Language of document : ECLI:EU:T:2023:509

DOCUMENT DE TRAVAIL

ARRÊT DU TRIBUNAL (deuxième chambre)

6 septembre 2023 (*)

« Marque de l’Union européenne – Procédure d’opposition – Demande de marque de l’Union européenne verbale TRUE SKIN – Marque de l’Union européenne figurative antérieure TRUE – Motif relatif de refus – Risque de confusion – Article 8, paragraphe 1, sous b), du règlement (UE) 2017/1001 »

Dans l’affaire T‑576/22,

Bora Creations, SL, établie à Andratx (Espagne), représentée par Mes R. Lange et M. Ebner, avocats,

partie requérante,

contre

Office de l’Union européenne pour la propriété intellectuelle (EUIPO), représenté par Mme P.-F. Karamolegkou et M. D. Gája, en qualité d’agents,

partie défenderesse,

l’autre partie à la procédure devant la chambre de recours de l’EUIPO, intervenant devant le Tribunal, étant

True Skincare Ltd, établie à Ascot (Royaume-Uni), représentée par Me M. Rieger-Jansen, avocate,

LE TRIBUNAL (deuxième chambre),

composé de Mme A. Marcoulli (rapporteure), présidente, MM. S. Frimodt Nielsen et R. Norkus, juges,

greffier : M. V. Di Bucci,

vu la phase écrite de la procédure,

vu l’absence de demande de fixation d’une audience présentée par les parties dans le délai de trois semaines à compter de la signification de la clôture de la phase écrite de la procédure et ayant décidé, en application de l’article 106, paragraphe 3, du règlement de procédure du Tribunal, de statuer sans phase orale de la procédure,

rend le présent

Arrêt

1        Par son recours fondé sur l’article 263 TFUE, la requérante, Bora Creations, SL, demande l’annulation de la décision de la cinquième chambre de recours de l’Office de l’Union européenne pour la propriété intellectuelle (EUIPO) du 21 juin 2022 (affaire R 1712/2021-5) (ci-après la « décision attaquée »).

 Antécédents du litige

2        Le 20 décembre 2019, la requérante a présenté à l’EUIPO une demande d’enregistrement de marque de l’Union européenne pour le signe verbal TRUE SKIN.

3        La marque demandée désignait les produits relevant, après la limitation intervenue au cours de la procédure devant l’EUIPO, de la classe 3 au sens de l’arrangement de Nice concernant la classification internationale des produits et des services aux fins de l’enregistrement des marques, du 15 juin 1957, tel que révisé et modifié, et correspondant  à la description suivante : « Cosmétiques décoratifs ; crayons à usage cosmétique ; poudre teintée ; poudres pour le visage ; rouge à joues ; produits de maquillage ; correcteurs ; bases de maquillage ; fonds de teint ; fonds de teint pour la peau ; base pour le teint ».

4        Le 3 avril 2020, l’intervenante, True Skincare Ltd, a formé opposition à l’enregistrement de la marque demandée pour les produits visés au point 3 ci-dessus.

5        L’opposition était fondée sur la marque de l’Union européenne figurative antérieure, reproduite ci-après, désignant des produits relevant de la classe 3 et correspondant à la description suivante : « Cosmétiques ; savons ; produits de parfumerie ; nécessaires de produits de beauté ; bains moussants [à usage cosmétique] ; sels de bain, non à usage médical ; lotions, gels, huiles, laits et crèmes pour le corps, le visage et le soin de la peau ; crèmes et huiles de nuit ; baumes labiaux [non médicamenteux] ; cérats pour la bouche ; préparations pour le soin de la peau ; crèmes pour les pieds non médicinales ; crèmes cosmétiques pour les mains ; crèmes pour les yeux ; crèmes raffermissantes pour la peau ; préparations cosmétiques pour le raffermissement de la peau ; hydratants, lotions toniques, produits nettoyants et crèmes anti-âge ainsi que préparations de soin anti-âge pour la peau ; cosmétiques organiques ; cosmétiques autres qu’à usage médical ; produits lavants et exfoliants pour le visage et le corps ; lotions toniques pour le visage [cosmétiques] ; masques pour le visage et pour le corps ; sérums pour le visage ; sérum pour le corps ; produits nettoyants pour la peau ; gels ; soins hydratants ; préparations au collagène ; préparations de peeling pour le visage ; extraits de plantes à usage cosmétique ; lingettes et serviettes à usage cosmétique ; lingettes nettoyantes imprégnées de cosmétiques ; écrans totaux ; préparations, huiles et lotions d’écrans solaires avec facteur de protection solaire ; protections solaires pour les lèvres ; lotion après-soleil ; huiles pour ongles ; traitements pour durcir les ongles ; produit nettoyant pour brosses cosmétiques ; produits de soin pour les enfants ; lotions pour bébés, shampooings, savons, bains moussants [à usage cosmétique] ; talc pour bébés ; huiles pour bébés ; lingettes pour bébés ; colorants pour cheveux ; teintures pour la barbe ; huiles, baumes, lotions et teintures pour la barbe ; baume pour les cheveux ; produits avant-rasage ; produits de rasage ; baumes, lotions, mousses, savons, crèmes, gels et huiles de rasage ; baumes, après-rasage ; lotions après-rasage ; aucun n’étant des adhésifs pour la pose de faux-ongles » :

