Language of document : ECLI:EU:F:2008:168

DOCUMENT DE TRAVAIL

ARRÊT DU TRIBUNAL DE LA FONCTION PUBLIQUE
DE L’UNION EUROPÉENNE (deuxième chambre)

11 décembre 2008 (*)

« Fonction publique – Agents contractuels – Recrutement – Classement en grade – Expérience professionnelle – Diplôme – Équivalence »

Dans l’affaire F‑136/06,

ayant pour objet un recours introduit au titre des articles 236 CE et 152 EA,

Enzo Reali, agent contractuel de la Commission des Communautés européennes, demeurant à Florence (Italie), représenté par Me S. A. Pappas, avocat,

partie requérante,

contre

Commission des Communautés européennes, représentée par M. J. Currall et Mme M. Velardo, en qualité d’agents,

partie défenderesse,

LE TRIBUNAL (deuxième chambre),

composé de M. S. Van Raepenbusch, président, Mme I. Boruta et M. H. Kanninen (rapporteur), juges,

greffier : M. R. Schiano, administrateur,

vu la procédure écrite et à la suite de l’audience du 16 avril 2008,

rend le présent

Arrêt

1        Par requête parvenue au greffe du Tribunal le 30 novembre 2006 par télécopie (le dépôt de l’original étant intervenu le 4 décembre suivant), M. Reali demande, en substance, l’annulation de la décision de l’autorité habilitée à conclure les contrats (ci-après l’« AHCC ») le classant au grade 14, échelon 1, du groupe de fonctions IV, telle qu’elle résulte de son contrat d’engagement en tant qu’agent contractuel.

 Cadre juridique

2        Les agents contractuels constituent une nouvelle catégorie d’agents introduite dans le régime applicable aux autres agents des Communautés européennes (ci-après le « RAA »), plus précisément à son article 1er, deuxième alinéa, troisième tiret, par le règlement (CE, Euratom) n° 723/2004 du Conseil, du 22 mars 2004, modifiant le statut des fonctionnaires des Communautés européennes ainsi que le RAA (JO L 124, p. 1), entré en vigueur le 1er mai 2004.

3        L’article 3 bis, paragraphe 1, du RAA dispose :

« Est considéré comme ‘agent contractuel’, aux fins du présent régime, l’agent non affecté à un emploi prévu dans le tableau des effectifs annexé à la section du budget afférente à l’institution concernée et engagé en vue d’exercer des fonctions, soit à temps partiel, soit à temps complet :

a)      dans une institution en vue d’exécuter des tâches manuelles ou d’appui administratif,

[…] »

4        La catégorie des agents contractuels fait l’objet du titre IV (« Agents contractuels ») du RAA, qui fixe, notamment, leurs conditions d’engagement, y compris les règles de classement.

5        En vertu de l’article 80, paragraphe 1, du RAA, « [l]es agents contractuels sont répartis en quatre groupes de fonctions correspondant aux tâches qu’ils sont appelés à exercer[ ; c]haque groupe de fonctions est subdivisé en grades et en échelons ».

6        Le tableau figurant au paragraphe 2 de l’article 80 du RAA définit les tâches relevant des différents groupes de fonctions. Ainsi, le groupe de fonctions IV, qui comprend les grades 13 à 18, recouvre les tâches dénommées « Tâches administratives, de conseil, linguistiques et tâches techniques équivalentes, exécutées sous la supervision de fonctionnaires ou d’agents temporaires ».

7        Aux termes de l’article 82, paragraphe 2, du RAA :

« Le recrutement en tant qu’agent contractuel requiert au minimum :

[…]

c)      dans le groupe de fonctions IV :

i)      un niveau d’enseignement correspondant à un cycle complet d’études universitaires de trois années au moins sanctionné par un diplôme, ou

ii)      lorsque l’intérêt du service le justifie, une formation professionnelle de niveau équivalent. »

8        L’article 82, paragraphe 6, du RAA énonce :

« Chaque institution fixe, s’il y a lieu, les modalités générales régissant les procédures de recrutement des agents contractuels conformément à l’article 110 du statut [des fonctionnaires des Communautés européennes]. »

9        L’article 86, paragraphe 1, du RAA prévoit :

« L’agent contractuel visé à l’article 3 bis ne peut être recruté :

i)      qu’aux grades 13, 14 ou 16 pour le groupe de fonctions IV ;

[…]

Son classement dans chaque groupe de fonctions s’effectue en tenant compte de ses qualifications et de son expérience professionnelle. Afin de répondre aux besoins spécifiques des institutions, les conditions du marché du travail communautaire peuvent également être prises en considération. L’agent contractuel recruté est classé au premier échelon de son grade. »

10      Les dispositions générales d’exécution relatives aux procédures régissant l’engagement et l’emploi des agents contractuels à la Commission des Communautés européennes, du 7 avril 2004, publiées aux Informations administratives n° 49‑2004, du 1er juin 2004, telles que modifiées par les décisions des 27 juillet 2004, 17 décembre 2004 et 16 décembre 2005 (ci-après les « DGE »), définissent, en leur article 2, paragraphe 1, sous d), les qualifications minimales exigées pour accéder au groupe de fonctions IV comme suit :

« dans le groupe de fonctions IV : des études universitaires complètes de trois années au moins attestées par un diplôme et un an d’expérience professionnelle appropriée. »

11      L’article 2, paragraphe 2, des DGE dispose :

« Seuls les diplômes des États membres de l’Union [européenne] et les diplômes ayant fait l’objet d’une équivalence délivrée par les autorités desdits États sont pris en considération. »

12      L’article 7, paragraphe 1, sous d), des DGE régit le classement des agents contractuels visés à l’article 3 bis du RAA dans le groupe de fonctions IV comme suit :

« dans le groupe de fonctions IV :

–        au grade 13 si l’intéressé justifie d’une expérience professionnelle d’une durée inférieure ou égale à sept ans,

–        au grade 14 si l’intéressé justifie d’une expérience professionnelle d’une durée supérieure à sept ans,

–        au grade 16 si l’intéressé justifie d’une expérience professionnelle d’une durée supérieure à vingt ans. »

13      Selon l’article 7, paragraphe 3, des DGE, « [p]our être prise en compte, l’expérience professionnelle doit avoir été acquise dans une activité correspondant au minimum au niveau de qualifications requis pour accéder au groupe de fonctions concerné et en rapport avec l’un des secteurs d’activité de l’institution[ ; e]lle est prise en compte à partir de la date à laquelle l’intéressé remplit les qualifications minimales requises pour être engagé, telles qu’elles sont définies à l’article 2 (y compris, le cas échéant, toute exigence imposée par cet article en matière d’expérience professionnelle) ».

14      Aux termes de l’article 7, paragraphe 4, des DGE, « [l]e diplôme de doctorat/PhD est valorisé pour la durée réelle de ces études, limitée à un maximum de 3 ans[ ; p]our les autres diplômes, la durée légale des études est prise en compte ».

