Language of document : ECLI:EU:T:2021:715

DOCUMENT DE TRAVAIL

ARRÊT DU TRIBUNAL (septième chambre)

20 octobre 2021 (*)

« Fonction publique – Fonctionnaires – Mutation dans l’intérêt du service – Article 12 bis du statut – Harcèlement moral – Article 25 du statut – Obligation de motivation – Droits de la défense et droit d’être entendu – Erreur manifeste d’appréciation – Principe de bonne administration et devoir de sollicitude – Article 22 bis du statut – Détournement de pouvoir – Article 24 du statut – Demande d’assistance – Rejet de la demande – Exercice d’évaluation 2017 – Rapport d’évaluation – Exercice de promotion 2018 – Proposition de non-promotion – Responsabilité »

Dans les affaires jointes T‑671/18 et T‑140/19,

ZU, représenté par Me C. Bernard-Glanz, avocat,

partie requérante,

contre

Commission européenne, représentée par Mmes I. Melo Sampaio, D. Milanowska et M. L. Vernier, en qualité d’agents, assistés de Mes D. Waelbroeck et A. Duron, avocats,

partie défenderesse,

ayant pour objet, dans l’affaire T‑671/18, une demande fondée sur l’article 270 TFUE et tendant, d’une part, à l’annulation de la décision de la Commission du 12 octobre 2018 mutant le requérant à l’Office européen de lutte antifraude (OLAF) à Bruxelles (Belgique), du courrier de la Commission du 29 octobre 2018 par lequel elle a confirmé au requérant, de manière provisoire, que la date de son affectation à l’OLAF serait le 1er décembre 2018 et lui a communiqué des informations pratiques concernant son retour à Bruxelles et de la décision rejetant la réclamation introduite contre ces deux décisions et, d’autre part, à la réparation du préjudice que le requérant aurait prétendument subi en raison, notamment, de ces décisions et, dans l’affaire T‑140/19, une demande fondée sur l’article 270 TFUE et tendant à l’annulation du rapport d’évaluation du requérant pour l’année 2017, de la proposition de non-promotion de celui-ci pour l’exercice 2018, du rejet de sa demande d’assistance introduite le 26 janvier 2018 et des décisions rejetant les réclamations introduites contre ces trois décisions,

LE TRIBUNAL (septième chambre),

composé de M. R. da Silva Passos, président, Mme I. Reine et M. L. Truchot (rapporteur), juges,

greffier : M. P. Cullen, administrateur,

vu la phase écrite de la procédure et à la suite de l’audience du 14 janvier 2021,

rend le présent

Arrêt

I.      Antécédents des litiges

1        Le requérant, ZU, est entré en fonctions à la Commission des Communautés européennes le 1er juin 2007, date à laquelle il a été affecté à l’Office européen de lutte antifraude (OLAF) à Bruxelles (Belgique). Il est resté affecté à l’OLAF jusqu’au 29 février 2016.

2        À partir du 1er mars 2016, le requérant a été affecté à Moscou (Russie) où il occupait le poste de chargé d’affaires commerciales à la section économique et commerciale de la délégation de l’Union européenne en Russie (ci-après la « délégation »). Sa mission auprès du Service européen pour l’action extérieure (SEAE) était prévue pour une durée de quatre ans et demi et devait se terminer en août 2020.

A.      Affaire T671/18

3        Par note du 14 septembre 2018, la Commission, en la personne de la cheffe de l’unité « Carrière, management et mobilité » relevant de la direction générale (DG) « Ressources humaines et sécurité », a informé le requérant de son intention, à la demande de la direction générale d’affectation de celui-ci, à savoir la DG « Commerce », de le muter à l’OLAF, son service d’origine, dans l’intérêt du service, sur le fondement de l’article 7 du statut des fonctionnaires de l’Union européenne (ci-après le « statut »).

4        Par courrier du 26 septembre 2018, le requérant a transmis ses observations à la Commission.

5        Par note du 12 octobre 2018, la Commission, en la personne de la cheffe de l’unité « Carrière, management et mobilité » relevant de la DG « Ressources humaines et sécurité », a répondu aux observations du requérant et a décidé de le muter à l’OLAF à Bruxelles (ci-après la « décision de mutation »).

6        Dans la décision de mutation, la Commission a précisé l’entité de l’OLAF à laquelle le requérant serait affecté et a ajouté que la prise de fonctions de celui-ci devait intervenir le 1er décembre 2018 afin de lui laisser le temps d’organiser son retour à Bruxelles.

7        Par courrier du 29 octobre 2018, la Commission a confirmé au requérant, de manière provisoire, que la date de son affectation à l’OLAF serait le 1er décembre 2018 et elle lui a communiqué des informations pratiques concernant son retour à Bruxelles (ci-après le « courrier du 29 octobre 2018 »).

8        Le 13 novembre 2018, le requérant a introduit une réclamation sur le fondement de l’article 90, paragraphe 2, du statut contre la décision de mutation et le courrier du 29 octobre 2018 (ci-après, pris ensemble, les « décisions litigieuses »). Cette réclamation était accompagnée d’une demande d’assistance introduite sur le fondement de l’article 24 du statut.

B.      Affaire T140/19

1.      Sur l’exercice d’évaluation pour l’année 2017

9        Le 8 janvier 2018, la Commission a lancé l’exercice d’évaluation pour l’année 2017 (ci-après l’« exercice d’évaluation 2017 »), couvrant la période allant du 1er janvier au 31 décembre 2017, par une publication aux Informations administratives no 01/2018.

10      Le 30 janvier 2018, le requérant a signé son autoévaluation dans le cadre de l’exercice d’évaluation 2017.

11      Le 9 février 2018, l’évaluateur s’est entretenu avec le requérant.

12      Le 6 mars 2018, l’évaluateur a procédé à l’évaluation des performances du requérant au titre de l’exercice d’évaluation 2017. Dans cette évaluation, plusieurs critiques sont formulées, relatives aux difficultés rencontrées par le requérant dans l’exercice de ses fonctions, notamment en ce qui concerne son efficacité et sa conduite dans le service. Il est conclu que les performances du requérant « continuent » à ne pas correspondre aux exigences élevées attendues d’un fonctionnaire affecté dans une délégation aussi stratégique que celle de Moscou.

13      Le 12 mars 2018, le requérant a refusé cette évaluation et a fait appel de son évaluation devant l’évaluateur d’appel le 25 mars 2018.

14      Le 11 avril 2018, l’évaluateur d’appel a eu un entretien avec le requérant.

15      Le 25 avril 2018, l’évaluateur d’appel a confirmé l’évaluation initiale et a joint ses propres observations à cette confirmation. Il a notamment indiqué que l’attitude du requérant était particulièrement problématique dans un environnement tel que celui d’une délégation de l’Union. L’évaluateur d’appel a signé le rapport d’évaluation du requérant établi au titre de l’exercice d’évaluation 2017 (ci-après le « rapport d’évaluation 2017 »).

2.      Sur l’exercice de promotion pour l’année 2018

16      Le 3 avril 2018, la Commission a lancé l’exercice de promotion pour l’année 2018 (ci-après l’« exercice de promotion 2018 ») par une publication aux Informations administratives no 13/2018.

17      Le 18 juin 2018, la DG « Commerce » a publié la liste des fonctionnaires qu’elle proposait à la promotion au titre de l’exercice de promotion 2018 (ci-après la « liste des fonctionnaires proposés à la promotion par la DG “Commerce” »). Le nom du requérant ne figurait pas sur cette liste.

18      Le 13 novembre 2018, la liste des fonctionnaires promus au titre de l’exercice de promotion 2018 a été publiée aux Informations administratives no 34-2018. Le nom du requérant ne figurait pas sur cette liste.

3.      Sur la demande d’assistance introduite sur le fondement de l’article 24 du statut

19      Par un courrier du 26 janvier 2018, le requérant a introduit auprès de la Commission une demande visant à ce qu’elle « prenne les mesures nécessaires prévues par le [statut] pour garantir l’objectivité de [ses] évaluations et mettre fin aux actes répétés (indices de discrimination, exclusion des formations/séminaires pertinents pour l’exécution du travail, gestion du temps défavorable …) ayant une incidence néfaste sur [s]a carrière » (ci-après la « demande d’assistance litigieuse »).

20      Dans la demande d’assistance litigieuse, le requérant a mentionné « un certain nombre de décisions défavorables prises à [son] égard » qui, selon lui, auraient eu une incidence négative sur son « développement ». Il s’est ainsi prévalu des décisions suivantes : l’annulation d’une mission initialement approuvée à Tbilissi (Géorgie) pour assister à un séminaire économique régional en mars 2017 ; le refus d’un ordre de mission pour participer à une formation à Bruxelles qui était, en principe, obligatoire avant son affectation à Moscou ; le rejet de sa demande de participation à un forum consacré à l’investissement international à Sotchi (Russie) ; le rejet de sa demande de récupération des horaires flexibles. Le requérant a également remis en cause l’objectivité de ses rapports d’évaluation, en particulier le rapport d’évaluation 2017.

21      Dans un document daté du 18 avril 2018, intitulé « Aperçu des allégations et analyse préliminaire des preuves », la Commission a procédé à une première analyse de la demande d’assistance litigieuse, sur laquelle le requérant a été invité à faire valoir ses observations.

22      Le requérant a répondu par un courrier du 25 avril 2018. Dans ce document, il a fait référence, notamment, à des difficultés rencontrées lors de son emménagement à Moscou et au délai, trop long selon lui, sous lequel il avait pu bénéficier d’un siège ergonomique après son arrivée à la délégation.

23      Le 28 mai 2018, la Commission, en la personne du directeur de la direction des affaires juridiques de la DG « Ressources humaines et sécurité », a rejeté la demande d’assistance litigieuse (ci-après la « décision de rejet de la demande d’assistance litigieuse »).

24      Dans la décision de rejet de la demande d’assistance litigieuse, la Commission a indiqué, dans la partie consacrée à l’analyse juridique de la demande, sous un chapitre relatif aux « allégations générales [du requérant], que, « [d]’une manière générale, il conv[enait] de noter que les éléments avancés par [le requérant] démontr[aient] des désaccords entre lui et l’administration [ou] sa hiérarchie », que « [c]es désaccords [étaient] de nature purement administrative concernant le fonctionnement normal [du service] » et que le requérant « ne formul[ait] que des plaintes générales ».

25      La Commission a considéré que le requérant ne fournissait aucun élément concret susceptible de constituer un commencement de preuve de la réalité des attaques dont il estimait avoir été victime et que les éléments dont elle disposait suggéraient au contraire que l’administration avait agi dans le respect du principe de bonne administration.

26      La Commission a ensuite relevé que le requérant « n’identifi[ait] aucune menace, ni aucun acte ou propos injurieux ou diffamatoire » et « indiqu[ait] plutôt des situations dans lesquelles ses supérieurs, après avoir effectué un examen approfondi [de la situation, avaient refusé] des demandes administratives normales ».

27      Après avoir conclu la partie consacrée aux allégations générales en indiquant que la demande d’assistance litigieuse devait être rejetée comme non fondée, la Commission a examiné, de manière plus spécifique, les différents comportements en cause, à savoir l’absence de prise en compte, dans le cadre de l’évaluation, de la charge administrative qu’aurait entraînée le traitement de la demande de remboursement des frais de déménagement ; le retard pris dans la livraison d’un siège ergonomique à Moscou ; le refus d’accorder des repos compensateurs au titre des horaires flexibles ; la non-approbation d’une mission à Sotchi ; l’annulation d’une mission à Tbilissi ; le refus d’autoriser la participation au forum économique international de Saint-Pétersbourg (SPIEF, Russie) ; la non-approbation d’une demande relative à une formation de préparation à l’affectation en délégation ayant eu lieu à Bruxelles ; l’adoption du rapport d’évaluation 2017 et son contenu.

28      Dans la partie « Conclusions » de la décision de rejet de la demande d’assistance litigieuse, la Commission a estimé que « les éléments de preuve présentés par [le requérant] n’établiss[aient] pas les allégations formulées dans [l]a demande d’assistance et dans [ses] communications ultérieures ». Pour cette raison, la Commission a rejeté la demande d’assistance litigieuse.

4.      Sur la procédure précontentieuse

29      Le 24 juillet 2018, le requérant a introduit une réclamation dirigée, premièrement, contre le rapport d’évaluation 2017, deuxièmement, contre la liste des fonctionnaires proposés à la promotion par la DG « Commerce » en tant que son nom n’y figurait pas (ci-après la « proposition de non-promotion 2018 ») et, troisièmement, contre la décision de rejet de la demande d’assistance litigieuse.

30      Par courrier du 4 septembre 2018, le requérant a adressé à la Commission un complément d’information dans le cadre de sa réclamation dirigée contre la décision de rejet de la demande d’assistance litigieuse.

31      Dans ce courrier, le requérant a fait état d’une accusation de sa hiérarchie à son égard quant au respect de la procédure de confidentialité en vigueur s’agissant de la communication du compte rendu d’une réunion ayant eu lieu le 30 octobre 2017 entre le ministre des Affaires étrangères russe et l’association des entreprises européennes (ci-après l’« AEB »). Il a soutenu également avoir été exclu par le chef de la délégation d’une réunion organisée en mars 2018 et consacrée à la connectivité eurasiatique, alors que ce dernier était informé de sa compétence dans ce domaine.

32      Par décision du 21 novembre 2018, la Commission a rejeté la réclamation mentionnée au point 29 ci-dessus en tant qu’elle était dirigée contre le rapport d’évaluation 2017 et la proposition de non-promotion 2018. Le même jour, elle a adopté une autre décision rejetant cette réclamation en tant qu’elle était dirigée contre la décision de rejet de la demande d’assistance litigieuse.

II.    Procédure et conclusions des parties

A.      Affaire T671/18

33      Par requête déposée au greffe du Tribunal le 15 novembre 2018, le requérant a introduit un recours tendant à l’annulation des décisions litigieuses (affaire enregistrée sous le numéro T‑671/18).

34      Par acte séparé déposé au greffe du Tribunal le même jour, le requérant a introduit une demande visant à obtenir le sursis à l’exécution des décisions litigieuses (affaire enregistrée sous le numéro T‑671/18 R).

35      En application de l’article 91, paragraphe 4, du statut, la procédure dans l’affaire T‑671/18 a été suspendue. La procédure a repris son cours après le rejet explicite, le 13 mars 2019, de la réclamation que le requérant avait introduite le 13 novembre 2018 contre les décisions litigieuses (ci-après la « décision du 13 mars 2019 de rejet de la réclamation »).

36      Par ordonnance du 28 novembre 2018, ZU/Commission (T‑671/18 R, non publiée, EU:T:2018:862), le président du Tribunal a rejeté la demande de sursis à l’exécution des décisions litigieuses.

37      Par acte séparé déposé au greffe du Tribunal le 19 décembre 2018, le requérant, en application de l’article 66 du règlement de procédure du Tribunal, a demandé le bénéfice de l’anonymat. Par décision du 11 janvier 2019, le Tribunal (troisième chambre) a fait droit à cette demande.

38      Par décision du 18 octobre 2019, le président du Tribunal, en application de l’article 27, paragraphe 3, du règlement de procédure, a réattribué l’affaire T‑671/18 à un nouveau juge rapporteur, affecté à la septième chambre.

B.      Affaire T140/19

39      Par requête déposée au greffe du Tribunal le 4 mars 2019, le requérant a introduit un recours tendant à l’annulation du rapport d’évaluation 2017, de la proposition de non-promotion 2018 et de la décision de rejet de la demande d’assistance litigieuse.

40      Par acte séparé déposé au greffe du Tribunal le 22 mars 2019, le requérant, en application de l’article 66 du règlement de procédure, a demandé le bénéfice de l’anonymat. Par décision du 10 avril 2019, le Tribunal (troisième chambre) a fait droit à cette demande.

41      Par décision du 18 octobre 2019, le président du Tribunal, en application de l’article 27, paragraphe 3, du règlement de procédure, a réattribué l’affaire T‑140/19 à un nouveau juge rapporteur, affecté à la septième chambre.

C.      Jonction des affaires et suites de la procédure

42      Par décision du président de la septième chambre du 22 octobre 2019, les affaires T‑671/18 et T‑140/19 ont été jointes aux fins de la phase écrite de la procédure, de l’éventuelle phase orale de la procédure et de la décision mettant fin à l’instance.

43      Par courrier du 1er avril 2020, le requérant a sollicité la tenue d’une audience de plaidoiries, contesté certains éléments de la duplique et sollicité une mesure d’instruction visant à la citation et à l’audition d’un témoin.

44      Par courrier du 11 décembre 2020, le requérant a demandé que les affaires T‑671/18 et T‑140/19 soient jointes aux fins de la phase orale de la procédure avec une affaire enregistrée sous le numéro T‑689/19, dans laquelle le recours avait été introduit le 8 octobre 2019 et le SEAE était la partie défenderesse. Il a également demandé le report de l’audience dans les affaires T‑671/18 et T‑140/19. Il a enfin proposé par anticipation l’offre de nouvelles preuves.

45      Par décision du 17 décembre 2020, le Tribunal a refusé de reporter l’audience dans les affaires T‑671/18 et T‑140/19.

46      Par courriers du 7 janvier 2021, la Commission et le SEAE, auxquels le Tribunal avait demandé leurs observations sur la demande de jonction présentée par le requérant (voir point 44 ci-dessus), se sont opposés à celle-ci.

47      Par décision du 9 janvier 2021, le Tribunal a rejeté la demande de jonction introduite par le requérant.

48      Par courrier du 12 janvier 2021, le requérant a produit de nouveaux éléments de preuve.

D.      Conclusions des parties

49      Dans l’affaire T‑671/18, le requérant conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        annuler les décisions litigieuses et, pour autant que de besoin, la décision du 13 mars 2019 de rejet de la réclamation ;

–        condamner la Commission au paiement de dommages et intérêts en réparation des préjudices subis en raison, d’une part, des décisions litigieuses ainsi que de la décision du 13 mars 2019 de rejet de la réclamation et, d’autre part, de l’inaction de la Commission à la suite de la demande d’assistance présentée dans la réclamation introduite le 13 novembre 2018 ;

–        condamner la Commission aux dépens.

50      Dans l’affaire T‑140/19, le requérant conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        annuler le rapport d’évaluation 2017, la proposition de non-promotion 2018, la décision de rejet de la demande d’assistance litigieuse et, pour autant que de besoin, les décisions de rejet adoptées en réponse à la réclamation relative à ces trois actes ;

–        condamner la Commission aux dépens.

51      Dans les deux affaires, la Commission conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        rejeter le recours ;

–        condamner le requérant aux dépens.

III. En droit

52      Il y a lieu d’examiner successivement les conclusions du requérant dans l’affaire T‑671/18, puis dans l’affaire T‑140/19.

53      Toutefois, il convient de relever que les prétentions du requérant dans ces deux affaires se fondent sur l’existence d’un harcèlement moral dont il aurait été victime depuis son arrivée au sein de la délégation. Dans chacune des deux requêtes, le requérant précise que, dans la demande d’assistance litigieuse, il a dénoncé un « harcèlement moral ». Il invoque, à plusieurs reprises, l’existence de ce harcèlement aux fins d’obtenir l’annulation des décisions contestées dans les deux affaires.

54      Dans un tel contexte, il y a lieu, compte tenu également du caractère particulier de la forme que prend l’argumentation du requérant (voir points 64 à 66 ci-après), d’examiner, à titre préalable, les éléments qu’il invoque aux fins d’établir l’existence d’un tel harcèlement.

