Language of document : ECLI:EU:T:2021:711

DOCUMENT DE TRAVAIL

ARRÊT DU TRIBUNAL (sixième chambre)

20 octobre 2021 (*)

« Marque de l’Union européenne – Enregistrement international désignant l’Union européenne – Marque figurative $ Cash App – Motif absolu de refus – Absence de caractère distinctif – Article 7, paragraphe 1, sous b), du règlement (UE) 2017/1001 – Droit d’être entendu – Obligation de motivation – Article 94, paragraphe 1, du règlement 2017/1001 – Égalité de traitement et principe de bonne administration »

Dans l’affaire T‑210/20,

Square, Inc., établie à San Francisco, Californie (États-Unis), représentée par M. M. Hawkins, solicitor, Mes K. Lüder et T. Dolde, avocats,

partie requérante,

contre

Office de l’Union européenne pour la propriété intellectuelle (EUIPO), représenté par Mme L. Lapinskaite, MM. J. Crespo Carrillo et V. Ruzek, en qualité d’agents,

partie défenderesse,

ayant pour objet un recours formé contre la décision de la première chambre de recours de l’EUIPO du 5 février 2020 (affaire R 811/2019-1), concernant l’enregistrement international désignant l’Union européenne de la marque figurative $ Cash App,

LE TRIBUNAL (sixième chambre),

composé de Mme A. Marcoulli, présidente, MM. S. Frimodt Nielsen et C. Iliopoulos (rapporteur), juges,

greffier : Mme J. Pichon, administratrice,

vu la requête déposée au greffe du Tribunal le 20 avril 2020,

vu le mémoire en réponse déposé au greffe du Tribunal le 27 août 2020,

vu la question écrite du Tribunal aux parties et leurs réponses à cette question déposées au greffe du Tribunal le 20 janvier 2021,

vu la décision du 8 février 2021 portant jonction des affaires T‑210/20 et T‑211/20 aux fins de la phase orale de la procédure,

à la suite de l’audience du 16 juin 2021,

rend le présent

Arrêt

 Antécédents du litige

1        Le 3 avril 2018, la requérante, Square, Inc., établie à San Francisco, Californie (États-Unis), a désigné l’Union européenne pour l’enregistrement international no 1410819. Cet enregistrement a été notifié le 5 juillet 2018 à l’Office de l’Union européenne pour la propriété intellectuelle (EUIPO), en vertu du règlement (UE) 2017/1001 du Parlement européen et du Conseil, du 14 juin 2017, sur la marque de l’Union européenne (JO 2017, L 154, p. 1).

2        L’enregistrement international pour lequel la protection dans l’Union européenne a été demandée est le signe figuratif suivant :

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3        Les produits pour lesquels la protection a été demandée relèvent de la classe 9 au sens de l’arrangement de Nice concernant la classification internationale des produits et des services aux fins de l’enregistrement des marques, du 15 juin 1957, tel que révisé et modifié, et correspondent à la description suivante : « Logiciels téléchargeables permettant le transfert d’instruments financiers ; logiciels téléchargeables pour la fourniture de remises sur des produits et services ; logiciels téléchargeables permettant la demande par des tiers ou l’envoi à des tiers de transactions de valeur ».

4        Le 12 juillet 2018, l’examinateur a notifié à la requérante un refus provisoire ex officio de protection. Les motifs invoqués au soutien de ce refus étaient l’absence de caractère distinctif et le caractère descriptif de la marque demandée, pour l’ensemble des produits concernés, au sens de l’article 7, paragraphe 1, sous b) et c), du règlement 2017/1001.

5        Le 12 novembre 2018, la requérante a présenté ses observations en réponse.

6        Par décision du 15 février 2019, l’examinateur a confirmé ses objections initiales et a refusé la protection de la marque demandée dans l’Union pour tous les produits visés au point 3 ci-dessus, sur le fondement de l’article 7, paragraphe 1, sous b) et c), du règlement 2017/1001.

7        Le 12 avril 2019, la requérante a formé un recours auprès de l’EUIPO, au titre des articles 66 à 71 du règlement 2017/1001, contre la décision de l’examinateur.

8        Par décision du 5 février 2020 (ci-après la « décision attaquée »), la première chambre de recours de l’EUIPO a rejeté le recours. En premier lieu, s’agissant de la détermination du public pertinent, elle a considéré, au point 13 de la décision attaquée, que les produits désignés par la marque demandée s’adressaient à la fois aux « consommateurs moyens » et aux consommateurs spécialisés dans le secteur financier et que, eu égard à la nature financière desdits produits, ce public était censé être particulièrement attentif et avisé. Elle a également estimé, au point 14 de la même décision, que, dans la mesure où, d’une part, les produits en cause répondent à des objectifs monétaires et financiers et, d’autre part, l’anglais est largement utilisé dans les domaines de l’informatique et de la finance, le public pertinent était composé des « consommateurs, professionnels et non professionnels, de l’ensemble de l’U[nion] ». En second lieu, appliquant l’article 7, paragraphe 1, sous b) du règlement 2017/1001, la chambre de recours a relevé, au point 16 de la décision attaquée, que la marque demandée était composée de quatre éléments, à savoir un carré aux angles arrondis, la couleur verte de celui-ci, le signe « $ » et l’expression « cash app ». Après avoir effectué une analyse de chacun des éléments constituant la marque demandée ainsi que de celle-ci dans son ensemble, elle a estimé que ladite marque serait comprise par le public pertinent comme une indication que les logiciels téléchargeables permettent de transférer ou d’obtenir de l’argent par voie de transaction financière ou de remise et non comme une indication de l’origine commerciale desdits produits. La chambre de recours en a conclu, au point 21 de la décision attaquée, que la marque demandée était dépourvue de tout caractère distinctif au sens de l’article 7, paragraphe 1, sous b), du règlement 2017/1001.

 Conclusions des parties

9        La requérante conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        annuler la décision attaquée ;

–        condamner l’EUIPO aux dépens, y compris ceux exposés dans le cadre des procédures devant le département « Opérations » et la chambre de recours.

10      L’EUIPO conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        rejeter le recours ;

–        condamner la requérante aux dépens.