15      Le « processus de Bologne », engagé par les ministres en charge de l’Éducation de 29 pays européens, a abouti à la signature de la « déclaration de Bologne » en date du 19 juin 1999, laquelle préconise l’instauration d’une nouvelle structure d’enseignement supérieur en Europe comportant trois cycles débouchant, pour le premier, sur un diplôme de « Licence », pour le deuxième, sur un diplôme de « Master » et, pour le troisième, sur un diplôme de « Doctorat » (ci-après la « déclaration de Bologne »).

16      L’article 3, paragraphe 1, du Decreto del Ministro dell’Istruzione, dell’Università e della Ricerca 22 ottobre 2004, n. 270 (décret du ministre italien de l’Éducation, des Universités et de la Recherche, du 22 octobre 2004, n. 270, ci-après le « décret du 22 octobre 2004 »), lequel a remplacé le Decreto del Ministro dell’Università e della Ricerca Scientifica e Tecnologica 3 novembre 1999, n. 509, Regolamento recante norme concernenti l’autonomia didattica degli atenei (décret du ministre des Universités et de la Recherche scientifique et technologique du 3 novembre 1999, n. 509, règlement adoptant certaines dispositions concernant l’autonomie pédagogique des universités, ci-après le « décret du 3 novembre 1999 »), dispose :

« Les universités délivrent les diplômes suivants :

a)      la licence (L) ;

b)      le master (L.M.). »

[« Le università rilasciano i seguenti titoli :

a)      laurea (L) ;

b)      laurea magistrale (L.M.). »]

17      L’article 3, paragraphe 6, du décret du 22 octobre 2004 énonce que « [l]e cursus de Master a pour ambition de donner à l’étudiant une formation de niveau élevé pour l’exercice d’activités hautement qualifiées dans des domaines spécifiques » (« [I]l corso di laurea magistrale ha l’obiettivo di fornire allo studente una formazione di livello avanzato per l’esercizio di attività di elevata qualificazione in ambiti specifici »).

18      Aux termes de l’article 7 du décret du 22 octobre 2004, relatif à l’obtention des diplômes (« conseguimento dei titoli di studio »), il est énoncé :

« 1. Pour obtenir la licence, l’étudiant doit avoir acquis 180 crédits, y compris ceux relatifs à la connaissance obligatoire de la langue italienne et d’une autre langue de l’Union européenne, sans préjudice des règles spéciales en matière de protection des minorités linguistiques. Cette connaissance doit être vérifiée selon des modalités établies par des règlements pédagogiques universitaires à l’aune des niveaux requis pour chaque langue.

2. Pour obtenir le [diplôme de M]aster, l’étudiant doit avoir acquis 120 crédits.

3. Les décrets ministériels déterminent le nombre de crédits que l’étudiant doit avoir acquis pour obtenir le diplôme de spécialisation, sans préjudice des dispositions prévues par des règles législatives spécifiques ou par des directives de l’Union européenne.

[…] »

(« 1. Per conseguire la laurea lo studente deve aver acquisito 180 crediti, comprensivi di quelli relativi alla conoscenza obbligatoria, oltre che della lingua italiana, di una lingua dell’Unione europea, fatte salve le norme speciali per la tutela delle minoranze linguistiche. La conoscenza deve essere verificata, secondo modalità stabilite dai regolamenti didattici di ateneo, con riferimento ai livelli richiesti per ogni lingua.

2. Per conseguire la laurea magistrale lo studente deve aver acquisito 120 crediti.

3. I decreti ministeriali determinano il numero di crediti che lo studente deve aver acquisito per conseguire il diploma di specializzazione. Sono fatte salve le disposizioni previste da specifiche norme di legge o da direttive dell’Unione europea.

[…] »)

19      Selon l’article 8 du décret du 22 octobre 2004, la durée normale des études pour l’obtention du diplôme de « Laurea » est de trois ans et de deux ans supplémentaires pour l’obtention du diplôme de « Laurea magistrale ».

20      L’article 13 du décret du 22 octobre 2004, relatif aux dispositions transitoires et finales, dispose :

« 1. Le présent décret remplace le décret [du 3 novembre 1999].

[…]

7. Ceux qui ont obtenu, conformément aux dispositions mentionnées au paragraphe 1, les diplômes de ‘Laurea’, ‘Laurea magistrale’ ou ‘Laurea specialistica’ et un doctorat de recherche peuvent respectivement utiliser les titres universitaires de ‘Dottore’, ‘Dottore magistrale’ et ‘Dottore di ricerca’. Le titre de ‘Dottore magistrale’ peut également être employé par ceux qui ont obtenu le diplôme de ‘Laurea’ en vertu des dispositions en vigueur avant le décret […] du 3 novembre 1999. »

(« 1. Il presente decreto sostituisce il decreto del Ministro dell’[U]niversità e della Ricerca Scientifica e Tecnologica 3 novembre 1999, n. 509.

[…]

7. A coloro che hanno conseguito, in base agli ordinamenti didattici di cui al comma 1, la laurea, la laurea magistrale o specialistica e il dottorato di ricerca, competono, rispettivamente, le qualifiche accademiche di dottore, dottore magistrale e dottore di ricerca. La qualifica di dottore magistrale compete, altresì, a coloro i quali hanno conseguito la laurea secondo gli ordinamenti didattici previgenti al decreto ministeriale 3 novembre 1999, n. 509 ».)

 Faits à l’origine du litige

21      Le 9 août 1985, le requérant a obtenu le diplôme de « Laurea in scienze agrarie » à l’université de Florence (Italie), après l’accomplissement de quatre années d’études.

22      Le 28 avril 2006, la Commission a proposé au requérant, lequel travaillait à son service depuis plusieurs années, la conclusion d’un contrat d’agent contractuel à durée déterminée devant prendre fin le 30 avril 2007. Ledit contrat a été signé le même jour et a pris effet le 1er mai 2006. Il y était stipulé que le requérant était placé dans le groupe de fonctions IV et classé au grade 14, échelon 1.

23      Le 7 juillet 2006, le requérant a introduit une réclamation au titre de l’article 90, paragraphe 1, du statut des fonctionnaires des Communautés européennes (ci-après le « statut ») par laquelle il contestait son classement et demandait à être classé à un grade supérieur, estimant que son expérience professionnelle dépassait les 20 ans exigés pour le classement au grade 16.

24      Par décision du 30 août 2006, l’AHCC a rejeté la réclamation.

 Conclusions des parties et procédure

25      Le requérant conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        annuler la décision de l’AHCC, datée du 30 août 2006, rejetant sa réclamation ;

–        condamner la Commission aux dépens.

26      La Commission conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        rejeter le recours ;

–        statuer sur les dépens comme de droit.

27      Dans le cadre des mesures d’organisation de la procédure, le Tribunal, conformément à l’article 55, paragraphe 2, sous d), du règlement de procédure, a invité la Commission à lui envoyer les documents pertinents existants qui décrivent de manière synthétique la mise en œuvre du « processus de Bologne » dans les États membres.