A.      Sur l’existence d’un harcèlement moral

55      L’article 12 bis, paragraphe 3, du statut prévoit ce qui suit :

« Par harcèlement moral, on entend toute conduite abusive se manifestant de façon durable, répétitive ou systématique par des comportements, des paroles, des actes, des gestes et des écrits qui sont intentionnels et qui portent atteinte à la personnalité, la dignité ou l’intégrité physique ou psychique d’une personne. »

56      Il ressort de cette disposition que la notion de harcèlement moral est définie comme une « conduite abusive » qui, premièrement, se matérialise par des comportements, paroles, actes, gestes ou écrits manifestés « de façon durable, répétitive ou systématique », ce qui implique que le harcèlement moral doit être compris comme un processus s’inscrivant nécessairement dans le temps et suppose l’existence d’agissements répétés ou continus et qui sont « intentionnels », par opposition à « accidentels ». Secondement, pour relever de cette notion, ces comportements, paroles, actes, gestes ou écrits doivent avoir pour effet de porter atteinte à la personnalité, à la dignité ou à l’intégrité physique ou psychique d’une personne (voir arrêt du 13 juillet 2018, Curto/Parlement, T‑275/17, EU:T:2018:479, point 76 et jurisprudence citée).

57      Ainsi, il n’est pas nécessaire d’établir que les comportements, paroles, actes, gestes ou écrits en cause ont été commis avec l’intention de porter atteinte à la personnalité, à la dignité ou à l’intégrité physique ou psychique d’une personne. En d’autres termes, le harcèlement moral peut être caractérisé sans qu’il soit démontré que le harceleur ait entendu, par ses agissements, discréditer la victime ou dégrader intentionnellement ses conditions de travail. Il suffit que ces agissements, dès lors qu’ils ont été commis volontairement, aient entraîné objectivement de telles conséquences (voir arrêt du 13 juillet 2018, Curto/Parlement, T‑275/17, EU:T:2018:479, point 77 et jurisprudence citée).

58      Toutefois, l’agissement en cause devant, en vertu de l’article 12 bis, paragraphe 3, du statut, présenter un caractère abusif, la qualification de « harcèlement » est subordonnée à la condition que celui-ci revête une réalité objective suffisante, au sens où un observateur impartial et raisonnable, doté d’une sensibilité normale et placé dans les mêmes conditions, considérerait le comportement ou l’acte en cause comme excessif et critiquable (voir arrêt du 13 juillet 2018, Curto/Parlement, T‑275/17, EU:T:2018:479, point 78 et jurisprudence citée).

59      Enfin, le harcèlement moral peut, en raison de sa définition même, être le résultat d’un ensemble de comportements différents, qui, pris isolément ne seraient pas nécessairement constitutifs en soi d’un harcèlement moral, mais qui, appréciés globalement et de manière contextuelle, y compris en raison de leur accumulation dans le temps, pourraient être considérés comme tel. C’est pourquoi, lorsque est examinée la question de savoir si des comportements invoqués par une partie requérante sont constitutifs d’un harcèlement moral, il convient d’examiner ces faits tant isolément que conjointement en tant qu’éléments d’un environnement global de travail créé par les comportements d’un membre du personnel à l’égard d’un autre membre de ce personnel (voir, en ce sens, arrêts du 13 juillet 2018, SQ/BEI, T‑377/17, EU:T:2018:478, points 93 et 94, et du 28 mai 2020, Cerafogli/BCE, T‑483/16 RENV, non publié, EU:T:2020:225, points 395 et 396).

60      Par ailleurs, il convient de souligner qu’un fonctionnaire peut utilement se prévaloir de faits de harcèlement moral pour remettre en cause la légalité de tout acte lui faisant grief dans la mesure où il démontre l’incidence des agissements qui seraient constitutifs dudit harcèlement sur le contenu de l’acte en cause. Au préalable, il appartient au fonctionnaire concerné d’établir l’existence du harcèlement moral allégué (voir, en ce sens, arrêts du 24 février 2010, Menghi/ENISA, F‑2/09, EU:F:2010:12, point 69, et du 12 mai 2016, FS/CESE, F‑50/15, EU:F:2016:119, point 109).

61      Toutefois, le standard de la preuve est différent s’agissant de la contestation d’une décision intervenant à la suite d’une demande d’assistance fondée sur l’article 24, premier alinéa, du statut, aux termes duquel l’Union assiste le fonctionnaire, notamment dans toute poursuite contre les auteurs de menaces, outrages, injures, diffamations ou attentats contre la personne et les biens, dont il est, ou dont les membres de sa famille sont l’objet, en raison de sa qualité et de ses fonctions.

62      En effet, il suffit que le fonctionnaire ou l’agent qui réclame la protection de son institution apporte un commencement de preuve de la réalité des attaques dont il affirme faire l’objet, notamment d’attaques qui seraient constitutives d’un harcèlement moral, pour qu’il appartienne à l’institution en cause de prendre les mesures appropriées, notamment en faisant procéder à une enquête administrative, afin d’établir les faits à l’origine de la plainte, en collaboration avec l’auteur de celle-ci (voir, en ce sens, arrêts du 26 janvier 1989, Koutchoumoff/Commission, 224/87, EU:C:1989:38, point 16, et du 3 octobre 2019, DQ e.a./Parlement, T‑730/18, EU:T:2019:725, point 80 et jurisprudence citée).

63      C’est sur la base des considérations exposées aux points 55 à 62 ci-dessus que l’invocation par le requérant, tant dans l’affaire T‑671/18 que dans l’affaire T‑140/19, d’un harcèlement moral dont il aurait été victime doit être examinée.

64      À cet égard, il convient de relever, tout d’abord, que les faits dont le requérant se prévaut ne sont pas présentés de manière exhaustive et ordonnée, par exemple selon un ordre chronologique, dans une partie de son argumentation qui serait consacrée spécifiquement au harcèlement allégué, mais apparaissent, parfois de manière répétée, tout au long de ses écritures.

65      Ensuite, il y a lieu de souligner que les faits dont le requérant se prévaut sont, pour la plupart, invoqués sans être assortis de précisions permettant leur identification et, a fortiori, leur appréciation.

66      En outre, le requérant procède fréquemment par voie de simples affirmations. Il apporte très peu d’éléments de nature à établir la matérialité des faits qu’il invoque. En particulier, il ne fait pas suffisamment le lien entre les annexes volumineuses qu’il a produites et les allégations qu’il présente dans ses écritures. Ainsi, il ne fait pas référence dans ces dernières, de manière précise et argumentée, à des documents administratifs internes, tels que des courriels, des procès-verbaux ou des relevés de conclusions de réunion, susceptibles d’établir les faits dont il se prévaut.

67      Toutefois, il est possible d’identifier plusieurs évènements qui semblent être considérés par le requérant comme étant constitutifs du harcèlement moral dont il estime être la victime.

68      Il y a lieu, dès lors, dans un souci de bonne administration de la justice et au prix d’un effort d’interprétation visant à répondre, de la manière la plus complète possible, à la substance des contestations formulées par le requérant, d’examiner, dans un ordre chronologique, chacun de ces évènements, aux fins de déterminer si, pris ensemble, ils pourraient révéler l’existence d’un harcèlement moral ou d’un commencement de preuve de la réalité des attaques dont il affirme être l’objet.

69      En premier lieu, le requérant a fait état de difficultés, lors de son installation à Moscou, en mars 2016, dont il attribue la responsabilité à son administration au motif qu’il n’aurait pas reçu suffisamment tôt, de la part de celle-ci, une proposition pour un logement qui aurait pu être disponible dès son arrivée sur son nouveau lieu d’affectation.

70      Le requérant a fait également état d’un délai de plusieurs mois avant qu’il ne puisse bénéficier, en novembre 2016, d’un siège ergonomique adapté à ses besoins.

71      Il y a lieu de constater que ces deux évènements, invoqués par le requérant lors de la procédure précontentieuse, ne sauraient, par eux-mêmes, être qualifiés d’abusifs ou constituer un commencement de preuve de l’existence d’un harcèlement moral. En outre, ils doivent être appréciés au regard des contraintes et de la complexité auxquelles doit faire face l’administration lorsqu’elle organise la mutation d’un fonctionnaire de l’Union dans une délégation de celle-ci située dans un pays tiers.

72      Par ailleurs, le requérant a précisé que le temps qu’il avait dû consacrer « à sa défense » pour obtenir un siège ergonomique aurait pu être utilisé pour accomplir les tâches qui lui incombaient au titre de ses fonctions. Il convient, dès à présent, de relever que le requérant a consacré, dès les premiers mois de son affectation à Moscou, une partie de son temps de travail à des démarches procédurales relatives à sa situation personnelle.

73      En deuxième lieu, le requérant soutient que le chef de la section économique et commerciale de la délégation (ci-après le « chef de section ») aurait fait une remarque qu’il qualifie de discriminatoire au sujet de son physique, lorsqu’il lui aurait dit, au cours d’une réunion, en 2016, ce qui suit : « Vous êtes si grand. »

74      À supposer que cette remarque ait été faite, l’appréciation qu’elle comporte sur le physique du requérant ne présente aucun caractère insultant ou désobligeant, de nature à porter atteinte à la dignité de celui-ci. Elle ne constitue donc pas une preuve, ni même un commencement de preuve, de l’existence d’un harcèlement moral.

75      En troisième lieu, à supposer que le chef de section ait déclaré en 2016 que lui-même et le requérant ne « sav[aient] pas travailler ensemble », cette simple phrase ne saurait laisser présumer, contrairement à ce que soutient le requérant, que son supérieur entendait le menacer. Elle ne constitue donc pas une preuve, ni même un commencement de preuve, de l’existence d’un harcèlement moral.

76      En quatrième lieu, le requérant fait référence à des refus opposés par sa hiérarchie à des demandes de repos compensateurs au titre des horaires flexibles. Cet argument, formulé de manière imprécise, semble se rapporter à deux évènements.

77      Premièrement, alors qu’il aurait obtenu l’accord préalable de sa hiérarchie pour bénéficier d’un congé le 5 septembre 2016, le requérant a vu sa demande formelle rejetée.

78      Il convient toutefois de souligner que le requérant n’établit pas, ni même n’allègue que l’accord qu’il avait obtenu concernait une demande fondée sur un repos compensateur au titre des horaires flexibles et non sur un jour de congé annuel. En l’absence d’accord préalable sur ce point, le refus opposé au requérant ne saurait, en tout état de cause, constituer une preuve, ni même un commencement de preuve, de l’existence d’un harcèlement moral.

79      Par ailleurs, il est constant que le requérant a contesté ce refus en indiquant ce qui suit à sa hiérarchie :

« Cher […]

S’il te plaît, réfère-toi aux règles en question. Je suggère que tu revoies également l’emploi du temps et que tu tires des conclusions sur cette base. Tu as répondu trop rapidement.

[…] »

80      Il convient, dès à présent, de relever le ton assez incisif et empreint de reproches de ce message.

81      Ensuite, malgré le refus opposé à sa demande, le requérant ne s’est pas rendu au travail le 5 septembre 2016, ce qui a été considéré par sa hiérarchie comme une absence injustifiée.

82      Il y a lieu de souligner que les éléments mentionnés aux points 80 et 81 ci-dessus ont pu contribuer à l’apparition de tensions entre le requérant et sa hiérarchie ou à l’intensification de celles-ci.

83      Deuxièmement, le requérant a souhaité participer à un forum se tenant les 5 et 6 octobre 2017 à Astana (Kazakhstan) et, pour cela, il a demandé l’octroi d’un repos compensateur au titre des horaires flexibles, car il ne souhaitait pas utiliser des jours de congé annuel à cette fin.

84      La hiérarchie du requérant, estimant que la charge de travail de celui-ci ne justifiait pas les nombreuses heures supplémentaires qu’il avait accumulées, a décidé qu’il ne pouvait être fait droit à sa demande.

85      Il importe de rappeler que si, en vertu de l’article 57, premier alinéa, du statut, le fonctionnaire a droit, par année civile, à un congé annuel de 24 jours ouvrables au minimum et de 30 jours ouvrables au maximum, il a été jugé qu’un refus de congé annuel en vue d’assurer le bon fonctionnement du service ne saurait être considéré, en tant que tel, comme une manifestation de harcèlement moral (voir arrêt du 9 mars 2010, N/Parlement, F‑26/09, EU:F:2010:17, point 78 et jurisprudence citée).

86      A fortiori, les deux refus opposés au requérant, qui sont examinés aux points 77 à 84 ci-dessus, lesquels concernent l’octroi de repos compensateurs au titre des horaires flexibles et non le droit au congé annuel du fonctionnaire, ne sauraient, par eux-mêmes, et en l’absence d’argument précis susceptible de démontrer leur caractère abusif, constituer une preuve, ni même un commencement de preuve, de l’existence d’un harcèlement moral.

87      En outre, s’agissant du second refus, il y a lieu de tenir compte du fait que, dès le rapport d’évaluation établi pour l’année 2016, les évaluateurs du requérant reprochaient à celui-ci des performances insuffisantes (voir point 167 ci-après). Dans un tel contexte, un refus opposé à une demande de repos compensateur au titre des horaires flexibles apparaît d’autant moins susceptible d’être regardé comme étant abusif.

88      En cinquième lieu, le requérant fait état de plusieurs missions auxquelles sa hiérarchie a refusé qu’il participe.

89      Premièrement, la hiérarchie du requérant a refusé de le laisser participer à un forum devant se tenir les 27 et 28 février 2017 à Sotchi.

90      Le requérant a indiqué qu’il avait souhaité récupérer le temps consacré au trajet pour se rendre à ce forum, mais que sa hiérarchie n’avait pas été en mesure de lui indiquer clairement si cela était possible.

91      En outre, le directeur de la direction des affaires juridiques de la DG « Ressources humaines et sécurité » a précisé, dans la décision de rejet de la demande d’assistance litigieuse, que la hiérarchie du requérant avait estimé que la participation d’un seul membre du service était nécessaire et qu’elle avait décidé qu’un autre membre participerait au forum en question.

92      Deuxièmement, la hiérarchie du requérant a refusé de le laisser participer, en mars 2017, à une mission à Tbilissi. Le requérant souhaitait s’y rendre en voiture afin de pouvoir faire un détour touristique avant sa mission et il avait demandé qu’une partie de son temps de trajet soit prise en compte au titre de cette mission. La hiérarchie du requérant avait alors décidé qu’un seul membre du service, autre que le requérant, participerait à la mission.

93      Il convient de relever que les refus ainsi opposés au requérant ne sauraient, par eux-mêmes, constituer une preuve, ni même un commencement de preuve, de l’existence d’un harcèlement moral.

94      En effet, compte tenu du large pouvoir d’appréciation dont jouissent les institutions dans l’organisation de leurs services, ni des décisions administratives sur des questions relevant de l’organisation des services, même si celles-ci sont difficiles à accepter, ni des désaccords avec l’administration sur ces mêmes questions ne sauraient à eux seuls prouver l’existence d’un harcèlement moral (arrêt du 13 juillet 2018, SQ/BEI, T‑377/17, EU:T:2018:478, point 108). Or, une décision d’approuver ou de refuser une mission relève assurément de l’organisation des services (arrêt du 19 décembre 2019, ZQ/Commission, T‑647/18, non publié, EU:T:2019:884, point 98).

95      En outre, il apparaît que le requérant a souhaité, pour chacune des missions en cause, bénéficier d’une récupération au titre du temps de trajet.

96      Or, il ressort des pièces du dossier, en particulier des témoignages de l’adjoint au chef de la délégation et du chef de l’administration de la délégation, recueillis par l’Office d’investigation et de discipline de la Commission (IDOC), respectivement en février 2019 et en avril 2019, dans le cadre d’une enquête administrative concernant le comportement du requérant pendant qu’il était en poste à la délégation, que celui-ci avait tendance à vouloir combiner ses missions avec des voyages privés, que, parfois, il ne le faisait pas de manière transparente et que son comportement rendait plus compliquée la gestion administrative de ses missions par sa hiérarchie.

97      Dans un tel contexte, les refus de mission opposés au requérant apparaissent d’autant moins abusifs.

98      En sixième lieu, le requérant a fait état du refus d’approbation d’une demande relative à une formation ayant lieu à Bruxelles.

99      À cet égard, ainsi qu’il ressort du dossier, cette formation, qui avait vocation à être suivie avant une affectation au sein d’une délégation, n’a pu l’être par le requérant préalablement à son arrivée à Moscou, car aucune formation de ce type n’était organisée à ce moment. Finalement, une formation a pu être organisée en juin 2017, c’est-à-dire plus d’un an après la prise de fonctions du requérant à Moscou.

100    La hiérarchie du requérant a indiqué à celui-ci qu’elle acceptait qu’il participe à cette formation, mais que la participation aux premier et dernier jours de la formation, qui en comprenait quatre, n’était pas nécessaire.

101    Le requérant a néanmoins introduit une demande de formation pour quatre jours, laquelle lui a été refusée.

102    Il convient de relever qu’un tel refus, alors qu’il avait été précédé d’une proposition de la hiérarchie du requérant de limiter la durée de la formation à deux jours, ne saurait être regardé comme étant abusif s’agissant d’une formation, destinée à préparer l’affectation dans une délégation, dont le caractère nécessaire, alors que le requérant était en poste depuis plus d’un an à la délégation, n’apparaît, dès lors, pas avec évidence. Un tel refus ne saurait également constituer un commencement de preuve de l’existence d’un harcèlement moral.

103    En septième lieu, selon le requérant, le chef de section aurait agi à son insu en rédigeant, en octobre 2017, un rapport qui aurait exclusivement relevé de sa responsabilité. En outre, le chef de la délégation aurait eu connaissance du fait que le requérant n’avait pas été consulté sur ledit rapport.

104    À cet égard, le requérant ne précise aucune des circonstances relatives à l’évènement dont il se prévaut, se bornant à indiquer qu’il « avait eu lieu avant la mission à Moscou de la DG “Commerce” ». Ainsi, l’invocation d’un tel évènement ne saurait constituer une preuve, ni même un commencement de preuve, de l’existence d’un harcèlement moral.

105    En huitième lieu, le requérant a fait état d’accusations de sa hiérarchie à son égard quant à son absence de respect de la procédure de confidentialité en vigueur s’agissant de la communication du compte rendu d’une réunion ayant eu lieu le 30 octobre 2017 entre le ministre des Affaires étrangères russe et l’AEB. Le requérant évoque également l’organisation d’une réunion externe, dont il ne précise pas l’objet, laquelle n’aurait finalement pas eu lieu, ou encore l’existence d’un rapport, envoyé en novembre 2017, dont la transmission aurait été clairement approuvée par le chef de section.

106    Il convient de constater que le requérant n’apporte pas même un commencement de preuve du caractère déraisonnable ou abusif des comportements en cause. Il n’apporte pas non plus les explications nécessaires pour comprendre la pertinence des éléments qu’il invoque.

107    En neuvième lieu, le requérant soutient avoir été exclu par le chef de la délégation d’une réunion organisée en mars 2018 et consacrée à un de ses domaines de compétence, la connectivité eurasiatique.

108    À cet égard, il ressort des pièces du dossier que le requérant avait pris l’initiative de préparer une ébauche de note dans ce domaine. La circonstance que la hiérarchie du requérant n’ait pas réagi à son envoi et qu’il n’ait pas été par la suite invité à participer à la réunion organisée en mars 2018 ne constitue pas une preuve, ni même un commencement de preuve, d’un comportement abusif, s’agissant, en particulier, d’une initiative prise par le requérant et non d’une consigne qui lui aurait été donnée.

109    En dixième lieu, le requérant mentionne un ensemble d’évènements ayant eu lieu en avril et en mai 2018. Le requérant affirme à cet égard que les « actes dommageables se sont intensifiés » après qu’il a informé sa hiérarchie, le 17 avril 2018, qu’il « allait recourir à des mesures de défense prévues par le statut contre les actes antérieurs qui lui avaient causé préjudice ».

110    Premièrement, le requérant aurait été exclu d’une réunion se tenant le 25 avril 2018. Toutefois, cette allégation n’est pas assortie des précisions suffisantes et ne permet ainsi pas d’établir ne fût-ce qu’un commencement de preuve de l’existence d’un harcèlement moral.