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6        Le motif invoqué à l’appui de l’opposition était celui visé à l’article 8, paragraphe 1, sous b), du règlement (UE) 2017/1001 du Parlement européen et du Conseil, du 14 juin 2017, sur la marque de l’Union européenne (JO 2017, L 154, p. 1).

7        Le 5 août 2021, la division d’opposition a fait droit à l’opposition.

8        Le 4 octobre 2021, la requérante a formé un recours auprès de l’EUIPO contre la décision de la division d’opposition.

9        Par la décision attaquée, la chambre de recours a rejeté le recours au motif qu’il existait un risque de confusion dans l’esprit d’une partie significative du public hispanophone, au sens de l’article 8, paragraphe 1, sous b), du règlement 2017/1001.

 Conclusions des parties

10      La requérante conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        annuler la décision attaquée ;

–        condamner l’EUIPO et l’intervenante aux dépens.

11      L’EUIPO conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        rejeter le recours ;

–        condamner la requérante aux dépens en cas de convocation des parties à une audience.

12      L’intervenante conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        rejeter le recours ;

–        condamner la requérante aux dépens.

 En droit

13      La requérante invoque un moyen unique, tiré de la violation de l’article 8, paragraphe 1, sous b), du règlement 2017/1001. Elle soutient, en substance, que la chambre de recours a commis une erreur d’appréciation en concluant à l’existence d’un risque de confusion.

14      Aux termes de l’article 8, paragraphe 1, sous b), du règlement 2017/1001, sur opposition du titulaire d’une marque antérieure, la marque demandée est refusée à l’enregistrement lorsque, en raison de son identité ou de sa similitude avec une marque antérieure et en raison de l’identité ou de la similitude des produits ou des services que les deux marques désignent, il existe un risque de confusion dans l’esprit du public du territoire sur lequel la marque antérieure est protégée. Le risque de confusion comprend le risque d’association avec la marque antérieure.

15      Constitue un risque de confusion le risque que le public puisse croire que les produits ou les services en cause proviennent de la même entreprise ou d’entreprises liées économiquement. Le risque de confusion doit être apprécié globalement, selon la perception que le public pertinent a des signes et des produits ou des services en cause, et en tenant compte de tous les facteurs pertinents en l’espèce, notamment de l’interdépendance de la similitude des signes et de celle des produits ou des services désignés [voir arrêt du 9 juillet 2003, Laboratorios RTB/OHMI – Giorgio Beverly Hills (GIORGIO BEVERLY HILLS), T‑162/01, EU:T:2003:199, points 30 à 33 et jurisprudence citée].

16      Lorsque la protection de la marque antérieure s’étend à l’ensemble de l’Union européenne, il y a lieu de prendre en compte la perception des marques en conflit par le consommateur des produits en cause sur ce territoire. Toutefois, il convient de rappeler que, pour refuser l’enregistrement d’une marque de l’Union européenne, il suffit qu’un motif relatif de refus au sens de l’article 8, paragraphe 1, sous b), du règlement 2017/1001 existe dans une partie de l’Union [voir, en ce sens, arrêt du 14 décembre 2006, Mast-Jägermeister/OHMI – Licorera Zacapaneca (VENADO avec cadre e.a.), T‑81/03, T‑82/03 et T‑103/03, EU:T:2006:397, point 76 et jurisprudence citée].

17      En l’espèce, la requérante ne conteste pas les conclusions de la chambre de recours selon lesquelles les produits visés par les signes en conflit sont identiques et la marque antérieure dispose d’un caractère distinctif intrinsèque normal. Aucun élément du dossier ne permet de remettre en cause ces conclusions.

