Language of document : ECLI:EU:T:1998:218

ARRÊT DU TRIBUNAL (quatrième chambre)

16 septembre 1998 (1)

«Fonctionnaires — Rapport de notation — Reconduction du rapport précédent — Classement tardif dans le dossier personnel»

Dans l'affaire T-193/96,

Lars Bo Rasmussen, fonctionnaire de la Commission des Communautés européennes, demeurant à Dalheim (Luxembourg), représenté par Me Carlo Revoldini, avocat au barreau de Luxembourg, ayant élu domicile en son étude, 108, route de Longwy,

partie requérante,

contre

Commission des Communautés européennes, représentée par Mme Christine Berardis-Kayser, membre du service juridique, en qualité d'agent, assistée de Me Alberto Dal Ferro, avocat au barreau de Vicence, ayant élu domicile à Luxembourg auprès de M. Carlos Gómez de la Cruz, membre du service juridique, Centre Wagner, Kirchberg,

partie défenderesse,

ayant pour objet, d'une part, une demande d'annulation de la décision de la Commission du 23 octobre 1995 rejetant la demande du requérant tendant à l'établissement de son rapport de notation pour la période 1991/1993 et, d'autre

part, une demande de réparation du préjudice moral prétendument subi par ce dernier du fait de l'insertion tardive dudit rapport de notation dans son dossier personnel,

LE TRIBUNAL DE PREMIÈRE INSTANCE

DES COMMUNAUTÉS EUROPÉENNES (quatrième chambre),

composé de Mme P. Lindh, président, MM. K. Lenaerts et J. D. Cooke, juges,

greffier: M. J. Palacio González, administrateur,

vu la procédure écrite et à la suite de la procédure orale du 24 juin 1998,

rend le présent

Arrêt

Faits à l'origine du litige et procédure

1.
    Le requérant, M. Rasmussen, a été recruté par la Commission en 1975 en tant qu'administrateur de grade A 6, et affecté à l'Office des publications officielles des Communautés européennes à Luxembourg. Il a, entre 1981 et 1983, été mis à la disposition de l'Office statistique des Communautés européennes puis il a exercé ses fonctions à la direction de la traduction. Il a été promu administrateur principal de grade A 5 en 1989 et nommé, le 1er mars 1991, au secrétariat du comité consultatif «sécurité, hygiène et protection de la santé sur les lieux de travail» à la direction générale Emploi, relations industrielles et affaires sociales (DG V). Consécutivement à la restructuration de la direction F «santé publique et sécurité au travail» de la DG V (ci-après «direction V.F»), il a été réaffecté, le 1er octobre 1994, à une unité nouvellement créée «promotion de la santé et surveillance des maladies».

2.
    M. Morettini, chef de l'unité du requérant, lui a fait parvenir le 21 février 1994 un projet de rapport de notation pour la période du 1er juillet 1991 au 30 juin 1993 que le requérant a refusé d'approuver.

3.
    Le 6 mai 1994, lors d'un entretien avec M. Hunter, directeur de la direction V.F (ci-après «entretien du 6 mai 1994»), le requérant a signé une déclaration de reconduction de son rapport de notation pour la période du 1er juillet 1989 au 30 juin 1991 (ci-après «rapport de notation 1989/1991»).

4.
    Par lettre du 24 mai 1994, le requérant a demandé à M. Hunter de considérer la déclaration de reconduction qu'il avait signée le 6 mai 1994 comme nulle et non avenue, en invoquant, d'une part, une modification significative de ses tâches et fonctions au cours de l'exercice de notation 1991/1993 et, d'autre part, une altération de ses facultés mentales lors de la signature de cette déclaration.

5.
    La déclaration de reconduction signée le 6 mai 1994 par le requérant a été transmise par la DG V à la direction générale Personnel et administration (DG IX) qui a renvoyé ce document le 20 juin 1994 avec la mention: «Non conforme (manque la description des tâches)».

6.
    Le 20 janvier 1995, la DG IX a enregistré avec la mention «conforme» la déclaration de reconduction signée le 6 mai 1994 par le requérant, à laquelle était jointe une annexe comportant la description des fonctions exercées par l'intéressé au cours de la période 1991/1993.