111    Deuxièmement, dans un courriel daté du 26 avril 2018, le chef de la délégation du requérant a indiqué ce qui suit :

« Je suis fatigué de vos façons manipulatrices d’inventer constamment des excuses pour justifier l’inexécution de votre travail. »

112    Si les termes du courriel du 26 avril 2018 mettent en cause l’éthique professionnelle du requérant, ce courriel révèle seulement l’existence de tensions relationnelles entre le requérant et sa hiérarchie, lesquelles résultent, pour partie au moins, de l’attitude de celui-ci telle qu’elle ressort des points 72, 79 à 82 et 95 à 97 ci-dessus.

113    À cet égard, il convient de rappeler que le fait qu’un fonctionnaire entretienne des relations difficiles, voire conflictuelles, avec ses collègues ou ses supérieurs hiérarchiques ne constitue pas à lui seul la preuve d’un harcèlement moral (voir arrêt du 19 décembre 2019, ZQ/Commission, T‑647/18, non publié, EU:T:2019:884, point 78 et jurisprudence citée).

114    En outre, le requérant soutient que les reproches formulés par le chef de la délégation dans le courriel du 26 avril 2018 étaient faits en référence à la prolongation, plusieurs mois auparavant, d’une pause déjeuner au-delà des horaires prévus. Or, ainsi qu’il ressort de la requête dans l’affaire T‑671/18, le requérant reconnaît lui-même ne pas avoir à cette occasion respecté les horaires de travail. S’il tente de justifier le retard qu’il a eu ce jour, notamment par son état de santé, il n’apporte pas d’éléments susceptibles d’établir ses allégations. Dans ces conditions, il n’apparaît pas anormal, dans un contexte de tensions relationnelles entre le requérant et sa hiérarchie tel que constaté au point 112 ci-dessus, qu’une absence de respect des horaires puisse conduire le chef de la délégation à réagir en exprimant une certaine lassitude, sans que sa réaction puisse alors être considérée comme excédant les limites de la critique raisonnable.

115    Par conséquent, le courriel cité au point 111 ci-dessus ne constitue pas une preuve, ni même un commencement de preuve, de l’existence d’un harcèlement moral.

116    Troisièmement, le requérant indique qu’il avait refusé de participer à une soirée donnée dans une ambassade le huitième jour suivant son retour d’un congé de maladie au seul motif qu’il aurait alors été contraint de travailler pendant deux semaines de suite, jusqu’à dix ou douze heures par jour, sans aucun jour de repos. Toutefois, il n’apporte aucun élément susceptible de corroborer ses allégations. Il n’établit pas non plus que le chef de section et le chef de la délégation avaient considéré que son indisponibilité pour cette soirée était inacceptable, ni qu’il avait « saboté » à cette occasion le travail de la délégation.

117    Au surplus, les remarques mentionnées au point 116 ci-dessus, à supposer même que leur existence soit établie, ne sauraient, en l’absence d’explications complémentaires étayées par des éléments de preuve, être regardées comme étant abusives. Elles ne constituent pas non plus un commencement de preuve de l’existence d’un harcèlement moral.

118    Quatrièmement, le requérant invoque une note du 29 mai 2018 envoyée par le chef de la délégation, par laquelle celui-ci signalait que le requérant avait méconnu certaines des règles applicables aux missions effectuées par les agents de la délégation (ci-après la « note du 29 mai 2018 »). La diffusion de la note du 29 mai 2018 à plusieurs destinataires au sein du SEAE et de la Commission aurait porté atteinte à la réputation professionnelle du requérant. Selon lui, cette note aurait été adoptée dans le but de nuire à sa crédibilité. Le requérant ajoute que le chef de la délégation aurait eu recours à des « techniques de manipulation élaborées ».

119    À cet égard, il ne ressort pas du libellé de la note du 29 mai 2018 que le chef de la délégation ait excédé les limites de la critique raisonnable, dès lors, d’une part, que cette note se fonde sur un ensemble d’éléments circonstanciés concernant des missions devant se dérouler à Sotchi et à Erevan (Arménie) et, d’autre part, que le ton employé dans celle-ci est mesuré.

120    En outre, les arguments du requérant concernant cette note ne sont pas convaincants. En effet, le requérant se prévaut à cet égard d’une « importante nuance juridique et procédurale », qui permettrait, selon lui, à l’agent souhaitant participer à une mission de faire état, postérieurement à l’ordre de mission, de détours de nature privée. Toutefois, il ne précise pas quelle serait la base juridique textuelle d’une telle « nuance ». Par ailleurs, le requérant ne fournit pas l’itinéraire de mission dont il se prévaut lorsqu’il indique que, lors d’une mission, la délégation a elle-même introduit un itinéraire de mission fictif alors qu’il aurait fourni le véritable itinéraire de sa mission. Enfin, le requérant ne répond pas aux préoccupations, en termes de sécurité, soulevées par le chef de la délégation, lequel a rappelé qu’il était nécessaire, s’agissant de missions dans des pays tiers, que la délégation connaisse à l’avance les détours privés accomplis par ses agents au cours de leur trajet.

121    Les éléments invoqués par le requérant relatifs à la note du 29 mai 2018 ne sauraient donc être regardés comme étant révélateurs d’une conduite abusive. Ils ne constituent pas non plus un commencement de preuve de l’existence d’un harcèlement moral.

122    Cinquièmement, le requérant se prévaut de la circonstance que sa hiérarchie a refusé de le laisser participer à un forum économique international, le SPIEF, se tenant du 24 au 26 mai 2018 à Saint-Pétersbourg.

123    À cet égard, le requérant n’apporte aucun élément précis permettant de supposer qu’un tel refus, opposé par le chef de la délégation à sa demande de participation au SPIEF, aurait eu un caractère abusif. Le requérant se borne, pour l’essentiel, à se prévaloir d’« accords antérieurs conclus au sein de la section » ou encore d’une déclaration « ultérieure » du chef de la délégation lors d’un « briefing quotidien en juin 2018 », sans autre précision. Il n’apporte donc pas même un commencement de preuve de l’existence d’un harcèlement moral.

124    En outre, il ressort de la décision de rejet de la demande d’assistance litigieuse que le requérant avait été informé par sa hiérarchie que le chef de la délégation avait décidé de réduire le nombre de membres de la délégation présents à ce forum dans la mesure où il n’y aurait aucun participant de l’Union « de haut niveau ».

125    En l’absence d’éléments précis et convaincants au soutien d’une interprétation contraire, une telle explication apparaît raisonnable.

126    En onzième lieu, le requérant invoque à plusieurs reprises le caractère injustifié des reproches qui lui ont été faits par sa hiérarchie quant au caractère insuffisant de ses performances. Selon lui, elle aurait dû prendre en compte le temps qu’il consacrait aux procédures administratives qu’il intentait pour se défendre. En particulier, le requérant indique que le chef de la délégation lui a reproché d’avoir rendu tardivement un rapport sur un forum économique, alors que ce retard était justifié, selon le requérant, par la préparation d’une réclamation statutaire.

127    Le requérant fait ainsi valoir que l’insuffisance de ses performances résultait d’un manque de disponibilité imputable au temps qu’il consacrait aux procédures qu’il avait ouvertes en vertu des articles 24 et 90 du statut.

128    L’explication que le requérant avance, à la supposer avérée, n’est pas de nature à établir que la critique qui lui était adressée au sujet de ses performances n’aurait pas été objectivement justifiée. Un fonctionnaire doit, en effet, être à la disposition de son institution à tout moment, durant la durée habituelle de son travail, pour exercer son activité professionnelle.

129    À cet égard, il convient de relever que les démarches entreprises au titre des articles 24 et 90 du statut ne sont pas au nombre des prestations qu’un fonctionnaire fournit dans l’exercice des fonctions qui lui sont assignées dans l’emploi auquel l’administration, conformément à l’article 7, paragraphe 1, dudit statut, affecte ce dernier, par voie de nomination ou de mutation, au sein du groupe de fonctions correspondant à son grade. Elles ne sauraient donc relever de la compétence, du rendement ou de la conduite, dans le service, du fonctionnaire concerné, qui font l’objet d’un rapport de notation, conformément à l’article 43 du statut. Le requérant n’est donc pas fondé à soutenir que la Commission aurait dû tenir compte de sa « performance dans ses démarches de défense » pour évaluer sa productivité.

130    En douzième lieu, à supposer que le requérant soutienne que les rapports d’évaluation établis depuis son arrivée à la délégation constituent, par eux-mêmes, des agissements participant au harcèlement moral dont il s’estime victime, il convient de relever que ni le contenu de ses rapports d’évaluation ni le ton mesuré employé dans ceux-ci ne permettent de constater leur caractère anormal ou abusif.

131    Les arguments invoqués par le requérant ne permettent pas de remettre en cause le constat fait au point 130 ci-dessus.

132    En effet, le requérant dénonce, dans le cadre de l’exercice d’évaluation pour l’année 2016, l’effort insuffisant de son chef de section pour traiter équitablement le personnel, sans apporter aucun élément à l’appui de cette affirmation.

133    De même, en tentant de justifier le retard pris dans l’exécution d’une tâche, qu’il n’identifie pas, par l’exercice du droit au recours et en se bornant à dénoncer, sans autre précision, l’« incitation à l’échec » qu’aurait constituée la décision du chef de section de ne pas l’autoriser à travailler pendant le week-end, le requérant n’apporte pas d’élément laissant présumer l’existence d’un comportement abusif du chef de section à son égard qui aurait eu une incidence sur son évaluation au titre de l’exercice 2017.

134    Le requérant soutient également qu’il n’a pu faire valoir ses observations dans le cadre de l’exercice d’évaluation 2017. Toutefois, il n’apporte aucun élément de preuve de la réalité de ses affirmations, alors même qu’un dialogue a eu lieu tant avec l’évaluateur qu’avec l’évaluateur d’appel (voir points 11 et 14 ci-dessus). Le requérant ne saurait donc valablement soutenir avoir été victime, lors de l’exercice d’évaluation 2017, d’une forme de harcèlement moral qui se serait manifestée par le refus opposé par sa hiérarchie à sa demande de dialogue.

135    Par ailleurs, la circonstance que, dans le cadre de l’exercice d’évaluation 2017, le nouveau chef de la délégation se soit borné, trois mois après l’arrivée du requérant, à confirmer l’appréciation de son prédécesseur sur la manière de servir de celui-ci ne constitue pas un indice laissant présumer une attitude hostile dudit chef de la délégation à l’égard du requérant, laquelle, selon ce dernier, aurait consisté à couvrir, en confirmant une évaluation partiale, les agissements préjudiciables du chef de section à son égard.

136    Quant à l’affirmation du requérant selon laquelle, dans le rapport d’évaluation 2017, tant le chef de la délégation que les évaluateurs se seraient soustraits à leur responsabilité de contrôler un agissement préjudiciable du chef de section relatif à « une prétendue méconnaissance d’instruction par le requérant », elle n’est aucunement établie.

137    En outre, le requérant adresse à cet égard des accusations à l’encontre du chef de section en faisant référence à une « manipulation évidente » et à des « prédispositions (pathologiques) à donner des informations subjectives […] visant à manipuler la perception d’autres personnes ». Ces allégations constituent un indice supplémentaire d’une attitude par laquelle le requérant lui-même a pu contribuer à alimenter des tensions relationnelles avec sa hiérarchie (voir point 112 ci-dessus).

138    À supposer, enfin, que le requérant soutienne que son absence de promotion constitue, par elle-même, un agissement participant au harcèlement moral dont il s’estime être victime, il n’apporte aucun élément permettant de supposer que cette absence de promotion aurait un caractère abusif.

139    Il résulte des considérations exposées aux points 130 à 138 ci-dessus que le requérant n’a pas même apporté un commencement de preuve de l’existence d’un harcèlement moral.

140    En treizième lieu, le requérant fait état de comportements abusifs de sa hiérarchie se rapportant à des accusations de violences conjugales portées par son épouse à son égard et avec l’existence d’une enquête de l’IDOC (voir point 96 ci-dessus) portant, notamment, sur sa vie privée au cours de la période pendant laquelle il était en poste à la délégation. Il ajoute que les accusations de violence conjugale émanant de son épouse ont été communiquées à sa hiérarchie et ont été la cause d’« attaques » contre lui.

141    Il y a lieu de constater que ces allégations restent vagues et peu circonstanciées. Le seul élément que le requérant mentionne à cet égard est l’existence d’une campagne de diffamation menée par le chef de la délégation à son égard. Aux fins d’établir ses dires, le requérant se fonde sur des extraits de transcripts de messages vocaux d’un membre du personnel de la délégation datant de novembre 2019. Le requérant demande que cet agent soit cité comme témoin dans la procédure devant le Tribunal (voir point 43 ci-dessus).

142    Toutefois, les extraits cités sont peu probants. En effet, en raison de leur caractère imprécis, ils ne permettent pas de corroborer l’existence d’une campagne de diffamation menée par le chef de la délégation à l’encontre du requérant. Il y est seulement question de « rumeurs » relatives aux accusations de violences conjugales dont le requérant a fait l’objet, lesquelles « circuleraient » au sein de la délégation, et non de comportements définis de manière précise qui auraient été adoptés par le chef de la délégation ou un autre membre de la hiérarchie du requérant. Il est également indiqué qu’il « semble y avoir quelque part au niveau de la direction ou du siège une quelconque version officielle de cela ».

143    Il résulte de ce qui précède que les éléments invoqués par le requérant ne sauraient être regardés comme étant révélateurs d’une conduite abusive. Ils ne constituent pas non plus un commencement de preuve de l’existence d’un harcèlement moral.

144    En outre, compte tenu du caractère peu probant des extraits de transcripts de messages vocaux utilisés par le requérant et étant donné que l’agent à l’origine de ces messages ne fait référence à aucun évènement précis dont il aurait été directement témoin, il n’y a pas lieu d’ordonner la mesure d’instruction sollicitée (voir point 141 ci-dessus).

145    En quatorzième lieu, le requérant cite des extraits de documents qui lui ont été communiqués par l’IDOC dans le cadre de la procédure d’enquête administrative le concernant.

146    Selon le requérant, certains de ces extraits permettent d’établir qu’il existait un « plan concerté » élaboré à son égard par sa hiérarchie tant au siège de la Commission qu’au sein de la délégation. Ils permettraient également d’établir l’intention de sa hiérarchie de « monter un dossier » contre lui et de lui appliquer un traitement spécial et défavorable.

147    Ces extraits émanent d’un échange de courriels du 1er août 2018 entre le chef de la délégation et son correspondant au SEAE, dont l’agent suivant l’affaire au sein de la DG « Commerce » était destinataire en copie. Au cours de cet échange, le premier a indiqué qu’il sollicitait la saisine d’un des membres de la hiérarchie de la DG « Commerce », lequel, dans un courriel antérieur, l’avait exhorté à « exercer une politique de tolérance zéro à l’égard des escapades connues jusqu’à présent [du requérant] ». Quant au second, il a précisé qu’il recommandait que « la délégation continue de conserver la trace de tout manquement aux obligations administratives (par exemple, absence sans autorisation de congé), qui pourrait être utile dans toute procédure ultérieure ».

148    Contrairement aux affirmations du requérant, de tels extraits confirment seulement la présence de tensions relationnelles entre le requérant et sa hiérarchie, lesquelles, ainsi qu’il a été relevé au point 112 ci-dessus, résultent, pour partie au moins, de l’attitude du requérant, telle qu’elle ressort également des points 114 et 137 ci-dessus. Ces extraits ne constituent donc pas une preuve, ni même un commencement de preuve, de l’existence d’un harcèlement moral.

149    En outre, contrairement à ce que soutient le requérant, il n’est pas possible de déduire des extraits en cause que sa hiérarchie aurait nourri à son égard un préjugé négatif du fait des accusations de violences conjugales portées contre lui. En effet, aucune référence à ces accusations ne ressort de ces extraits qui se rapportent à des manquements allégués du requérant à ses obligations professionnelles, qu’il s’agisse d’absences non autorisées ou d’« escapades », ce dernier terme devant être compris, en l’absence d’autre explication plausible, comme renvoyant au reproche adressé par la hiérarchie du requérant à ce dernier quant à sa tendance à vouloir combiner ses missions avec des voyages privés (voir point 96 ci-dessus).

150    Il résulte de l’ensemble des considérations qui précèdent qu’aucun des faits invoqués par le requérant ne révèle l’existence de comportements ayant un caractère abusif susceptible de conduire à une qualification de « harcèlement moral ». En effet, aucun de ces comportements ne revêt une réalité objective suffisante, au sens où un observateur impartial et raisonnable, doté d’une sensibilité normale et placé dans les mêmes conditions, le considérerait comme excessif et critiquable (voir point 58 ci-dessus).

151    Il convient de préciser que le requérant n’a pas même apporté un commencement de preuve de la réalité des attaques dont il affirme être l’objet (voir points 61 et 62 ci-dessus).

152    Les conclusions exposées aux points 150 et 151 ci-dessus valent également lorsque les faits en cause sont examinés conjointement en tant qu’éléments d’un environnement global de travail (voir point 59 ci-dessus).

B.      Sur l’affaire T671/18

153    Le requérant présente des conclusions aux fins d’annulation des décisions litigieuses et de la décision du 13 mars 2019 de rejet de la réclamation, ainsi que des conclusions indemnitaires visant à la réparation du préjudice qui résulterait des décisions mentionnées ci-dessus et de l’inaction de la Commission à la suite de la demande d’assistance présentée dans la réclamation introduite le 13 novembre 2018. Il convient d’examiner tout d’abord les conclusions aux fins d’annulation.

1.      Sur les conclusions aux fins d’annulation 

154    Le requérant soulève, en substance, sept moyens, tirés, le premier, du manque de transparence et de la violation de l’article 25 du statut, le deuxième, de la violation des droits de la défense, du droit d’être entendu et de l’article 41 de la charte des droits fondamentaux de l’Union européenne, le troisième, d’une erreur manifeste d’appréciation de l’intérêt du service, le quatrième, de la violation du principe de bonne administration, le cinquième, de la méconnaissance du statut de lanceur d’alerte prévu à l’article 22 bis du statut, le sixième, d’une violation du devoir de sollicitude et, le septième, d’un détournement de pouvoir.

155    Il y a lieu d’examiner successivement chacun de ces moyens.

a)      Sur le premier moyen, tiré du manque de transparence et de la violation de l’article 25 du statut

156    Le requérant soutient que, en raison du manque d’information fournie par la Commission concernant sa prétendue insuffisance professionnelle et son prétendu comportement fautif, il n’a pas été en mesure de connaître les raisons de sa mutation.

157    Le requérant indique que la Commission a refusé de lui donner des détails sur son prétendu comportement fautif et sur ses prestations soi-disant insuffisantes. De même, elle aurait refusé de lui transmettre la date des premiers contacts, relatifs à sa mutation, ayant eu lieu entre la DG « Commerce » et la DG « Ressources humaines et sécurité », alors que cette information serait pourtant nécessaire à sa défense.

158    Par ailleurs, le requérant est d’avis que les allégations de fautes sur lesquelles la Commission se serait fondée pour décider de sa mutation auraient dû faire l’objet d’une enquête des services compétents, afin d’éviter que la Commission n’adopte des décisions arbitraires fondées sur un certain « parti pris ».

159    Le requérant se prévaut également de l’existence d’une procédure civile de divorce pour violences conjugales engagée par son épouse devant les juridictions polonaises en faisant valoir que la Commission aurait tenu compte de cette procédure pour décider de le muter à Bruxelles.