28      Par courrier du 12 mars 2008, la Commission a signalé au Tribunal que trois documents répondraient à sa demande. Toutefois, compte tenu du volume de ces documents, la Commission s’est limitée à indiquer les références des sites internet qui permettent d’accéder auxdits documents.

29      Après avoir pris connaissance de ces documents par voie électronique, le Tribunal a estimé qu’ils n’étaient pas nécessaires pour l’examen de l’affaire. Par conséquent, ils n’ont pas été versés au dossier.

30      À l’audience, le représentant du requérant a demandé l’autorisation de déposer une copie du Decreto Interministeriale 5 maggio 2004, Equiparzioni dei diplomi di laurea (DL) secondo il vecchio ordinamento alle nuove classi delle lauree specialistiche (LS), ai fini della partecipazione ai concorsi pubblici (décret interministériel du 5 mai 2004, équivalence des diplômes de licence (DL) selon l’ancien système aux nouvelles classes des licences spécialisées (LS) aux fins de participation aux concours publics, ci-après le « décret du 5 mai 2004 »). Il a également demandé à pouvoir déposer un document, rédigé par lui-même, décrivant la réforme du système universitaire intervenue en Italie à la suite du « processus de Bologne ».

31      Le Tribunal a accédé aux demandes du requérant, au cours de l’audience, tout en indiquant que l’appréciation de la recevabilité de ces nouveaux documents restait réservée.

 Sur la recevabilité des documents produits par le requérant postérieurement à la clôture de la procédure écrite

32      Comme mentionné au point 30 du présent arrêt, le représentant du requérant a demandé au Tribunal, au cours de l’audience, l’autorisation de déposer une copie du décret du 5 mai 2004 ainsi qu’un document, rédigé par lui-même, décrivant la réforme du système universitaire intervenue en Italie à la suite du « processus de Bologne ».

33      La Commission s’est opposée à ce que ces documents soient versés au dossier au motif que l’article 42 du règlement de procédure prévoit que les parties peuvent faire des offres de preuve à l’appui de leur argumentation jusqu’à la fin de l’audience, à condition que le retard dans la présentation de celles-ci soit dûment justifié.

34      Afin de déterminer le classement en grade du requérant, et en l’absence de disposition contraire, il y a lieu de considérer que l’exigence de possession d’un diplôme universitaire, qui ressort des dispositions de l’article 82, paragraphe 2, sous c), i), du RAA, doit nécessairement s’entendre au sens que donne à cette expression la législation propre à l’État membre où le candidat a fait les études dont il se prévaut (voir, en ce sens, arrêt de la Cour du 13 juillet 1989, Jaenicke Cendoya/Commission, 108/88, Rec. p. 2711, point 14 ; arrêts du Tribunal de première instance du 7 février 1991, Ferreira de Freitas/Commission, T‑2/90, Rec. p. II‑103, point 32, et du 3 mars 1994, Cortes Jimenez e.a./Commission, T‑82/92, RecFP p. I‑A‑69 et II‑237, point 34).

35      Dès lors que, en l’espèce, la prise en compte de la législation italienne en matière de diplômes est pertinente pour appliquer les dispositions du RAA, comme la Commission le soutient elle-même, celle-ci ne saurait s’opposer, en invoquant l’article 42 du règlement de procédure, à ce que le Tribunal prenne en considération les dispositions du décret du 5 mai 2004 pour la solution du litige.

36      Il convient de considérer, en revanche, que le représentant du requérant n’a pas présenté de motifs suffisants concernant le dépôt du document décrivant la réforme du système universitaire en Italie à la suite du « processus de Bologne » alors qu’il avait la possibilité d’exposer oralement une telle description. Par conséquent, ledit document doit être rejeté comme irrecevable.

 Sur l’objet du recours

37      À l’appui de son recours, le requérant demande expressément l’annulation de la décision de l’AHCC, du 30 août 2006, rejetant sa réclamation. À cet égard, il convient de rappeler que les conclusions en annulation formellement dirigées contre le rejet d’une réclamation ont pour effet de saisir le Tribunal de l’acte contre lequel la réclamation a été présentée et sont, comme telles, dépourvues de contenu autonome (arrêt de la Cour du 17 janvier 1989, Vainker/Parlement, 293/87, Rec. p. 23, point 8 ; arrêts du Tribunal de première instance du 10 décembre 1992, Williams/Cour des comptes, T‑33/91, Rec. p. II‑2499, point 23, et du 6 avril 2006, Camós Grau/Commission, T‑309/03, Rec. p. II‑1173, point 43 ; arrêt du Tribunal du 19 septembre 2007, Talvela/Commission, F‑43/06, non encore publié au Recueil, point 36).

38      En l’espèce, la réclamation du requérant, introduite le 7 juillet 2006 devant l’AHCC, était dirigée contre la décision le classant au grade 14, telle qu’elle résulte de son contrat d’engagement en tant qu’agent contractuel. En conséquence, il y a lieu de considérer que le recours est dirigé contre cette dernière décision (ci-après la « décision attaquée »).

 Sur le fond

39      À l’appui de son recours, le requérant invoque trois moyens tirés, premièrement, de la violation des règles communautaires relatives à la reconnaissance des diplômes de l’enseignement supérieur, deuxièmement, de la violation du principe de non-discrimination, troisièmement, de l’erreur manifeste d’appréciation et d’un défaut de motivation. Dans le cadre de son troisième moyen, le requérant soulève une exception d’illégalité à l’encontre de certaines dispositions des DGE.

40      Les arguments développés par le requérant au soutien des deux premiers moyens et du moyen tiré de l’erreur manifeste d’appréciation sont étroitement liés. Il y a donc lieu d’examiner ensemble lesdits moyens. Il convient cependant, à titre liminaire, de vérifier la recevabilité de l’exception d’illégalité dirigée contre certaines dispositions des DGE.

 Sur la recevabilité de l’exception d’illégalité dirigée contre certaines dispositions des DGE

 Arguments des parties

41      Le requérant soutient que l’article 82, paragraphe 6, du RAA habilite la Commission à prendre uniquement des mesures d’exécution d’ordre procédural dès lors qu’il prévoit que « [c]haque institution fixe, s’il y a lieu, les modalités générales régissant les procédures de recrutement conformément à l’article 110 du statut ». Or, l’article 2, paragraphe 1, sous c), et l’article 7, paragraphe 1, sous d), et paragraphes 3 et 4, des DGE passeraient outre à cette habilitation en traitant de conditions de fond. De plus, l’article 2, paragraphe 1, des DGE modifierait les exigences de l’article 82, paragraphe 2, sous c), du RAA.

42      La Commission rétorque d’abord que, dans sa réclamation, le requérant n’a pas contesté les modalités de calcul de son expérience professionnelle ni la règle de déduction d’une année d’expérience professionnelle. Elle fait valoir que l’argumentation du requérant à cet égard est par suite irrecevable.