7.
    Le 25 juillet 1995, le requérant a introduit une demande au titre de l'article 90, paragraphe 1, du statut des fonctionnaires des Communautés européennes (ci-après «statut»), visant à l'établissement d'un «rapport de notation valable de jure et de facto» pour la période 1991/1993 ainsi qu'à l'octroi d'une indemnité de 500 000 BFR en réparation du préjudice résultant du non-respect des règles portant sur l'établissement du rapport de notation. La Commission a rejeté cette demande par lettre du 23 octobre 1995.

8.
    Le requérant a introduit le 7 février 1996 une réclamation au titre de l'article 90, paragraphe 2, du statut, en invoquant des moyens identiques à ceux soulevés dans sa demande du 25 juillet 1995.

9.
    La Commission a, par décision du 22 juillet 1996, dont le requérant a pris connaissance le 22 août 1996, rejeté le moyen tiré du non-établissement d'un rapport de notation valable pour la période du 1er juillet 1991 au 30 juin 1993 (ci-après «rapport de notation 1991/1993») mais a, en revanche, par décision du 31 juillet 1996, accepté de lui accorder une indemnité de 35 000 BFR en réparation du préjudice moral qu'il avait subi. A cet égard, la Commission a exposé qu'«il [avait] été décidé de faire droit à [sa] demande sur ce point en raison de l'insertion tardive de [son] rapport de notation [dans son] dossier personnel et compte tenu du fait [qu'il avait] déjà subi ce type de retard par le passé». Le requérant a rejeté cette proposition en précisant, notamment, que le montant octroyé était insuffisant.

10.
    C'est dans ces circonstances que, par requête déposée au greffe du Tribunal le 26 novembre 1996, le requérant a introduit le présent recours.

11.
    Par ordonnance du 7 avril 1997, le Tribunal (quatrième chambre) a décidé de suspendre la procédure jusqu'à ce que la Cour se soit prononcée sur le pourvoi

introduit contre l'arrêt du Tribunal du 12 décembre 1996, X/Commission (T-130/95, RecFP p. II-1609), et inscrit sous le numéro C-60/97 P.

12.
    La Commission et le requérant ont déposé leurs observations consécutivement à l'ordonnance de la Cour du 4 décembre 1997, X/Commission (C-60/97 P, non publiée au Recueil), respectivement le 4 février 1998 et le 6 février 1998.

13.
    Sur rapport du juge rapporteur, le Tribunal (quatrième chambre) a décidé d'ouvrir la procédure orale sans procéder à des mesures d'instruction préalables. Toutefois, en vertu de l'article 64 du règlement de procédure, le Tribunal a demandé à la Commission de produire certains documents dont, notamment, une attestation sur l'honneur de M. Hunter décrivant le contenu de l'entretien du 6 mai 1994.

14.
    Les parties ont été entendues en leurs plaidoiries et en leurs réponses aux questions du Tribunal lors de l'audience du 24 juin 1998.

Conclusions des parties

15.
    M. Rasmussen, partie requérante, conclut à ce qu'il plaise au Tribunal:

—    annuler la décision de la Commission du 23 octobre 1995 portant rejet explicite de sa demande tendant à l'établissement d'un rapport de notation valable pour l'exercice 1991/1993;

—     annuler la décision de la Commission du 22 juillet 1996 portant rejet explicite de sa réclamation du 7 février 1996, enregistrée le 21 février 1996;

—     condamner la partie défenderesse à lui verser une indemnité de 500 000 BFR pour le préjudice moral subi du fait du non-respect des règles portant sur l'établissement du rapport de notation et de son insertion tardive dans son dossier personnel;

—     condamner la partie défenderesse à l'ensemble des dépens.

16.
    La Commission, partie défenderesse, conclut à ce qu'il plaise au Tribunal:

—     rejeter le recours comme irrecevable ou, à tout le moins, comme non fondé;

—    condamner la partie requérante à l'ensemble des dépens.