160    La Commission conclut au rejet du moyen.

161    À titre liminaire, il y a lieu de rappeler que l’obligation de motivation prévue à l’article 296 TFUE constitue une formalité substantielle qui doit être distinguée de la question du bien‑fondé de la motivation, celui‑ci relevant de la légalité au fond de l’acte litigieux. En effet, la motivation d’une décision consiste à exprimer formellement les motifs sur lesquels repose cette décision. Si ces motifs sont entachés d’erreurs, celles‑ci entachent la légalité au fond de la décision, mais non la motivation de celle‑ci, qui peut être suffisante tout en exprimant des motifs erronés. Il s’ensuit que les griefs et les arguments visant à contester le bien‑fondé d’un acte sont dénués de pertinence dans le cadre d’un moyen tiré du défaut ou de l’insuffisance de motivation (arrêt du 18 juin 2015, Ipatau/Conseil, C‑535/14 P, EU:C:2015:407, point 37).

162    À cet égard, il convient de relever que les arguments du requérant mentionnés aux points 158 et 159 ci-dessus, qui se fondent sur l’existence d’un préjugé négatif de la Commission à son égard qui serait le véritable motif de la décision de mutation, sont relatifs au bien-fondé de la décision de mutation et non à sa motivation. En outre, ils concernent le moyen tiré de l’existence d’un détournement de pouvoir. C’est donc dans le cadre de ce moyen que lesdits arguments seront examinés.

163    Par ailleurs, il y a lieu de rappeler que, selon l’article 25 du statut, toute décision individuelle prise en application du statut et faisant grief doit être motivée. L’obligation de motivation prescrite par cette disposition du statut, qui ne constitue que la reprise de l’obligation générale édictée à l’article 296, deuxième alinéa, TFUE, a pour but, d’une part, de fournir à l’intéressé une indication suffisante pour apprécier le bien-fondé de l’acte lui faisant grief et l’opportunité d’introduire un recours devant le Tribunal et, d’autre part, de permettre à ce dernier d’exercer son contrôle sur la légalité de l’acte (voir arrêt du 9 juillet 2019, VY/Commission, T‑253/18, non publié, EU:T:2019:488, point 48 et jurisprudence citée)

164    Si la motivation doit faire apparaître de façon claire et non équivoque le raisonnement de l’institution, elle doit être appréciée en fonction des circonstances de l’espèce, notamment du contenu de l’acte, de la nature des motifs invoqués et de l’intérêt que l’intéressé peut avoir à recevoir des explications. Il n’est ainsi pas exigé que la motivation spécifie tous les éléments de fait et de droit pertinents, dans la mesure où la question de savoir si la motivation d’un acte satisfait aux exigences de l’article 296 TFUE doit être appréciée non seulement au regard de son libellé, mais aussi de son contexte ainsi que de l’ensemble des règles juridiques régissant la matière concernée (voir arrêt du 12 septembre 2018, De Geoffroy e.a./Parlement, T‑788/16, non publié, EU:T:2018:534, point 50 et jurisprudence citée).

165    Il s’ensuit qu’une motivation ne doit pas être exhaustive, mais, au contraire, doit être considérée comme suffisante dès lors qu’elle expose les faits et les considérations juridiques revêtant une importance essentielle dans l’économie de la décision (voir arrêt du 13 décembre 2017, CJ/ECDC, T‑692/16, non publié, EU:T:2017:894, point 116 et jurisprudence citée).

166    En l’espèce, la décision de mutation renvoie à la note du 14 septembre 2018 (voir point 3 ci-dessus). En effet, dans le paragraphe introductif de la décision de mutation, la Commission rappelle que le requérant a été informé par ladite note de l’intention qu’elle avait de le muter à l’OLAF.

167    Dans la note du 14 septembre 2018, la Commission, après avoir rappelé la spécificité et le niveau élevé des attentes qui pèsent sur un fonctionnaire en poste dans une délégation, a indiqué que son intention de muter le requérant résultait des difficultés rencontrées par celui-ci dans l’exercice de ses fonctions de chargé d’affaires commerciales. Elle a précisé qu’il n’avait pas fait la preuve du comportement et de la souplesse nécessaires pour s’adapter à cet environnement et n’avait pas répondu aux exigences attendues. Elle a ajouté que la nécessité d’améliorer ses performances lui avait déjà été signalée dans ses rapports d’évaluation pour les années 2016 et 2017, mais qu’aucune amélioration n’avait été constatée.

168    Par courrier du 26 septembre 2018, le requérant a fait valoir, notamment, que l’insuffisance de ses performances résultait du comportement de sa hiérarchie à son égard, lequel avait eu un effet négatif tant sur ses performances que sur son bien-être général. Le requérant a ajouté qu’une telle mutation porterait atteinte aux procédures qu’il avait engagées sur le fondement des articles 24 et 90 du statut, lesquelles étaient alors en cours.

169    En réponse aux observations adressées par le requérant, la Commission a indiqué, dans la décision de mutation, que les performances professionnelles du requérant étaient source de préoccupations majeures pour sa hiérarchie. Elle a ajouté que le requérant en avait été informé tant par ladite hiérarchie que dans son rapport d’évaluation pour l’année 2016 et dans le rapport d’évaluation 2017. La Commission a enfin rappelé que des actions correctrices avaient été suggérées, mais que cette suggestion n’avait pas donné les résultats escomptés.

170    Il résulte des éléments exposés aux points 167 et 169 ci-dessus que le requérant était à même de comprendre que la décision de mutation avait été adoptée sur la base de deux motifs, à savoir, premièrement, l’insuffisance de ses performances et, deuxièmement, l’absence d’amélioration de celles-ci.

171    Certes, la Commission a également indiqué dans la décision de mutation, en réponse à une observation faite par le requérant, qu’une mutation dans l’intérêt du service ne préjugeait pas du résultat d’autres procédures, engagées par le requérant sur le fondement de l’article 90 du statut. Elle a ajouté que, dans la mesure où le requérant alléguait que son environnement professionnel au sein de la délégation avait eu une incidence négative sur sa santé, elle espérait que son retour à Bruxelles et sa réintégration à l’OLAF permettraient d’améliorer sa situation.

172    En outre, la Commission a signalé au requérant que la date de son entrée en fonctions à l’OLAF avait été fixée au 1er décembre 2018 afin de lui laisser le temps nécessaire pour trouver un logement approprié pour lui et sa famille. Elle lui a également apporté des précisions sur sa nouvelle affectation.

173    Toutefois, les éléments mentionnés au point 171 ci-dessus visent seulement à répondre aux observations du requérant et ne constituent pas de nouveaux motifs ajoutés à ceux exposés dans la note du 14 septembre 2018 et repris dans la décision de mutation. Quant aux éléments mentionnés au point 172 ci-dessus, ils consistent en de simples précisions apportées sur les modalités de la mutation.

174    De même, par le courrier du 29 octobre 2018, la Commission s’est bornée à confirmer au requérant la date de son affectation à l’OLAF et à lui communiquer des informations pratiques concernant son retour (voir point 7 ci-dessus) sans ajouter de nouveaux motifs à ceux qu’elle avait retenus dans la décision de mutation.

175    Il résulte de l’ensemble des considérations qui précèdent que le requérant disposait des éléments suffisants pour apprécier le bien-fondé de la décision de mutation et l’opportunité d’introduire un recours devant le Tribunal.

176    Il convient d’ajouter que la décision de mutation a été adoptée dans un contexte dans lequel les préoccupations de la Commission à l’égard des performances du requérant étaient connues de celui-ci (voir points 12, 15 et 169 ci-dessus).

177    En outre, dès lors qu’il n’est pas exigé que la motivation spécifie tous les éléments de faits et droits pertinents (voir points 164 et 165 ci-dessus), la Commission n’était pas tenue de donner au requérant plus de détails sur les « fautes » qui lui étaient reprochées ou sur l’insuffisance de ses performances. La Commission n’était pas non plus tenue de l’informer de la date à laquelle la DG « Commerce » s’était mise en relation pour la première fois avec la DG « Ressources humaines et sécurité » au sujet de sa mutation, ni tenue d’ouvrir une enquête préalable pour satisfaire à l’obligation de motivation qui s’imposait à elle.

178    Enfin, s’agissant de la décision du 13 mars 2019 de rejet de la réclamation, elle a été adoptée postérieurement à l’introduction du présent recours (voir point 35 ci-dessus). Dès lors, le requérant, qui a choisi de faire usage des dispositions de l’article 91, paragraphe 4, du statut, ne saurait utilement se prévaloir d’un éventuel défaut de motivation entachant la décision du 13 mars 2019 de rejet de la réclamation.

179    En tout état de cause, la Commission, dans la décision du 13 mars 2019 de rejet de la réclamation, a écarté les arguments invoqués à l’encontre de la décision de mutation par le requérant et confirmé ladite décision, ainsi que ses motifs. Elle a ainsi contribué à conforter la motivation de la décision de mutation, laquelle était déjà suffisante.

180    Au regard de l’ensemble des considérations qui précèdent, il convient d’écarter le moyen tiré de la violation de l’obligation de motivation.

b)      Sur le deuxième moyen, tiré de la violation des droits de la défense, du droit d’être entendu et de l’article 41 de la charte des droits fondamentaux

181    Le requérant soutient que, faute d’avoir été informé des motifs de sa mutation, il n’a pas été en mesure d’exprimer son point de vue, de sorte que ses droits de la défense n’ont pas été respectés, ainsi que son droit d’être entendu, tel que défini à l’article 41 de la charte des droits fondamentaux.

182    Par ailleurs, le requérant fait valoir que son manque de disponibilité au travail, lequel a conduit au constat de l’insuffisance de ses performances, était dû au temps qu’il avait consacré à mettre en œuvre les procédures prévues aux articles 24 et 90 du statut afin de se défendre contre les agissements de sa hiérarchie.

183    Le requérant ajoute que la décision de mutation a été prise dans le but de le punir pour les démarches qu’il avait entreprises pour se défendre. 

184    Le requérant invoque également un grief tiré de la violation du principe de la présomption d’innocence. Il soutient que son droit à la présomption d’innocence a été méconnu dans la mesure où il aurait été victime de « partis pris » de son employeur qui n’aurait pas vérifié la véracité des allégations de violences conjugales de son épouse à son égard, ni ne lui aurait permis de les contester avant de décider de le muter. 

185    La Commission conclut au rejet du moyen.

186    À titre liminaire, il convient de relever que l’argument selon lequel la décision de mutation aurait eu pour but de punir le requérant (voir point 183 ci-dessus), ainsi que le grief relatif à la violation du principe de la présomption d’innocence (voir point 184 ci-dessus), en ce qu’ils supposent l’existence d’un préjugé négatif de la Commission à l’égard du requérant qui serait le véritable motif de la décision de mutation, sont relatifs à l’existence d’un détournement de pouvoir. C’est donc dans le cadre de ce moyen que ces arguments seront examinés.

187    S’agissant du grief mentionné au point 181 ci-dessus et tiré de l’absence de communication des motifs de la décision de mutation, il suffit de constater que le requérant, contrairement à ce qu’il prétend, a été informé au préalable, par la note du 14 septembre 2018, des motifs de sa mutation (voir point 167 ci-dessus) et qu’il a pu présenter ses observations sur ces motifs dans le courrier du 26 septembre 2018 (voir points 4 et 168 ci-dessus).

188    Le grief manque donc en fait et doit être écarté.

189    Pour ce qui concerne le grief mentionné au point 182 ci-dessus, relatif au temps consacré par le requérant à la préparation de ses demandes et de ses réclamations, il convient de relever qu’un tel grief est inopérant au soutien d’un moyen tiré de la violation des droits de la défense, du droit d’être entendu et de l’article 41 de la charte des droits fondamentaux. En effet, ce grief ne vise pas à établir l’illégalité de la procédure au terme de laquelle la décision de mutation a été adoptée, mais porte sur le bien-fondé des motifs sur la base desquels elle l’a été, à savoir l’insuffisance des performances du requérant et l’absence d’amélioration à cet égard. En tout état de cause, ce grief n’est pas fondé, ainsi qu’il ressort des considérations exposées aux points 127 à 129 ci-dessus.

190    Compte tenu de ce qui précède, il convient d’écarter le deuxième moyen dans son ensemble.

c)      Sur le troisième moyen, tiré de l’existence d’une erreur manifeste dans l’appréciation de l’intérêt du service

191    Le requérant soutient que les motifs retenus par la Commission pour adopter la décision de mutation, à savoir l’insuffisance de ses performances et l’absence d’amélioration à cet égard, sont illégaux, la Commission ayant commis une erreur manifeste dans l’appréciation de l’intérêt du service.

192    Le requérant articule son moyen en cinq branches. La première branche est tirée de l’absence de prise en compte de la procédure pendante, ouverte au titre des articles 24 et 90 du statut. La deuxième branche est tirée de ce que la décision de mutation reposerait sur une utilisation sélective du contenu des évaluations du requérant dans le but de justifier l’intérêt du service de le transférer à Bruxelles. La troisième branche est tirée de ce que la décision de mutation méconnaîtrait le changement substantiel de situation qui serait intervenu au sein de la délégation. La quatrième branche est tirée de l’absence de prise en compte de situations importantes faisant l’objet de demandes et de réclamations au titre des articles 24 et 90 du statut qui, bien qu’antérieures aux décisions litigieuses, étaient à l’origine de procédures encore en cours au moment de l’adoption de ces décisions. La cinquième branche est tirée de ce que la Commission, en se fondant sur un motif médical pour justifier la mutation du requérant, aurait entaché sa décision d’une erreur manifeste d’appréciation.

193    La Commission conclut au rejet du moyen.

194    À titre liminaire, il convient de rappeler que l’article 7, paragraphe 1, premier alinéa, du statut dispose que « [l’administration] affecte, par voie de nomination ou de mutation, dans le seul intérêt du service et sans considération de nationalité, chaque fonctionnaire à un emploi de son groupe de fonctions correspondant à son grade ».

195    Selon la jurisprudence, les institutions jouissent d’un large pouvoir d’appréciation dans l’organisation de leurs services en fonction des missions qui leur sont confiées et dans l’affectation, en vue de celles-ci, du personnel qui se trouve à leur disposition. Ce large pouvoir d’appréciation s’exerce à la condition, cependant, ainsi qu’il découle de l’article 7 du statut, que cette affectation se fasse dans l’intérêt du service et dans le respect de la règle de la correspondance entre le grade et l’emploi (arrêts du 21 juin 1984, Lux/Cour des comptes, 69/83, EU:C:1984:225, point 17, et du 7 mars 1990, Hecq/Commission, C‑116/88 et C‑149/88, EU:C:1990:98, point 11 ; voir également, en ce sens, arrêt du 4 décembre 2018, Schneider/EUIPO, T‑560/16, non publié, EU:T:2018:872, points 54 et 82).

196    S’agissant de la définition de l’intérêt du service, premièrement, il y a lieu de rappeler que cette notion, au sens de l’article 7, paragraphe 1, du statut, se rapporte au bon fonctionnement de l’institution en général et, en particulier, aux exigences spécifiques du poste à pourvoir (arrêt du 9 juillet 2019, VY/Commission, T‑253/18, non publié, EU:T:2019:488, point 72).

197    Deuxièmement, il ressort d’une jurisprudence établie que l’obligation incombant aux institutions de l’Union d’affecter leur personnel dans le seul intérêt du service s’applique même lorsqu’elle est susceptible d’entraîner une modification du lieu d’affectation non voulue par l’intéressé (arrêt du 11 juillet 1996, Aubineau/Commission, T‑102/95, EU:T:1996:104, point 28 ; voir également, en ce sens, arrêt du 14 juillet 1988, Aldinger et Virgili/Parlement, 23/87 et 24/87, EU:C:1988:406, point 17). En outre, une réaffectation dans l’intérêt du service ne suppose pas le consentement du fonctionnaire concerné (arrêts du 22 janvier 1998, Costacurta/Commission, T‑98/96, EU:T:1998:6, point 40, et du 7 juin 2018, OW/AESA, T‑597/16, non publié, EU:T:2018:338, point 79 ; voir également, en ce sens, arrêt du 24 février 1981, Carbognani et Coda Zabetta/Commission, 161/80 et 162/80, EU:C:1981:51, point 28).

198    Troisièmement, compte tenu de l’étendue du pouvoir d’appréciation des institutions dans l’évaluation de l’intérêt du service, le contrôle du Tribunal portant sur le respect de cette condition doit se limiter à la question de savoir si l’administration est restée dans des limites raisonnables et n’a pas usé de son pouvoir d’appréciation de manière manifestement erronée (voir arrêt du 28 octobre 2004, Meister/OHMI, T‑76/03, EU:T:2004:319, point 64 et jurisprudence citée).

199    À cet égard, selon la jurisprudence, une erreur peut être qualifiée de manifeste seulement lorsqu’elle peut être aisément détectée au regard des critères auxquels le législateur a entendu subordonner l’exercice d’un pouvoir décisionnel. Par conséquent, afin d’établir que l’administration a commis une erreur manifeste dans l’appréciation des faits qui soit de nature à justifier l’annulation d’une décision, les éléments de preuve, qu’il incombe à la partie requérante d’apporter, doivent être suffisants pour priver de plausibilité les appréciations retenues par l’administration. En d’autres termes, le moyen tiré de l’erreur manifeste doit être rejeté si, en dépit des éléments avancés par la partie requérante, l’appréciation mise en cause peut être admise comme étant toujours vraie ou valable (voir arrêt du 24 septembre 2019, VF/BCE, T‑39/18, non publié, EU:T:2019:683, point 110 et jurisprudence citée).

200    C’est à la lumière des considérations qui précèdent et dans le cadre du contrôle restreint dévolu au Tribunal qu’il convient d’examiner le présent moyen.

1)      Sur la première branche, tirée de l’absence de prise en considération de la procédure pendante, ouverte au titre des articles 24 et 90 du statut

201    La présente branche comporte, en substance, deux griefs. En premier lieu, il existerait un lien entre l’insuffisance des performances du requérant et le harcèlement moral dont il aurait été victime. Compte tenu de ce lien, la décision de mutation, qui serait fondée sur une appréciation erronée des performances du requérant, serait entachée d’une erreur manifeste dans l’appréciation de l’intérêt du service. En outre, l’ensemble des comportements illégaux que le requérant a signalés correspondraient aux différentes catégories d’actes que l’Agence européenne pour la sécurité et la santé au travail (EU-OSHA) considère comme des faits de harcèlement. En second lieu, la décision de mutation serait illégale dans la mesure où une procédure ouverte au titre des articles 24 et 90 du statut était toujours pendante au moment de son adoption.

202    En premier lieu, ainsi qu’il résulte des motifs exposés aux points 64 à 152 ci-dessus, non seulement les faits de harcèlement invoqués par le requérant ne sont pas établis, mais le requérant n’a pas même apporté un commencement de preuve de la réalité des attaques dont il affirme avoir été l’objet. En outre, le requérant n’apporte aucun indice laissant présumer que les agissements qu’il dénonce relèveraient de catégories de comportements reconnues par l’EU-OSHA comme manifestant l’existence d’un harcèlement moral. Dans ces conditions, le requérant n’est pas non plus fondé à se prévaloir de la classification que donnerait l’EU-OSHA du harcèlement moral.

203    Par conséquent, le premier grief de la première branche du troisième moyen doit être écarté comme manquant en fait.

204    En second lieu, le requérant conteste la légalité de la décision de mutation au motif qu’elle aurait été adoptée alors qu’il avait invoqué sa situation de victime d’un harcèlement moral dans le cadre de diverses procédures toujours en cours au moment de l’adoption de cette décision.

205    À cet égard, premièrement, le requérant, qui invoque le principe de bonne administration, doit être regardé comme mettant en cause l’impartialité de l’auteur de la décision de mutation.

206    En effet, il convient de rappeler que l’article 41 de la charte des droits fondamentaux est consacré au principe de bonne administration et qu’il résulte du paragraphe 1 de cet article que toute personne a le droit de voir ses affaires traitées impartialement, équitablement et dans un délai raisonnable par les institutions, organes et organismes de l’Union.