43      La Commission prétend, en outre, que les arguments du requérant ne répondraient pas aux exigences de précision posées par l’article 44 du règlement de procédure du Tribunal de première instance des Communautés européennes, applicable mutatis mutandis au Tribunal, en vertu de l’article 3, paragraphe 4, de la décision 2004/752/CE, Euratom du Conseil, du 2 novembre 2004 (JO L 333, p. 7), jusqu’à l’entrée en vigueur du règlement de procédure du Tribunal. Partant, ils devraient être rejetés comme irrecevables.

 Appréciation du Tribunal

44      Il est de jurisprudence constante que, sous peine d’irrecevabilité, les conclusions du recours doivent contenir des chefs de contestation reposant sur la même cause que ceux invoqués dans la réclamation (arrêts du Tribunal de première instance du 28 mai 1997, Burban/Parlement, T‑59/96, RecFP p. I‑A‑109 et II‑331, point 31, et du 1er avril 2004, Gussetti/Commission, T‑312/02, RecFP p. I‑A‑125 et II‑547, points 47 et 48 ; arrêt du Tribunal du 11 juillet 2007, B/Commission, F‑7/06, non encore publié au Recueil, point 24, et ordonnance du Tribunal du 11 décembre 2007, Martin Bermejo/Commission, F‑60/07, non encore publiée au Recueil, point 34) et qu’un moyen soulevé devant le juge communautaire doit l’avoir déjà été dans le cadre de la procédure précontentieuse (arrêts du Tribunal de première instance du 10 avril 2003, Robert/Parlement, T‑186/01, RecFP p. I‑A‑131 et II‑631, point 64, et du 25 octobre 2005, Cwik/Commission, T‑96/04, RecFP p. I‑A‑343 et II‑1523, point 32 ; arrêt B/Commission, précité, point 24, et ordonnance Martin Bermejo/Commission, précitée, point 34).

45      Cette règle se justifie par la finalité même de la procédure précontentieuse, celle-ci ayant pour objet de permettre un règlement amiable des différends surgis entre les fonctionnaires et l’administration (arrêt de la Cour du 1er juillet 1976, Sergy/Commission, 58/75, Rec. p. 1139, point 32 ; arrêt du Tribunal de première instance du 29 novembre 2006, Campoli/Commission, T‑135/05, RecFP p. II‑A‑2‑1527, point 32 ; arrêt du Tribunal du 13 novembre 2007, Colovea/Parlement, F‑77/06, non encore publié au Recueil, point 46). L’autorité investie du pouvoir de nomination (ci-après l’« AIPN ») doit donc être clairement informée des griefs soulevés par le réclamant pour être en mesure de lui proposer un éventuel règlement amiable (arrêt Campoli/Commission, précité, point 32 ; arrêt Colovea/Parlement, précité, point 46).

46      La règle de concordance entre la réclamation et le recours ne doit cependant pas être appliquée de façon restrictive, mais dans un esprit d’ouverture (arrêts du Tribunal de première instance du 8 juin 1995, Allo/Commission, T‑496/93, RecFP p. I‑A‑127 et II‑405, point 27 ; du 9 juillet 1997, S/Cour de justice, T‑4/96, Rec. p. II‑1125, point 99, et Gussetti/Commission, précité, points 47 et 48 ; arrêt B/Commission, précité, point 25). Il a été en particulier jugé que le contenu de la réclamation n’a pas pour objet de lier de façon rigoureuse et définitive la phase contentieuse, à condition que le recours contentieux ne modifie ni la cause ni l’objet de la réclamation (arrêt de la Cour du 23 avril 2002, Campogrande/Commission, C‑62/01 P, Rec. p. I‑3793, point 35), et que, notamment, les chefs de contestation invoqués dans la réclamation peuvent être développés par des moyens et des arguments ne figurant pas nécessairement dans la réclamation, mais s’y rattachant étroitement (arrêts du Tribunal de première instance du 30 mars 1993, Vardakas/Commission, T‑4/92, Rec. p. II‑357, point 16, et du 4 mai 2005, Schmit/Commission, T‑144/03, RecFP p. I‑A‑101 et II‑465, point 90 ; arrêt B/Commission, précité, point 25).

47      Dans sa requête, le requérant soulève, en substance, une exception d’illégalité à l’encontre, d’une part, des dispositions de l’article 2, paragraphe 1, sous d), des DGE et, d’autre part, des dispositions de l’article 7, paragraphe 1, sous d), et paragraphes 3 et 4, des DGE.

48      Or, il ressort clairement des termes de la réclamation que le requérant n’a pas excipé de l’illégalité des DGE. Les articles des DGE contre lesquels l’exception d’illégalité, soulevée dans sa requête, est dirigée ne sont d’ailleurs aucunement cités dans la réclamation.

49      Dans sa réclamation, le requérant rappelle, premièrement, que, pour accéder au groupe de fonctions IV, la Commission exige l’obtention d’un diplôme sanctionnant trois années d’études universitaires, les années d’études qui suivent l’obtention de ce diplôme étant considérées comme des années d’expérience professionnelle. Deuxièmement, le requérant expose le « processus de Bologne », puis les dispositions du droit italien selon lesquelles son diplôme équivaudrait à cinq années d’études correspondant à un diplôme de « Licence » et à un diplôme de « Master ». Troisièmement, le requérant considère que la durée de son expérience professionnelle est de 20 ans et 8 mois, ce qui lui permettrait d’être classé au grade 16, et non de 19 ans et 8 mois ayant abouti à son classement au grade 14. L’argumentation du requérant, présentée dans la réclamation, vise donc à démontrer que son diplôme doit être valorisé comme une année d’expérience professionnelle.

50      Ainsi, même interprétée dans un esprit d’ouverture, comme l’exige la jurisprudence, la réclamation ne peut être analysée comme contenant une contestation, implicite ou indirecte, de la légalité des dispositions des DGE (voir, en ce sens, arrêt B/Commission, précité, points 27 à 33, et ordonnance Martin Bermejo/Commission, précitée, point 37).

51      En conséquence, faute d’avoir été soulevée dans la réclamation, l’exception d’illégalité dirigée contre certaines dispositions des DGE ne peut qu’être rejetée comme irrecevable.

 Sur les moyens tirés de la violation des règles communautaires relatives à la reconnaissance des diplômes de l’enseignement supérieur, de la violation du principe de non-discrimination et de l’erreur manifeste d’appréciation

 Arguments des parties

52      En premier lieu, le requérant rappelle qu’il a été classé au grade 14, la Commission ayant estimé qu’il avait acquis une expérience professionnelle de 19 ans et 8 mois. Or, le requérant prétend qu’il aurait dû être classé au grade 16, conformément à l’article 7, paragraphe 1, sous d), des DGE, son expérience professionnelle étant, selon lui, de 20 ans et 8 mois.