 Sur le public pertinent

18      Dans le cadre de l’appréciation globale du risque de confusion, il convient de prendre en compte le consommateur moyen de la catégorie de produits concernée, normalement informé et raisonnablement attentif et avisé. Il y a également lieu de prendre en considération le fait que le niveau d’attention du consommateur moyen est susceptible de varier en fonction de la catégorie de produits ou de services en cause [voir arrêt du 13 février 2007, Mundipharma/OHMI – Altana Pharma (RESPICUR), T‑256/04, EU:T:2007:46, point 42 et jurisprudence citée].

19      En l’espèce, la chambre de recours a considéré que, dans la mesure où la marque antérieure était une marque de l’Union européenne, le territoire pertinent aux fins de l’examen du risque de confusion était celui de l’Union. Toutefois, la chambre de recours a approuvé et suivi l’approche de la division d’opposition consistant à concentrer l’examen du risque de confusion sur la partie hispanophone du public pertinent et, plus particulièrement, sur la partie de celui-ci qui ne comprenait pas l’anglais. En ce qui concerne la composition du public pertinent et son niveau d’attention, la chambre de recours a considéré qu’il était composé du grand public qui faisait preuve d’un niveau d’attention au moins moyen.

20      La requérante ne conteste pas la conclusion de la chambre de recours selon laquelle le public pertinent est composé du grand public, doté d’un niveau d’attention au moins moyen. Aucun élément du dossier ne permet de remettre en cause cette appréciation.

21      En revanche, la requérante considère que la chambre de recours a commis une erreur d’appréciation en limitant son examen à la partie hispanophone du public pertinent.

22      L’EUIPO et l’intervenante contestent les arguments de la requérante.

23      À cet égard, ainsi qu’il ressort de la jurisprudence rappelée au point 16 ci-dessus, il suffit, pour refuser l’enregistrement d’une marque de l’Union européenne, qu’un motif relatif de refus au sens de l’article 8, paragraphe 1, sous b), du règlement 2017/1001 existe dans une partie de l’Union. Par conséquent, contrairement à ce que soutient la requérante, la chambre de recours n’a pas commis d’erreur d’appréciation en concentrant, implicitement pour des raisons d’économie de procédure, son examen sur le public hispanophone qui ne comprenait pas l’anglais, lequel constituait, ainsi que l’a indiqué la chambre de recours sans que cela ne soit contesté par la requérante, une partie non négligeable du public pertinent hispanophone.

24      L’invocation par la requérante d’une prétendue impossibilité de décomposer tout élément verbal au sein de la marque antérieure et d’analyser l’existence d’un risque de confusion sur la base de la signification d’un mot fictif dans une langue de l’Union ne saurait remettre en cause la possibilité pour la chambre de recours de concentrer son appréciation sur la perception d’une partie du public pertinent de l’Union.

25      Par conséquent, la chambre de recours n’ayant pas commis d’erreur d’appréciation en concentrant son examen sur la partie hispanophone du public pertinent qui ne comprend pas l’anglais, il n’y a pas lieu d’examiner les arguments de la requérante fondés sur le public anglophone.

 Sur la comparaison des signes

26      L’appréciation globale du risque de confusion doit, en ce qui concerne la similitude visuelle, phonétique ou conceptuelle des signes en conflit, être fondée sur l’impression d’ensemble produite par ceux-ci, en tenant compte, notamment, de leurs éléments distinctifs et dominants. La perception des marques qu’a le consommateur moyen des produits ou des services en cause joue un rôle déterminant dans l’appréciation globale dudit risque. À cet égard, le consommateur moyen perçoit normalement une marque comme un tout et ne se livre pas à un examen de ses différents détails (voir arrêt du 12 juin 2007, OHMI/Shaker, C‑334/05 P, EU:C:2007:333, point 35 et jurisprudence citée).

27      L’appréciation de la similitude entre deux marques ne peut se limiter à prendre en considération uniquement un composant d’une marque complexe et à le comparer avec une autre marque. Il y a lieu, au contraire, d’opérer la comparaison en examinant les marques en cause, considérées chacune dans son ensemble, ce qui n’exclut pas que l’impression d’ensemble produite dans la mémoire du public pertinent par une marque complexe puisse, dans certaines circonstances, être dominée par un ou plusieurs de ses composants (voir arrêt du 12 juin 2007, OHMI/Shaker, C‑334/05 P, EU:C:2007:333, point 41 et jurisprudence citée). Ce n’est que si tous les autres composants de la marque sont négligeables que l’appréciation de la similitude pourra se faire sur la seule base de l’élément dominant (arrêt du 12 juin 2007, OHMI/Shaker, C‑334/05 P, EU:C:2007:333, point 42). Tel pourrait notamment être le cas lorsque ce composant est susceptible de dominer à lui seul l’image de cette marque que le public pertinent garde en mémoire, de telle sorte que tous les autres composants de la marque sont négligeables dans l’impression d’ensemble produite par celle-ci (arrêt du 20 septembre 2007, Nestlé/OHMI, C‑193/06 P, non publié, EU:C:2007:539, point 43).