 En droit

11      À titre liminaire, il convient de constater que, compte tenu de la date d’introduction de la demande d’enregistrement en cause, à savoir le 3 avril 2018, qui est déterminante aux fins de l’identification du droit matériel applicable, les faits de l’espèce sont régis par les dispositions matérielles du règlement 2017/1001 (voir, en ce sens, arrêts du 8 mai 2014, Bimbo/OHMI, C‑591/12 P, EU:C:2014:305, point 12, et du 18 juin 2020, Primart/EUIPO, C‑702/18 P, EU:C:2020:489, point 2 et jurisprudence citée).

12      À l’appui du recours, la requérante invoque quatre moyens, tirés, le premier, de la violation des formes substantielles, le deuxième, de la violation de l’obligation de motivation et du droit d’être entendu, le troisième, de la violation de l’article 7, paragraphe 1, sous b), du règlement 2017/1001 et, le quatrième, de la violation des principes d’égalité de traitement et de bonne administration.

 Sur le premier moyen, tiré de la violation des formes substantielles

13      La requérante allègue que la chambre de recours aurait commis une violation des formes substantielles lors de l’examen du caractère distinctif de la marque demandée. Le premier moyen se divise en deux griefs, tirés, le premier, de la violation par la chambre de recours de l’obligation de procéder à un examen distinct et indépendant des motifs absolus de refus visés à l’article 7, paragraphe 1, sous b) et c), du règlement 2017/1001 et, le second, de la dénaturation par la chambre de recours des faits et des éléments de preuve.

14      Par le premier grief, la requérante soutient que, pour conclure à l’absence de caractère distinctif au sens de l’article 7, paragraphe 1, sous b), du règlement 2017/1001, la chambre de recours a présumé que la marque demandée avait un caractère descriptif, au sens de l’article 7, paragraphe 1, sous c), dudit règlement. Elle fait également valoir que, en s’abstenant de procéder à une analyse autonome de l’application de l’article 7, paragraphe 1, sous b), du règlement 2017/1001, la chambre de recours a méconnu les principes d’égalité de traitement et de bonne administration. À l’appui de son argumentation, elle invoque les arrêts du 7 juin 2001, DKV/OHMI (EuroHealth) (T‑359/99, EU:T:2001:151), du 14 avril 2005, Celltech/OHMI (CELLTECH) (T‑260/03, EU:T:2005:130) et du 10 février 2010, O2 (Germany)/OHMI (Homezone) (T‑344/07, EU:T:2010:35).

15      L’EUIPO réfute cette argumentation.

16      Il y a lieu de rappeler que, conformément à l’article 7, paragraphe 1, sous b), du règlement 2017/1001, sont refusées à l’enregistrement les marques qui sont dépourvues de caractère distinctif.

17      Selon une jurisprudence constante, les marques visées par l’article 7, paragraphe 1, sous b), du règlement 2017/1001 sont celles qui sont réputées incapables d’exercer la fonction essentielle de la marque, à savoir la fonction d’identifier l’origine commerciale du produit ou du service en cause afin de permettre ainsi au consommateur qui acquiert le produit ou le service que la marque désigne de faire, lors d’une acquisition ultérieure, le même choix si l’expérience s’avère positive ou de faire un autre choix si elle s’avère négative [voir arrêt du 17 septembre 2015, Volkswagen/OHMI (COMPETITION), T‑550/14, EU:T:2015:640, point 12 et jurisprudence citée]. Tel est le cas, notamment, des signes qui sont communément utilisés pour la commercialisation des produits ou des services concernés [voir arrêt du 30 juin 2004, Norma Lebensmittelfilialbetrieb/OHMI (Mehr für Ihr Geld), T‑281/02, EU:T:2004:198, point 24 et jurisprudence citée].

18      Il ressort, en outre, de la jurisprudence que les signes descriptifs visés à l’article 7, paragraphe 1, sous c), du règlement 2017/1001 sont, également, dépourvus de caractère distinctif au sens de l’article 7, paragraphe 1, sous b), de ce règlement. À l’inverse, un signe peut être dépourvu de caractère distinctif au sens dudit article 7, paragraphe 1, sous b) du même règlement, pour des raisons autres que son éventuel caractère descriptif (arrêt du 10 mars 2011, Agencja Wydawnicza Technopol/OHMI, C‑51/10 P, EU:C:2011:139, point 46).

19      Il existe donc un certain chevauchement entre le champ d’application de l’article 7, paragraphe 1, sous b), du règlement 2017/1001 et celui de son article 7, paragraphe 1, sous c), la première de ces dispositions se distinguant, toutefois, de la seconde, en ce qu’elle couvre l’ensemble des circonstances dans lesquelles un signe n’est pas de nature à distinguer les produits ou services d’une entreprise de ceux d’autres entreprises (arrêt du 10 mars 2011, Agencja Wydawnicza Technopol/OHMI, C‑51/10 P, EU:C:2011:139, point 47) et non pas seulement le cas où ce signe serait descriptif desdits produits ou services.

20      Il n’en demeure pas moins que, selon une jurisprudence constante, chacun des motifs de refus d’enregistrement énumérés à l’article 7, paragraphe 1, sous b) à d), du règlement 2017/1001 est indépendant des autres et exige un examen séparé (voir arrêt du 8 mai 2008, Eurohypo/OHMI, C‑304/06 P, EU:C:2008:261, point 54 et jurisprudence citée). Plus spécifiquement, lesdits motifs de refus doivent être interprétés à la lumière de l’intérêt général qui sous-tend chacun d’entre eux. L’intérêt général pris en considération lors de l’examen de ces motifs peut, voire doit, refléter des considérations différentes, selon le motif de refus en cause (voir arrêt du 15 mars 2012, Strigl et Securvita, C‑90/11 et C‑91/11, EU:C:2012:147, point 22 et jurisprudence citée).

21      En l’espèce, il y a lieu d’observer que, à l’opposé de la décision de l’examinateur du 15 février 2019, la chambre de recours n’a pas refusé la demande d’enregistrement litigieuse sur le fondement de l’article 7, paragraphe 1, sous b), et de l’article 7, paragraphe 1, sous c), du règlement 2017/1001, mais uniquement sur le fondement de l’article 7, paragraphe 1, sous b), dudit règlement.

