrêt du 18 septembre 2018, Barroso Truta e.a./Cour de justice de l’Union européenne (T‑702/16 P, EU:T:2018:557), pour soutenir que c’est en application d’un tel arrêt qu’un des requérants dans l’affaire y relative s’est vu octroyer, par le juge de l’Union, la restitution du montant du capital de ses droits à pension nationaux, auquel des intérêts à compter de la date du transfert auraient été ajoutés.

32      Les requérants indiquent aussi que les montants correspondant aux droits à pension nationaux ayant été transférés dans le RPIUE, et non sur un fonds de pension, dès la décision de transfert de ces droits, la Commission ne pourrait scinder les étapes du calcul des droits à pension en appliquant, d’abord, le mécanisme du transfert avec sa contrepartie en termes d’annuités et, ensuite, en fin de carrière, les dispositions relatives au minimum vital.

33      Ensuite, pour ce qui concerne l’appauvrissement de A corrélatif à l’enrichissement de l’Union, les requérants soutiennent qu’il est évident qu’il ne peut y avoir de remboursement des droits à pension nationaux transférés du RPIUE vers le régime de pension national, ce dernier ne pouvant se voir imposer de reconstituer un régime de pension déjà clôturé. Pour ce qui est de la preuve de l’impact sur les droits à pension [confidentiel]ou dans le cadre du RPIUE, les requérants considèrent qu’il s’agit d’une question subsidiaire si les sommes ne leur étaient pas restituées.

34      Enfin, les requérants ajoutent qu’il ne peut être reproché à A d’avoir commis une quelconque faute lui-même.

35      La Commission conteste l’argumentation des requérants.

36      À cet égard, en premier lieu, il importe de souligner que l’action fondée sur l’enrichissement sans cause telle qu’elle est prévue dans la plupart des systèmes juridiques nationaux ne contient pas de condition tenant à une illégalité ou à une faute dans le comportement de la partie défenderesse [arrêt du 16 décembre 2008, Masdar (UK)/Commission, C‑47/07 P, EU:C:2008:726, point 45].

37      Selon la jurisprudence, une action en restitution fondée sur l’enrichissement sans cause de l’Union exige, pour être accueillie, la réunion de deux conditions, à savoir la preuve, d’une part, d’un enrichissement sans base légale valable de l’Union et, d’autre part, d’un appauvrissement du demandeur lié audit enrichissement (voir arrêt du 3 juillet 2018, Transtec/Commission, T‑616/15, EU:T:2018:399, point 156 et jurisprudence citée).

38      En l’espèce, les requérants n’ont à aucun moment contesté le montant de la pension d’ancienneté calculée sur la base du minimum vital ni même l’existence de la règle de l’irrévocabilité du transfert des droits à pension nationaux vers le RPIUE. Au demeurant, à l’audience, ils ont aussi précisé qu’ils n’invoquaient pas d’illégalité des dispositions en vertu desquelles la pension d’ancienneté de A a été calculée.

39      S’agissant de la première condition visée au point 37 ci-dessus, selon laquelle le droit à restitution de la part de la personne enrichie est subordonné à l’absence de fondement juridique de l’enrichissement en cause [arrêts du 16 décembre 2008, Masdar (UK)/Commission, C‑47/07 P, EU:C:2008:726, point 46, et du 3 juillet 2018, Transtec/Commission, T‑616/15, EU:T:2018:399, point 157], il y a lieu de rappeler que, aux termes de l’article 39, paragraphes 1 et 2, du régime applicable aux autres agents de l’Union européenne (ci-après le « RAA ») :

« 1.      Lors de la cessation de ses fonctions, l’agent visé à l’article 2 a droit à la pension d’ancienneté, au transfert de l’équivalent actuariel ou au versement de l’allocation de départ dans les conditions prévues au titre V, chapitre 3, du statut et à l’annexe VIII du statut. Lorsque l’agent a droit à une pension d’ancienneté, ses droits à pension sont réduits proportionnellement au montant des versements effectués en vertu de l’article 42.

2.      L’article 11, paragraphes 2 et 3, de l’annexe VIII du statut s’applique par analogie aux agents au sens de l’article 2 du présent régime. »

40      A ayant cotisé au RPIUE en qualité d’agent contractuel au sens du RAA, il convenait donc, en vertu de l’article 39 du statut, de lui appliquer les dispositions relatives à ses droits à pension dans les conditions prévues au titre V, chapitre 3, du statut et à l’annexe VIII du statut.