Sur la recevabilité

Arguments des parties

17.
    La Commission fait valoir que, selon une jurisprudence constante, lorsque deux recours ont le même objet, c'est-à-dire lorsqu'ils opposent les mêmes parties, tendent aux mêmes fins et sont fondés sur les mêmes moyens, le second recours doit être déclaré irrecevable (voir arrêts du Tribunal du 8 mars 1990, Maindiaux e.a./CES, T-28/89, Rec. p. II-59, et du 12 décembre 1996, Altmann e.a./Commission, T-177/94 et T-377/94, Rec. p. II-2041). Elle considère que la demande d'indemnisation et, partiellement, le moyen fondé sur le droit à l'établissement de son rapport de notation ont été examinés par le Tribunal dans son arrêt X/Commission, précité. Or, le Tribunal aurait considéré dans cet arrêt que le rapport de notation 1991/1993 du requérant, enregistré le 20 janvier 1995, était valable et aurait déclaré la demande d'indemnisation de son préjudice moral irrecevable, au motif que le requérant n'avait apporté aucune précision sur le fait générateur du dommage ni sur l'évaluation de ce dernier, et, en tout état de cause non fondée, au motif que ses chances de promotion n'avaient pas été altérées.

18.
    La Commission précise que, si certes le dommage moral invoqué en l'espèce par le requérant, prétendument constitué par l'atteinte portée à ses chances de promotion, est distinct de celui qu'il invoquait dans l'arrêt X/Commission, précité, ce dernier n'a, toutefois, fourni aucun élément sur le fait générateur de ce préjudice, de sorte que son recours doit être déclaré irrecevable.

19.
    Le requérant fait valoir que son recours est recevable puisque son objet est distinct de celui ayant donné lieu à l'arrêt X/Commission, précité. A cet égard, il rappelle que la Cour a considéré qu'il appartenait au Tribunal de répondre aux moyens et conclusions tels qu'ils étaient soulevés devant lui par les parties au litige (voir arrêt de la Cour du 17 décembre 1992, Moritz/Commission, C-68/91 P, Rec. p. I-6849) et que le Tribunal irait à l'encontre de cette jurisprudence s'il n'examinait pas la présente demande d'indemnisation, qui est distincte de celle formulée dans le cadre de l'arrêt X/Commission, précité.

Appréciation du Tribunal

20.
    Il ressort, en premier lieu, d'une jurisprudence constante que le juge communautaire peut rejeter un recours comme irrecevable en raison de l'identité de son objet avec celui d'un litige précédent lorsque les deux recours opposent les mêmes parties, tendent aux mêmes fins et sont fondés sur les mêmes moyens. L'acte dont l'annulation est demandée constitue un élément essentiel permettant de caractériser l'objet d'un recours. Toutefois, même si les arguments invoqués à l'appui d'un recours sont, en partie, identiques à ceux invoqués dans le cadre d'une précédente instance, le recours ne se présente pas comme la répétition de celle-ci,

mais comme un litige nouveau, lorsqu'il vise au règlement de questions qui n'ont pas encore été tranchées (voir arrêt Maindiaux e.a./CES, précité, points 23 et 24).

21.
    Le recours ayant donné lieu à l'arrêt X/Commission, précité, avait pour objet une demande d'annulation de la décision de la Commission de ne pas promouvoir lerequérant au grade A 4 au titre de l'exercice de promotion 1994, alors que, dans la présente espèce, le recours introduit par le requérant vise à obtenir l'annulation des décisions de la Commission portant rejet explicite de sa demande et de sa réclamation, tendant à l'établissement d'un rapport de notation valable pour l'exercice 1991/1993. A cet égard, le requérant remet en cause la validité de la reconduction de son rapport de notation en présentant des arguments non invoqués dans la précédente instance, tirés du non-respect de la procédure applicable à cette reconduction.

22.
    Il en résulte que le présent recours est dirigé contre un acte distinct de celui visé dans l'affaire ayant donné lieu à l'arrêt X/Commission, précité, et qu'il vise au règlement de questions qui n'ont pas encore été tranchées par le Tribunal.

