Language of document : ECLI:EU:C:2017:779

CONCLUSIONS DE L’AVOCAT GÉNÉRAL

M. HENRIK SAUGMANDSGAARD ØE

présentées le 19 octobre 2017 (1)

Affaire C395/16

DOCERAM GmbH

contre

CeramTec GmbH

[demande de décision préjudicielle formée par l’Oberlandesgericht Düsseldorf (tribunal régional supérieur de Düsseldorf, Allemagne)]

« Renvoi préjudiciel – Propriété intellectuelle et industrielle – Dessins ou modèles communautaires – Règlement (CE) no 6/2002 – Article 8, paragraphe 1 – Caractéristiques de l’apparence d’un produit exclusivement imposées par sa fonction technique – Contours de cette notion – Critères d’appréciation »






I.      Introduction

1.        La demande de décision préjudicielle présentée par l’Oberlandesgericht Düsseldorf (tribunal régional supérieur de Düsseldorf, Allemagne) porte sur l’interprétation de l’article 8, paragraphe 1, du règlement (CE) no 6/2002 du Conseil, du 12 décembre 2001, sur les dessins ou modèles communautaires (2). Cette disposition, qui n’a encore jamais fait l’objet d’une interprétation par la Cour, énonce que les caractéristiques de l’apparence d’un produit imposées uniquement par la fonction technique de ce dernier sont exclues du champ de la protection conférée par ledit règlement.

2.        La décision de renvoi s’inscrit dans le cadre d’un litige opposant deux sociétés, l’une étant titulaire de plusieurs dessins ou modèles communautaires enregistrés et l’autre fabriquant des produits analogues à ceux protégés par ces titres. La première ayant introduit une action en cessation contre la seconde, celle-ci a répliqué en arguant de la nullité des titres dont la violation avait été invoquée par la demanderesse au principal. Au soutien de sa demande reconventionnelle, elle s’est prévalue de l’exclusion prévue audit article 8, paragraphe 1.

3.        Les questions posées par la juridiction de renvoi invitent la Cour, d’une part, à définir la notion de « caractéristiques de l’apparence d’un produit qui sont exclusivement imposées par sa fonction technique » au sens de cette disposition et, d’autre part, à déterminer la façon dont il convient d’apprécier si les dessins ou modèles concernés présentent de telles caractéristiques.

II.    Le cadre juridique

4.        Aux termes du considérant 10 du règlement no 6/2002, « [l]’innovation technologique ne devrait pas être entravée par l’octroi de la protection des dessins ou modèles à des caractéristiques imposées exclusivement par une fonction technique, étant entendu qu’il n’en résulte pas qu’un dessin ou modèle doit présenter un caractère esthétique. De même, l’interopérabilité de produits de fabrications différentes ne devrait pas être entravée par l’extension de la protection aux dessins ou modèles des raccords mécaniques. Par conséquent, les caractéristiques d’un dessin ou modèle qui sont exclues de la protection pour ces motifs ne devraient pas être prises en considération pour apprécier si d’autres caractéristiques de ce dessin ou modèle remplissent les conditions d’obtention de la protection ».

5.        L’article 4 dudit règlement, intitulé « Conditions de protection », est libellé comme suit :

« 1.      La protection d’un dessin ou modèle par un dessin ou modèle communautaire n’est assurée que dans la mesure où il est nouveau et présente un caractère individuel.

2.      Un dessin ou modèle appliqué à un produit ou incorporé dans un produit qui constitue une pièce d’un produit complexe n’est considéré comme nouveau et présentant un caractère individuel que dans la mesure où :

a)      la pièce, une fois incorporée dans le produit complexe, reste visible lors d’une utilisation normale de ce produit, et

b)      les caractéristiques visibles de la pièce remplissent en tant que telles les conditions de nouveauté et de caractère individuel.

[...] »

6.        L’article 5 du règlement no 6/2002, intitulé « Nouveauté », énonce, à son paragraphe 1, qu’« [u]n dessin ou modèle est considéré comme nouveau si aucun dessin ou modèle identique n’a été divulgué au public ».

7.        L’article 6 de ce règlement, intitulé « Caractère individuel », dispose :

« 1.      Un dessin ou modèle est considéré comme présentant un caractère individuel si l’impression globale qu’il produit sur l’utilisateur averti diffère de celle que produit sur un tel utilisateur tout dessin ou modèle qui a été divulgué au public [...].

2.      Pour apprécier le caractère individuel, il est tenu compte du degré de liberté du créateur dans l’élaboration du dessin ou modèle. »

8.        L’article 8 dudit règlement, intitulé « Dessins ou modèles imposés par leur fonction technique et dessins ou modèles d’interconnexions », prévoit, à son paragraphe 1, qu’« [u]n dessin ou modèle communautaire ne confère pas de droits sur les caractéristiques de l’apparence d’un produit qui sont exclusivement imposées par sa fonction technique ».

III. Le litige au principal, les questions préjudicielles et la procédure devant la Cour

9.        DOCERAM GmbH est une société de droit allemand qui fabrique des composants en céramique technique. Elle fournit l’industrie automobile, l’industrie des machines textiles et l’industrie de la construction mécanique. Elle est titulaire de plusieurs dessins ou modèles communautaires enregistrés qui protègent des tiges de centrage pour soudage revêtant trois formes géométriques distinctes, dont chacune est produite en six types différents.

10.      CeramTec GmbH est aussi une société de droit allemand, qui fabrique et commercialise des tiges de centrage en céramique dans les mêmes variantes que celles protégées par les dessins ou modèles dont DOCERAM est titulaire.

11.      Cette dernière a saisi le Landgericht Düsseldorf (tribunal régional de Düsseldorf) d’une action dirigée contre CeramTec tendant, notamment, à la cessation de la violation de ses titres de protection. La défenderesse au principal a introduit une demande reconventionnelle en déclaration de nullité de ces derniers, en arguant que les caractéristiques de l’apparence des produits concernés étaient imposées exclusivement par leur fonction technique au sens de l’article 8, paragraphe 1, du règlement no 6/2002.

12.      Le Landgericht Düsseldorf (tribunal régional de Düsseldorf) a rejeté l’action engagée par DOCERAM et a déclaré nuls les dessins ou modèles litigieux, aux motifs que ceux-ci étaient exclus de la protection offerte par ledit règlement, conformément à son article 8, paragraphe 1, dès lors que le choix du design avait été dicté uniquement par des considérations de fonctionnalité technique.

13.      DOCERAM a fait appel de ce jugement devant l’Oberlandesgericht Düsseldorf (tribunal régional supérieur de Düsseldorf). Cette dernière juridiction a estimé qu’il serait pertinent, pour la solution du litige au principal, de savoir si, aux fins d’appliquer l’exclusion prévue à l’article 8, paragraphe 1, du règlement no 6/2002, il convient soit – comme l’estime une partie de la doctrine et de la jurisprudence notamment en Allemagne – de constater l’absence de designs alternatifs remplissant la même fonction technique, soit – comme le suppose le jugement attaqué – de déterminer de façon objective si la fonctionnalité recherchée a été l’unique élément ayant déterminé la physionomie du produit en cause.

14.      Dès lors, par décision du 7 juillet 2016, parvenue à la Cour le 15 juillet 2016, l’Oberlandesgericht Düsseldorf (tribunal régional supérieur de Düsseldorf) a décidé de surseoir à statuer et de poser à la Cour les questions préjudicielles suivantes :

« 1)      Les caractéristiques de l’apparence d’un produit sont‑elles exclusivement imposées par sa fonction technique au sens de l’article 8, paragraphe 1, du règlement [no 6/2002], ce qui exclut la protection, également lorsque l’effet de la conception n’a aucune importance pour le design du produit et que, au contraire, la fonctionnalité (technique) est le seul facteur déterminant le design ?

2)      Pour le cas où la Cour répondrait par l’affirmative à la première question : [d]e quel point de vue convient‑il d’apprécier si les différentes caractéristiques de l’apparence d’un produit ont été choisies uniquement en fonction de considérations de fonctionnalité [?] Convient‑il de se placer du point de vue d’un “observateur objectif” et, dans l’affirmative, comment convient‑il de définir ce dernier ? »

15.      DOCERAM, CeramTec, les gouvernements hellénique et du Royaume‑Uni ainsi que la Commission européenne ont déposé des observations écrites auprès de la Cour. Lors de l’audience du 29 juin 2017, ils ont tous présenté des observations orales.

IV.    Analyse

A.      Sur la notion de « caractéristiques de l’apparence d’un produit [...] exclusivement imposées par sa fonction technique » au sens de l’article 8, paragraphe 1, du règlement no 6/2002 (première question)

1.      Sur la teneur de la première question et les thèses en présence

16.      La juridiction de renvoi considère que les dessins ou modèles en cause au principal sont bien tant nouveaux que dotés d’un caractère individuel, conformément aux exigences respectives des articles 5 et 6 du règlement no 6/2002 (3). Elle se demande si leur protection devrait néanmoins être exclue en vertu de l’article 8, paragraphe 1, dudit règlement, lequel prévoit qu’« un dessin ou modèle communautaire ne confère pas de droits sur les caractéristiques de l’apparence d’un produit exclusivement imposées par sa fonction technique », compte tenu du fait qu’il existerait en l’espèce des designs qu’elle qualifie d’« alternatifs », en ce qu’ils sont susceptibles d’aboutir au même résultat technique que celui produit par ces dessins ou modèles.