22      Il convient donc d’examiner si la chambre de recours a procédé à une analyse autonome du motif absolu de refus énoncé à l’article 7, paragraphe 1, sous b), du règlement 2017/1001.

23      La chambre de recours, après avoir précisé que la question qui se posait en l’espèce était de savoir si la marque demandée était susceptible d’indiquer que les logiciels téléchargeables sont fournis par une entreprise déterminée, a constaté, au point 21 de la décision attaquée, que le public pertinent, familiarisé avec les transactions financières par le biais de l’internet, percevra la marque en cause « comme indiquant que les logiciels permettent de transférer ou d’obtenir des espèces, c’est-à-dire de l’argent, grâce à une transaction financière ou [à] une remise ». Elle en a conclu que la marque en cause n’était pas apte à distinguer, aux yeux du public pertinent, les produits concernés de ceux d’une autre provenance.

24      Il convient de déduire de cette constatation que la chambre de recours a, en substance, considéré que la marque demandée ne serait pas susceptible d’être perçue, par le public pertinent, comme une indication de l’origine commerciale de ces produits.

25      Partant, contrairement à ce que prétend la requérante, la chambre de recours n’a pas déduit l’absence de caractère distinctif de la marque demandée de son caractère descriptif, mais a procédé à une analyse autonome du motif absolu de refus énoncé à l’article 7, paragraphe 1, sous b), du règlement 2017/1001.

26      Il convient par ailleurs de souligner que la jurisprudence invoquée par la requérante au soutien de la thèse de l’absence d’un examen séparé, à savoir les arrêts du 7 juin 2001, DKV/OHMI (EuroHealth) (T‑359/99, EU:T:2001:151), du 14 avril 2005, Celltech/OHMI (CELLTECH) (T‑260/03, EU:T:2005:130), et du 10 février 2010, O2 (Germany)/OHMI (Homezone) (T‑344/07, EU:T:2010:35), n’est pas transposable en l’espèce. En effet, ainsi que le fait remarquer l’EUIPO, dans ces affaires, l’absence de caractère distinctif du signe en cause était uniquement déduite du caractère descriptif de celui-ci, tandis que, en l’espèce, la chambre de recours n’a pas établi le caractère descriptif du signe en cause par rapport aux produits visés, mais a examiné et constaté un défaut de caractère distinctif.

27      Il résulte de ce qui précède que le premier grief du premier moyen doit être rejeté.

28      Par le second grief, la requérante soutient que la chambre de recours a dénaturé des faits et des éléments de preuve en ce que, premièrement, elle n’avait apporté aucune preuve au soutien de son allégation selon laquelle le public pertinent était composé de « consommateurs, professionnels et non professionnels, de l’ensemble de l’U[nion européenne] », deuxièmement, elle a présumé, à tort, et sans le moindre élément de preuve, que la signification des mots anglais « cash » et « app » seraient compris par l’ensemble du public pertinent, y compris celui dont la langue maternelle n’est pas l’anglais, et, troisièmement, elle n’a pas fondé cette affirmation (relative à la compréhension de l’anglais par des consommateurs dont la langue maternelle n’est pas l’anglais) sur un fait notoire.

29      Toutefois, il convient de relever, ainsi que l’observe l’EUIPO, que les arguments présentés par la requérante dans le cadre du second grief du premier moyen portent, en substance, sur l’appréciation de la chambre de recours relative à la définition du public pertinent et, par conséquent, seront examinés ci-après, dans le cadre du troisième moyen.

 Sur le deuxième moyen, tiré de la violation de l’obligation de motivation et du droit d’être entendu

30      Le deuxième moyen soulevé par la requérante s’articule en deux branches, tirées, la première, d’une violation de l’obligation de motivation et, la seconde, d’une violation du droit d’être entendu.

 Sur la première branche du deuxième moyen, tirée de la violation de l’obligation de motivation

31      La requérante se plaint d’un défaut de motivation de la décision attaquée. Elle soutient, en particulier, que la chambre de recours, en regroupant tous les produits en cause dans une seule catégorie ou dans un seul groupe et en procédant à une motivation globale pour tous ces produits, a manqué à son obligation de motivation. Selon elle, la chambre de recours n’a pas expliqué dans la décision attaquée pourquoi les produits en cause présentaient entre eux un lien suffisamment direct et concret au point qu’ils formeraient une catégorie ou un groupe de produits d’une homogénéité suffisante. Qui plus est, la chambre de recours n’aurait pas expliqué pourquoi les produits visés par la marque en cause constituent un groupe homogène justifiant le recours à une motivation globale, alors que certains d’entre eux sont liés à la finance, et d’autres à des remises, telles que les bons de réduction et les points de fidélité. Elle fait valoir, à cet égard, que le seul fait que les produits en cause relèvent de la même classe au sens de l’arrangement de Nice n’est pas suffisant à expliquer le raisonnement suivi par la chambre de recours à cet égard.

32      L’EUIPO conteste ces arguments.

33      En vertu de l’article 94, paragraphe 1, première phrase, du règlement 2017/1001, les décisions de l’EUIPO doivent être motivées. Cette obligation de motivation a la même portée que celle découlant de l’article 296 TFUE, selon laquelle le raisonnement de l’auteur de l’acte doit apparaître de façon claire et non équivoque. Cette obligation a pour double objectif de permettre, d’une part, aux intéressés de connaître les justifications de la mesure prise afin de défendre leurs droits et, d’autre part, au juge de l’Union d’exercer son contrôle sur la légalité de la décision [voir arrêt du 20 février 2013, Langguth Erben/OHMI (MEDINET), T‑378/11, EU:T:2013:83, point 14 et jurisprudence citée].

34      Selon une jurisprudence constante, dès lors que l’enregistrement d’une marque est toujours demandé au regard de produits ou de services mentionnés dans la demande d’enregistrement, l’examen des motifs absolus de refus doit porter sur chacun des produits ou des services pour lesquels l’enregistrement de la marque est demandé et la décision par laquelle l’autorité compétente refuse l’enregistrement d’une marque doit, en principe, être motivée pour chacun desdits produits ou desdits services (voir arrêt du 8 mars 2018, Cinkciarz.pl/EUIPO (€$), T‑665/16, non publié, EU:T:2018:125, point 16 et jurisprudence citée).