41      L’article 77 du statut, figurant au titre V, chapitre 3, de celui-ci, dispose :

« Le fonctionnaire qui a accompli au moins dix années de service a droit à une pension d’ancienneté. Toutefois, il a droit à cette pension sans condition de durée de service s’il a dépassé l’âge de la retraite, s’il n’a pu être réintégré au cours d’une période de disponibilité, ou en cas de retrait d’emploi dans l’intérêt du service.

Le montant maximum de la pension d’ancienneté est fixé à 70 % du dernier traitement de base afférent au dernier grade dans lequel le fonctionnaire a été classé pendant au moins un an. 1,80 % de ce dernier traitement de base est acquis au fonctionnaire pour chaque année de service calculée conformément à l’article 3 de l’annexe VIII.

[...]

Le montant de la pension d’ancienneté ne peut être inférieur à 4 % du minimum vital par année de service. »

42      Aux termes de l’article 2 de l’annexe VIII du statut, la pension d’ancienneté est liquidée sur la base du nombre total d’annuités acquises par le fonctionnaire, lesquelles comprennent à la fois les années de service dans l’Union et au niveau national. En effet, aux termes de l’article 11, paragraphe 2, de cette annexe, le fonctionnaire qui entre au service de l’Union après avoir cessé ses activités auprès d’une administration, d’une organisation nationale ou internationale ou après avoir exercé une activité salariée ou non salariée a la faculté, entre le moment de sa titularisation et le moment où il obtient le droit à une pension au sens de l’article 77 du statut, de faire verser à l’Union le capital, actualisé jusqu’à la date du transfert effectif, représentant les droits à pension qu’il a acquis au titre des activités visées ci-dessus.

43      L’article 6 de l’annexe VIII du statut prévoit que le minimum vital pris en considération pour le calcul des prestations correspond au traitement de base d’un fonctionnaire au premier échelon du grade AST 1.

44      En l’espèce, pour ce qui concerne le calcul du taux de la pension de A, avant son décès, il n’est pas contesté que, conformément aux dispositions de l’article 11, paragraphe 2, de l’annexe VIII du statut, celui-ci avait demandé le transfert de ses droits à pension [confidentiel] vers le RPIUE et que de tels droits correspondaient à un capital de 110 906,93 euros, dont il est constant qu’il a été bonifié en annuités à hauteur de 14 années, 4 mois et 4 jours pour le calcul de la pension d’ancienneté au titre de l’article 77, deuxième alinéa, du statut.

45      Or, il ressort de l’avis de fixation des droits à pension d’ancienneté tel que communiqué par la décision du PMO de la Commission le 4 juin 2020 que A s’est vu octroyer une pension d’ancienneté calculée sur la base du minimum vital prévu à l’article 77, quatrième alinéa, du statut.

46      Il résulte de ce calcul que le montant de ladite pension octroyée s’élève à 1 787,84 euros, soit un montant supérieur à celui de la pension d’ancienneté que A aurait perçue si elle avait été calculée sur le fondement de l’article 77, deuxième alinéa, du statut.

47      Comme il ressort du même avis de fixation des droits à pension d’ancienneté, établi en application des dispositions de l’article 77 du statut, ainsi que de l’article 6 et de l’article 11, paragraphe 2, de l’annexe VIII de ce même statut, le montant de la pension d’ancienneté octroyée ne prend pas en compte les droits à pension [confidentiel] transférés vers le RPIUE. Le calcul effectué en l’espèce est fondé sur le traitement de base d’un AST 1, échelon 1, multiplié par le coefficient de 4 % et par le nombre d’années passées au service de l’Union, à savoir 15 annuités.

48      La pension d’ancienneté de A ayant ainsi été calculée conformément aux dispositions en vigueur, dont la légalité n’a pas été remise en cause par les requérants, l’absence de base légale ne saurait être valablement invoquée en l’espèce.

49      Les arguments des requérants ne permettent pas davantage de démontrer l’existence d’un enrichissement sans base légale de la Commission.

50      En effet, en premier lieu, s’agissant de la décision du 3 mars 2011 relative aux dispositions générales d’exécution des articles 11 et 12 de l’annexe VIII du statut relatifs au transfert des droits à pension (ci-après les « DGE ») que les requérants invoquent, il importe de souligner que, lorsque A a donné son accord sur le transfert des droits à pension, les DGE avaient été adoptées.