17.      Au vu des éléments fournis dans la décision de renvoi et du contexte dans lequel celle‑ci s’inscrit, il m’apparaît que la première questionpréjudicielle invite la Cour, en substance, à déterminer si le simple fait de constater l’existence de tels designs alternatifs permet d’en déduire que les dessins ou modèles litigieux ne sont pas uniquement déterminés par la fonction technique des produits concernés et, partant, ne relèvent pas de l’exclusion prévue audit article 8, paragraphe 1, ou si le critère pertinent à cette fin est celui de savoir si des« considérations esthétiques » ou « l’effet de la conception » de ces produits (4) ont amené leur créateur à faire le choix d’un design spécifique (5). Dans l’hypothèse où ce dernier critère serait retenu par la Cour, la juridiction de renvoi l’interroge ensuite, par sa seconde question, sur la manière dont il conviendrait d’apprécier si les différentes caractéristiques de l’apparence d’un produit ont ou non été retenues exclusivement en raison d’impératifs techniques.

18.      La juridiction de renvoi souligne que la question posée suscite un doute sérieux au vu des positions divergentes qui ont été adoptées jusqu’à présent, tant dans la doctrine que dans la pratique décisionnelle de juridictions des États membres et dans celle de l’Office de l’Union européenne pour la propriété intellectuelle (EUIPO) [anciennement Office de l’harmonisation dans le marché intérieur (marques, dessins et modèles) (OHMI)], en ce qui concerne la façon d’interpréter l’article 8, paragraphe 1, du règlement no 6/2002. Deux théories juridiques, qui peuvent conduire à des résultats pratiques diamétralement contraires, s’opposent à ce sujet.

19.      Selon une première théorie, la dérogation énoncée à cette disposition ne devrait s’appliquer que lorsqu’il est constaté qu’aucun design alternatif ne permet de réaliser la même fonction technique que le dessin ou modèle concerné, car l’existence de telles alternatives serait révélatrice de ce que le choix de la forme en cause n’a pas été imposé seulement par sa fonction technique au sens dudit article 8, paragraphe 1. Cette interprétation repose sur le critère usuellement dénommé de « la multiplicité des formes », suivant lequel s’il existe d’autres formes d’un produit qui sont susceptibles de remplir la même fonction technique, le design de celui‑ci peut bénéficier d’une protection, car cet éventail de formes démontrerait que, dans un tel cas, le créateur du produit était non pas contraint par ladite fonction, mais libre d’opter pour l’une quelconque de ces formes lors de l’élaboration du dessin ou modèle (6). Interprété de la sorte, cette disposition serait applicable dans les cas, relativement rares, où le design concerné est le seul à même de garantir l’obtention du résultat technique recherché.

20.      Aux termes de sa décision de renvoi, l’Oberlandesgericht Düsseldorf (tribunal régional supérieur de Düsseldorf) indique que la mise en œuvre de cette première thèse, qui à ma connaissance est soutenue par une partie de la doctrine notamment en Allemagne (7) ainsi qu’en Belgique (8) ou en France (9), serait bien établie non seulement dans la jurisprudence nationale, tant en Allemagne que dans d’autres États membres (10), mais aussi dans la pratique de l’EUIPO (11). Il ressort des observations présentées devant la Cour que DOCERAM est la seule partie qui défende cette position dans la présente procédure.

21.      Selon une théorie concurrente, l’exclusion prévue à l’article 8, paragraphe 1, du règlement no 6/2002 devrait jouer lorsque les caractéristiques du design en cause sont dues uniquement au besoin de développer une solution technique, sans que des considérations esthétiques aient eu la moindre influence, car il n’y aurait alors eu aucune activité créatrice qui soit digne d’être protégée en vertu du droit des dessins ou modèles. Cette théorie, qui s’attache au critère dit de « la causalité », requiert d’identifier la raison pour laquelle la caractéristique litigieuse a été adoptée par le concepteur du produit (12). Interprété de la sorte, ledit article 8, paragraphe 1, serait applicable dans tous les cas où la nécessité de remplir une fonction technique déterminée a été la seule circonstance ayant dicté le design en cause, sans incidence de sa physionomie ou de sa qualité esthétique, et l’existence éventuelle de designs alternatifs pouvant remplir la même fonction ne serait pas déterminante.

22.      Bien que la Cour soit évidemment non liée par ces précédentes prises de position, je souligne que, après avoir incliné pour la théorie de la multiplicité des formes par le passé, l’EUIPO a opté pour la théorie de la causalité dans sa pratique décisionnelle plus récente (13), en estimant que l’article 8, paragraphe 1, du règlement no 6/2002 refuse l’octroi d’une protection aux caractéristiques de l’apparence d’un produit qui ont été adoptées exclusivement dans le but de permettre à ce dernier de remplir sa fonction technique, par opposition aux caractéristiques qui ont été choisies, du moins à un certain degré, dans le but d’améliorer l’aspect visuel du produit, lesquelles sont protégeables (14). Il semble que la jurisprudence ait suivi une évolution similaire notamment en France (15) et au Royaume‑Uni (16). Dans la présente affaire, tant CeramTec que les gouvernements hellénique et du Royaume‑Uni, ainsi que la Commission (17), se sont prononcés en faveur de cette dernière théorie. Tel est également mon point de vue, pour les raisons qui vont suivre.

2.      Sur les fondements de l’interprétation proposée

23.      Il peut, tout d’abord, être constaté que, contrairement à ce que DOCERAM soutient, le libellé des dispositions du règlement no 6/2002 ne fournit pas d’indications directement utiles pour répondre à la première question préjudicielle, étant donné que la notion de « caractéristiques de l’apparence d’un produit [...] exclusivement imposées par sa fonction technique » qui figure à son article 8, paragraphe 1, n’y est pas définie et qu’aucun critère d’appréciation n’y est prévu. En particulier, il n’est fait nulle mention du critère de l’absence de designs alternatifs à celui du produit concerné, qui est prôné par les partisans de la théorie de la multiplicité des formes.

24.      Conformément à une jurisprudence constante de la Cour, il découle de l’exigence d’une application uniforme du droit de l’Union que, lorsqu’un acte de l’Union ne renvoie pas au droit des États membres pour la définition d’une notion particulière, comme tel est ici le cas, cette notion doit recevoir une interprétation autonome, que la Cour recherche en tenant compte de l’économie générale, des objectifs et de la genèse de la réglementation en cause (18).

25.      S’agissant de l’économie générale du règlement no 6/2002, j’observe que le considérant 10 de ce règlement apporte un éclairage intéressant, mais qui reste limité, sur le sens à donner à son article 8, paragraphe 1, en énonçant que « [l]’innovation technologique ne devrait pas être entravée par la protection des dessins ou modèles octroyée à des caractéristiques imposées exclusivement par une fonction technique, étant entendu qu’il n’en résulte pas qu’un dessin ou modèle doit présenter un caractère esthétique ».

26.      J’évoquerai ultérieurement les implications de la première partie de cette phrase dudit considérant, au titre des finalités visées par l’article 8, paragraphe 1 (19). En ce qui concerne la seconde partie de cette phrase (20), la juridiction de renvoi indique que les opposants à la théorie de la causalité font valoir que cette dernière, qui tend à dissocier les caractéristiques du produit d’ordre purement technique de celles qui sont d’ordre ornemental, entrerait en contradiction avec la formule selon laquelle il n’est pas exigé qu’un dessin ou modèle présente un caractère esthétique pour pouvoir être protégé.

27.      Il est vrai qu’une telle exigence ne figure pas non plus expressément aux articles 4 à 6 du règlement no 6/2002, qui établissent les conditions auxquelles la protection des dessins ou modèles communautaires est subordonnée. Dans cette même optique, le considérant 10, première phrase in fine, de ce règlement précise qu’il ne doit pas être déduit du motif de refus prévu à son article 8, paragraphe 1, que seules les formes présentant un caractère esthétique peuvent bénéficier de la protection au titre des dessins ou modèles. L’expression « il n’en résulte pas qu’un dessin ou modèle doit présenter un caractère esthétique » signifie seulement, à mon avis, qu’il n’est pas indispensable que l’apparence du produit en cause revête un aspect esthétique pour pouvoir être protégée.

28.      À l’instar de CeramTec et des gouvernements hellénique et du Royaume‑Uni, j’estime que, même si les qualités esthétiques du produit en cause ne constituent pas un critère d’appréciation déterminant pour l’octroi de cette protection, il serait erroné d’en conclure que ce n’est pas l’apparence visuelle des produits que le dessin ou modèle communautaire entend protéger. En effet, comme l’OHMI, devenu l’EUIPO, l’a relevé (21), il ressort clairement, d’une part, de la définition du concept de « dessin ou modèle » figurant à l’article 3, sous a), du règlement no 6/2002, laquelle se réfère explicitement à « l’apparence » du produit (22), et, d’autre part, des exigences relatives à la visibilité, qui sont énoncées tant à son article 4, paragraphe 2 (23), qu’à son considérant 12 (24), que l’examen de l’apparence extérieure, quel que soit le mérite concret de celle‑ci (25), est décisif pour l’obtention des droits ouverts par un dessin ou modèle communautaire (26). J’ajoute que l’accent est mis sur l’aspect visuel aussi à l’article 10, paragraphe 1, de ce règlement, lequel exige que le produit concerné soit différenciable de précédentes créations faisant l’objet d’une protection (27).

29.      Dès lors, il est, selon moi, compatible avec le libellé du considérant 10 du règlement no 6/2002 d’interpréter son article 8, paragraphe 1, en ce sens qu’il vise non pas les cas où les caractéristiques en cause sont l’unique moyen de remplir la fonction technique d’un produit, mais les cas où la nécessité d’atteindre cette fonction est le seul facteur qui explique l’adoption desdites caractéristiques. En d’autres termes, j’estime qu’il doit être considéré que les caractéristiques de l’apparence du produit sont exclusivement imposées par l’objectif de parvenir à une solution technique donnée, et donc que ces dernières relèvent de l’exclusion prévue audit article 8, paragraphe 1, lorsqu’il apparaît que des considérations d’une autre nature, plus particulièrement d’ordre visuel, n’ont joué aucun rôle dans l’adoption du dessin ou modèle concerné. La question cruciale est celle de savoir où s’arrêtent les contraintes de forme liées à la fonction technique du produit et où commence le libre arbitre de son créateur (28).