35      Toutefois, s’agissant de cette dernière exigence, la Cour a précisé que l’autorité compétente peut se limiter à une motivation globale pour tous les produits ou services concernés lorsque le même motif de refus est opposé pour une catégorie ou un groupe de produits ou de services (voir arrêt du 17 mai 2017, EUIPO/Deluxe Entertainment Services Group, C‑437/15 P, EU:C:2017:380, point 30 et jurisprudence citée).

36      La Cour a ensuite précisé qu’une telle faculté ne s’étend qu’à des produits et à des services présentant entre eux un lien suffisamment direct et concret, au point qu’ils forment une catégorie ou un groupe de produits ou de services d’une homogénéité suffisante (voir arrêt du 17 mai 2017, EUIPO/Deluxe Entertainment Services Group, C‑437/15 P, EU:C:2017:380, point 31 et jurisprudence citée).

37      Afin d’apprécier si les produits et les services visés par une demande d’enregistrement d’une marque de l’Union présentent, entre eux, un lien suffisamment direct et concret et peuvent être répartis dans des catégories ou des groupes d’une homogénéité suffisante, il doit être tenu compte de l’objectif de cet exercice visant à permettre et à faciliter l’appréciation in concreto de la question de savoir si la marque concernée par la demande d’enregistrement relève ou non d’un des motifs absolus de refus (arrêt du 17 mai 2017, EUIPO/Deluxe Entertainment Services Group, C‑437/15 P, EU:C:2017:380, point 32).

38      Ainsi, la répartition des produits et des services en cause en un ou en plusieurs groupes ou catégories doit être effectuée notamment sur la base des caractéristiques qui leur sont communes et qui présentent une pertinence pour l’analyse de l’opposabilité, ou non, à la marque demandée pour lesdits produits et services, d’un motif absolu de refus déterminé. Il s’ensuit qu’une telle appréciation doit être effectuée in concreto pour l’examen de chaque demande d’enregistrement et, le cas échéant, pour chacun des différents motifs absolus de refus éventuellement applicables (arrêt du 17 mai 2017, EUIPO/Deluxe Entertainment Services Group, C‑437/15 P, EU:C:2017:380, point 33).

39      Il résulte des considérations qui précèdent qu’il ne saurait, a priori, être exclu que les produits et les services visés par une demande d’enregistrement présentent tous une caractéristique pertinente pour l’analyse d’un motif absolu de refus et qu’ils peuvent être regroupés, aux fins de l’examen de la demande d’enregistrement en cause par rapport à ce motif absolu de refus, dans une seule catégorie ou dans un seul groupe d’une homogénéité suffisante (arrêt du 17 mai 2017, EUIPO/Deluxe Entertainment Services Group, C‑437/15 P, EU:C:2017:380, point 34).

40      C’est à la lumière de ces considérations qu’il convient d’examiner si la décision attaquée est entachée d’un défaut de motivation.

41      En l’espèce, la chambre de recours a relevé, au point 11 de la décision attaquée, que les produits en cause sont des logiciels téléchargeables permettant aux utilisateurs de transférer des instruments financiers, c’est-à-dire des actifs financiers, des capitaux propres ou tout passif, d’accorder des remises sur des produits et services, ainsi que d’opérer des transactions de valeur. Elle a également précisé, au point 12, de la décision attaquée, que ces logiciels téléchargeables sont utilisés pour obtenir un « avantage monétaire » en termes de fonds, remises et transactions de valeur.

42      En effet, il convient de constater, à l’instar de l’EUIPO, qu’un avantage monétaire peut résulter aussi bien d’une transaction financière – qu’il s’agisse de virements, de transferts et de paiements –, que de l’argent économisé grâce à une remise.

43      Ainsi, il ressort des appréciations de la chambre de recours que l’ensemble des produits en cause présentaient une caractéristique commune, pertinente pour l’examen du motif absolu de refus tiré de l’article 7, paragraphe 1, sous b), du règlement 2017/1001, à savoir qu’ils pouvaient être utilisés afin d’effectuer une transaction financière ou d’accéder à des remises, et qu’ils pouvaient donc tous être regroupés dans un seul groupe d’une homogénéité suffisante.

44      En effet, les logiciels téléchargeables visant à transférer des instruments financiers, tels que l’achat de titres, à accorder des remises sur des produits et services, et à opérer des transactions de valeur forment une catégorie de produits homogènes au motif qu’ils remplissent les mêmes fonctions. La requérante n’a avancé aucun argument susceptible de remettre en cause l’appréciation de la chambre de recours. Elle n’a pas, non plus, fait apparaître quelles seraient les différences entre les produits en cause qui empêcheraient de réunir ceux-ci dans un seul groupe d’une homogénéité suffisante.

45      Il ne saurait, dès lors, être considéré que la chambre de recours a méconnu, en l’espèce, son obligation de motivation.

 Sur la seconde branche du deuxième moyen, tirée de l’obligation d’être entendu

46      La requérante allègue que la chambre de recours a violé son droit d’être entendue en ce qu’elle aurait fondé sa décision sur le motif absolu de refus, prévu à l’article 7, paragraphe 1, sous b), du règlement 2017/1001, sur lequel elle n’avait pas eu l’occasion de présenter ses observations. En particulier, elle fait valoir que la chambre de recours a refusé l’enregistrement de la marque demandée sur le seul fondement de l’article 7, paragraphe 1, sous b), dudit règlement, alors que l’examinateur a rejeté la demande d’enregistrement, à titre principal, sur le fondement de l’article 7, paragraphe 1, sous c), du même règlement, et s’est ensuite bornée à affirmer, « à titre secondaire », que la marque demandée étant descriptive, était nécessairement dépourvue de caractère distinctif. Autrement dit, la requérante prétend que, dans la mesure où la décision attaquée s’est fondée sur un motif de refus qui n’avait pas été invoqué « de manière autonome » dans la décision de l’examinateur du 15 février 2019, elle aurait dû être préalablement entendue sur ce changement d’approche.

47      L’EUIPO conteste les arguments de la requérante.

48      Il convient de rappeler que, en vertu de l’article 94, paragraphe 1, deuxième phrase, du règlement 2017/1001, les décisions de l’EUIPO ne peuvent être fondées que sur des motifs ou des preuves au sujet desquels les parties ont pu prendre position.