 Sur la perception de la marque antérieure

28      La chambre de recours a constaté que la marque antérieure était composée d’un élément figuratif, représentant six triangles reliés entre eux, ainsi que d’un élément de plus grande taille, placé dessous, qui était lu comme le mot « true ».

29      La requérante fait valoir que le public hispanophone qui ne comprend pas l’anglais ne perçoit pas l’élément « true » de la marque antérieure comme renvoyant au terme anglais « true », qui n’a aucun sens pour lui. Selon elle, ce public perçoit cet élément comme renvoyant au terme « tre » et l’assimile au mot espagnol « tres », mal orthographié, qui signifie « trois ».

30      L’EUIPO et l’intervenante contestent les arguments de la requérante.

31      Tout d’abord, il importe de relever qu’il est constant entre les parties que le caractère situé en deuxième position dans l’élément « true » de la marque antérieure est perçu par le public pertinent comme la lettre majuscule « R ».

32      Ensuite, s’agissant du caractère situé en troisième position dans l’élément « true » de la marque antérieure, la requérante allègue, en substance, que celui-ci est ignoré par le public hispanophone qui ne comprend pas l’anglais, dès lors que le terme anglais « true » n’a aucun sens pour lui.

33      À cet égard, il est constant entre les parties que le public hispanophone qui ne comprend pas l’anglais ne perçoit pas la signification du terme anglais « true ». En effet, il y a lieu de constater, d’une part, qu’il n’est pas évident que le mot « true » fasse partie du vocabulaire de base de l’anglais susceptible d’être compris par une grande partie des consommateurs dans l’Union et, d’autre part, ainsi que l’a relevé la chambre de recours, que ce mot ne ressemble pas à son équivalent en espagnol, à savoir « verdadero ».

34      S’il est vrai que, confrontés à une marque constituée de composants stylisés, les consommateurs tenteront de les identifier de telle manière à ce que le signe aboutisse à un mot ou à une juxtaposition de mots chargés de sens pour eux, il ne saurait cependant en être déduit systématiquement qu’il faut que le public pertinent reconnaisse l’élément verbal dans son ensemble pour pouvoir considérer qu’il percevra un composant stylisé comme une lettre spécifique [voir, en ce sens, arrêt du 9 février 2017, zero/EUIPO – Hemming (ZIRO), T‑106/16, non publié, EU:T:2017:67, point 31].

35      Or, en l’espèce, étant donné que le troisième caractère de l’élément « true » se trouve entre, d’une part, la lettre majuscule « T » suivie de la lettre majuscule stylisée « R » et, d’autre part, la lettre majuscule « E » et qu’il partage, avec ces lettres, le même aspect stylistique, le public hispanophone qui ne comprend pas l’anglais essaiera de comprendre ce caractère comme une lettre. Il en va d’autant plus ainsi que le consommateur moyen est pleinement habitué à ce que les éléments verbaux des marques soient composés de lettres stylisées [voir arrêt du 30 novembre 2011, SE-Blusen Stenau/OHMI – Sport Eybl & Sports Experts (SE© SPORTS EQUIPMENT), T‑477/10, non publié, EU:T:2011:707, point 32 et jurisprudence citée].

36      Dès lors, ainsi que l’a relevé la chambre de recours, s’il ne saurait être exclu qu’une partie du public hispanophone ne comprenant pas l’anglais puisse percevoir le troisième caractère de l’élément « true » de la marque antérieure comme les lettres majuscules stylisées « O » ou « D », une partie significative de ce public constatera, dans le contexte d’ensemble de ladite marque et malgré la présence d’une ligne horizontale additionnelle, la ressemblance frappante de ce caractère avec la lettre majuscule « U ». Au demeurant, la requérante relève elle-même que ledit caractère peut être perçu, entre autres, comme la lettre majuscule « U ».

37      Partant, contrairement à ce que prétend la requérante et sans qu’il y ait lieu d’examiner la recevabilité de cette argumentation en tant qu’elle serait nouvelle ainsi que le soutient l’intervenante, la chambre de recours n’a pas commis d’erreur d’appréciation en considérant qu’une partie importante du public hispanophone qui ne comprend pas l’anglais lira la partie inférieure du signe antérieur comme le mot « true ».