30.      Le constat du fait que cette disposition a un caractère dérogatoire, ce dont il découlerait qu’elle devrait faire l’objet d’une interprétation stricte selon la juridiction de renvoi, ne remet pas en question mon analyse. En effet, cette considération ne saurait à elle seule conduire à admettre un critère, en l’occurrence celui de la multiplicité des formes, qui certes restreint davantage les cas où l’exclusion est applicable (29), mais qui ne trouve de fondement juridique évident ni dans le texte même du règlement no 6/2002, ni au regard des origines ou des objectifs de celui‑ci tels que fixés par le législateur de l’Union.

31.      L’interprétation que je propose de retenir est, selon moi, confortée par une étude de la genèse du règlement no 6/2002, et plus particulièrement de celle de son article 8, paragraphe 1.

32.      CeramTec soutient qu’il n’y a pas lieu d’appliquer le critère de la multiplicité des formes, au motif que la proposition d’introduire ce dernier dans la réglementation de l’Union n’a pas été reprise. Le gouvernement hellénique tire également une série d’arguments des travaux préparatoires de ce règlement.

33.      À cet égard, je relève que dans son livre vert sur la protection des dessins et des modèles, datant de 1991, la Commission expliquait le fait que la protection soit exclue pour les caractéristiques exclusivement conditionnées par la fonction technique du produit en cause, règle préexistant dans la grande majorité des États membres (30), par des remarques dont la teneur me semble osciller entre la théorie de la multiplicité des formes et la théorie de la causalité, lesquelles se rattachent selon moi, respectivement, à l’inexistence de designs alternatifs au regard de la forme finale dudit produit et à l’absence de contribution créative du concepteur lors de l’élaboration de cette dernière (31).

34.      Dans la proposition initiale de la Commission, datant de 1993, qui a conduit à l’adoption du règlement no 6/2002, l’article 9, paragraphe 1 (devenu l’article 8, paragraphe 1, de ce règlement), était intitulé « Dessins ou modèles techniques non arbitraires [...] » et libellé comme suit : « Ne peut pas être protégé comme dessin ou modèle communautaire, un dessin ou modèle où la fonction technique ne laisse aucune liberté en ce qui concerne des caractéristiques arbitraires de l’apparence du produit » (32).

35.      L’exposé des motifs de cette proposition de règlement (33) ainsi que le commentaire de son article 9, paragraphe 1 (34), précisent tout d’abord que l’aspect esthétique du produit n’est pas en soi déterminant, puisque tant les dessins ou modèles qui tendent vers un certain esthétisme que ceux qui répondent à une certaine utilité sont protégeables de la même manière. Surtout, ces extraits soulignent que la protection au titre des dessins ou modèles communautaires est refusée dans les cas rares où « la forme suit la fonction sans possibilité de variation », car le créateur ne dispose alors d’« aucune liberté » lors de la conception du produit et « il ne peut [donc] pas faire valoir que le résultat est le fruit de sa créativité personnelle » et que ce dessin ou modèle est doté d’un « caractère individuel » (35).

36.      Par ailleurs, il ressort de la proposition modifiée datant de 1999 (36) que le libellé actuel de l’article 8, paragraphe 1, du règlement no 6/2002 a été aligné sur celui de l’article 7, paragraphe 1, de la directive 98/71/CE relative à la protection juridique des dessins ou modèles (37), laquelle vise à harmoniser les législations des États membres applicables en la matière (38). Or, les travaux préparatoires de la directive 98/71 confirment que l’absence de libre arbitre du créateur lors de la conception du produit et le fait que la forme choisie soit dictée uniquement par la fonction technique ont été perçus, dès l’origine, comme les facteurs déterminants du refus de protection, tant dans la proposition initiale de cette directive datant de 1993 (39) que dans la proposition modifiée datant de 1996 (40).

37.      Il m’apparaît qu’aucun critère équivalant à celui de l’existence de designs alternatifs, ou de la multiplicité des formes, n’a été retenu dans les projets de textes susmentionnés, mais que c’est plutôt le critère de la causalité qui y a été privilégié. En effet, il n’est nullement exigé que la caractéristique en cause soit le seul moyen grâce auquel la fonction technique recherchée peut être obtenue. L’exclusion telle que prévue à l’article 8, paragraphe 1, du règlement no 6/2002 est motivée essentiellement par l’absence d’une action du concepteur sur l’apparence du produit qui soit de nature créatrice, sachant que seule une plus‑value issue d’un effort intellectuel indépendant de ladite fonction justifie une protection au titre des dessins ou modèles. Il semble que l’EUIPO ait aussi eu tendance dernièrement à mettre plus en avant, dans sa pratique décisionnelle, le point de savoir si le créateur disposait ou non d’une marge de liberté lors de l’élaboration du produit en cause (41).

38.      S’agissant des objectifs poursuivis par ledit règlement, et en particulier par son article 8, paragraphe 1, il n’est pas contesté par les parties, et au demeurant indéniable selon moi, que cette disposition tend principalement à empêcher que les caractéristiques d’origine exclusivement technique d’un produit puissent être « monopolis[ées] » (42) au moyen d’une protection de ces dernières en tant que dessin ou modèle communautaire (43) et à éviter que « l’innovation technologique [soit] entravée » (44) en raison du fait que cette protection diminue la disponibilité des solutions techniques pour les autres opérateurs économiques (45). La recherche d’un équilibre entre la protection de l’innovation et de la créativité, d’une part, et la sauvegarde d’une concurrence équitable et profitable à l’ensemble des entreprises communautaires, d’autre part, a effectivement constitué l’une des préoccupations du législateur (46).

39.      De surcroît, il ressort des travaux préparatoires du règlement no 6/2002 que son article 8, paragraphe 1, a pour autre finalité de marquer la frontière entre les réglementations relatives aux brevets et celles relatives aux dessins ou modèles (47). En effet, la protection éventuelle des innovations techniques doit relever de ces premières réglementations (48), pour autant que les conditions de la brevetabilité soient réunies. Comme CeramTec le souligne, il peut s’avérer plus difficile d’obtenir un brevet dans certains cas, car ce titre de propriété requiert de démontrer l’existence d’une invention répondant à des exigences strictes (49), et moins intéressant, car la durée de la protection offerte peut être inférieure à celle garantie par les dessins ou modèles (50). Il convenait donc de prévenir le risque que les dispositions applicables en matière de brevets puissent être contournées, en interdisant que des solutions de nature technique soient susceptibles d’être protégées en tant que dessins ou modèles.

40.      Or, le fait d’opter pour un critère qui, tel celui de la multiplicité des formes, limite fortement le champ d’application de l’exclusion prévue audit article 8, paragraphe 1 (51), pourrait à mon avis priver cette disposition de son plein effet utile et donc empêcher la réalisation des objectifs susmentionnés, en autorisant l’appropriation de formes à vocation purement technique mais pour lesquelles il existe des variantes (52).

41.      En effet, à l’instar de CeramTec et du gouvernement du Royaume‑Uni, je considère qu’il est quasiment toujours possible de modifier l’apparence des caractéristiques d’un produit de façon minime, mais suffisante (53), sans nuire à la fonction technique recherchée. Il se pourrait donc que plusieurs formes concevables d’une solution technique, voire toutes celles‑ci, se trouvent monopolisées par le truchement de la protection des dessins ou modèles, ce qui gênerait l’innovation technologique que le règlement no 6/2002 tend à favoriser. Si le critère prôné par DOCERAM était retenu, un seul opérateur économique aurait la possibilité d’obtenir plusieurs enregistrements, en tant que dessin ou modèle communautaire, de différentes formes d’un produit et de bénéficier ainsi d’une protection exclusive en pratique équivalente à celle offerte par un brevet, mais sans être soumis aux restrictions qui y sont liées, lesquelles pourraient donc être contournées.

42.      À cet égard, CeramTec fait valoir que, dans le cadre du litige au principal, en faisant protéger 17 variantes de forme d’une pointe de centrage en trois modèles de base différents, DOCERAM n’aurait laissé aux autres opérateurs du marché aucune possibilité d’utiliser des formes alternatives de ces produits, car il n’existerait pas d’autres formes techniquement pertinentes dans le domaine du soudage par bossage qui soient susceptibles de donner une autre impression globale du produit, conformément à l’article 6, paragraphe 1, dudit règlement.

43.      Enfin, je souligne que l’interprétation ici préconisée présente l’avantage d’être cohérente avec la jurisprudence ayant été dégagée par la Cour dans le domaine des marques (54). Contrairement à ce que CeramTec semble soutenir, cette jurisprudence ne saurait, selon moi, être transposée telle quelle dans la présente affaire, eu égard aux différences qui existent entre le système du droit de l’Union relatif à la protection des marques et celui relatif à la protection des dessins ou modèles (55). Toutefois, compte tenu du fait que des dispositions analogues à celles de l’article 8, paragraphe 1, du règlement no 6/2002 figurent dans le premier de ces systèmes (56), même si leur libellé n’est pas tout à fait identique (57), et eu égard aux liens de parenté existant entre ces deux catégories de dispositions (58), il est à mon avis possible voire opportun de se prononcer à la lumière de ladite jurisprudence, et éventuellement de raisonner par analogie en l’espèce.