207    Or, selon la jurisprudence, le fait qu’un agent ait introduit une plainte pour harcèlement à l’encontre du fonctionnaire qui doit apprécier les prestations professionnelles de cet agent ne saurait, comme tel, en dehors de toute autre circonstance, être de nature à mettre en cause l’impartialité de la personne visée par la plainte (voir arrêt du 8 novembre 2018, QB/BCE, T‑827/16, EU:T:2018:756, point 94 et jurisprudence citée).

208    En l’espèce, la décision de mutation a été adoptée par un fonctionnaire de la DG « Ressources humaines et sécurité » (voir point 5 ci-dessus) et non par un membre de la hiérarchie du requérant au sein de la délégation, voire du SEAE ou de la DG « Commerce », laquelle serait à l’origine du harcèlement dont le requérant s’estime être victime.

209    Compte tenu de l’absence d’identité entre l’autorité ayant adopté la décision de mutation et les personnes supposément impliquées dans les faits de harcèlement allégués, mais également de l’absence de liens évidents ou établis entre eux, la jurisprudence citée au point 207 ci-dessus s’applique a fortiori.

210    Deuxièmement, il convient de rappeler que la jurisprudence exige du fonctionnaire concerné qu’il apporte un commencement de preuve de la réalité des attaques dont il affirme être l’objet pour qu’il appartienne à l’institution concernée de prendre les mesures appropriées (voir point 62 ci-dessus). Une obligation imposée à l’administration, en présence de procédures en cours relatives à l’existence alléguée d’un harcèlement moral, de suspendre l’adoption de tout acte faisant grief au fonctionnaire concerné, lorsque celui-ci n’a pas apporté de commencement de preuve de la réalité des attaques dont il affirme être l’objet, créerait un risque trop important de paralysie des institutions de l’Union dans la gestion de leurs agents. En l’espèce, ainsi qu’il résulte des motifs exposés aux points 64 à 152 ci-dessus, non seulement les faits de harcèlement invoqués par le requérant ne sont pas établis, mais le requérant n’a pas même apporté un commencement de preuve de la réalité des attaques dont il affirme être l’objet. Dès lors, l’administration n’était pas tenue de s’abstenir d’adopter tout acte faisant grief utile à la gestion du requérant en l’absence d’un tel commencement de preuve.

211    Troisièmement, même si, en l’espèce, la décision de mutation n’a pas été adoptée pour un motif tiré de la protection des intérêts du requérant, elle a néanmoins eu pour effet de provoquer l’éloignement du requérant du cadre de travail dans lequel il se trouvait et auquel était attribuée l’origine du harcèlement allégué. Malgré les affirmations du requérant, au demeurant non établies (voir points 283 et 284 ci-après), selon lesquelles la décision de mutation aurait aggravé ses problèmes de santé, une telle décision, par son objet même, n’apparaît pas défavorable à une personne s’estimant victime d’un harcèlement.

212    Ainsi, en raison de son objet même, la décision de mutation pouvait, voire devait, être adoptée avant même que les procédures engagées par le requérant au titre des articles 24 et 90 du statut ne soient clôturées.

213    Quatrièmement, le requérant avait introduit, dès le 26 janvier 2018, la demande d’assistance litigieuse portant sur les faits de harcèlement dont il estimait être victime. Or, cette demande a fait l’objet d’une décision de rejet le 28 mai 2018, c’est-à-dire avant l’adoption de la décision de mutation. Certes, le requérant a introduit une réclamation contre cette décision et la procédure d’examen de cette réclamation était en cours à la date d’adoption de la décision de mutation. De plus, le requérant semble se prévaloir d’autres procédures. Toutefois, la demande d’assistance litigieuse avait déjà fait l’objet, à la date d’adoption de la décision de mutation, d’un examen préalable ayant donné lieu à une prise de position de l’administration.

214    Compte tenu de tout ce qui précède, le second grief de la première branche du troisième moyen doit être écarté ainsi que la première branche dans son ensemble.

2)      Sur la deuxième branche, tirée de l’utilisation sélective du contenu des évaluations dans le but de justifier l’intérêt du service

215    Le requérant soutient, à l’appui de la deuxième branche du troisième moyen, que la Commission a entaché son appréciation de l’intérêt du service d’une erreur manifeste en ne s’étant référée qu’aux seules appréciations de sa hiérarchie et de ses évaluateurs sur ses performances et non aux éléments objectifs qu’il avait signalés lors des exercices d’évaluation 2016 et 2017.

216    Premièrement, le requérant allègue que son chef de section n’a pas tenu compte des « facteurs objectifs » qui auraient justifié le retard dans l’exécution d’une « certaine tâche » et fait référence, à cet égard, à son droit statutaire de déposer un recours.

217    Toutefois, le requérant n’explique pas, même sommairement, en quoi l’exercice de son droit statutaire de déposer un recours ne lui aurait pas permis de respecter les délais qui lui étaient impartis pour accomplir la tâche en question.

218    En outre, ainsi qu’il ressort des motifs exposés aux points 127 à 129 ci-dessus, le requérant n’est pas fondé à soutenir que la Commission aurait dû tenir compte de ses démarches au titre des articles 24 et 90 du statut pour évaluer ses performances.

219    Deuxièmement, le requérant soutient qu’il n’a pas pu faire valoir ses observations sur la contribution du chef de la délégation à ses rapports d’évaluation avant que cette contribution ne soit consignée dans le système informatique de gestion du personnel dénommé « Sysper 2 ». Toutefois, il n’apporte aucun élément à l’appui de cette affirmation. Il convient d’ajouter que le requérant pouvait faire valoir ses observations à cet égard avant que le rapport d’évaluation ne soit définitivement établi, dès lors qu’il disposait de la faculté de faire appel, ce qu’il a fait à l’égard du rapport d’évaluation 2017 (voir point 13 ci-dessus).

220    Troisièmement, le requérant dénonce une « manipulation » de son chef de section, qui aurait consisté à faire croire au chef de la délégation qu’il aurait délibérément ignoré certaines de ses instructions. Toutefois, il n’apporte aucun élément à l’appui de cette affirmation.

221    Quatrièmement, le requérant dénonce un manque de dialogue avec sa hiérarchie, sans exemple à l’appui, alors même que, s’agissant de l’exercice d’évaluation 2017, un dialogue a eu lieu tant avec l’évaluateur qu’avec l’évaluateur d’appel (voir points 11 et 14 ci-dessus).

222    Il résulte de ce qui précède que non seulement le requérant n’a apporté aucun élément de preuve permettant d’établir les faits dont il se prévaut, mais, en outre, il n’a pas démontré que ces faits, à les supposer établis, révéleraient un manque d’objectivité dans l’évaluation de ses performances. De même, le requérant n’a pas établi que la Commission, lorsqu’elle a adopté la décision de mutation, aurait dû prendre des mesures spécifiques pour s’assurer de l’objectivité de son appréciation.

223    Dans ces conditions, la deuxième branche du troisième moyen doit être écartée.

3)      Sur la troisième branche, tirée de la méconnaissance du changement substantiel de situation qui serait intervenu au sein de la délégation

224    Le requérant soutient que la Commission a adopté la décision de mutation en ne tenant pas compte de l’amélioration substantielle de ses conditions de travail qui serait intervenue avec le départ du chef de section et qui lui aurait permis de révéler son haut niveau d’expertise.

225    À titre liminaire, il y a lieu de relever que la Commission a informé le requérant le 14 septembre 2018 qu’elle entendait le muter (voir point 3 ci-dessus).

226    Or, ainsi qu’il ressort des pièces du dossier, notamment du témoignage fourni par le chef de section en réponse aux questions posées par l’IDOC dans le cadre de l’enquête concernant le requérant (voir points 96 et 140 ci-dessus), le chef de section a quitté la délégation à la fin du mois d’août 2018, c’est-à-dire moins de quinze jours avant le 14 septembre 2018.

227    Dès lors, au vu des circonstances de l’espèce, il n’est pas vraisemblable qu’une amélioration des performances du requérant suffisamment sensible pour remettre en cause un constat fondé sur ses deux précédents rapports d’évaluation (voir points 167 et 169 ci-dessus) ait pu intervenir au cours d’une période si brève.

228    À supposer même que la date de la décision de mutation elle-même doive être prise en compte, celle-ci ayant été adoptée le 12 octobre 2018 (voir point 5 ci-dessus), c’est-à-dire moins d’un mois et demi après le départ du chef de section, il n’est pas vraisemblable qu’une amélioration des performances du requérant suffisamment sensible pour remettre en cause un constat fondé sur ses deux précédents rapports d’évaluation ait pu intervenir au cours d’une période si brève.

229    En tout état de cause, les éléments invoqués par le requérant ne permettent pas d’établir que la Commission se serait fondée à tort sur l’insuffisance de ses performances lorsqu’elle a adopté la décision de mutation.

230    Premièrement, le requérant affirme que le nouveau chef de la délégation aurait indirectement reconnu que l’insuffisance de ses performances était liée aux mauvaises pratiques managériales du chef de section.

231    À cet égard, en janvier 2018, dans sa contribution pour l’évaluation du requérant, le nouveau chef de la délégation a écrit ce qui suit :

« Mon conseil [au requérant] pour 2018 a été […] de mettre à profit l’arrivée du nouveau chef de la délégation et du nouveau chef de section pour améliorer sa performance. »

232    Il résulte des termes de cet extrait que, par sa contribution, le nouveau chef de la délégation, lui-même arrivé le 1er octobre 2017, encourageait le requérant à tirer profit de sa propre prise de fonction et de la prise de fonction future du nouveau chef de section pour améliorer sa performance.

233    Le conseil du nouveau chef de la délégation ne peut, par conséquent, être interprété ni comme signifiant qu’il partage l’appréciation négative du requérant sur le comportement du chef de section, ni comme admettant que l’insuffisance des performances du requérant serait liée à un tel comportement.

234    En outre, le commentaire du nouveau chef de la délégation ne saurait attester d’un changement substantiel des performances du requérant, dès lors, d’une part, qu’il est antérieur au remplacement du chef de section censé être la cause de l’amélioration de ces performances et, d’autre part, qu’il implique seulement que le nouveau chef de la délégation considère que les performances du requérant peuvent être améliorées.

235    Deuxièmement, le requérant affirme avoir produit « trois rapports approfondis », dont deux auraient été jugés très utiles par la DG « Commerce ». Le requérant se prévaut à cet égard d’une appréciation d’un chef d’unité adjoint à la DG « Santé et protection des consommateurs », datée, selon lui, du 13 novembre 2018, selon laquelle celui-ci aurait reçu un excellent rapport du requérant, « qui place le système de traçabilité du tabac dans une perspective beaucoup plus large ».

236    Toutefois, le requérant n’a pas produit le document contenant une telle appréciation. Il n’a pas non plus expliqué les raisons pour lesquelles la DG « Santé et protection des consommateurs », dont il ne relevait pas, avait été destinataire d’un rapport rédigé par ses soins.

237    Troisièmement, le nouveau chef de section aurait relevé « la grande expertise » du requérant dans des domaines « apparentés » et aurait été prêt à dialoguer, contrairement à son prédécesseur. Cependant, le requérant n’apporte aucun élément de preuve à l’appui de son argument, ne précisant ni les domaines ni les éléments de compétence qu’il évoque.

238    Si le requérant se prévaut également d’« un certain nombre d’arguments substantiels » avancés dans ses observations du 26 septembre 2018, il ne les reprend pas au soutien de son grief.

239    Il résulte de l’ensemble des considérations qui précèdent que la troisième branche du troisième moyen doit être écartée.

4)      Sur la quatrième branche, tirée de l’omission de situations importantes faisant l’objet de demandes et de réclamations, au titre des articles 24 et 90 du statut, antérieures aux décisions litigieuses

240    À l’appui de la quatrième branche du troisième moyen, le requérant soutient que la Commission n’aurait pas tenu compte de mauvaises pratiques qu’il aurait subies de la part de sa hiérarchie et qu’il aurait signalées dans ses réclamations et dans la demande d’assistance litigieuse. Ces pratiques, qui se seraient déroulées entre le 1er octobre et le 31 décembre 2017, ainsi que tout au long de l’année 2018, auraient altéré ses performances et expliqueraient le retard pris dans l’exécution de son travail, de sorte que, en adoptant la décision de mutation au motif de l’insuffisance desdites performances, la Commission aurait entaché son appréciation de l’intérêt du service d’une erreur manifeste.

241    À cet égard, ainsi qu’il résulte des motifs exposés aux points 64 à 152 ci-dessus, non seulement les faits de harcèlement invoqués par le requérant ne sont pas établis, mais le requérant n’a pas même apporté un commencement de preuve de la réalité des attaques dont il affirme être l’objet.

242    En outre, si les faits invoqués par le requérant et examinés aux points 64 à 152 ci-dessus révèlent l’existence de tensions avec sa hiérarchie, celles-ci résultent, pour partie au moins, de l’attitude du requérant lui-même (voir point 148 ci-dessus).

243    Par conséquent, le requérant n’est pas fondé à soutenir que le constat d’insuffisance de ses performances sur lequel se fonde la décision de mutation serait erroné du fait de mauvaises pratiques dont il aurait été victime de la part de sa hiérarchie.

244    La quatrième branche du troisième moyen doit donc être écartée.

5)      Sur la cinquième branche, tirée de l’erreur d’appréciation dont seraient entachés « les motifs médicaux » de la décision de mutation

245    Le requérant soutient que la Commission a entaché les « motifs médicaux » sur lesquels elle s’est fondée dans la décision de mutation d’une erreur d’appréciation.

246    En l’espèce, la mutation du requérant de la délégation au siège de l’OLAF à Bruxelles a été proposée et adoptée sur le fondement de l’intérêt du service, justifié, selon la Commission, d’une part, par l’insuffisance des performances du requérant et, d’autre part, par l’absence d’amélioration de celles-ci depuis son arrivée à la délégation (voir points 166 à 170 ci-dessus). C’est sur la base de ces deux motifs et non de l’état de santé du requérant que la décision de mutation a été adoptée. Par conséquent, le grief du requérant manque en fait.

247    Certes, la Commission a rappelé, dans la décision de mutation, que le requérant alléguait que son environnement professionnel dans la délégation avait eu une incidence négative sur sa santé et son bien-être et a alors indiqué qu’elle espérait que son retour à Bruxelles et sa réintégration à l’OLAF permettraient d’améliorer sa situation. Cependant, ainsi qu’il a été relevé au point 173 ci-dessus, une telle indication n’est que la réponse à une observation du requérant.

248    En outre, la question de la santé du requérant n’était pas en cause dans la note du 14 septembre 2018 qui informait le requérant du souhait de la Commission de le muter à Bruxelles et des motifs à l’origine d’un tel projet de mutation (voir point 167 ci-dessus). Or, il ne ressort pas du libellé de la décision de mutation que la Commission ait entendu modifier ces motifs. Au contraire, elle les a confirmés en écartant les objections présentées à leur égard par le requérant dans ses observations du 26 septembre 2018 (voir point 4 ci-dessus).

249    Il convient, par conséquent, d’écarter la cinquième branche du troisième moyen.

250    Au regard des considérations exposées aux points 191 à 249 ci-dessus, l’ensemble du troisième moyen, tiré de l’existence d’une erreur manifeste dans l’appréciation de l’intérêt du service, doit être écarté.

d)      Sur le quatrième moyen, tiré de la violation du principe de bonne administration

251    Le requérant articule son moyen en deux branches.

252    Dans le cadre de la première branche, le requérant soutient que le principe de bonne administration a été méconnu dans la mesure où les décisions litigieuses sont intervenues avant que ne soient clôturées plusieurs procédures visant à dénoncer un harcèlement moral qu’il avait introduites sur le fondement des articles 24 et 90 du statut.

253    À cet égard, dès lors que les arguments figurant dans la première branche du quatrième moyen se confondent avec ceux déjà invoqués dans le cadre de la première branche du troisième moyen, il convient d’écarter la première branche du quatrième moyen sur la base des considérations exposées aux points 204 à 214 ci-dessus.

254    Dans le cadre de la seconde branche, le requérant soutient que le principe de bonne administration a été méconnu au motif que la Commission, avant de décider de le muter, n’aurait pas procédé à la vérification des allégations du chef de la délégation contenues dans la note du 29 mai 2018.

255    Le requérant allègue que le chef de la délégation l’a accusé, dans la note du 29 mai 2018, d’avoir eu un comportement consistant à dissimuler son projet de faire un détour, pour un motif privé, lors d’une mission, ce qui aurait entraîné une charge pour les contribuables de l’Union. Selon le requérant, le chef de la délégation lui reprochait ainsi d’avoir manqué de transparence dans la planification de sa mission et d’avoir intentionnellement trompé la délégation. Le requérant souligne que le chef de la délégation a diffusé la note du 29 mai 2018 au sein du SEAE et de la Commission dans le but de porter atteinte à sa crédibilité.

256    La Commission conclut au rejet de l’argumentation du requérant.

257    Il convient de constater que la décision de mutation, ainsi qu’il a été rappelé aux points 166 à 170 ci-dessus, est fondée sur l’insuffisance des performances du requérant et l’absence d’amélioration de celles-ci. Elle ne fait pas référence à la note du 29 mai 2018 et le requérant n’établit pas qu’elle se fonderait sur les reproches qui lui sont adressés dans cette note.

258    Par conséquent, la seconde branche du quatrième moyen, qui repose sur la prémisse selon laquelle les allégations du chef de la délégation concernant le remboursement des frais de mission du requérant contenues dans la note du 29 mai 2018 seraient erronées, est dès lors inopérante et doit donc être écartée.

259    Compte tenu de ce qui précède, il convient d’écarter la seconde branche du quatrième moyen et, par conséquent, ledit moyen dans son ensemble.

e)      Sur le cinquième moyen, tiré de la méconnaissance de l’article 22 bis du statut relatif au statut de lanceur d’alerte

260    Le requérant indique avoir rapporté au chef de la délégation et à son adjoint, en leur qualité d’ordonnateurs, un certain nombre de situations révélant l’existence de dysfonctionnements et d’irrégularités au sein de la délégation, de nature à porter atteinte aux finances de l’Union.

261    Le requérant soutient que la décision de mutation a été adoptée en représailles à sa tentative de dénoncer des cas de mauvaise gestion et d’irrégularités au sein de la délégation. Ladite décision méconnaîtrait donc la protection accordée aux lanceurs d’alerte, telle que prévue à l’article 22 bis, paragraphe 3, du statut.

262    La Commission conclut au rejet du cinquième moyen.

263    À cet égard, l’article 22 bis du statut énonce ce qui suit :

« 1. Le fonctionnaire qui, dans l’exercice ou à l’occasion de l’exercice de ses fonctions, a connaissance de faits qui peuvent laisser présumer une activité illégale éventuelle, notamment une fraude ou une corruption, préjudiciable aux intérêts de l’Union, ou une conduite en rapport avec l’exercice de ses fonctions pouvant constituer un grave manquement aux obligations des fonctionnaires de l’Union, en informe immédiatement son supérieur hiérarchique direct ou son directeur général ou encore, s’il le juge utile, le secrétaire général, ou toute personne de rang équivalent, ou directement l’[OLAF]. 

Toute information mentionnée au premier alinéa est transmise par écrit.

[…]

3. Le fonctionnaire qui a communiqué l’information visée aux paragraphes 1 et 2 ne subit aucun préjudice de la part de l’institution, pour autant qu’il ait agi de bonne foi. »

264    En l’espèce, premièrement, il ne ressort pas des pièces du dossier que le requérant ait « informé » sa hiérarchie, au sens des dispositions de l’article 22 bis, paragraphe 1, deuxième alinéa, du statut, lesquelles prévoient que toute information communiquée par un lanceur d’alerte à sa hiérarchie ou à l’OLAF est transmise « par écrit ».