49      Cette disposition consacre, dans le cadre du droit des marques de l’Union, le principe général de protection des droits de la défense. En vertu de ce principe, les destinataires des décisions des autorités publiques qui affectent de manière sensible leurs intérêts doivent être mis en mesure de faire connaître utilement leur point de vue. Le droit d’être entendu s’étend à tous les éléments de fait ou de droit qui constituent le fondement de l’acte décisionnel, mais non à la position finale que l’administration entend adopter [voir arrêt du 13 mai 2020, Clatronic International/EUIPO (PROFI CARE), T‑5/19, non publié, EU:T:2020:191, point 102 et jurisprudence citée].

50      Il y a lieu de préciser d’emblée que la requérante ne fait pas valoir que, dans la décision attaquée, la chambre de recours a retenu d’office un nouveau motif absolu de refus sur lequel elle aurait été tenue de lui donner l’occasion de se prononcer au préalable. L’argumentation de la requérante revient à prétendre que la chambre de recours aurait violé son droit d’être entendue en retenant un motif absolu de refus qui n’avait pas été soulevé « de manière autonome » dans la décision de l’examinateur du 15 février 2019.

51      En l’espèce, force est de constater que, tout comme le refus provisoire ex officio de protection, la décision définitive de l’examinateur du 15 février 2019 repose sur un double fondement puisque l’examinateur a refusé la protection de la marque en cause au motif que la marque demandée était descriptive et dépourvue de caractère distinctif au sens de l’article 7, paragraphe 1, sous b) et c), du règlement 2017/1001. En revanche, la décision de la chambre de recours a rejeté le recours exclusivement sur le fondement de l’article 7, paragraphe 1, sous b), dudit règlement, estimant que la marque demandée était dépourvue de caractère distinctif.

52      Étant donné que le motif absolu de refus tiré dudit article 7, paragraphe 1, sous b), fait partie intégrante tant de la décision de l’examinateur que de la décision attaquée, la requérante aurait été pleinement en mesure, même si elle ne l’avait pas fait, de prendre position à cet égard lors de son recours contre la décision de l’examinateur. En effet, il lui était loisible de contester devant la chambre de recours l’appréciation de l’examinateur portant sur l’absence de caractère distinctif.

53      Par ailleurs, il y a lieu de relever qu’il ressort des observations de la requérante du 12 novembre 2018 sur le refus provisoire ex officio de protection, que celle-ci considérait que l’élément figuratif de la marque demandée conférait un caractère distinctif à ladite marque prise dans son ensemble. Elle a donc effectivement présenté, au cours de la procédure devant l’examinateur, ses observations sur la question du caractère distinctif de la marque demandée.

54      Dès lors, conformément à la jurisprudence visée au point 49 ci-dessus, c’est à tort, que la requérante fait valoir que la chambre de recours était tenue de l’entendre sur la position finale qu’elle entendait adopter.

55      Partant, il y a lieu de rejeter le deuxième moyen comme non fondé.

 Sur le troisième moyen, tiré de la violation de l’article 7, paragraphe 1, sous b), du règlement 2017/1001

56      La requérante soutient que la chambre de recours a violé l’article 7, paragraphe 1, sous b), du règlement 2017/1001, et invoque quatre griefs à l’appui d’un tel moyen. En premier lieu, elle fait valoir que la chambre de recours n’a pas évalué le caractère distinctif de la marque demandée par rapport aux produits visés. En deuxième lieu, elle conteste la définition du public pertinent retenue par la chambre de recours. En troisième lieu, elle prétend que la chambre de recours n’a pas correctement apprécié le caractère distinctif de la marque demandée. En quatrième lieu, elle soutient que la chambre de recours a élargi, à tort, les critères d’appréciation du caractère distinctif de la marque demandée, tels qu’établis par la jurisprudence.

 Sur le premier grief du troisième moyen, concernant le caractère distinctif de la marque demandée par rapport aux produits visés par la demande d’enregistrement

57      Premièrement, la requérante soutient, en substance, que la chambre de recours a déduit l’absence de caractère distinctif de la marque demandée du fait que les produits visés, « consistant au minimum de trois types différents et distincts de logiciels », présentent un lien avec le monde de la finance, ce qui ne serait pas conforme à la jurisprudence. En particulier, elle reproche à la chambre de recours de n’avoir pas apprécié le caractère distinctif de la marque demandée par rapport aux produits visés, mais par rapport « à la finance, [à] l’argent ou [à] la valeur (monétaire) en général ». À l’appui de son argument, elle fait référence aux points 11, 12, 18, 19 et 20 de la décision attaquée. Elle ajoute que les produits en cause n’étaient que rarement mentionnés dans la décision attaquée et, lorsque c’était le cas, ils étaient désignés par le terme général « logiciels ». Deuxièmement, la requérante fait grief à la chambre de recours d’avoir renversé la charge de la preuve en présumant que l’existence de « tout lien avec le monde de la finance » conduirait à conclure que la marque demandée était dépourvue de caractère distinctif.

58      L’EUIPO conteste les arguments de la requérante.

59      Il résulte de la jurisprudence que le caractère distinctif d’une marque au sens de l’article 7, paragraphe 1, sous b), du règlement 2017/1001, doit être apprécié, d’une part, par rapport aux produits ou aux services pour lesquels l’enregistrement est demandé et, d’autre part, par rapport à la perception qu’en a le public pertinent (arrêts du 29 avril 2004, Procter & Gamble/OHMI, C‑473/01 P et C‑474/01 P, EU:C:2004:260, point 33 ; du 8 mai 2008, Eurohypo/OHMI, C‑304/06 P, EU:C:2008:261, point 67, et du 21 janvier 2010, Audi/OHMI, C‑398/08 P, EU:C:2010:29, point 34).

60      Or, force est de constater que, contrairement à ce que soutient la requérante, la chambre de recours n’a nullement omis d’examiner si la marque demandée disposait d’un caractère distinctif à l’égard des produits en cause. Au contraire, aux points 11 et 12 de la décision attaquée, elle a énuméré ces produits et a expressément fait référence à leur destination. Par ailleurs, il ressort clairement du point 21 de la décision attaquée que la chambre de recours a apprécié le caractère distinctif de la marque demandée au regard des produits visés (voir point 23 ci-dessus).