51      À cet égard, il importe de rappeler que, selon la jurisprudence, les dispositions générales d’exécution adoptées dans le cadre de l’article 110, premier alinéa, du statut peuvent fixer des critères aptes à guider l’administration dans l’exercice de son pouvoir discrétionnaire ou à préciser la portée des dispositions statutaires manquant de clarté (arrêts du 14 décembre 1990, Brems/Conseil, T‑75/89, EU:T:1990:88, point 29, et du 8 juillet 2010, Commission/Putterie-De-Beukelaer, T‑160/08 P, EU:T:2010:294, point 99). En revanche, ces dispositions générales d’exécution ne sauraient légalement, par le biais de la précision d’un terme statutaire clair, notamment prévoir des règles qui dérogeraient aux dispositions du statut et du RAA (voir, en ce sens, arrêts du 14 décembre 1990, Brems/Conseil, T‑75/89, EU:T:1990:88, point 29, et du 8 juillet 2015, DP/ACER, F‑34/14, EU:F:2015:82, point 54 et jurisprudence citée).

52      Pour ce qui concerne les DGE, l’article 11, paragraphe 2, deuxième alinéa, de l’annexe VIII du statut a prévu leur adoption par l’autorité investie du pouvoir de nomination de l’institution où le fonctionnaire est en service pour déterminer, en cas de transfert de droits à pension nationaux, les conditions applicables au calcul du nombre des annuités à prendre en compte pour la pension d’ancienneté au sens de l’article 77, deuxième alinéa, du statut.

53      Il a été déjà jugé que la méthode de calcul du nombre d’annuités à prendre en considération dans le régime de pension, à la suite du transfert de droits à pension nationaux, doit être fondée sur les paramètres indiqués à l’article 11, paragraphe 2, de l’annexe VIII du statut, à savoir le traitement de base de chaque fonctionnaire, son âge et le taux de change à la date de la demande du transfert (voir, en ce sens, arrêt du 13 octobre 2015, Teughels/Commission, T‑131/14 P, EU:T:2015:778, point 31).

54      Dans ce cadre, si les annuités à prendre en compte tendent à concourir à la détermination de la pension d’ancienneté au sens de l’article 77, deuxième alinéa, du statut, le transfert des droits à pension nationaux n’a, en revanche, aucune incidence sur la période de service prise en compte aux fins de l’ouverture du droit à une pension d’ancienneté auprès de l’Union, prévue par l’article 77, premier alinéa, du statut (voir, en ce sens, arrêt du 23 mars 2022, Necci/Commission, T‑129/19 RENV, non publié, EU:T:2022:158, point 49). En effet, la notion d’« années de service » mentionnée audit alinéa, qui ne renvoie pas, contrairement au deuxième alinéa du même article, à d’autres dispositions du statut, inclut seulement les dix années de service effectif acquises auprès des institutions de l’Union. Au demeurant, l’article 8, paragraphe 3, des DGE précise que les annuités à prendre en compte à la suite du transfert de droits à pension nationaux ne doivent pas être prises en compte pour la détermination de ce nombre minimal.

55      Or il ne peut qu’en être de même pour le calcul de la pension d’ancienneté sur la base du minimum vital, qui est octroyée dans le cadre du régime des pensions de l’Union fondé sur le principe de solidarité. En effet, rien ne permet non plus de considérer, à la lumière tant du libellé que de l’économie des dispositions du statut et de celles de l’annexe VIII à celui-ci, mais aussi à la lumière du silence gardé sur ce point par les DGE, que serait erronée l’interprétation que la Commission a effectuée desdites dispositions en ne prenant pas en compte les annuités correspondant aux droits à pension [confidentiel] pour le calcul de la pension d’ancienneté sur la base du minimum vital pour A. Les requérants n’ont d’ailleurs pas contesté cette interprétation ni même soutenu que la prise en compte des annuités pour le calcul de la pension sur la base du minimum vital aurait dû être opérée, ce qui ne saurait démontrer alors l’absence de base légale.