265    En effet, le requérant se borne à alléguer avoir rapporté l’existence des irrégularités qu’il invoque vers la fin de l’année 2016, ainsi qu’à plusieurs occasions, entre 2016 et 2018, et ne produit, ni même ne mentionne dans ses écritures, aucun document qu’il aurait communiqué à sa hiérarchie ou à l’OLAF, alors même que la Commission conteste son statut de lanceur d’alerte.

266    Deuxièmement, en vertu de l’article 22 bis, paragraphe 1, premier alinéa, du statut, ledit paragraphe s’applique au fonctionnaire qui a connaissance de faits « qui peuvent laisser présumer » une activité illégale ou un manquement grave aux obligations des fonctionnaires.

267    Cette condition est remplie dès lors que le fonctionnaire concerné communique des faits concrets authentiques ou, à tout le moins vraisemblables et dont une première appréciation a pu le conduire à présumer raisonnablement l’existence d’une activité illégale ou d’un manquement grave (arrêt du 13 janvier 2011, Nijs/Cour des comptes, F‑77/09, EU:F:2011:2, point 66 ; voir également, en ce sens, arrêt du 8 octobre 2014, Bermejo Garde/CESE, T‑530/12 P, EU:T:2014:860, points 125 et 129).

268    En l’espèce, le requérant ne présente, dans ses écritures, que des allégations très générales et peu circonstanciées ne permettant pas de déterminer s’il pouvait présumer raisonnablement l’existence d’une activité illégale ou d’un manquement grave.

269    Par conséquent, il ne peut être conclu que le requérant avait informé sa hiérarchie de l’existence de faits qui pouvaient laisser présumer une activité illégale ou un manquement grave aux obligations des fonctionnaires, ainsi que le prévoit l’article 22 bis, paragraphe 1, premier alinéa, du statut.

270    Il résulte des motifs exposés aux points 264 à 269 ci-dessus que le requérant ne remplissait pas les conditions prévues à l’article 22 bis, paragraphe 1, du statut. Par conséquent, les dispositions de l’article 22 bis, paragraphe 3, du statut, relatives à la protection des lanceurs d’alerte, ne lui étaient pas applicables.

271    Au regard de l’ensemble des considérations qui précèdent, le cinquième moyen doit être écarté.

f)      Sur le sixième moyen, tiré de la violation du devoir de sollicitude

272    Le requérant soutient que la Commission a méconnu son devoir de sollicitude pour ne pas avoir veillé à ses conditions de travail et, en particulier, pour n’avoir prêté aucune attention aux nombreuses « anomalies » qu’il aurait signalées concernant celles-ci.

273    Le requérant fait également valoir que la Commission n’a pas tenu compte des conséquences préjudiciables sur sa carrière, son état de santé et sa situation financière qu’était susceptible d’entraîner la décision de mutation.

274    Le requérant indique, en outre, que le refus de l’administration de répondre favorablement à des demandes de remboursement de frais, qu’il qualifie d’« imprévus » et qu’il prétend avoir dû supporter en conséquence de sa mutation, serait contraire au droit à une bonne administration, dès lors qu’un tel refus méconnaîtrait les dispositions de l’article 71 du statut.

275    La Commission soutient que le présent moyen doit être écarté.

276    À titre liminaire, s’agissant de l’argument relatif à la méconnaissance des dispositions de l’article 71 du statut, il convient de rappeler que cet article est relatif au remboursement des frais exposés par un fonctionnaire dans l’exercice de ses fonctions. Son éventuelle méconnaissance est donc sans incidence sur la légalité de la décision de mutation et, plus largement, des décisions litigieuses, qui n’ont ni pour objet ni pour effet de refuser de répondre favorablement à des demandes que le requérant aurait présentées sur le fondement dudit article.

277    Par ailleurs, selon une jurisprudence constante, le devoir de sollicitude de l’administration, tout en n’étant pas mentionné dans le statut, reflète l’équilibre des droits et des obligations réciproques que ce texte a créé dans les relations entre l’autorité publique et ses fonctionnaires. Ce devoir ainsi que le principe de bonne administration impliquent notamment que, lorsqu’elle statue sur la situation d’un fonctionnaire, l’autorité prenne en considération l’ensemble des éléments qui sont susceptibles de déterminer sa décision et que, ce faisant, elle tienne compte non seulement de l’intérêt du service, mais aussi de celui du fonctionnaire concerné (voir arrêt du 7 novembre 2019, WN/Parlement, T‑431/18, non publié, EU:T:2019:781, point 105 et jurisprudence citée ; voir également, en ce sens, arrêt du 28 mai 1980, Kuhner/Commission, 33/79 et 75/79, EU:C:1980:139, point 22).

278    En l’espèce, s’agissant, en premier lieu, des « anomalies » que le requérant aurait signalées à sa hiérarchie (voir point 272 ci-dessus), faute pour le requérant d’apporter la moindre précision à cet égard, il convient d’écarter cet argument.

279    À supposer même que le requérant ait entendu implicitement renvoyer aux éléments invoqués dans le cadre du moyen tiré de la méconnaissance du statut de lanceur d’alerte, il y aurait lieu également d’écarter cet argument sur la base des motifs exposés aux points 264 à 270 ci-dessus.

280    S’agissant, en second lieu, de l’existence de préjudices que la décision de mutation aurait causés au requérant, il convient de rappeler que les exigences découlant du devoir de sollicitude ne sauraient empêcher l’administration d’adopter les mesures de réaffectation ou de mutation qu’elle estime nécessaires, dès lors que le pourvoi de chaque emploi doit se fonder en premier lieu sur l’intérêt du service (voir arrêt du 19 octobre 2017, Bernaldo de Quirós/Commission, T‑649/16, non publié, EU:T:2017:736, point 81 et jurisprudence citée).

281    Or, en l’espèce, l’intérêt du service doit être regardé comme étant établi, dès lors que le troisième moyen tiré de l’existence d’une erreur manifeste d’appréciation de l’intérêt du service a été écarté (voir point 250 ci-dessus).

282    En outre, en ce qui concerne, premièrement, les répercussions négatives que la décision de mutation aurait sur la carrière du requérant, celui-ci n’établit pas leur existence. Il se borne en effet à renvoyer à ses observations du 26 septembre 2018, annexées à la requête, sans identifier les éléments ou les passages de cette annexe auxquels il entend se référer.

283    En ce qui concerne, deuxièmement, les répercussions sur la santé du requérant qu’emporterait la décision de mutation, les certificats médicaux qu’il produit ne permettent pas d’établir que les troubles psychologiques dont il souffrirait résulteraient de la décision de mutation.

284    En effet, au vu des extraits traduits et cités par le requérant dans sa réplique, les certificats médicaux produits par celui-ci permettent tout au plus d’établir un lien entre le sentiment d’injustice apparemment ressenti par le requérant à la suite de l’adoption de la décision de mutation et l’augmentation de ses troubles. Or, un tel sentiment, nécessairement subjectif, ne révèle pas l’existence d’un lien objectif de causalité entre une décision administrative et un trouble psychologique.

285    En ce qui concerne, troisièmement, les conséquences financières de la décision de mutation, il convient de relever que, parmi les frais que le requérant estime avoir été causés par cette décision, les seuls dont il a précisé l’objet sont des frais d’importation liés à l’achat d’un nouveau véhicule personnel. Or, un tel achat, d’ordre privé, résulte d’un choix du requérant.

286    Il y a lieu d’ajouter que le requérant précise qu’il a acheté ce véhicule quatre jours avant la réception de la note du 14 septembre 2018 l’informant de l’intention de la Commission de le muter à Bruxelles (voir point 3 ci-dessus). Or, il ressort des antécédents du litige, qu’au cours de l’exercice d’évaluation 2017, il a été fait état, dès le mois de mars 2018, puis en avril de la même année, des performances insuffisantes du requérant, considérées comme n’étant pas adaptées à un environnement exigeant tel que celui d’une délégation de l’Union (voir points 12 et 15 ci-dessus). Le requérant savait donc, au moment où il a décidé d’acheter un nouveau véhicule personnel, que sa hiérarchie estimait que ses performances n’étaient pas adaptées à l’environnement de travail d’une délégation. Il ne pouvait donc ignorer l’existence d’un risque que son affectation à la délégation ne soit pas maintenue jusqu’au terme prévu, avec la possibilité que cette interruption entraîne des frais d’importation liés à l’achat de ce nouveau véhicule.

287    Il résulte de tout ce qui précède que les exigences découlant du devoir de sollicitude ne pouvaient, en l’espèce, empêcher la Commission d’adopter la décision de mutation. Dès lors, le présent argument ainsi que le sixième moyen dans son ensemble doivent être écartés.

g)      Sur le septième moyen, tiré d’un détournement de pouvoir

288    Le requérant soutient que la décision de mutation est entachée d’un détournement de pouvoir. Il allègue, notamment, qu’elle constitue une sanction déguisée faisant suite aux alertes qu’il aurait lancées.

289    Par ailleurs, le requérant indique que la décision de mutation a été adoptée en raison des accusations de violences conjugales portées par son épouse à son égard. Selon lui, l’existence de ces accusations constituerait le véritable motif de la décision de mutation.

290    La Commission conclut au rejet du moyen.

291    Il convient de rappeler, ainsi qu’il a été relevé au point 195 ci-dessus, que les institutions jouissent d’un large pouvoir d’appréciation dans l’organisation de leurs services en fonction des missions qui leur sont confiées et dans l’affectation, en vue de celles-ci, du personnel qui se trouve à leur disposition. Ce large pouvoir d’appréciation s’exerce à la condition, cependant, ainsi qu’il découle de l’article 7 du statut, que cette affectation se fasse dans l’intérêt du service et dans le respect de la règle de la correspondance entre le grade et l’emploi.

292    En outre, selon une jurisprudence constante, lorsqu’une mesure de mutation n’a pas été jugée comme étant contraire à l’intérêt du service, il ne saurait être question de détournement de pouvoir (arrêts du 10 juillet 1992, Eppe/Commission, T‑59/91 et T‑79/91, EU:T:1992:87, point 57 ; du 17 novembre 1998, Gómez de Enterría y Sanchez/Parlement, T‑131/97, EU:T:1998:263, point 62, et du 7 juin 2018, OW/AESA, T‑597/16, non publié, EU:T:2018:338, point 99 ; voir également, en ce sens, arrêt du 14 juillet 1983, Nebe/Commission, 176/82, EU:C:1983:214, points 24 et 25).

293    En l’espèce, ainsi qu’il ressort du point 250 ci-dessus, le moyen tiré de l’erreur manifeste dans l’appréciation de l’intérêt du service de transférer le requérant au siège de l’OLAF a été écarté. De plus, il n’est pas contesté que la décision de mutation a été prise dans le respect de la règle de l’équivalence des emplois. Partant, la décision de mutation ne saurait constituer un détournement de pouvoir.

294    Il convient, pour ce premier motif, d’écarter le moyen du requérant.

295    Au surplus, il y a lieu de rappeler que la notion de détournement de pouvoir a une portée précise qui se réfère à l’usage fait par une autorité administrative de ses pouvoirs dans un but autre que celui dans lequel ils lui ont été conférés. Une décision n’est entachée de détournement de pouvoir que si elle apparaît, sur la base d’indices objectifs, pertinents et concordants, avoir été prise pour atteindre des fins autres que celles excipées. À cet égard, il ne suffit pas d’invoquer certains faits à l’appui de ses prétentions, il faut encore fournir des indices suffisamment précis, objectifs et concordants de nature à soutenir leur véracité ou, à tout le moins, leur vraisemblance, à défaut de quoi l’exactitude matérielle des affirmations de l’institution en cause ne saurait être remise en cause (voir arrêt du 18 novembre 2020, H/Conseil, T‑271/10 RENV II, EU:T:2020:548, point 48 et jurisprudence citée).

296    En l’espèce, en premier lieu, pour autant que le requérant soutient que la décision de mutation constitue une sanction déguisée, laquelle ferait suite, notamment, aux alertes qu’il aurait lancées, il convient de rappeler qu’il ne ressort pas des pièces du dossier que le requérant ait « informé » sa hiérarchie, au sens des dispositions de l’article 22 bis, paragraphe 1, deuxième alinéa, du statut (voir point 264 ci-dessus).

297    De plus, pour démontrer que la décision de mutation constituerait une sanction déguisée, le requérant se fonde sur des commentaires figurant dans son rapport d’évaluation pour l’année 2016 qui ne sont pas révélateurs d’une intention de sanctionner le requérant, mais seulement de tensions relationnelles entre celui-ci et sa hiérarchie dont l’existence a été relevée aux points 112 et 148 ci-dessus.

298    En second lieu, s’agissant du grief selon lequel la décision de mutation aurait été motivée par les accusations de violences conjugales portées par l’épouse du requérant à son égard, ce dernier, premièrement, fait référence à l’ouverture, le 17 septembre 2018, d’une enquête de l’IDOC qui portait non seulement sur son comportement dans un contexte professionnel, mais également dans la « sphère privée » (voir points 96 et 140 ci-dessus). De plus, il indique que son épouse se serait rendue à Moscou pour y rencontrer sa hiérarchie au cours de l’été 2018, quelques semaines seulement avant qu’il ne soit informé de l’intention de la Commission de le muter à Bruxelles.

299    À cet égard, il convient de relever qu’une simple concomitance entre la rencontre de l’épouse du requérant avec la hiérarchie de celui-ci à la délégation, l’ouverture d’une enquête le concernant confiée à l’IDOC et la communication au requérant d’une note l’informant de l’intention de la Commission de le muter à Bruxelles ne permet pas de conclure que la décision de mutation a été adoptée pour des motifs ayant un lien avec les accusations de violences conjugales dont le requérant faisait l’objet.

300    Deuxièmement, le requérant produit des extraits de transcripts de messages vocaux émanant d’un membre du personnel de la délégation et datant de novembre 2019. Toutefois, les extraits cités ne permettent pas de corroborer les allégations du requérant selon lesquelles la décision de mutation aurait eu pour motif les accusations de violences conjugales. En effet, ces extraits se réfèrent seulement à des « rumeurs » qui circuleraient au sein de la délégation (voir point 142 ci-dessus).

301    Troisièmement, les éléments produits par le requérant en annexe à son courrier du 12 janvier 2021 (voir point 48 ci-dessus) ne permettent pas non plus d’établir que les accusations de violences conjugales étaient au fondement de la décision de mutation.

302    Tout d’abord, s’agissant de la demande de mutation adressée par la DG « Commerce » à la DG « Ressources humaines et sécurité », il ressort de l’échange de courriels du 1er août 2018 entre le chef de la délégation et son correspondant au SEAE (voir point 147 ci-dessus), dont l’agent suivant l’affaire au sein de la DG « Commerce » était destinataire en copie, que la communication par la délégation au SEAE d’un rapport relatif aux accusations de violences conjugales constituait le dernier développement d’une démarche, déjà en cours, par laquelle la hiérarchie du requérant au sein de la délégation cherchait à obtenir la mutation de celui-ci. Il ressort en outre de cet échange que ces accusations ont eu seulement pour effet d’accélérer la procédure de mutation.

303    S’agissant ensuite de la décision de mutation elle-même, aucun des éléments produits par le requérant, en particulier l’échange de courriels du 1er août 2018, ne permet d’établir que l’autorité investie du pouvoir de nomination (AIPN) ayant adopté cette décision, laquelle relevait de la DG « Ressources humaines et sécurité » et non de la délégation, du SEAE ou de la DG « Commerce » (voir points 3 et 5 ci-dessus), avait même connaissance des accusations de violences conjugales à la date de l’adoption de cette décision. En effet, aucun agent de la DG « Ressources humaines et sécurité » n’était destinataire de cet échange. Il n’est donc pas établi que cette décision aurait été adoptée en raison desdites accusations.

304    Compte tenu de tout ce qui précède, il y a lieu de conclure que l’existence d’un détournement de pouvoir n’est, en tout état de cause, pas établie.

305    Par conséquent, les arguments du requérant, invoqués à plusieurs reprises dans ses écritures et fondés sur l’existence supposée d’un préjugé négatif de la Commission à son égard, qui serait le véritable motif de la décision de mutation et se traduirait, notamment, par un manque de transparence, doivent également être écartés.

306    Il résulte de tout ce qui précède que le septième et dernier moyen doit être écarté.

307    L’ensemble des moyens invoqués par le requérant ayant été écarté, il convient de rejeter les conclusions aux fins d’annulation présentées dans le cadre du recours introduit dans l’affaire T‑671/18.

2.      Sur les conclusions indemnitaires

308    Aux termes de l’article 76 du règlement de procédure, la partie requérante a l’obligation de définir l’objet du litige et de présenter ses conclusions dans l’acte introductif d’instance. Si l’article 84, paragraphe 1, du même règlement permet la production de moyens nouveaux en cours d’instance à la condition que ceux-ci se fondent sur des éléments de droit et de fait qui se sont révélés pendant la procédure, cette disposition ne peut pas être interprétée comme autorisant la partie requérante à saisir le juge de l’Union de conclusions nouvelles et à modifier ainsi l’objet du litige ou la nature du recours. Ainsi, de telles conclusions modifiant l’objet du litige ou la nature du recours sont irrecevables, à moins qu’elles ne relèvent de l’exception instaurée à l’article 86 du règlement de procédure, lequel prévoit la possibilité d’adapter la requête pour tenir compte du remplacement ou de la modification de l’acte dont l’annulation est demandée (voir, en ce sens, arrêts du 7 novembre 2019, Rose Vision/Commission, C‑346/18 P, non publié, EU:C:2019:939, point 43, et du 13 juillet 2018, PS/BEI, T‑612/16, non publié, EU:T:2018:483, point 38).

309    En l’espèce, le requérant demande, dans la réplique, le versement de dommages et intérêts en réparation des différents préjudices qu’il estime avoir subis en raison de l’illégalité des décisions litigieuses ainsi que de la décision du 13 mars 2019 de rejet de la réclamation. Il ajoute que « l’inaction face à la demande de mesures de correction » contenues dans ladite réclamation lui a également causé un préjudice.

310    Ces conclusions tendant au versement de dommages et intérêts sont des conclusions nouvelles dès lors qu’elles sont présentées pour la première fois dans la réplique. Elles modifient la nature et l’objet du recours, en adjoignant, aux conclusions en annulation initiales, des conclusions indemnitaires. Par conséquent, conformément à la jurisprudence citée au point 308 ci-dessus, de telles conclusions sont irrecevables (voir, en ce sens, arrêt du 14 février 2019, L/Parlement, T‑91/17, non publié, EU:T:2019:93, point 69).

311    En tout état de cause, le requérant n’a pas établi l’existence d’une faute. En effet, ainsi qu’il résulte de l’examen des moyens venant au soutien de ses conclusions en annulation, aucune des illégalités qu’il a invoquées n’est établie. De plus, le requérant n’a pas démontré l’existence d’un comportement fautif qui serait distinct de ces illégalités. En particulier, ainsi qu’il résulte des motifs exposés aux points 64 à 152 ci-dessus, le requérant n’a pas établi l’existence d’un harcèlement moral.

312    Compte tenu des considérations exposées aux points 308 à 311 ci-dessus, les conclusions indemnitaires doivent être rejetées comme étant irrecevables et, en tout état de cause, non fondées. Par conséquent, l’ensemble du recours dans l’affaire T‑671/18 doit être rejeté.

C.      Sur l’affaire T140/19

313    Le requérant demande l’annulation de trois mesures, la décision de rejet de la demande d’assistance litigieuse, le rapport d’évaluation 2017 et la proposition de non-promotion 2018, ainsi que, pour chacune d’entre elles, de la décision de rejet faisant suite à la réclamation introduite à son égard.