61      S’agissant de l’allégation de la requérante tirée du renversement de la charge de la preuve, il y a lieu de constater qu’elle ne concerne pas, en tant que telle, la question de la charge de la preuve, mais celle de l’appréciation par la chambre du recours du caractère distinctif de la marque demandée. Elle sera donc examinée dans le cadre du troisième grief, concernant le caractère distinctif de la marque demandée.

62      Il s’ensuit que le premier grief doit être rejeté comme non fondé.

 Sur le deuxième grief du troisième moyen, concernant la définition du public pertinent

63      Au point 14 de la décision attaquée, la chambre de recours a considéré que le public pertinent était constitué « des consommateurs, professionnels et non professionnels, de l’ensemble de l’U[nion] », dès lors que, d’une part, les logiciels répondent, d’une manière générale, à des objectifs monétaires et financiers et, d’autre part, l’anglais est largement utilisé dans les domaines de l’informatique et de la finance.

64      La requérante fait valoir que cette analyse est erronée et non étayée par des éléments de preuve suffisants. La marque en cause se composant de mots de la langue anglaise, il convient, selon elle, de l’examiner au regard du public anglophone. En outre, elle soutient que, en incluant dans le public pertinent les consommateurs d’autres pays que ceux dans lesquels l’anglais est la langue maternelle, la chambre de recours a élargi, à tort, le champ d’application du public pertinent et, par voie de conséquence, elle a effectué une appréciation erronée de ce que serait la perception par ledit public de la marque en cause.

65      L’EUIPO conteste les arguments de la requérante.

66      À cet égard, il y a lieu d’emblée de relever que la marque demandée est composée de deux termes issus de la langue anglaise, à savoir « cash » et « app », et que l’utilisation de cette langue est fréquente dans le domaine financier, dont relèvent les produits désignés par la marque demandée.

67      Ainsi que le souligne à juste titre l’EUIPO, il y a lieu de relever que, en vertu de l’article 7, paragraphe 2, du règlement 2017/1001, il suffit qu’un motif absolu de refus existe dans une partie de l’Union pour justifier le refus d’enregistrement d’une marque demandée. Cela s’applique, selon l’article 189, paragraphe 1, du règlement 2017/1001, mutatis mutandis, également aux enregistrements internationaux désignant l’Union. Partant, il suffit, en l’espèce, que la marque demandée soit dépourvue de caractère distinctif, au moins pour le public pertinent anglophone pour qu’il soit refusé à l’enregistrement.

68      Ainsi, même à supposer que la chambre de recours ait commis une erreur en considérant que la marque en cause, composée de deux termes issus de la langue anglaise, à savoir « cash » et « app », était comprise dans toute l’Union, cette circonstance n’aurait aucune incidence sur la légalité de la décision attaquée. Partant, les griefs tirés de la définition erronée du public pertinent doivent, en tout état de cause, être écartés comme inopérants.

69      S’agissant du grief, soulevé pour la première fois lors de l’audience, par lequel la requérante reproche à la chambre de recours d’avoir tenu compte du niveau d’attention du public pertinent dans l’appréciation du caractère distinctif de la marque demandée, il convient de rappeler qu’une marque doit permettre audit public de distinguer les produits qu’elle désigne de ceux d’autres entreprises sans que ce public doive faire preuve d’une attention particulière, de sorte que le seuil de distinctivité nécessaire à l’enregistrement d’une marque ne saurait dépendre du niveau d’attention dudit public [voir arrêt du 14 février 2019, Bayer Intellectual Property/EUIPO (Représentation d’un cœur), T‑123/18, EU:T:2019:95, point 17 et jurisprudence citée ; arrêt du 11 septembre 2019, Orkla Foods Danmark/EUIPO (PRODUCED WITHOUT BOILING SCANDINAVIAN DELIGHTS ESTABLISHED 1834 FRUIT SPREAD), T‑34/19, non publié, EU:T:2019:576, point 29]. En l’espèce, la chambre de recours a, certes, affirmé, au point 13 de la décision attaquée, que, compte tenu de la nature financière des produits en cause, les consommateurs seront attentifs et avisés, elle n’a pas, pour autant, et ceci à bon droit, tenu compte du niveau élevé d’attention dans le cadre de son appréciation du caractère distinctif du signe en cause. L’argument y afférent présenté par la requérante ne saurait donc prospérer.

70      Il s’ensuit que le grief de la requérante relatif au public pertinent doit être écarté.

 Sur le troisième grief du troisième moyen, concernant le caractère distinctif de la marque demandée

71      En premier lieu, la requérante fait grief à la chambre de recours d’avoir suivi un raisonnement contradictoire dans la mesure où, d’une part, elle a considéré que la marque en cause était dépourvue de caractère distinctif, et, d’autre part, elle a laissé entendre aux points 19 et 20 de la décision attaquée que cette marque serait suggestive ou allusive et, par conséquent, elle ne devrait pas se voir refuser une protection. En deuxième lieu, elle fait valoir que la chambre de recours n’a pas effectué une appréciation du caractère distinctif de la marque demandée prise dans son ensemble, mais elle a effectué une analyse de chacun des éléments la composant pris individuellement. Selon la requérante, la chambre de recours a considéré que la marque demandée était dépourvue de caractère distinctif au seul motif que chaque élément composant la marque demandée, pris séparément, était dépourvu de caractère distinctif. En troisième lieu, la requérante reproche à la chambre de recours de n’avoir pas apprécié correctement les éléments constitutifs de la marque demandée. En particulier, elle estime que l’affirmation de la chambre de recours, selon laquelle la couleur verte « n’est [...] pas totalement sans rapport avec la finance, puisqu’elle symbolise la richesse, l’abondance ou la prospérité » n’est ni étayée ni de notoriété publique. Elle ajoute que la chambre de recours a commis une erreur en associant cette couleur au symbole « $ » et non aux produits en cause, pour lesquels le vert n’a aucune signification intrinsèque, quelle qu’en soit la nature. Par ailleurs, elle soutient que la chambre de recours a adopté un raisonnement contradictoire en affirmant, d’une part, que le symbole « $ » n’est pas identique au symbole du dollar américain et, d’autre part, que les consommateurs l’associeront à cette monnaie. De plus, selon la requérante, l’élément figuratif placé au début de la marque en cause est doté d’un caractère distinctif. Cet élément est frappant tant par sa taille importante que par sa couleur vive, de sorte qu’il sera perçu par le public pertinent comme un élément codominant de la marque en cause. Elle fait, également, valoir que l’élément figuratif est considéré, à lui seul, comme un élément d’identification de l’origine des produits en cause. Selon la requérante, le succès commercial de la marque demandée aux États-Unis démontrait que ladite marque était intrinsèquement apte à indiquer l’origine commerciale des produits concernés. En quatrième lieu, la requérante prétend, en substance, que la chambre de recours a procédé à une interprétation large de la signification des termes composant la marque en cause. À cet égard, elle conteste la transition effectuée par la chambre de recours du terme « cash », premièrement, à « argent sous la forme physique des billets de banque et des pièces », puis, deuxièmement, au « paiement » dans la mesure où il ne permet pas au public pertinent de percevoir immédiatement, et sans autre réflexion en plusieurs étapes, le sens du terme « cash » comme synonyme de « paiement » et, par conséquent, d’établir un rapport direct entre les produits en cause et la marque demandée.