44.      À cet égard, je rappelle que, au sujet de la protection accordée par les marques, la Cour a jugé que les dispositions susmentionnées du droit de l’Union, qui correspondent en substance à l’article 8, paragraphe 1, du règlement no 6/2002, ont pour objectif d’éviter que cette protection aboutisse à conférer à son titulaire un monopole sur des solutions techniques ou des caractéristiques utilitaires d’un produit, lesquelles seraient susceptibles d’être recherchées par l’utilisateur dans les produits des concurrents (59). Comme je l’ai exposé ci‑dessus (60), telle me paraît être également la raison pour laquelle la protection par le droit des dessins et modèles communautaires est exclue dans les circonstances prévues audit article 8, paragraphe 1.

45.      Or, il ressort de divers arrêts de la Cour en matière de marques « qu’un signe constitué exclusivement par la forme d’un produit n’est pas susceptible d’enregistrement en vertu [des dispositions qui étaient interprétées] s’il est démontré que les caractéristiques fonctionnelles essentielles de cette forme sont attribuables uniquement au résultat technique ». La Cour a précisé que « la démonstration de l’existence d’autres formes permettant d’obtenir le même résultat technique n’est pas de nature à écarter le motif de refus [...] d’enregistrement », en tant que marque, de « la forme du produit nécessaire à l’obtention d’un résultat technique », tel qu’énoncé dans lesdites dispositions. Elle a fondé ce rejet, implicite mais clair selon moi, de la théorie de la multiplicité des formes, notamment, sur le constat que le refus d’enregistrement n’est pas soumis à la condition que la forme en cause soit la seule permettant d’obtenir le résultat technique visé et sur l’observation qu’un nombre important de formes alternatives risqueraient de devenir inutilisables pour les concurrents du titulaire de la marque si un tel critère était jugé décisif (61).

46.      J’estime que ces considérations sont également pertinentes dans la présente affaire, étant donné qu’il ne saurait être admis, aussi en cette matière, que les dessins ou modèles communautaires soient détournés de leur but pour offrir une protection aux caractéristiques purement techniques d’un produit (62).

47.      Par conséquent, il y a lieu, selon moi, d’apporter une réponse affirmative à la première question préjudicielle et donc d’écarter la thèse proposant de retenir le critère dit de « la multiplicité des formes ». Plus précisément, je suis d’avis que l’article 8, paragraphe 1, du règlement no 6/2002 doit être interprété en ce sens que, pour déterminer si les caractéristiques de l’apparence d’un produit sont exclusivement imposées par sa fonction technique, il convient non pas de se fonder simplement sur l’inexistence de formes alternatives pouvant remplir cette même fonction, mais d’établir que la recherche d’une fonction technique donnée est le seul facteur ayant dicté le choix du dessin ou modèle concerné et que, partant, aucun rôle créatif n’a été joué par son concepteur à cet égard.

48.      En corrélation avec l’interprétation ainsi proposée, la juridiction de renvoi formule d’autres interrogations concernant la mise en œuvre concrète de la règle figurant audit article 8, paragraphe 1, interrogations qui font l’objet de la seconde question préjudicielle.

B.      Sur les éléments d’appréciation pertinents aux fins de l’application de l’article 8, paragraphe 1, du règlement no 6/2002 (seconde question)

49.      La seconde question préjudicielle est posée à titre subsidiaire, dans l’hypothèse où, comme je le préconise, la Cour répondrait à la première question que la méthode pertinente, aux fins d’appliquer l’exclusion prévue à l’article 8, paragraphe 1, du règlement no 6/2002, est de vérifier si les caractéristiques de l’apparence du produit en cause sont attribuables uniquement à la fonction technique recherchée, et non de constater l’inexistence de designs alternatifs pouvant aussi remplir cette fonction.

50.      Par cette question, la juridiction de renvoi demande, premièrement, de quel point de vue il convient d’évaluer si les diverses caractéristiques de l’apparence d’un produit ont été retenues exclusivement pour des raisons de fonctionnalité technique et, deuxièmement, pour le cas où il faudrait se placer du point de vue d’un « observateur objectif », comment cette dernière notion doit être définie.

51.      Ladite juridiction expose que, dans le jugement qui est attaqué devant elle, le Landgericht Düsseldorf (tribunal régional de Düsseldorf) a considéré qu’il y avait lieu de procéder objectivement à ladite évaluation et que la volonté personnelle du créateur du dessin ou modèle concerné importait peu, sauf éventuellement en tant qu’indice pour déterminer si un observateur objectif parviendrait, au terme d’un examen raisonnable, à la conclusion que seuls des impératifs de fonctionnalité technique ont déterminé le choix du design (63). Toutefois, selon les opposants à cette approche, il serait difficile d’apprécier, au cas par cas, le point de vue d’un tel « observateur objectif », c’est‑à‑dire d’une personne autre et dont l’existence n’est que théorique.

52.      S’agissant ducaractère objectif ou subjectif de l’analyseà réaliser aux fins d’appliquer l’article 8, paragraphe 1, du règlement no 6/2002, les parties au principal et les intéressés ayant présenté des observations devant la Cour s’accordent à estimer que l’intention subjective du créateur, lorsqu’il a conçu le dessin ou modèle en cause, ne saurait constituer le facteur clé permettant de déterminer si ce dessin ou modèle a été retenu en raison de considérations purement techniques. Je suis également de cet avis.

53.      En effet, une approche objective de l’analyse en question favorise une application uniforme de cette disposition, dans l’ensemble des États membres ainsi que dans toutes les juridictions de ces derniers, et elle assure davantage de prévisibilité, ce qui renforce la sécurité juridique des opérateurs économiques. Comme DOCERAM et CeramTec le notent en substance, dans l’hypothèse où l’intention supposée du concepteur constituerait l’unique critère pertinent, les déclarations faites par celui‑ci seraient à elles seules décisives pour juger si le dessin ou modèle concerné peut ou non être protégé et, en cas de litige, l’intéressé pourrait être tenté d’affirmer qu’il a choisi ce design en étant guidé par des préoccupations esthétiques, afin d’obtenir que l’exclusion prévue à l’article 8, paragraphe 1, du règlement no 6/2002 ne s’applique pas en défaveur de sa création. Il est, selon moi, essentiel que les autorités compétentes puissent se prononcer sur la base d’éléments d’appréciation non pas subjectifs, mais neutres et dénués de risque de partialité.

54.      S’agissant desmodalités à suivre pour opérer une appréciation objective du point de savoir si l’apparence d’un produit est imposée exclusivement par sa fonction technique au sens de l’article 8, paragraphe 1, du règlement no 6/2002, les positions défendues devant la Cour ne sont, en revanche, pas concordantes.

55.      À mon sens, la première problématique soulevée par la question telle que posée par la juridiction de renvoi, qui évoque la prise en compte éventuelle du « point de vue d’un “observateur objectif” », est celle de savoir s’il convient ou non de raisonner par rapport à unepersonne fictive dont l’appréciation supposée servirait d’archétype.

56.      À cet égard, CeramTec relève, tout d’abord, que l’expression « observateur objectif », qui figure tant dans le jugement attaqué devant la juridiction de renvoi que dans la seconde question préjudicielle, est inspirée de formules similaires ayant été adoptées, avec des variantes, dans la pratique décisionnelle de l’EUIPO (64) et dans la doctrine (65).

57.      Ensuite, CeramTec soutient qu’aux fins de vérifier si l’article 8, paragraphe 1, du règlement no 6/2002 est applicable, il faudrait se fonder, par analogie, sur la notion d’« utilisateur averti » qui est employée à l’article 6, paragraphe 1, à l’article 10, paragraphe 1, ainsi qu’au considérant 14 de ce règlement (66), notion telle que définie dans la jurisprudence de la Cour et du Tribunal (67). Selon cette partie, pour autant que la vérification doive être effectuée, comme en l’espèce, dans la situation particulière où tous les utilisateurs des produits concernés sont des professionnels, l’« utilisateur averti » correspondrait alors en pratique à l’« homme du métier », lequel dispose d’une expertise technique, notion utilisée pour apprécier le caractère inventif du brevet.

58.      J’estime inapproprié de suivre cette proposition. Je précise que, contrairement à ce que CeramTec prétend, le critère pertinent pour apprécier l’existence des éléments factuels, dans le cadre du règlement no 6/2002, n’est pas « toujours l’“utilisateur averti” ». En particulier, il a déjà été jugé que ce dernier n’est pas nécessairement en mesure de distinguer, au‑delà de l’expérience qu’il a accumulée du fait de l’utilisation du produit concerné, les aspects de l’apparence du produit qui sont dictés par la fonction technique de ce dernier par rapport à ceux qui sont arbitraires (68). L’application de l’article 8, paragraphe 1, du règlement no 6/2002 suppose, effectivement, de procéder à une évaluation d’ordre technique, ce qui requiert des compétences spécifiques, dont un utilisateur même « averti » ne dispose pas toujours. Partant, la perspective de l’« utilisateur averti » ne saurait, selon moi, constituer le critère de l’appréciation objective qui est requise à ce titre.

59.      À l’instar du gouvernement du Royaume‑Uni et de la Commission, je considère que si les auteurs du règlement no 6/2002 avaient voulu adopter un outil juridique tel que l’« observateur objectif », ainsi que la seconde question préjudicielle le laisse entendre, ils l’auraient mentionné dans son article 8, paragraphe 1, comme ils l’ont fait expressément, s’agissant de l’« utilisateur averti », dans les paragraphes 1 de ses articles 6 et 10 (69). D’ailleurs, je note que ledit article 8 ne fait pas non plus référence à la perception d’autres catégories de personne fictive, telles que l’« acheteur moyen potentiel », critère que DOCERAM suggère avant de l’écarter (70), ou le « consommateur moyen », facteur d’appréciation dont la Commission note qu’il a été considéré comme étant non décisif en soi pour évaluer le caractère purement technique d’une forme en matière de marques (71).

