Language of document : ECLI:EU:T:2012:192

ORDONNANCE DU PRÉSIDENT DU TRIBUNAL

23 avril 2012 (*)

« Référé – Politique étrangère et de sécurité commune – Mesures restrictives à l’encontre de la Biélorussie – Gel de fonds et de ressources économiques – Demande de sursis à exécution – Méconnaissance des exigences de forme – Irrecevabilité »

Dans l’affaire T‑163/12 R,

Anatoly Ternavsky, demeurant à Moscou (Russie), représenté par Mes C. Rapin et E. Van den Haute, avocats,

partie requérante,

contre

Conseil de l’Union européenne,

partie défenderesse,

ayant pour objet une demande de sursis à l’exécution du point 2 de l’annexe II de la décision d’exécution 2012/171/PESC du Conseil, du 23 mars 2012, mettant en œuvre la décision 2010/639/PESC concernant des mesures restrictives à l’encontre de la Biélorussie (JO L 87, p. 95) et du point 2 de l’annexe II du règlement d’exécution (UE) n° 265/2012 du Conseil, du 23 mars 2012, mettant en œuvre l’article 8 bis, paragraphe l, du règlement (CE) n° 765/2006 concernant des mesures restrictives à l’encontre de la Biélorussie (JO L 87, p. 37),

LE PRÉSIDENT DU TRIBUNAL

rend la présente

Ordonnance

 Faits, procédure et conclusions des parties

1        Le requérant, M. Anatoly Ternavsky, est un homme d’affaires de nationalité russe. Il exerce des activités commerciales en Biélorussie et contrôle plusieurs sociétés opérant dans ce pays.

2        Eu égard à la répression perpétrée par le régime biélorusse à l’encontre de la société civile et de l’opposition démocratique, le Conseil européen a décidé, en 2006, d’appliquer des mesures restrictives contre les personnes responsables de cette répression, notamment le président Lukashenko, les dirigeants biélorusses et les fonctionnaires responsables. À cet effet, il a été procédé, par plusieurs mesures consécutives, au gel des fonds et des ressources économiques appartenant aux personnes visées.

3        En vertu du point 2 de l’annexe II de la décision d’exécution 2012/171/PESC du Conseil, du 23 mars 2012, mettant en œuvre la décision 2010/639/PESC concernant des mesures restrictives à l’encontre de la Biélorussie (JO L 87, p. 95) et du point 2 de l’annexe II du règlement d’exécution (UE) n° 265/2012 du Conseil, du 23 mars 2012, mettant en œuvre l’article 8 bis, paragraphe l, du règlement (CE) n° 765/2006 concernant des mesures restrictives à l’encontre de la Biélorussie (JO L 87, p. 37) (ci-après les « actes contestés »), le nom du requérant a été ajouté à la liste des personnes soumises aux mesures de gel des fonds et des ressources économiques, et ce avec la mention suivante :

« Personne proche des membres de la famille du président Lukashenko; sponsor du club sportif du président. Les activités commerciales de M. Ternavsky dans le secteur du pétrole et des produits pétroliers témoignent des liens étroits qu’il entretient avec le régime, compte tenu du monopole d’État dans le secteur du raffinage pétrolier et du fait que seules quelques personnes sont autorisées à exercer des activités dans le secteur pétrolier. Sa société Univest-M est l’une des deux principales sociétés privées exportatrices de pétrole en Biélorussie. »

4        Par requête déposée au greffe du Tribunal le 11 avril 2012, le requérant a introduit un recours visant à l’annulation des actes contestés.

5        Par acte séparé, déposé au greffe du Tribunal le même jour, le requérant a introduit la présente demande en référé, dans laquelle il conclut, en substance, à ce qu’il plaise au président du Tribunal :

–        surseoir à l’exécution des actes contestés ;

–        condamner le Conseil à supporter l’ensemble des dépens.

 En droit

6        Il ressort d’une lecture combinée des articles 278 TFUE et 279 TFUE, d’une part, et de l’article 256, paragraphe 1, TFUE, d’autre part, que le juge des référés peut, s’il estime que les circonstances l’exigent, ordonner le sursis à l’exécution d’un acte attaqué devant le Tribunal ou prescrire les mesures provisoires nécessaires, et ce en application de l’article 104 du règlement de procédure du Tribunal.

7        Dès lors que le non-respect du règlement de procédure constitue une fin de non-recevoir d’ordre public, il appartient au juge des référés d’examiner d’office, in limine litis, si les dispositions applicables de ce règlement ont été respectées (voir ordonnance du président du Tribunal du 29 juillet 2010, Cross Czech/Commission, T‑252/10 R, non publiée au Recueil, point 7, et la jurisprudence citée).