 Sur les éléments distinctifs et dominants des signes en conflit

38      Selon la jurisprudence, pour déterminer le caractère distinctif d’un élément composant une marque, il y a lieu d’apprécier l’aptitude plus ou moins grande de cet élément à contribuer à identifier les produits ou les services pour lesquels la marque a été enregistrée comme provenant d’une entreprise déterminée et donc à distinguer ces produits ou ces services de ceux d’autres entreprises. Lors de cette appréciation, il convient de prendre en considération notamment les qualités intrinsèques de l’élément en cause au regard de la question de savoir si celui-ci est ou non dénué de tout caractère descriptif des produits ou des services pour lesquels la marque a été enregistrée [ordonnance du 3 mai 2018, Siberian Vodka/EUIPO – Schwarze und Schlichte (DIAMOND ICE), T‑234/17, non publiée, EU:T:2018:259, point 38].

39      Aux fins d’apprécier le caractère dominant d’un ou de plusieurs composants déterminés d’une marque complexe, il convient de prendre en compte, notamment, les qualités intrinsèques de chacun de ses composants en les comparant à celles des autres composants. En outre, et de manière accessoire, peut être prise en compte la position relative des différents composants dans la configuration de la marque complexe [voir arrêt du 8 février 2007, Quelle/OHMI – Nars Cosmetics (NARS), T‑88/05, non publié, EU:T:2007:45, point 58 et jurisprudence citée].

40      S’agissant de la marque antérieure, la chambre de recours a considéré que l’élément figuratif, représentant six triangles reliés entre eux, n’était pas négligeable. Néanmoins, elle a rappelé qu’un élément figuratif était moins distinctif qu’un élément verbal, et a considéré que le consommateur se concentrerait davantage sur l’élément verbal « true », lequel présente un caractère distinctif normal pour le public hispanophone ne comprenant pas l’anglais.

41      Quant à la marque demandée, la chambre de recours a, de la même manière, estimé que l’élément « true » présentait un caractère distinctif normal pour le public hispanophone ne comprenant pas l’anglais. S’agissant de l’élément « skin », elle a indiqué qu’une partie significative de ce même public percevrait que ce terme signifie « peau », malgré le fait qu’il s’agit d’un terme anglais, dès lors qu’il était fréquemment utilisé dans le contexte des produits compris dans la classe 3. Elle a donc considéré que l’élément « skin » possédait, pour une partie significative du public hispanophone ne comprenant pas l’anglais, un caractère distinctif tout au plus faible. Elle en a conclu que l’élément « true » de la marque demandée, qui figurait en outre dans sa partie initiale, constituait l’élément le plus distinctif de ladite marque.

42      Il convient de relever que la requérante ne conteste pas l’appréciation de la chambre de recours portant sur le caractère distinctif des éléments composant la marque demandée. À cet égard, aucun élément du dossier ne permet de remettre en cause cette appréciation.

43      En revanche, s’agissant de la marque antérieure, la requérante soutient, en substance, que la chambre de recours a fondé son analyse des éléments qui la composent sur la prémisse erronée que l’élément « true » constitue un élément verbal. Elle considère que, compte tenu de sa stylisation, cet élément ne peut pas être perçu comme un élément verbal et que l’élément figuratif représentant six triangles reliés entre eux est, à tout le moins, codominant avec l’élément « true ».

44      L’EUIPO et l’intervenante contestent les arguments de la requérante.

45      Premièrement, s’agissant de l’argument de la requérante selon lequel l’élément stylisé « true » de la marque antérieure n’est pas un élément verbal, il suffit de relever qu’il a déjà été constaté au point 37 ci-dessus que le public pertinent percevra cet élément, malgré sa stylisation, comme un élément verbal renvoyant au terme « true ».

46      Par ailleurs, la requérante semble faire valoir, au soutien de cet argument, que la stylisation de l’élément « true » de la marque antérieure détourne l’attention du consommateur de l’élément verbal « true », car, dans le cas contraire, ladite marque n’aurait pas pu être enregistrée en raison du caractère descriptif du terme « true » pour le public anglophone. À cet égard, il suffit de rappeler que la requérante ne saurait, dans le cadre d’une procédure d’opposition, invoquer le fait que l’EUIPO aurait dû soulever un motif absolu de refus à l’encontre de l’enregistrement de la marque antérieure. En effet, il convient de rappeler que les motifs absolus de refus visés à l’article 7 du règlement 2017/1001 n’ont pas à être examinés dans le cadre d’une procédure d’opposition et que cet article ne figure pas parmi les dispositions par rapport auxquelles la légalité de la décision attaquée doit être appréciée [voir, en ce sens, arrêt du 8 octobre 2015, Benediktinerabtei St. Bonifaz/OHMI – Andechser Molkerei Scheitz (Genuß für Leib & Seele KLOSTER Andechs SEIT 1455), T‑78/14, non publié, EU:T:2015:768, point 59 et jurisprudence citée].