60.      Le gouvernement du Royaume‑Uni souligne, à juste titre selon moi, que les paragraphes 2 des articles 6 et 10 du règlement no 6/2002 ne se réfèrent pas à la notion théorique d’« utilisateur averti », aux fins d’apprécier le « degré de liberté du créateur dans l’élaboration du dessin ou modèle » (72), et qu’il convient d’adopter la même approche – non fictive – dans le cadre de son article 8, paragraphe 1, puisque la juridiction saisie du litige est là aussi chargée d’évaluer objectivement ce qui relève de la fonction technique du produit, élément non susceptible d’être protégé, et où a joué la liberté du concepteur, dont l’œuvre créatrice peut faire l’objet d’une protection (73). Une telle évaluation casuistique est déjà réalisée, semble‑t‑il sans difficultés majeures, par des juridictions nationales (74) et par les membres de l’OHMI, devenu l’EUIPO (75).

61.      Au demeurant, si le critère de l’« observateur objectif » devait être admis, cela soulèverait toute une série de difficultés supplémentaires pour définir cette catégorie créée de toutes pièces ainsi que la façon dont il conviendrait d’en faire usage, ne serait‑ce qu’en ce qui concerne le point de savoir quel type et quel niveau de connaissances une telle personne devrait détenir.

62.      La seconde problématique soumise à la Cour est celle consistant à identifier les éléments qui doivent faire l’objet de l’examen à réaliser, selon moi de manière tant objective que casuistique, par la juridiction saisie d’une contestation fondée sur l’article 8, paragraphe 1, du règlement no 6/2002.

63.      Je partage l’avis majoritairement exprimé dans les observations présentées devant la Cour, selon lequel il appartient au juge national saisi du litige d’apprécier objectivement et au regard de toutes les circonstances concrètes de chaque cas d’espèce si les différentes caractéristiques de l’apparence d’un produit répondent uniquement à des considérations liées à la fonctionnalité.

64.      À cet égard, selon la Commission, ledit juge devrait tenir compte de critères d’appréciation ayant été admis par la Cour en matière de marques comme permettant de présumer une valeur non purement technique de la forme, tels que « la perception [...] par le consommateur moyen [(76)], la nature de la catégorie concernée des produits, la valeur artistique de la forme en cause, la nature de la catégorie concernée des produits, la spécificité de cette forme par rapport à d’autres formes généralement présentes sur le marché concerné, la différence notable de prix par rapport à des produits similaires ou la mise au point d’une stratégie promotionnelle mettant principalement en avant les caractéristiques esthétiques du produit en cause » (77). La Commission estime que la juridiction saisie devrait aussi prendre en considération l’existence de formes alternatives qui remplissent également la fonction technique concernée, car cette existence indiquerait en principe que le créateur disposait d’une liberté dans l’élaboration des caractéristiques de l’apparence du produit et que celle‑ci n’a pas été déterminée uniquement par des contingences fonctionnelles.

65.      Dans le même esprit, DOCERAM dresse aussi une liste non limitative de critères qui pourraient être pertinents, à savoir « les circonstances liées au processus de conception, à la publicité, à l’utilisation, etc. ». Pour sa part, CeramTec soutient que le point de vue de l’« utilisateur averti », qu’elle propose – à tort selon moi (78) – de retenir comme critère de l’appréciation objective, devrait être déterminé « en tenant compte de manière approfondie de toutes les circonstances pertinentes du cas d’espèce » (79), et, notamment, « de l’objectif spécifique du fabricant au moment de la conception, d’une publicité faite au produit qui mettrait en avant le design, d’éventuelles distinctions ou d’une renommée particulière du design auprès du public pertinent, ainsi que de la volonté du concepteur au moment de la création du produit » (80).

66.      À ce sujet, je précise que l’appréciation en cause doit être effectuée par la juridiction saisie du litige, selon moi, non seulement au regard du dessin ou modèle concerné lui‑même, mais aussi au regard de l’ensemble des circonstances qui entourent le choix des caractéristiques de l’apparence de celui‑ci, compte tenu des éléments de preuve fournis par les parties, quels que soient l’objet ou la nature de ces éléments (81), ainsi que compte tenu des éventuelles mesures d’instruction ordonnées par cette juridiction.

67.      Il ne saurait être exclu, à mon avis, que des critères dont j’estime qu’ils ne peuvent pas à eux seuls permettre d’établir que les caractéristiques de l’apparence d’un produit ont été imposées exclusivement par sa fonction technique au sens de l’article 8, paragraphe 1, du règlement no 6/2002, tels que l’intention subjective du créateur ou l’existence de formes alternatives (82), puissent cependant être inclus au sein du faisceau d’indices concrets que les juges saisis doivent prendre en considération pour forger leur propre opinion concernant l’application de cette disposition.

68.      Il n’y a, selon moi, pas lieu d’établir une liste, même non exhaustive, des critères pertinents à cet égard, sachant que le législateur de l’Union n’a pas envisagé de recourir à ce procédé et qu’il m’apparaît que la Cour ne l’a pas estimé utile s’agissant de l’appréciation, également d’ordre factuel, qui doit être effectuée par ailleurs au titre de l’application des articles 4 à 6 de ce règlement.

69.      En revanche, à l’instar du gouvernement hellénique, il me paraît utile d’insister sur le fait que la juridiction saisie pourra, si besoin, effectuer l’évaluation requise en recourant à l’éclairage d’un expert indépendant qui serait désigné par celle‑ci. À ce titre, j’observe que les juges nationaux ne disposent pas forcément des qualifications, parfois hautement techniques, qui sont nécessaires à cette fin et qu’il est courant qu’ils ordonnent des mesures d’expertise lorsqu’ils sont confrontés à des questions complexes de cette nature.

70.      Par conséquent, j’estime qu’il convient de répondre à la seconde question préjudicielle que, pour évaluer si les différentes caractéristiques de l’apparence d’un produit répondent uniquement à des considérations de fonctionnalité technique, aux fins d’appliquer l’article 8, paragraphe 1, du règlement no 6/2002, il incombe à la juridiction saisie de procéder à une appréciation objective, non pas en se plaçant du point de vue – théorique – d’un « observateur objectif », mais en tenant compte – de façon concrète – de toutes les circonstances pertinentes du cas d’espèce.

V.      Conclusion

71.      Au vu des considérations qui précèdent, je propose à la Cour de répondre aux questions préjudicielles posées par l’Oberlandesgericht Düsseldorf (tribunal régional supérieur de Düsseldorf, Allemagne) de la manière suivante :

1)      L’article 8, paragraphe 1, du règlement (CE) no 6/2002 du Conseil, du 12 décembre 2001, sur les dessins ou modèles communautaires, doit être interprété en ce sens que la protection offerte par ledit règlement est exclue dès lors que les caractéristiques de l’apparence du produit en cause ont été adoptées uniquement dans le but de permettre à celui‑ci de remplir une fonction technique donnée, donc sans aucune contribution créative de son concepteur, et le fait qu’il existe éventuellement d’autres formes qui permettent d’obtenir le même résultat technique n’est pas déterminant en soi à cet égard.

2)      Afin de déterminer si les caractéristiques de l’apparence d’un produit ont été adoptées en raison de considérations attachées exclusivement à la fonction technique d’un produit, au sens dudit article 8, paragraphe 1, il convient que la juridiction saisie se prononce de façon objective, en faisant un exercice de son propre pouvoir d’appréciation qui prenne en compte toutes les circonstances pertinentes du cas d’espèce.


1      Langue originale : le français.


2      JO 2002, L 3, p. 1. Ce règlement a ultérieurement fait l’objet de quelques modifications, mais les dispositions pertinentes dans la présente affaire n’ont pas été affectées par celles-ci.


3      Le considérant 19 de ce règlement énonce également que, « [p]our être valide, un dessin ou modèle communautaire devrait être nouveau et posséder un caractère individuel par rapport à d’autres dessins ou modèles ».


4      Cette dernière expression est utilisée dans ladite question préjudicielle, tandis que la précédente figure dans les motifs de la décision de renvoi.


5      En d’autres termes, selon CeramTec, il s’agit de savoir si l’application dudit article 8, paragraphe 1, requiert impérativement « d’examiner de manière exhaustive dans le cadre de la procédure [au principal] s’il n’existe aucune alternative envisageable en termes de design ou, plus précisément, si toutes les apparences alternatives concevables aboutiraient à une fonctionnalité technique différente ou moindre, ou si le motif d’exclusion [prévu à cette disposition] est aussi applicable lorsque l’apparence est exclusivement imposée par la nécessité d’aboutir à une solution technique précise et que les considérations d’ordre esthétique étaient, par conséquent, sans importance » (souligné par mes soins).


6      Voir, notamment, les sources indiquées dans les notes en bas de page afférentes au point 20 des présentes conclusions. 


7      Voir, notamment, Ruhl, O., Gemeinschaftsgeschmacksmuster – Kommentar, Carl Heymanns Verlag, Cologne, 2e édition, 2010, p. 222, point 22. Il semble que cette approche ait aussi été prônée par le gouvernement allemand lors de la transposition d’une disposition du droit de l’Union analogue audit article 8, paragraphe 1 (voir Koschtial, U., « Design law : individual character, visibility and functionality », International Review of Intellectual Property and Competition Law, 2005, no 3, p. 308).