23.
    Ainsi, contrairement à l'allégation de la Commission, les conclusions en annulation sont recevables.

24.
    Il ressort, en second lieu, de la jurisprudence que l'«absence, dans le dossier individuel d'un fonctionnaire, d'un rapport de notation, résultant d'un retard dans l'établissement de ce dernier, est susceptible d'engendrer, dans le chef de l'intéressé, un préjudice moral si, d'une part, sa carrière a pu en être affectée ou si, d'autre part, cette circonstance a entraîné chez lui un état d'incertitude ou d'inquiétude quant à son avenir» (voir arrêts du Tribunal du 8 juin 1995, Allo/Commission, T-496/93, RecFP p. II-405, point 89, du 21 juin 1996, Moat/Commission, T-41/95, RecFP p. II-939, point 54, et du 19 septembre 1996, Allo/Commission, T-386/94, RecFP p. II-1161, point 76).

25.
    A la lumière de cette jurisprudence, le requérant invoque l'existence d'un préjudice moral résultant de l'état d'incertitude et d'inquiétude dans lequel il s'est trouvé quant à son avenir du fait de l'insertion tardive de son rapport de notation dans son dossier personnel et évalue le dommage en résultant à 500 000 BFR.

26.
    Dans ces circonstances, le Tribunal estime que le requérant a précisé, d'une façon suffisante, le fait générateur du dommage moral qu'il prétend avoir subi (voir arrêt du Tribunal du 20 septembre 1990, Hanning/Parlement, T-37/89, Rec. p. II-463, point 82).

27.
    Dès lors, les conclusions en indemnité sont également recevables.

Sur les conclusions en annulation

28.
    Le requérant invoque deux moyens à l'appui de ses conclusions en annulation tirés, d'une part, de la violation des articles 43 et 26 du statut et, d'autre part, de la violation de principes généraux de droit et, notamment, du devoir de sollicitude et du principe d'égalité de traitement.

Sur le moyen tiré de la violation des articles 43 et 26 du statut

Arguments des parties

29.
    En premier lieu, le requérant fait observer que, en application du point B 1.2.1, troisième partie, du guide de notation, son notateur aurait dû être M. Hunter. Or, le rapport de notation 1989/1991 que la Commission a proposé de reconduire avait été établi par le directeur du service de traduction où travaillait alors le requérant et ne portait sur sa nouvelle fonction au sein de la direction V.F que pour une période de quatre mois. Eu égard au changement radical de fonctions intervenu et de l'importance, pour l'autorité investie du pouvoir de nomination (ci-après «AIPN»), du rapport de notation lors de l'examen comparatif des mérites (voir arrêts de la Cour du 14 juillet 1977, Geist/Commission, 61/76, Rec. p. 1419, point 44, du 27 janvier 1983, List/Commission, 263/81, Rec. p. 103, et Moritz/Commission, précité, point 16; arrêt du Tribunal du 3 mars 1993, Vela Palacios/CES, T-25/92, Rec. p. II-201, point 43), le requérant estime qu'une telle reconduction aurait dû être impossible. A l'appui de cet argument, le requérant fait valoir qu'il ressort des dispositions générales d'exécution de l'article 43 du statut que «[d]e toute façon, il faut élaborer un nouveau rapport si une modification importante des tâches a eu lieu».

30.
    En second lieu, le requérant conteste l'affirmation de la Commission selon laquelle l'entretien du 6 mai 1994 constituait le dialogue devant obligatoirement, aux termes de l'article 6 du guide de notation, intervenir après l'établissement d'un rapport de notation par le notateur. Par ailleurs, la Commission prétendrait qu'il a signé une déclaration de reconduction de son rapport de notation 1989/1991, alors qu'il ne s'agirait, selon lui, que d'un formulaire en blanc ne contenant ni la description obligatoire des fonctions du noté que celui-ci doit établir (point 6 du guide de notation) ni d'ailleurs aucune référence personnelle.

31.
    Le requérant affirme que, lors de l'élaboration de la seconde version du formulaire de reconduction du rapport de notation 1989/1991 transmis à l'administration le 20 janvier 1995, il n'a pas été consulté sur la description de ses tâches et n'a pas eu l'opportunité d'adjoindre ses commentaires. Enfin, le requérant allègue que, après lui avoir fait signer le document en blanc litigieux, dont il n'a jamais reçu copie, la Commission a unilatéralement modifié ce qui avait été oralement convenu lors de l'entretien du 6 mai 1994.