47      Par conséquent, contrairement à ce que prétend la requérante et sans qu’il soit nécessaire d’examiner si cet argument est un argument nouveau ainsi que le soutient l’intervenante, la chambre de recours a considéré à juste titre, dans le cadre de son appréciation des éléments distinctifs et dominants de la marque antérieure, que cette marque constituait une marque complexe, composée d’un élément figuratif et d’un élément verbal.

48      Deuxièmement, s’agissant de l’argument de la requérante selon lequel l’élément figuratif de la marque antérieure, représentant six triangles reliés entre eux, serait, à tout le moins, de même importance que l’élément verbal « true », il est vrai, ainsi que l’a constaté la chambre de recours et le soutient la requérante, que cet élément figuratif n’est pas négligeable dans l’impression d’ensemble de la marque antérieure. En effet, compte tenu de sa forme, de sa taille et de sa position au sein de celle-ci, il ne peut être considéré comme étant purement décoratif.

49      Toutefois, ainsi que l’a relevé la chambre de recours, le consommateur se concentrera avant tout sur l’élément dénominatif en tant que point de référence, puisque lorsqu’une marque est composée d’éléments verbaux et figuratifs, les premiers sont, en principe, plus distinctifs que les seconds, car le consommateur moyen fera plus facilement référence au produit en cause en citant le nom qu’en décrivant l’élément figuratif de la marque [arrêt du 14 juillet 2005, Wassen International/OHMI – Stroschein Gesundkost (SELENIUM-ACE), T‑312/03, EU:T:2005:289, point 37].

50      En outre, il convient de rappeler que, aux fins de l’appréciation d’un risque de confusion, la chambre de recours a apprécié la perception des signes en conflit du point de vue du public hispanophone qui ne comprenait pas l’anglais et qui, comme indiqué au point 33 ci-dessus, ne percevrait pas le sens du terme anglais « true ». Dès lors, pour la partie du public hispanophone ne comprenant pas l’anglais, l’élément « true » jouissait d’un caractère distinctif normal.

51      Partant, il résulte de ce qui précède que la chambre de recours n’a pas commis d’erreur d’appréciation en constatant que, en ce qui concerne la marque antérieure, le public hispanophone qui ne comprenait pas l’anglais accorderait moins d’importance à l’élément figuratif de ladite marque qu’à son élément « true », ce dernier étant plus distinctif.

 Sur la similitude visuelle, phonétique et conceptuelle

52      La chambre de recours a considéré que les signes en conflit présentaient un degré de similitude inférieur à la moyenne sur le plan visuel et un degré de similitude moyen sur le plan phonétique. Sur le plan conceptuel, elle a considéré que la comparaison entre lesdits signes était neutre ou qu’il n’existait aucune différence conceptuelle pertinente susceptible de permettre d’établir une distinction entre ces signes.

53      La requérante soutient que des erreurs d’appréciation ont été commises lors de la comparaison des signes en conflit. En particulier, la chambre de recours a, selon elle, considéré à tort que lesdits signes en conflit avaient en commun l’élément « true ».

54      L’EUIPO et l’intervenante contestent les arguments de la requérante.

55      En premier lieu, en ce qui concerne l’argument de la requérante selon lequel les signes en conflit ne partagent pas l’élément verbal « true », celui-ci est fondé sur la prémisse selon laquelle le public pertinent hispanophone qui ne comprend pas l’anglais ne perçoit pas, dans la marque antérieure, cet élément verbal. Or, ainsi que le Tribunal l’a constaté au point 37 ci-dessus, cette prémisse est erronée.

56      Dès lors, contrairement à ce que prétend la requérante et sans qu’il soit nécessaire d’examiner si cet argument est nouveau ainsi que le soutient l’intervenante, il convient de constater que la chambre de recours a considéré à juste titre que les signes en conflit avaient l’élément verbal « true » en commun.

57      En deuxième lieu, en ce qui concerne la similitude visuelle, il convient de rappeler que, selon une jurisprudence constante, lorsqu’une marque figurative comportant des éléments verbaux est comparée, sur le plan visuel, à une marque verbale, les marques sont jugées similaires sur ce plan si elles ont en commun un nombre significatif de lettres dans la même position et si l’élément verbal du signe figuratif n’est pas hautement stylisé, nonobstant la représentation graphique des lettres dans des polices de caractères différentes, en italiques ou en caractères gras, en minuscules ou en majuscules, ou encore en couleur [voir, en ce sens, arrêt du 9 septembre 2019, SLL Service/EUIPO – Elfa International (LUMIN8), T‑680/18, non publié, EU:T:2019:565, point 32 et jurisprudence citée].