8      Voir Kaesmacher, D., et Duez, L., « Le nouveau règlement (CE) no 6/2002 sur les dessins ou modèles communautaires », J.T.D.E., 2002, no 92, p. 186, point 15 ; Massa, C.‑H., et Strowel, A., « Community Design : Cinderella Revamped », E.I.P.R., 2003, vol. 25 (2), p. 72, ainsi que De Visscher, F., « La protection des dessins et modèles », Guide juridique de l’entreprise, Kluwer, Bruxelles, 2e édition, 2005, point 370, où il est indiqué que le critère de la multiplicité des formes a été appliqué à l’égard de la règle de droit similaire qui existait antérieurement dans le système Benelux [voir article 2, paragraphe 1, sous a), de la loi uniforme Benelux en matière de dessins ou modèles, modifiée en dernier lieu le 20 juin 2002].


9      Voir, notamment, Passa, J., Droit de la propriété industrielle – Tome 1 : Marques et autres signes distinctifs, dessins et modèles, L.G.D.J., Paris, 2e édition, 2009, points 708 à 712, ainsi que Binctin, N., Droit de la propriété intellectuelle – Droit d’auteur, brevet, droits voisins, marque, dessins et modèles, L.G.D.J., Paris, 2e édition, 2012, point 296.


10      Sont cités deux décisions allemandes (comme suit : « OLG Düsseldorf, GRUR‑RR 2012, 200 (205) – Tablet‑PC ; LG Düsseldorf, Beck RS 2015, 05506 ») et l’arrêt de la Court of Appeal (England & Wales) (Civil Division) [Cour d’appel (Angleterre et pays de Galles) (division civile), Royaume-Uni], Landor & Hawa International Ltd/Azure Designs Ltd [2006] EWCA Civ 1285, points 30 et suiv. Je note que cette théorie a aussi été admise en Espagne [voir, notamment, décision du Juzgado de lo Mercantil no 2 de Alicante (tribunal de commerce no 2 d’Alicante, Espagne), du 28 novembre 2012, Jose Antonioy Hostel Drap SL/Napkings SL, 2e fondement juridique].


11      La juridiction de renvoi cite, entre autres, la décision de la division d’annulation de l’OHMI, du 3 avril 2007, no ICD 3150, Lindner Recyclingtech/Franssons Verkstäder, point 20. Je précise que cette décision a été réformée en appel par celle mentionnée à la note en bas de page 13 des présentes conclusions.


12      Voir, notamment, Stone, D., « Le droit européen des dessins et modèles a 10 ans », Magazine de l’OMPI, 2013, no 6, p. 18, ainsi que Brancusi, L., « Article 8 CDR », Community Design Regulation (EC) No 6/2002 – A Commentary, sous la direction de G. N. Hasselblatt, C. H. Beck, Munich, 2015, p. 137 et suiv., points 34 à 48.


13      À savoir depuis la décision de la troisième chambre de recours de l’OHMI, du 22 octobre 2009, dans l’affaire R 690/2007‑3, Lindner Recyclingtech/Franssons Verkstäder, dite « Chaff cutters ». Je souligne que cette décision a fait l’objet d’un recours et d’un pourvoi, à l’occasion desquels ni le Tribunal ni la Cour ne se sont prononcés sur l’application au fond dudit article 8 [voir ordonnances du 10 mai 2010, Franssons Verkstäder/OHMI – Lindner Recyclingtech (Broyeuses à paille), T‑98/10, non publiée, EU:T:2010:180, ainsi que du 9 septembre 2010, Franssons Verkstäder/OHMI et Lindner Recyclingtech, C‑290/10 P, non publiée, EU:C:2010:511].


14      Voir décision de l’OHMI dans l’affaire R 690/2007‑3, précitée (note en bas de page 13), points 28 et suiv., spécialement 35 et 36. Le rejet du critère des « formes alternatives » est expressément confirmé dans les directives de l’EUIPO relatives à l’examen des demandes en nullité des dessins ou modèles communautaires enregistrés, version du 1er février 2017, p. 30, point 5.3.3, citant notamment la décision de la troisième chambre de recours de l’OHMI, du 27 janvier 2016, dans les affaires jointes R 1517/2014‑3 et R 2114/2014‑3, dites « Hoses » (voir point 65). Évolution retracée par Barber Giner, T., « Estética y funcionalidad : alcance de la prohibición del diseño funcional en la legislación nacional y comunitaria », Diario La Ley, no 8422, année XXXV, 17 novembre 2014, p. 768 à 770, ainsi que Brancusi, L., « Design determined by the product’s technical function : arguments for an autonomous test », E.I.P.R., 2016, vol. 38 (1), p. 25 et suiv.


15      Voir, notamment, Greffe, F., et Greffe, P., Traité des dessins et des modèles – France, Union européenne, Suisse, continent américain, LexisNexis, Paris, 9e édition, 2014, points 155 à 186, ainsi que Raynard, J., Py, E., et Tréfigny, P., Droit de la propriété industrielle, LexisNexis, Paris, 2016, points 534 à 536.


16      Le gouvernement du Royaume‑Uni indique que l’état actuel du droit positif correspond à la décision de l’OHMI dans l’affaire R 690/2007‑3, précitée (note en bas de page 13), en visant l’arrêt de la High Court of Justice (England & Wales) [Haute Cour de justice (Angleterre et pays de Galles), Royaume-Uni] dans l’affaire Dyson Ltd/Vax [2010] EWHC 1923 (Pat), points 23 à 31.


17      La Commission estime que l’existence de designs alternatifs devrait néanmoins être prise en compte, parmi d’autres indices de la valeur esthétique de la forme à apprécier par la juridiction saisie. Voir aussi point 64 des présentes conclusions.


18      Voir, notamment, arrêts du 9 mars 2017, Pula Parking (C‑551/15, EU:C:2017:193, point 42), ainsi que du 7 septembre 2017, Schottelius (C‑247/16, EU:C:2017:638, point 31).


19      Voir points 38 et suiv. des présentes conclusions.


20      Je précise que la mention qui figure à la fin de la phrase en question dans la version en langue française dudit considérant 10, langue originale des présentes conclusions, constitue une seconde phrase dans la version en langue allemande, qui est visée par la juridiction de renvoi.


21      Voir décision de l’OHMI dans l’affaire R 690/2007‑3, précitée (note en bas de page 13), point 34.


22      Le « dessin ou modèle » y est défini comme étant « l’apparence d’un produit ou d’une partie de produit que lui confèrent, en particulier, les caractéristiques des lignes, des contours, des couleurs, de la forme, de la texture et/ou des matériaux du produit lui‑même et/ou de son ornementation ».


23      Voir citation au point 5 des présentes conclusions.


24      Aux termes de ce considérant 12, « [l]a protection ne devrait pas être étendue aux pièces qui ne sont pas visibles lors d’une utilisation normale d’un produit ni aux caractéristiques d’une pièce qui ne sont pas visibles lorsque celle‑ci est montée [...] ».


25      Le gouvernement du Royaume‑Uni a aussi utilisé le terme de « mérite », étant précisé qu’il ne figure pas dans le règlement no 6/2002, pour évoquer, comme ici, le point de savoir si le dessin ou modèle réussit effectivement à rendre le produit attrayant en raison de son apparence.


26      Voir, en ce sens, arrêt du 21 septembre 2017, Easy Sanitary Solutions et EUIPO/Group Nivelles (C‑361/15 P et C‑405/15 P, EU:C:2017:720, points 62 et suiv.).


27      Selon ledit paragraphe 1, « [l]a protection conférée par le dessin ou modèle communautaire s’étend à tout dessin ou modèle qui ne produit pas sur l’utilisateur averti une impression visuelle globale différente ».


28      Concrètement, la fonction technique peut, par exemple, tendre à assurer davantage d’adhérence, de commodité, de confort, d’efficacité ou de sécurité, par opposition à l’élaboration de formes ornementales, décoratives, esthétiques ou de fantaisie (voir Cohen, D., Le droit des dessins et modèles – Droit communautaire, droit international, droit français et autres droits étrangers, Economica, Paris, 2édition, 2004, point 65, ainsi que Greffe, F., et Greffe, P., op. cit. note en bas de page 15, point 159).


29      Voir point 19 in fine des présentes conclusions.


30      Sur certains régimes nationaux antérieurs, voir, notamment, Mouncif‑Moungache, M., Les dessins et modèles en droit de l’Union européenne, Thèse, Bruylant, Bruxelles, 2012, p. 121 et suiv.


31      Document de travail publié en juin 1991 (III/F/5131/91–FR), p. 65, point 5.4.6 : « Si un effet technique peut être atteint uniquement par une forme donnée, le dessin ou modèle ne peut être protégé. En revanche, si le créateur a le choix entre plusieurs formes pour parvenir à l’effet technique recherché, les caractéristiques en cause peuvent bénéficier de la protection. Comprise de cette manière, l’exclusion [...] correspond exactement à la dichotomie idée/expression prévue par la législation sur le droit d’auteur. Enréalité, cela signifie que, en l’absence de choix lors de la conception d’un produit en vue d’un effet déterminé, aucune créativité personnellen’intervient et, en conséquence, il n’y a rien à protéger » (souligné par mes soins).


32      Voir proposition de règlement du Parlement européen et du Conseil sur les dessins ou modèles communautaires, du 3 décembre 1993 [COM(93) 342 final, p. 70]. L’usage du terme « arbitraire » a été remis en cause par le Comité économique et social (voir avis du 22 février 1995, JO 1995, C 110, p. 14, point 5.7).


33      Aux termes du point 8.2 de l’exposé des motifs [COM(93) 342 final, p. 9], « [l]es dessins ou modèles sont les caractéristiques de l’apparence d’un produit qui peuvent être perçues par les sens. Aucun critère esthétique n’est pris en compte. Les dessins ou modèles esthétiques et fonctionnels sont protégeables sans distinction. Toutefois, les caractéristiques imposées par une fonction technique du produit et qui ne laissent aucune liberté dans la conception d’éléments arbitraires ne sont pas protégeables [...] ».