8        En vertu de l’article 104, paragraphe 2, du règlement de procédure, les demandes en référé doivent spécifier l’objet du litige, les circonstances établissant l’urgence, ainsi que les moyens de fait et de droit justifiant à première vue l’octroi de la mesure provisoire à laquelle elles concluent. Ainsi, le sursis à exécution et les autres mesures provisoires peuvent être accordés par le juge des référés s’il est établi que leur octroi est justifié à première vue en fait et en droit (fumus boni juris) et qu’ils sont urgents en ce sens qu’il est nécessaire, pour éviter un préjudice grave et irréparable aux intérêts de la partie qui les sollicite, qu’ils soient édictés et produisent leurs effets dès avant la décision sur le recours principal. Ces conditions sont cumulatives, de sorte que les mesures provisoires doivent être rejetées dès lors que l’une d’elles fait défaut [ordonnances du président de la Cour du 14 octobre 1996, SCK et FNK/Commission, C‑268/96 P(R), Rec. p. I‑4971, point 30, et du 12 mai 2010, Torresan/OHMI, C‑5/10 P‑R, non publiée au Recueil, points 14 et 15].

9        En outre, en vertu de l’article 104, paragraphe 3, et de l’article 44, paragraphe 1, sous c), du règlement de procédure, la demande doit notamment être présentée par acte séparé, indiquer l’objet du litige et contenir un exposé sommaire des moyens invoqués.

10      Il découle d’une lecture combinée de ces dispositions du règlement de procédure qu’une demande relative à des mesures provisoires doit, à elle seule, permettre à la partie défenderesse de préparer ses observations et au juge des référés de statuer sur la demande, le cas échéant, sans autres informations à l’appui. Afin de garantir la sécurité juridique et une bonne administration de la justice, il faut, pour qu’une telle demande soit recevable, que les éléments essentiels de fait et de droit sur lesquels celle-ci se fonde ressortent d’une façon cohérente et compréhensible du texte même de la demande en référé. Si ce texte peut être étayé et complété sur des points spécifiques par des renvois à des passages déterminés de pièces qui y sont annexées, un renvoi global à d’autres écrits, même annexés à la demande en référé, ne saurait pallier l’absence des éléments essentiels dans celle-ci [voir ordonnance Cross Czech/Commission, précitée, point 10, et la jurisprudence citée ; voir, également, ordonnance du président de la Cour du 30 avril 2010, Ziegler/Commission, C‑113/09 P(R), non publiée au Recueil, point 13].

11      Dans les circonstances du cas d’espèce, il convient de vérifier si la demande en référé est recevable en ce qu’elle contient un exposé suffisamment précis des éléments permettant l’examen de la condition relative à l’urgence.

12      À cet égard, il y a lieu de rappeler que, selon une jurisprudence constante, l’urgence doit s’apprécier par rapport à la nécessité de statuer provisoirement, afin d’éviter qu’un préjudice grave et irréparable ne soit occasionné à la partie qui sollicite les mesures provisoires, étant précisé qu’un préjudice de caractère purement financier n’est normalement pas irréparable, dès lors qu’il peut faire l’objet d’une compensation financière ultérieure, à moins qu’il apparaisse que, en l’absence de ces mesures, ladite partie se trouverait dans une situation susceptible de mettre en péril son existence avant l’intervention de l’arrêt mettant fin à la procédure principale (voir, en ce sens, ordonnance du président du Tribunal du 16 novembre 2007, Dimos Peramatos/Commission, T‑312/07 R, non publiée au Recueil, points 34 et 35, et la jurisprudence citée).

13      Pour pouvoir apprécier si le préjudice allégué présente un caractère grave et irréparable, le juge des référés doit disposer d’indications concrètes et précises, étayées par des documents détaillés qui démontrent la situation financière de la partie qui sollicite les mesures provisoires et permettent d’apprécier les conséquences qui résulteraient de l’absence des mesures demandées. Il s’ensuit que ladite partie doit produire, pièces à l’appui, une image fidèle et globale de sa situation financière [voir, en ce sens, ordonnance du président du Tribunal du 27 avril 2010, Parlement/U, T‑103/10 P (R), non publiée au Recueil, points 37 et 39].