314    Il convient d’examiner successivement chacun de ces trois chefs de conclusions.

1.      Sur les conclusions en annulation relatives au rejet de la demande d’assistance litigieuse

315    Le requérant se prévaut formellement d’un moyen unique comprenant trois branches, la première tirée de l’existence d’une erreur « manifeste » d’appréciation, la deuxième tirée d’une violation du devoir de sollicitude et du principe de bonne administration, la troisième tirée de l’existence d’un détournement de pouvoir.

a)      Sur la première branche du moyen unique, tirée d’une erreur « manifeste » d’appréciation

316    À l’appui de la première branche tirée de l’existence d’une erreur « manifeste » d’appréciation, en premier lieu, le requérant soutient que la Commission n’a pas effectué un examen complet de l’ensemble des circonstances de l’espèce en « fragmentant » le traitement de ses différentes demandes. En deuxième lieu, il indique que la Commission n’a pas tenu compte de certains évènements, qu’il reprend dans ses écritures et qui révéleraient l’existence d’un harcèlement moral à son égard. En troisième lieu, il invoque un ensemble d’arguments relatifs à l’existence d’un préjugé négatif de la Commission à son égard.

317    Il convient d’examiner successivement ces trois griefs.

318    À titre liminaire, il y a lieu de rappeler que l’administration, en ce qui concerne les mesures à prendre dans une situation qui entre dans le champ d’application de l’article 24 du statut, dispose d’un large pouvoir d’appréciation, sous le contrôle du juge de l’Union, dans le choix des mesures et des moyens d’application de l’article 24 du statut. Toutefois, s’agissant de la question de savoir si des faits sont constitutifs ou non d’un harcèlement moral, elle ne dispose pas d’un large pouvoir d’appréciation. Dès lors, en présence d’une allégation de harcèlement moral, il convient de rechercher si l’administration a commis une erreur d’appréciation des faits et non une erreur manifeste d’appréciation de ces faits (arrêts du 13 juillet 2018, Curto/Parlement, T‑275/17, EU:T:2018:479, points 74 et 75, et du 3 octobre 2019, DQ e.a./Parlement, T‑730/18, EU:T:2019:725, point 82).

319    En l’espèce, ainsi qu’il ressort du contenu de la décision de rejet de la demande d’assistance litigieuse, tel que présenté aux points 25 à 28 ci-dessus, la Commission a fondé son refus sur le motif tiré de ce que le requérant n’avait pas apporté d’éléments de preuve susceptibles d’établir la réalité des attaques dont il estimait être la victime. Elle a estimé que les faits dont se prévalait le requérant relevaient du fonctionnement normal du service.

320    Selon le requérant, la Commission aurait entaché d’une erreur « manifeste » d’appréciation la décision de rejet de la demande d’assistance litigieuse pour avoir estimé que les actes dont il se prévalait dans ladite demande ne relevaient que du fonctionnement normal d’une administration.

321    Il ressort toutefois de l’argumentation du requérant qu’il conteste la qualification juridique des faits opérée par la Commission quant à l’existence d’un harcèlement moral. Le contrôle du juge de l’Union étant, sur ce point, un contrôle entier et non pas restreint, ainsi qu’il résulte de la jurisprudence citée au point 318 ci-dessus, il y a donc lieu de requalifier la première branche du moyen comme étant tirée de l’erreur d’appréciation et non de l’erreur manifeste d’appréciation.

322    Par ailleurs, par la première branche de son moyen, le requérant conteste, en substance, l’application erronée que la Commission aurait faite de l’article 24, premier alinéa, du statut.

323    À cet égard, il convient de rappeler qu’il suffit que le fonctionnaire ou l’agent qui demande, sur le fondement de l’article 24, premier alinéa, du statut, la protection de son institution apporte un commencement de preuve de la réalité des attaques, notamment constitutives d’un harcèlement moral, dont il affirme faire l’objet pour qu’il appartienne à l’institution en cause de prendre les mesures appropriées, en particulier en faisant procéder à une enquête administrative, afin d’établir les faits à l’origine de la demande, en collaboration avec l’auteur de celle-ci (voir points 61 à 62 ci-dessus).

324    En l’espèce, il suffit donc que le requérant apporte un commencement de preuve de la réalité des attaques, constitutives, selon lui, d’un harcèlement moral dont il estime être victime, pour qu’une erreur d’appréciation puisse être constatée.

325    C’est au regard des considérations qui précèdent qu’il convient d’examiner les trois griefs distincts invoqués par le requérant.

1)      Sur le premier grief, tiré de l’absence d’examen complet des circonstances de l’espèce en raison d’un traitement fragmenté des demandes du requérant

326    Le requérant soutient que la Commission a commis une erreur d’appréciation des circonstances de l’espèce pour avoir qualifié les problèmes qu’il avait signalés de problèmes administratifs relevant du fonctionnement normal du service. Une telle erreur d’appréciation serait due au traitement « fragmenté » des différentes demandes introduites par le requérant, lequel serait « dépourvu d’une vision d’ensemble ».

327    La Commission conclut au rejet du grief.

328    À cet égard, il convient de relever que le requérant ne se prévaut pas, de manière précise et argumentée, des dispositions d’un texte sur le fondement duquel il aurait appartenu à l’AIPN compétente, pour statuer sur la demande d’assistance litigieuse, de tenir compte d’éléments qu’il n’aurait pas invoqués dans cette demande ou dans les autres courriers qu’il lui avait transmis au cours de la procédure relative à cette demande.

329    De plus, le requérant ne produit aucun élément permettant d’établir qu’il n’aurait pas été en mesure de présenter à l’AIPN compétente une demande d’assistance globale et complète dans laquelle il aurait regroupé l’ensemble de ses griefs.

330    En tout état de cause, le requérant n’a pas même établi que l’AIPN compétente pour statuer sur la demande d’assistance litigieuse n’aurait pas pris en compte certains éléments qu’il aurait adressés par ailleurs, dans le cadre de procédures distinctes, à d’autres AIPN.

331    Le requérant se réfère ainsi, de manière vague, à des « informations », des « accusations », des « circonstances » et des « situations spécifiques ». Lorsqu’il mentionne certains évènements dont il aurait fait état dans ses différentes demandes ou réclamations, il ne renvoie pas à des passages précis de ces demandes ou réclamations susceptibles de corroborer ses affirmations. Il ne se réfère à aucun document annexé à ses écrits susceptible, le cas échéant, d’établir la réalité de ses affirmations.

332    De plus, le requérant n’énonce pas de manière suffisamment précise l’incidence que le défaut d’examen qu’il allègue aurait pu concrètement avoir sur l’appréciation de l’AIPN compétente lorsqu’elle a statué sur la demande d’assistance litigieuse.

333    Par conséquent, la circonstance que différentes procédures administratives concernant le requérant, notamment son évaluation, sa promotion ou sa mutation, aient été traitées par des AIPN différentes de celle ayant statué sur la demande d’assistance litigieuse, dont le requérant ne remet pas en cause la compétence, ne suffit pas, faute de précisions complémentaires, à établir l’illégalité du rejet de la demande d’assistance litigieuse.

334    Compte tenu de ce qui précède, le requérant n’ayant apporté aucun élément susceptible d’étayer ses allégations, le grief tiré de ce que la Commission, en estimant que les faits dont il s’était prévalu dans la demande d’assistance litigieuse relevaient du fonctionnement normal du service, aurait commis une erreur d’appréciation, en raison d’un traitement fragmenté de ses réclamations et de ses demandes, doit être écarté.

335    Au surplus, s’agissant des évènements mentionnés par le requérant qui sont susceptibles d’être identifiés et qui semblent être invoqués pour démontrer l’existence d’un harcèlement moral, à savoir le courriel du 26 avril 2018 adressé par le chef de la délégation au requérant, le refus opposé au requérant par sa hiérarchie de le laisser participer à un forum économique international, le SPIEF, et la note du 29 mai 2018 envoyée à plusieurs destinataires à Bruxelles par le chef de la délégation, non seulement leur caractère abusif n’est pas établi, mais le requérant n’a pas même apporté un commencement de preuve de la réalité des attaques dont il affirme être l’objet, ainsi qu’il résulte des considérations exposées aux points 111 à 115, 118, 119, 122 à 125 et 150 à 152 ci-dessus.

2)      Sur le second grief, tiré de l’absence de prise en compte de certains éléments factuels

336    Dans le cadre du second grief, le requérant invoque trois sous-griefs, le premier tiré de l’absence de prise en compte de facteurs pertinents lors de l’appréciation de la demande d’assistance litigieuse, le deuxième tiré d’« erreurs manifestes d’appréciation relatives à des problèmes choisis non traités dans d’autres parties du recours », le troisième tiré de « l’interprétation étroite du harcèlement moral qui condui[rai]t à l’absence de prise en compte de faits pertinents cités par le requérant dans ses réclamations ». Il convient de les examiner successivement.

i)      Sur l’absence de prise en compte de facteurs pertinents lors de l’appréciation de la demande d’assistance litigieuse

337    Le requérant soutient que la Commission n’a pas tenu compte, pour apprécier les faits dont il s’est prévalu dans le cadre de ses demandes fondées sur les articles 24 et 90 du statut, de certains éléments dont l’existence constituerait « une condition préalable au harcèlement moral ». Ces éléments seraient des indices d’agissements hostiles et donc d’une forme de harcèlement moral à son égard. La Commission aurait ainsi commis une erreur de qualification juridique des faits qui l’aurait conduite à refuser de répondre favorablement à la demande d’assistance litigieuse. Le requérant se prévaut, notamment, de la « détérioration progressive de son état de santé ».

338    La Commission conclut au rejet de l’argumentation du requérant.

339    Il y a lieu de constater que le requérant ne produit aucun commencement de preuve susceptible de laisser présumer l’existence de faits de harcèlement moral à son égard.

340    Il procède en effet par voie de simples affirmations. Il dénonce ainsi, de manière évasive, une charge de travail excessive, « un milieu de travail médiocre », un « manque d’organisation », des erreurs de « leadership » et des règles peu claires, aux fins de justifier, sans élément de preuve de nature à étayer son affirmation, ses performances insuffisantes. Il soutient également, sans autre précision, que les éléments qu’il invoque auraient détérioré ses conditions de travail.

341    En outre, le requérant ne renvoie à aucun document susceptible de corroborer ce qu’il soutient. Il se borne à faire référence, de manière générale, à l’ensemble de ses « recours fondés sur les articles 90 et 24 du statut ».

342    S’agissant de l’invocation par le requérant de la « détérioration progressive de son état de santé », il convient de rappeler que l’existence, à la supposer établie, de troubles affectant la santé d’un agent ne saurait permettre, à elle seule, d’établir le caractère abusif de comportements dont cet agent estimerait être la victime (voir, en ce sens, arrêt du 6 février 2015, BQ/Cour des comptes, T‑7/14 P, EU:T:2015:79, point 49).

343    Par conséquent, l’argument du requérant permettrait, tout au plus, de conforter les autres éléments qu’il invoque, dans la mesure où ceux-ci seraient probants. Or, tel n’est pas le cas.

344    Compte tenu de tout ce qui précède, les éléments présentés par le requérant ne permettent pas de conclure que la Commission aurait commis une erreur d’appréciation en estimant que les faits énoncés dans la demande d’assistance relevaient du fonctionnement normal du service. Le présent grief doit donc être écarté.

345    Au surplus, s’agissant des évènements mentionnés dans l’argumentation du requérant qui sont susceptibles d’être identifiés et qui semblent être invoqués pour démontrer l’existence d’un harcèlement moral, à savoir une remarque du chef de section du requérant sur sa taille, le refus d’accorder au requérant une récupération au titre des horaires flexibles pour participer à un forum à Astana, le refus de laisser le requérant participer à un forum à Sotchi et les évaluations du requérant pour les exercices 2016 et 2017, non seulement leur caractère abusif n’est pas établi, mais le requérant n’a pas même apporté un commencement de preuve de la réalité des attaques dont il affirme être l’objet, ainsi qu’il résulte des motifs exposés aux points 73, 74, 83 à 87, 89 à 91, 130 à 137 et 150 à 152 ci-dessus.

ii)    Sur les « erreurs manifestes d’appréciation relatives à des problèmes choisis non traités dans d’autres parties du recours »

346    Le requérant invoque, de manière peu précise, divers arguments destinés à établir l’erreur d’appréciation de la Commission dans le traitement de la demande d’assistance litigieuse.

347    La Commission conclut au rejet de l’argumentation du requérant.

348    S’agissant des évènements mentionnés dans l’argumentation du requérant qui sont susceptibles d’être identifiés et qui semblent être invoqués pour démontrer l’existence d’un harcèlement moral, à savoir le refus de le laisser participer en mars 2017 à une mission à Tbilissi, les accusations proférées par la hiérarchie du requérant à son égard relatives à la violation de la procédure de confidentialité s’agissant de la communication du compte rendu d’une réunion ayant eu lieu le 30 octobre 2017 entre le ministre des Afaires étrangères russe et l’AEB, le courriel du 26 avril 2018 et le refus de laisser le requérant participer à un forum international, le SPIEF, non seulement leur caractère abusif n’est pas établi, mais le requérant n’a pas même apporté un commencement de preuve de la réalité des attaques dont il affirme être l’objet, ainsi qu’il résulte des motifs exposés aux points 92 à 97, 105, 106, 111 à 115, 122 à 125 et 150 à 152 ci-dessus.

349    Compte tenu de ce qui précède, l’argumentation tirée de l’existence d’erreurs d’appréciation relatives à des problèmes choisis non traités dans d’autres parties du recours doit être écartée.

iii) Sur « l’interprétation étroite du harcèlement moral qui condui[rai]t à l’absence de prise en compte de faits pertinents cités par le requérant dans ses réclamations »

350    Le requérant soutient que les problèmes qu’il a signalés dans ses dossiers d’évaluation et ses réclamations relèvent de la définition du harcèlement moral donnée par l’EU-OSHA.

351    La Commission conclut au rejet de l’argumentation du requérant.

352    Ainsi qu’il résulte des motifs exposés aux points 64 à 152 ci-dessus, non seulement les faits de harcèlement invoqués par le requérant ne sont pas établis, mais il n’a pas même apporté un commencement de preuve de la réalité des attaques dont il affirme être l’objet.

353    En outre, ainsi qu’il a déjà été relevé au point 202 ci-dessus, le requérant n’apporte aucun indice laissant présumer que les agissements qu’il dénonce relèveraient de catégories de comportements reconnues par l’EU-OSHA comme manifestant la présence d’un harcèlement moral. Dans ces conditions, le requérant n’est pas fondé à se prévaloir de la classification que donnerait l’EU-OSHA du harcèlement moral.

354    Enfin, le requérant, qui n’a apporté aucun commencement de preuve laissant présumer l’existence d’un harcèlement moral à son égard, ne saurait utilement se prévaloir, d’une part, de ce qu’il présente comme la « méthodologie de H. Leymann » pour établir que les actes dont il aurait été victime correspondent aux cinq étapes décrites dans cette méthodologie pour caractériser un harcèlement moral, ainsi que, d’autre part, d’un document intitulé « Statistical Manual of Mental Disordres Fifth Edition » (Manuel statistique des troubles mentaux, cinquième édition).

355    Il résulte de l’ensemble des considérations qui précèdent que le présent grief doit être écarté.

356    Par conséquent, le second grief de la première branche du moyen unique du requérant, tirée de l’erreur d’appréciation, doit être écarté.

3)      Sur le troisième grief, relatif à l’existence d’un préjugé négatif de la Commission à l’égard du requérant

357    Le requérant soutient que la prise en compte par la Commission des allégations de son épouse l’accusant de violences conjugales a conduit la Commission à nourrir un préjugé négatif à son égard.

358    La Commission conclut au rejet de l’argumentation du requérant.

359    Il convient de constater qu’il ne ressort pas des pièces du dossier que l’AIPN ayant adopté la décision de rejet de la demande d’assistance litigieuse, laquelle relevait de la DG « Ressources humaines et sécurité » et non de la délégation, du SEAE ou de la DG « Commerce » (voir point 23 ci-dessus), avait connaissance des accusations de violences conjugales formées à l’encontre du requérant à la date de l’adoption de cette décision.

360    Le requérant produit à cet égard un échange de courriels du 1er août 2018 entre le chef de la délégation et son correspondant au SEAE (voir point 147 ci-dessus). Si un agent de la DG « Commerce » était destinataire en copie de cet échange, aucun agent de la DG « Ressources humaines et sécurité » ne l’était.

361    De plus, cet échange ne concernait pas le traitement de la demande d’assistance litigieuse, mais le dernier développement d’une démarche, déjà en cours, par laquelle la hiérarchie du requérant au sein de la délégation cherchait à obtenir la mutation de celui-ci (voir point 302 ci-dessus).

362    Surtout, la décision de rejet de la demande d’assistance litigieuse a été adoptée le 28 mai 2018, c’est-à-dire plusieurs mois avant l’échange de courriels du 1er août 2018 censé établir l’influence des accusations de violences conjugales sur ladite décision.

363    Ainsi, la connaissance par la DG « Ressources humaines et sécurité », au moment où elle a adopté la décision de rejet de la demande d’assistance litigieuse, des accusations de violences conjugales formées à l’encontre du requérant n’est pas établie.

364    En outre, le requérant indique avoir été informé, en mars 2019, de l’ouverture, le 17 septembre 2018, de l’enquête de l’IDOC concernant les fautes qu’il aurait commises au cours de sa période d’affectation à la délégation (voir points 96 et 140 ci-dessus). Il affirme qu’il existe un lien de causalité entre l’existence de cette enquête administrative et la décision de rejet de la demande d’assistance litigieuse.

365    À cet égard, il convient de relever que la décision de rejet de la demande d’assistance litigieuse a été adoptée le 28 mai 2018. Elle est donc antérieure à l’ouverture, le 17 septembre suivant, de l’enquête de l’IDOC. Cette enquête ne saurait donc avoir été à l’origine de la décision de rejet de la demande d’assistance litigieuse, ni même de la décision de rejet de la réclamation qui a confirmé ce rejet par la suite.

366    Quant aux documents qui permettraient, selon le requérant, d’établir qu’il existait un « plan concerté » élaboré contre lui par sa hiérarchie tant au sein de la délégation qu’au siège de la Commission, ils confirment, tout au plus, l’existence de tensions relationnelles entre le requérant et sa hiérarchie (voir point 146 ci-dessus).

367    Au surplus, ainsi qu’il résulte des motifs exposés aux points 64 à 152 ci-dessus, non seulement les faits de harcèlement invoqués par le requérant ne sont pas établis, mais le requérant n’a pas même apporté un commencement de preuve de la réalité des attaques dont il affirme être l’objet. C’est donc à juste titre que la Commission a pu, sur la base du constat de l’absence de preuve de l’existence des comportements abusifs allégués (voir point 319 ci-dessus), rejeter la demande d’assistance litigieuse. Cette conclusion rend l’existence d’un préjugé négatif de la Commission à l’égard du requérant, lequel aurait été au fondement du rejet de la demande d’assistance litigieuse, peu plausible, dès lors qu’il existe un motif alternatif convaincant permettant de justifier le rejet de cette demande.

368    Compte tenu de tout ce qui précède, il y a lieu d’écarter le troisième grief, ainsi que la première branche du moyen unique.

b)      Sur la deuxième branche du moyen unique, tirée de la violation du principe de bonne administration et du devoir de sollicitude

369    Le requérant soutient, en substance, que la Commission est responsable de la détérioration de ses conditions de travail pour avoir méconnu son devoir de sollicitude en ne réagissant pas rapidement et efficacement aux différents incidents qu’il avait signalés dans ses demandes et ses réclamations. Pour le requérant, la Commission aurait donc dû faire droit, notamment, à la demande d’assistance litigieuse. Le requérant ajoute que la Commission serait indirectement responsable de la dégradation de ses conditions de travail, en raison de lacunes dans la politique de recrutement du personnel de direction au sein des délégations, lesquelles auraient permis le recrutement des auteurs supposés du harcèlement dont il estime être victime. À cet égard, le requérant prétend avoir été destinataire d’informations selon lesquelles les conditions de travail au sein de la délégation auraient été contestées dans le cadre d’une réclamation statutaire introduite par un autre agent qui aurait indiqué que le SEAE recrutait des personnes n’ayant pas le statut de fonctionnaire et ayant par ailleurs tendance à abuser de leur pouvoir.