34      Selon le commentaire de cette disposition, « [l]e règlement ne fait pas de distinction entre les dessins ou modèles esthétiques et fonctionnels ; ils sont protégeables de la même manière. Dans des cas extrêmes, la forme suit la fonction sans possibilité de variation. Le créateur ne peut en l’occurrence faire valoir que le résultat est le fruit de sa créativité personnelle. Le dessin ou le modèle n’a alors aucun caractère individuel et n’ouvre pas droit à la protection. [...] La disposition n’exclut donc la protection que dans la mesure où il n’y a aucune liberté d’introduire des éléments arbitraires » [COM(93) 342 final, p. 18].


35      De même, le considérant 9 de ladite proposition vise « les dessins ou modèles produits pour répondre à une exigence fonctionnelle et ne laissant à son créateur aucune possibilité d’y inclure des caractéristiques différentes ou arbitraires » (p. 63) et le commentaire de son article 27, paragraphe 1, évoque le « cas dans lequel les caractéristiques distinctives du dessin ou modèle ne peuvent bénéficier de la protection parce qu’elles sont dictées entièrement par une fonction technique ne laissant aucune liberté de concevoir un dessin ou modèle arbitraire » (p. 27).


36      Voir proposition modifiée de règlement (CE) du Conseil sur les dessins ou modèles communautaires, du 21 juin 1999 [COM(1999) 310 final], observations relatives à l’article 9.


37      Directive du Parlement européen et du Conseil, du 13 octobre 1998 (JO 1998, L 289, p. 28).


38      Législations dont les effets sont limités au territoire de l’État membre concerné, contrairement au système instauré par le règlement no 6/2002 (voir considérants 1 à 6 de ce règlement).


39      L’article 7, paragraphe 1, de cette proposition initiale de directive, du 3 décembre 1993 [COM(93) 344 final], était libellé comme suit : « L’enregistrement d’un dessin ou modèle ne confère pas de droits dans la mesure où la réalisation d’une fonction technique ne laisse aucune liberté en ce qui concerne des caractéristiques arbitraires de l’apparence du produits » et selon son exposé des motifs, « la concurrence sera encouragée dans des secteurs où les dessins et modèles n’auront pas droit à la protection, par exemple, parce que la nécessité que le produit remplisse une fonction technique ne laisse pas de liberté au créateur » (voir p. 14 et p. 23).


40      Voir dans la proposition modifiée de directive, du 21 février 1996 [COM(96) 66 final], le commentaire de l’article 7, paragraphe 1, qui indique que « [m]ême si la question de savoir si un dessin ou modèle comporte ou non une dimension esthétique n’est pas prise en considération pour déterminer s’il remplit les conditions de la protection retenues dans la proposition, certains ont jugé nécessaire l’ajout d’une disposition prévoyant que la protection ne devrait pas être accordée dans les cas extrêmement rares où la forme est dictée par la fonction. [La] Commission a estimé qu’un énoncé plus clair s’imposait, compte tenu notamment de la proposition d’amendement du paragraphe 2 » (p. 8). Ledit article 7, paragraphe 1, vise désormais « les caractéristiques de l’apparence d’un produit qui sont exclusivement imposées par sa fonction technique », formule reprise à l’article 8, paragraphe 1, du règlement no 6/2002.


41      Voir Brancusi, L., « Article 8 CDR », op. cit. note en bas de page 12, p. 140, point 47, ainsi que la dernière approche, qualifiée « de plus flexible », évoquée dans le rapport de l’étude réalisée à la demande de la Commission, daté du 3 juin 2016, Legal review on industrial design protection in Europe, p. 89, 91 et 92.


42      Aux termes du point 8.2 de l’exposé des motifs de la proposition initiale [COM(93) 342 final, p. 9], « [...] les caractéristiques imposées par une fonction technique du produit [...] ne sont pas protégeables de manière à ne pas monopoliser les fonctions techniques par la protection d’un dessin ou modèle ».


43      Je note qu’un objectif similaire était visé par la clause de réparation figurant à l’article 110, paragraphe 1, du règlement no 6/2002, dont la formulation initiale contenait une référence aux cas où « l’apparence conditionne le dessin ou modèle protégé », laquelle a toutefois été supprimée au cours des travaux législatifs. À ce sujet, voir mes conclusions dans les affaires jointes Acacia et D’Amato (C‑397/16 et C‑435/16, EU:C:2017:730, points 38 et suiv.).


44      Voir début de la première phrase du considérant 10 du règlement no 6/2002.


45      Dans ses observations, la Commission souligne, à juste titre, que le fait d’exclure de la protection des dessins ou modèles les caractéristiques de l’apparence servant uniquement à la mise en œuvre d’une solution technique garantit la libre concurrence entre les fournisseurs de produits utilisant une telle solution technique.


46      Voir section 9 de l’exposé des motifs de la proposition initiale [COM(93) 342 final, p. 10] ainsi que considérant 7 du règlement no 6/2002.


47      La coexistence desdites réglementations est confirmée au considérant 31 et à l’article 96 du règlement no 6/2002. Voir, également, livre vert sur la protection des dessins et des modèles, op. cit. note en bas de page 31, p. 65, point 5.4.6.1.


48      Aux termes du point 8.2 de l’exposé des motifs de la proposition initiale [COM(93) 342 final, p. 9], « [...] les caractéristiques imposées par une fonction technique du produit [...] peuvent éventuellement être protégées par la législation sur les brevets ou les modèles d’utilité lorsque les conditions d’obtention d’une telle protection sont réunies ».


49      L’invention doit, en particulier, être nouvelle, impliquer une activité inventive et être susceptible d’application industrielle selon les articles 52 à 57 de la convention sur la délivrance de brevets européens, signée à Munich le 5 octobre 1973 (ci‑après la « convention de Munich »), dont le texte est accessible à l’adresse Internet suivante : http ://www.epo.org/law-practice/legal-texts/html/epc/2013/f/ma1.html.


50      À savoir 20 ans en principe pour le brevet européen (voir article 63 de la convention de Munich) et jusqu’à 25 ans pour les dessins ou modèles communautaires qui sont enregistrés (voir article 12 du règlement no 6/2002), comme tel est le cas dans le litige au principal.


51      Voir point 19 in fine des présentes conclusions.


52      Voir, également, décision de l’OHMI dans l’affaire R 690/2007‑3, précitée (note en bas de page 13), points 28 et 30, ainsi que Brancusi, L., « Article 8 CDR », op. cit. note en bas de page 12, p. 136 et 137, point 33.


53      Conformément à l’article 5, paragraphe 2, du règlement no 6/2002, selon lequel un dessin ou modèle est considéré comme identique à un dessin ou modèle déjà existant, et donc n’est pas protégeable, lorsque leurs caractéristiques ne diffèrent que par des détails insignifiants.


54      Voir notes en bas de page 59 et 61 des présentes conclusions.


55      Sur les différences existant entre la protection offerte par les marques et celle offerte par les dessins ou modèles, en ce qui concerne tant leur nature et leur portée que leur durée respectives, voir conclusions de l’avocat général Ruiz‑Jarabo Colomer dans l’affaire Philips (C‑299/99, EU:C:2001:52, points 36 à 38).


56      Voir l’article 3, paragraphe 1, sous e), deuxième tiret, de la première directive 89/104/CEE du Conseil, du 21 décembre 1988, rapprochant les législations des États membres sur les marques (JO 1989, L 40, p. 1), devenu l’article 3, paragraphe 1, sous e), ii), de la directive 2008/95/CE du Parlement européen et du Conseil, du 22 octobre 2008, rapprochant les législations des États membres sur les marques (JO 2008, L 299, p. 25), ainsi que l’article 7, paragraphe 1, sous e), ii) du règlement (CE) no 40/94 du Conseil, du 20 décembre 1993, sur la marque communautaire (JO 1994, L 11, p. 1), devenu l’article 7, paragraphe 1, sous e), ii), du règlement (CE) no 207/2009 du Conseil, du 26 février 2009, sur la marque de l’Union européenne (JO 2009, L 78, p. 1).


57      Les dispositions relatives au droit des marques susmentionnées (voir note en bas de page 56) visent non pas les « caractéristiques [...] exclusivement imposées par [la] fonction technique [du produit] », mais « la forme [de celui‑ci] nécessaire à l’obtention d’un résultat technique ». L’avocat général Ruiz‑Jarabo Colomer a estimé que cette différence n’avait rien d’arbitraire et qu’elle induisait que le niveau de « fonctionnalité » doive être supérieur pour permettre de constater le motif d’exclusion en matière de dessins ou modèles, l’élément pris en compte à cet égard devant être non pas seulement nécessaire, mais indispensable pour obtenir un résultat technique précis, de sorte que la fonction impose la forme. Selon lui, cela signifiait qu’un modèle fonctionnel pourrait néanmoins être digne de protection s’il est démontré que la même fonction technique peut être obtenue par une forme différente (voir ses conclusions dans l’affaire Philips, C‑299/99, EU:C:2001:52, point 34). Je ne partage pas cet avis, étant précisé que celui‑ci a été émis dans le cadre d’un obiter dictum (voir décision de l’OHMI dans l’affaire R 690/2007‑3, précitée à la note en bas de page 13, point 28) et que la Cour n’a pas pris position au sujet des dessins ou modèles dans l’arrêt du 18 juin 2002, Philips (C‑299/99, EU:C:2002:377).


58      Le règlement no 40/94 sur la marque communautaire a constitué un « héritage » que les auteurs du règlement no 6/2002 ont pris en compte comme base de rédaction (voir Hiance, M., « Le projet de règlement communautaire sur les dessins et modèles : les enjeux », Revue internationale de la propriété industrielle et artistique, 2000, no 201, p. 100).