56      En deuxième lieu, s’agissant de l’arrêt du 18 septembre 2018, Barroso Truta e.a./Cour de justice de l’Union européenne (T‑702/16 P, EU:T:2018:557), dont les requérants invoquent le point 106, il convient de souligner que, dans cette affaire, n’était pas en cause une demande fondée sur l’enrichissement sans cause, mais une demande d’indemnisation d’un éventuel préjudice résultant d’une information insuffisante fournie aux parties requérantes par l’AHCC lors de la transmission des propositions de bonification d’annuités les concernant. Dans ladite affaire, le Tribunal s’est limité à constater l’absence de préjudice réel et certain, ce qui l’a conduit à rejeter le pourvoi formé devant lui (arrêt du 1er décembre 2021, KY/Cour de justice de l’Union européenne, T‑433/20, non publié, sous pourvoi, EU:T:2021:840, point 50). Ce n’est qu’à titre incident et en des termes particulièrement prudents que le Tribunal a ajouté, au point 106 de l’arrêt du 18 septembre 2018, Barroso Truta e.a./Cour de justice de l’Union européenne (T‑702/16 P, EU:T:2018:557), qu’il ne saurait être exclu que le refus d’une institution de restituer, à l’intéressé, la partie du capital de ses droits à pension nationaux transféré vers le régime de pensions de l’Union dont il ne sera pas tenu compte lors de la liquidation des droits à pension de celui-ci puisse conduire à une appropriation injustifiée, par cette institution, d’une partie des droits à pension nationaux liquidés au titre du transfert, lesquels appartiennent en effet à l’agent concerné, et, donc, un enrichissement sans cause au profit de l’Union.

57      En troisième lieu, s’agissant de l’argument selon lequel ce n’est qu’au stade de la fixation finale des droits à pension que A a su si le transfert des droits à pension nationaux était avantageux et qu’il n’avait pas pu valablement consentir à l’obligation de s’appauvrir, il convient de relever que l’information que ce dernier a reçue lors de sa décision d’accepter le transfert des droits à pension [confidentiel], avec l’indication des différentes dispositions applicables qui serviraient au calcul de sa pension d’ancienneté, y compris le caractère irrévocable du transfert et  l’importance de « vérifier l’évolution du montant de [s]a pension avec ou sans transfert », est sans pertinence pour la démonstration en tant que telle de l’enrichissement sans cause.

58      Il importe d’ajouter que, comme l’a relevé à juste titre la Commission, lorsque A a donné son accord au transfert des droits à pension [confidentiel] vers le RPIUE, la totalité du capital de ces droits a été bonifiée en annuités, lesquelles ont été prises en compte pour calculer le montant de la pension d’ancienneté que cette personne devait toucher sans l’application de la règle du minimum vital. Le fait que ces droits aient été transférés vers le RPIUE et non un fonds de pension est sans pertinence pour cette bonification et cette prise en compte pour la détermination de la pension d’ancienneté calculée sur la base de l’article 77, deuxième alinéa, du statut et de celle calculée sur la base de la règle du minimum vital prévue au quatrième alinéa dudit article 77.

59      En quatrième lieu, l’accord au transfert des droits à pension [confidentiel] ayant été donné dans le cadre des dispositions applicables du statut et du RAA, il ne saurait être assimilé, contrairement à ce que soutiennent les requérants, au consentement d’un preneur d’assurance, le régime des pensions d’ancienneté de l’Union étant régi par des règles propres.

60      Comme le fait valoir la Commission à juste titre, le transfert n’est pas un droit, mais une faculté, et il ne s’opère pas par contrat.

61      Il résulte de ce qui précède que la première condition pour démontrer l’enrichissement sans cause n’est pas remplie et qu’il n’y a pas lieu d’examiner si la seconde condition visée au point 37 ci-dessus l’est.

62      Il convient en conséquence de rejeter le premier moyen comme étant non fondé.

 Sur le second moyen

63      Invoquant l’article 20 de la charte des droits fondamentaux de l’Union européenne (ci-après la « Charte ») et le principe d’égalité de traitement entre les agents et les fonctionnaires, les requérants soutiennent qu’un agent contractuel de la Cour de justice de l’Union européenne, se trouvant dans une situation comparable à celle de A, a bénéficié d’une restitution de ses droits à pension nationaux transférés vers le RPIUE et qu’il n’existe aucune disposition légale sur laquelle l’AHCC pourrait fonder l’inégalité de traitement de A. La jurisprudence invoquée par cette autorité ne serait pas pertinente en l’espèce, dès lors qu’elle viserait soit une disposition générale d’exécution prétendument illégale, soit une application de règles différentes à deux situations prétendument similaires. Elle viserait une situation différente de la présente affaire, concernant une décision de non-promotion qui fait l’objet d’un encadrement statutaire à mettre en œuvre au travers des dispositions d’exécution propres à chaque institution. La Commission ne pourrait pas se prévaloir d’une certaine autonomie d’application du statut ainsi que d’une marge d’appréciation.