370    La Commission conclut au rejet de la deuxième branche du moyen unique.

371    En l’espèce, chacun des arguments venant au soutien de la présente branche du moyen unique présuppose l’existence d’agissements constitutifs d’un harcèlement moral ou, à tout le moins, d’attaques dont le requérant aurait été victime et qui auraient été à l’origine de la détérioration de ses conditions de travail.

372    Or, ainsi qu’il résulte des motifs exposés aux points 64 à 152 ci-dessus, non seulement les faits de harcèlement invoqués par le requérant ne sont pas établis, mais le requérant n’a pas même apporté un commencement de preuve de la réalité des attaques dont il affirme être l’objet. Par conséquent, la détérioration des conditions de travail dont se plaint le requérant n’est pas établie.

373    Le postulat sur lequel se fonde la présente branche du moyen unique n’étant pas établi, il convient d’écarter ladite branche.

374    En outre, s’agissant des informations communiquées au requérant selon lesquelles les conditions de travail au sein de la délégation auraient été contestées dans le cadre d’une réclamation statutaire, aucun document n’est produit permettant d’établir l’existence d’une telle réclamation. De plus, la simple existence d’une réclamation, introduite par un autre agent que le requérant, dans laquelle les conditions de travail au sein de la délégation seraient critiquées, ne permettrait pas de conclure à l’illégalité de la décision de rejet de la demande d’assistance litigieuse.

375    Compte tenu de ce qui précède, la deuxième branche du moyen unique tirée de la méconnaissance du devoir de sollicitude et du principe de bonne administration doit être écartée.

c)      Sur la troisième branche du moyen unique, tirée du détournement de pouvoir

376    Le requérant fait valoir que tant la délégation que la Commission ont créé les conditions de l’expression d’une hostilité générale à son égard destinée à le mettre systématiquement en échec, ce qui révélerait un abus d’autorité à son égard, lequel s’est traduit par sa mutation.

377    La réalité du climat d’hostilité qui aurait été créé contre le requérant serait en particulier révélée par les incidents suivants : la réaction hostile du chef de la délégation qui aurait consisté à critiquer le requérant pour avoir introduit une réclamation contre la décision d’annuler sa participation à la mission à Tbilissi ; l’hostilité du chef de la délégation lors de l’introduction d’une autre réclamation considérée comme ayant été faite au détriment d’une tâche relevant des fonctions du requérant alors que, selon le requérant, l’introduction de cette réclamation était prioritaire compte tenu de l’existence des délais de forclusion ; l’attaque dont aurait fait l’objet le requérant de la part du chef de la délégation dans un courriel du 26 avril 2018.

378    La Commission conclut au rejet du moyen.

379    À cet égard, il convient de relever que les incidents exposés au point 377 ci-dessus ne permettent pas d’établir que le requérant aurait été victime d’un climat d’hostilité de la part de sa hiérarchie. En effet, le requérant se borne à exprimer son opinion personnelle, lorsqu’il allègue que le chef de la délégation aurait « critiqué ouvertement » son initiative d’introduire une réclamation contre la décision d’annuler sa mission à Tbilissi, sans apporter de commencement de preuve à l’appui de cette allégation, ou lorsqu’il se réfère, sans mentionner aucun élément précis, à une « hostilité semblable » qu’aurait manifestée à son égard le chef de la délégation lors de l’introduction d’un autre recours administratif. Enfin, s’agissant du courriel du 26 avril 2018, celui-ci ne saurait, ainsi qu’il a été relevé précédemment (voir points 111 à 115 ci-dessus), révéler l’existence d’un comportement abusif à l’égard du requérant.

380    En outre, les faits de harcèlement invoqués par le requérant n’étant pas établis et le requérant n’ayant pas même apporté un commencement de preuve de la réalité des attaques dont il affirme avoir été l’objet, c’est à juste titre que la Commission a pu, sur la base du constat de l’absence de preuve de l’existence des comportements abusifs allégués, rejeter la demande d’assistance litigieuse (voir point 367 ci-dessus).

381    Il convient donc d’écarter la troisième branche du moyen unique du requérant sur la base des considérations qui précèdent et de la jurisprudence, rappelée au point 295 ci-dessus, selon laquelle il ne suffit pas d’invoquer certains faits à l’appui de ses prétentions, mais il faut encore fournir des indices suffisamment précis, objectifs et concordants de nature à soutenir leur véracité ou, à tout le moins, leur vraisemblance, à défaut de quoi l’exactitude matérielle des affirmations de l’institution en cause ne saurait être remise en cause.

382    L’ensemble des griefs invoqués par le requérant ayant été écartés, il y a lieu de rejeter les conclusions en annulation dirigées contre la décision de rejet de la demande d’assistance litigieuse et la décision de rejet de la réclamation introduite à son égard.

2.      Sur les conclusions en annulation relatives au rapport d’évaluation 2017

383    Le requérant soulève un moyen unique, à l’appui duquel il soutient, tout d’abord, qu’il existe un lien entre le harcèlement moral dont il a été victime et le contenu de son évaluation, telle qu’elle ressort de son rapport d’évaluation 2017. Selon lui, l’existence d’actes de harcèlement moral pris à son égard est attestée par les éléments qu’il a produits se rapportant à la demande d’assistance litigieuse. De tels éléments concerneraient en particulier la décision annulant sa mission à Tbilissi, l’existence de « décisions administratives défavorables », la décision de ne pas approuver sa mission à Sotchi, les déclarations de sa hiérarchie dans le rapport d’évaluation 2017, de fausses allégations selon lesquelles il n’aurait pas respecté les instructions de son supérieur hiérarchique, ainsi que « d’autres actes d’intimidation ».

384    Le requérant soutient, ensuite, que l’appréciation formulée dans le rapport d’évaluation 2017, selon laquelle il aurait communiqué avec retard et sans l’autorisation de sa hiérarchie la première, puis la seconde version d’un rapport, serait manifestement erronée en ce qu’elle ne tiendrait pas compte des éléments objectifs qui auraient détérioré ses conditions de travail.

385    Enfin, le requérant indique que les accusations de violences conjugales portées par son épouse contre lui avaient nourri à son égard un préjugé négatif de la part de ses évaluateurs.

386    La Commission conclut au rejet du moyen.

387    À cet égard, l’article 43 du statut dispose ce qui suit :

« La compétence, le rendement et la conduite dans le service de chaque fonctionnaire font l’objet d’un rapport annuel dans les conditions fixées par l’[AIPN] de chaque institution conformément à l’article 110. Ce rapport indique si le niveau des prestations du fonctionnaire est satisfaisant ou non. L’[AIPN] de chaque institution arrête des dispositions prévoyant le droit de former, dans le cadre de la procédure de notation, un recours qui s’exerce préalablement à l’introduction d’une réclamation conformément à l’article 90, paragraphe 2.

[…] »

388    Il convient de rappeler que, selon une jurisprudence bien établie en matière d’évaluation des fonctionnaires, les évaluateurs jouissent du plus large pouvoir d’appréciation dans les jugements portés sur le travail des personnes qu’ils ont la charge de noter et il n’appartient pas au juge d’intervenir dans cette appréciation et de contrôler son bien-fondé sauf en cas d’erreur ou d’excès manifeste. En effet, le contrôle juridictionnel exercé sur le contenu des rapports d’évaluation est limité au contrôle de la régularité procédurale, de l’exactitude matérielle des faits ainsi que de l’absence d’erreur manifeste d’appréciation ou de détournement de pouvoir (voir arrêt du 3 décembre 2019, Pethke/EUIPO, T‑808/17, EU:T:2019:832, point 39 et jurisprudence citée).

389    En outre, les éléments de preuve qu’il incombe à la partie requérante d’apporter afin d’établir que l’administration a commis une erreur manifeste d’appréciation doivent être suffisants pour priver de toute plausibilité les appréciations des faits retenus dans le rapport d’évaluation attaqué (voir arrêt du 14 décembre 2018, UC/Parlement, T‑572/17, non publié, EU:T:2018:975, point 99 et jurisprudence citée).

390    En l’espèce, s’agissant de l’argument du requérant exposé au point 383 ci-dessus, selon lequel il aurait été victime d’un harcèlement moral, il convient de rappeler, ainsi qu’il résulte des considérations exposées aux points 64 à 152 ci-dessus, que non seulement les faits de harcèlement invoqués par le requérant ne sont pas établis, mais celui-ci n’a pas même apporté un commencement de preuve de la réalité des attaques dont il affirme être l’objet.

391    Ensuite, s’agissant de l’argument exposé au point 384 ci-dessus et tiré, en substance, de l’erreur manifeste que l’autorité compétente aurait commise en estimant que le requérant avait livré avec retard un rapport, le requérant indique que le domaine en cause était nouveau pour lui, qu’il n’avait pas reçu d’orientation de son supérieur immédiat, que la répartition des tâches au sein de sa section était déséquilibrée et qu’il n’avait pas bénéficié d’une assistance semblable à celle dont avait bénéficié un consultant externe.

392    La Commission indique quant à elle que le rapport devait être rendu dans un délai d’un à deux mois après le mois de juillet 2016, soit au plus tard en septembre 2016, et qu’il a été rendu en novembre 2017, soit au terme d’un délai d’environ seize mois. Elle ajoute que le requérant, qui est classé dans le groupe de fonctions des administrateurs au grade AD 7, devait pouvoir s’organiser et travailler de manière autonome. Elle précise enfin qu’il a bénéficié d’un appui de sa hiérarchie, dans le cadre d’échanges de courriels en juillet 2016, en octobre 2016 et en février 2017.

393    Compte tenu des explications apportées par la Commission et du caractère vague des éléments invoqués par le requérant, lequel ne renvoie en outre à aucune pièce annexée à ses écritures aux fins d’établir ses allégations, il y a lieu de constater que ces éléments ne sont pas de nature à priver de toute plausibilité les appréciations contestées.

394    Enfin, s’agissant de l’argument invoqué au point 385 ci-dessus, relatif à l’existence d’un préjugé négatif des évaluateurs à l’égard du requérant du fait des accusations de violences conjugales, il convient de relever qu’aucun élément du dossier ne permet d’établir que les évaluateurs du requérant, lesquels relevaient de la DG « Commerce », avaient connaissance, lors des différentes phases de la procédure d’évaluation pour l’année 2017, desdites accusations. En particulier, le rapport d’évaluation 2017 a été confirmé par l’évaluateur d’appel le 25 avril 2018, c’est-à-dire antérieurement aux seuls éléments permettant d’établir qu’un agent de la DG « Commerce » avait connaissance des accusations en cause, à savoir un courriel du chef de la délégation adressé le 31 juillet 2018, notamment, à un agent de la DG « Commerce ». Il convient de préciser que cet agent n’était pas l’un des évaluateurs du requérant.

395    En tout état de cause, en l’absence d’arguments précis et fondés permettant d’établir que les performances du requérant ont été sous-évaluées, la seule circonstance que les évaluateurs du requérant aient pu avoir connaissance d’accusations de violences conjugales le concernant, voire qu’ils aient pu être persuadés que ces accusations étaient fondées, ne saurait suffire à établir la sous-évaluation des performances du requérant et le caractère manifestement erroné des appréciations portées sur celles-ci par les évaluateurs.

396    Compte tenu de ce qui précède, le moyen unique dirigé contre le rapport d’évaluation 2017 doit être écarté.

397    À supposer que, par ce moyen, le requérant puisse être regardé comme invoquant également un détournement de pouvoir, il conviendrait d’écarter un tel grief sur la base des motifs qui précèdent et de la jurisprudence, rappelée au point 295 ci-dessus, selon laquelle il ne suffit pas d’invoquer certains faits à l’appui de ses prétentions, mais il faut encore fournir des indices suffisamment précis, objectifs et concordants de nature à soutenir leur véracité ou, à tout le moins, leur vraisemblance, à défaut de quoi l’exactitude matérielle des affirmations de l’institution en cause ne saurait être remise en cause.

398    L’ensemble des griefs invoqués par le requérant ayant été écartés, il y a lieu de rejeter les conclusions en annulation dirigées contre le rapport d’évaluation 2017 et la décision de rejet de la réclamation introduite à son égard.

3.      Sur les conclusions en annulation relatives à la proposition de non-promotion 2018

399    La Commission soulève une fin de non-recevoir contre les conclusions en annulation de la proposition de non-promotion 2018, dans la mesure où celles-ci seraient dirigées contre un acte préparatoire qui ne constituerait pas un acte faisant grief au requérant, au sens de l’article 90, paragraphe 2, du statut, un tel acte ne fixant pas définitivement la position de l’institution à son égard.

400    À cet égard, aux termes de l’article 90, paragraphe 2, du statut, « [t]oute personne visée au présent statut peut saisir l’[AIPN] d’une réclamation dirigée contre un acte lui faisant grief, soit que ladite autorité ait pris une décision, soit qu’elle se soit abstenue de prendre une mesure imposée par le statut ». L’article 91, paragraphe 1, du statut dispose que la « Cour de justice de l’Union européenne est compétente pour statuer sur tout litige entre l’Union et l’une des personnes visées au présent statut et portant sur la légalité d’un acte faisant grief à cette personne au sens de l’article 90, paragraphe 2 ».

401    Selon une jurisprudence constante, l’existence d’un acte faisant grief au sens de l’article 90, paragraphe 2, et de l’article 91, paragraphe 1, du statut est une condition obligatoire de la recevabilité de tout recours formé par les fonctionnaires contre l’institution dont ils relèvent. Or, seules constituent des actes ou des décisions susceptibles de faire l’objet d’un recours en annulation les mesures produisant des effets juridiques obligatoires de nature à affecter directement et immédiatement les intérêts de la partie requérante en modifiant, de façon caractérisée, la situation juridique de celle-ci (voir ordonnance du 25 mars 2020, Lucaccioni/Commission, T‑507/19, non publiée, EU:T:2020:118, point 36 et jurisprudence citée).

402    Lorsque l’élaboration d’un acte s’effectue en plusieurs phases, notamment au terme d’une procédure interne, ne constitue en principe un acte faisant grief que la mesure qui fixe définitivement la position de l’institution au terme de cette procédure, à l’exclusion des mesures intermédiaires, dont l’objectif est de préparer la décision finale. Les actes préparatoires d’une décision ne font pas grief et ce n’est qu’à l’occasion d’un recours contre la décision prise au terme de la procédure que la partie requérante peut faire valoir l’irrégularité des actes antérieurs qui lui sont étroitement liés (voir ordonnance du 31 mars 2020, ZU/SEAE, T‑499/19, non publiée, EU:T:2020:134, point 33 et jurisprudence citée).

403    En l’espèce, l’exercice de promotion 2018 a été mis en œuvre en application de la décision C(2013) 8968 final de la Commission, du 16 décembre 2013, portant dispositions générales d’exécution de l’article 45 du statut (ci-après les « DGE 45 »).

404    Il résulte des termes de l’article 5, relatif à la procédure de promotion, des DGE 45 que l’exercice de promotion est une procédure divisée en plusieurs phases et que l’une d’elles consiste en l’établissement, par chaque DG d’affectation, de la liste des fonctionnaires que celle-ci souhaite proposer à la promotion.

405    En l’espèce, lorsque la DG « Commerce » a établi, le 18 juin 2018, la liste des fonctionnaires qu’elle proposait à la promotion au titre de l’exercice 2018, elle n’a pas proposé que le requérant soit promu (voir point 17 ci-dessus).

406    À cette date, la position de la Commission n’était pas définitive.

407    En effet, d’une part, la proposition de non-promotion 2018 n’était, comme son nom l’indique, qu’une proposition et, d’autre part, une objection contre cette proposition pouvait être formée devant le comité paritaire de promotion (CPP), conformément à l’article 5, paragraphe 7, des DGE 45, objection que le requérant n’a pas formulée.

408    Ce n’est qu’après l’intervention du CPP que la Commission a adopté le 13 novembre 2018 une décision définitive, dans le cadre de l’exercice de promotion en cause, par l’établissement de la liste des fonctionnaires promus (voir point 18 ci-dessus).

409    Il convient cependant d’examiner si le fait pour le requérant de ne pas figurer sur la liste des fonctionnaires proposés à la promotion par la DG « Commerce » n’a pas fait obstacle à son inscription sur la liste des fonctionnaires promus, puisqu’il ressort de la jurisprudence du Tribunal que, si une décision refusant d’inscrire un fonctionnaire sur une liste de fonctionnaires promouvables a pour conséquence de lui faire perdre toute chance effective d’être promu parce que l’AIPN est liée par cette liste, le recours dirigé contre cette décision est recevable (voir ordonnance du 21 juin 1995, Vigel/Commission, T‑370/94, EU:T:1995:110, point 23 et jurisprudence citée).

410    À cet égard, il convient de constater que l’article 5, paragraphe 7, des DGE 45 prévoit que le CPP procède à l’examen comparatif des mérites des « fonctionnaires promouvables » et que l’article 5, paragraphe 8, des DGE 45 prévoit que l’AIPN procède à un dernier examen comparatif des mérites des « fonctionnaires promouvables » et adopte la liste des fonctionnaires promus.

411    Il s’ensuit que le fait qu’un fonctionnaire ne figure pas sur la liste des fonctionnaires proposés à la promotion ne lie ni le CPP ni l’AIPN.

412    Il en résulte que la proposition de non-promotion 2018 constituait une mesure préparatoire, de sorte que, comme le soutient la Commission, le recours est irrecevable en ce qu’il tend à son annulation (voir, en ce sens, ordonnance du 7 décembre 2017, Durazzo/SEAE, T‑559/16, non publiée, EU:T:2017:882, points 26 et 27 et jurisprudence citée ; ordonnance du 16 juillet 2015, FG/Commission, F‑20/15, EU:F:2015:93, point 63).

413    Une telle conclusion n’est pas remise en cause par l’argument, à le supposer invoqué, selon lequel le requérant n’aurait pas été en mesure d’introduire devant le CPP un recours à l’encontre de la proposition de non-promotion 2018 par peur de représailles. La saisine du CPP est en effet facultative et son absence ne faisait pas obstacle à ce que le requérant dépose un recours contre la décision de non-promotion lui faisant grief.

414    En outre, le requérant n’invoque, au soutien de ses conclusions aux fins d’annulation de la proposition de non-promotion 2018, aucun argument spécifique, distinct de ceux invoqués par ailleurs au soutien de ses conclusions aux fins d’annulation du rejet de la demande d’assistance litigieuse et du rapport d’évaluation 2017, lesquels ont été écartés sur le fond.

415    L’ensemble des griefs invoqués par le requérant devant être écartés, il y a lieu de rejeter les conclusions en annulation dirigées contre la proposition de non-promotion et la décision de rejet de la réclamation introduite à son égard. Le recours dans l’affaire T‑140/19 doit donc être rejeté dans son ensemble.

IV.    Sur les dépens

416    Aux termes de l’article 134, paragraphe 1, du règlement de procédure, toute partie qui succombe est condamnée aux dépens, s’il est conclu en ce sens. Le requérant ayant succombé, il y a lieu de le condamner aux dépens, y compris ceux afférents à la procédure de référé dans l’affaire T‑671/18 R, conformément aux conclusions de la Commission.

Par ces motifs,

LE TRIBUNAL (septième chambre)

déclare et arrête :

1)      Les recours dans les affaires jointes T671/18 et T140/19 sont rejetés.

2)      ZU est condamné aux dépens, y compris ceux afférents à la procédure de référé dans l’affaire T671/18 R.

da Silva Passos

Reine

Truchot

Ainsi prononcé en audience publique à Luxembourg, le 20 octobre 2021.

Signatures


*      Langue de procédure : l’anglais.