58      En l’espèce, l’élément verbal « true » de la marque antérieure, malgré la stylisation des lettres majuscules « R » et « U », reste lisible. Dès lors, à l’instar de la chambre de recours, il doit être relevé que le seul élément verbal de la marque antérieure, à savoir l’élément « true », est entièrement compris dans la marque demandée. Or, le fait que l’élément dominant de la marque antérieure est entièrement inclus dans la marque demandée est de nature à créer une forte ressemblance tant visuelle que phonétique entre les marques en conflit [voir, en ce sens, arrêt du 14 juin 2018, Lion’s Head Global Partners/EUIPO – Lion Capital (LION’S HEAD global partners), T‑310/17, non publié, EU:T:2018:344, point 31 et jurisprudence citée].

59      En outre, l’élément commun « true » figure dans la partie initiale de la marque demandée, à laquelle le public pertinent prête, généralement, plus d’attention [voir, en ce sens, arrêt du 7 septembre 2006, Meric/OHMI – Arbora & Ausonia (PAM-PIM’S BABY-PROP), T‑133/05, EU:T:2006:247, point 51].

60      Dans ces conditions, contrairement à ce que prétend la requérante, ni l’existence au sein de la marque demandée d’un autre élément verbal, à savoir l’élément « skin », qui est tout au plus faiblement distinctif, ni la présence au sein de la marque antérieure d’un élément figuratif, moins distinctif que l’élément verbal, ne sont de nature à contrebalancer la similitude visuelle résultant de l’élément commun « true ».

61      En troisième lieu, en ce qui concerne la similitude phonétique, c’est également à juste titre que la chambre de recours a constaté que les signes en conflit coïncidaient en raison de la présence de l’élément verbal commun « true », lequel est l’unique élément verbal de la marque antérieure.

62      Or, il convient de rappeler que, selon la jurisprudence citée au point 58 ci-dessus, le fait que l’élément dominant de la marque antérieure soit entièrement inclus dans la marque demandée est de nature à créer une forte ressemblance tant visuelle que phonétique entre les marques en conflit.

63      En outre, ainsi que l’a indiqué la chambre de recours, l’élément figuratif de la marque antérieure n’a aucune incidence sur la comparaison phonétique, ce qui n’est, au demeurant, pas contesté par la requérante.

64      Quant aux différences phonétiques entre les signes en conflit liées à la présence, dans la marque demandée, de l’élément verbal « skin », à savoir leur longueur et leur nombre de syllabes, contrairement à ce que la requérante se borne à alléguer, la présence de cet élément n’a qu’un impact limité sur la comparaison phonétique compte tenu de son caractère tout a plus faiblement distinctif.

65      En quatrième lieu, en ce qui concerne la similitude conceptuelle, la chambre de recours a relevé, d’une part, que la marque antérieure n’avait pas de signification pour le public hispanophone ne comprenant pas l’anglais et, d’autre part, que le concept véhiculé par l’élément « skin » de la marque demandée, qui serait compris comme se référant à la peau, avait une incidence limitée compte tenu de son caractère tout au plus faiblement distinctif. Elle a conclu que les signes en conflit ne pouvaient pas être comparés sur le plan conceptuel ou que la comparaison conceptuelle restait neutre.

66      En l’espèce, il y a lieu de relever que, pour le public hispanophone ne comprenant pas l’anglais, la marque antérieure ne véhicule aucune signification particulière, tandis que la marque demandée est associée au concept de « peau » en raison de l’élément verbal « skin ». Or, il convient de rappeler que lorsque l’une des marques en conflit présente une signification aux yeux du public pertinent et que l’autre marque en est dépourvue, il doit être constaté que les marques en cause présentent des différences sur le plan conceptuel [voir arrêt du 9 novembre 2022, Pharmadom/EUIPO – Wellstat Therapeutics (WELLMONDE), T‑601/21, non publié, EU:T:2022:687, point 47 et jurisprudence citée].

67      Dans ces circonstances, bien que le concept de la marque demandée soit véhiculé par un élément tout au plus faiblement distinctif, à savoir l’élément « skin », la requérante soutient à juste titre que les signes en conflit sont différents sur le plan conceptuel.