72      L’EUIPO conteste ces arguments.

73      En premier lieu, s’agissant de l’argument selon lequel la chambre de recours n’avait pas correctement apprécié les différents éléments composant la marque demandée, il y a lieu de rappeler que, afin d’apprécier si une marque est ou non dépourvue de caractère distinctif, il convient de prendre en considération l’impression d’ensemble qu’elle produit. Cela ne saurait toutefois impliquer qu’il n’y aurait pas lieu de procéder, dans un premier temps, à un examen successif des différents éléments de présentation utilisés pour cette marque. En effet, il peut être utile, au cours de l’appréciation globale, d’examiner chacun des éléments constitutifs de la marque concernée [voir arrêt du 25 septembre 2014, Giorgis/OHMI – Comigel (Forme de deux gobelets emballés), T‑474/12, EU:T:2014:813, point 22 et jurisprudence citée].

74      En l’espèce, il ressort des points 16 à 20 de la décision attaquée que, dans le cadre de l’appréciation du caractère distinctif de la marque demandée, la chambre de recours a procédé, dans un premier temps, à un examen successif des différents éléments la composant. À l’issue de cet examen, elle a considéré que chacun de ces éléments, pris séparément, était dépourvu de caractère distinctif par rapport aux produits pour lesquels l’enregistrement est demandé.

75      En particulier, la chambre de recours a, en substance, relevé que la marque en cause était composée du symbole « $ », représenté sur un carré vert aux angles arrondis, ainsi que de l’élément « cash app », situé en dehors du carré.

76      À cet égard, force est de constater, à l’instar de la chambre de recours au point 17 de la décision attaquée, que le carré aux angles arrondis est une forme géométrique très simple. En effet, la présence des angles arrondis n’est pas un élément inhabituel qui ne permettra pas au consommateur de l’associer à ladite forme géométrique.

77      Il y a également lieu de relever, ainsi que la chambre de recours l’a constaté, au point 18 de la décision attaquée, que la couleur verte, associée au symbole « $ », pourrait évoquer pour le public pertinent un rapport général avec la finance. En effet, cette couleur, constituant la couleur des billets de banque en dollar américain, renverrait, associée audit symbole, à l’idée de la richesse. Partant, contrairement à ce que la requérante prétend, l’appréciation de la chambre de recours n’est pas entachée d’erreur.

78      En outre, comme l’a justement relevé la chambre de recours au point 19 de la décision attaquée, le symbole « $ » de la marque demandée ne reproduisait pas à l’identique le symbole de dollar, étant donné qu’il ne présente pas les deux barres verticales typiques. Toutefois, compte tenu de la présence de l’élément « cash app » qui fait allusion à de l’argent, et du fait que la lettre majuscule « S » présente des fragments d’une barre verticale sur les parties inférieure et supérieure, cet élément peut être associé par le public pertinent au symbole de dollar. Partant, contrairement aux allégations de la requérante, le raisonnement de la chambre de recours ne comporte aucune contradiction, en ce que cette dernière a affirmé, d’une part, que le symbole « $ » n’est pas identique au symbole du dollar américain et, d’autre part, que le public pertinent l’associera à cette monnaie.

79      S’agissant de l’élément figuratif de la marque demandée, c’est à juste titre, que la chambre de recours a considéré au point 25 de la décision attaquée que celui-ci peut être perçu, en raison de sa forme carrée aux angles arrondis, comme l’icône (« bouton ») d’une application disponible sur un appareil mobile. En effet, les icônes d’applications sont des raccourcis d’applications téléchargées qui se présentent sous la forme d’un carré aux angles arrondis. Compte tenu du fait que le symbole « $ » est placé sur un carré vert aux angles arrondis, le consommateur pertinent percevra cet élément figuratif comme une application qui concerne l’argent et donc comme une référence à la finalité des produits en cause et non comme une référence à l’origine commerciale de ces produits.

80      Quant à l’interprétation de l’élément « cash », il y a lieu de relever, ainsi que l’a fait, à juste titre, la chambre de recours au point 20 de la décision attaquée, que ce terme signifie « argent sous forme physique – à savoir les billets et les pièces » par opposition aux chèques, mandats et documents analogues. Il ressort du dossier de la chambre de recours que le terme « cash » désigne également un « paiement immédiat », en particulier dans l’expression « cash down » (Collins Dictionary).

81      Au terme de l’analyse qui précède, il convient de rejeter comme étant non fondé l’argument de la requérante visant à remettre en cause l’appréciation de la chambre de recours, selon laquelle chacun des éléments constitutifs de la marque demandée, pris séparément, est dépourvu de caractère distinctif.

82      En deuxième lieu, s’agissant de la prétendue absence d’examen de la marque demandée dans son ensemble, il convient de constater, ainsi qu’il a été exposé au point 74 ci-dessus, que la chambre de recours a procédé, dans un premier temps, à un examen successif des différents éléments qui composent ladite marque. Toutefois, ainsi qu’il ressort du point 21 de la décision attaquée, elle a, dans un second temps, procédé à une appréciation d’ensemble du caractère distinctif de ladite marque. En effet, la chambre de recours a estimé que le public pertinent, familiarisé avec les transferts financiers via l’internet, percevrait la marque demandée, « dans son ensemble », comme une indication que « les logiciels permettent de transférer ou d’obtenir des espèces, c’est-à-dire de l’argent, grâce à une transaction financière ou [à] une remise ».