32.
    La Commission rappelle qu'il ressort de l'arrêt X/Commission, précité, que le requérant n'a jamais soutenu que les appréciations analytiques contenues dans son rapport de notation 1989/1991, et reconduit pour la période 1991/1993, ne correspondaient pas au niveau de ses prestations au cours de cette dernière période. De plus, la Commission affirme que les missions qui lui ont été confiées par la DG V n'ont pas subi de modifications significatives depuis sa mutation au sein de celle-ci.

33.
    La Commission affirme également que tant le Tribunal dans son arrêt X/Commission, précité (points 45 à 63), que la Cour statuant sur le pourvoi formé contre cet arrêt dans son ordonnance X/Commission, précitée (points 21 à 24), ont rejeté l'allégation du requérant selon laquelle il n'a jamais signé de déclaration de reconduction de son rapport de notation 1989/1991.

Appréciation du Tribunal

34.
    En premier lieu, il n'est pas contesté en l'espèce que M. Hunter, directeur de la direction V.F dont le requérant relevait, était son notateur et qu'il lui incombait donc d'établir son rapport de notation pour la période 1991/1993. Or, il ressort du formulaire de reconduction du rapport de notation 1989/1991 que c'est bien M. Hunter qui y a apposé sa signature le 6 mai 1994, en qualité de notateur. Par conséquent, l'argument du requérant relatif au défaut de compétence du notateur n'est pas fondé.

35.
    En deuxième lieu, il ressort d'une comparaison de la description des tâches contenue dans les rapports de notation 1989/1991 et 1991/1993 que les missions confiées au requérant n'ont pas subi de modifications significatives justifiant l'élaboration d'un nouveau rapport de notation pour la période 1991/1993. D'ailleurs, en réponse à une question du Tribunal, le conseil du requérant a confirmé, lors de l'audience, que celui-ci ne contestait pas la description des tâches figurant dans le formulaire de reconduction du rapport de notation 1991/1993.

36.
    Il s'ensuit que le requérant n'est pas fondé à invoquer une modification significative de ses tâches, justifiant l'établissement d'un nouveau rapport de notation.

37.
    En troisième lieu, concernant l'allégation du requérant selon laquelle l'entretien du 6 mai 1994 avec son directeur ne constituerait pas le dialogue obligatoire prévu par le guide de notation, il importe d'observer, premièrement, que le requérant met en cause dans la présente espèce, la reconduction de son rapport de notation 1989/1991. Il s'agit, selon les règles internes de la Commission, d'une procédure conduisant à l'établissement d'une déclaration de reconduction signée par le notateur, le noté ainsi que son supérieur hiérarchique, et à laquelle doit être annexée une description des tâches du noté. Le dialogue obligatoire précédant l'adoption d'un nouveau rapport de notation ne tend donc, dans cette hypothèse,

qu'à confirmer le principe d'une reconduction ainsi qu'à résoudre les éventuelles difficultés liées à la description des tâches de l'intéressé.

38.
    Deuxièmement, il est constant que la description des tâches correspondant à l'emploi du requérant au sein de la DG V et contenue dans son rapport de notation 1989/1991 devait être reprise sans modification substantielle aux fins de la reconduction, cette description n'ayant jamais été contestée par le requérant par la suite (voir point 35 ci-dessus).

39.
    Troisièmement, il n'est pas contesté par le requérant que, lors de l'entretien du 6 mai 1994, la question de sa carrière au sein de la Commission a été abordée et que, à la suite de cette conversation, il a signé la déclaration de reconduction litigieuse. A cet égard, le fait que le requérant qualifie cette déclaration de «formulaire en blanc» est sans pertinence, la déclaration de reconduction ne tendant qu'à constater la prorogation du rapport de notation 1989/1991 pour les deux ans à venir.

40.
    Enfin, il est avéré que la reconduction dudit rapport servait les intérêts du requérant dans la mesure où, d'une part, le projet de rapport de notation pour la période 1991/1993 établi par son supérieur hiérarchique lui était nettement défavorable et, d'autre part, son rapport de notation pour cette période était réclamé avec insistance par la DG IX aux fins de l'examen de sa candidature à un avis de vacance.