59      Voir, notamment, s’agissant de l’article 3, paragraphe 1, sous e), de la directive 2008/95, arrêt du 16 septembre 2015, Société des Produits Nestlé (C‑215/14, EU:C:2015:604, points 44, 45 et 55), ainsi que, s’agissant de l’article 7, paragraphe 1, sous e), ii), du règlement no 40/94, arrêt du 10 novembre 2016, Simba Toys/EUIPO (C‑30/15 P, EU:C:2016:849, points 39 et 53).


60      Voir points 38 et suiv. des présentes conclusions.


61      Voir, s’agissant de l’article 3, paragraphe 1, sous e), deuxième tiret, de la directive 89/104, arrêt du 18 juin 2002, Philips (C‑299/99, EU:C:2002:377, points 81 à 84) ; s’agissant de l’article 3, paragraphe 1, sous e), de la directive 2008/95, arrêt du 16 septembre 2015, Société des Produits Nestlé (C‑215/14, EU:C:2015:604, point 56), ainsi que, s’agissant de l’article 7, paragraphe 1, sous e), ii), du règlement no 40/94, arrêt du 14 septembre 2010, Lego Juris/OHMI (C‑48/09 P, EU:C:2010:516, points 53 à 58).


62      En faveur d’une analogie avec la position adoptée par la Cour en matière de marques, voir, notamment, Greffe, F., et Greffe, P., op. cit. note en bas de page 15, points 182 et 183, ainsi que Raynard, J., Py, E., et Tréfigny, P., op. cit. note en bas de page 15, point 536.


63      La juridiction de renvoi note que la décision de l’OHMI dans l’affaire R 690/2007‑3, précitée (note en bas de page 13), a adopté cette approche.


64      En particulier, le point 36 de la décision de l’OHMI dans l’affaire R 690/2007‑3, précitée (note en bas de page 13), fait référence au point de vue d’un « reasonable observer » (« observateur raisonnable » en langue française).


65      CeramTec évoque les expressions « relevant observer » (« observateur pertinent » en langue française) et « reasonable observer persona » (« observateur raisonnable ») qui sont utilisées, respectivement, par Brancusi, L., « Article 8 CDR », op. cit. note en bas de page 12, p. 139, point 41, et dans le rapport de l’étude réalisée à la demande de la Commission, op. cit. note en bas de page 41, p. 90.


66      Articles 6 et 10 relatifs, respectivement, au « caractère individuel » que doit présenter le dessin ou modèle concerné (de même que le considérant 14) et à l’« étendue de la protection » conférée par le règlement no 6/2002.


67      La notion d’« utilisateur averti » est « une notion intermédiaire entre celle de consommateur moyen, applicable en matière de marques, auquel il n’est demandé aucune connaissance spécifique et qui, en général, n’effectue pas de rapprochement direct entre les marques en conflit, et celle d’homme de l’art, [applicable en matière de brevets, lequel est un] expert doté de compétences techniques approfondies. [Elle] peut s’entendre comme désignant un utilisateur doté [...] d’une vigilance particulière, que ce soit en raison de son expérience personnelle ou de sa connaissance étendue du secteur considéré » (souligné par mes soins) (voir, notamment, arrêts du 20 octobre 2011, PepsiCo/Grupo Promer Mon Graphic, C‑281/10 P, EU:C:2011:679, points 53 et 59, ainsi que du 21 septembre 2017, Easy Sanitary Solutions et EUIPO/Group Nivelles (C‑361/15 P et C‑405/15 P, EU:C:2017:720, points 124 et 125).


68      Voir, notamment, arrêts du Tribunal du 22 juin 2010, Shenzhen Taiden/OHMI – Bosch Security Systems (Équipement de communication) (T‑153/08, EU:T:2010:248, points 47 et 48) ; du 21 novembre 2013, El Hogar Perfecto del Siglo XXI/OHMI – Wenf International Advisers (Tirebouchon)El Hogar Perfecto del Siglo XXI/OHMI – Wenf International Advisers (Tirebouchon) (T‑337/12, EU:T:2013:601, point 25), ainsi que du 12 mars 2014, Tubes Radiatori/OHMI – Antrax It (Radiateur) (T‑315/12, non publié, EU:T:2014:115, point 61). Cette analyse, récurrente, du Tribunal est bien fondée à mon avis.


69      À ce sujet, voir, notamment, commentaire de l’article 6, paragraphe 1, de la proposition initiale de règlement [COM(93) 342 final, p. 15].


70      Selon DOCERAM, un tel acheteur détiendra souvent un savoir professionnel moins important, concernant le domaine technique auquel appartient le produit, que par exemple le concepteur ou le fabricant, ce qui pourrait avoir pour conséquence que les fonctions techniques de certaines caractéristiques de l’apparence soient perçues, à tort, comme des caractéristiques esthétiques.


71      Elle cite, en ce sens, les points 33 à 35 de l’arrêt du 18 septembre 2014, Hauck (C‑205/13, EU:C:2014:2233), qui portent sur l’article 3, paragraphe 1, sous e), de la directive 89/104. Selon la Commission, dès lors que l’objectif de cette disposition est comparable à celui poursuivi par l’article 8, paragraphe 1, du règlement no 6/2002, il est logique d’appliquer également dans le cadre de ce dernier des critères similaires aux fins d’apprécier la conception de l’apparence d’un produit au‑delà des contraintes techniques. À ce sujet, voir aussi points 43 et suiv. des présentes conclusions.


72      Même si les conditions énoncées respectivement aux paragraphes 1 et aux paragraphes 2 desdits articles 6 et 10 sont complémentaires, comme l’indique le considérant 14 de ce règlement. En effet, dans le cadre de l’appréciation concrète de l’impression globale des dessins ou modèles en cause sur l’utilisateur averti, il y a lieu de tenir compte du degré de liberté dont le créateur a disposé lors de l’élaboration du dessin ou modèle contesté, sachant que plus ladite liberté est restreinte, plus des différences mineures entre ces dessins ou modèles pourront suffire à produire une impression globale différente sur l’utilisateur [voir, notamment, arrêts du 18 mars 2010, Grupo Promer Mon Graphic/OHMI – PepsiCo (Représentation d’un support promotionnel circulaire), T‑9/07, EU:T:2010:96, points 72 et suiv., ainsi que du 5 juillet 2017, Gamet/EUIPO – « Metal–Bud II » Robert Gubała (Poignée de porte), T‑306/16, non publié, EU:T:2017:466, points 43 et suiv.].


73      Je note que dans sa proposition initiale de règlement [COM(93) 342 final, p. 19], la Commission indiquait que le paragraphe 2 de ce qui est devenu l’article 10 du règlement no 6/2002 avait « pour objet de donner aux juges des orientations dans les actions en contrefaçon » (souligné par mes soins). Elle ajoutait que « [d]es dessins ou modèles extrêmement fonctionnels pour lesquels le créateur doit respecter des paramètres précis auront probablement plus de similitudes entre eux que des dessins ou modèles pour lesquels le créateur est tout à fait libre. C’est pourquoi [ce] paragraphe 2 consacre le principe selon lequel la liberté du créateur doit être prise en considération pour apprécier la similitude entre un dessin ou modèle et un autre existant antérieurement » (souligné par mes soins).


74      Le gouvernement du Royaume‑Uni cite, en ce sens, l’arrêt de la Court of Appeal (England & Wales) (Civil Division) [Cour d’appel (Angleterre et pays de Galles) (division civile)], Dyson Ltd/Vax [2011] EWCA Civ 1206, point 36.


75      À titre d’exemple, voir l’analyse réalisée par la division d’annulation de l’OHMI dans sa décision du 17 mars 2014, dans l’affaire no ICD 8674, Extruplast/PVG Energy BV, point 17 : « [l]e créateur sait que le degré de liberté dans l’élaboration du dessin ou modèle des bidons est limité par de nombreuses contraintes liées à sa destination, à savoir, dans le cas que nous examinons, de contenir, transporter et stocker des liquides. [...] En l’occurrence, le choix d’une croix en forme d’hélice arrondi au‑dessus, la largeur de ses pales, son agencement tant au‑dessus qu’au‑dessous, les rainures larges pour son gerbage, la disposition des cartouches, leur forme et grosseur ou finesse, les rainures et leur nombre donne[nt] au [dessin ou modèle communautaire en cause] une esthétique particulière mais aussi une apparence plus recherchée non dictées uniquement par leur fonction technique ».


76      Même si ce critère ne serait pas déterminant à lui seul (voir point 59 des présentes conclusions).


77      À ce sujet, la Commission se réfère aux points 34 et 35 de l’arrêt du 18 septembre 2014, Hauck (C‑205/13, EU:C:2014:2233). Voir aussi note en bas de page 71 des présentes conclusions.


78      Voir points 57 et suiv. des présentes conclusions.


79      En ce sens, CeramTec cite, entre autres, Ruhl, O., Gemeinschaftsgeschmacksmuster – Kommentar, op. cit. note en bas de page 7, point 10.


80      Les gouvernements hellénique et du Royaume‑Uni se sont, pour leur part, abstenus de dresser de telles listes de critères d’appréciation.


81      Étant précisé que la charge de prouver que les conditions inhérentes à l’article 8, paragraphe 1, du règlement no 6/2002 sont réunies dans un cas d’espèce pèse logiquement sur la partie qui entend se prévaloir de l’exception énoncée à cette disposition.


82      Aucun de ces critères n’étant décisif en soi pour les raisons indiquées, respectivement, au point 53 et aux points 23 et suiv. des présentes conclusions.