Language of document : ECLI:EU:T:2012:412

ORDONNANCE DU PRÉSIDENT DE LA TROISIÈME CHAMBRE DU TRIBUNAL

6 septembre 2012 (*)

« Aide judiciaire – Demande présentée antérieurement à l’introduction d’un recours en annulation »

Dans l’affaire T‑162/12 AJ,

CW, demeurant à Paris (France), représenté par Me A. Tekari, avocat,

partie requérante,

contre

Conseil de l’Union européenne, représenté par M. G. Étienne et Mme M.‑M. Joséphidès, en qualité d’agents,

partie défenderesse,

ayant pour objet une demande d’aide judiciaire au titre de l’article 95 du règlement de procédure du Tribunal,

LE PRÉSIDENT DE LA TROISIÈME CHAMBRE DU TRIBUNAL

rend la présente

Ordonnance

 Procédure, demandes et arguments des parties

1        Par acte enregistré au greffe du Tribunal le 11 avril 2012, CW demande au Tribunal de l’admettre au bénéfice de l’aide judiciaire, en application des dispositions de l’article 94 du règlement de procédure du Tribunal.

2        Cette demande se rapporte à un recours qui sera ultérieurement introduit devant le Tribunal et qui tendra à l’annulation de la décision 2012/50/PESC du Conseil, du 27 janvier 2012, modifiant la décision 2011/72/PESC concernant des mesures restrictives à l’encontre de certaines personnes et entités au regard de la situation en Tunisie (JO L 27, p. 11).

3        Dans ladite demande, CW fait valoir que ses avoirs ont été gelés et qu’il ne dispose, de ce fait, d’aucune ressource, alors qu’il doit procéder au remboursement d’emprunts immobiliers à hauteur de 1 200 euros par mois et doit assurer l’entretien de son épouse et de ses trois enfants mineurs. Il ajoute que les autorités françaises n’ont consenti à débloquer 997 euros par mois qu’à compter du mois d’avril 2012. Enfin, il précise qu’il bénéficie occasionnellement de certaines aides sociales françaises et de prêts familiaux.

4        Dans ses observations déposées au greffe du Tribunal le 23 mai 2012, le Conseil de l’Union européenne demande de limiter le montant de toute aide judiciaire accordée à CW à la somme de 10 000 euros. Au soutien de cette demande, le Conseil indique qu’il laisse au Tribunal le soin d’apprécier si les éléments de preuve présentés par CW sont de nature à justifier qu’il soit admis au bénéfice de l’aide judiciaire. Par ailleurs, il relève que, dans d’autres affaires similaires, le Tribunal a limité le montant de l’aide judiciaire à la somme de 10 000 euros.

 Sur la demande d’aide judiciaire

 Observations liminaires

5        Par l’article 1er de la décision 2011/72/PESC du Conseil, du 31 janvier 2011, concernant des mesures restrictives à l’encontre de certaines personnes et entités au regard de la situation en Tunisie (JO L 28, p. 62), le Conseil a gelé les capitaux et ressources économiques appartenant à deux personnes physiques et a interdit de mettre à leur disposition ou d’utiliser à leur profit des avoirs. Il était, toutefois, précisé que les autorités compétentes d’un État membre pouvaient, en particulier, autoriser le déblocage des fonds « nécessaires pour répondre aux besoins fondamentaux des personnes [visées par le gel de fonds] et des membres de leur famille qui sont à leur charge » et des fonds « destinés exclusivement au paiement d’honoraires professionnels raisonnables et au remboursement de dépenses correspondant à la prestation de services juridiques ».

6        La décision d’exécution 2011/79/PESC du Conseil, du 4 février 2011, mettant en oeuvre la décision 2011/72/PESC concernant des mesures restrictives à l’encontre de certaines personnes et entités au regard de la situation en Tunisie (JO L 31, p. 40) a assujetti CW au gel de fonds instauré par la décision 2011/72/PESC, et ce au motif qu’il faisait « l’objet d’une enquête judiciaire des autorités tunisiennes pour acquisition de biens immobiliers et mobiliers, ouverture de comptes bancaires et détention d’avoirs financiers dans plusieurs pays dans le cadre d’opérations de blanchiment d’argent ».