64      En tout état de cause, toute différence de traitement devrait pouvoir être objectivement justifiée et l’AHCC n’aurait pas démontré en quoi un agent contractuel de la Cour de justice de l’Union européenne et un agent contractuel de la Commission devraient recevoir un traitement différent, alors que les mêmes dispositions statutaires s’appliquent à eux. Les requérants relèvent que les DGE ne sont pas différentes de celles de la Cour de justice de l’Union européenne et que le RPIUE est un régime de pension fondé sur une dynamique identique pour tous les agents et les fonctionnaires de l’Union. Il s’agirait de traiter tous les agents de l’Union de la même manière, indépendamment de la qualité de l’institution qui les emploie.

65      La Commission conteste l’argumentation des requérants.

66      À cet égard, il convient de rappeler la jurisprudence constante de la Cour selon laquelle l’égalité en droit, énoncée à l’article 20 de la Charte, est un principe général du droit de l’Union qui exige que des situations comparables ne soient pas traitées de manière différente et que des situations différentes ne soient pas traitées de manière égale, à moins qu’une différenciation ne soit objectivement justifiée (voir arrêt du 14 juillet 2022, Commission/VW e.a., C‑116/21 P à C‑118/21 P, C‑138/21 P et C‑139/21 P, point 95 et jurisprudence citée).

67      L’exigence tenant au caractère comparable des situations, afin de déterminer l’existence d’une violation du principe d’égalité de traitement, doit être appréciée au regard de l’ensemble des éléments qui les caractérisent et, notamment, à la lumière de l’objet et du but poursuivi par l’acte qui institue la distinction en cause, étant entendu qu’il doit être tenu compte, à cet effet, des principes et des objectifs du domaine dont relève cet acte. Pour autant que les situations ne sont pas comparables, une différence de traitement des situations concernées ne viole pas l’égalité en droit consacrée à l’article 20 de la Charte (voir arrêt du 14 juillet 2022, Commission/VW e.a., C‑116/21 P à C‑118/21 P, C‑138/21 P et C‑139/21 P, EU:C:2022:557, point 96 et jurisprudence citée).

68      Or, en l’espèce, les requérants n’ont pas indiqué en quoi A aurait été dans une situation comparable à celle de l’agent qui aurait obtenu la restitution de ses droits à pension nationaux par la Cour de justice de l’Union européenne et dont ils entendent se prévaloir. Leurs arguments reposent à cet égard sur de simples affirmations non étayées. Ils n’apportent pas d’éléments permettant de connaître les raisons pour lesquelles la Cour de justice de l’Union européenne aurait accepté la restitution dudit capital.

69      Au surplus, il ressort de la jurisprudence que les mesures adoptées par une institution de l’Union en faveur d’un groupe de personnes déterminé constituent, en l’absence de toute obligation juridique résultant du statut, des mesures qui ne sauraient être invoquées à l’appui d’un moyen tiré de la violation du principe d’égalité de traitement à l’égard d’une autre institution (voir arrêt du 16 septembre 2009, Boudova e.a./Commission, T‑271/08 P, EU:T:2009:339, point 37 et jurisprudence citée).

70      Or, en l’espèce, les requérants n’apportent pas davantage la preuve que la Cour de justice de l’Union européenne aurait procédé au remboursement des droits à pension nationaux transférés à un de ces agents sur le fondement d’une obligation résultant du statut ni même qu’elle s’est considérée comme étant soumise à une obligation juridique résultant du statut. En l’absence d’une telle preuve, il ne saurait être conclu à une violation du principe d’égalité de traitement en l’espèce.

71      Il convient en conséquence de rejeter le second moyen comme étant non fondé.

72      Il résulte de tout ce qui précède que le recours doit être rejeté.

 Sur les dépens

73      Aux termes de l’article 134, paragraphe 1, du règlement de procédure du Tribunal, toute partie qui succombe est condamnée aux dépens, s’il est conclu en ce sens. Les requérants ayant succombé, il y a lieu de les condamner aux dépens, conformément aux conclusions de la Commission.

Par ces motifs,

LE TRIBUNAL (première chambre)

déclare et arrête :

1)      Le recours est rejeté.

2)      WP, WQ et WRsont condamnés aux dépens.

Kanninen

Porchia

Stancu

Ainsi prononcé en audience publique à Luxembourg, le 9 novembre 2022.

Signatures


*      Langue de procédure : le français.


1 Données confidentielles occultées.