Language of document : ECLI:EU:T:2021:710

DOCUMENT DE TRAVAIL

ARRÊT DU TRIBUNAL (cinquième chambre)

20 octobre 2021 (*)

  « Marque de l’Union européenne – Procédure de nullité – Marque de l’Union européenne verbale TELEVEND – Marque de l’Union européenne verbale antérieure TELEVES – Motif relatif de refus – Risque de confusion – Article 8, paragraphe 1, sous b), du règlement (CE) n° 207/2009 [devenu article 8, paragraphe 1, sous b), du règlement (UE) 2017/1001] »

Dans l’affaire T‑112/20,

Intis d.o.o., établie à Zagreb (Croatie), représentée par Me T. Nagy, avocat,

partie requérante,

contre

Office de l’Union européenne pour la propriété intellectuelle (EUIPO), représenté par M. V. Ruzek, en qualité d’agent,

partie défenderesse,

l’autre partie à la procédure devant la chambre de recours de l’EUIPO, intervenant devant le Tribunal, étant

Televes, SA, établie à Saint-Jacques-de-Compostelle (Espagne), représentée par Me F. Peña López, avocat,

ayant pour objet un recours formé contre la décision de la cinquième chambre de recours de l’EUIPO du 12 décembre 2019 (affaire R 1923/2019-5), relative à une procédure de nullité entre Televes et Intis, 

LE TRIBUNAL (cinquième chambre),

composé de MM. D. Spielmann, président, U. Öberg (rapporteur) et R. Mastroianni, juges,

greffier : M. E. Coulon,

vu la requête déposée au greffe du Tribunal le 20 février 2020,

vu le mémoire en réponse de l’EUIPO déposé au greffe du Tribunal le 11 août 2020,

vu le mémoire en réponse de l’intervenante déposé au greffe du Tribunal le 28 avril 2021,

vu l’absence de demande de fixation d’une audience présentée par les parties dans le délai de trois semaines à compter de la signification de la clôture de la phase écrite de la procédure et ayant décidé, en application de l’article 106, paragraphe 3, du règlement de procédure du Tribunal, de statuer sans phase orale de la procédure,

rend le présent

Arrêt

 Antécédents du litige

1        Le 16 juin 2016, la requérante, Intis d.o.o., a présenté une demande d’enregistrement de marque de l’Union européenne à l’Office de l’Union européenne pour la propriété intellectuelle (EUIPO), en vertu du règlement (CE) n° 207/2009 du Conseil, du 26 février 2009, sur la marque de l’Union européenne (JO 2009, L 78, p. 1), tel que modifié [remplacé par le règlement (UE) 2017/1001 du Parlement européen et du Conseil, du 14 juin 2017, sur la marque de l’Union européenne (JO 2017, L 154, p. 1)].

2        La marque dont l’enregistrement a été demandé est le signe verbal TELEVEND.

3        Les produits pour lesquels l'enregistrement a été demandé relèvent des classes 7, 9 et 42 au sens de l'arrangement de Nice concernant la classification internationale des produits et des services aux fins de l'enregistrement des marques, du 15 juin 1957, tel que révisé et modifié, et correspondent, pour chacune de ces classes, à la description suivante :

–        classe 7 : « Distributeurs automatiques » ;

–        classe 9 : « Applications logicielles informatiques téléchargeables ; appareils de téléguidage ; lecteurs optiques ; lecteurs de cartes ; programmes d’ordinateurs enregistrés ; cartes-clefs codées ; dispositifs de contrôle électrique ; appareils d’intercommunication ; modems ; appareils électriques de surveillance ; appareils de traitement de données ; émetteurs de signaux électroniques ; tableaux de commande [électricité] ; cartes de circuits imprimés ; matériel informatique ; logiciel ; appareils électrodynamiques pour commande à distance de signaux ; appareils d’interfaces pour ordinateurs » ;

–        classe 42 : « Informatique en nuage ; télésurveillance de systèmes informatiques ; installation, maintenance et mise à jour de logiciels de bases de données ; services de conseils en matière de programmes de bases de données informatiques ; conception de systèmes informatiques ; création de programmes informatiques ; conversion multiplateforme de contenu numérique en d’autres formes de contenu numérique ; stockage électronique de données ; programmation informatique ; maintenance de programmes informatiques ; mise à jour de logiciels ; logiciel-service [SaaS] ».

4        La demande de marque a été publiée au Bulletin des marques de l’Union européenne no 114/2016, du 21 juin 2016. La marque contestée a été enregistrée le 28 septembre 2016.  

5        Le 30 juin 2017, l’intervenante, Televes, SA, a présenté auprès de l’EUIPO une demande en nullité de la marque contestée, pour les produits et services visés au point 3 ci-dessus.