53      À cet effet, le requérant soutient que, compte tenu des dispositions du décret du 5 mai 2004 et du décret du 22 octobre 2004, du certificat d’équivalence délivré par l’université de Florence en date du 2 mai 2006, de la lettre datée du 8 mai 2006 de cette même université et du courrier signé du professeur Mario Falciai, daté du 9 mai 2006, son diplôme de « Laurea in scienze agrarie » équivaut à un « Laurea » (diplôme équivalent au diplôme de « Licence », obtenu à l’issue de trois années d’études) et à un « Laurea Magistrale » (diplôme équivalent au diplôme de « Master », obtenu à l’issue de deux années d’études après l’obtention du « Laurea »).

54      En second lieu, le requérant rappelle que, en vertu des articles 149 et 150 CE, la compétence de la Communauté européenne dans le domaine de l’éducation est limitée. Le contenu de l’enseignement et l’organisation des systèmes éducatifs relèveraient exclusivement de la responsabilité des États membres.

55      Le requérant soutient que l’abolition entre les États membres des entraves à la libre circulation des personnes et des services constituerait l’un des objectifs principaux de la Communauté, en vue de permettre aux ressortissants des États membres d’exercer une profession dans un autre État membre que celui dans lequel ils ont acquis leurs qualifications professionnelles. C’est pourquoi, la Communauté aurait introduit un système de reconnaissance mutuelle des diplômes sans pour autant interférer dans l’appréciation des diplômes par les États membres. Tel serait l’objet de la directive 89/48/CEE du Conseil, du 21 décembre 1988, relative à un système général de reconnaissance des diplômes d’enseignement supérieur qui sanctionnent des formations professionnelles d’une durée minimale de trois ans.

56      Le requérant prétend également, s’appuyant sur l’arrêt Jaenicke Cendoya/Commission, (précité, point 14), que la reconnaissance des diplômes relèverait de la seule compétence des États membres. À cet égard, le requérant souligne que la déclaration de Bologne ferait partie de l’acquis communautaire, bien qu’elle ne constitue pas une mesure impérative, en ce qu’elle incite les pays signataires à réformer leurs systèmes d’enseignement supérieur afin de créer une convergence générale des diplômes au niveau européen.

57      En conséquence, lorsqu’un titre ou diplôme est reconnu dans un État membre, cette reconnaissance s’imposerait aux autres États membres et par conséquent à la Commission qui ne saurait ignorer une telle reconnaissance sans violer le principe de subsidiarité défini dans la déclaration de Bologne et par la jurisprudence.

58      En l’espèce, en vertu du décret du 5 mai 2004 et du décret du 22 octobre 2004, le diplôme de « Laurea in scienze agrarie », obtenu en 1985 par le requérant après quatre années d’études, équivaudrait au diplôme de « Laurea magistrale », soit à un diplôme obtenu après cinq années d’études, à savoir un diplôme de « Licence » plus un diplôme de « Master ».

59      Ainsi, en ne reconnaissant pas que le requérant est titulaire de deux diplômes, à savoir un diplôme de « Licence » et un diplôme de « Master », l’AHCC aurait violé le principe de reconnaissance mutuelle des diplômes ainsi que le principe de subsidiarité.

60      Le requérant indique que, à la suite de la signature de la déclaration de Bologne, les États signataires ont entrepris de réformer progressivement leurs systèmes éducatifs. Dans ce cadre, non seulement les universités délivreraient des certificats d’équivalence visant à rendre plus facile la reconnaissance des diplômes, mais de plus les diplômes de « Master », obtenus après l’obtention d’un diplôme de deuxième cycle à l’issue d’au moins trois années d’études, seraient de plus en plus souvent reconnus comme des années d’expérience professionnelle. D’ailleurs, les services de recrutement des institutions européennes reconnaîtraient régulièrement des diplômes de troisième cycle comme, par exemple, les diplômes de « Master » ou les diplômes de « Doctorat » comme des années d’expérience professionnelle.

61      En l’espèce, le diplôme de « Laurea in scienze agrarie » aurait été reconnu par l’université de Florence comme équivalent à un diplôme de « Licence » et à un diplôme de « Master ». Par suite, le requérant prétend que la dernière année d’études effectuée en vue d’obtenir son diplôme de « Master » aurait dû être comptabilisée par la Commission comme une année d’expérience professionnelle, lui permettant de totaliser 20 ans et 8 mois d’expérience professionnelle.

62      Le requérant souligne en outre qu’il a obtenu de l’université de Florence les documents nécessaires pour prouver l’équivalence de son diplôme avec le diplôme de « Master ». Partant, en contestant le certificat d’équivalence délivré par l’université de Florence, la Commission violerait le principe de libre circulation des travailleurs et des services, le système de reconnaissance mutuelle des diplômes et le but visé par les universités lorsqu’elles délivrent les certificats d’équivalence.

63      En ce qui concerne le moyen tiré de la violation du principe de non-discrimination, le requérant soutient que la Commission l’a traité de manière discriminatoire par rapport à ceux qui auraient obtenu la reconnaissance des années d’études effectuées en vue d’obtenir leur diplôme de « Master » comme des années d’expérience professionnelle. Le requérant serait également discriminé en ce que la Commission et les autres institutions n’auraient pas une position cohérente sur le sujet.

64      Enfin, quant au moyen tiré de l’erreur manifeste d’appréciation, le requérant prétend, s’appuyant sur les dispositions de l’article 2, paragraphe 1, et de l’article 7, paragraphes 3 et 4, des DGE, que son diplôme de « Master » aurait dû être compté comme, au moins, une année d’expérience professionnelle. En déduisant une année d’expérience professionnelle des 20 ans et 8 mois d’expérience que totaliserait le requérant, l’AHCC aurait commis une erreur manifeste d’appréciation.

65      Premièrement, la Commission prétend que, dans sa réclamation, le requérant s’est borné à soutenir que, à la suite des changements introduits dans la législation italienne de 1999, son diplôme devait être considéré comme un diplôme sanctionnant cinq années d’études, correspondant à un diplôme de « Licence » et à un diplôme de « Master ». La Commission admet également que le requérant a fait mention du principe d’égalité de traitement dans sa réclamation. En revanche, la Commission affirme que le requérant n’a pas contesté les modalités de calcul de son expérience professionnelle ni la règle de déduction d’une année d’expérience professionnelle et qu’il n’a fait valoir aucune erreur manifeste d’appréciation dans le calcul de son expérience professionnelle.

66      Deuxièmement, la Commission rétorque que la directive 89/48 invoquée par le requérant n’est pas pertinente en l’espèce. Son but serait de permettre aux ressortissants des États membres d’accéder à une profession règlementée dans un État membre autre que celui dans lequel ils ont acquis leurs qualifications professionnelles.

67      Or, en l’espèce, le requérant ne demanderait pas l’accès à une profession règlementée dans un État membre. L’objet du litige serait le classement intervenu à la suite de l’engagement du requérant non par un État membre ou par un ressortissant d’un État membre, mais par une institution communautaire qui n’est pas destinataire de la directive 89/48.