68      Il résulte de ce qui précède que si les arguments de la requérante ne permettent pas d’établir que la chambre de recours a commis une erreur d’appréciation en considérant que les signes en conflit étaient similaires à un degré inférieur à la moyenne sur le plan visuel et à un degré moyen sur le plan phonétique, en revanche, il convient de considérer que la chambre de recours a commis une erreur d’appréciation en concluant que la comparaison conceptuelle desdits signes restait neutre, alors qu’il doit être considéré qu’ils sont différents sur le plan conceptuel. L’incidence de cette erreur d’appréciation sera appréciée lors de l’examen global du risque de confusion.

 Sur le risque de confusion

69      L’appréciation globale du risque de confusion implique une certaine interdépendance des facteurs pris en compte et, notamment, de la similitude des marques et de celle des produits ou des services désignés. Ainsi, un faible degré de similitude entre les produits ou les services désignés peut être compensé par un degré élevé de similitude entre les marques, et inversement (arrêts du 29 septembre 1998, Canon, C‑39/97, EU:C:1998:442, point 17, et du 14 décembre 2006, VENADO avec cadre e.a., T‑81/03, T‑82/03 et T‑103/03, EU:T:2006:397, point 74).

70      En l’espèce, la chambre de recours a conclu à l’existence d’un risque de confusion dans l’esprit du public hispanophone ne comprenant pas l’anglais, qui faisait preuve d’un degré d’attention moyen, au regard de l’identité des produits en cause, du caractère distinctif intrinsèque moyen de la marque antérieure, de la similitude visuelle inférieure à la moyenne et de la similitude phonétique moyenne des signes en conflit, ainsi du fait que la comparaison conceptuelle restait neutre ou qu’il n’existait aucun différence conceptuelle pertinente susceptible de permettre d’établir une distinction entre les signes en conflit.

71      À cet égard, d’une part, la requérante fait valoir que la marque antérieure n’est pas essentiellement perçue comme la marque verbale « true », mais que c’est la représentation figurative de cette marque qui rend celle-ci distinctive puisque, si tel n’était pas le cas, ladite marque n’aurait pas pu être enregistrée en raison du caractère descriptif du terme « true » pour le public anglophone. Toutefois, il convient de relever que cet argument est similaire à celui exposé au point 46 ci-dessus et doit donc, pour les raisons déjà indiquées à ce point, être écarté.

72      D’autre part, s’agissant de la comparaison conceptuelle, que la chambre de recours a considéré à tort comme étant neutre, alors que les signes en conflit diffèrent sur le plan conceptuel, force est de constater que cette erreur d’appréciation n’emporte pas de conséquences dans le cadre de l’analyse du risque de confusion. En effet, ainsi que l’a relevé la chambre de recours et comme le Tribunal l’a constaté au point 67 ci-dessus, le concept est véhiculé par l’un des deux éléments verbaux de la marque demandée, à savoir l’élément « skin » qui est compris comme se référant à la peau et qui présente tout au plus un caractère faiblement distinctif pour les produits en cause, de sorte que la différence conceptuelle ne peut neutraliser la similitude globale existant entre les signes en conflit.

73      Par conséquent, en dépit de l’erreur d’appréciation commise en ce qui concerne la comparaison conceptuelle des signes en conflit et bien que lesdits signes présentent certaines différences, il convient de constater que, au terme d’une appréciation globale, c’est à juste titre que la chambre de recours a conclu à l’existence d’un risque de confusion, au sens de l’article 8, paragraphe 1, sous b), du règlement 2017/1001, dans l’esprit du public pertinent.

74      Il résulte de l’ensemble de ce qui précède que le moyen unique doit être rejeté et, partant, le recours dans son ensemble.

 Sur les dépens

75      Aux termes de l’article 134, paragraphe 1, du règlement de procédure du Tribunal, toute partie qui succombe est condamnée aux dépens, s’il est conclu en ce sens.

76      La requérante ayant succombé, il y a lieu de la condamner aux dépens exposés par l’intervenante, conformément aux conclusions de cette dernière. En revanche, l’EUIPO n’ayant conclu à la condamnation de la requérante aux dépens qu’en cas de convocation des parties à une audience, il convient, en l’absence d’organisation d’une audience, de décider que l’EUIPO supportera ses propres dépens.

Par ces motifs,

LE TRIBUNAL (deuxième chambre)

déclare et arrête :

1)      Le recours est rejeté.

2)      Bora Creations, SL supportera, outre ses propres dépens, ceux exposés par True Skincare Ltd.

3)      L’Office de l’Union européenne pour la propriété intellectuelle (EUIPO) supportera ses propres dépens.

Marcoulli

Frimodt Nielsen

Norkus

Ainsi prononcé en audience publique à Luxembourg, le 6 septembre 2023.

Signatures


*      Langue de procédure : l’anglais.