6        La demande de nullité était fondée notamment sur la marque de l’Union européenne verbale antérieure TELEVES, déposée le 29 avril 2004 et enregistrée le 8 septembre 2005 sous le numéro 3809431 pour les produits et services relevant des classes 9, 37 et 38 et correspondant, pour chacune de ces classes, à la description suivante :

–        classe 9 : « Appareils et instruments scientifiques, nautiques, géodésiques, photographiques, cinématographiques, optiques, de pesage, de mesurage, de signalisation, de contrôle (inspection), de secours (sauvetage) et d’enseignement ; appareils pour la conduite, la distribution, la transformation, l’accumulation, la régulation ou le contrôle de l’électricité ; appareils pour l’enregistrement, la transmission, la reproduction du son ou des images ; supports d’enregistrement magnétiques ; disques acoustiques ; distributeurs automatiques et mécaniques pour appareils à prépaiement ; caisses enregistreuses ; machines à calculer ; équipement pour le traitement de l’information et les ordinateurs ; extincteurs » ;

–        classe 37 : « Construction ; réparations ; réparation et entretien » ;

–        classe 38 : « Télécommunications ».

7        Le motif invoqué à l’appui de la demande de nullité était celui visé à l’article 53, paragraphe 1, sous a), du règlement n° 207/2009 [devenu article 60, paragraphe 1, sous a), du règlement 2017/1001], lu conjointement avec l’article 8, paragraphe 1, sous b), du règlement no 207/2009 [devenu article 8, paragraphe 1, sous b), du règlement 2017/1001].

8        Par décision du 28 juin 2019, la division d’annulation de l’EUIPO a déclaré la nullité de la marque contestée, au motif qu’il existait un risque de confusion dans l’esprit du public pertinent, au sens de l’article 8, paragraphe 1, sous b), du règlement no 207/2009 [devenu article 8, paragraphe 1, sous b), du règlement 2017/1001].

9        Le 28 août 2019, la requérante a formé un recours auprès de l’EUIPO, au titre des articles 66 à 71 du règlement 2017/1001, contre la décision de la division d’annulation.

10      Par décision du 12 décembre 2019 (ci-après la « décision attaquée »), la cinquième chambre de recours de l’EUIPO a rejeté le recours. D’abord, elle a considéré que le territoire pertinent était constitué par la partie de l’Union européenne où le public pertinent parle l’allemand, le bulgare et le polonais. Ledit public est constitué à la fois du grand public et de consommateurs professionnels, dont le niveau d’attention varie de moyen à élevé. Ensuite, la chambre de recours a estimé que, compte tenu de l’identité ou de la similitude des produits et services visés par les signes en conflit, du degré de similitude supérieur à la moyenne sur les plans visuel et phonétique des signes en conflit, de leur absence de comparabilité sur le plan conceptuel, et eu égard au degré moyen du caractère distinctif de la marque antérieure, il existait un risque de confusion dans l’esprit du public pertinent, au sens de l’article 8, paragraphe 1, sous b) du règlement 2017/1001.

 Conclusions des parties

11      La requérante conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        annuler la décision attaquée ;

–        condamner l’EUIPO aux dépens.

12      L’EUIPO et l’intervenante concluent à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        rejeter le recours ;

–        condamner la requérante aux dépens.

 En droit

13      À titre liminaire, compte tenu de la date d’introduction de la demande d’enregistrement en cause, à savoir le 16 juin 2016, qui est déterminante aux fins de l’identification du droit matériel applicable, les faits de l’espèce sont régis par les dispositions matérielles du règlement nº 207/2009.

14      Par suite, en l’espèce, il convient d’entendre les références faites par la chambre de recours dans la décision attaquée et par les parties dans leurs écritures à l’article 8, paragraphe 1, sous b), du règlement 2017/1001, et à l’article 60, paragraphe 1, sous a), du règlement 2017/1001 comme visant l’article 8, paragraphe 1, sous b), et l’article 53, paragraphe 1, sous a), d’une teneur identique du règlement n° 207/2009.

15      Par ailleurs, dans la mesure où, selon une jurisprudence constante, les règles de procédure sont généralement censées s’appliquer à la date à laquelle elles entrent en vigueur (voir arrêt du 11 décembre 2012, Commission/Espagne, C-610/10, EU:C:2012:781, point 45 et jurisprudence citée), le litige est régi par les dispositions procédurales du règlement 2017/1001.

16      À l’appui de son recours, la requérante invoque, en substance, un moyen unique, tiré de la violation par la chambre de recours de l’article 8, paragraphe 1, sous b), du règlement n° 207/2009, dans la mesure où elle a conclu à un risque de confusion entre les signes en conflit. En particulier, la requérante conteste les considérations de la chambre de recours relatives à la comparaison des services et des produits visés par les signes en conflit, à l’évaluation du public pertinent, à la comparaison desdits signes, ainsi qu’aux conclusions que la chambre a tirées de ses précédentes constatations lors de l’appréciation globale du risque de confusion.