68      D’ailleurs, le Tribunal de première instance aurait déjà rejeté, dans plusieurs affaires, de tels arguments s’appuyant sur la directive 89/48 (voir, notamment, arrêts Cortes Jimenez e.a./Commission, précité, et du Tribunal de première instance du 11 mai 2005, De Stefano/Commission, T‑25/03, RecFP p. I‑A‑125 et II‑573).

69      Ainsi, en l’absence de règle communautaire relative au niveau des titres universitaires, la seule source appropriée serait nécessairement le droit national. La Commission soutient, citant l’arrêt Jaenicke Cendoya/Commission, précité, que, lorsqu’une publication ou décision communautaire fait référence à des titres universitaires, cette publication ou décision opère un renvoi implicite au droit national.

70      En l’espèce, la Commission prétend avoir tenu compte des dispositions nationales pertinentes. D’une part, elle aurait considéré que le requérant remplissait la condition prévue à l’article 2, paragraphe 1, sous d), des DGE. D’autre part, lorsqu’elle a déterminé le grade du requérant, la Commission aurait calculé la durée de l’expérience professionnelle à la lumière des périodes réelles d’emploi apparaissant sur la fiche de classement établie par l’administration et annexée au mémoire en défense. À cet égard, la Commission souligne qu’elle devait calculer l’expérience acquise par le requérant à compter de la date à laquelle il avait obtenu le diplôme remplissant les conditions minimales requises pour être engagé, conformément à l’article 2 des DGE. Ces qualifications minimales auraient été acquises par le requérant avec le diplôme de « Laurea in scienze agrarie » obtenu en août 1985. Dès lors, aucune expérience professionnelle se rattachant à une date antérieure ne pourrait être prise en compte.

71      Enfin, la Commission prétend que le seul effet des dispositions de l’article 13, paragraphe 7, du décret du 22 octobre 2004 est de permettre au requérant d’utiliser le titre de « Dottore magistrale » à la place de celui de « Dottore ». Le requérant ne saurait inférer de cette disposition qu’il possède aujourd’hui deux diplômes.

72      S’agissant du moyen tiré de la violation du principe de non-discrimination, la Commission rappelle, en premier lieu, qu’elle n’est pas destinataire de la déclaration de Bologne. Cette déclaration ne concernerait pas les décisions internes des institutions relatives aux modalités de calcul de l’expérience professionnelle aux fins de classement d’un fonctionnaire ou d’un agent. La Commission ajoute que la déclaration de Bologne n’a pas de valeur juridique contraignante.

73      En deuxième lieu, la Commission prétend que seule la législation italienne doit être prise en compte. L’interprétation que les universités italiennes peuvent avoir de l’équivalence des diplômes ne serait pas décisive.

74      En troisième lieu, la Commission conteste l’allégation de discrimination. Selon la Commission, l’article 7 des DGE aurait été appliqué de la même manière à tous les nouveaux agents contractuels.

75      Dans le cas du requérant, ses qualifications minimales sont celles qu’il aurait acquises après ses quatre années d’études supérieures. Il ne serait pas dans la même position qu’une personne qui aurait obtenu le diplôme de « Laurea » après trois années d’études supérieures et le diplôme de « Laurea magistrale » après deux années d’études supplémentaires. À cet égard, la Commission indique que le fait que le requérant puisse utiliser le titre de « Dottore magistrale » au même titre que la personne qui a obtenu le diplôme de « Laurea magistrale » distinctement du diplôme de « Laurea » serait sans pertinence.

76      La Commission prétend qu’elle violerait le principe de non-discrimination si elle faisait droit aux prétentions du requérant, lesquelles consisteraient à lui faire application d’une règle spécifique plus favorable en considérant qu’il a davantage d’expérience professionnelle qu’il n’en a en réalité.

77      Enfin, la Commission ajoute que, bien que le requérant détienne formellement le titre de « Dottore magistrale », son expérience effective n’est pas la même que celle d’une personne qui a obtenu le titre de « Dottore magistrale » après 2004. En effet, cette personne aurait étudié plus longtemps et aurait obtenu deux diplômes. Le requérant ne serait donc pas dans la même situation.

 Appréciation du Tribunal

78      Aux termes de l’article 82, paragraphe 2, du RAA, le classement dans le groupe de fonctions IV requiert, à titre principal, la détention d’un diplôme sanctionnant un « niveau d’enseignement correspondant à un cycle complet d’études universitaires de trois années au moins ».

79      L’article 2, paragraphe 1, sous d), des DGE, lequel fixe des conditions plus exigeantes que celles posées à l’article 82, paragraphe 2, du RAA, impose, pour l’accès au groupe de fonctions IV, non seulement l’accomplissement d’un cycle complet d’études universitaires de trois années au moins attestées par un diplôme, mais également l’acquisition d’« un an d’expérience professionnelle appropriée ».

80      Selon l’article 7, paragraphe 1, sous d), des DGE, le classement des agents contractuels dans le groupe de fonctions IV a lieu au grade 14, si l’intéressé justifie d’une expérience professionnelle d’une durée supérieure à sept ans, ou au grade 16, s’il justifie d’une expérience professionnelle d’une durée supérieure à vingt ans. Le paragraphe 3 du même article précise que l’expérience professionnelle est prise en compte « à partir de la date à laquelle l’intéressé remplit les qualifications minimales requises pour être engagé, telles qu’elles sont définies à l’article 2 [des DGE] (y compris, le cas échéant, toute exigence imposée par cet article en matière d’expérience professionnelle) ».

81      Aux termes de l’article 7, paragraphe 4, des DGE, le diplôme de doctorat est valorisé pour la durée réelle des études y relatives, limitée à trois années. Quant aux autres diplômes, ce même article prévoit que la durée légale des études est prise en compte. Il importe de relever que le libellé de cette disposition ne précise pas son but. Néanmoins, pris dans le contexte général de l’article 7 des DGE, le paragraphe 4 dudit article doit être compris comme visant la prise en compte des diplômes pour le calcul de l’expérience professionnelle des agents contractuels. Les parties sont d’ailleurs d’accord sur le sens à donner à l’article 7, paragraphe 4, des DGE, comme en témoignent leurs réponses à une question posée par le Tribunal au cours de l’audience.

82      Étant rappelé qu’il est fait abstraction de l’exception d’illégalité soulevée par le requérant, laquelle a été déclarée irrecevable, il y a lieu de relever que, en application de l’article 7, paragraphe 3, des DGE, la Commission a tenu compte de l’expérience professionnelle du requérant à partir du 10 août 1985, soit le lendemain de la date à laquelle le requérant a obtenu son diplôme de « Laurea in scienze agrarie », jusqu’au 30 avril 2006, parvenant au total de 20 ans et 8 mois dont il a été déduit une année, les qualifications minimales pour accéder au groupe de fonctions IV, fixées par l’article 2, paragraphe 2, sous d), des DGE, exigeant déjà un an d’expérience professionnelle. Ainsi, en application de l’article 7, paragraphe 1, sous d), et paragraphe 3, des DGE, la Commission a reconnu au requérant une expérience professionnelle de 19 ans et 8 mois, ce qui n’était pas suffisant pour son classement au grade 16.