14      En l’espèce, afin d’exposer que l’exécution des actes contestés lui causerait un préjudice grave et irréparable, le requérant se limite à affirmer, dans la demande en référé, que :

–        tous ses avoirs et ressources économiques dans l’Union sont gelés et il est interdit aux destinataires des actes contestés d’entretenir la moindre relation commerciale avec lui ;

–        des établissements bancaires d’États tiers ont même appliqué les sanctions de l’Union sans y être formellement obligés ;

–        il fait en outre l’objet d’une interdiction d’entrée et de transit sur le territoire de l’Union ;

–        en résumé, ses activités économiques dans l’Union sont complètement paralysées, ce qui lui cause un dommage sérieux qui menace sa survie économique, ainsi que celle de son groupe de sociétés, et qui s’accroît de jour en jour ;

–        ce dommage ne pourra pas être éliminé par un jugement en sa faveur dans la procédure principale, car son recours déposé parallèlement ne peut tendre qu’à l’annulation de certains points des actes contestés.

15      Or, force est de constater que, si ces allégations présentent un certain lien avec les intérêts financiers du requérant, elles ne sauraient en aucun cas être considérées comme fournissant une image fidèle et globale de la situation financière de ce dernier, ni de celle de son groupe de sociétés, d’autant qu’elles ne sont étayées par aucune preuve documentaire. En omettant de mentionner des indications relatives à son chiffre d’affaires et à celui de son groupe, le requérant, notamment, ne permet pas au juge des référés d’apprécier si le préjudice allégué peut être qualifié de grave, en ce que l’exécution des actes contestés menacerait son existence.

16      Il convient d’ajouter que le requérant dispose de la possibilité de demander aux autorités compétentes d’un État membre le déblocage de certains fonds gelés. En effet, l’article 3 du règlement (CE) n° 765/2006 du Conseil, du 18 mai 2006, concernant des mesures restrictives à l’encontre du président Lukashenko et de certains fonctionnaires de Biélorussie (JO L 134, p. 1), tel que modifié par le règlement d’exécution (UE) n° 84/2011 du Conseil, du 31 janvier 2011 (JO L 28, p. 17), prévoit :

« 1. […] les autorités compétentes des États membres […] peuvent autoriser le déblocage de certains fonds ou ressources économiques gelés ou la mise à disposition de certains fonds ou ressources économiques dans les conditions qu’elles jugent appropriées, après avoir établi que les fonds ou les ressources économiques concernés sont :

a)      nécessaires pour répondre aux besoins fondamentaux des personnes [concernées] et des membres de leur famille qui sont à leur charge, notamment pour couvrir les dépenses liées au paiement de denrées alimentaires, de loyers ou de remboursements de prêts hypothécaires, de médicaments et de traitements médicaux, d’impôts, de primes d’assurance et de redevances de services publics ;

[…]

2. […] les autorités compétentes des États membres […] peuvent autoriser le déblocage de certains fonds ou ressources économiques gelés ou la mise à disposition de certains fonds ou ressources économiques dans les conditions qu’elles jugent appropriées, après avoir établi que ces fonds ou ressources économiques sont nécessaires pour couvrir des dépenses extraordinaires […] »

17      Or, dans la demande en référé, le requérant n’a pas indiqué qu’il avait présenté une demande visant à obtenir l’autorisation d’utiliser les fonds et ressources économiques gelés et qu’il avait rencontré des difficultés pour obtenir une telle autorisation auprès de l’autorité compétente d’un État membre.

18      De plus, le requérant a omis de se prononcer sur le caractère irréparable du préjudice financier allégué. Notamment, il n’a pas exposé ce qui l’empêcherait, en cas d’annulation des actes contestés, d’obtenir une compensation financière ultérieure par la voie d’un recours en indemnité au titre des articles 268 TFUE et 340 TFUE, la seule possibilité de former un tel recours étant suffisante pour attester du caractère en principe réparable d’un tel préjudice (voir, en ce sens, ordonnance du président du Tribunal du 31 août 2010, Babcock Noell/Entreprise commune Fusion for Energy, T‑299/10 R, non publiée au Recueil, point 51, et la jurisprudence citée).

19      En conséquence, la simple affirmation, par le requérant, de l’imminence d’un préjudice grave et irréparable n’est manifestement pas conforme aux exigences de l’article 104, paragraphe 2, du règlement de procédure et ne satisfait pas au critère de clarté et de précision établi par la jurisprudence mentionnée au point 10 ci-dessus. En effet, la présente demande en référé ne permet pas, à elle seule, au juge des référés de se prononcer sur la condition relative à l’urgence.

20      Il s’ensuit que la présente demande en référé doit être rejetée comme irrecevable.

Par ces motifs,

LE PRÉSIDENT DU TRIBUNAL

ordonne :

1)      La demande en référé est rejetée.

2)      Les dépens sont réservés.

Fait à Luxembourg, le 23 avril 2012.

Le greffier

 

       Le président

E. Coulon

 

       M. Jaeger


* Langue de procédure : le français.