17      L’EUIPO et l’intervenante contestent les arguments de la requérante.

18      Aux termes d’une lecture combinée de l’article 53, paragraphe 1, sous a), et de l’article 8, paragraphe 1, sous b), du règlement n° 207/2009, sur demande du titulaire d’une marque antérieure, la marque de l’Union européenne enregistrée est déclarée nulle lorsque, en raison de son identité ou de sa similitude avec une marque antérieure et en raison de l’identité ou de la similitude des produits ou des services que les deux marques désignent, il existe un risque de confusion dans l’esprit du public du territoire sur lequel la marque antérieure est protégée. Le risque de confusion comprend le risque d’association avec la marque antérieure.

19      Constitue un risque de confusion le risque que le public puisse croire que les produits ou les services en cause proviennent de la même entreprise ou d’entreprises liées économiquement. Le risque de confusion doit être apprécié globalement, selon la perception que le public pertinent a des signes et des produits ou des services en cause, et en tenant compte de tous les facteurs pertinents en l’espèce, notamment la similitude des marques et celle des produits ou des services désignés [voir arrêt du 9 juillet 2003, Laboratorios RTB/OHMI – Giorgio Beverly Hills (GIORGIO BEVERLY HILLS), T-162/01, EU:T:2003:199, points 30 à 33 et jurisprudence citée].

 Sur le public pertinent

20      Dans le cadre de l’appréciation globale du risque de confusion, il convient de prendre en compte le consommateur moyen de la catégorie de produits concernée, normalement informé et raisonnablement attentif et avisé. Il y a également lieu de prendre en considération le fait que le niveau d’attention du consommateur moyen est susceptible de varier en fonction de la catégorie de produits ou de services en cause [voir arrêt du 13 février 2007, Mundipharma/OHMI – Altana Pharma (RESPICUR), T-256/04, EU:T:2007:46, point 42 et jurisprudence citée].

21      Dans la décision attaquée, la chambre de recours a confirmé la conclusion de la division d’annulation selon laquelle les produits et services en cause étaient destinés à la fois au grand public et aux consommateurs professionnels, dont le niveau d’attention varie de moyen à élevé.

22      La requérante considère que la chambre de recours aurait dû tenir compte du fait que, puisque la destination des produits et services diffère sensiblement, de même que les canaux de distribution, les produits et services ne seront pas en concurrence et, selon ses dires, le client pertinent ne sera pas non plus le même. Elle allègue que les produits et services visés par la marque demandée s’adressent à des professionnels de l’informatique, et les produits et services visés par la marque antérieure visent le grand public. En outre, elle estime que les produits et services liés au secteur de l’informatique sont achetés sur la base d’un examen attentif.

23      L’EUIPO et l’intervenante contestent l’appréciation de la requérante.

24      Le Tribunal rappelle, à titre liminaire, que l’examen des produits en cause doit être basé sur le groupe de produits ou services protégé par les marques en conflit et non sur les produits effectivement commercialisés sous ces marques [arrêts du 16 juin 2010, Kureha/OHMI – Sanofi-Aventis (KREMEZIN), T‑487/08, non publié, EU:T:2010:237, point 71, et du 12 mars 2020, Sumol + Compal Marcas/EUIPO – Heretat Mont-Rubi (SUM011), T‑296/19, non publié, EU:T:2020:93, point 44]. Par conséquent, c’est à juste titre que la chambre de recours a considéré que les produits et services en cause étaient destinés à la fois au grand public et aux consommateurs professionnels.

25      S’agissant du niveau d’attention du public pertinent, étant donné la nature des produits et services en cause, le niveau d’attention du public pertinent variera entre moyen et supérieur à la moyenne, selon le prix et la fréquence d’achat de ces produits et de ces services [voir, en ce sens, arrêt du 23 mai 2019, Negru/EUIPO – Sky (SkyPrivate), T‑837/17, non publié, EU:T:2019:351, point 25].

26      Au vu de ce qui précède, c’est à juste titre que la chambre de recours a estimé que le public pertinent des produits et services en cause était composé du grand public et d’un public professionnel, dont le niveau d’attention varie de moyen à élevé.

 Sur la comparaison des produits et des services

27      Pour apprécier la similitude entre les produits ou les services en cause, il y a lieu de tenir compte de tous les facteurs pertinents qui caractérisent le rapport entre eux. Ces facteurs incluent, en particulier, leur nature, leur destination, leur utilisation ainsi que leur caractère concurrent ou complémentaire [arrêt du 29 septembre 1998, Canon, C-39/97, EU:C:1998:442, point 23]. D’autres facteurs peuvent également être pris en compte, tels que les canaux de distribution des produits concernés [arrêt du 11 juillet 2007, El Corte Inglés/OHMI – Bolaños Sabri (PiraÑAM diseño original Juan Bolaños), T-443/05, EU:T:2007:219, point 37 et jurisprudence citée].