83      Le requérant soutient néanmoins que son diplôme de « Laurea in scienze agrarie », obtenu en 1985, équivaut, depuis l’intégration des recommandations de la déclaration de Bologne dans le droit italien, à la fois à un diplôme de « Licence » et à un diplôme de « Master ». Partant, étant titulaire d’un diplôme de « Licence » et remplissant donc les conditions minimales requises en termes de diplômes pour être recruté comme agent contractuel dans le groupe de fonctions IV, son diplôme de « Master » devrait, en vertu de l’article 7, paragraphe 4, des DGE, être considéré comme une année d’expérience professionnelle lui permettant d’atteindre le seuil de 20 ans d’expérience professionnelle pour être classé au grade 16.

84      Au soutien de son argumentation, le requérant fait valoir que l’équivalence de son diplôme de « Laurea in scienze agrarie » doit être examinée à la lumière de la directive 89/48, de la législation italienne et du principe de non-discrimination.

85      Il convient toutefois de relever, en premier lieu, que la directive 89/48 ne saurait servir d’appui aux prétentions du requérant. En effet, l’harmonisation réalisée par la directive 89/48 n’a pas pour effet de limiter le pouvoir d’appréciation dont une institution dispose lors de la comparaison de la valeur respective des diplômes dans le cadre de sa politique de recrutement. Dans le système de la directive 89/48, la comparaison des diplômes est réalisée aux fins de l’accès à certaines activités règlementées dans les différents États membres. Une telle appréciation ne saurait être confondue avec l’appréciation complexe de la valeur universitaire respective des titres obtenus dans les différents États membres aux fins de la détermination du grade attaché à un emploi au sein d’une institution des Communautés européennes (voir, en ce sens, arrêts du Tribunal de première instance du 9 décembre 1999, Alonso Morales/Commission, T‑299/97, RecFP p. I‑A‑249 et II‑1227, points 35 et 36, ainsi que De Stefano/Commission, précité, point 53).

86      En deuxième lieu, en ce qui concerne la question de savoir si la Commission a correctement tenu compte du droit national italien relatif à la valeur du diplôme de « Laurea in scienze agrarie » en vue du classement en grade du requérant, il convient tout d’abord de rappeler que la déclaration de Bologne à laquelle le requérant se réfère a pour objet de fixer un cadre commun aux diplômes européens, reposant sur trois cycles d’études sanctionnés respectivement par le diplôme de « Licence », le diplôme de « Master » et le diplôme de « Doctorat ».

87      Il y a lieu de relever ensuite que, selon le requérant, il résulterait de la législation italienne, en particulier de l’article 3, paragraphe 6, et de l’article 7 du décret du 22 octobre 2004 ainsi que du décret du 5 mai 2004 et des documents cités au point 53 du présent arrêt concernant son diplôme, que celui-ci équivaut à un diplôme de « Laurea » (diplôme équivalent au diplôme de « Licence », obtenu à l’issue de trois années d’études) et à un diplôme de « Laurea Magistrale » (diplôme équivalent au diplôme de « Master », obtenu à l’issue de deux années d’études après l’obtention du diplôme de « Laurea »).

88      Or, à supposer qu’il ressorte de la législation italienne que le diplôme du requérant, obtenu après quatre années d’études, est équivalent au diplôme de « Master », obtenu après cinq années d’études, il ne saurait toutefois en être déduit, aux fins de la détermination du grade du requérant, l’obligation pour la Commission d’assimiler le diplôme de ce dernier à deux diplômes, à savoir un diplôme de « Licence », obtenu après trois années d’études, et, ensuite, un diplôme de « Master », obtenu après l’accomplissement de deux années d’études supplémentaires. Il y a d’ailleurs lieu d’observer que les documents délivrés par l’université de Florence en date des 2 et 8 mai 2006, sur lesquels s’appuie le requérant, ne mentionnent nullement que son diplôme de « Laurea in scienze agrarie » équivaut à l’obtention de deux diplômes. Quant au courrier signé du professeur Mario Falciai, daté du 9 mai 2006, selon lequel le diplôme de « Laurea in scienze agrarie » obtenu par le requérant est équivalent à un total de cinq années d’études ce qui correspond à un diplôme de «Licence » « plus » un diplôme de « Master », il y a lieu de considérer qu’il ne constitue pas à lui seul une preuve suffisante de ce que, selon la législation italienne, son diplôme équivaut à deux diplômes.

89      Dans ces conditions, le requérant ne saurait soutenir que la Commission a méconnu la législation italienne en refusant de comptabiliser son diplôme de « Master » comme une année d’expérience professionnelle.

90      Les arguments avancés au soutien du moyen tiré de l’erreur manifeste d’appréciation étant étroitement liés à ceux invoqués au soutien du grief pris de la violation de la législation italienne, il y a lieu de rejeter, par identité de motifs, le moyen tiré de l’erreur manifeste d’appréciation, sans qu’il soit besoin d’examiner sa recevabilité.

91      En troisième lieu, quant au moyen tiré de la violation du principe de non-discrimination, il suffit de constater, tout d’abord, que la situation du requérant ne saurait être comparée à celle des personnes qui, ayant accompli leurs études après l’introduction du nouveau système de diplômes, verraient leur diplôme de « Master » compter pour une année d’expérience professionnelle.

92      En effet, le requérant ne se trouve pas dans une situation dans laquelle, après avoir obtenu un premier diplôme remplissant les conditions prévues à l’article 2, paragraphe 1, sous d), des DGE, il aurait poursuivi ses études en vue d’obtenir un diplôme de niveau plus élevé et pour laquelle se poserait la question de la prise en compte des études accomplies pour l’obtention de ce dernier diplôme en tant qu’expérience professionnelle, en application de l’article 7, paragraphe 4, des DGE.

93      Ensuite, concernant le grief selon lequel le requérant serait discriminé en raison de l’incohérence des positions adoptées, d’une part, par la Commission, laquelle est son institution de rattachement, et, d’autre part, par les autres institutions, il suffit de relever que le requérant n’étaye cette allégation par aucun élément factuel ou juridique concret, à supposer même qu’une telle circonstance puisse remettre en cause la légalité de la décision attaquée.

94      De l’ensemble des considérations qui précèdent, il résulte que les moyens tirés de la violation des règles communautaires relatives à la reconnaissance des diplômes de l’enseignement supérieur, de la violation du principe de non-discrimination et de l’erreur manifeste d’appréciation doivent être rejetés comme non fondés.