41.
    Compte tenu de ces éléments, le Tribunal estime que l'entretien du 6 mai 1994 constituait le dialogue obligatoire prévu par le guide de notation aux termes duquel a été établi le formulaire de reconduction du rapport de notation 1991/1993. La concomitance de ce dialogue et de l'établissement de ce formulaire est en outre justifiée par les circonstances de l'espèce.

42.
    Le requérant invoque également une violation de l'article 26 du statut en ce que, d'une part, il n'aurait pas été consulté sur le contenu de la description de ses tâches figurant dans la version définitive du formulaire de reconduction du rapport de notation 1989/1991 et, d'autre part, il n'aurait pas eu la possibilité d'y adjoindre ses commentaires. A cet égard, il y lieu d'observer que le Tribunal a déjà rejeté cet argument dans son arrêt statuant sur le précédent recours du requérant, en constatant que, ce dernier n'ayant pas contesté la validité intrinsèque des appréciations analytiques dont il avait fait l'objet, ledit argument était dénué de pertinence (voir arrêt X/Commission, précité, points 76 à 79). Le requérant n'est donc pas fondé à invoquer de nouveau cet argument dans le cadre de la présente affaire.

43.
    D'ailleurs, il y a lieu de constater que cet argument est, en tout état de cause, dénué de pertinence aux fins de la présente instance, le requérant ayant admis ne

pas contester le contenu de la description des tâches annexée au formulaire de reconduction de son rapport de notation 1989/1991 (voir point 35).

44.
    Il ressort de tout ce qui précède que le premier moyen doit être rejeté dans son intégralité.

Sur le second moyen, tiré d'une violation du devoir de sollicitude et du principe d'égalité de traitement entre fonctionnaires

Arguments des parties

45.
    Le requérant affirme que l'administration se doit de respecter ses propres règles et d'agir non seulement dans l'intérêt du service, mais également dans celui de ses fonctionnaires, et cela en particulier lorsque l'AIPN statue sur la situation d'un fonctionnaire. C'est également lorsqu'est pris en considération le déroulement de la carrière de ce dernier que doit être impérativement respecté le principe d'égalité de traitement.

46.
    La Commission ne s'est pas prononcée sur cet argument.

Appréciation du Tribunal

47.
    Il résulte d'une jurisprudence constante (voir arrêt du Tribunal du 29 mars 1990, Alexandrakis/Commission, T-57/89, Rec. p. II-143, point 9, du 3 mars 1993, Booss et Fischer/Commission, T-58/91, Rec. p. II-147, point 83, et du 17 décembre 1997, Dricot e.a./Commission, T-159/95, RecFP p. II-1035, point 22) que les conclusions des recours des fonctionnaires doivent avoir le même objet que celles exposées dans la réclamation administrative préalable et contenir des chefs de contestation reposant sur la même cause que celle de la réclamation.

48.
    Le requérant n'ayant nullement invoqué une violation du devoir de sollicitude et du principe d'égalité de traitement des fonctionnaires dans sa réclamation, ce moyen doit donc être déclaré irrecevable.

Sur les conclusions en indemnité

Arguments des parties

49.
    Le requérant fait valoir que, en établissant tardivement son rapport de notation 1991/1993, la Commission a méconnu les délais prévus par le guide de notation et, partant, commis une faute de service (voir arrêts du Tribunal du 10 juillet 1992, Barbi/Commission, T-68/91, Rec. p. II-2127, et du 17 mars 1993, Moat/Commission,

T-13/92, Rec. p. II-287). Il estime également ne pas avoir notablement concouru à la réalisation du dommage en résultant.

50.
    A cet égard, il soutient que la Commission se doit de réparer le préjudice moral subi non seulement du fait de l'insertion tardive dudit rapport de notation dans son dossier personnel, mais également en considération du caractère récidiviste du comportement de celle-ci. Ainsi, et afin de s'assurer de l'effet dissuasif du montant de l'indemnité, le requérant demande que la Commission soit condamnée à lui verser une somme de 500 000 BFR et considère que le montant de 35 000 BFR antérieurement proposé par celle-ci est insuffisant. De plus, l'indemnité doit prendre en compte la mauvaise foi de la Commission qui allègue que le requérant a concouru à la réalisation de son dommage et que la procédure de notation a été respectée. En outre, le requérant affirme que l'insertion tardive de son rapport de notation 1991/1993 dans son dossier personnel lui a causé un préjudice moral résultant de l'état d'incertitude et d'inquiétude dans lequel il s'est trouvé concernant son avenir.