83      Dès lors, contrairement à ce que prétend la requérante, la chambre de recours n’a pas déduit l’absence de caractère distinctif de la marque demandée du seul fait que chacun des éléments qui la composent, pris séparément, était dépourvu de caractère distinctif, mais elle s’est fondée sur la perception globale de cette marque par le public pertinent par rapport aux produits concernés.

84      Pour ce qui est, en outre, de l’argumentation de la requérante portant sur le succès commercial de la marque demandée aux États-Unis, il y a lieu de constater que la requérante se borne à une allégation d’ordre général qui ne permet pas de comprendre en quoi le succès commercial allégué démontrait que la marque demandée était intrinsèquement apte à indiquer l’origine commerciale des produits concernés.

85      En troisième lieu, s’agissant de la prétendue contradiction dans le raisonnement de la chambre de recours en ce que celle-ci a considéré que, d’une part, la marque demandée est dépourvue de caractère distinctif et, d’autre part, celle-ci était suggestive ou allusive, force est de constater que cet argument repose sur la prémisse selon laquelle la chambre de recours elle-même aurait reconnu que la marque demandée était suggestive ou allusive.

86      Or, il y a lieu de relever que, si la chambre de recours a constaté, aux points 19 et 20 de la décision attaquée, que le symbole « $ » évoque simplement l’argent en général et que l’élément « cash app » transmet aux consommateurs l’idée d’une application qui transfert de l’argent, une telle constatation n’implique toutefois pas, contrairement à ce que soutient la requérante, que la marque demandée était suggestive ou allusive.

87      Partant, il y a lieu d’écarter le troisième grief comme non fondé.

 Sur le quatrième grief du troisième moyen, tiré de ce que la chambre aurait estimé, à tort, que la marque demandée était apte à indiquer l’origine financière des produits en cause

88      La requérante soutient que la chambre de recours a commis une erreur d’appréciation en affirmant, au point 21 de la décision attaquée, que la marque demandée était apte à indiquer l’origine financière des produits concernés.

89      L’EUIPO conteste cette argumentation.

90      À cet égard, il convient d’observer que, certes, le terme « origine financière ou commerciale » des produits en cause est mentionné au point 21 de la décision attaquée. Toutefois, la chambre de recours a précisé au même point de ladite décision, ainsi qu’il ressort de l’emploi de l’expression « en d’autres termes », que la marque demandée ne permettrait pas au public pertinent de distinguer les produits du demandeur de ceux d’autres entreprises. Ainsi qu’il a été exposé au point 24 ci-dessus, il convient de déduire de cette constatation que la chambre de recours a, en substance, considéré que la marque demandée était incapable d’exercer la fonction essentielle de la marque, à savoir celle d’identifier l’origine commerciale des produits en cause, dès lors qu’elle sera perçue comme une indication du fait que ces produits sont destinés à être utilisés pour obtenir un avantage monétaire.

91      Il s’ensuit que le quatrième grief doit être écarté comme non fondé.

92      Au vu de l’ensemble des considérations qui précèdent, il y a lieu de constater que la chambre de recours n’a pas commis de violation de l’article 7, paragraphe 1, sous b), du règlement 2017/1001 et, par suite, de rejeter le troisième moyen.

 Sur le quatrième moyen, tiré de la violation des principes d’égalité de traitement et de bonne administration

93      La requérante reproche à la chambre de recours de ne pas avoir tenu compte de la décision du 20 avril 2018, par laquelle le United Kingdom Intellectual Property Office (Office de la propriété intellectuelle du Royaume-Uni) a accepté l’enregistrement d’une autre marque pour les produits relevant de la classe 9. Elle met l’accent sur le fait que ladite marque, détenue par le même titulaire, est quasi identique à la marque demandée.

94      L’EUIPO conteste cette argumentation.

95      À cet égard, il suffit de rappeler que, selon une jurisprudence constante, le régime des marques de l’Union est un système juridique autonome poursuivant des objectifs qui lui sont spécifiques, son application étant indépendante de tout système national [arrêts du 5 décembre 2000, Messe München/OHMI (electronica), T‑32/00, EU:T:2000:283, point 47, et du 3 décembre 2015, Infusion Brands/OHMI (DUALTOOLS), T‑648/14, non publié, EU:T:2015:930, point 36]. Par conséquent, le caractère enregistrable ou protégeable d’un signe en tant que marque de l’Union ne doit être apprécié que sur le fondement de la réglementation pertinente de l’Union. Dès lors, l’EUIPO et, le cas échéant, le juge de l’Union ne sont pas liés par une décision intervenue à l’échelle d’un État membre, voire d’un pays tiers, admettant le caractère enregistrable de ce même signe en tant que marque nationale [arrêts du 27 février 2002, Streamserve/OHMI (STREAMSERVE), T‑106/00, EU:T:2002:43, point 47, et du 3 décembre 2015, DUALTOOLS, T‑648/14, non publié, EU:T:2015:930, point 36].

96      Eu égard à tout ce qui précède, il convient de rejeter le quatrième moyen et, par conséquent, le recours dans son ensemble.

 Sur les dépens

97      Aux termes de l’article 134, paragraphe 1, du règlement de procédure du Tribunal, toute partie qui succombe est condamnée aux dépens, s’il est conclu en ce sens.

98      La requérante ayant succombé, il y a lieu de la condamner aux dépens conformément aux conclusions de l’EUIPO.

Par ces motifs,

LE TRIBUNAL (sixième chambre)

déclare et arrête :

1)      Le recours est rejeté.

2)      Square, Inc. supportera, outre ses propres dépens, ceux exposés par l’Office de l’Union européenne pour la propriété intellectuelle (EUIPO).

Marcoulli

Frimodt Nielsen

Iliopoulos

Ainsi prononcé en audience publique à Luxembourg, le 20 octobre 2021.

Signatures


*      Langue de procédure : l’anglais.