28      La chambre de recours a considéré, tout comme la division d’annulation , que les produits « distributeurs automatiques » visés par la marque demandée relevant de la classe 7 étaient identiques aux mêmes produits relevant de la classe 9 couverts par la marque antérieure, que les produits visés par la marque demandée relevant de la classe 9 étaient identiques à certains produits de la classe 9 de la marque antérieure, et que les services visés par la marque demandée relevant de la classe 42 étaient similaires à l’« équipement pour le traitement de l’information » relevant de la classe 9 couvert par la marque antérieure, en raison, notamment, de leur complémentarité.

29      En outre, la chambre de recours a relevé que, afin d’apprécier la similitude des produits en cause, il y avait lieu de prendre en compte le groupe de produits protégé par les marques en conflit et non les produits effectivement commercialisés sous ces marques.

30      La requérante considère que, en concluant que les produits et services contestés étaient identiques ou similaires, la chambre de recours a omis de prendre en considération l’ensemble des facteurs pertinents pour leur comparaison.

31      Par ailleurs, elle fait valoir que la chambre de recours aurait dû tenir compte du fait que les parties opèrent sur des marchés différents, à savoir le marché de la technologie des télécommunications (en ce qui concerne le titulaire de la marque antérieure) et celui de la technologie informatique liée à la distribution automatique (en ce qui concerne le demandeur de la marque demandée), ce qui ressortirait aussi de la nature des produits et services concernés.

32      En tout état de cause, les produits et services concernés ne sont, selon la requérante, pas proposés au même public, n’ont pas les mêmes points de vente, ni les mêmes producteurs ou la même utilisation. Dans le monde hautement informatisé d’aujourd’hui, les principaux composants de base sont présents simultanément dans de nombreux produits et appareils électroniques, entraînant un chevauchement évident entre les produits et services concernés. Il faudrait donc, pour apprécier si ceux-ci sont identiques, similaires, ou complémentaires, examiner la possibilité réelle qu’ils soient offerts par les mêmes canaux de distribution, dans les mêmes magasins et aux mêmes clients.

33      En outre, par définition, selon la requérante, les produits destinés à des publics différents ne peuvent pas être complémentaires. Cela vaudrait également pour les produits accessoires, qui ne font qu’accompagner ou compléter un autre produit ou service enregistré dès lors que, selon la jurisprudence, la nature composante ou accessoire d’un produit à l’égard de l’autre n’impliquerait pas de complémentarité.

34      Quant à l’appréciation de la chambre de recours selon laquelle les services de la requérante compris dans la classe 42 ont été considérés comme étant similaires aux produits « équipement pour le traitement de l’information » de la marque antérieure compris dans la classe 9, elle est, selon la requérante, fondée sur une interprétation trop large et erronée. En effet, « l’équipement pour le traitement de l’information », enregistré en tant que « produits », représenterait un équipement matériel et logiciel tangible, tandis que les services de la marque demandée enregistrés dans la classe 42, tels que la « conception de systèmes informatiques », englobent le processus de définition de l’architecture, des modules, des interfaces et des données d’un système destiné à satisfaire à des exigences spécifiques. En outre, leurs canaux de distribution ne seraient pas les mêmes.

35      L’EUIPO et l’intervenante contestent l’argumentation de la requérante.

36      Comme le fait valoir à juste titre l’EUIPO, il ressort de la jurisprudence que, afin d’apprécier l’identité ou la similitude des produits et des services en cause, il y a lieu de prendre en compte le groupe ou le libellé de produits protégés par les marques en conflit et non ceux effectivement commercialisés ou à commercialiser sous ces marques [voir, en ce sens, arrêts du 16 juin 2010, Kureha/OHMI – Sanofi-Aventis (KREMEZIN), T‑487/08, non publié, EU:T:2010:237, point 71, et du 12 mars 2020, Sumol + Compal Marcas/EUIPO – Heretat Mont-Rubi (SUM011), T‑296/19, non publié, EU:T:2020:93, point 44]. En effet, une telle appréciation vise à réduire le risque que la marque contestée soit utilisée pour des produits qui peuvent être perçus comme provenant de la même source.

37      En outre, si l’appréciation de la similitude est fondée sur un ensemble de facteurs à partir de ceux qui ont été établis dans la jurisprudence citée au point 27 ci-dessus, on ne saurait centrer cette appréciation sur le simple fait que les produits ou services protégés par les marques en conflit ont des canaux de distribution différents, ceci ne constituant qu’un élément parmi d’autres à prendre en considération.