51.
    La Commission considère que sa proposition de verser au requérant la somme de 35 000 BFR en réparation du retard avec lequel son rapport de notation 1991/1993 a été inséré dans son dossier personnel est justifiée eu égard à la jurisprudence pertinente. En effet, bien que ne pouvant être considéré comme complet qu'à compter du 20 janvier 1995, ce rapport de notation existait cependant, sans la description des tâches, à partir du 6 mai 1994.

Appréciation du Tribunal

52.
    Tout d'abord, il convient de rappeler que l'article 43, premier alinéa, du statut prévoit que «la compétence, le rendement et la conduite dans le service de chaque fonctionnaire [...] font l'objet d'un rapport périodique établi au moins tous les deux ans, dans les conditions fixées par chaque institution, conformément aux dispositions de l'article 110». Par ailleurs, l'article 6, premier alinéa, des dispositions générales d'exécution de l'article 43 du statut contenues dans le guide de notation prévoit que «le notateur établit le rapport de notation et le communique au noté avant le 30 novembre suivant la fin de la période de référence». Enfin, le Tribunal a jugé dans son arrêt du 8 novembre 1990, Barbi/Commission (T-73/89, Rec. p. II-619, point 41), qu'«un fonctionnaire qui ne possède qu'un dossier individuel irrégulier et incomplet subit de ce fait un préjudice moral tenant à l'état d'incertitude et d'inquiétude dans lequel il se trouve quant à son avenir professionnel».

53.
    Il ressort des faits de l'espèce que, pour la période de référence 1991/1993, le requérant n'a pu disposer d'un dossier personnel complet que le 20 janvier 1995.

54.
    Il apparaît donc que la Commission a pris un retard considérable dans l'établissement du rapport de notation 1991/1993 et dans son insertion dans le dossier personnel du requérant, sans que puisse être établie une responsabilité quelconque de ce dernier dans ce retard.

55.
    Il y a donc lieu de constater que l'insertion tardive du rapport de notation 1991/1993 dans le dossier personnel du requérant constitue une faute de service donnant droit à la réparation du dommage moral subi par ce dernier.

56.
    Toutefois, la Commission a déjà reconnu sa responsabilité dans la réalisation de ce dommage en acceptant d'indemniser le requérant à concurrence de 35 000 BFR (voir point 9 ci-dessus). Le Tribunal estime que ce montant est à même de réparer le préjudice subi par celui-ci.

57.
    Dans ces circonstances, il y a lieu de rejeter les conclusions en indemnité pour autant que le montant de la demande excède 35 000 BFR.

58.
    Il s'ensuit que la Commission versera la somme de 35 000 BFR qu'elle a accepté d'accorder au requérant, si ce versement n'a pas déjà été effectué. Le recours est rejeté dans son intégralité pour le surplus.

Sur les dépens

59.
    Aux termes de l'article 87, paragraphe 2, du règlement de procédure, toute partie qui succombe est condamnée aux dépens, s'il est conclu en ce sens. Toutefois, selon l'article 88 du même règlement, dans les litiges entre les Communautés et leurs agents, les frais exposés par les institutions restent à la charge de celles-ci. Chaque partie supportera donc ses propres dépens.

Par ces motifs,

LE TRIBUNAL (quatrième chambre)

déclare et arrête:

1)    La Commission versera la somme de 35 000 BFR qu'elle a accepté d'accorder au requérant, si ce versement n'a pas déjà été effectué.

2)    Le recours est rejeté pour le surplus.

3)    Chacune des parties supportera ses propres dépens.

Lindh                    Lenaerts                Cooke

Ainsi prononcé en audience publique à Luxembourg, le 16 septembre 1998.

Le greffier

Le président

H. Jung

P. Lindh


1: Langue de procédure: le français.