7        La décision 2012/50/PESC, dont CW entend solliciter ultérieurement l’annulation, vise à proroger, jusqu’au 31 janvier 2013, l’application de la décision d’exécution 2011/79/PESC.

 Sur le bien-fondé de la demande d’aide judiciaire

8        Aux termes de l’article 94, paragraphe l, du règlement de procédure :

« […] L’aide judiciaire couvre, totalement ou en partie, les frais liés à l’assistance et à la représentation en justice devant le Tribunal. Ces frais sont pris en charge par la caisse du Tribunal ».

9        En outre, aux termes du paragraphe 2 de ce même article :

« Toute personne physique qui, en raison de sa situation économique, est dans l’incapacité totale ou partielle de faire face aux frais visés au paragraphe 1 a le droit de bénéficier de l’aide judiciaire.

La situation économique est évaluée en tenant compte d’éléments objectifs tels que les revenus, le capital détenu et la situation familiale. »

10      En l’espèce, il ressort d’un courriel adressé par les autorités françaises à l’avocat de CW le 27 mars 2012, et joint à la demande d’aide judiciaire, que, contrairement à ce qui ressort des écritures de CW, les autorités françaises ont autorisé le déblocage de fonds destinés à couvrir les « dépenses d’avocat », les « frais d’assignation » et les « frais de justice divers ». S’agissant des « dépenses d’avocat », lesdites autorités ont cependant posé comme condition au déblocage de fonds qu’il soit justifié d’un mandat donné par CW et de la « quantité de travail » réalisé, que le travail de l’avocat soit quantifié, et qu’il s’agisse de montants « raisonnables ».

11      D’ailleurs, il ressort du courriel susmentionné que les autorités françaises ont également consenti à procéder à un déblocage de fonds visant notamment à couvrir, premièrement, les « frais liés à l’hospitalisation et à l’assistance médicale » des enfants de CW « sans limite de temps ou de montants », deuxièmement, les « prélèvements automatiques liés à des fournisseurs d’énergie, aux commodités publiques, aux télécommunications, aux assurances/mutuelles », troisièmement, le « remboursement d’emprunt […] selon l’échéancier initial, y compris les arriérés », et, quatrièmement, les « frais de maintien du ménage liés à la subsistance, à l’habillement et aux transports ». S’agissant de cette dernière catégorie de frais, il a été précisé qu’ils seraient évalués forfaitairement à la somme de 997,35 euros par mois.

12      Il résulte des considérations énoncées au point 10 ci-dessus que, nonobstant le gel d’avoirs auquel il est soumis, CW peut puiser, sous les conditions posées par les autorités françaises, dans son patrimoine pour payer les frais d’assistance et de représentation en justice qu’il est susceptible d’encourir dans le cadre du recours mentionné au point 2 ci‑dessus.

13      Or, CW n’établit pas que son patrimoine est insuffisant pour couvrir l’intégralité de ces frais sans lui interdire, eu égard notamment aux considérations énoncées au point 11 ci-dessus, de subvenir aux besoins essentiels de sa famille. En d’autres termes, il ne démontre pas être dans l’incapacité totale ou partielle de faire face auxdits frais.

14      Par suite, il convient de rejeter la demande d’aide judiciaire présentée par CW.

Par ces motifs,

LE PRÉSIDENT DE LA TROISIÈME CHAMBRE DU TRIBUNAL

ordonne :

La demande d’aide judiciaire dans l’affaire T-162/12 AJ est rejetée.

Fait à Luxembourg, le 6 septembre 2012.

Le greffier

 

       Le président

E. Coulon

 

       O. Czúcz


* Langue de procédure : le français.