38      Cet argument doit, partant, être écarté.

39      À cet égard, premièrement, s’agissant des « distributeurs automatiques » visés par la marque demandée relevant de la classe 7, ils sont identiques, tant dans leur nature que dans leur utilisation, aux « distributeurs automatiques et mécaniques pour appareils à prépaiement » relevant de la classe 9 couverts par la marque antérieure. En effet, comme cela ressort de la décision attaquée, les produits en cause n’ont été classés dans différentes classes qu’en raison des différentes dates de dépôt des demandes respectives.

40      Deuxièmement, les « appareils de traitement de données » relevant de la classe 9 visés par la marque demandée sont identiques à l’« équipement pour le traitement de l’information » couvert, dans la même classe 9, par la marque antérieure. Il y a lieu, partant, de les considérer comme identiques.

41      Troisièmement, ainsi que l’a considéré à juste titre la chambre de recours, les « appareils de téléguidage ; lecteurs optiques ; lecteurs de cartes ; cartes-clefs codées ; dispositifs de contrôle électrique ; appareils d’intercommunication ; modems ; appareils électriques de surveillance ; appareils de traitement de données ; émetteurs de signaux électroniques ; tableaux de commande [électricité] ; matériel informatique ; appareils électrodynamiques pour commande à distance de signaux ; appareils d’interfaces pour ordinateurs » dans la classe 9, visés par la marque demandée, sont compris ou partiellement couverts par les produits de la marque antérieure dans la classe 9. Par conséquent, ces produits sont considérés comme identiques.

42      Quatrièmement, d’une part, quant aux « applications logicielles informatiques téléchargeables ; programmes d’ordinateur enregistrés et logiciel » et aux « cartes de circuits imprimés » de la marque demandée, c’est à juste titre que la chambre de recours a conclu qu’ils étaient similaires aux « ordinateurs » de la marque antérieure. D’autre part, s’agissant des « applications logicielles informatiques téléchargeables ; programmes d’ordinateur enregistrés et logiciel », comme l’a relevé à juste titre la chambre de recours dans la décision attaquée, les produits en cause permettent de développer la même fonction, à savoir l’utilisation d’un système informatique, le logiciel étant indispensable au fonctionnement des ordinateurs, de telle sorte qu’ils sont complémentaires. De plus, ils partagent les mêmes utilisateurs, qui peuvent les acheter dans les mêmes points de vente. Cela vaut également pour les cartes de circuit imprimés, qui sont complémentaires aux ordinateurs, qui peuvent avoir les mêmes canaux de distribution et viser le même public.

43      Enfin, s’agissant des services relevant de la classe 42 et visés par la marque demandée, force est de constater, à l’instar de la chambre de recours, qu’ils sont similaires à l’« équipement pour le traitement de l’information » relevant de la classe 9 et visés par la marque antérieure étant donné leur complémentarité et le fait qu’ils sont susceptibles d’avoir les mêmes canaux de distribution et de viser le même public.

44      En ce qui concerne l’argument tiré de l’absence de complémentarité entre les produits et services désignés par les marques en conflit, invoqué par la requérante, il y a lieu de constater que, s’il est vrai, comme soulevé par la requérante, que des produits ne peuvent être considérés comme complémentaires au motif que les uns seraient fabriqués avec les autres [voir arrêt du 9 avril 2014, EI du Pont de Nemours/OHMI – Zueco Ruiz (ZYTEL), T-288/12, EU:T:2014:196, point 39 et jurisprudence citée], la requérante n’a pas démontré que les produits d’une des parties seraient fabriqués avec les produits de l’autre.

45      En ce qui concerne l’argument de la requérante sur la nature tangible ou non des produits et services en cause, il semble indiquer que des produits, qui sont par définition tangibles, et des services, qui ne le sont pas, ne pourraient pas être complémentaires. À cet égard, il suffit de relever que le fait que, à la différence des « services », les « produits » soient tangibles n’est pas suffisant, en soi, pour exclure la possibilité de leur complémentarité (voir, en ce sens, arrêt du 24 septembre 2008 Oakley/OHMI – Venticinque (O STORE) (T‑116/06, EU:T:2008:399, points 52 et 53).

46      Il ressort des considérations qui précèdent que c’est sans commettre d’erreur que la chambre de recours a constaté que les produits et services visés par la marque demandée étaient soit identiques, soit similaires à ceux visés par la marque antérieure.

 Sur la comparaison des signes

47      L’appréciation globale du risque de confusion doit, en ce qui concerne la similitude visuelle, phonétique ou conceptuelle des signes en conflit, être fondée sur l’impression d’ensemble produite par ceux-ci, en tenant compte, notamment, de leurs éléments distinctifs et dominants. La perception des marques qu’a le consommateur moyen des produits ou des services en cause joue un rôle déterminant dans l’appréciation globale dudit risque. À cet égard, le consommateur moyen perçoit normalement une marque comme un tout et ne se livre pas à un examen de ses différents détails (voir arrêt du 12 juin 2007, OHMI/Shaker, C‑334/05 P, EU:C:2007:333, point 35 et jurisprudence citée).