 Sur le moyen tiré d’un défaut de motivation

 Arguments des parties

95      Le requérant soutient que la décision de rejet de sa réclamation souffre d’un « défaut manifeste de motivation ». L’AHCC se bornerait à faire mention de l’article 7, paragraphe 3, et de l’article 2, paragraphe 1, des DGE pour justifier la déduction d’une année d’expérience professionnelle. En outre, elle n’expliquerait d’aucune manière le refus de considérer son diplôme de « Master » comme une année d’expérience professionnelle.

96      La Commission soutient, premièrement, que ce moyen n’est pas recevable au motif qu’il n’a pas été invoqué dans la réclamation.

97      Deuxièmement, et à titre subsidiaire, la Commission prétend que l’AHCC a expliqué les raisons pour lesquelles le diplôme de « Master » n’avait pas été pris en compte comme une année d’expérience professionnelle. Dans la décision de rejet de la réclamation, elle aurait très clairement précisé qu’elle n’admettait pas que le requérant soit considéré comme possédant deux diplômes distincts. Elle aurait indiqué qu’aucune base juridique ne permet de diviser en deux son unique diplôme de « Laurea in scienze agrarie ».

98      Troisièmement, la Commission précise qu’elle ne pouvait déterminer la durée de l’expérience professionnelle que sur la base des documents fournis par l’intéressé, ce qu’elle aurait fait.

 Appréciation du Tribunal

99      L’obligation de motivation, prescrite par l’article 25, deuxième alinéa, du statut et, s’agissant des décisions prises à la suite d’une réclamation, par l’article 90, paragraphe 2, deuxième alinéa, du statut, a pour objet, d’une part, de fournir à l’intéressé une indication suffisante pour apprécier le bien-fondé de la décision et l’opportunité d’introduire un recours juridictionnel tendant à en contester la légalité et, d’autre part, de permettre au juge d’exercer son contrôle (arrêt de la Cour du 26 novembre 1981, Michel/Parlement, 195/80, Rec. p. 2861, point 22 ; arrêts du Tribunal de première instance du 20 mars 1991, Pérez-Mínguez Casariego/Commission, T‑1/90, Rec. p. II‑143, point 73 ; du 20 février 2002, Roman Parra/Commission, T‑117/01, RecFP p. I‑A‑27 et II‑121, point 24, et du 11 juillet 2002, Mavromichalis/Commission, T‑263/01, RecFP p. I‑A‑135 et II‑731, point 18).

100    S’il est vrai que l’AIPN n’est pas, en général, tenue de répondre à une réclamation, il en va différemment lorsque la décision qui en fait l’objet n’est pas motivée (arrêt de la Cour du 9 décembre 1993, Parlement/Volger, C‑115/92 P, Rec. p. I‑6549, point 23). La motivation doit intervenir, au plus tard, lors du rejet de la réclamation (arrêt du Tribunal de première instance du 3 mars 1993, Vela Palacios/CES, T‑25/92, Rec. p. II‑201, point 25).

101    Le requérant soutient, dans sa requête, que la décision de rejet de sa réclamation souffre d’un « défaut manifeste de motivation » en ce que l’AHCC cite l’article 7, paragraphe 3, et l’article 2, paragraphe 1, sous c), des DGE pour justifier la règle de déduction d’une année d’expérience professionnelle, sans donner d’explication quant au refus de considérer son diplôme de « Master » comme une telle année d’expérience professionnelle.

102    Il est constant que, en ce qui concerne le classement du requérant, la décision attaquée n’est pas motivée. L’article 3 du contrat d’engagement du requérant en tant qu’agent contractuel indique seulement que l’« agent est classé dans le groupe de fonctions IV, le grade 14 et l’échelon 1 ».

103    En revanche, la décision de rejet de la réclamation fait clairement apparaître que la déduction d’une année d’expérience professionnelle résulte de l’application combinée de l’article 2, paragraphe 1, et de l’article 7, paragraphe 3, des DGE. Quant au grief pris de ce que l’AHCC n’aurait pas expliqué au requérant les raisons pour lesquelles elle n’aurait pas compté son diplôme de « Master » comme une année d’expérience professionnelle, il résulte de la décision de rejet de la réclamation que, en l’absence de base juridique le permettant, la Commission n’a pu considérer que le diplôme de « Laurea in scienze agrarie » correspondait à deux diplômes et que, partant, le diplôme de « Master » n’a pu être pris en compte dans le calcul de l’expérience professionnelle du requérant. Dans ces conditions, le requérant ne saurait soutenir que la décision de rejet de la réclamation souffre d’un « défaut manifeste de motivation ».

104    Il importe d’ailleurs d’observer que le requérant était en mesure, après la décision de rejet de sa réclamation, de comprendre la portée de la décision attaquée. En effet, il donne lui-même dans sa requête une explication de l’application combinée des articles 2 et 7 des DGE, sur la base de laquelle a été prise la décision attaquée. En outre, il convient de considérer que le requérant était informé des raisons qui ont conduit la Commission à ne pas tenir compte du diplôme de « Master » comme d’une année d’expérience professionnelle puisque c’est précisément sur ce point que porte la discussion entre les parties dans leur mémoire respectif.

105    En conséquence, le moyen tiré du défaut de motivation doit être rejeté comme non fondé, sans qu’il soit besoin d’examiner sa recevabilité.

106    De tout ce qui précède, il résulte que le recours doit être rejeté dans son intégralité.

 Sur les dépens

107    En vertu de l’article 122 du règlement de procédure, les dispositions du chapitre huitième du titre deuxième dudit règlement, relatives aux dépens et frais de justice, ne s’appliquent qu’aux affaires introduites devant le Tribunal à compter de l’entrée en vigueur de ce règlement de procédure, à savoir le 1er novembre 2007. Les dispositions du règlement de procédure du Tribunal de première instance pertinentes en la matière continuent à s’appliquer mutatis mutandis aux affaires pendantes devant le Tribunal avant cette date.

108    Aux termes de l’article 87, paragraphe 2, du règlement de procédure du Tribunal de première instance, toute partie qui succombe est condamnée aux dépens, s’il est conclu en ce sens. Toutefois, en vertu de l’article 88 du même règlement, dans les litiges entre les Communautés et leurs agents, les frais exposés par les institutions restent à la charge de celles-ci. Le requérant ayant succombé en son recours, il y a lieu de décider que chaque partie supporte ses propres dépens.

Par ces motifs,

LE TRIBUNAL (deuxième chambre)

déclare et arrête :

1)      Le recours est rejeté.

2)      Chaque partie supporte ses propres dépens.

Van Raepenbusch

Boruta

Kanninen

Ainsi prononcé en audience publique à Luxembourg, le 11 décembre 2008.

Le greffier

 

       Le président

W. Hakenberg

 

       H. Kanninen

Les textes de la présente décision ainsi que des décisions des juridictions communautaires citées dans celle-ci et non encore publiées au Recueil sont disponibles sur le site internet de la Cour de justice : www.curia.europa.eu


* Langue de procédure : l’anglais.