48      En l’espèce, avant de traiter la question de la similitude des marques en conflit sur les plans visuel, phonétique et conceptuel, il y a lieu d’examiner l’appréciation des éléments distinctifs et dominants de la marque antérieure effectuée par la chambre de recours.

 Sur les éléments distinctifs et dominants de la marque antérieure

49      La chambre de recours a constaté, tout d’abord, que les deux marques étaient composées d’un seul mot et qu’aucun élément ne saurait être considéré comme dominant. Ensuite, elle a considéré que le mot « tele » possédait un faible degré de caractère distinctif, en ce qu’il est utilisé, dans toute l’Union européenne, pour désigner des activités ou des services réalisés à distance, comme les télécommunications, le téléphone et la télévision. Enfin, la chambre de recours a relevé que les éléments « ves  » et « vend » seraient dépourvus de signification pour le public pertinent, dans la mesure où ils ne ressemblent à aucun des équivalents dans les langues concernées, et que l’élément «vend », notamment, ne sera pas compris par le public pertinent, ne constituant pas un mot anglais de base. Dès lors, la chambre de recours a jugé que, malgré le fait que la marque antérieure est en partie composée d’un élément non distinctif ou faible, à savoir « tele », son association avec « ves », dépourvu de signification sur les territoires pertinents, donnerait un caractère distinctif intrinsèque moyen à la marque antérieure.

50      La requérante fait valoir que la marque antérieure possède un degré globalement faible de caractère distinctif, en raison du fait que le public pertinent sera en mesure de comprendre le terme « ves », plus court et placé après l’élément non distinctif « tele », comme renvoyant à la « vision » et aux produits et services couverts par la marque antérieure. Le signe « televes » suggérerait ainsi une vision à distance. De plus, elle considère que l’élément non distinctif « tele » est dominant. À titre subsidiaire, la requérante fait valoir que le degré de caractère distinctif de la marque antérieure doit être considéré comme moyen.

51      L’EUIPO et l’intervenante contestent l’argumentation de la requérante.

52      Aux fins d’apprécier le caractère distinctif d’un élément composant une marque, il y a lieu d’examiner l’aptitude plus ou moins grande de cet élément à contribuer à identifier les produits pour lesquels la marque a été enregistrée comme provenant d’une entreprise déterminée et donc à distinguer ces produits de ceux d’autres entreprises. Lors de cette appréciation, il convient de prendre en considération notamment les qualités intrinsèques de l’élément en cause au regard de la question de savoir si celui-ci est ou non dénué de tout caractère descriptif des produits ou des services pour lesquels la marque a été enregistrée [voir arrêt du 13 juin 2006, Inex/OHMI – Wiseman (Représentation d’une peau de vache), T‑153/03, EU:T:2006:157, point 35 et jurisprudence citée].

53      Il y a également lieu d’observer que le caractère distinctif plus ou moins élevé des éléments composant les marques en conflit est un des facteurs pertinents dans le cadre de l’appréciation de la similitude des signes. En effet, les éléments descriptifs, non distinctifs ou faiblement distinctifs d’une marque ont généralement un poids moindre dans l’analyse de la similitude entre les signes que les éléments revêtus d’un caractère distinctif plus important, qui ont également une faculté plus grande de dominer l’impression d’ensemble produite par cette marque [voir, par analogie, arrêt du 12 juin 2019, Hansson, C‑705/17, EU:C:2019:481, point 53 et jurisprudence citée ; arrêt du 9 décembre 2020, Man and Machine/EUIPO – Bim Freelance (bim ready), T‑819/19, non publié, EU:T:2020:596, point 44 et jurisprudence citée ; arrêt du 12 mai 2021, Sun Stars & Sons/EUIPO – Valvis Holding (AC AQUA AC) T-638/19, non publié, points 50 et 51].

54      En l’espèce, l’élément « tele » serait perçu par le public pertinent comme descriptif des produits et services offerts par le propriétaire de la marque, alors que, comme l’a relevé à juste titre la chambre de recours, il est utilisé dans toute l’Union pour désigner des activités ou des services réalisés à distance. Cet élément ne peut pas être considéré comme dominant, contrairement à ce que prétend la requérante.

55      Concernant l’élément « ves » de la marque antérieure, il convient de confirmer la conclusion de la chambre de recours selon laquelle ce mot n’est pas compréhensible pour le public allemand, bulgare et polonais. En effet, il ne ressemble pas aux équivalents dans ces langues. Partant, cet élément doit être considéré comme distinctif.

56      Eu égard au fait que « tele » sera quant à lui compris par le public pertinent comme une indication des produits et services visés par la marque antérieure, l’élément « ves », qui n’a pas de signification pour le public pertinent, forme la partie dominante de la marque. En mettant en balance l’élément descriptif « tele » et le caractère distinctif de l’élément « ves », force est de constater, à l’instar de la chambre de recours, que la marque antérieure « televes » possède, dans son ensemble, un caractère distinctif moyen.

 Sur la similitude visuelle, phonétique et conceptuelle

57      La chambre de recours a considéré que les marques en conflit présentaient un degré de similitude supérieur à la moyenne sur les plans visuel et phonétique, eu égard au fait qu’elles sont de longueur similaire, qu’elles coïncident par les lettres « televe** » et que le consommateur prête généralement une plus grande attention au début d’une marque qu’à sa fin. En outre, elle a noté que les deux marques sont prononcées en trois syllabes et avec un rythme très similaire. Sur le plan conceptuel, elle a considéré que, dans la mesure où le public pertinent décomposera les marques en deux éléments, elles coïncident par leur premier élément, bien que faible, « tele ». Dès lors, les marques seraient faiblement similaires sur le plan conceptuel.

58      La requérante fait valoir que les signes en conflit sont similaires sur les plans visuel et phonétique à un degré variant de faible à moyen, compte tenu de leur terminaison différente et de la différence de prononciation associée, ainsi que de la lettre « D » contenue dans la marque demandée. Sur le plan conceptuel, elle estime que les signes en conflit sont différents. Selon elle, le public pertinent comprendra chacun des éléments « ves » et « vend » contenus dans lesdits signes. S’agissant du terme « ves », à savoir « voir » en latin, la requérante avance que les racines latines « vis » et « vid » du terme se retrouvent dans les équivalents croate (« vidjeti »), polonais (« widzenie »), bulgare (« vizhdane ») et allemand (« sehen »), ainsi que dans de nombreux mots anglais. Quant au terme « vend », la requérante estime qu’il se retrouve dans l’étymologie des langues indo-européennes, par exemple « vendor » en anglais et « verkaufen » en allemand, et qu’il est à tout le moins présent sous sa forme latine. Elle estime que la compréhension de ces termes par le public pertinent sera d’autant plus importante que, compte tenu de la nature des produits et services en cause, celui-ci est un consommateur jeune, enclin à connaître des langues étrangères. En outre, la plupart des communications concernant les technologies informatiques se font en anglais.

59      De plus, la requérante considère que le terme « vend » serait en soi associé au secteur de la distribution automatique, en anglais : « vending industry », ce qui est un terme commun au niveau mondial dans l’industrie des appareils en libre-service. Le public pertinent associera donc le terme « vend » a priori à ce secteur. Par ailleurs, le terme « vend » est utilisé dans l’industrie de la distribution automatique en Allemagne (« Deutschen Vending-Automatenwirtschaft »), en Pologne (« Polskie Stowarzyszenie Vendingu ») et en Bulgarie (« Българска вендинг асоциация »).

60      L’EUIPO et l’intervenante contestent l’argumentation de la requérante.

61      Quant à la similitude entre les signes sur les plans visuel et phonétique, force est de constater que les signes en conflit présentent un degré de similitude supérieur à la moyenne. Si le préfixe commun « tele » possède un faible caractère distinctif, il ne saurait être méconnu que les mots « televes » et « televend » consistent en sept et huit lettres respectivement et coïncident dans l’élément « televe** ». Ainsi qu’il a été, à juste titre, relevé par l’EUIPO, ils sont tous deux prononcés en trois syllabes et avec un rythme très similaire. Les différences dans les fins des marques ne sont pas assez importantes pour changer cette conclusion.

62      Sur le plan conceptuel, les signes en conflit coïncident dans l’élément « tele », ayant un faible caractère distinctif, compte tenu du fait que le public pertinent le comprendra comme une activité ou un service réalisé à distance. Il a déjà été conclu que l’élément « ves » n’a pas de signification pour le public pertinent. Cela vaut également pour l’élément « vend » de la marque demandée, étant donné que, contrairement à ce que fait valoir la requérante, ce mot ne ressemble pas aux équivalents en allemand, bulgare et polonais, et le mot anglais « vendor » ne peut pas être considéré comme faisant partie du vocabulaire élémentaire anglais, de sorte qu’il ne sera pas compréhensible pour le public pertinent [voir, en ce sens, concernant les termes anglais « star », « snack » et « food », arrêt du 11 mai 2010, Wessang/OHMI – Greinwald (star foods), T-492/08, EU:T:2010:186, point 52, et concernant le terme « power », arrêt du 27 juin 2013, International Engine Intellectual Property Company/OHMI (PURE POWER), T‑248/11, non publié, EU:T:2013:333, points 22 à 24 et 282].

63      Au vu de ce qui précède, c’est sans commettre d’erreur que la chambre de recours a conclu que les marques en conflit devaient être considérées comme ayant un degré de similitude supérieur à la moyenne sur les plans visuel et phonétique et faible sur le plan conceptuel.

 Sur le risque de confusion

64      L’appréciation globale du risque de confusion implique une certaine interdépendance des facteurs pris en compte et, notamment, de la similitude des marques et de celle des produits ou des services désignés. Ainsi, un faible degré de similitude entre les produits ou les services désignés peut être compensé par un degré élevé de similitude entre les marques, et inversement [arrêts du 29 septembre 1998, Canon, C‑39/97, EU:C:1998:442, point 17, et du 14 décembre 2006, Mast-Jägermeister/OHMI – Licorera Zacapaneca (VENADO avec cadre e.a.), T‑81/03, T‑82/03 et T‑103/03, EU:T:2006:397, point 74].

65      La chambre de recours a considéré qu’il existait un risque de confusion dans l’esprit des consommateurs concernés sur les territoires pertinents. Compte tenu du souvenir imparfait du consommateur et de l’interdépendance des différents facteurs, elle a estimé que les différences entre les signes ne seront pas suffisantes pour contrebalancer les similitudes.

66      La requérante fait valoir que la marque antérieure possède un caractère distinctif faible, que les marques sont similaires à un degré variant de faible à moyen sur les plans visuel et phonétique et qu’elles sont différentes sur le plan conceptuel. De plus, les produits et services enregistrés sont différents, compte tenu du fait qu’ils diffèrent dans leur destination, leurs canaux de distribution, leurs points de vente et leur utilisation et du fait qu’ils ne sont pas complémentaires. Par ailleurs, selon la requérante, il ne saurait être affirmé que le public pertinent, composé principalement d’utilisateurs avertis dans le secteur de l’informatique avec un degré d’attention moyen à élevé, confondrait les marques en conflit ou partirait du principe que les produits et services en question proviennent de la même entreprise ou d’entreprises liées économiquement.

67      L’EUIPO et l’intervenante contestent l’argumentation de la requérante.

68      Ainsi qu’il ressort des considérations précédentes, les produits et services en cause sont soit identiques, soit similaires ; la marque antérieure possède un degré moyen de caractère distinctif ; les marques en conflit sont similaires à un degré moyen visuellement et phonétiquement et ne sont pas similaires sur le plan conceptuel. Le degré d’attention du public pertinent variant de moyen à élevé, le Tribunal constate que, selon la jurisprudence, s’agissant de l’appréciation du risque de confusion, le public ayant le niveau d’attention le moins élevé doit être pris en considération [voir arrêt du 20 mai 2014, Argo Group International Holdings/OHMI – Arisa Assurances (ARIS), T‑247/12, EU:T:2014:258, point 29 et jurisprudence citée]. Compte tenu de tous ces facteurs, force est de conclure à un risque de confusion dans le cas d’espèce.

69      En outre, il convient de noter que l’argument de la requérante selon lequel les marques en conflit ne sont pas similaires dès lors qu’elles opèrent dans des marchés différents ne saurait non plus être rattaché à l’appréciation globale du risque de confusion. Les modalités de commercialisation particulières des produits et services désignés par les marques pouvant varier dans le temps et suivant la volonté des titulaires de ces marques, l’analyse prospective du risque de confusion entre deux marques ne saurait dépendre des intentions commerciales, réalisées ou non, et par nature subjectives, des titulaires des marques [arrêts du 15 mars 2007, T.I.M.E. ART/OHMI, C‑171/06 P, non publié, EU:C:2007:171, point 59, et du 9 septembre 2008, Honda Motor Europe/OHMI – Seat (MAGIC SEAT), T‑363/06, non publié, EU:T:2008:319, point 63].

70      Au vu de l’ensemble des considérations qui précèdent, le recours doit être rejeté.

 Sur les dépens

71      Aux termes de l’article 134, paragraphe 1, du règlement de procédure du Tribunal, toute partie qui succombe est condamnée aux dépens, s’il est conclu en ce sens.

72      La requérante ayant succombé, il y a lieu de la condamner aux dépens, conformément aux conclusions de l’EUIPO et de l’intervenante.

Par ces motifs,

LE TRIBUNAL (cinquième chambre)

déclare et arrête :

1)      Le recours est rejeté.

2)      Intis d.o.o. est condamnée aux dépens.

Spielmann

Öberg

Mastroianni

Ainsi prononcé en audience publique à Luxembourg, le 20 octobre 2021.

Signatures


*      Langue de procédure : l’anglais.